Séance du
jeudi 17 septembre 2009 à
20h30
56e
législature -
4e
année -
11e
session -
61e
séance
PL 10321-A
Premier débat
M. Marcel Borloz (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est né suite à un droit de préemption impossible dans la commune d'Onex. Suite à cela, un projet de loi modifiant la loi générale sur le logement et la protection des locataires a été déposé pour modifier l'article 3, alinéa 1, en introduisant le droit de préemption sur l'achat d'immeubles. Il est évident que le droit de préemption qui s'étendrait aux immeubles de logements construits n'est pas un instrument nécessaire et il n'est pas souhaitable de l'intégrer dans la législation. Il faut considérer que c'est une ingérence forte de l'Etat ou d'une commune dans une transaction privée et que cette ingérence se justifie si elle permet de réaliser un objectif d'intérêt public. Il est possible d'utiliser un droit de préemption lorsqu'il y a une déclaration d'utilité publique. Il existe une base légale quant à l'utilisation du droit de préemption lors de la construction de logements. Je pense que c'est aller trop loin que d'étendre le droit de préemption aux immeubles déjà construits. Il faut préciser que le droit de préemption figurant dans la LGL a été considéré comme acceptable par le Tribunal fédéral. Il faut être d'autant plus prudent qu'il s'agit de modifier la LGL et que cette modification sera soumise au référendum obligatoire. Juridiquement parlant, le droit de préemption est une restriction à la garantie à la propriété. Il est à préciser qu'une restriction doit reposer sur une base légale, respecter le principe de proportionnalité et répondre à l'intérêt public.
S'agissant de la nécessité d'une base légale, la condition serait réalisée vu le texte du projet de loi. Par contre, concernant l'intérêt public et la proportionnalité, je considère que le projet de loi pose un problème. Un arrêt du Tribunal fédéral l'atteste, concernant la restriction du droit de la propriété avec un droit de préemption. L'Etat peut décréter l'expropriation dans le cadre de mesures d'intérêt général relevant de la politique sociale ou économique. En cette matière, toutefois, les pouvoirs de la corporation publique sont si étendus et encore si mal définis que le principe ainsi posé risquerait de toucher très gravement le droit de propriété, si sa portée n'était pas d'emblée précisée. A cet égard, il y a lieu de souligner que la garantie à la propriété interdit aux cantons de prendre des mesures qui supprimeraient ou videraient de sa substance la propriété privée envisagée comme institution fondamentale de l'ordre juridique. Je rappelle que l'objectif principal de la loi sur les LUP était de relancer la construction de logements. Ce projet va contre cet objectif. En effet, si le parc de 20% de LUP est constitué par un autre moyen que la construction d'immeubles, cela va engendrer des conséquences. Par exemple, l'incitation à déclasser du terrain va diminuer. C'est pourquoi, si une demande de déclassement de terrain est formulée, la réponse risque d'être négative, accompagnée de la motivation suivante: le déclassement de terrains n'est pas un besoin, étant donné qu'il existe d'autres moyens pour atteindre le taux de 20% de LUP. Cela aura aussi pour conséquence qu'il n'y aura plus de création de logements libres, ni de PPE, ce qui posera problème, étant donné la pénurie actuelle.
Pour ces raisons, le projet va à l'encontre du but de l'accord qui était de relancer la construction de logements à Genève. Malgré le blocage systématique de certains milieux, qui se prononcent contre la densification en ville, contre le déclassement et contre certains grands projets...
Une voix. Les libéraux !
M. Marcel Borloz. ...le nombre de LUP a augmenté de plus de 2000 logements. Quelques chiffres qui prouvent qu'un effort est fait pour augmenter les LUP: à l'entrée en vigueur de la Loi sur les LUP, le 31 juillet 2007, nous comptions 5476 logements; à ce jour, nous sommes à 7488 LUP.
En ce qui concerne les amendements des signataires du projet, ils sont difficilement réalisables: imaginer de donner des prérogatives aux communes et, ensuite, les retirer après quelques années... Je pense que les communes auraient de la peine à accepter cela.
En conclusion, je ne crois pas qu'il faille légiférer pour un seul cas présenté, mais qu'il faut garder le sens des proportions. De plus, il faut constater que le système des ventes de gré à gré fonctionne bien. Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission vous demande de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de minorité. Ce projet de loi se veut une contribution extrêmement modeste à l'objectif principal d'avoir plus de logements d'utilité publique. Nous pensions que ce projet de loi, qui permet aux communes d'acquérir des immeubles déjà existants pouvait entraîner une quasi-unanimité. En fait, nous avons été très surpris de l'accueil réservé à ce projet de loi: on toucherait à des principes ou à des idéologies fondamentales par rapport au droit de propriété, paraît-il !
