Séance du
jeudi 8 octobre 2009 à
20h30
56e
législature -
4e
année -
12e
session -
66e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.
Assistent à la séance: MM. François Longchamp et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Pierre-François Unger, Charles Beer et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Caroline Bartl Winterhalter, Gilbert Catelain, Roger Deneys, Philippe Guénat, Claude Marcet, Damien Sidler, Ivan Slatkine, Olivier Wasmer et Pierre Weiss, députés.
Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment des juges assesseurs à la commission cantonale de recours en matière administrative. Je prie Madame le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever.
Le président. M. Alain Carlier, M. François Hiltbrand, M. Martin-Paul Broennimann, M. Alain Maunoir, Mme Suzanne Aubert-Lebet, M. Jean-Marc Siegrist, M. Christian Buonomo, M. Patrick Blaser, M. Eric Maugué, Mme Diane Schasca et Mme Nathalie Rapp sont assermentés. (Applaudissements.)
Correspondance
Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial:
Courrier de l'ASLOCA concernant le projet de loi 10462 modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (voir point 95 de l'ordre du jour) (C-2829)
Courrier de l'ASLOCA concernant la révision de la loi sur l'énergie (PL 10258) (voir point 115 de l'ordre du jour) (C-2830)
M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, dans cet énoncé figure un courrier de l'ASLOCA se référant au projet de loi sur l'organisation judiciaire dont nous allons débattre dans quelques instants. Je souhaite donc que ce courrier soit lu lors du traitement de ce point.
Le président. Monsieur le député, nous avons pris note de votre demande. Le courrier 2829 figurera au Mémorial lorsque nous traiterons le PL 10462-A.
M. Alberto Velasco. Il y aura un autre courrier de l'ASLOCA concernant la loi sur l'énergie que nous traiterons demain. Je souhaiterais également, Monsieur le président, qu'il soit en fait lecture lorsque nous aborderons ce point.
Le président. Etes-vous soutenu, Monsieur le député ? Vous l'êtes, il y a plus de vingt personnes. Il en sera fait selon votre demande.
Annonces et dépôts
Néant.
M. Fabiano Forte (PDC), rapporteur. Cette demande en grâce a été déposée par M. D. L., ressortissant suisse né le 2 septembre 1948. Il demande la grâce pour une condamnation prononcée à son encontre par la Cour correctionnelle sans jury, le 14 avril 2008, dans le cadre d'une procédure ouverte contre lui. Les faits sont les suivants: par arrêt du 14 avril 2008, la Cour correctionnelle sans jury a reconnu M. D. L. coupable de crime manqué de meurtre et de pornographie pour avoir, le 13 septembre 2006, tiré un coup de feu et blessé à l'épaule M. J.-P. J., de même que pour avoir, entre 2000 et 2006, enregistré et conservé des supports informatiques d'images et vidéos à caractère sexuel. M. D. L. a été condamné à une peine privative de liberté de quatre ans; il a également été soumis par la Cour correctionnelle à l'obligation de suivre un traitement psychothérapeutique visant à soigner sa dépendance à l'alcool. Par ailleurs, interdiction de détenir des armes à feu a été faite à M. D. L.
Cette demande en grâce concerne uniquement la peine privative de liberté. Suite à la présentation de ce dossier par-devant la commission, celle-ci a conclu au rejet de la requête de M. D. L. C'est la raison pour laquelle, Monsieur le président, nous prions le parlement, à l'unanimité de la commission, de rejeter la demande de M. D. L.
Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (rejet de la grâce) est adopté par 50 oui (unanimité des votants).
Mme Victoria Curzon Price (L), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, nous examinons le cas de M. D. A., né en 1980, français. Les faits remontent à 2005: M. D. A. a commis deux agressions en peu de temps, l'une conduisant à des lésions corporelles simples et la seconde à des lésions corporelles graves. Cette dernière inculpation a été modifiée en cours de procédure, s'agissant au départ d'une tentative d'assassinat: la bagarre a éclaté dans un bar, et, lors de l'instruction, le juge n'a pas pu établir clairement les motifs du geste de M. D. A. Ce dernier a été placé en détention préventive pendant cinq mois puis libéré sous caution. Par la suite, la procédure a, pour des raisons peu claires, pris beaucoup de temps, et c'est seulement en septembre 2008 qu'est tombée la décision de priver M. D. A. de sa liberté. La condamnation est de trente mois de peine privative de liberté avec un sursis de dix-huit mois; cette décision date de 2008, mais c'est seulement en juin 2009 que M. D. A. est effectivement convoqué à Champ-Dollon. On nous a dit que ce délai était dû à la surpopulation de la prison.
M. D. A. se trouve en prison pour purger le restant de sa peine qui, puisqu'il est en sursis, est effectivement de douze mois; il est donc là pour sept mois et demande la grâce concernant cette période. En réalité, il avait déjà purgé deux mois au moment où il a déposé sa demande de grâce. Alors, voici ce que l'on peut retenir en faveur de M. D. A.: la commission a examiné son cas et elle a constaté, en premier lieu, un important laps de temps entre le moment des faits et la décision de justice; en deuxième lieu, un enfant est né dans l'intervalle; en troisième lieu, M. D. A. a accepté de dédommager sa victime - qui par ailleurs aurait peut-être préféré que son agresseur soit libre pour pouvoir le faire. Ce sont là les trois points en faveur de M. D. A.
En sa défaveur, il y avait la gravité des faits et la gratuité du geste. Et puis, la Cour avait déjà pris en considération, en 2008, la longueur de la procédure et la naissance d'un enfant. De cela est résultée une peine finalement très légère, de trente mois de prison dont dix-huit de sursis.
Ainsi, M. D. A. avait très peu de prison à faire pour des gestes très graves. C'est pourquoi la commission, à une très large majorité, a décidé de rejeter la grâce, et je vous remercie de suivre son préavis.
Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (rejet de la grâce) est adopté par 43 oui contre 4 non et 5 abstentions.
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons maintenant notre point fixe. Je donne d'abord la parole au rapporteur de majorité, M. Jornot.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Tobrouk ! (Exclamations.) En ce 22 novembre 1941...
Le président. Monsieur Jornot, excusez-moi de vous interrompre, mais nous avons une lettre à lire, cela avait été demandé.
M. Olivier Jornot. Ah ! Alors lisez la lettre !
Le président. Nous devons commencer par lire le courrier 2817 - excusez-moi, je l'avais oublié ! Madame la secrétaire, veuillez, s'il vous plaît, procéder à cette lecture.
Le président. Je vous remercie de votre lecture, Madame la secrétaire. Par ailleurs, je rappelle que le courrier 2829 figurera au Mémorial.
Le président. Nous pouvons commencer le débat. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
Des voix. Tobrouk ! (Chahut.)
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président ! Je disais donc qu'en ce 22 novembre 1941 la bataille fait rage à quatre jours de l'échec du siège de la ville de Tobrouk. Et tandis qu'à Stalingrad l'envahisseur progresse faubourg par faubourg, en ce 22 novembre 1941, à Genève, le Grand Conseil vote la loi sur l'organisation judiciaire. Cette loi aura vécu près de septante ans en traversant le siècle, oh, bien sûr, en ayant été de très nombreuses fois rapiécée, modifiée, raccommodée, changée, à tel point de devenir quasiment illisible aujourd'hui, ce qui a conduit le Conseil d'Etat - au moment où l'entrée en vigueur au 1er janvier 2011 des nouveaux codes fédéraux de procédure obligeait à un certain nombre de réformes - non pas à proposer un énième rapiéçage mais une refonte complète, à proposer une nouvelle loi sur l'organisation judiciaire. Il a proposé par exemple, alors que le droit fédéral ne l'exigeait point, de réformer complètement la première instance ou encore de rattacher à la Cour de justice ce qui était aujourd'hui la commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites.
C'est dans le même esprit, Mesdames et Messieurs les députés, que la commission ad hoc Justice 2011 a travaillé, en recherchant, chaque fois que c'était possible, non pas simplement à se plier au joug et aux diktats fédéraux, mais à produire la meilleure organisation judiciaire possible pour les justiciables de ce canton. C'est ce qui l'a conduite à créer une instance supérieure unique et multidisciplinaire. Les travaux de cette commission ont été menés dans un esprit particulièrement constructif, particulièrement consensuel.
Alors, bien sûr, ce que nous avons fait n'a pas plu absolument à tout le monde, mais vous savez ce que c'est: lorsque vous avez dans un immeuble des travaux de rénovation lourde, eh bien, les locataires ne sont pas contents - ça fait du bruit, ça fait de la poussière - ils ne comprennent pas que des maçons entrent dans leur appartement. Eh bien, à notre commission, nous étions un peu les maçons qui entrions dans les chambres, mais dans les chambres des instances judiciaires du Palais de justice, pour procéder à des rénovations là où les magistrats n'en voyaient pas forcément la nécessité. (Commentaires.)
Et puis, il y a eu ce litige sur le ministère public. Il était acquis, chers collègues, que le droit fédéral nous obligeait à fusionner le Parquet et les juges d'instruction; c'est le code fédéral qui l'exige désormais, les cantons n'ayant plus qu'une certaine marge de manoeuvre en matière d'organisation. Et sur l'organisation, nous nous sommes affrontés, cela pour trois raisons. La première, c'est parce que le Conseil d'Etat proposait subrepticement un changement majeur, à savoir priver le procureur général de la compétence dont il dispose aujourd'hui d'organiser le ministère public. Deuxièmement, c'est parce que le Parquet du procureur général lui-même est aujourd'hui traversé par des tensions qui s'étendent même jusqu'à des combats par presse interposée, et que ces tensions, eh bien, ont déteint sur les travaux de la commission. Et puis, troisième raison, c'est sans doute par atavisme politique, car, pour la droite, l'autorité vient d'en-haut façon Romains 13 et que, pour la gauche, elle vient d'en bas façon Robespierre. Et forcément, ça donne des affrontements ! Concrètement, à droite, on voulait un ministère public comme dans tous les pays du monde: organisé, avec un chef, hiérarchisé, avec une politique criminelle lisible. Et à gauche, on nous proposait une sorte de phalanstère à la Fourier: trente-six ministères publics indépendants menant chacun leur «jihad» personnel. (Commentaires.) Alors, on y reviendra, sur cette affaire, puisque finalement - et heureusement - un accord a permis de résoudre ces quelques divergences contingentes.
J'aimerais, à ce stade de mon exposé, rendre hommage d'abord à Mmes les rapporteures de minorités - avec qui, précisément, nous sommes parvenus à un accord sur le principal point de divergence - et rendre hommage à la présidente de la commission, Mme Loly Bolay, qui peut désormais enseigner la procédure à l'Université. J'aimerais rendre hommage aussi, on ne le cite pas souvent, à M. Frédéric Scheidegger, le secrétaire général adjoint du département des institutions, qui accompagne nos travaux aux côtés de M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. J'aimerais rendre hommage aux commissaires qui ont sacrifié beaucoup d'heures, et notamment des semaines de vacances, pour avancer dans l'étude de ce travail; et malgré tout ce travail, il y a eu, bien sûr, des erreurs, des choses à corriger. C'est la raison pour laquelle vous avez une soixantaine d'amendements sur vos tables, et que nous devrons les voter en cours de discussion. Le résultat, Mesdames et Messieurs, c'est un projet qui, malgré les imperfections, nous rappelle que nous sommes une institution humaine; c'est un projet de qualité que je vous recommande, avec beaucoup d'enthousiasme, de voter ce soir. (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de première minorité. «L-O-J», Mesdames et Messieurs les députés, «Loi Olivier Jornot» ! C'est sans doute ce que le rapporteur de majorité espérait en nous faisant travailler si vite et en nous proposant le projet de loi tel qu'il est issu des travaux de la commission. Mais, il vous l'a dit, nous sommes arrivés à un accord. Néanmoins, il nous paraît important, dans ce débat, d'expliquer, les uns et les autres, quelle vision nous avions du ministère public, puisque c'est le principal point qui a constitué la pierre d'achoppement entre nous.
