Séance du
vendredi 18 septembre 2009 à
17h
56e
législature -
4e
année -
11e
session -
63e
séance
M 1891
Débat
M. Yves Nidegger (UDC). Monsieur le président, chers collègues, cela fait plaisir de vous revoir...
Des voix. A nous aussi ! (Commentaires.)
Yves Nidegger. Eh non ! (Remarque.) Volontiers !
Le privilège d'habiter au bord d'un lac, le plus grand d'Europe, en tout cas d'Europe centrale, n'est un privilège effectif pour la population que pour autant que l'on puisse accéder à ce bien, qui est en principe public, mais dont les abords, en tout cas les abords récréatifs, sont assez souvent privés. La question des parcs et de l'accès au lac est une question très chaude à Genève. On le voit avec le débat sur l'OMC, où très facilement, et probablement à juste titre, notre population se hérisse dès qu'elle entend parler d'une restriction, même minime, de ce qu'elle croit être, dans le cas de l'OMC, de son accès au lac. Je crois qu'il faut prendre acte de ce souci, qui est légitime. On a vu avec la campagne sur l'OMC, où j'étais moi-même parmi ceux qui défendaient cette extension, qu'au moindre faux pas, lorsque l'on s'est avisé maladroitement d'effacer quelques arbres, des réactions très vives sont apparues. Ces réactions sont justes, parce que l'on doit parler vrai à la population, dès lors qu'il s'agit de biens que nous possédons en commun et qui nous sont extrêmement précieux.
La proposition de motion qui vous est faite aujourd'hui vise d'une part à corriger une erreur qui s'est glissée dans nos travaux parlementaires lorsque le Conseil d'Etat, puis la commission des finances, et tout le Grand Conseil, n'ont pas remarqué, en 2007, que cette parcelle - il s'agissait d'autoriser le Conseil d'Etat à l'aliéner - fait partie de l'annexe de la loi générale de protection des rives du lac, qui stipule qu'elle doit être, non seulement pour ce qui est de sa plage, mais pour l'ensemble de la parcelle, accessible au public dans sa totalité. N'ayant pas vu cela, nous étions partis de l'idée que cette parcelle était vendable à des privés, ce qui s'est avéré ne pas être le cas lorsque l'ambassade d'Algérie était prête à signer et que le notaire a fait remarquer ce point de détail. Evidemment, la vente est tombée.
Dès lors que cette parcelle ne peut pas réaliser des liquidités intéressantes pour le canton, il s'agit de l'affecter à quelque chose d'autre; je crois que dans le débat d'aujourd'hui ce serait tout à fait élégant de la part du canton, du Conseil d'Etat, vers lequel je vous invite à renvoyer directement cette motion. En effet, le passage en commission, d'une part, n'est pas vraiment utile, les invites sont suffisamment claires; d'autre part, que ferait la commission ? Nous avons pris l'option d'une motion plutôt que d'un projet de loi, parce qu'il suffit d'un acte matériel. Il suffit que le Conseil d'Etat constate que l'on ne peut pas vendre, renonce, verse la parcelle au domaine public et, ensuite, l'aménage sur la base d'un projet de loi pour un microcrédit qu'il voudra bien nous soumettre, et cela dans des délais assez rapides.
Je crois que, dans le débat d'aujourd'hui, on apaiserait beaucoup les tensions en montrant que l'Etat de Genève comprend et respecte les désirs de la population d'accéder au lac et est prêt à donner une compensation à cette petite entorse, qui intervient dans le parc Barton, en instituant en plage un endroit qui profitera à tous. Les plages, vous le savez, sont assez rares...
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.
M. Yves Nidegger. Oui, Monsieur le président. Il y a la plage du Vengeron, Baby-Plage, qui est véritablement public, Genève-Plage, qui est une piscine avec accès au lac... Il y a finalement très peu d'endroits où l'on puisse se délasser dans la verdure. Or cette parcelle offre cette possibilité, puisqu'elle est partiellement boisée, avec un petit port, où l'on peut aménager une installation de planche à voile, ce qui était d'ailleurs l'objectif lorsque l'Etat l'avait achetée dans les années quatre-vingts.