Or, ce projet de loi donnera des moyens à des communes extrêmement denses, celles de la couronne urbaine, où les logements d'utilité publique n'existent plus parce qu'il y a beaucoup d'anciens HLM sortis du régime HLM. Dans ces communes, il n'y a plus de terrains à disposition - je pense à Onex, Vernier, Lancy... Toutes ces communes de la couronne urbaine ont peu de terrains à disposition, mais elles pourraient, en acquérant des immeubles existants, participer à l'effort à fournir pour créer des logements d'utilité publique.
Au fond, ce projet de loi, fort modeste, permet l'acquisition par droit de préemption. Nous avons même proposé, pour rassurer tout le monde, que ce droit de préemption pourrait s'exercer au prix de la transaction et que le droit de préemption donné aux communes pourrait être abrogé lorsque le chiffre de 20% de logements d'utilité publique sera atteint ! En fait, ce projet de loi permettrait au plus quelques acquisitions par année, or elles semblent déjà de trop pour la droite et pour leurs amis qui aiment faire des bonnes affaires ! Et ils ne voudraient pas que les communes puissent acquérir plus de logements !
Je souriais quand mon collègue affirmait que le nombre de logements d'utilité publique a augmenté massivement... Certes, les LUP se sont accrus de 2000 unités, mais ce n'est pas grâce à des nouvelles constructions. Cela s'est fait par des acquisitions auprès de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, un principe que j'ai toujours défendu !
Donc, pourquoi ne pas faire perdurer ce principe du droit de préemption, pour permettre à certaines communes de disposer de logements d'utilité publique, puisqu'elles n'ont plus de terrains constructibles ? Il me semble quand même que c'est l'intérêt général qui est défendu ici ! Vous l'avez dit, cela doit être proportionnel et cela doit être d'intérêt public. Mais qu'est ce qui est plus dans l'intérêt public que des logements d'utilité publique ?
Franchement, je ne vois pas comment vous pouvez refuser ce projet de loi, qui apporte une modeste contribution à la constitution d'un socle de logements sociaux ! Je pense qu'il faut l'accepter, au lieu de protéger les intérêts de quelques-uns et leurs envies de profit. Je pense qu'il faut avant tout protéger les intérêts des plus faibles sur le marché du logement ! C'est pour cela que nous vous invitons à voter ce projet de loi, tel que nous l'avons amendé en commission, avec tous les garde-fous que vous avez demandés. Ce projet modeste permettra aux communes suburbaines de créer du logement d'utilité publique. (Applaudissements.)
M. Olivier Wasmer (UDC). Certains s'en souviendront, dans deux mois à peu près il y aura vingt ans que le mur de Berlin s'effondrait, et avec lui le communisme. Heureusement ! Heureusement, le communisme a été terminé, l'étatisation à outrance a été terminée, les régimes communistes ont été abattus ! Sauf la Corée du Nord, Cuba et un groupe d'irréductibles Genevois qui élisent encore des maires communistes, des maires marxistes et qui, aujourd'hui, nonobstant des droits constitutionnels bien ancrés concernant la propriété privée, prétendent vouloir procéder à des expropriations par le biais de toutes sortes d'interventions législatives en violation avec la Constitution fédérale, par le biais d'un droit de préemption des communes sur le territoire cantonal. Il faut savoir qu'aujourd'hui ce droit de préemption existe légalement pour les zones de développement et permet déjà aux communes, dans le cadre de la construction d'habitations, de faire valoir ce droit de préemption. Il est tout à fait singulier d'observer que la commune de Genève, qui n'est pas dirigée par la droite, comme je le disais il y a quelques secondes, n'a jamais fait valoir son droit de préemption, à de très nombreuses occasions, alors qu'elle pouvait construire !
Aujourd'hui, c'est vraiment singulier d'entendre le langage de la rapporteuse de minorité - Madame Künzler, vous ne m'en voudrez pas, vous savez que je vous apprécie beaucoup, mais parfois je ne comprends pas vos raisonnements. Et, à lire votre rapport de minorité, je ne veux pas dire que je m'en offusque; parce que cela me fait plutôt rire quand vous écrivez: «La vérité semble plus prosaïque, la majorité de la commission a simplement voulu préserver les profits de certains». Je ne sais pas du tout à qui vous pensiez en disant: «Aucune bonne affaire n'est censée leur échapper !» Eh bien non ! Aucune bonne affaire n'est censée échapper à la république, et c'est bien pour ça que ce droit de préemption qui est ancré dans la loi permet aux communes de construire quand elles ont envie de le faire. Le droit fédéral a été rappelé dans l'arrêt du Tribunal fédéral cité par le rapporteur de majorité, et vous ne pouvez pas attenter à la propriété privée comme bon vous semble !
