Séance du
lundi 7 décembre 2009 à
17h
57e
législature -
1re
année -
2e
session -
9e
séance
Séance extraordinaire
Prestation de serment du Conseil d'Etat
La séance est ouverte à 17h en la cathédrale Saint-Pierre, sous la présidence de M. Guy Mettan, président.
Prennent place sur le podium:
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, conseiller d'Etat chargé du département de la solidarité et de l'emploi;
M. Mark Muller, vice-président du Conseil d'Etat, conseiller d'Etat chargé du département des constructions et des technologies de l'information;
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat chargé du département des affaires régionales, de l'économie et de la santé;
M. Charles Beer, conseiller d'Etat chargé du département de l'instruction publique, de la culture et du sport;
M. David Hiler, conseiller d'Etat chargé du département des finances;
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat chargée du département de la sécurité, de la police et de l'environnement;
Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat chargée du département de l'intérieur et de la mobilité.
M. Guy Mettan, président du Grand Conseil;
M. Renaud Gautier, premier vice-président du Grand Conseil;
Mme Catherine Baud, deuxième vice-présidente du Grand Conseil;
Mme Elisabeth Chatelain, membre du Bureau;
M. Charles Selleger, membre du Bureau;
M. Eric Bertinat, membre du Bureau;
M. Eric Stauffer, membre du Bureau;
Mme Maria Anna Hutter, sautier du Grand Conseil. (Mme Maria Anna Hutter porte la masse du sautier.)
M. Daniel Zappelli, procureur général;
M. Louis Peila, président de la Cour de justice;
M. Pierre-Christian Weber, président de la Cour de cassation;
M. David Robert, président du Tribunal de première instance;
Mme Anne-Marie Barone, présidente du Tribunal tutélaire et de la justice de paix;
Mme Laure Bovy, présidente du Tribunal administratif;
Mme Fabienne Proz-Jeanneret, présidente du Tribunal de la jeunesse;
Mme Juliana Baldé, présidente du Tribunal cantonal des assurances sociales;
Mme Monica Bonfanti, cheffe de la police.
(Pendant l'entrée des autorités et jusqu'à ce que toutes les personnes prenant place sur le podium soient installées, M. François Delor, organiste de la cathédrale, interprète successivement l'Ouverture et l'Allegro (extraits du concerto de Judas Maccabaeus) de Georges Frédéric Haendel, ainsi que le Largo alla Haendel de Otto Barblan.)
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Veuillez vous asseoir ! (L'assemblée s'assied.)
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Marcel Borloz, Mathilde Captyn et Thierry Cerutti, députés.
Appel nominal des députés
Le président. Je prie Mme Catherine Baud, deuxième vice-présidente du Grand Conseil, de procéder à l'appel nominal.
Mmes et MM. Céline Amaudruz (UDC), David Amsler (L), Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), Claude Aubert (L), Christophe Aumeunier (L), Guillaume Barazzone (PDC), Antoine Barde (L), Gabriel Barrillier (R), Catherine Baud (Ve), Christian Bavarel (Ve), Jacques Béné (L), Eric Bertinat (UDC), Antoine Bertschy (UDC), Loly Bolay (S), Roberto Broggini (Ve), Irène Buche (S), Beatriz de Candolle (L), Prunella Carrard (S), Alain Charbonnier (S), Elisabeth Chatelain (S), Pierre Conne (R), Edouard Cuendet (L), Serge Dal Busco (PDC), Christian Dandrès (S), Fabien Delaloye (MCG), Roger Deneys (S), René Desbaillets (L), Antoine Droin (S), Michel Ducret (R), Anne Emery-Torracinta (S), Marie-Thérèse Engelberts (MCG), Marc Falquet (UDC), Jean-Louis Fazio (S), Emilie Flamand (Ve), Stéphane Florey (UDC), Nathalie Fontanet (L), Michel Forni (PDC), Sophie Forster Carbonnier (Ve), Fabiano Forte (PDC), Florian Gander (MCG), Morgane Gauthier (Ve), Fabienne Gautier (L), Renaud Gautier (L), Aurélie Gavillet (S), François Gillet (PDC), Jean-François Girardet (MCG), Roger Golay (MCG), Jean-Michel Gros (L), François Haldemann (R), Esther Hartmann (Ve), Serge Hiltpold (L), Frédéric Hohl (R), Christo Ivanov (UDC), Jacques Jeannerat (R), Claude Jeanneret (MCG), Olivier Jornot (L), Patricia Läser (R), François Lefort (Ve), Eric Leyvraz (UDC), Miguel Limpo (Ve), Pierre Losio (Ve), Patrick Lussi (UDC), Anne Mahrer (Ve), Vincent Maitre (PDC), Christina Meissner (UDC), Guy Mettan (PDC), Alain Meylan (L), Philippe Morel (PDC), Marie Salima Moyard (S), Sylvia Nissim (Ve), Olivier Norer (Ve), Pascal Pétroz (PDC), Sandro Pistis (MCG), Mauro Poggia (MCG), André Python (MCG), Henry Rappaz (MCG), Jacqueline Roiz (Ve), Dominique Rolle (MCG), Jean Romain (R), Patrick Saudan (R), Guillaume Sauty (MCG), Olivier Sauty (MCG), Philippe Schaller (PDC), Brigitte Schneider-Bidaux (Ve), Lydia Schneider Hausser (S), Nathalie Schneuwly (R), Charles Selleger (R), Christine Serdaly Morgan (S), Ivan Slatkine (L), Pascal Spuhler (MCG), Eric Stauffer (MCG), Manuel Tornare (S), Jean-Marie Voumard (MCG), Francis Walpen (L), Pierre Weiss (L), Daniel Zaugg (L), Hugo Zbinden (Ve).
