Séance du
jeudi 28 janvier 2010 à
17h
57e
législature -
1re
année -
4e
session -
17e
séance
PL 10203-A
Premier débat
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, actuellement, lors d'une demande de lecture d'un courrier, cette dernière est acceptée si elle reçoit le soutien de vingt députés. Ce projet de loi vise à ce qu'une telle demande ne soit désormais approuvée que si elle est soutenue par la majorité des députés présents.
La majorité de la commission a considéré que ce n'était pas une bonne idée, puisque ce projet de loi constitue une atteinte au droit de parole de la minorité et que la lecture des courriers est appréciée non seulement par l'ensemble des députés, mais surtout par leurs expéditeurs qui sont contents de voir leur lettre lue publiquement. De plus, la commission a demandé quelques statistiques au secrétariat général du Grand Conseil et a appris que la moyenne du temps passé à la lecture des courriers en 2006-2007 représentait environ quatre minutes par séance plénière. La commission a jugé que ces quatre minutes n'étaient pas celles qui retardaient le plus nos travaux et vous encourage donc à rejeter ce projet de loi.
M. Eric Leyvraz (UDC). Nous avons le privilège de pouvoir présenter des projets de lois. Il semble que nous devrions en user avec sagesse et réflexion, vu nos ordres du jour surchargés. Eh bien, certains ne l'ont pas encore compris et encombrent inutilement et pour des objets sans urgence ces ordres du jour. Ce projet de loi radical en est l'exemple. La lecture d'un courrier représente pour chacun et surtout pour la minorité la possibilité de faire entendre sa voix. Il faut quand même le soutien de vingt personnes pour qu'une demande de lecture soit acceptée ! Il est dit dans le rapport le peu de temps nécessaire par plénière pour lire ces lettres: quatre minutes. Souvent, d'ailleurs, il est demandé que les lectures soient faites au point de l'ordre du jour concerné, ce qui les rend tout à fait raisonnables et permet aux citoyens ayant écrit ces courriers de se sentir écoutés. Notre règlement du Grand Conseil ne doit surtout pas être changé sur ce point, qui défend l'idée que nous nous faisons des débats démocratiques. Qu'on cesse de nous engloutir sous une foule d'objets inutiles ! Consacrons-nous plutôt à changer certaines règles de notre fonctionnement que je trouve scandaleuses, par exemple la rétribution des rapports de minorité, lesquels, pour deux lignes, sont payés le même montant que les rapports de majorité qui, eux, demandent des heures, voire des semaines de travail. Tous les Bureaux se sont cassé les dents sur ce sujet.
En conclusion, l'UDC n'entrera pas en matière sur ce projet de loi et vous demande d'en faire de même.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG va s'opposer à ce projet de loi. L'argument des libéraux et des radicaux consiste à dire que l'on gagnerait du temps. Cela a été relevé, je ne vais pas tout répéter, nous consacrons quatre minutes en moyenne par séance à la lecture des courriers, donc il n'est vraiment pas sérieux de déposer un projet de loi de la sorte, qui ne ferait en outre que museler une fois de plus les groupes minoritaires ou qui ne sont pas alliés à d'autres. Pour ces motifs, nous refuserons ce projet de loi.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Pour les raisons déjà évoquées, nous allons refuser ce projet de loi. Mais si je prends la parole maintenant, c'est pour vous dire combien le groupe socialiste regrette la dérive dans laquelle tombe actuellement le parlement, dérive qui vise à limiter de plus en plus le temps de parole des minorités. J'en veux pour preuve les projets de lois pour lesquels on propose systématiquement maintenant des débats organisés, et la majorité - et parfois une très large majorité, qui représente presque l'unanimité du parlement - accepte qu'on limite et qu'on muselle le débat. Je le regrette d'autant plus que, quand nous avions discuté de modifier le règlement du Grand Conseil lors de la précédente législature, il y avait eu un consensus au sein de la commission des droits politiques, lequel consistait à dire que, pour les projets de lois, il n'y aurait pas de débat organisé. Compte tenu des dérives actuelles, le parti socialiste va très prochainement vous proposer un projet de loi afin de modifier notre règlement. (Applaudissements.)