Pour tous ces motifs, la loi étant claire et le Tribunal fédéral l'ayant rappelé, nous nous opposerons avec fermeté à ce projet de loi qui viole tant la Constitution fédérale que la jurisprudence constante en la matière.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement les HLM disparaissent les uns après les autres depuis bien cinq ans, et ce projet de loi visait à rendre plus facile l'acquisition, par les communes, de logements d'utilité publique - logements qui sont, à terme, censés remplacer les HLM. Alors, c'est une miniréforme, une minipossibilité supplémentaire que propose ce projet de loi ! La majorité de droite de la commission n'en a pas voulu, et c'est bien dommage ! Les Verts en sont fortement déçus.
A titre personnel, je voudrais vous dire aussi que, pendant les trois années où j'y ai siégé, j'ai trouvé la commission du logement fortement stérile dans ses débats. On a parlé de la guerre des transports en matière de mobilité sur le canton, mais je peux vous dire que, malheureusement, la guerre du logement fait rage en cette commission, et elle provoque très souvent ce type de conclusions aux débats: «On dit non à tout parce qu'on a la majorité.» Et, pendant ce temps-là, rien n'avance, la pénurie de logements s'accroît ! Je suis donc déçue. Certes, je ne siège plus dans cette commission: c'est bien pour ma pomme. Et puis, pour la commission du logement, je lui souhaite bon courage pour la suite ! (Applaudissements.)
M. Alberto Velasco (S). J'ai écouté avec beaucoup d'attention le cours de notre collègue, M. Wasmer. Monsieur Wasmer, je crois qu'il y a un petit problème, là, parce que personne ne parle d'expropriations dans ce projet de loi ! Personne ne parle de cela ! Le projet propose simplement que la commune puisse avoir un droit de préemption, dans le cas où un privé venait à décider de vendre un objet. C'est ce que dit le projet de loi, si je sais lire ! Il n'y a que ça, Monsieur, il n'y a que ça ! Comment se fait-il que vous et la droite ne soyez pas d'accord, alors que vous avez encensé la politique des LUP ? Vous avez même dit que l'ASLOCA était presque criminelle parce qu'elle ne suivait pas votre politique en matière de LUP, n'est ce pas ? Aujourd'hui, il s'agit d'un projet qui s'inscrit dans le cadre et l'esprit de développement de la politique des LUP - et Mme Künzler sera d'accord avec ça. Eh bien, aujourd'hui, ceux qui croyaient que vous étiez de bonne foi quand vous avez soutenu le projet des LUP se posent des questions !
En effet, à la première occasion consistant à favoriser cette politique en aidant les communes qui ont besoin de logements d'utilité publique, vous vous y opposez ! Je pense à la commune d'Onex, où un bâtiment va se vendre et que l'on pourrait affecter à la création de LUP, pour autant que la commune puisse utiliser son droit de préemption pour acheter cet objet. Pourquoi vous opposeriez-vous à cela, alors que le vendeur sera rétribué comme il se doit ? Il est vrai que celui-ci ne pourra pas spéculer, et c'est dans ce sens que je comprends votre manoeuvre actuelle ! Le vendeur ne pourra effectivement pas spéculer comme il le voudrait; il devra proposer un prix acceptable, logique, en rapport avec la valeur réelle du bien. Un prix qui correspondra avec ce qu'on nomme «le bien commun» ! Et la droite parle souvent du bien commun. Mais, quand il s'agit de passer aux exercices pratiques, vous n'êtes plus là ! C'est comme avec l'écologie: vous vous dites tous écologistes, mais quand il s'agit de mettre en pratique: «Zou» ! «Finito» ! Notamment quand on vous demande du pognon ! (Rires.) Là, il n'y a plus d'écologistes ! «Finito» ! Alors on dépose des motions, on dépose des projets... Mais quand il faut mettre 20 millions de francs dans quelque chose de concret, là c'est fini et au revoir ! Vous dites: «Nous sommes écologistes, mais notre parti ne l'est pas, comprenez-nous !» (L'orateur est interpellé.) Pour les LUP, c'est la même chose ! Je trouve scandaleux - scandaleux ! - que vous fassiez obstruction, dans une période difficile pour le logement, comme celle que nous vivons maintenant, alors que des communes - pas toutes - extrêmement densifiées voudraient pouvoir répondre à la demande de logements sociaux, en achetant des immeubles à un prix acceptable. Je trouve ça scandaleux, et la politique des LUP est remise en question à cause de votre attitude !