Discours du président du Grand Conseil
Le président. Monsieur le président du Conseil d'Etat,
Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat,
Monsieur le procureur général,
Messieurs les députés aux Chambres fédérales,
Madame et Messieurs les juges fédéraux,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités judiciaires,
Madame et Messieurs les magistrats de la Cour des comptes,
Mesdames et Messieurs les membres de l'Assemblée constituante,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités communales,
Monsieur le chancelier d'Etat,
Madame et Messieurs les anciens conseillers d'Etat,
Mesdames et Messieurs les anciens présidents du Grand Conseil,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités ecclésiastiques, universitaires et militaires,
Monsieur le directeur général de l'office des Nations Unies à Genève,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations internationales,
Mesdames et Messieurs les représentants des corps diplomatique et consulaire,
Monsieur le président du Conseil d'Etat du canton de Vaud, Monsieur le chancelier d'Etat,
Messieurs les représentants des autorités de la France voisine,
Mesdames et Messieurs,
Chères concitoyennes, chers concitoyens,
Si nous sommes rassemblés ici ce soir, c'est bien sûr pour introniser le nouveau gouvernement de notre république. Dès qu'il aura prêté serment, le Conseil d'Etat élu va prendre ses fonctions et, comme le dit la formule, diriger nos destinées. Mais si nous sommes ici, c'est aussi, et surtout, pour répondre, tous ensemble, à une question: quelle Genève voulons-nous ?
Par la vertu de notre démocratie, la réponse à cette question ne dépend pas d'un seul homme, ni d'une seule femme, ni même d'un seul parti, mais d'une multitude d'opinions, de sensibilités, d'intérêts qui se partagent le pouvoir tant au gouvernement qu'au parlement. C'est dans ce choc contradictoire, c'est dans cette confrontation institutionnelle permanente, dans ces coalitions disparates qui font le charme discret et pas toujours lisible de notre démocratie, qu'il faut scruter pour dégager les grandes lignes de force des politiques à établir, un peu comme le faisaient les haruspices romains, qui auscultaient les entrailles des boeufs sacrifiés pour interpréter les chances de succès de la nouvelle législature.
Quelles sont donc les grandes lignes de force qui se dégagent des débats de ces derniers mois ?
La tendance lourde la plus spectaculaire est que Genève a retrouvé le goût d'oser, le désir d'avancer, l'envie de s'ouvrir, la passion de construire et d'abattre les barrières physiques et mentales qui l'enserraient dans son petit territoire géographique. Genève a décidé de tourner le dos aux blocages, à la paralysie, au marasme et au déclin, elle veut plus de logements, plus de trams, plus d'emplois, elle veut des trains, des écoles, des centres de recherche, des organisations internationales et des entreprises de pointe. Elle veut aussi des églises, des temples, des synagogues et des mosquées car elle souhaite préserver sa diversité culturelle, qu'elle considère comme une richesse et non comme une entrave à son développement.
Les résultats des récentes votations, qui ont vu les Genevois accepter massivement la construction du CEVA avec Annemasse et refuser tout aussi largement d'interdire les minarets, sont parfaitement clairs et constituent des bases solides pour construire notre avenir.
Dans cette perspective, deux projets revêtent une importance particulière: la construction de l'agglomération franco-valdo-genevoise et la mise en valeur du quartier Praille-Acacias-Vernets-Jonction.
En plébiscitant les infrastructures de l'agglomération transfrontalière, Genève a renoué avec la grande tradition de ses ancêtres, de ceux qui, au XIXe siècle, ont détruit les murailles qui confinaient la ville dans ses remparts du XVIe siècle. Genève s'est alors projetée dans la modernité. Elle renouvelle aujourd'hui cet acte fondateur en décidant de créer le premier projet structurel de coopération avec ses voisins vaudois et français. Pendant des siècles, Genève s'est en effet méfiée de ses proches voisins. Elle a raté plusieurs occasions de nouer une collaboration franche et entière avec eux. Aujourd'hui, le pas a été franchi et le changement est historique.
Mais construire des rails et des routes ne suffit pas: encore faut-il accompagner ces travaux de la gouvernance politique adéquate. La région qui se crée ne peut plus se contenter d'un pilotage intermittent ni de voler sans instruments. Sa gestion ne peut pas non plus être abandonnée aux technocrates, sous peine de générer des réactions de rejet, comme les a vécues l'Union européenne avec le Traité de Lisbonne. La peur du frontalier français côté suisse et la méfiance à l'égard des Suisses côté français doivent être interprétées comme un besoin de dialoguer, un besoin de se confronter avec l'autre. Et ce besoin ne peut s'incarner, en démocratie, que dans un échange entre élus.