Préalablement, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais quand même vous rappeler que le nouveau code de procédure pénale signifiera pour Genève d'importants changements, notamment la disparition des juges d'instruction, et donc, de fait, un ministère public en charge de l'ensemble de la procédure d'instruction. Cela signifiera également un accroissement certain des pouvoirs du ministère public. Et quand M. Olivier Jornot nous dit qu'au fond, dans son projet, il ne faisait que reprendre la loi actuelle, c'est partiellement vrai. C'est partiellement vrai, car il est exact qu'aujourd'hui le procureur général dirige et organise le ministère public, mais c'est partiellement faux dans le sens où il n'aura pas tout à fait les mêmes prérogatives ultérieurement; il en aura d'avantage puisque c'est lui qui pourra ordonner les mesures de contrainte comme les perquisitions, les analyses d'ADN, les surveillances de correspondance, les écoutes téléphoniques, etc., toutes ces choses qui sont actuellement des prérogatives appartenant au juge d'instruction. Dans un tel contexte, il nous paraissait donc inutile, voire dangereux, d'avoir un ministère public trop hiérarchisé avec, si j'ose dire, un ou une «superprocureur-e général-e».
Nous avions cinq bonnes raisons de refuser cette vision des choses. Première raison: cela va au-delà de la volonté du législateur fédéral. En effet, ce dernier a souhaité laisser une certaine souplesse aux cantons, dans la mesure où, justement, il faut tenir compte de l'habitude, des traditions historiques de ceux-ci et également de leur géographie. En effet, peut-on envisager un ministère public de la même façon à Genève - où nous aurons trente-cinq procureurs et un procureur général - que dans des cantons très éclatés géographiquement comme Vaud ou Zurich, où le nombre de procureurs est beaucoup plus important ?
Deuxième raison: ce n'est pas non plus dans la tradition genevoise d'avoir une organisation très hiérarchisée de la justice. Actuellement, le pouvoir judiciaire genevois n'a jamais vu ses cadres et son organisation internes imposés par l'extérieur: toutes les juridictions élisent elles-mêmes leur président et vice-président. Les deux postes actuels de procureurs ont été créés pour répondre aux besoins du traitement des dossiers complexes et assurer une certaine stabilité compte tenu de la rotation importante des substituts. De fait, actuellement, les deux procureurs n'exercent aucun rôle hiérarchique. Donc aujourd'hui, nous avons plutôt une tradition horizontale de l'organisation judiciaire qu'une tradition verticale.
Troisième raison - je l'ai dit mais je fais le lien maintenant: il n'est pas compliqué, à Genève, compte tenu de la géographie de notre canton, de réunir, par exemple une fois par semaine, trente-six personnes dans une salle, ce qu'on peut imaginer comme étant bien plus difficile à d'autres endroits.
Quatrième raison, Mesdames et Messieurs les députés: le projet de loi tel qu'il est sorti des travaux de commission manquait de la souplesse indispensable, à notre sens, à une justice de qualité. En effet, inscrire très précisément dans la loi une organisation hiérarchisée pourrait avoir l'inconvénient de ralentir la justice. A l'heure où la délinquance s'adapte très rapidement, il est capital que la justice puisse s'adapter également sans avoir besoin de passer par des modifications législatives. Donc, le ministère public doit pouvoir adapter son organisation interne rapidement, sans être obligé - je le répète - de dépendre des députés dont le travail - nous le savons tous - est parfois un peu aléatoire. Il est inutile d'inscrire dans la loi le nombre de sections ou le fait que les premiers procureurs doivent être responsables desdites sections.
Et puis, dernier point, et non des moindres, la loi telle qu'elle est sortie des travaux de commission ne propose pas les garde-fous nécessaires pour éviter toute forme d'arbitraire. Je l'ai dit tout à l'heure: aujourd'hui a lieu un renforcement du pouvoir du procureur général. Voulons-nous réellement - quelle que soit d'ailleurs la personne qui occupera la fonction - lui donner un véritable chèque en blanc ? Que signifient certains amendements votés par la majorité, comme la suppression des justes motifs dans l'attribution des procédures ? Un jour ou l'autre - et la presse nous le rappelait d'ailleurs récemment - ne risque-t-on pas de voir un procureur général modifier l'attribution d'une procédure parce que la tournure prise par une affaire pourrait ne pas lui convenir ? Que signifie, dans ce projet de loi, à l'article 82 sur l'indépendance des procureurs, la précision ajoutée par la majorité, à savoir: «Sous réserve des compétences du procureur général, les premiers procureurs et les procureurs sont indépendants dans l'exercice de leurs fonctions» ?
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés: le fondement même de la démocratie, c'est de parcelliser le pouvoir pour éviter la tyrannie. Or, alors qu'au Conseil d'Etat, au gouvernement, nous avons sept personnes; au Grand Conseil, cent personnes; adopter tel quel ce projet de loi aurait consisté à réunir dans les mains d'une seule personne l'essentiel du pouvoir judiciaire. C'est pourquoi nous ne pouvons l'approuver en l'état. Néanmoins, dans la mesure où les rapporteurs se sont mis d'accord sur des amendements, nous accepterons l'entrée en matière. (Applaudissements.)
Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, les Verts sont, d'une manière générale, assez sceptiques sur ce projet de loi. Pour rappel, cette fameuse réforme touche tous les cantons suisses, elle découle de l'introduction du nouveau code de procédure pénale, qui prévoit principalement de fusionner l'autorité qui instruit et celle qui poursuit. En d'autres termes, les tâches du procureur général et des juges d'instruction seront réunies et attribuées à un ministère public élargi qui conduira seul les phases d'enquête, d'instruction et d'accusation. De fait, les prérogatives du futur ministère public vont augmenter, et avec elles celles du procureur général. Il s'agit donc d'être particulièrement attentif à l'équilibre des pouvoirs.
Or, qu'a voulu la majorité de la commission ? Elle a souhaité un ministère public extrêmement hiérarchisé, digne de l'état-major de l'armée suisse. Or, le ministère public idéal des Verts - vous pouvez l'imaginer - est tout autre: nous souhaitons garantir l'indépendance des juges, précisément pour maintenir celle de la justice pénale face aux aléas de la politique. En d'autres termes, nous souhaitons que la justice pénale touche à l'ensemble des crimes et délits prévus par le code pénal et non seulement à ceux prévus par la politique du moment. Plus concrètement, nous souhaitons que les futurs trente-cinq procureurs puissent adopter leur propre règlement interne et non se le voir imposé par le procureur général. C'est d'ailleurs un argument qui ne vient pas de nous, mais des recommandations du Conseil de l'Europe sur le rôle du ministère public dans la justice pénale. Nous souhaitons que le procureur général ait de pleines compétences en matière de politique criminelle, mais pas de compétences en matière organisationnelle, les futurs procureurs étant parfaitement à même de s'organiser. Nous souhaitons enfin que les premiers procureurs soient élus par le plénum, les trente-cinq procureurs, et non par le procureur général uniquement.
Mais la majorité de la commission ne s'est pas arrêtée là, elle a souhaité aller plus loin encore que cette réforme qui est déjà une révolution dans le petit monde de la justice genevoise. Elle a souhaité réorganiser la première et la deuxième instance en prévoyant la disparition de la jeune Commission cantonale de recours en matière administrative, la création du Tribunal administratif de première instance, la mort du Tribunal des conflits, du Tribunal administratif et du Tribunal cantonal des assurances sociales au profit de nouvelles chambres à la Cour de justice. La majorité de la commission a voulu tout cela juste avant l'été, au mois de juin, quand il faisait beau et chaud dehors, et que tout le monde préparait ses vacances, ce qui a eu comme conséquence que les personnes directement touchées par ce changement ont été auditionnées à la dernière minute sans avoir reçu un quelconque texte de loi leur permettant de savoir ce qui les attendait. Mesdames et Messieurs les députés, cela n'est pas respectueux des institutions, les Verts tiennent à le relever.
Il a ensuite été question de trouver un accord entre les rapporteurs, l'Association des magistrats ayant finalement fait entendre sa voix. Cet accord nous paraît améliorer sensiblement le sort de cette réforme, principalement pour les raisons suivantes: il intègre, d'une part, un collège pour nommer les premiers procureurs; ensuite, le procureur général devra consulter, à tout le moins, l'ensemble des procureurs sur le règlement de la juridiction; et enfin, le projet de loi ne restreint plus l'indépendance des juges par l'article 82 que nous avons décidé d'abroger. Au sujet du rattachement du Tribunal administratif et du Tribunal cantonal des assurances sociales à la Cour de justice, nous avons aussi gagné quelques points importants. Nous entrerons donc en matière sur ce projet de loi.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme cela a été dit, la commission a travaillé d'arrache-pied sur ce projet de loi pendant une bonne partie de l'été pour être en mesure de vous le présenter ce soir. Je tiens à relever l'excellent état d'esprit qui a régné pendant tous ces travaux; vraiment, il était consensuel. Il y a eu quelques divergences d'opinions politiques qui se sont fait entendre, notamment à la fin des travaux par rapport aux amendements déposés par les personnes qui présentent ce soir un rapport de minorité. En somme, nous avons travaillé plus d'une vingtaine de séances, nous avons auditionné une multitude d'organisations, et l'on peut dire que nous vous proposons ce projet de loi en toute connaissance de cause. Et puis, surtout, tous les détails ont étés examinés, grâce aussi à M. Jornot qui nous a été d'une aide très intéressante et efficace. Tous les détails ont été approfondis pour que l'on puisse vous présenter - comme je l'ai indiqué avant - ce projet de loi, et je peux dire que c'est une loi moderne pour l'organisation judiciaire. Cela a été relevé: suite à différentes réformes et à l'écoulement du temps, la loi actuelle est devenue obsolète et il est nécessaire de la modifier.
Je tiens aussi à souligner l'excellent travail de notre présidente: elle a effectué la préparation de chaque séance, ce qui n'était pas évident car il s'agissait d'un sujet très technique. On peut donc aussi la féliciter, comme tous les rapporteurs, qu'ils soient de minorités ou de majorité.
A la fin des travaux, je me suis rallié à la majorité, j'ai apporté quelques questions, quelques amendements, et je pense avoir été écouté. J'ai le sentiment que ce travail a été réalisé d'une manière réellement - comment dire ? - consensuelle.
Ce soir, je suis satisfait de ce projet de loi et vous invite à entrer en matière sans parler maintenant des points techniques. En effet, l'épaisseur du dossier vous montre qu'il serait difficile de revenir sur tous les aspects. Enfin, je vous encourage à voter ce projet de loi.
Mme Nathalie Fontanet (L). Mesdames et Messieurs les députés, le parti libéral souhaiterait tout d'abord adresser des remerciements. Outre les remerciements à l'ensemble des experts qui nous ont aidés lors de nos travaux de commission, des remerciements s'imposent au rapporteur de majorité qui a accompli l'exploit de nous rendre un rapport extrêmement complet en moins de sept jours. Je crois que ceci se doit d'être souligné.