Aujourd'hui, si vous étiez honnêtes par rapport à l'époque où vous avez défendu les logements d'utilité publique, vous devriez voter ce projet de loi ! Il n'affecte pas du tout la propriété privée, contrairement à ce que vous avez dit, Monsieur Wasmer. Sachez que, dans toute république qui se respecte, l'intérêt public s'oppose à l'intérêt privé. Et quand on siège au Grand Conseil, on siège pour l'intérêt public, et pas pour l'intérêt privé ! Aujourd'hui, avec ce projet de loi, votre vote satisfera des intérêts privés et non pas ceux de la majorité de la population. Il y a 70% de locataires dans ce canton, et même plus: vous devriez donc voter ce projet de loi, qui concerne quelques immeubles, Monsieur Wasmer ! Dans votre discours de tout à l'heure, vous prétendiez qu'on allait exproprier la république entière, qu'il n'y aurait plus de propriétaires dans ce canton à cause de ce projet de loi... Il s'agit d'un petit immeuble à Onex ! Peut-être d'un deuxième ailleurs, peut-être d'un troisième, et encore ! C'est ça qui déstabiliserait le sens de la propriété privée, Mesdames et Messieurs les députés ! On a touché au sacro-saint, à la valeur cardinale: la propriété privée !
Messieurs, je vous prie d'être en accord avec votre serment au Grand Conseil, qui est de défendre l'intérêt public. Et si vous voulez être en accord avec ce serment, vous devez aujourd'hui voter ce projet de loi !
Mme Captyn a raison: toute personne qui passe par la commission du logement en ressort traumatisée ! D'ailleurs, il ne faudrait pas envoyer les jeunes députés à la commission du logement, il faudrait d'abord qu'ils fassent quatre, cinq ou six années de parlement avant ! Sinon, ils sont dégoûtés et, les pauvres, en ressortent en se disant que ce n'est pas possible que ce soit ça la politique... Toute proposition favorable au logement venant de la gauche est balayée par la droite ! C'est «Niet» ! C'est balayé ! (Commentaires.) C'est vrai, de l'autre côté aussi ! Mais enfin, c'est comme ça ! (Rires.) Notez ceci, Monsieur le président: pour l'année prochaine, faites une petite note aux nouveaux députés, comme quoi la commission du logement c'est seulement pour la sixième année. (Rires.)
Mesdames et Messieurs les députés, quelles que soient nos divergences politiques - et même idéologiques - pour le bien des citoyens, pour le bien des citoyens qui cherchent des logements accessibles, et en appui aux communes qui voudraient accéder à ces demandes, je vous enjoins d'accepter le présent projet de loi ! (Applaudissements.)
M. Pascal Pétroz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, dans le cadre de ce débat, permettez-moi ce soir d'être un petit peu technique et factuel, parce que les slogans politiques et les grandes déclarations, c'est bien beau, mais, à un moment donné, il faut peut-être savoir de quoi on parle !
Première réflexion, qu'est-ce qu'un droit de préemption ? Est-ce un instrument simple ? Quand un propriétaire privé veut vendre à un autre propriétaire privé, le droit de préemption est le droit pour l'Etat ou les communes d'intervenir et de se substituer à celui qui souhaite acheter au prix qui a été convenu. Très grossièrement résumé, c'est ça le principe.
Avec le droit de préemption, on a beaucoup parlé de garantie de la propriété. Le droit de préemption est un instrument auquel nous souscrivons dans toute une série de situations, mais c'est tout de même un instrument qui permet à l'Etat de s'immiscer dans un contrat de droit privé. Voilà la première chose que je voulais dire, sur un plan théorique.
Deuxième chose, avec le texte qui vous est proposé, vous avez vu que l'article 3, alinéa 1, de la loi générale sur le logement et la protection des locataires prévoit d'ores et déjà l'existence d'un droit de préemption pour l'Etat et pour les communes, aux fins de la construction de logements au sens de cette loi, c'est-à-dire des logements sociaux. On vient nous dire que l'Entente et l'UDC seraient très méchantes parce que nous serions contre la construction de logements sociaux, mais il suffit de lire la loi actuelle: elle stipule qu'il y a un droit de préemption pour la construction de logements au sens de cette loi, et cette loi est précisément celle qui prévoit la construction de logements sociaux. C'était la deuxième chose que je voulais préciser.
La troisième chose que je souhaite relever est que les tenants de cette loi n'ont manifestement pas compris le système qui a été voté à l'unanimité de ce Grand Conseil, concernant les LUP. Précisément - j'imagine que M. le conseiller d'Etat Mark Müller le rappellera tout à l'heure, et j'aimerais beaucoup qu'il le fasse - le système qui a été prévu pour les LUP envisage de sortir du système actuel que nous avons connu, soit les «lois Dupont», ce qui était un système extraordinaire pour les années 1960, mais qui ne fonctionne plus aujourd'hui. Il y avait un système de contrôle pendant une certaine durée et, après, les immeubles échappaient du contrôle de l'Etat pour passer à un socle, initialement fixé à 15% et qui, dans le cadre des négociations ayant trait à l'initiative sur l'or de la Banque nationale, s'apprête à être porté à 20%. Et dans ce système-là, vous avez, en zone de développement, une véritable obligation de construire des logements sociaux. Vous avez donc une obligation, mais aussi une possibilité, qui est incitative, de cession de terrains à l'Etat ou aux communes en vue de la construction de logements sociaux. Donc, le système de mise en main de l'Etat de ce qui - aujourd'hui on les nomme LUP - est appelé à être le logement social de demain est d'ores et déjà prévu par la législation ! Mais de manière consensuelle et incitative.