M. Charles Selleger (R). J'aimerais rendre hommage à Jean-Marc Odier, auteur de ce projet de loi et ancien député de notre groupe, qui s'est beaucoup occupé au cours de la précédente législature de rédiger des projets de lois pour accélérer les travaux de notre Conseil qui, comme chacun peut le constater, souffre d'un retard endémique et grave. Ce PL 10203 fait partie d'une série de projets, il ne faut pas l'isoler; il est clair que, à lui tout seul, il ne va pas tout résoudre. Ce projet de loi demande bien modestement que la lecture d'un courrier soit soutenue non pas par vingt députés seulement, mais par la majorité des députés présents. Bien sûr, comme je l'ai dit, le retard du Grand Conseil sera certes amélioré par ce projet de loi, mais pas d'une manière significative; les autres projets de lois venaient soutenir celui-ci. En outre, il y a un point qu'il ne faut pas oublier, c'est que les lectures de courrier se font en général dans l'indifférence, voire dans le chahut, et que cela n'ajoute pas vraiment aux travaux de notre parlement.
Mesdames et Messieurs les députés, je ne prolongerai pas mon intervention, conscient justement de la nécessité de gagner un peu de temps et de travailler utilement. Je conclurai donc en vous disant que le groupe radical vous engage vivement à corriger l'erreur de jugement de la majorité de la commission et à accepter maintenant ce projet de loi.
Des voix. Très bien !
Mme Fabienne Gautier (L). Je constate une chose très amusante: ce PL 10203, dont l'entrée en matière a été refusée par la commission, a été traité en commission des droits politiques en 2008 et arrive aujourd'hui en plénière, au moment où l'on vient de voter en commission des droits politiques un projet de loi visant à améliorer nos travaux en plénière. Le PL 10203 a précisément pour but d'améliorer nos travaux en plénière, et je ne vois pas où le droit démocratique ne serait pas respecté, dès lors qu'un courrier qui arrive au Grand Conseil obtient une réponse de ce dernier. Et cette réponse est publique, me semble-t-il, puisque vous la retrouvez sauf erreur sur le site du Grand Conseil. En revanche, je trouve qu'infliger à l'expéditeur du courrier, s'il suit les débats, de constater que lors de la lecture de son courrier il y a un brouhaha infernal de cette assemblée - parce qu'en général c'est dans un tel environnement que sont lus les courriers - c'est un non-respect total de l'expéditeur, un non-respect total de cette démocratie qu'on essaie pourtant de respecter. Pour toutes ces raisons, les libéraux soutiendront donc l'entrée en matière de ce projet de loi.
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, si l'on peut saluer la volonté du groupe radical - et en particulier de Jean-Marc Odier - d'améliorer le fonctionnement de notre parlement, ce n'est clairement pas la lecture des courriers qui fait que le travail parlementaire ne s'effectue pas suffisamment rapidement. Il est évident que nous avons à améliorer notre fonctionnement, notamment dans la gestion des débats, qui sont souvent beaucoup trop longs et confus. Et contrairement à ce que dit Mme Emery-Torracinta, je pense qu'il y a matière à limiter ces débats, pas seulement pour la minorité, mais également pour la majorité, et je crois que nous aurons à réfléchir à un meilleur fonctionnement. Mais ce n'est pas en modifiant les conditions requises pour qu'un courrier soit lu que nous arriverons à améliorer les choses. Le groupe démocrate-chrétien refusera donc ce projet de loi 10203.
Mis aux voix, le projet de loi 10203 est rejeté en premier débat par 51 non contre 30 oui et 1 abstention.