Séance du vendredi 18 septembre 2009 à 17h
56e législature - 4e année - 11e session - 63e séance

M 1883
Proposition de motion de MM. Guy Mettan, Michel Forni, François Gillet : Pour un accord AIMP qui respecte davantage l'environnement

Débat

Le président. Je donne la parole à Mme Gauthier.

Morgane Gauthier (hors micro). Je laisse les auteurs s'exprimer en premier !

Le président. M. Mettan vient de s'annoncer: la parole est à lui.

M. Guy Mettan (PDC). Je ne prendrai pas la parole trop longtemps sur cette motion; je vais simplement vous suggérer de la renvoyer à la commission de l'économie, cela pour plusieurs raisons. Mais d'abord, je voudrais saluer le travail qui a été fait par de glorieux prédécesseurs. Une motion, notamment radicale, avait été déposée en son temps et avait déjà ouvert une brèche en faveur de la prise en considération des critères environnementaux dans l'évaluation des procédures AIMP. Donc je tiens aussi à saluer l'effort qui a été fait à cette occasion, notamment par le rapporteur, M. Mario Cavaleri, qui avait, dans le rapport sur cette motion radicale, également donné de bonnes explications.

La motion qui nous est proposée ici va simplement un peu plus loin dans ce processus et, compte tenu de tous les événements récents qui se sont produits - notamment ceux relatifs au réchauffement climatique - et de la Conférence de Copenhague qui va prendre au mois de novembre des décisions importantes sur cette question, je pense que, pour un canton comme Genève, il est essentiel de pouvoir prolonger la réflexion et de profiter de la brèche qui a été justement ouverte il y a quelques années par cette motion radicale pour, maintenant, porter le débat un peu plus loin.

J'aimerais aussi mentionner l'exemple suivant à ceux qui doutent de l'intérêt de faire quelque chose en faveur l'environnement, car il y a toujours des gens qui en doutent. J'ai lu avec intérêt la charte environnementale du parti libéral - je l'ai reçue, et je remercie le parti libéral de me l'avoir transmise - qui va tout à fait dans ce sens. J'ai remarqué que le parti libéral prenait des engagements très fermes vis-à-vis de ses électeurs, et j'invite précisément ce dernier à mettre à exécution sa très belle charte et à voter le renvoi de cette motion en commission.

Il y a plusieurs manière, au fond, d'essayer de discréditer une motion intéressante quand elle concerne l'environnement. Une manière est de dire: «On est d'accord avec l'environnement, mais on n'est jamais d'accord avec la proposition concrète qui est faite. Votre idée serait géniale, cependant il ne faudrait pas tout à fait la tourner comme cela, mais un peu différemment. Et si vous aviez fait un peu autrement et changé quelques virgules, nous serions d'accord et nous voterions.» Je crois que ce n'est pas un argument valable; il faut simplement renvoyer cet objet en commission, et là on pourra voir - il suffit de faire une audition, il n'y a pas besoin d'y consacrer des séances entières - ce qui peut être changé, ce qui est à retenir, ce qui peut être résolu.

Une autre manière d'essayer de discréditer une motion comme celle-là consiste à dire: «Elle enfonce des portes ouvertes !»... Mais ce n'est pas le cas ! Premièrement, parce que, comme je le disais, elle va plus loin que ce qui a été fait. Et deuxièmement, si elle enfonçait des portes ouvertes, rien n'empêcherait de l'examiner en commission, même brièvement, pour voir... J'ai entendu dire: «Il y a un règlement qui prévoit la chose.» Il y a un règlement qui autorise peut-être à prendre en considération davantage les aspects environnementaux, mais il serait tout de même intéressant de voir quel est ce règlement, quelles sont les conditions de prise en considération des aspects environnementaux - s'il s'agit seulement de possibilités ou d'obligations - et de déterminer comment on pourrait pondérer. Bref, j'estime que cette motion mérite un petit débat et je vous invite, Mesdames et Messieurs, chers collègues, à accepter ce renvoi.

Le président. Merci, Monsieur le député. J'ai bien noté votre demande de renvoi à la commission de l'économie. La parole est maintenant à Mme Gauthier.

Mme Morgane Gauthier (Ve). En préambule, sur la commission qui doit traiter de ce type de problématique, il me semble que c'est celle des travaux... (Commentaires.) ...pour la simple et bonne raison que c'est cette dernière qui a traité de la ratification des accords AIMP en son temps, Monsieur Mettan. C'était un premier point pour savoir dans quelle direction on pourrait aller.

Pour notre part, il est évident que c'est ce que nous avions demandé dans le projet de loi qui accompagnait précisément la ratification des accords AIMP. Et nous n'étions pas tout seuls. Toutes les personnes qui avaient participé à la commission des travaux étaient favorables à ce qu'il y ait des critères de pondération environnementaux lors d'attribution de marchés publics. Il y avait deux critères que l'on voulait voir être intégrés dans la loi d'application genevoise: les critères environnementaux et les critères d'entreprises formatrices, et du nombre d'apprentis. Il nous paraissait indispensable de faire figurer ces deux éléments à Genève.