La région doit donc, comme toutes les communautés humaines en gestation, se doter d'un organe exécutif et d'un organe parlementaire chargés d'assurer le débat démocratique. C'est pourquoi nous allons prendre l'initiative d'organiser en mai prochain, après les élections régionales françaises, les premières assises d'élus transfrontaliers. Ces assises réuniront les élus de la région franco-valdo-genevoise dans le but d'examiner la manière et les moyens que nos démocraties respectives mettent à notre disposition pour construire la région. La France ayant décidé de considérer la région genevoise comme une métropole transfrontalière, et cette métropole ayant accueilli par le passé les plus grands esprits des Lumières, Rousseau, Voltaire et Benjamin Constant, pourquoi ne pas tenter d'y créer le premier parlement régional transfrontalier d'Europe ?
Le second axe concerne le projet Praille-Acacias-Vernets-Jonction. Bien mené, ce projet peut faire basculer tout le centre de gravité de notre canton. Il est donc d'importance. Mais encore faut-il l'empoigner par le bon bout. Car il ne s'agit pas seulement d'y construire des logements, mais aussi d'y conduire des projets phares, susceptibles de rassembler de larges soutiens et de susciter de l'enthousiasme. Car on ne mobilise pas la population, on ne construit pas le XXIe siècle à coups de PLQ - plans localisés de quartier - pardonnez-moi ce mot si horrible. On bâtit le futur en proposant des projets emblématiques qui tirent le pays en avant et qui le font rêver. Deux projets au moins pourraient réussir ce pari. Celui d'une cité du savoir capable de mobiliser nos jeunes autour de la formation, de la recherche et du développement, des entreprises innovantes et de la finance de pointe, comme les Vaudois ont su le faire autour de l'EPFL et les Bâlois avec le Campus Novartis. Le projet du cerveau à la Jonction est un début prometteur mais encore largement insuffisant.
Une autre idée serait d'installer dans ce quartier le futur centre administratif du canton, avec l'ensemble des administrations publiques en dehors des fonctions purement exécutives et législatives qui resteraient à la Vieille-Ville. Rien n'interdit non plus de songer à des projets culturels. Dans tous les cas, il convient de faire preuve d'audace, d'imagination, de vision afin d'incarner ce projet dans un urbanisme novateur sur le plan esthétique comme sur le plan de l'environnement.
Et enfin, pour parachever la construction de la région, il faut faire avancer rapidement la traversée du lac et la construction de la 3e voie CFF avec Lausanne. Cela permettra enfin de mettre en place cette paix des transports qui gardera le trafic privé à l'extérieur de la ville et de transformer le centre-ville en quartier commerçant et de loisirs.
Mais cette volonté de construire et d'aller de l'avant engendre de fortes tensions, qu'il serait sot de nier, surtout quand elles se trouvent aggravées par la crise économique. Il est de notre devoir d'entendre ces appels et de répondre aux sentiments légitimes de peur qu'elles suscitent.
La sécurité est sans doute le droit de l'Homme le plus fondamental. Quand le droit à la sécurité n'est pas garanti, les hommes et les femmes ne peuvent ni travailler, ni nourrir leur famille, ni se réunir librement. L'insécurité, c'est la loi de la jungle et le triomphe du plus fort. L'insécurité est donc une question sérieuse, qu'il convient de traiter à la racine. Cette racine, c'est la peur, la peur du dealer, du trafiquant, la peur de l'étranger et du frontalier, et c'est aussi la peur d'être abandonné à son sort et le sentiment que son sort vaut moins que celui du voisin.
Pour répondre à cette crainte, il n'y a qu'une solution: appliquer la loi, rien que la loi, mais toute la loi de façon ferme et égale pour tous. Le sentiment d'impunité ne doit jamais prévaloir, ni le sentiment d'une justice à deux vitesses, qui serait clémente avec les criminels et impitoyable avec les honnêtes citoyens. Mais pour appliquer la loi de façon ferme et juste, le débat politique ne doit pas être kidnappé par les partis. Il faut aussi que la coopération entre la justice, la police et les autorités pénitentiaires joue pleinement. Et il faut encore que la coopération entre les institutions, le pouvoir judiciaire, le Conseil d'Etat et le Grand Conseil soit pleine et entière. Or, c'est rarement le cas chez nous. A Genève, le parlement se mêle parfois d'exécutif, l'exécutif empiète sur les compétences du législatif et la justice adresse des remontrances à la police, tandis que les uns et les autres règlent leurs comptes par journaux interposés. Pour que le système fonctionne, chaque partie doit faire le ménage chez elle et rester dans son propre rôle.