Le groupe libéral est très satisfait que les rapporteurs de majorité et de minorités aient réussi, sous l'impulsion du Conseil d'Etat, à trouver un consensus, car il est important - très important ! - pour la qualité de la justice rendue de retrouver une certaine sérénité face aux modifications et aux changements qui interviendront dans l'organisation judiciaire de notre canton.
Je n'entends pas revenir sur l'ensemble des aspects traités par la commission dans le cadre de ce projet de loi, mais je souhaiterais rappeler trois points chers aux libéraux. Le premier, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le ministère public, qui n'est pas une juridiction ordinaire: il a des comptes à rendre, des comptes à rendre à la société, ce qui implique qu'une seule politique pénale claire et visible y soit menée. Cela implique également une hiérarchie bien définie, et que la coordination et la communication au sein de la juridiction soient garanties. Pour cette raison, les libéraux n'ont pas voulu transiger sur ce point et se sont opposés au projet de loi du Conseil d'Etat qui retirait en catimini, sans même une mention dans l'exposé des motifs, ses compétences d'organisation au procureur général. Compte tenu du passage à trente-cinq procureurs, les libéraux ont souhaité créer un échelon hiérarchique intermédiaire en permettant au procureur général de déléguer une partie de ses prérogatives. Cet échelon, Mesdames et Messieurs les députés, c'est la désignation de premiers procureurs, qui dirigeront des équipes à taille humaine. Soyez rassurés ! Il ne s'agit pas de porter atteinte à l'indépendance juridictionnelle des procureurs, qui reste totalement garantie. Mais nous ne souhaitons pas trente-cinq ministères publics: nous voulons une seule et même équipe, avec un chef et des adjoints. Il est essentiel, pour les libéraux, de permettre au procureur général de mener la politique criminelle sur la base de laquelle il a été élu. Et aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, nos attentes, celles de la population en la matière, sont immenses.
Le deuxième point cher aux libéraux, c'est la création d'un tribunal cantonal. Les libéraux n'ont pas souhaité s'arrêter au projet de loi qui leur était présenté par le Conseil d'Etat, ils ont voulu profiter de la réforme de l'organisation judiciaire pour regrouper toutes les instances de recours, d'appel et de révision au sein de la Cour de justice qui sera dorénavant composée de trois sections: civile, pénale et administrative. Les libéraux sont très satisfaits de cette modification qui permet de doter Genève d'un tribunal cantonal, comme l'est la grande majorité des autres cantons, et, ainsi, notamment de reconnaître à sa juste valeur le travail accompli par les juges du Tribunal administratif.
Enfin, le troisième point. C'est la création des chambres des affaires commerciales. Au départ, lors de l'étude de ce projet de loi, les libéraux étaient favorables à la création d'un Tribunal de commerce. Toutefois, les limites imposées à ce type de juridiction par le code de procédure civile suisse - à savoir, sa compétence uniquement pour des conflits entre entreprises et le fait qu'il devait s'agir d'un instance cantonale unique - nous ont fait changer d'avis. Les libéraux ont donc proposé et obtenu la création de chambres des affaires commerciales au Tribunal de première instance, avec des juges spécialisés dans les affaires économiques.
Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs, les libéraux sont très satisfaits du projet de loi tel qu'il est issu des travaux de commission, de même que du consensus intervenu entre les rapporteurs, et ils vous appellent à accepter l'entrée en matière.
M. Guillaume Barazzone (PDC). Je souhaite me joindre aux remerciements adressés par M. Jornot à l'ensemble des intervenants qui ont beaucoup travaillé, d'arrache-pied, pour mettre en oeuvre ce projet de loi et le voter en commission. Je pense au Conseil d'Etat, bien sûr - à M. Laurent Moutinot, à M. Scheidegger; je pense à Mme Prigioni, du secrétariat général du Grand Conseil; je n'oublie pas l'expert, M. Bernhard Sträuli. Je souhaite par ailleurs adresser mes chaleureux remerciements et ma gratitude aux différents rapporteurs - Mmes les rapporteures de minorités, Mme Torracinta et Mme Captyn, et le rapporteur de majorité, M. Jornot. Pourquoi ? Parce que ces trois personnes, à la suite des travaux de commission - travaux qui nous avaient déjà pris beaucoup de temps et pour lesquels nous avions procédé à un certain nombre d'auditions, parfois longues, mais nécessaires - eh bien, ces personnes se sont réunies, ont écouté les doléances des dogmatiques de chaque camp et ont pu se parler, écouter et s'écouter mutuellement pour arriver à un accord nous permettant de voter ce soir, avec les amendements qui sont sur vos tables, une loi de compromis. Compromis qui réunit le plus grand nombre et qui - comme le disait M. Jornot - malheureusement pour les personnes concernées, n'arrive pas à contenter tout le monde.
Je crois qu'il est nécessaire d'adopter cette loi pour plusieurs raisons. La première, c'est que ce Grand Conseil et la commission ad hoc Justice 2011 ont travaillé d'arrache-pied depuis une année pour arriver à ce résultat, et il aurait été difficile voire impossible pour les nouveaux députés élus de reprendre, à la prochaine législature, les travaux en cours de route. Il est aussi tout à fait nécessaire d'adopter ce projet de loi dans la mesure où le canton de Genève se doit d'avoir voté une nouvelle organisation judiciaire dans les délais imposés par la loi fédérale. Par ailleurs - je crois que c'est très important - les juridictions doivent avoir le temps de préparer une réforme qui sera longue à mettre en oeuvre matériellement.
Je ne vais pas revenir sur tous les aspects, mais d'emblée je souhaiterais faire quelques commentaires généraux sur les points saillants, importants et substantiels qui ont été votés en commission et ressortent des amendements concrétisant la négociation dont je vous parlais tout à l'heure. Le point important, bien évidemment, c'était le ministère public. Le groupe démocrate-chrétien se félicite du résultat de la négociation, qui permet au procureur général d'organiser et de diriger le ministère public et d'instaurer la politique pénale du canton. Le procureur général est élu par la population pour mettre en oeuvre une politique pénale, nous devons donc lui donner les instruments pour ce faire.
Et puis, nous nous satisfaisons également de l'amendement qui va être déposé et sur lequel nous allons voter. Puisque nous pouvions comprendre que cela choque - ou plutôt dérange, pardon ! - un certain nombre de magistrats et de personnes impliquées dans ces négociations, que le procureur général puisse désigner lui-même tous ses premiers procureurs, cet amendement prévoit un système dans lequel un collège de nomination pourra aiguiller et aider le procureur général à désigner ses premiers procureurs. Je crois donc que, de ce point de vue là, les effets négatifs perçus par certains sont atténués grâce à l'amendement.
Je rappelle - et c'était une crainte émise par un certain nombre de minoritaires dans la commission, cela ressort des travaux - qu'une section des affaires complexes, s'agissant des affaires économiques et criminelles, est maintenue et explicitement indiquée dans la loi; je crois que cela vaut la peine d'être rappelé.
S'agissant maintenant de la Cour de justice qui, dans le nouveau système, comprendrait - si vous votez ce soir ce projet de loi et si le peuple l'accepte en votation populaire - le Tribunal administratif que l'on connaît actuellement, eh bien, Mesdames et Messieurs - et j'insiste sur l'amendement que nous vous proposons à l'article 118, alinéa 2 - vous savez que les juges ne sont pas élus dans telle ou telle chambre, ou dans telle ou telle section administrative, pénale ou civile de la Cour de justice, mais sont simplement élus à la Cour de justice. Il nous incombait donc de trouver un système et des critères objectifs permettant de déterminer comment la répartition de ces magistrats pouvait se faire au sein d'une juridiction qui en comprend plus de trente. C'est la raison pour laquelle nous vous soumettons cet article 118, alinéa 2 (nouveau), qui donne les critères devant présider au choix des magistrats qui occuperont les différentes sections. Eh bien, les trois critères principaux qui ont été retenus sont d'abord la compétence et l'expérience professionnelle - on peut penser à un avocat qui, par hypothèse, aurait travaillé dans le domaine administratif, à un doctorant qui aurait, pour la section administrative, obtenu un doctorat en droit public. La compétence doit être un élément prépondérant à considérer, le titre universitaire et l'expérience dans une juridiction inférieure doivent également figurer parmi les critères à prendre en compte. Et enfin, le rang, c'est à dire l'ordre dans lequel les magistrats sont entrés au sein du pouvoir judiciaire, doit ensuite être retenu pour répartir les différents magistrats.
Enfin, Mesdames et Messieurs, s'agissant d'une éventuelle privatisation ou professionnalisation de la juridiction des prud'hommes - vous en avez certainement entendu parler, il y a eu de nombreux bruits - je crois que le projet qui vous est soumis ce soir conserve le système actuel et permet de préserver la tradition genevoise qui veut que les partenaires sociaux soient représentés au sein de cette juridiction. Les présidents des prud'hommes ne seront pas des professionnels au sens où le prévoyaient un certain nombre d'amendements qui ont finalement été retirés par la majorité. Par exemple, les présidents de cette juridiction ne seront pas obligés d'être titulaires d'un brevet d'avocat. Et je crois qu'il faut également rassurer la population, les syndicats patronaux comme les syndicats d'employés: cette juridiction pourra siéger en soirée, donc s'adapter aux horaires de travail des employés, c'est la situation telle que nous la connaissons actuellement, je crois que c'était important de le rappeler.
Ainsi, je crois que ce projet de loi qui dessine les contours de la justice genevois telle que nous allons la vivre ces prochaines années est équilibré et de qualité. Et dans cet esprit, je vous demande, s'il vous plaît, de bien vouloir entrer en matière sur ce projet de loi et de voter tous les amendements qui vous seront soumis par les trois rapporteurs, de majorité et de minorités.
M. Pierre Losio (Ve). J'aurais presque envie de m'excuser de m'introduire dans ce débat, puisque je ne faisais pas partie de la commission ad hoc et que... Oui, M. Barrillier ! J'en ai le droit et je vais en user. Mais rassurez-vous, étant donné que je n'ai pas participé aux travaux de la commission, je m'efforcerai d'être très bref ! D'abord pour m'associer aux remerciements qui ont été adressés à la présidente et à tous les membres de la commission, qui n'ont pas ménagé leur peine pour travailler pendant l'été, tard le soir et de nombreuses fois par semaine.
Mesdames et Messieurs, s'attaquer à une loi qui a plus de soixante ans, vouloir refaire complètement la loi sur l'organisation judiciaire, c'était effectivement un défi, c'était véritablement s'attaquer à une montagne ! J'ai un goût immodéré pour les lieux communs et j'ai toujours pensé que la montagne accouchait d'une souris. Eh bien, quand j'ai lu le rapport tel qu'il est sorti de la commission, j'ai constaté qu'en fait, en ce qui concerne le ministère public, on n'a pas accouché d'une souris mais d'un général en chef et d'un état-major. Et cela, les Verts ne l'ont pas accepté en commission.
Nous constatons avec regret que le message du Conseil fédéral n'a pas été pris en compte, notamment lorsqu'il disait: «Dans nombre de cas, il devrait être possible d'apporter ces adaptations en tablant sur l'existant et en s'appuyant sur les structures en place.» Là, la majorité de la commission n'a pas transigé. Dans le message du Conseil fédéral, on lit également: «Le modèle dorganisation des autorités pénales, tel que proposé, présente la souplesse nécessaire pour permettre la mise en place de structures adaptées à la taille de chaque canton en tenant compte des traditions historiques en la matière.» Là non plus, on n'a pas tenu compte des traditions historiques en la matière et on a eu droit à une version qui a la «rigidité de la justice de Berne».