C'est la raison pour laquelle nous estimons que si ce projet de loi est très intéressant quant aux intentions qu'il poursuit, il ne sert à rien sur le plan juridique: la législation actuelle permet d'ores et déjà d'atteindre les objectifs voulus par les auteurs de ce projet de loi. Si quelqu'un venait contredire ce raisonnement, je me permettrai bien évidemment de lui répondre, le cas échéant.
C'est la raison pour laquelle le parti démocrate-chrétien, bien que conscient des enjeux posés par ce projet de loi, n'entend pas soutenir un objet qui n'a aucune utilité juridique.
M. Christophe Aumeunier (L). J'entendais dire tout à l'heure que la majorité de la commission n'avait pas voulu de ce projet de loi. Eh bien oui, la majorité de la commission ne veut pas violer le droit, elle ne veut pas violer le droit fédéral ! Je ne vais pas reprendre les exposés qui ont été faits précédemment, parce que, de ce côté-là, ce projet de loi est tout à fait contraire au droit fédéral.
Mais je reprendrai volontiers les termes de Mme Captyn, pour lui dire que ce projet de loi est parfaitement stérile. Tout ce qu'il vise, c'est en fait une étatisation du parc de logements existants. Alors, quel est le but ? Est-ce de rester avec un parc dont on sait qu'il est trop petit, qu'il est trop étroit, qu'il rend les locataires mécontents, et puis, d'étatiser le tout ? Mais non, ce n'est pas cela que nous voulons ! Ce n'est pas cela que vous avez voté à l'unanimité concernant la nouvelle politique du logement, Mesdames et Messieurs les députés ! Ce n'est pas cela, laissez-moi vous le dire ! Ce que vous avez voté, c'était la perspective de construire des milliers de logements par année; c'est ce que nous voulons, c'est ce que les libéraux veulent ! Il s'agit de 2500 logements par année, et nous devons nous en donner les moyens, mais il ne s'agit pas d'étatiser le parc existant. Pour ces raisons-là, nous vous invitons à refuser résolument ce projet de loi.
M. Charles Selleger (R). Sur le plan technique, tout a été dit par mes préopinants, qui connaissent la loi sur le logement beaucoup mieux que moi. Moi, j'ai été interpellé par ce qui était une sorte de chant des sirènes. On a entendu Mme Künzler, M. Velasco et Mme Captyn nous expliquer qu'il s'agissait en fait d'un projet de loi qui allait concerner quelques logements seulement. On nous a parlé en minorisant l'impact de ce projet de loi. S'il est si minime, à quoi sert-il de mettre en péril la liberté de transaction privée pour l'immobilier ? Ça sert à rien du tout !
Ce qu'il faut pour Genève, c'est construire un nombre important de logements, mais pas deux ou trois logements de plus au prix d'une restriction de la liberté de commerce. Pour cette raison, le groupe radical s'opposera à l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Mario Cavaleri (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, c'est très bien que nous puissions parler de ce sujet ce soir et je remercie aussi bien Mme la rapporteure de minorité que M. Velasco pour les propos qui ont été tenus à l'instant. Puisque l'objectif avoué était d'enrichir le parc immobilier de logements d'utilité publique, il est quand même assez paradoxal, truculent et piquant de rappeler qu'on a demandé à la Ville de Genève si elle voulait adhérer au système des LUP pour son patrimoine immobilier de logements - parce que c'était possible par contrat et que nous avions voté cette loi - et que la réponse des autorités municipales a été «non» !
Voyez-vous, il est quand même assez paradoxal d'imaginer que, pour un seul cas à Onex, on veuille nous faire changer une loi qui continue de produire des effets tout à fait positifs lorsqu'il y a des ventes de terrains et que ces derniers peuvent effectivement répondre à la nécessité de construire des logements d'utilité publique. Cela, nous ne le contestons pas, ça a déjà été dit par notre groupe et, je le rappelle, il n'entend pas changer la règle du jeu. Toutefois, ne pas changer la règle du jeu, cela veut aussi dire que nous n'acceptons pas, et nous l'avions déjà dit, de soustraire du - entre guillemets - «marché libre» des logements qui, par leur nature, ne répondent effectivement pas aux critères des barèmes des HBM, mais permettent tout de même à une certaine partie de la population d'accéder à des logements à loyers modérés. Et l'on voudrait soustraire ceux-là pour ne les donner qu'à une seule catégorie de personnes ? Mais vous faites dans la ségrégation, Mesdames et Messieurs de l'opposition ! Et c'est cela que nous n'acceptons pas. Nous l'avons déjà indiqué et, chaque fois que nous avons des débats sur le logement, nous disons qu'il n'y a pas une demande unique: la demande est multiple, et nous devons répondre à toute la demande, pas seulement à une catégorie !