Pour lutter contre la peur, il convient enfin d'appliquer les grands principes de la justice sociale et de l'équité. Justice dans les rapports de travail, entre patrons et employés. Le travail au noir et les écarts de salaires qui voient certains patrons gagner en un mois ce qu'un travailleur gagne en vingt ans sont scandaleux. Egalité face à l'emploi, de manière que les chances soient égales pour tous et soient basées sur la compétence et la motivation, et non sur l'origine sociale, la langue ou la couleur de peau.
Justice, solidarité et fraternité sont les éléments essentiels de la cohésion sociale. Régis Debray a raison d'insister sur la fraternité. Dans une période d'exacerbation des communautarismes, où chaque groupe, chaque minorité revendique une place meilleure que l'autre dans la course universelle aux subventions publiques et à la visibilité médiatique, un zeste de modestie et beaucoup de fraternité aident à faire triompher les valeurs communes plutôt que les intérêts particuliers. Il est temps de passer du «Je», du «Moi» omniprésent, au «Nous».
«Quelle Genève voulons-nous ?» était la question posée au départ. En conclusion, nous croyons pouvoir dire que la Genève que nous voulons est celle de la confiance, de l'audace, du pari sur l'avenir, de l'ouverture aux autres, proches et lointains. La Genève que nous voulons est une Genève qui avance, qui bâtit, qui travaille ensemble. Avant même que Jules César ne songe à nous rendre visite, Genève s'était construite autour du pont sur le Rhône. Sa vocation a toujours été de servir de passerelle. C'est quand nous avons su construire des ponts que nous avons été grands. Nous en avons à nouveau l'occasion aujourd'hui, ne la laissons pas passer.
Pour cela il nous faut agir comme les abeilles du philosophe et politicien anglais Francis Bacon. Les cigales, disait-il, passent leur vie aux crochets des autres, elles ne créent rien, ne produisent rien et dilapident l'argent des autres et celui de l'Etat aux dépens duquel elles vivent. Les fourmis font le contraire, elles produisent sans cesse, s'agitent en tous sens dans un ballet sans fin, amassent continuellement, accumulant des richesses inutiles qu'elles ne peuvent emporter dans leur tombe quand elles meurent. Ni cigales ni fourmis, dit Bacon, hommes et femmes doivent se comporter en abeilles. Les abeilles butinent de fleur en fleur, folâtrent dans les champs, travaillent en jouissant des beautés de la nature tout en rapportant à la ruche le miel qui sert à nourrir toute la colonie. Elles recueillent la matière première issue de la nature fleurie pour la transformer en douce vertu, comme dit le poète. Elles pensent «Nous» au lieu de penser «Je». En faisant cela, elles assurent mieux leur bonheur personnel et le bonheur de leurs semblables que les cigales égoïstes et les fourmis cupides.
Alors, ce soir et pendant les quatre prochaines années, je vous invite toutes et tous, conseillères et conseillers d'Etat, députées et députés, citoyennes et citoyens de Genève, à devenir des abeilles.
Vive la République ! Vive Genève ! (Applaudissements.)
(A la fin du discours du président du Grand Conseil, le Young People's Chorus of New York City, sous la direction de Mme Tania Leõn, et l'Orchestre de Chambre de Genève interprètent Kayama (extrait de Adiemus) de Karl Jenkins.)
Le président. Thank you very much for this very moving song !
Je vous informe que l'orchestre se produira aussi au Victoria Hall le 10 décembre.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons maintenant procéder à la prestation de serment des conseillères et des conseillers d'Etat.
(L'Orchestre de Chambre de Genève interprète la Fanfare pour cuivres et percussions de Aaron Copland.)
Le président. Je remercie l'Orchestre de Chambre pour cette magnifique prestation et prie l'assistance de bien vouloir se lever.
Mesdames les conseillères d'Etat et Messieurs les conseillers d'Etat, je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant cette lecture, vous tiendrez la main droite levée. Une fois cette lecture terminée, vous baisserez la main. Puis, à l'appel de votre nom, vous vous approcherez des Saintes Ecritures, vous lèverez à nouveau la main droite et prononcerez les mots, soit: «Je le jure», soit: «Je le promets».
Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
d'être fidèle à la République et canton de Genève, d'observer et de faire observer religieusement la constitution et les lois, sans jamais perdre de vue que mes fonctions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
de maintenir l'indépendance et l'honneur de la République, de même que la sûreté et la liberté de tous les citoyens;
d'être assidu aux séances du Conseil et d'y donner mon avis impartialement et sans aucune acception de personnes;
d'observer tous les devoirs que nous impose notre union à la Confédération suisse et d'en maintenir, de tout mon pouvoir, l'honneur, l'indépendance et la prospérité.»
Veuillez baisser la main.
(A l'appel de leur nom, Mmes et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Mark Muller, vice-président du Conseil d'Etat, Pierre-François Unger, Charles Beer, David Hiler, Isabel Rochat et Michèle Künzler, conseillers d'Etat, s'approchent des Saintes Ecritures et, la main droite levée, prononcent les mots «Je le jure» ou «Je le promets».)
Le président. Mesdames les conseillères d'Etat et Messieurs les conseillers d'Etat, le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite plein succès pour cette 57e législature.