Enfin, «Cette marge de manoeuvre permettra d'asseoir l'introduction du code de procédure pénale suisse - nous y sommes contraints, et c'est pour ça que nous voterons l'entrée en matière ! - sur une organisation des autorités respectueuse des spécificités cantonales, ce qui devrait la faciliter.» Là non plus, on n'en a pas tenu compte, et Mme la préopinante du parti libéral l'a dit très clairement: les libéraux n'ont pas transigé. Il n'est pas jusqu'à la très prude et très réservée Association des magistrats genevois qui disait en parlant de l'organisation du ministère public: «Il importe d'insister sur le fait que la solution arrêtée par la commission ne correspond pas à la tradition genevoise favorisant la diversité des sensibilités et mettant en avant l'indépendance et le sens des responsabilités des magistrats, tous élus et tous assermentés.» Que je sache, cette Association n'est pas une trappe de redoutables gauchistes qui veulent mettre la justice à feu et à sang !
D'autre part, il y a quand même quelque chose qui, dans notre groupe, nous a «interpellés quelque part», comme disent les invertébrés. Article 2: «Dans l'exercice de leurs attributions judiciaires, les juridictions et les magistrats qui les composent sont indépendants.» Et on lit à l'article 82: «Les procureurs et les premiers procureurs sont indépendants dans l'exercice de leurs fonctions, sous réserve des compétences du procureur général.» Donc, Mesdames et Messieurs, il y a quand même eu, au sein de la commission qui a rendu ce rapport - et là, je ne parle que de ce qui y figure, je ne parle pas de ce qui s'est passé après ! - eh bien, il y a eu une intransigeance de la majorité par rapport à tous les amendements qu'ont déposés soit le groupe socialiste, soit les Verts.
Nous avons cependant eu un motif de satisfaction, c'est l'obtention... Mais oui, Monsieur Jornot, ça arrive, ça m'arrive de temps en temps d'être satisfait ! Nous avons obtenu 20% de demi-charges, ce sont les Verts qui les avaient proposées. (Remarque.) Le Conseil d'Etat en proposait quarante, la commission a transigé à vingt. Je tiens à souligner que, pour nous, c'est un motif de satisfaction, et vos sourires ironiques, Monsieur Jornot, ne me perturbent absolument pas ! (Commentaires.) Et je ne suis pas perturbé du tout, parce que la perturbation ça rend sourd ! (Rires.) Je ne suis pas étonné des déclarations du préopinant démocrate-chrétien, qui a fait l'éloge de l'oecuménisme s'étant traduit suite à l'émoi créé par le rapport tel qu'il est sorti de la commission - même l'Association des magistrats du pouvoir judiciaire s'en est émue - et qui se félicite de ce magnifique consensus oecuménique auquel nous sommes arrivés ! (Remarque.)
Alors, pour nous, je ne parlerais pas véritablement de consensus, je parlerais plutôt de quelques accommodements auxquels nous nous sommes prêtés de bonne ou de mauvaise grâce. Bref, cette loi avait soixante ans, cette réforme devait être faite, nous y étions tenus par des obligations découlant de décisions fédérales. Nous allons donc entrer en matière sur ce projet de loi et nous accepterons les amendements qui ont été proposés, sans exception. (Applaudissements.)
Le président. Merci ! Monsieur le député, vous êtes en bonne forme ! La parole est à Mme Ducret.
Mme Michèle Ducret (R). Comme tous les députés qui ont parlé avant moi, je voudrais souligner l'excellent climat qui a régné à la commission ad hoc Justice 2011 tout au long des travaux et je dois dire que, bien que le sujet fût plutôt ardu, c'était agréable de retrouver les collègues.
J'aimerais souligner que, contrairement à ce qui a été affirmé tout à l'heure, nous avons entendu tout le monde. Et pas une seule fois ! Certains intervenants ont été auditionnés à plusieurs reprises par la commission; on les a non seulement entendus, mais on les a aussi écoutés ! Et même après la publication du rapport, lorsque des remarques nous ont été faites, des reproches aussi, on en a pris note et suivi les recommandations.
J'en veux pour preuve que deux choses ont été modifiées notablement, auxquelles le parti radical tenait particulièrement. Nous étions assez favorables à la figure du ministère public telle qu'elle est ressortie des travaux de la commission et qu'elle a été exposée par le rapporteur de majorité. Et puis, nous avons accepté les petites modifications qui ont été proposées par la commission, réunie sous l'égide de M. Moutinot et du département des institutions. Nous nous sommes mis d'accord sur ce point, nous n'avons pas été intransigeants et arrogants. De même, pour ce qui touche le problème de la représentation au Tribunal administratif, nous avons écouté les remarques qui venaient de toutes parts - pas seulement de notre côté - et nous accepterons les amendements relatifs à cette question-là. Je voudrais souligner également que nous avons entendu tous les milieux qui nous demandaient de conserver le Tribunal des prud'hommes tel qu'il est actuellement. Les radicaux estiment donc qu'il est particulièrement important de relever cet aspect des choses.
Pour terminer, je vous informe que nous adopterons tous les amendements proposés par l'équipe des rapporteurs - qui se sont mis d'accord - ainsi que l'amendement du Conseil d'Etat.
Mme Loly Bolay (S). Chacun a remercié tout le monde. Je pense que cela devait être fait, car ce travail - que nous avons effectué déjà depuis vingt mois, Monsieur le président - était titanesque. Titanesque parce qu'il y a eu la procédure pénale, la procédure administrative, et qu'il y aura bientôt la procédure civile. Et puis, ce projet de loi, cette architecture de la nouvelle organisation judiciaire, nous a demandé - cela été relevé à plusieurs reprises - d'y consacrer une partie de nos vacances.
Vous l'avez compris, ce qui ressort de la commission va au-delà de ce que le Conseil d'Etat avait proposé dans son projet initial. Cela va même plus loin que ce qui est exigé par rapport à la procédure au niveau fédéral car, effectivement, la création de cette immense Cour de justice - avec les sections pénale, civile et administrative - a été rajoutée au travail que nous devions réaliser. Et puis - cela a aussi été signalé - l'une des grandes réformes de cette organisation judiciaire, c'est effectivement la disparition du juge d'instruction, cette figure datant de 1941 voire plus, qui s'efface au bénéfice d'un grand parquet de trente-cinq procureurs et un procureur général.
Ma collègue l'a dit, ce projet de loi qui sort de commission n'était pas du tout du goût des socialistes - pas du tout ! - pour plusieurs raisons: la haute hiérarchisation du ministère public et la création de cette grande Cour de justice. Mais les amendements que les rapporteurs ont réussi à élaborer - c'est un consensus - vont dans le sens voulu par le parti socialiste, car les articles 79 et 80 - nous y reviendrons tout à l'heure - atténuent le rôle du procureur général et, à contrario, renforcent l'indépendance des magistrats, à laquelle le parti socialiste est très attaché.
S'agissant de la Cour de justice, cette énorme cour, est-il nécessaire de l'instaurer ? La loi fédérale ne nous l'imposait pas. C'est vrai qu'il n'y avait pas d'urgence à cela. Or la commission a estimé qu'il le fallait. Pourquoi ? Fallait-il procéder à une petite «réformette», faire quelque chose de provisoire et revenir dans quelque temps avec cette Cour de justice ? Eh bien non ! Nous avons pensé qu'il était nécessaire de le faire maintenant, afin que les gens aient le temps de s'adapter à ce processus. Car il ne s'agit pas seulement de créer cette Cour, il faut aussi - on l'a dit, même si ce n'était pas de la compétence de notre commission - chercher des nouveaux locaux. Et dès lors qu'on sait où l'on va - avec un projet qui délimite bien les compétences des uns et des autres - en sachant qu'il y a une grande Cour avec des chambres, eh bien, on sait aussi où l'on va quant à la recherche de locaux correspondant à ce qui a été voulu.
On l'a indiqué tout à l'heure, c'est vrai que notre commission aurait pu écouter d'avantage ceux qui devront mettre en oeuvre toute cette architecture; c'est vrai, nous avons auditionné le TA, le TCAS et le vice-président de la Cour de justice trop tard - c'était le jour même où l'on allait voter; et c'est vrai que, quelque part, on peut entendre - moi, je les entends - les critiques des gens qui nous disent: «Mais enfin, vous décidez de quelque chose, d'un énorme machin, et nous qui sommes les principaux concernés, eh bien, nous n'avons rien à dire !» Or, c'est vrai également, la commission était prise par le temps ! Il ne faut pas oublier que cette commission travaille depuis vingt mois pour mettre en musique tous ces changements imposés aux cantons par le droit fédéral ! En effet, le 1er janvier, les cantons devront avoir organisé tout cela. Enfin, le timing était peut-être un peu trop serré pour cette Cour de justice, mais il était nécessaire d'agir dans ce délai-là.
Comme ma collègue l'a indiqué, le parti socialiste votera l'entrée en matière, même si nous sommes critiques par rapport à certains aspects de ce projet de loi. Par exemple, nous n'avons pas compris pourquoi, au Tribunal de police - qui aujourd'hui siège avec des assesseurs - eh bien, nous n'avons pas compris pourquoi, tout à coup - même si la compétence du tribunal a été réduite à prononcer des ordonnances de deux ans de peine privative de liberté - c'est un juge unique qui siégera ! Dans ce contexte, le parti socialiste propose un amendement dans les mesures transitoires pour coulisser - comme nous l'avons fait pour tous les autres - les juges assesseurs qui sont maintenant au Tribunal de police vers le Tribunal criminel qui a été constitué par ce projet de loi.
Alors voilà, Mesdames et Messieurs les députés, nous reviendrons tout à l'heure sur cet aspect-là, également sur celui des demi-charges au ministère public, auxquelles le parti socialiste est très attaché. Je rappelle quand même que, dans beaucoup d'autres cantons, ces demi-charges ont été possibles aussi pour le ministère public. Je m'arrête là, Monsieur le président, mais je reviendrai tout à l'heure pour vous faire part de notre sentiment par rapport à certains amendements qui ont été proposés.
M. Yves Nidegger (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, c'est bien volontiers que l'UDC votera l'entrée en matière sur la refonte de l'architecture judiciaire genevoise. Sur la question qui va faire débat, c'est-à-dire l'organisation du ministère public, nous partageons l'opinion qu'il ne peut pas y avoir autant de politiques criminelles que de procureurs ou de premiers procureurs. Cela étant, il n'est pas contraire à cette idée que les premiers procureurs soient élus par leurs pairs dont ils ont la confiance ou que les aspects organisationnels et administratifs soient réglés de manière plus horizontale que certains le voudraient. Nous examinerons donc les amendements les uns après les autres, chacun pour ses mérites propres. J'observe au passage que la réalité du terrain est remontée jusque vers la commission, qui a entendu jusqu'à la dernière minute les avis s'exprimer et notamment, au passage, celui des présidents des prud'hommes - juridiction envers laquelle j'éprouve une certaine tendresse pour y avoir sévi pendant de nombreuses années - qui ont su se faire entendre et faire modifier le projet sur certains points organisationnels et techniques afin de garder à cette juridiction son caractère historique auquel beaucoup sont attachés, tout en permettant une adaptation au droit fédéral et probablement une meilleure efficacité de cette juridiction, efficacité pouvant sans doute être améliorée aujourd'hui.