Ce qui nous surprend, c'est que, après le dépôt d'interpellations urgentes et le rapport de la commission des travaux, le Conseil d'Etat s'était engagé à venir discuter avec la commission des travaux des normes genevoises qui allaient être établies - comme à Zurich, où cela se fait: il y a des critères de pondération dans l'attribution des marchés publics - or on attend de voir ! On n'a toujours rien vu venir. Et si cette motion peut faire accélérer les choses, tant mieux ! Mais le fond du problème soulevé par la motion a déjà été traité par la commission. Il nous semble donc aujourd'hui que la balle est dans le camp du Conseil d'Etat, qui doit venir avec des propositions concrètes d'application de ces accords AIMP dans le canton, en étant novateur ou en prenant exemple sur le canton de Zurich ou sur d'autres cantons qui ont déjà appliqué des accords AIMP allant dans ce sens-là. Ainsi, pour nous, il importe surtout que le Conseil d'Etat prenne position et modifie l'application de cette loi.

M. Daniel Zaugg (L). Mesdames et Messieurs les députés, la motion 1883 n'est pas la première en son genre. Mes préopinants l'ont dit, notre Grand Conseil avait déjà adopté, sans opposition, la motion 1712, intitulée «Pour une politique de soumission et d'adjudication durable et non plus basée sur le seul prix». Cette nouvelle version n'apporte pas forcément de solutions nouvelles et paraît en fait difficile d'application concrète. Elle a surtout le mérite de relancer le débat. (Commentaires.) La question qu'elle pose est avant tout politique ! Sommes-nous prêts à poursuivre une politique d'adjudication où seule compte l'utilisation parcimonieuse des deniers publics, où seul compte le prix ? Ou, au contraire, voulons-nous un Etat responsable, un Etat qui tienne compte d'autres critères, notamment environnementaux, mais aussi sociaux, de fiscalité et de proximité ? Pour certains, même parmi mes collègues de parti, la réponse est claire: la concurrence doit être absolue et il n'est pas question de céder à une quelconque forme de protectionnisme.

Et pourtant, la question n'est pas si anodine que cela. Si l'on veut que les investissements dans les infrastructures publiques servent à la relance, alors ce n'est pas que le résultat qui compte, c'est aussi le processus. En d'autres termes, on ne construit pas un bâtiment seulement afin de pouvoir en disposer, mais également pour alimenter et stimuler l'économie locale, les entreprises locales, car ce sont elles qui assurent les emplois à Genève, les places d'apprentissage et les rentrées fiscales; ce sont elles qui participent aux solidarités sociales, qui respectent et soutiennent les conventions collectives et qui minimisent l'impact des transports sur l'environnement. Quoi de plus durable que de favoriser les adjudications locales ?

Je disais que le problème est politique. Cela signifie que je ne me satisferai pas d'explications juridico-technocratiques de l'administration nous démontrant que l'objectif que nous poursuivons ne peut pas être atteint en raison de lois contraignantes. D'une part, l'exemple d'autres cantons nous démontre que ce n'est pas vrai ! D'autre part, les lois se changent, les accords intercantonaux et internationaux aussi, ce que demande précisément cette motion. Je vous encourage donc à la renvoyer à la commission des travaux.

Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste n'est pas d'accord de renvoyer cette motion en commission, il vous propose de la renvoyer au Conseil d'Etat. Pourquoi ? J'irai dans le même sens que Mme Gauthier et répéterai que ce travail a déjà été fait. Souvenez-vous de la motion 1712. Nous l'appelions, entre nous, la «motion Barrillier». Nous en avons discuté ici et l'avons renvoyée à la commission des travaux, où nous l'avons amendée. Et que demandait cette motion ? De valoriser la formation professionnelle et les critères écologiques et environnementaux. C'est là que Mme Gauthier a raison, parce que le Conseil d'Etat, le 3 mai 2007, lorsque nous avons tenu notre séance plénière, s'est engagé à concrétiser les invites de la motion 1712. Alors, renvoyer une motion à la commission des travaux, laquelle a déjà travaillé - longuement ! - sur ce sujet, cela signifie que l'on va faire un travail à double ! Aujourd'hui la balle est dans le camp du Conseil d'Etat, qui doit déjà nous répondre sur la précédente motion !

Nous sommes d'accord, Monsieur le vice-président - et auteur de cette motion-ci - de la renvoyer au Conseil d'Etat, pour que ce dernier nous donne une réponse globale, à commencer par la motion 1712 qui n'a pas encore trouvé concrétisation quant aux invites du plénum.