Nous entendrons à l'orgue M. François Delor interpréter le «Cé qu'è lainô», que je vous invite à chanter debout. Le texte figure sur vos cartons d'invitation.
(L'assemblée chante le «Cé qu'è lainô».)
Le président. Veuillez vous asseoir. La parole est à M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat.
Discours de Saint-Pierre
Discours du président du Conseil d'Etat
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Mesdames, Messieurs, Genève se trouve aujourd'hui à un carrefour. Sa croissance implique des choix stratégiques, décisifs pour son avenir. Notre canton a connu déjà, par le passé, de telles étapes. Et il a trouvé les ressources pour les franchir. Il y a eu la volonté souveraine des Genevois d'adopter la Réforme, en 1536. Il y a eu, trois siècles plus tard, la révolution fazyste. On a trouvé le courage, par exemple, de détruire les murailles. Ce fut un geste fort. Ces murailles, qui protégeaient encore en 1602, étaient devenues un obstacle à la prospérité. Pour que Genève puisse rester Genève, il fallait qu'elle change de dimension.
160 ans plus tard, le problème se pose à nouveau: Genève doit entrer dans une nouvelle dimension, et l'assumer. A l'aube de cette nouvelle législature, nous savons que les frontières qui nous ont protégés finiront par nous étouffer si nous ne parvenons pas à les dépasser. C'est le message politique que Genève a donné, il y a huit jours, en acceptant massivement de réaliser une infrastructure ferroviaire d'importance, le CEVA. C'est la volonté qu'elle a exprimée en confirmant, vote après vote, sa volonté de conclure des accords politiques et commerciaux entre la Suisse et l'Union européenne. Et c'est le voeu qu'elle a formé en soutenant, de manière constante et encore récemment, la présence des organisations internationales sur notre sol.
Celles et ceux qui gouvernent notre canton, celles et ceux qui participent à son destin, celles et ceux qui sont attachés à son harmonie doivent aussi veiller à ce que les changements ne laissent personne au bord de la route. Les grandes ambitions de Genève ne doivent pas se réaliser au détriment des plus faibles. Et c'est précisément parce que nous vivons une époque de profonds changements que nous avons besoin de repères solides. C'est sur ces repères que l'on doit s'appuyer pour avancer. L'Etat est l'un de ces repères.
Mesdames, Messieurs, le gouvernement élu vient de prêter serment devant vous en la cathédrale Saint-Pierre, comme toutes les autorités élues l'ont fait avant lui depuis 700 ans exactement, et comme la constitution l'exige depuis 1847. Par la volonté du peuple, il nous reviendra le devoir, l'espace d'un temps, d'assumer les responsabilités exécutives pour porter un héritage et le faire fructifier. Au-delà de nos différences, nous voulons travailler ensemble. Nous respecterons la collégialité qui seule garantit la démocratie de concordance. Il nous incombe aussi de vous dire, en ce lieu symbolique, les repères qui guideront notre action ces quatre prochaines années.
Valoriser l'effort et le travail
Poser des repères pour avancer, c'est d'abord valoriser l'effort et le travail. Dans une économie de plus en plus exigeante, l'Etat doit s'assurer que chacun puisse trouver sa place. Cela passe par une formation de qualité. L'école publique et laïque est garante de l'égalité. Elle doit donner sa chance à chacun en cultivant le goût de l'effort, du travail bien fait et de l'exigence. Chacun doit être en mesure d'atteindre au moins une certification de l'enseignement postobligatoire ou professionnel. C'est le sens des réformes que nous avons engagées, notamment dans le cadre de l'harmonisation scolaire et de la revalorisation de la formation professionnelle. Pour l'avenir, nous voulons une école où l'on travaille plus, c'est-à-dire autant que dans les cantons qui nous entourent. Nous voulons une école qui soit plus en phase avec la société d'aujourd'hui, en garantissant un accueil continu des élèves, en collaboration avec les communes et les milieux associatifs privés. Nous voulons enfin une école qui tienne compte de la réalité des quartiers ou des communes socialement défavorisés en renforçant, là où il le faut, les moyens à disposition.
L'insertion par le travail et la remise en activité doit aussi motiver nos politiques sociales. L'égalité des chances exige que l'on donne davantage à ceux qui sont dans les difficultés: les personnes handicapées ou celles frappées par la maladie grave, les chômeurs, en particulier les plus âgés, quand on connaît les ravages que le chômage peut impliquer pour ceux qui en sont frappés, pour leur famille, pour leurs enfants, pour leurs amis. C'est pourquoi nous ferons encore plus d'efforts pour les chômeurs de très longue durée. Nous leur permettrons par exemple de bénéficier des emplois de solidarité lorsque la volonté ou la possibilité de travailler demeure. Nous nous attaquerons aussi à une forme de pauvreté particulièrement injuste, celle qui frappe les familles qui travaillent. On ne peut pas admettre que des parents qui travaillent ne disposent pas des moyens pour assurer une vie décente à leurs enfants. Nous agirons donc non pas par l'instauration d'un salaire minimal, qui ne tiendrait pas compte des charges de chaque foyer, mais par des prestations complémentaires adaptées. Les projets de lois dont le Grand Conseil vient d'être saisi seront les garants d'une politique sociale plus équitable et plus incitative. Ils compléteront les efforts menés par l'Etat, les syndicats et les patrons contre le dumping salarial et social.