En résumé, et avant de revenir sur les amendements, nous votons l'entrée en matière et remercions les membres de la commission.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, suite aux aménagements que nous avons été dans l'obligation de faire pour être en conformité avec le droit fédéral, il est évident que nous n'avons pas d'autre choix que de voter ce projet de loi. Mais ce que j'attends de ce dernier - c'est sûrement utopiste, mais il faut avoir des rêves dans la vie ! - c'est qu'avec tous les réaménagements qui ont été effectués on puisse rendre une justice beaucoup plus digne à Genève. Pour ma part, j'estime que la justice, en ce qui concerne les crimes et les délits, ne va pas du tout, il y a beaucoup trop de différences ! A Genève, vous pouvez cambrioler une banque et purger une peine de quinze ans incompressibles; mais si vous violez un enfant ou tuez une personne, vous êtes hors de prison au bout de trois ans... Je trouve inadmissible que, relativement à l'argent, l'être humain n'ait aucune valeur. Tout ce que j'espère, c'est que ce projet de loi sera voté et que tous les moyens seront mis en oeuvre pour que la justice soit rendue correctement. Il n'en va pas seulement de l'avis du juge qui doit rendre son verdict; dans certains cas il y a des lois qui l'empêchent d'aller au-delà. Ce que j'attends surtout, c'est qu'à Genève on applique une justice claire, correcte, honnête, que ce soit pour tout le monde la même chose et qu'il n'y ait pas de ségrégation en fonction d'une religion ou d'un pays: tout le monde doit être traité de manière identique pour les mêmes crimes commis.
J'espère donc que ce projet de loi nous permettra de faire enfin régner l'ordre et la sécurité dans notre canton, comme bon nombre d'entre nous l'exigeons depuis tant d'années dans cette république.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vise deux buts: d'une part, la mise en conformité du droit genevois avec les exigences du droit fédéral et, d'autre part, une réécriture de la loi sur l'organisation judiciaire afin que l'organisation judiciaire genevoise ait une certaine forme de cohérence. Le tout, évidemment, dans un seul but, Madame Borgeaud, c'est de faire en sorte que la justice puisse travailler de la manière la plus adéquate qui soit, qu'elle puisse rendre les meilleures décisions possible, et que les justiciables y soient entendus. La commission Justice 2011 a fait un travail exceptionnellement fourni, tant en quantité qu'en qualité, et je me joins à tous les remerciements qui ont déjà été exprimés pour vous féliciter.
En ce qui concerne la mise en conformité, la commission a suivi pour l'essentiel le Conseil d'Etat. C'est dans l'architecture que deux éléments ont été modifiés. Le premier - et j'en félicite la commission - c'est d'avoir rendu plus cohérente la juridiction d'appel en regroupant le civil, l'administratif et le pénal dans une grande chambre - je crois que c'était juste. J'avoue en avoir eu l'idée, et par prudence - certains ont dit par lâcheté - je ne l'avais pas proposé. Par conséquent, je suis heureux que la commission ait fait cette démarche-là. En ce qui concerne le ministère public, là aussi la commission s'est écartée du projet du Conseil d'Etat, qui considère qu'un magistrat, dès lors qu'il est élu, n'obéit qu'à l'autorité morale du procureur général et ne répond que devant les tribunaux et les tribunaux d'appel, et que ça n'est pas - dès lors qu'il est élu par le peuple ou par vous et qu'il est assermenté - un petit soldat que l'on peut brimer. Fort heureusement, après la publication du rapport de la commission, les discussions ayant eu lieu ont permis peut-être pas une solution parfaite mais au moins de revenir à une solution tout à fait acceptable d'indépendance de la justice dans une organisation que l'on peut comprendre devoir être structurée puisqu'elle comporte trente-cinq magistrats.
J'aimerais également vous dire que la prochaine réforme à laquelle vous devrez vous attaquez, c'est la suivante: pourquoi le procureur général est-il le premier magistrat du pouvoir judiciaire ? Parce qu'il est l'héritier du lieutenant de justice auquel les habitants de Genève ont, au moyen-âge, confié le pouvoir d'arrêter ou de ne pas arrêter les citoyens. Cet élément-là est le début du rôle du procureur général. Ensuite, il est devenu non pas le lieutenant, mais carrément le premier magistrat du pouvoir judiciaire. Et, par les lois que vous avez votées pendant cette législature, il est encore devenu l'administrateur en chef du Palais, ce qui réunit quand même trois rôles pour une seule personne et nous fait être - à ma connaissance - le seul endroit d'Europe occidentale où le premier magistrat du pouvoir judiciaire n'est pas le président de la cour suprême mais l'accusateur public. Pour des raisons historiques, il n'était pas question d'en changer aujourd'hui, mais peut-être faudra-t-il se demander s'il n'est pas trop d'attendre d'un seul homme qu'il soit à la fois le garant de nos libertés, le chef du pouvoir judiciaire et l'administrateur dudit pouvoir.
Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir entrer en matière sur ce projet et, ensuite, de réserver bon accueil à, je crois, tous les amendements qui ont été déposés, à moins que, soudain, un amendement extraordinaire et tout à fait contraire à l'esprit des travaux vienne à être déposé. Pour ceux que j'ai vus, ils sont tous dans la ligne de ce qui a été convenu.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10462 est adopté en premier débat par 64 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Mesdames et Messieurs, vous avez devant vous une feuille jaune «Rectificatif d'erreurs formelles» portant sur le chapitre III, le chapitre IV, de même que sur les articles 91 et 111, sur l'article 139, alinéa 2, sur l'article 140 et l'article 146 souligné, alinéas 4, 12 et 14. Le Bureau à son unanimité et les chefs de groupe à leur unanimité ont décidé de vous demander de voter l'ensemble de ces rectificatifs en une seule fois. Il s'agit de redondances, de doublons, de virgules à changer, de fragments d'articles qui ne correspondent plus aux autres. Si vous êtes d'accord, nous allons voter l'ensemble de ces rectificatifs en une seule fois plutôt qu'en douze.
Mis aux voix, cet amendement (rectificatif d'erreurs formelles) est adopté par 67 oui (unanimité des votants).
Le président. Nous sommes maintenant à la partie 1, Dispositions générales.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 à 17.
Le président. Il y a un amendement à l'article 18. Je donne la parole à M. Jornot.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. C'est le premier des amendements communs aux rapporteurs, qui porte sur le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, composé de 11 membres. A la demande de celui-ci, le Conseil d'Etat proposait de diminuer le quorum de présences nécessaires pour prendre des décisions à 7 membres sur 11. L'Association des magistrats trouvait ce nombre trop bas, notamment pour les cas de destitution, raison pour laquelle nous vous proposons un amendement de compromis qui garde le quorum de 9 membres dans les cas de destitution.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous allons nous prononcer sur cette demande d'amendement à l'article 18, alinéa 2 (nouvelle teneur): «2 Le conseil délibère valablement lorsque 7 de ses membres au moins sont présents. Il ne peut toutefois prononcer la destitution au sens de l'article 20, alinéa 1, lettre d que si 9 de ses membres au moins sont présents.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 67 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 18 ainsi amendé est adopté par 62 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 19 est adopté, de même que les articles 20 à 27.
Le président. A l'article 28, nous sommes saisis d'un amendement de Mme Emery-Torracinta et de Mme Bolay. Madame Emery-Torracinta, je vous laisse la parole.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Cet amendement concerne la question de ce qu'on appelle les «mi-charges». Vous savez que, déjà aujourd'hui, les magistrats, en tout cas dans certaines situations, peuvent travailler à mi-charge. J'aimerais peut-être préciser d'ailleurs que «mi-charge», ce n'est pas égal à «mi-temps». Avoir une mi-charge, c'est avoir la moitié moins de dossiers que quelqu'un d'autre. Et cette possibilité existe aujourd'hui mais est très peu usitée, essentiellement parce que la procédure est assez complexe. Dans les faits, sur les quatre-vingt-neuf postes qui pourraient potentiellement être concernés par les mi-charges, seulement trois ont été dédoublés.
Les Verts avaient lancé, il y a quelque temps, un projet de loi à ce propos, et le Conseil d'Etat a repris cette idée. A savoir que l'on permette à toutes les juridictions de travailler avec des mi-charges. Toutes les juridictions sauf une: le ministère public. Et notre amendement vise à introduire la possibilité également pour les procureurs de travailler à mi-charge, puisque, je le répète, il ne s'agit pas de mi-temps mais simplement d'avoir la moitié moins de dossiers. Cela nous semble parfaitement possible, c'est d'ailleurs ce que le canton du Jura a proposé.
Une deuxième partie de cet amendement concerne le pourcentage de postes qui peuvent être attribués à mi-charge. Le projet de loi initial du Conseil d'Etat parlait de 40%, la commission a souhaité 20%. Nous estimons qu'il faut toujours être le plus souple possible - laisser la possibilité, lorsque les personnes sont intéressées, de le faire - et, donc, nous pensons qu'il est intéressant de monter à 40%.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet (L). Excusez-moi, Monsieur le président ! Je vais laisser intervenir chacun des rapporteurs.
Le président. En principe, ce sont les rapporteurs qui terminent, Madame, alors je vous laisse la parole. (Quelques instants s'écoulent.)
Mme Nathalie Fontanet. Merci, Monsieur le président. Si vous avez décidé que les rapporteurs terminent, qu'il en soit ainsi ! S'agissant de cet amendement des socialistes, le groupe libéral y est opposé pour deux raisons. Finalement, cette question des mi-charges porte sur deux éléments avec, d'une part, le taux. Le groupe libéral estime que le taux qui fait actuellement l'objet de l'inscription dans la loi est un progrès immense, car aujourd'hui il n'existe qu'un régime d'autorisations et seuls quatre postes de demi-charges sont inscrits dans la loi pour le TPI. D'ailleurs, il est intéressant de rappeler que ce taux, adopté lors des travaux en commission, émane d'un projet de loi des Verts. Et l'on sait que ces derniers ne sont pas particulièrement «soft» en la matière.
Ensuite, par rapport à cet amendement se pose également le problème de la juridiction. Effectivement, les libéraux ont souhaité que le ministère public - le Parquet - ne puisse pas disposer de postes à demi-charge, cela pour une raison évidente: la tâche des procureurs nécessite une disponibilité de chaque instant. Ils devront enquêter, suivre des affaires, ordonner des arrestations, et les mesures à prendre ne permettent pas d'avoir des demi-charges. Ces dernières seront estimées par les libéraux comme des entraves au bon accomplissement de leur mission par les procureurs. Nous refuserons donc l'amendement déposé par les socialistes.
Mme Michèle Ducret (R). Simplement, nous ne suivrons pas cet amendement socialiste. Nous trouvons que 20% de demi-charges, c'est bien suffisant. Nous avons suivi en cela la proposition des Verts et nous nous en tiendrons à ce qui a été décidé en commission.
Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Je souhaite rappeler qu'effectivement ce sont les Verts qui ont déposé un projet de loi, il y a une petite année, pour permettre 20% au maximum de demi-charges dans les juridictions genevoises. Ce projet de loi n'a accompagné qu'une infime partie de nos travaux. En effet, il n'y a pas de raison d'empêcher le développement du temps partiel au sein de la justice genevoise. Nous sommes aujourd'hui satisfaits du taux de 20% prévu dans la loi. Quant à la proposition socialiste de l'augmenter à 40% comme le prévoyait le projet de loi du Conseil d'Etat au début de nos travaux, pourquoi pas, même si les 20% font l'objet d'un accord.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Il y a quelques années, cette question des demi-charges donnait lieu à des débats absolument enflammés. Certains soutenaient qu'une magistrature, ce n'était par définition pas divisible, de la même manière qu'un poste de conseiller d'Etat par exemple, puis peu à peu, c'est vrai que les choses ont évolué et qu'aujourd'hui il n'y a plus d'opposition aussi «principielle» à l'existence des demi-charges.