M. Eric Bertinat (UDC). Nous pouvons même être un peu plus directs que ce que vous venez dire, Madame Bolay ! Avec cette motion, on a l'impression que le PDC veut être un peu plus écolo que le parti des écolos ! Beaucoup de choses ont déjà été déposées dans ce sens-là. Je me souviens d'un projet de loi, traité en ce moment à la commission des finances, qui demande que tous les projets de lois, dorénavant, tiennent compte des coûts environnementaux et les intègrent. Cela fait plusieurs séances que l'on se penche sur cette question et on ne sait pas comment la prendre, non pas que l'idée soit en elle-même mauvaise, mais parce qu'elle est très difficilement applicable. On ne voit pas très bien les critères que l'on peut utiliser, la base sur laquelle on peut s'appuyer et les objectifs que l'on voudrait atteindre avec ce projet de loi. Et en lisant cette motion, j'ai un peu l'impression qu'en l'acceptant et en la renvoyant en commission, un peu comme une patate chaude, elle sera assez difficile à traiter. On a dit que la question était pour l'instant dans les mains du Conseil d'Etat; je vous invite par conséquent à refuser cette motion et à attendre que le Conseil d'Etat réponde à ce genre de soucis.

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion soulève effectivement un problème dont nous avons très souvent discuté. Je crois qu'il faut être honnête et dire de quoi on parle. Le but des auteurs de ces motions est que l'Etat adjuge à des entreprises genevoises. C'est tout ! Et l'on utilise l'argument de la formation professionnelle et de la protection de l'environnement, au sens de la distance à parcourir entre le lieu du chantier et le lieu de l'entreprise de travaux publics qui travaille sur le chantier. Tel est l'objectif, louable, des motionnaires, et je le partage à titre personnel.

Cela étant, et je suis navré de décevoir M. Zaugg, nous devons respecter non seulement le règlement genevois sur la passation des marchés publics, mais aussi les accords intercantonaux - l'AIMP est un accord intercantonal sur les marchés publics - de même que la loi fédérale et les accords internationaux. Ces contraintes ne nous permettent pas de retenir des critères discriminants, c'est-à-dire des critères qui favorisent les entreprises locales par rapport à celles qui se trouvent à l'extérieur du canton de Genève. Donc, dans l'application de ces règles sur les marchés publics, mon département, sur mes instructions, fait le maximum afin de permettre aux entreprises locales de sortir en tête des soumissions et de se voir adjuger les travaux. Mais lorsque ce n'est pas le cas, je refuse de prendre le risque d'adjuger les travaux à une entreprise genevoise alors que, si l'on appliquait correctement les règles, ce serait une entreprise fribourgeoise ou vaudoise qui devrait se voir adjuger le chantier. Pourquoi ? Parce que l'entreprise en question va immédiatement faire recours contre la décision du département, ce qui non seulement va bloquer l'adjudication dont on parle, mais risque aussi de bloquer la totalité du chantier en cours. Et c'est déjà arrivé. Ma responsabilité est de faire en sorte que l'on ne bloque pas les chantiers parce que l'on refuserait d'appliquer correctement nos règles.

J'aimerais évoquer un autre élément. Si l'on devait aller dans le sens de cette motion et appliquer de façon beaucoup plus généreuse le critère de la protection de l'environnement, ce que la jurisprudence admet à des conditions extrêmement restrictives, nous devrions demander aux entreprises qui soumissionnent de remplir des pages et des pages supplémentaires dans les soumissions pour nous permettre d'effectuer un choix entre les entreprises sur la base de critères environnementaux. Les doléances dont me font part les entreprises ne concernent pas le fait de remplir davantage de paperasse; elles demandent la simplification des procédures, de sorte que les documents à remplir à l'occasion de soumissions pour des marchés publics soient de plus en plus simples. Or ce que vous demandez va exactement dans le sens inverse, pour, encore une fois, un résultat qui ne pourra être que marginal, puisque le critère de la protection de l'environnement n'est pas un critère qui, légalement, peut être pris en compte à raison de 30%, comme il est demandé dans cette motion, ce qui est parfaitement farfelu.

J'aimerais remercier ici M. Bertinat, dont l'intervention est tout à fait éclairante pour ce débat. Nous partageons tous la volonté de prendre de plus en plus en compte les critères environnementaux dans les politiques publiques. Seulement, c'est très difficile, d'un point de vue purement technique, de définir des critères clairs, simples et précis pour nous permettre d'aller dans cette direction. C'est l'exacte illustration de cette difficulté que l'on a dans ce dossier de l'attribution des marchés publics.

En résumé, oui à l'attribution de marchés publics au maximum à des entreprises genevoises, c'est dans ce sens que nous travaillons. Mais nous devons le faire dans le respect de normes qui ne sont pas des normes genevoises, sous peine de voir les chantiers être bloqués. Et je suis certain, Mesdames et Messieurs, que ce n'est pas ce que vous voulez.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur la demande de renvoi en commission. Monsieur Mettan, gardez-vous l'économie ou passez-vous aux travaux ?

M. Guy Mettan (hors micro). Aux travaux !

Le président. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi de cette motion à la commission des travaux.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1883 à la commission des travaux est rejeté par 37 non contre 33 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la proposition de motion 1883 est rejetée par 36 non contre 33 oui.