Relever le défi énergétique
Poser des repères pour avancer, c'est surmonter la crise énergétique. Notre gouvernement prête serment le jour où, à Copenhague, les pays du monde entier se réunissent pour parler du climat. C'est l'occasion de prendre conscience que l'avenir appartient aux économies qui savent réduire leur dépendance à l'égard des énergies non renouvelables. C'est l'un des défis les plus délicats, mais aussi les plus exaltants. La raréfaction des énergies fossiles et leurs effets sur le climat nous obligent à innover, à investir et à diminuer notre consommation. C'est pourquoi nous appelons nos concitoyens à soutenir en votation populaire la nouvelle loi sur l'énergie. Cette loi permettra d'améliorer la qualité de nos habitations tout en créant des emplois, en rappelant que nos ingénieurs savent déjà construire des quartiers autosuffisants. Nous soutenons aussi l'idée d'investir dans des installations géothermiques, et de construire avec nos partenaires français un nouveau barrage en aval de Chancy-Pougny et une centrale chaleur-force alimentée par la biomasse. Il faut ici saluer les intentions des Services industriels de développer l'énergie éolienne. Notre Conseil réexaminera par contre l'opportunité de la construction d'une centrale à gaz à Vernier pour vérifier si elle peut véritablement s'inscrire dans une politique énergétique durable.
Enfin, les entreprises orientées sur le développement durable pourront compter sur les compétences de nos hautes écoles, garantes de la société de la connaissance.
Construire 2500 logements par an
Poser des repères pour avancer, c'est s'engager à construire plus et mieux. Construire plus, cela veut dire construire 2500 nouveaux logements par an. A l'allégement des procédures administratives doit aussi répondre notre volonté de réaliser des opérations d'importance prévues par le plan directeur. Il s'agira, durant cette législature, de concrétiser les efforts engagés à la Chapelle-Les Sciers à Plan-les-Ouates, aux Vergers à Meyrin et aux communaux d'Ambilly à Thônex. Il s'agira de réaliser les premières opérations du nouveau quartier Praille-Acacias-Vernets. Il s'agira enfin de préparer l'avenir, en adoptant durant la législature un nouveau plan directeur.
Construire mieux, cela veut dire réaliser des habitations pour toutes les catégories sociales. Car la pénurie est aujourd'hui une réalité pour chacun. Cela veut dire aussi que nous devons veiller, en particulier dans les quartiers suburbains, à la qualité de nos réalisations, à la promotion d'écoquartiers et à la mobilité douce. Nous devons permettre la mixité des populations qui y résident et un équilibre entre l'habitation et les activités commerciales ou professionnelles.
Poser des repères pour avancer, c'est reconnaître qu'aujourd'hui la moitié de la population mondiale vit en milieu urbain. Dans notre canton, cette proportion atteint même 85%. L'Etat doit enrayer la montée des inégalités et la dégradation des conditions de vie. Dans certains de nos quartiers, des concitoyens ont le sentiment de n'être plus membres à part entière de notre communauté. C'est pourquoi une véritable politique de la ville est nécessaire. Nous lancerons un plan d'investissement axé sur l'école, le logement, la culture, l'intégration et la sécurité qui restaurera le sentiment d'appartenance à son quartier, le bien-être et la qualité de la vie. Penser qualité de la vie, cela signifie que l'on ne veut plus subir la ville, mais la construire comme un lieu de vie, de partage et de civilisation, pour cultiver le plaisir de vivre ensemble.
Garantir la sécurité publique
Poser des repères pour avancer, c'est aussi rappeler que la première de nos libertés s'appelle la sécurité. Les Etats ont originellement été constitués pour la garantir. Les premières victimes de l'insécurité sont toujours les personnes modestes ou vulnérables qui attendent de l'Etat un appui ou une protection. Genève doit retrouver, en la matière, quiétude et sérénité.
Nous nous engageons donc à former et à recruter des policiers supplémentaires afin de garantir que l'autorité de l'Etat soit mieux respectée dans chaque quartier. Ces effectifs supplémentaires devront être l'occasion de repenser l'organisation même de la police, son rôle, les valeurs qui l'animent, sa manière d'être commandée, le fonctionnement de son état-major et son sens des priorités. Le corps de police doit être valorisé dans sa mission d'autorité. Sa présence doit être visible, dans la rue mais aussi dans les postes de quartier. Nous devrons aussi garantir une meilleure coordination avec les polices municipales. La nouvelle loi qui entrera en vigueur dans quelques jours y contribuera.
Il s'agira aussi de rappeler que les criminels doivent aller en prison, et non purger des peines symboliques. Tout ne dépend pas seulement de nous: des réformes fédérales sont attendues et la justice doit, dans le cadre des prérogatives qui sont les siennes, jouer son rôle et assumer ses responsabilités. L'Etat de Genève doit, pour sa part, mener rapidement à son terme la construction de places de prison supplémentaires et créer un centre de détention administrative pour les délinquants sous le coup d'une décision de renvoi, qui sont indésirables dans notre cité.