S'agissant des logements d'utilité publique, nous avons accepté dans l'enthousiasme, nous, démocrates-chrétiens, d'accorder les moyens de construire des nouveaux logements. Il ne faut pas soustraire des logements qui existent déjà à une catégorie pour l'affecter à une autre catégorie ! D'autant moins que - et je le redis avec un grand plaisir - la Ville de Genève qui possède plus de 5500 logements ne veut pas les consacrer aux LUP, avec des règles du jeu au niveau de l'application de barèmes qui seraient différents. Alors, si une municipalité à majorité écrasante de l'Alternative n'accepte pas ce mode de faire, on voit mal pourquoi les mêmes partis ici présents voudraient défendre une solution qui n'est même pas approuvée par les leurs dans la principale commune de notre canton !
Arrêtons de faire croire à la population qu'on veut augmenter le parc de logements d'utilité publique par des artifices ! Nous voulons des faits concrets. Comme l'a dit M. Aumeunier, nous voulons 2500 logements par année, pour répondre à toutes les demandes, et pas seulement celles pour des logements d'utilité publique.
Par conséquent - cela a déjà été dit, mais je le répète - le groupe démocrate-chrétien refusera l'entrée en matière pour ce projet de loi, qui est un mauvais projet de loi et qui n'est pas la réponse au problème qui nous préoccupe en matière de logement.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Notre canton dispose d'un petit territoire. A un moment donné, poser comme condition pour les LUP de devoir acheter du terrain pour construire aboutit à une impasse. Ce qui était proposé, et ce qui l'est toujours ici, c'est le toilettage d'une loi qu'on avait oubliée et qu'il aurait fallu changer, comme cela a été expliqué dans l'exposé des motifs. Bien sûr, ça soulève des tempêtes... Et, dans les discours de sourds qu'on est en train de se tenir ici, l'argument de l'autre bord politique est de dire qu'on va soustraire des logements au parc immobilier privé. Je pourrais rétorquer qu'on va plutôt, dans ce Monopoly de la spéculation immobilière qui a lieu à Genève, soustraire quelques cases aux spéculateurs ! Et ça fait très mal. Mais à qui ? Pas aux locataires ! Pas aux gens qui cherchent des logements et qui en ont besoin ! Je crois que cela fait très mal aux finances de quelques sociétés et de quelques individus dont les poches sont déjà bien remplies !
M. Alberto Velasco (S). Excusez-moi, chers collègues, je sais que vous êtes pressés, mais il faut débattre. Merci quand même, Monsieur le président, vous avez le sens de la démocratie ! D'abord, je tiens à remercier notre collègue, le professeur Pétroz, pour le cours magistral qu'il nous a fait tout à l'heure, toutefois je ne comprends pas pourquoi la commune n'a pas pu acheter cet immeuble. Si ce que vous dites est vrai, elle l'aurait pu, malgré l'absence de ce projet de loi, malgré l'absence de cette disposition. Or, elle n'a pas pu le faire. Il reste donc une interrogation par rapport à votre exposé, mais je pense, connaissant vos qualités pédagogiques, que vous pourrez vous en expliquer tout à l'heure !
M. Aumeunier nous a parlé de nécessité, dans la situation actuelle. Je tiens à lui rappeler qu'aujourd'hui la part des immeubles sociaux dans le parc immobilier n'est que de 9%. Il y a quelques années, ce pourcentage était encore de 16% ! Vous serez d'accord avec moi qu'on devrait revenir à des chiffres qui tournent autour de 16 ou 20% ! Cela figure d'ailleurs dans les objectifs que M. Mark Muller s'est donnés, à l'occasion de négociations avec l'ASLOCA, avec le Rassemblement pour une politique sociale du logement et avec d'autres entités. C'est l'objectif que nous poursuivons aujourd'hui. Par conséquent, tout effort qui va dans le but d'atteindre ce quota de 20% de logements sociaux doit être soutenu. Et je tiens à dire qu'avec 20% de logements sociaux il restera encore 80% de logements non sociaux ! Prétendre qu'on veut étatiser l'ensemble du parc immobilier genevois... Sans chercher à faire des équations compliquées, j'ai un peu de peine à y croire, chers collègues, simplement du point de vue arithmétique ! Même avec 20% de logements sociaux, il resterait toujours 80% de logements non étatiques, et aujourd'hui on n'est qu'à 9% de logements sociaux, qui tous ne sont même pas propriété publique !