Cela étant, nous vivons depuis quelques années avec une situation inextricable, sur le plan de la procédure, pour la création de ces demi-charges, et en ce sens le projet de loi du Conseil d'Etat - voté par la commission sur ce point - apporte une amélioration considérable.
Alors, quid de cette affaire de pourcentage ? Les Verts avaient lancé un projet de loi qu'ils voulaient extrêmement progressiste, avec un chiffre tout à fait extrême de 20% des postes qui pourraient être dédoublés. Ils demandaient probablement 20% dans l'espoir qu'on leur en donnerait 10, et puis, effectivement, ils se sont trouvés fort marris lorsqu'ils ont découvert que le Conseil d'Etat, lui, en proposait 40. C'est un chiffre totalement absurde, tous les magistrats auditionnés en commission l'ont dit: cela donnerait des juridictions qui ne pourraient plus fonctionner à satisfaction, c'est un chiffre totalement insensé. Alors, finalement, la commission, eh bien, elle a choisi, par un consensus extrêmement large, de se rallier au chiffre de 20% correspondant à celui qui était demandé par les Verts et qui permettra ainsi un développement considérable par rapport à la situation actuelle du nombre de demi-charges dans la magistrature. C'est donc un chiffre tout à fait progressiste que la commission a adopté.
Sur la question de l'inclusion du ministère public, je crois que ce qu'a dit tout à l'heure Mme Nathalie Fontanet répondait à la question posée: dans une juridiction qui devra agir 24h/24, qui aura des délais extrêmement courts pour conduire ses procédures, notamment en cas d'arrestation - des délais extrêmement courts imposés par le code de procédure pénale fédéral - il n'est pas possible de se partager le travail, d'arrêter quelqu'un puis que ce soit quelqu'un d'autre qui l'interroge, et puis qu'un troisième aille ensuite requérir l'arrestation devant le Tribunal des mesures de contrainte; c'est tout simplement incompatible, raison pour laquelle je vous propose de refuser cet amendement.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous allons donc voter d'abord sur l'alinéa 1 (nouvelle teneur) de cet article 28: «Les fonctions de président et vice-présidents des tribunaux doivent être exercées à pleine charge.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 36 non contre 25 oui.
Le président. Nous allons maintenant voter l'alinéa 2 (nouvelle teneur): «A concurrence de 40% de la dotation de la juridiction, les autres fonctions peuvent être exercées à demi-charge.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 37 non contre 26 oui.
Mis aux voix, l'article 28 est adopté.
Le président. Article 29: nous avons un amendement de Mme Emery-Torracinta, Mme Captyn et M. Jornot. Monsieur Jornot, je vous laisse la parole.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. C'est l'un des amendements communs aux rapporteurs, et il préfigure l'arrangement - puisqu'il paraît qu'on ne peut pas parler de consensus - sur le ministère public, en ce sens que nous avons voulu une formule uniforme pour la question de l'attribution des procédures et des changements d'attribution, décisions qui sont prises par l'ensemble des présidents de juridiction, parmi eux par le procureur général. Aujourd'hui, vous savez qu'il y a dans la loi une liberté totale pour les présidents de juridiction en la matière. Le Conseil d'Etat proposait de réduire cette liberté de manoeuvre en imposant l'existence de justes motifs. Le collège des juges d'instruction, lors de son audition, nous a demandé de renoncer à cette exigence des justes motifs, qu'il considérait comme une mesure de défiance vis-à-vis des présidents de juridiction. La commission a interprété cela comme un blanc-seing pour supprimer simplement la mention des justes motifs, mais apparemment ce n'est pas exactement ce que les magistrats voulaient: ils auraient préféré qu'on supprimât l'intégralité de l'alinéa. Bref, en définitive, nous avons trouvé par consensus une solution qui rétablit non pas une liberté totale, justement, mais une exigence, celle que la modification de l'attribution des procédures soit légitime. C'est l'expression «s'il y a lieu» qui figure dans ce texte et qui correspond ni plus ni moins au texte actuel de la loi sur l'organisation judiciaire s'agissant de la compétence du président du collège des juges d'instruction de modifier l'attribution des procédures; c'est donc un statu quo. Ici, encore une fois, à l'article 29, on ne parle pas du procureur général, on parle des présidents de juridiction, mais c'est une solution qui vaut uniformément et pour les uns et pour l'autre.
Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Je souhaite simplement dire que c'était très important pour nous d'en rester à la pratique actuelle sur la question épineuse de l'attribution des procédures, car c'est un article particulièrement délicat vis-à-vis de l'organisation du ministère public. Nous sommes donc heureux d'en rester à la pratique actuelle par la mention de «s'il y a lieu», termes figurant déjà dans la loi aujourd'hui.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de première minorité. Comme je l'avais dit dans mon introduction préalable, c'était l'une des pierres d'achoppement essentielles qui avaient amené aux rapports de minorités, parce que nous avions l'impression que les changements opérés par la majorité de la commission cachaient quelque chose. A partir du moment où l'on revient à la loi initiale, on se rend bien compte qu'on arrive à trouver un terrain d'entente et qu'on peut parfaitement travailler ensemble.
Le président. Merci, Madame la députée. Nous allons donc voter sur cet amendement concernant l'article 29, alinéa 4, lettre a (nouvelle teneur), l'alinéa 5 étant biffé: «Le président: a) attribue les procédures et modifie s'il y a lieu les dispositions prises à cet égard;»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 54 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 29 ainsi amendé est adopté par 52 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 30 est adopté, de même que les articles 31 à 42.
Le président. A l'article 43: nous sommes saisis d'une demande d'amendement de M. Jornot, Mme Emery-Torracinta et Mme Captyn. Monsieur Jornot... Ou plutôt, pour commencer, Madame Bolay, puisque vous avez demandé la parole. Les rapporteurs s'exprimeront après.
Mme Loly Bolay (S). Monsieur le président, je préfère que ce soit l'un des rapporteurs qui présente cet amendement, parce que c'est le leur. Je prendrai la parole ensuite.
Le président. Allons-y, mais on ne fait pas comme cela d'habitude !
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Vous êtes trop bon, Monsieur le président.
Le président. Trop bon !
M. Olivier Jornot. A l'article 43, il s'agit d'un amendement qui vise à rectifier un déséquilibre au sein de la conférence des présidents de juridiction, consécutif à la création de la Cour de justice unifiée. Cette dernière n'aurait eu qu'une voix contre six pour les juridictions de première instance. En permettant au président d'être accompagné de ses trois vice-présidents, un par section, on rétablit l'équilibre au sein de ce collège.
Mme Loly Bolay (S). C'était d'ailleurs une demande de l'Association des magistrats: rétablir un peu cet équilibre. Et effectivement, au lieu d'avoir un seul représentant de la plus haute instance du canton, il y en aura quatre - comme le rapporteur l'a dit, un par section. Là, le parti socialiste est satisfait de cet amendement.
Le président. Merci beaucoup, Madame la députée. Nous allons donc voter maintenant sur cet amendement à l'article 43, alinéa 1, lettre h (nouvelle teneur) : «La conférence des présidents de juridiction est composée: h) du président et des vice-présidents de la Cour de justice.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 54 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 43 ainsi amendé est adopté par 49 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 44 est adopté, de même que les articles 45 à 75.
Le président. A l'article 76, nous sommes saisis d'un amendement de M. Jornot, Mme Emery-Torracinta et Mme Captyn. Monsieur Jornot, la parole est à vous.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Les rapporteurs se proposent de commenter l'ensemble des dispositions concernant le ministère public, donc les articles 76 à 82, plutôt que de faire autant de débats. On est là, en effet, au coeur de ce fameux litige politique. J'aimerais vous proposer une citation qui est la suivante: «Le parquet est un corps puissant dans l'institution judiciaire. Il est hiérarchisé et indivisible. Cette organisation est nécessaire à son action, et on ne saurait la remettre en cause.» Alors, s'il fallait faire un quiz: est-ce que c'est une phrase de Daniel Zappelli ? Est-ce que c'est une phrase de Dario Zanni ? Est-ce que c'est une phrase de votre serviteur ? Pas du tout ! C'est une phrase de Robert Badinter, qu'il vient de prononcer dans le cadre du débat judiciaire en France sur le projet de loi du président de la république. C'est dire, encore une fois, que cette question de hiérarchie, cette question d'organisation du ministère public, n'est pas une lubie de la majorité, mais un véritable problème politique qui se pose. On nous proposait de bouleverser un système qui fonctionne partout et qu'un certain nombre de partis - je pense au parti socialiste, par exemple - ont toujours soutenu, notamment lorsqu'ils ont proposé, il y a quelques années, le projet de loi qui visait à hiérarchiser le collège des juges d'instruction en créant un poste de président de ce collège. On ne peut donc pas dire qu'il n'y a pas de tradition historique en la matière, mais je m'arrête là en matière de rappel des positions des uns et des autres pour revenir à cette affaire d'accommodement ou de compromis.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit, Mesdames et Messieurs les députés, de laisser, dans le texte - et, sur ce point, la majorité n'a pas voulu transiger - la compétence d'organisation du ministère public entre les mains du procureur général: il dirige et organise le ministère public, il fixe le nombre des premiers procureurs entre trois et cinq et il organise les sections et les compose. Il s'agit ensuite de dire - deuxième point - qu'en raison du nombre de l'effectif de cette juridiction, qui sera une grande juridiction, eh bien, on tire parti des possibilités offertes par le droit fédéral - précisées par le Conseil fédéral dans son message - d'avoir un relais entre le procureur général et les procureurs; et ce relais, ce sont les premiers procureurs. Dans d'autres cantons, parce qu'ils ont un vaste territoire, ces premiers procureurs ont des compétences régionales. A Genève, il ne s'agit pas de cela mais de sections fondées, encore une fois, sur l'effectif, sur le saut quantique de cette juridiction qui passe tout d'un coup à trente-six magistrats.
Le point sur lequel nous avons transigé, vous l'avez compris, c'est celui du mode de désignation des premiers procureurs. Nous avons transigé en admettant de retirer au procureur général la compétence de nommer seul ses premiers procureurs et en la confiant à un collège de nomination composé du procureur général lui-même, de deux magistrats pénaux et de deux représentants de la séance plénière, donc de la base du ministère public.