Améliorer la mobilité
Poser des repères pour avancer, c'est aussi admettre que nos besoins de transport ont considérablement évolué. La prochaine législature sera celle des grandes infrastructures: le chantier du CEVA qui débutera et nous dotera d'un réseau RER de qualité, mais aussi celui de la 3e voie CFF Genève-Lausanne, qui assurera la qualité et la ponctualité de nos liens avec la Suisse. L'inauguration de la nouvelle ligne des Carpates rapprochera encore Genève de Paris et d'autres capitales nord-européennes. Les nouvelles lignes de trams seront complétées par un nouveau réseau, notamment vers Plan-les-Ouates et Saint-Julien. Leur utilisation, y compris à des fins de livraison de marchandises, doit être encouragée. Cette politique ambitieuse de construction s'accompagnera aussi de parkings d'échange, réalisés de part et d'autre de la frontière, pour soulager le centre urbain et les communes périphériques.
En matière de liaisons internationales, l'aéroport débutera, en 2010 déjà, la construction d'un nouveau terminal gros porteurs. Il constituera le plus important chantier jamais réalisé à Cointrin. Il sera financé par les résultats de l'aéroport lui-même.
Enfin, les études en vue d'une traversée autoroutière du lac devront être lancées par la Confédération. Si des éléments déterminants de sa réalisation et de son financement dépendent de Berne, un point essentiel se décide dans notre seule république: réunir un accord politique large et une adhésion populaire, à l'instar de ce qui vient d'être obtenu pour le CEVA. Nous réunirons cette adhésion autour d'une double vision: d'abord la nécessité d'une traversée du lac mais aussi la volonté de réduire drastiquement le trafic pendulaire et de transit en ville. C'est à notre gouvernement que reviendra la mission de vous en convaincre. Durant cette législature.
Des enjeux démographiques et économiques
Poser des repères pour avancer, c'est faire cohabiter les générations. Jamais, dans l'histoire de l'humanité, la population n'aura vécu aussi longtemps et en aussi bonne santé. Cette évolution heureuse nous impose de répondre au défi du vieillissement. La place des aînés dans la société, la façon de se loger et de vivre, la manière de se soigner et le rôle de ceux qui les aident ont des conséquences significatives sur toute notre communauté.
A ces défis démographiques répondent d'autres enjeux. En matière économique, Genève doit sa prospérité à la présence d'une multitude d'entreprises, de professions indépendantes et de commerces performants, orientés sur la clientèle locale ou actifs sur le plan international. Notre richesse, c'est aussi une industrie bancaire et financière importante et des entreprises multinationales qui ont choisi notre région pour réunir leurs activités. Leur avenir à Genève est lié à des discussions menées sur le plan européen, voire mondial, sur lesquelles notre gouvernement cantonal n'a qu'une influence limitée.
En matière bancaire, notre conviction est néanmoins forte: Genève et la Suisse joueront, comme elles l'ont fait durant les siècles derniers, un rôle déterminant dans la gestion des avoirs privés et institutionnels mondiaux. Le secret bancaire fait encore partie des avantages concurrentiels de notre place financière. Mais l'avenir se décidera en réalité sur d'autres enjeux: pouvoir offrir à une clientèle exigeante des services de très haut niveau, comprendre et anticiper ses besoins, en gérer la complexité fiscale, s'ouvrir à une finance durable où les qualités et la tradition helvétiques font merveille, ou lui proposer de nouveaux produits, par exemple dans le cadre de la gestion alternative où Genève a tout l'avenir devant elle.
Quant au statut des sociétés multinationales, les discussions en cours avec l'Union européenne auront, probablement en 2010 déjà, des conséquences sur la fiscalité de nos entreprises. Elles nous amèneront à des discussions avec les partenaires sociaux patronaux et syndicaux, dans le souci de garantir l'emploi et de rester compétitif sur le plan international. Elles impliqueront aussi les communes genevoises, dans la mesure où le prélèvement d'une taxe professionnelle s'avère tout aussi incertain qu'obsolète.
Tout cela ne doit pas nous faire oublier l'essentiel: la crise économique mondiale est celle d'un modèle de croissance fondé sur l'endettement et sur la surexploitation des ressources naturelles. Il faut remplacer ce modèle par une croissance fondée sur le travail, sur la production de richesses et la préservation du capital environnement. La gestion des deniers publics obéit aux mêmes règles: un Etat ne peut pas être durablement déficitaire et surendetté. Il doit contribuer aux conditions de sa prospérité. C'est pourquoi le Conseil d'Etat poursuivra ces quatre prochaines années la politique budgétaire mesurée qui a été la sienne durant ces quatre dernières années. Le plan financier quadriennal qu'il soumettra prochainement en sera l'illustration.