Je vous invite donc à renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat, afin de répondre très rapidement à une question qui est dans l'air du temps.
M. Renaud Gautier (L). Mesdames et Messieurs, il y a, dit la chanson, «un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître»... Il y a aussi un temps qu'il faut louer: celui où les initiants, somme toute, changent d'avis ! Dans la motion qui nous est proposée, qui est teintée d'une opposition assez certaine à un projet sur lequel nous voterons la semaine prochaine, je loue ici le fait que la raison ait amené les motionnaires de l'époque à résipiscence et à se rendre compte de l'intérêt de l'OMC.
Qu'y a-t-il dans cette motion ? Outre le fait qu'elle revient sur un sujet sur lequel ce parlement s'est déjà prononcé, il s'agit d'un superbe acte musical où l'on commence tout en douceur en nous parlant de la loi sur la protection des rives du lac, puis on fait donner les grandes orgues en nous parlant d'un acquéreur privé qui ne s'accommodera pas «de baigneurs, pique-niqueurs et autres promeneurs s'ébrouant, s'installant ou déambulant à leur guise sur toute la propriété.» Ensuite, les cuivres se font entendre: «[...] la conversion en plage publique d'une parcelle actuellement peu utile à l'Etat apportera une plus-value très appréciée à la qualité de vie des Genevois.» A ce moment-là, la tension est à son comble et l'on se demande: «De quoi parlons-nous ?»
Mesdames et Messieurs, nous parlons de 10 m ! Oui, 10 m de plage... (Commentaires.) Je suis fâché de vous interrompre, mon cher collègue ! Permettez-moi de finir, je suis sûr que l'on vous écoutera avec plaisir tout à l'heure. Il s'agit d'une dizaine de mètres de plage et d'une cinquantaine de mètres de mur qui bordent le lac ! J'entends bien qu'il faut ouvrir les rives du lac à tous les Genevois, mais tasser l'entier de ceux-ci sur 10 m de plage me semble une opération périlleuse ! (Remarque.) Cela d'autant plus que les motionnaires nous expliquent aussi qu'il est actuellement difficile de se rendre aux eaux, ce qui est vrai, même si c'est parce que nous sommes en autonome... Alors je les défie, à part évidemment nos éminents collègues qui ne se déplacent qu'à vélo, de trouver où ils se parqueraient, parce que les transports publics, à Rive-Belle, c'est léger !
Donc il s'agit là d'un projet dénotant une certaine utopie, qui est proposé pour le bien des Genevois, et on peut s'en féliciter, mais qui n'a aucun sérieux, Mesdames et Messieurs ! Nous avons avec raison décidé dans ce parlement d'essayer de vendre cette propriété, tout en respectant bien évidemment la loi sur la protection du lac. Ne tournez pas ce parlement plus en ridicule qu'il n'est en voulant faire d'une plage qui fait exactement 10 m de long une plage publique: cela n'a aucun sens ! Merci de vous être intéressés une fois de plus à Rive-Belle et de donner à cette motion le traitement qu'elle mérite. (Remarque.)
Mme Michèle Ducret (R). J'ai consulté le Mémorial avant de m'exprimer, et j'ai vu avec étonnement qu'en septembre 2007, quand nous avons traité de la vente de Rive-Belle, l'un des plus féroces tenants de la vente de Rive-Belle était précisément M. Nidegger, qui vient de nous parler avec émotion de la création d'une plage à Rive-Belle. J'admire et félicite M. Nidegger de cet acte de contrition, qui ressemble aussi un peu à un acte d'apaisement interne, peut-être, au groupe UDC. C'est possible !
Il me semble, à propos de Rive-Belle, que deux choses sont un peu gênantes. D'abord, il n'y a pas de parking, comme vient de le relever M. Gautier, et il est un peu difficile d'aller à la plage à pied, aussi loin de la ville. Ensuite, à côté de cette plage - supposée, future, éventuelle ou virtuelle - il y a deux autres plages, à savoir le Vengeron et le Reposoir, ce qui nous paraît, quant à nous, suffisant, en tout cas sur ce côté-là du lac.