Sur l'article 82 que nous avons accepté de biffer, nous sommes là - un peu comme sur l'article 79 pour lequel nous allons voter un amendement maintenant - un peu dans le domaine où il s'agissait de savoir s'il valait mieux trop en dire ou ne pas en dire assez. Sur l'article 80, c'est un amendement très symbolique qui vise à rappeler qu'on est d'abord élu comme procureur et qu'on devient premier procureur si l'on est choisi par le collège de nomination. A l'article 82, la controverse était beaucoup plus vive parce que - comme l'ont dit tout à l'heure Mmes les rapporteures de minorités - cette disposition a été comprise par un certain nombre de magistrats comme limitant, en quelque sorte, leur indépendance puisque l'on précisait qu'ils étaient indépendants sous réserve des compétences du procureur général. Pourquoi est-ce que la majorité, Mesdames et Messieurs, a accepté de renoncer à cet article ? Eh bien, parce que cet article ne faisait que dire - peut-être maladroitement - ce qui ressort, pour le reste, de la loi. En effet, nous avons, à l'article 2 de la loi, le texte qui pose le principe de l'indépendance des juridictions et des magistrats qui les composent - et si le Conseil d'Etat a proposé le mot «magistrats», ce n'est pas pour rien, c'est précisément pour englober le ministère public - et puis, nous avons l'article 79 qui donne les compétences du procureur général. Et ces compétences, eh bien, elles fondent des exceptions à l'indépendance totale des magistrats du ministère public. En appliquant simplement les règles parfaitement usuelles d'interprétation du droit, on arrive donc à dire que les magistrats sont indépendants sous réserve des compétences du procureur général, mais peut-être qu'en évitant de le répéter encore une fois, on évite de susciter des débat inutiles, raison pour laquelle les trois rapporteurs se sont mis d'accord pour supprimer cet article.
Je vous invite donc, puisque je ne reprendrai pas la parole, à approuver les amendements à l'ensemble de ces articles 76 à 82. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député, la parole est à Mme Bolay.
Mme Loly Bolay (S). Merci beaucoup, Monsieur le procur... Procureur ! Vous voyez le lapsus ?! (Rires.) Monsieur le président...
Le président. Vous n'êtes pas condamnée, Madame.
Mme Loly Bolay. Le parti socialiste est content de cet amendement parce que, précisément, ces articles sur le Ministère public constituaient aussi l'une des pierres d'achoppement. Je l'ai dit tout à l'heure, ce qui ressortait des travaux de la commission, c'est que le procureur général désignait lui-même les premiers procureurs, or, en mettant à l'article 79 qu'il doit consulter la séance plénière, ça va dans le sens de ce que le parti socialiste voulait au départ. Et surtout, on a écouté aussi l'Association des magistrats, qui tenait absolument à ce que la séance plénière ait aussi ce droit de regard et ce droit d'être consultée. Voilà pourquoi le parti socialiste vous encourage à voter ces amendements aux articles 76, 79, 80, 81 et 82.
M. Guillaume Barazzone (PDC). Je souhaite intervenir brièvement, simplement pour rappeler que nous avions étudié en tout six variantes s'agissant du mode éventuel d'élection ou de désignation des premiers procureurs. Nous ne voulions pas d'un système où notre Grand Conseil élisait ces premiers procureurs, puisque, dans le fond, il y avait là une question de séparation des pouvoirs et d'immixtion du pouvoir législatif dans une nomination qui concernait le pouvoir judiciaire. Nous ne voulions pas non plus d'un système où le plénum élisait lui-même les premiers procureurs, dans la mesure où l'on aurait assisté à une véritable campagne électorale à l'interne du ministère public, ce qui aurait - de notre point de vue - péjoré la situation et l'ambiance au sein de cette juridiction. Et la solution qui ressort des séances de négociations entre les rapporteurs et le Conseil d'Etat - elles ont permis l'émergence d'une nouvelle variante à laquelle nous n'avions pas pensé en commission, celle du collège de nomination - nous satisfait, puisqu'elle permet au procureur général ainsi qu'à un certain nombre de représentants - deux du plénum du ministère public, le président du Tribunal pénal et le vice-président de la section pénale de la Cour de justice - de désigner ces premiers procureurs. Je crois que cette solution est raisonnable.
Mme Michèle Ducret (R). En ce qui nous concerne, les radicaux, nous étions en faveur de la première version qui était plus rigoureuse et que nous avions appelée de nos voeux lors des travaux de la commission. Cependant, nous nous inclinons devant le résultat des travaux de la deuxième commission, la «commission bis», parce que, finalement, nous sommes des gens de consensus. Nous accepterons cet amendement également.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de première minorité. Je crois qu'on doit savoir raison garder: parler de saut quantique quand on passe de onze à trente-six personnes, j'ai quelques doutes... Et peut-être y aurait-il un mathématicien ou un physicien dans la classe pour éclairer ma lanterne - je voulais dire «dans le parlement», bien évidemment ! (Rires.)
Cela dit, Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti socialiste, deux choses étaient essentielles. D'une part, que les premiers procureurs désignés ou élus aient une légitimité auprès de leurs pairs. Je crois que ce serait une erreur d'avoir une situation où un procureur général, quel qu'il soit, impose par la force une équipe à des gens qui n'en voudraient pas, d'autant plus que - on le sait, et je l'ai dit - la tradition genevoise fait qu'actuellement les juges d'instruction sont très indépendants dans leur manière de procéder. Ainsi, la solution qui a été trouvée, d'imaginer un collège composé de cinq personnes dont deux procureurs élus par leurs pairs, nous paraît une solution sage. Certainement pas la plus simple. La solution la plus simple aurait été de choisir - comme nous le proposions - soit la séance plénière, soit éventuellement le Grand Conseil. Mais nous nous rallions bien volontiers à une solution qui est assez équilibrée.
Par contre, deuxième point qui était important pour nous, c'est la question de l'organisation. Là, je dirai que le compromis penche très largement en faveur du projet de loi initial et un peu moins en faveur de ce que nous voulions, puisque, si le procureur général devra convoquer la séance plénière - c'est une chose importante - et certes la consulter, eh bien, il disposera. Et nous osons espérer que la personne qui aura cette noble tâche, pas seulement dans les années qui viennent mais à l'avenir, saura consulter et vraiment s'appuyer sur la juridiction du ministère public pour faire avancer les choses.
En résumé, ce n'est peut-être pas l'idéal pour nous, mais ça nous paraît être une solution acceptable, en tout cas bien meilleure que celle proposée par le projet de loi.
Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Effectivement, les amendements qui arrivent concentrent la part la plus importante de notre opposition. La vision idéale des Verts concernant le Ministère public est bien loin de ce qui nous est proposé. Dans le fond, nous faisons un lien fondamental et indivisible entre l'élection des futurs procureurs par le peuple et leur indépendance. Or, le ministère public et son organisation tels qu'ils nous sont proposés dans le projet de loi semblent atteindre l'indépendance des futurs procureurs, c'est la raison pour laquelle nous avons, en commission, proposé un amendement général en deuxième débat, pour avoir un ministère public plus proche de notre vision idéale. Evidemment, cet amendement n'a pas recueilli la majorité; nous avons par conséquent renégocié depuis. Nous voterons ces amendements, même si, encore une fois, ils sont loin de nous satisfaire complètement.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, les deux principes qui sont en jeu dans ces amendements, enfin, dans ces articles, c'est: indépendance des magistrats versus organisation efficiente. Et je crois que l'équilibre auquel vous êtes parvenus est positif, puisqu'on a une organisation qui doit permettre de faire fonctionner la machine et qu'on a cette garantie - qui se trouve déjà, il est vrai, à l'article 2 de la loi - du respect de l'indépendance des procureurs. Toute autre solution est assez risquée, parce que le durcissement dans l'organisation porte forcément atteinte, à un moment donné ou à un autre, au statut d'indépendance des magistrats.
J'aimerais saisir l'occasion de ces amendements pour féliciter les députés de la commission d'avoir résisté à des pressions fortes du Palais de justice, de certains, d'autres, dans un sens, dans un autre. Or, dans le processus législatif, il est normal que vous entendiez les intéressés: on ne légifère pas contre des gens, on les entend ! Mais ensuite, le Grand Conseil décide. Et vous aviez des avis divergents entre magistrats, avis qui se sont exprimés avec force, avec beaucoup de force. Il est ainsi tout à l'honneur de votre commission d'avoir, en définitive, tranché souverainement, en tenant compte des arguments, mais sans céder ni dans un sens ni dans un autre.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter cet amendement à l'article 76, lettre b (nouvelle teneur): «Le ministère public est doté: b) de 35 postes de procureurs.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 62 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 76 ainsi amendé est adopté par 58 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 77 est adopté, de même que l'article 78.
Le président. A l'article 79, nous avons discuté des amendements, nous allons donc les voter. Nous en avons d'abord un à l'article 79, alinéa 2 (nouvelle teneur): «A cette fin, il: a) définit la politique présidant à la poursuite des infractions; b) attribue les procédures et modifie s'il y a lieu les dispositions prises à cet égard; c) veille à ce que les magistrats du ministère public remplissent leur charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité; d) veille au bon fonctionnement du ministère public et à l'avancement des procédures; e) édicte le règlement de la juridiction; f) arrête entre 3 et 5 le nombre des premiers procureurs et la composition des sections; g) désigne parmi les procureurs ou premiers procureurs, ceux qui sont chargés d'exercer les fonctions de procureur des mineurs; h) convoque la séance plénière du ministère public; i) exerce les autres attributions que la loi lui confère.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 62 oui (unanimité des votants).
Le président. Nous sommes saisis ensuite d'un amendement à l'alinéa 3 de l'article 79 (nouvelle teneur): «Il exerce les compétences prévues aux lettres e, f et g après avoir consulté la séance plénière.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 63 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 79 ainsi amendé est adopté par 62 oui (unanimité des votants).
Le président. Nous allons voter l'article 80 (nouvelle teneur) dans son entier. Le titre de l'article est: «Art. 80 Election des premiers procureurs». Voici le premier alinéa: «Les premiers procureurs sont élus parmi les procureurs par un collège composé: a) du procureur général; b) du vice-président de la Cour de justice en charge de la section pénale; c) du président du Tribunal pénal; d) de deux procureurs élus par la séance plénière du Ministère public.» L'alinéa 2 est formulé ainsi: «Les premiers procureurs sont élus pour 3 ans. Ils sont immédiatement rééligibles. L'article 30 s'applique par analogie.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 64 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 80 ainsi amendé est adopté par 63 oui (unanimité des votants).
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement général sur un nouvel article 81, l'ancien article 81 devenant l'article 82 et l'article 82 ancien étant biffé. L'article est intitulé ainsi: «Art. 81 Compétences des premiers procureurs». Voici la teneur de l'alinéa 1: «Le règlement de la juridiction arrête l'étendue de la délégation des compétences du procureur général aux premiers procureurs. Les compétences visées de l'art. 79, lettre a, e, f et g ne peuvent pas être déléguées.» L'alinéa 2 est formulé ainsi: «Les premiers procureurs traitent en outre les procédures qui leur sont attribuées.»
Mis aux voix, cet amendement (création d'un article 81 nouveau) est adopté par 63 oui (unanimité des votants).
Mix aux voix, l'article 82 (article 81 ancien, l'article 82 ancien étant biffé) est adopté, de même que les articles 83 à 117.
Le président. A l'article 118, nous sommes saisis d'un amendement de MM. Jornot et Barazzone et de Mmes Emery-Torracinta et Captyn. La parole est à M. Jornot.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Il s'agit ici, Mesdames et Messieurs, d'une disposition concernant la façon dont la séance plénière de la Cour de justice va composer les diverses chambres qui feront partie de cette juridiction. Une telle disposition nous a paru nécessaire, précisément en raison de l'augmentation du nombre de ces chambres consécutive à la création d'une Cour de justice unifiée. Elle nous a paru d'autant plus nécessaire qu'aujourd'hui le critère principal qui, sans être inscrit dans la loi, détermine la désignation des juges composant les chambres de la Cour de justice, c'est celui de l'ancienneté, de la date d'entrée dans la juridiction. Et il nous a semblé qu'à partir du moment où nous aurions une grande juridiction avec beaucoup de disciplines différentes, et à partir du moment où nous avons voulu par ailleurs favoriser en quelque sorte la spécialisation des juges et la création de filières - le civil, le pénal et l'administratif - il serait bon de prévoir dans la loi quelques critères servant de ligne directrice à la plénière de la Cour de justice.