Cher collègue, je ne voudrai pas vous qualifier de quoi que ce soit, mais il vous faut rectifier vos propos ! Franchement, on n'est pas, contrairement à ce que disait M. Wasmer, dans une période prébolchevique ! De loin pas ! Pour inverser le rapport entre le nombre de logements sociaux et de logements privés, imaginez le temps qu'il faudra... Je serai déjà mort ! (Rires. Commentaires.) Et la composition de ce Grand Conseil aura déjà changé dix fois ! M. Weiss ne sera plus là, et malgré cela on n'arrivera jamais à atteindre un taux de 80% de logements sociaux ! Jamais ! (L'orateur est interpellé.) Avec vous, Monsieur Weiss, jamais ! Vous êtes l'idéologue de droite de ce parlement, l'idéologue du parti libéral. Je ne sais pas si M. Muller me suit, mais enfin... (Rires.) Vous disparu, Monsieur Weiss...
M. Pierre Weiss. Je suis éternel !
M. Alberto Velasco. ...eh bien, il faudra quand même des lustres pour que nous atteignions nos 25% de logements sociaux !
Alors, je vous le garantis, Monsieur Aumeunier, il n'y aura jamais une étatisation du logement à Genève. Et pas parce que je ne le veux pas ! Je suis un fervent partisan du de l'étatisation du logement, je le reconnais. Mais je suis un type honnête, Monsieur Aumeunier ! Je considère effectivement que le logement est éminemment important dans la vie des citoyens, comme l'a dit Mme Künzler. Se nourrir et avoir un logement de qualité sont des nécessités fondamentales pour les citoyens ! Et avoir un travail ! Et si l'économie privée n'est pas capable d'offrir cela, l'Etat doit évidemment y remédier, avec tous ses moyens ! Vous savez, s'il y avait aujourd'hui pléthore de logements libres dans cette république, jamais je ne parlerais comme ça ! Et l'on n'aurait pas à dépenser pour un tel projet, or ce n'est pas le cas ! Eh oui ! Pourquoi ne pas mener une politique étatiste en ce domaine ? J'y suis tout à fait favorable.
Monsieur Aumeunier, vous devriez donc corriger votre intervention: actuellement, nous ne sommes pas dans une situation d'étatisation. Au contraire, nous sommes dans une situation accrue de privatisation du logement, au point qu'il devient de plus en plus difficile d'acheter des immeubles pour les mettre à disposition des citoyens !
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, veuillez m'excuser de vous avoir soustraits durant quelques minutes à votre quiétude... (L'orateur est interpellé par M. Weiss.) ...mais il me semblait nécessaire de faire certaines rectifications.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous êtes en grande forme ! Monsieur Deneys, vous avez la parole.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour compléter les propos de mon collègue Velasco, j'aimerais dire que je suis surpris que l'on puisse remettre en cause l'utilité de ce projet de loi, dans la mesure où, aujourd'hui, en termes de logement, le marché à Genève ne fonctionne pas du tout: les locataires ne trouvent pas de logements, les prix sont exorbitants. Y compris, d'ailleurs, dans le domaine commercial; ça ne touche pas que les locataires, ça touche aussi les surfaces commerciales. En fait, la réponse que vous donnez à cela depuis plusieurs années, c'est de dire qu'on ne s'en occupe pas et que tout va très bien - «Tout va très bien, Madame la marquise ! Tout va très bien» ! En réalité, les prix explosent; dans de nombreux cas, les gens sont logés de manière indécente. Et aujourd'hui, on a une commune qui exprime un besoin concret et voudrait tenter de réaliser du logement social.
Concernant le logement, c'est très clair: il faut que les gens ayant des revenus modestes paient des loyers qui correspondent, des loyers qui ne soient pas abusifs. Simplement, pour parvenir à cela à Genève, il faut que l'instrument qu'est le droit de préemption soit une possibilité pour les collectivités publiques. (L'orateur hausse la voix. Remarque.) Oui, j'ai un chat dans la gorge, c'est pour ça !
Le droit de préemption doit simplement être une possibilité supplémentaire, quelque chose à utiliser sans aucune obligation. Et l'on voit très bien ce qui se passe aujourd'hui: la plupart du temps, les communes n'exercent pas ce droit ! Il n'y a pas du tout d'obligation et, en réalité, les communes n'ont pas des moyens illimités. Et il n'y a aucun risque, Monsieur Aumeunier, que les communes exercent systématiquement un droit qu'elles n'ont pas les moyens d'exercer ! Cela concernera des immeubles repérés, parce qu'intéressants en termes de mixité sociale. Donc, on peut se dire que la commune a un intérêt à y placer des personnes à revenus plus modestes, mais ce n'est pas systématique.