Pour une révision de la constitution
Ce discours doit être l'occasion de rappeler que, sur le plan institutionnel, notre Conseil d'Etat sera, si le peuple en décide ainsi, le dernier à fonctionner selon les principes organisationnels fixés par la constitution de 1847. Nous souhaitons que les travaux de la Constituante aboutissent car notre architecture institutionnelle doit être modernisée et adaptée aux exigences de notre époque. Les rapports entre les organes de l'Etat, le fonctionnement, la taille et le mode d'organisation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire doivent être revisités, les droits populaires repensés et le fonctionnement de l'ensemble des communes, leur rôle et leur nombre modifiés. Nous attendons donc avec impatience les conclusions prochaines de ses travaux, qui poseront de nouveaux repères pour avancer.
Genève dans le monde
Mesdames, Messieurs, Genève est une ville internationale et la Suisse doit être un pays ouvert sur le monde. Nous aimons aussi notre pays lorsqu'il a l'âme conquérante. Nous aimons les Suisses qui, bien que modestes, savent se donner les moyens de gagner. Nous aimons ceux qui, dans la culture, le sport, l'économie, la recherche, la science, voient en la mondialisation une opportunité. Et c'est parce que nous estimons que la mondialisation doit obéir à des règles que nous croyons à la nécessité d'avoir des accords bilatéraux avec l'Europe et de nous ancrer davantage dans sa construction. Nous renforcerons la présence à Genève des organisations internationales. Nous sommes fiers de savoir que c'est ici, à Genève, que des questions aussi essentielles que les droits humains, la régulation commerciale, les défis sanitaires ou climatiques sont discutées. C'est pour cela que nous investirons dans la création, la culture, la science et la connaissance.
La Genève internationale, c'est aussi le défi, au quotidien, de faire cohabiter des cultures, des religions et des opinions différentes. Pour préserver notre république des tentations fondamentalistes et des dérives communautaristes et populistes, nous devons aussi affirmer notre attachement à des valeurs. Celle de l'égalité entre hommes et femmes, qui n'est pas négociable. Celle du refus de la violence conjugale, qui ne l'est pas non plus. Celle d'une société laïque, où l'Eglise et l'Etat sont séparés et où la loi civile prime sur les idéaux religieux. Seule la loi républicaine assure la paix religieuse et préserve les libertés de chacun, à croire ou à ne pas croire, sous un clocher ou sous un minaret, dans un temple ou dans une synagogue. On ne construit pas une société de justice et de paix en se fondant sur la discrimination et le rejet, mais bien en cultivant des valeurs communes.
Changer de dimension et d'état d'esprit
Gouverner Genève, c'est aussi un état d'esprit. Genève a déjà eu, dans des circonstances bien plus difficiles qu'aujourd'hui, d'autres enjeux à relever. Pensons à la Seconde Guerre mondiale. Genève, endettée comme jamais, traversait une crise sans précédent. Pour la population, faute d'assurance-chômage et d'AVS, la perte d'un emploi ou la vieillesse étaient synonymes de pauvreté. C'est pourtant à cette époque que l'on a trouvé le courage de croire en l'avenir et de le construire. Alors que plus aucun avion commercial ne volait, Louis Casaï a voulu une piste en dur à l'aéroport de Cointrin. Sans cette piste, jamais Genève n'aurait pu connaître le développement qui fut le sien. Et la même année, nous avons osé un geste industriel ambitieux en construisant un barrage à Verbois qui permettait à notre canton de produire trois fois plus d'électricité qu'il n'en consommait.
Aujourd'hui, notre république a, une nouvelle fois, rendez-vous avec son destin. Genève entre dans une nouvelle dimension. Elle s'apprête à devenir le coeur d'une véritable agglomération. On a le droit, bien sûr, de le regretter ou d'y voir des risques. Mais on ne peut pas l'ignorer. A ceux qui ont peur parce que le monde change trop vite, l'Etat doit apporter une réponse qui rassure et qui donne l'envie d'aller de l'avant. C'est d'ailleurs la force de notre démocratie: les autorités ne peuvent pas oublier le peuple et avancer sans lui. Elles doivent bien sûr regarder vers l'avant, mais en tendant toujours la main vers ceux qui ont besoin d'aide pour marcher.
Le Conseil d'Etat a cette double ambition républicaine: l'envie d'avenir et la conscience du passé. Y parvenir est une affaire de volonté. Les défis de Genève exigent aujourd'hui toute l'ardeur de ceux qui contribuent à sa réussite, au gouvernement, au parlement, dans les entreprises et la société civile.
C'est là notre voeu. C'est là notre espoir. Et c'est là notre conviction.
Vive Genève ! Vive la République ! Vive la Suisse ! (Applaudissements.)
(A l'issue du discours du président du Conseil d'Etat, le Young People's Chorus of New York City et l'Orchestre de Chambre de Genève interprètent Give Us Hope de James Papoulis.)
Le président. Je déclare la cérémonie de prestation de serment du Conseil d'Etat close.
(Pendant que les officiels quittent la cathédrale en cortège, M. François Delor, aux orgues, interprète la Toccata de la cinquième symphonie de Charles-Marie Widor.)
La séance est levée à 18h20.