Le seul point qui nous semble positif dans cette motion est l'accès du public au bord du lac, mais c'est malheureusement insuffisant pour que nous votions en faveur de cette motion, que nous refuserons.
M. Alain Charbonnier (S). Beaucoup de personnes se sont exprimées sur le revirement de l'UDC. Il lui aura fallu deux ans pour comprendre que cet endroit était d'intérêt public et que la population était peut-être attachée au bord du lac. Deux ans paraissent beaucoup, mais ma foi, nous prenons acte... (Brouhaha.) ...et, évidemment, nous soutiendrons cette motion, puisque nous étions le seul groupe à s'opposer à cette aliénation de parcelle il y a deux ans, avec les arguments que je vais essayer de développer une fois encore.
Nous disions que c'était un lieu où le public pouvait enfin avoir accès au bord du lac sur la rive droite, car il n'y en a pas beaucoup. Mme Ducret a parlé du Vengeron et du Reposoir, en disant: «Cela suffit largement, puisqu'il y a deux plages.» Mais elle a dit en même temps: «Il n'y a pas de parking.» Alors, s'il y a deux plages, il y a deux parkings; donc il y aura des places de parc pour cette plage si jamais elle pouvait se réaliser.
Ensuite, le Vengeron... Eh bien parlons-en ! Dans tous les plans d'études de la traversée du lac, laquelle semble se dessiner petit à petit, il n'y aura plus de Vengeron, Madame Ducret ! Il n'y aura plus de Vengeron, ce qui signifie une plage en moins ! Et le Reposoir n'est pas le Vengeron: il est beaucoup plus petit. Voilà donc une raison de plus pour développer une nouvelle plage à cet endroit, à Rive-Belle.
Quant à M. Gautier, il devrait de temps en temps aller se balader sur la rive droite, car prétendre que Rive-Belle représente dix mètres de plage... C'est totalement scandaleux de dire des choses pareilles ! La propriété s'étend au moins sur 200 à 300 mètres au bord du lac.
M. Renaud Gautier. La plage !
M. Alain Charbonnier. La plage, Monsieur Gautier, ça se construit, ça se façonne. Il n'y a pratiquement aucune plage naturelle au bord du lac ! Demandez à M. Cramer: lui est capable de dépenser de nombreux millions pour construire une grande plage - sur la rive gauche, de nouveau. Et sur la rive droite, il n'y a pas grand-chose.
Cette parcelle, tout à coup, devient pour l'UDC une manne qu'il faudrait défendre. Il est assez tordant de lire le Mémorial et de se rappeler ce que disait M. Nidegger, il y a deux ans, sur notre opposition à cette aliénation. Je vais simplement vous lire un petit passage: «L'opposition à ce projet de loi est de nature purement idéologique. Malgré l'avancement de l'Histoire, il y a dans ce parlement des gens qui croient encore que, le marxisme étant une science, l'étatisation progressive de tout le territoire est génétiquement programmée et prédestinée.» Je n'irai pas plus loin, parce que cela tient sur pratiquement une page du Mémorial ! L'opposition était donc féroce, et là, tout à coup, à quelques semaines des élections, à quelques mois des élections au Conseil d'Etat, M. Nidegger vient avec une proposition pour sauver cette plage et le groupe UDC. Nous la soutenons... Malheureusement, nous la soutenons !
La motion n'est pas un outil assez fort, parce que, le temps que cela se fasse, le Conseil d'Etat aura déjà vendu cette surface: il peut effectivement la vendre à des privés. Avec l'Algérie, le fait qu'il s'agissait d'une mission diplomatique posait un problème, toutefois cette surface va être vendue. C'est donc un projet de loi qu'il faut. C'est pourquoi nous déposerons un projet de loi la semaine prochaine, pour empêcher cette vente qui était programmée par votre Conseil, l'UDC comprise.
Mise aux voix, la proposition de motion 1891 est rejetée par 37 non contre 22 oui et 4 abstentions.