C'est la raison pour laquelle, à la lettre a), eh bien, on donne une certaine priorité aux magistrats de la filière; à la lettre b), on donne une certaine priorité aux compétences acquises par les magistrats, notamment les nouveaux magistrats qui entrent dans la juridiction. Et puis, à la lettre c), Mesdames et Messieurs, c'est un amendement qui découle directement du rattachement du Tribunal administratif à la Cour de justice sous la forme de la chambre administrative de la Cour de justice. Vous savez que ce Tribunal fonctionne comme dernière instance cantonale dans des domaines qui sont souvent sensibles, notamment, par exemple, en matière de votations et élections, mais dans d'autres domaines aussi. Et puis, certains ont craint que la vision de la commission, pour laquelle l'identité politique des juges n'a pas d'importance, soit un peu idyllique; ils ont souhaité que la légitimité de cette chambre soit renforcée vis-à-vis de l'extérieur par le respect de certains équilibres politiques. C'est la raison pour laquelle nous avons introduit ici cet amendement. Une disposition semblable fonctionne d'ailleurs dans le canton de Vaud quant à la désignation des juges du Tribunal constitutionnel. Il nous a semblé que notre Tribunal administratif était aussi une petite juridiction constitutionnelle et que faire un rapprochement n'était donc pas incongru. C'est un amendement important dans le cadre de la création de la Cour de justice unifiée.
M. Guillaume Barazzone (PDC). Je m'exprimerai en tant qu'auteur de l'amendement. On l'a dit tout à l'heure, les magistrats seront élus à la Cour de justice et non pas dans une section ou une chambre particulière de celle-ci. Pour les raisons évoquées par M. Jornot - rapporteur et également auteur de l'amendement - nous avons décidé d'instaurer et de consacrer dans la loi quelques critères objectifs, de manière que le plénum puisse avoir des éléments tangibles à prendre en compte lors du choix de l'allocation ou de la désignation de tel juge dans telle ou telle chambre, ou telle section de la Cour de justice. Vous avez vu que l'alinéa 2 prévoit que, à cet effet, elle tient compte notamment des lettres a), b) et c). L'expression «notamment» ouvre la porte à d'autres critères que ceux inscrits dans la loi. Pour éviter tout doute lors de l'interprétation de cette disposition qui devra être impérativement suivie et respectée par le plénum, la lettre a), qui mentionne «l'expérience acquise dans les juridictions dont la chambre concernée connaît des jugements et décisions», ainsi que la lettre b), qui mentionne des «compétences particulières dans les branches du droit concernées, sanctionnées notamment par un titre universitaire ou l'expérience professionnelle», sont des critères qui doivent primer le rang, l'ancienneté, ou autrement dit le matricule.
Je précise que cet amendement concerne l'allocation ou la désignation des juges dans les sections lors des futures élections judiciaires qui auront lieu, sauf erreur en 2014. En effet, vous savez que notre projet de loi prévoit une disposition transitoire permettant un coulissement des juges actuels dans les juridictions telles qu'elles sont prévues par le projet de loi: un maintien pour certains - puisqu'il y a des tribunaux qui ne changent pas de nom - et un transfert pour d'autres. Quoi qu'il en soit, cet article 118, alinéa 2, ne s'appliquera que lorsque les juges seront élus lors des nouvelles élections judiciaires. Je vous remercie de votre attention.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui concerne cette disposition - article 118, alinéa 2 - elle ne nous a pas convaincus au niveau de la lettre c), puisqu'il y est souhaité «l'équilibre des sensibilités politiques» à la chambre administrative.
On sait que notre mouvement s'est toujours opposé à ce qu'il fallait, pour entrer dans la magistrature, d'abord avoir une carte d'adhésion à un parti politique. On a bien compris ce que nous ont expliqué M. Jornot et les experts par rapport à cela, simplement il ne nous paraît pas opportun de mentionner le terme «politique»; la justice doit être apolitique, et ça prête à confusion de le mentionner de telle sorte. Aujourd'hui, que se passe-t-il ? Cet équilibre est relativement trouvé par la commission interpartis, qui n'est pas officielle mais qui fait cette sélection des magistrats. En somme, ce que nous souhaiterions voir arriver, pour éviter ce genre de dispositions, c'est vraiment la création d'une école de la magistrature. Et là, on pourra dire qu'on aura évincé tout le côté politique de la justice.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cette disposition n'est pas destinée à brider quoi que ce soit, ni destinée non plus à politiser une instance, mais à rassurer l'extérieur sur le fait que toute sensibilité est représentée. Et permettez-moi volontairement de prendre un exemple dans un autre domaine du droit: il se trouvait un temps où à Fribourg les juges démocrates-chrétiens prononçaient les divorces de manière plus restrictive que les juges protestants à Genève. C'est une réalité, il faut la connaître, on ne peut pas la contester. Et sur ce genre de notions, il est bon que, dans la justice - sans acception de partis, sans calculs politiques, les êtres humains sont ainsi faits qu'ils n'ont pas tous les mêmes sensibilités - eh bien, il est bon que, dans la justice, il y ait des personnes de sensibilités différentes. Raison pour laquelle je soutiens, bien sûr, cet amendement.
Vous me permettrez d'enchaîner pour ne pas reprendre la parole sur l'article 118A (nouveau), parce qu'il est dans la même logique; en ce sens qu'il précise que lorsque des questions de principe importantes sont posées, ou lorsque l'une des sections de la Cour entend changer de jurisprudence, alors, à ce moment-là, il faut consulter les autres sections, ceci de manière à garder une cohérence de la jurisprudence et s'assurer aussi que, précisément, toutes les sensibilités sont représentées. En effet, le hasard de la répartition des magistrats en différentes sections pourrait aboutir tout d'un coup à ce que l'une ait une composition plus marquée d'un côté ou de l'autre. Le mécanisme qui permet de réunir toutes les chambres évite effectivement qu'on ait la moindre dérive de nature politicienne. Raison pour laquelle ces amendements, à l'article 118 et à l'article 118A qui vient le compléter, sont de bonnes dispositions que je vous invite à accepter.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons donc voter cet amendement à l'article 118, alinéa 2 (nouveau): «A cet effet, elle tient compte notamment: a) de l'expérience acquise dans les juridictions dont la chambre concernée connaît des jugements et décisions; b) des compétences particulières dans les branches du droit concernées, sanctionnées notamment pas un titre universitaire ou l'expérience professionnelle; c) pour la chambre administrative, de l'équilibre des sensibilités politiques.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 53 oui et 5 abstentions.
Mis aux voix, l'article 118 ainsi amendé est adopté par 53 oui et 5 abstentions.
Le président. Nous avons été saisis d'une demande d'amendement du Conseil d'Etat. Il porte sur un nouvel article 118A, ainsi expliqué par M. le conseiller d'Etat Moutinot. Monsieur Jornot, vous avez la parole.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Je voulais, à l'exposé de M. Moutinot, apporter un complément parce que cet amendement visant à ajouter un article va de pair avec la suppression du Tribunal des conflits. Vous savez que ce tribunal, aujourd'hui, est une instance qui siégeant très peu mais qui le fait quand même de cas en cas pour traiter des questions de conflits de compétences entre les juridictions civiles, pénales et administratives. Avec la création de la Cour de justice unifiée, il n'est plus nécessaire d'avoir un tribunal qui traite spécifiquement ce genre de conflits puisque, précisément, toutes ces filières sont représentées dans une seule juridiction. Mais ce que la commission a souhaité faire - et le Conseil d'Etat avec elle - c'est reprendre une disposition existant dans la loi sur le Tribunal fédéral et qui permet de mettre en place une procédure interne à la Cour de justice lorsque de tels conflits se font jour, c'est le but de cet article.
Mme Loly Bolay (S). Très brièvement, Monsieur le président, je relèverai ceci: on s'est souvent interrogés par rapport à ce Tribunal des conflits qui est inscrit dans la constitution. Mais tout le monde a oublié que lorsqu'on a voté sur la suppression du jury populaire, il y avait un article qui prévoyait précisément la suppression du Tribunal des conflits. Voilà la raison pour laquelle, Monsieur le président, je me suis permis de faire cette remarque.
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur cette demande d'amendement du Conseil d'Etat. L'article 118A (nouveau) est intitulé ainsi: «Art. 118A Changements de jurisprudence et précédents». Le premier alinéa a la teneur suivante: «Une chambre ne peut s'écarter de la jurisprudence arrêtée par une ou plusieurs autres chambres qu'avec l'accord des chambres intéressées réunies.» L'alinéa 2 est formulé ainsi: «Lorsqu'une chambre entend trancher une question juridique susceptible de concerner plusieurs chambres, elle demande l'accord des chambres intéressées réunies.»
Mis aux voix, cet amendement (création d'un article 118A nouveau) est adopté par 62 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 119 est adopté, de même que les articles 120 à 122.
Le président. Nous sommes à la section 3, Chambre des prud'hommes, article 123. Monsieur Jornot, vous avez la parole.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Je souhaite prendre la parole à propos de la section 3, c'est-à-dire la chambre des prud'hommes, même s'il n'y a pas d'amendement qui soit proposé concernant celle-ci. Il y a eu en effet, vous l'avez vu, décision de la commission de rattacher ce qui est aujourd'hui la Cour d'appel des prud'hommes à la Cour de justice dans son ensemble. Il y a eu une crainte, à ce moment-là, qui s'est fait jour - «jour», c'est peut-être un jeu de mots involontaire - à savoir que, précisément, les audiences qui actuellement ont lieu le soir se tiennent pendant la journée sous prétexte du rattachement de cette chambre à la Cour de justice. J'aimerais dire ici que, si vous prenez le projet de loi sur la juridiction des prud'hommes tel qu'il a été présenté par le Conseil d'Etat, vous constaterez que pour cette juridiction dans son ensemble le Conseil d'Etat avait prévu de ne pas reprendre cette précision, considérant qu'elle allait de soi et que cela relevait de la liberté d'organisation de la juridiction que de continuer à agir exactement comme elle le fait maintenant. J'aimerais dire ici que dans l'esprit des commissaires, il en va exactement de même pour la chambre des prud'hommes en appel, et que le rattachement n'implique en aucune façon la nécessité, ni même l'opportunité, de changer cette façon de travailler; ça me paraissait important de le souligner.
Mis aux voix, l'article 123 est adopté, de même que les articles 124 à 130.
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous propose d'arrêter nos travaux concernant le PL 10462-A. (Exclamations. Protestations.) Nous avons un huis clos maintenant... (Exclamations.) Non, il y a encore beaucoup de choses ! Nous avons encore au moins quinze pages, voire plus... Je vois que nous avons encore vingt-sept pages d'articles à lire ! J'estime qu'il convient de nous arrêter ici pour pouvoir procéder à notre huis clos.
Fin du débat: Session 12 (octobre 2009) - Séance 68 du 09.10.2009
Le président. Je demande aux personnes qui se trouvent à la tribune de bien vouloir la quitter, aux huissiers de préparer la salle pour le huis clos, et à Mme la mémorialiste de couper les micros et la retransmission à Léman Bleu. Je souhaite bonne nuit à M. le conseiller d'Etat !
La séance publique est levée à 22h35.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.
Cet objet est clos.
La séance est levée à 23h.