Je suis extrêmement surpris que vous n'entriez pas en matière, alors même qu'aujourd'hui le parc immobilier des LUP est essentiellement constitué non pas d'immeubles nouvellement construits, mais d'acquisitions d'immeubles qui appartenaient à la Fondation de valorisation de la Banque cantonale ! J'ai sous les yeux le résumé d'une conférence de presse qui a eu lieu le 26 juin 2008, lors de laquelle le département de M. Muller se glorifiait de l'acquisition de 806 logements d'utilité publique, après l'achat de 37 immeubles de la Fondation de valorisation. Il est même écrit: «Création de 806 logements» ! Ces logements ont-ils été créés, Monsieur Aumeunier ?! Bien entendu, ils n'ont pas été créés: ils ont été repris dans des immeubles existants. C'est certes une des solutions qu'il faut aussi employer, compte tenu de l'ampleur de la crise, mais ce n'est pas du tout une obligation. Ce n'est pas du tout une fatalité que d'acquérir des immeubles par le biais de la collectivité publique, mais, en réalité, c'est une manière de pallier les lacunes du marché que vous vantez, et qui ne fonctionne pas depuis des années !
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à accepter cette modification modeste, qui est d'ailleurs utilisée par des collectivités publiques dans d'autres cantons suisses, et qui permet, en termes de logements vacants et de prix des loyers, d'obtenir de meilleurs résultats qu'ici à Genève ! Je vous invite donc à accepter ce projet de loi.
M. Christophe Aumeunier (L). Je constate que les auteurs du projet de loi n'ont pas dit un mot de l'obstacle majeur, qui est un obstacle juridique, je le répète. Parce que nous discutons ici sur le fond, mais, somme toute, ce projet de loi ne vaut pas grand-chose puisqu'il est totalement contraire au droit supérieur ! (Commentaires.) Je ne peux pas m'empêcher de relever que les interventions socialistes qui visent à dire qu'il faut du logement pour les plus démunis sont sensées. Nous sommes tout à fait d'accord, et vous le savez, parce que nous sommes acquis à la nouvelle politique sur le logement. Mais alors, je vous pose la question - en particulier à vous, Monsieur Velasco: pourquoi vous opposez-vous à la construction de 14 000 logements sur le périmètre de La Praille-Acacias-Vernets ? Parce que vous êtes contre le préavis de la Ville de Genève, s'agissant de déclasser ce périmètre ! Vous pourrez tout à l'heure développer tout de go plein de subtiles arguties - ou de subtiles arguments, je ne sais - mais, en définitive, vous vous opposez au projet ! Car avez lancé un référendum contre ce projet ! Alors, il faut le dire ici, il faut que la population genevoise le sache ! Vous nous parlez de proportion de logements sociaux, vous nous parlez de pourcentages, mais, en fait, des pourcentages de quoi ? Vous vous opposez à la construction de logements - vous vous opposez à la construction de 14 000 logements - alors ne nous faites pas rigoler ! Votre projet de loi est un mauvais projet de loi, et nous le refuserons. (Applaudissements.)
M. Olivier Sauty (MCG). J'aimerais brièvement revenir sur les beaux propos de M. Velasco concernant le serment que nous avons tous prêté ici et qu'il rappelait à notre mémoire pour ce projet de loi. Moi j'irai plus loin en vous disant qu'il faut s'en souvenir pour tous les projets de loi !
J'aimerais aussi ajouter quelque chose concernant l'intervention de mon collègue M. Pétroz - qui n'est plus là - qui nous a fait un petit exposé sur le droit de préemption, en nous disant qu'il ne s'agit finalement de rien d'autre qu'un droit que l'Etat ou la commune pouvaient exercer pour prendre avant quelqu'un d'autre, au prix convenu, un immeuble ou un bien. J'aimerais juste revenir sur le prix convenu. Car le droit de préemption ne s'effectue pas sur le prix convenu, mais sur le prix fixé. J'entends par là que, si deux particuliers conviennent d'un prix pour la vente d'un bien et que celui-ci se trouve en zone de développement - par exemple, qu'ils s'entendent sur un prix de 4 millions et que l'Etat a fixé dans son plan financier que la valeur de ce bien n'était pas de 4 millions mais de 3,5, eh bien, l'Etat a tout à fait le droit d'exercer son droit de préemption non pas au prix convenu par les deux privés, mais au prix fixé par l'Etat. Voilà pour la petite rectification technique.
Personnellement, je vous invite aussi à accepter ce projet de lois.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Velasco, une dernière fois.
M. Alberto Velasco (S). Ce sont mes derniers jours dans ce parlement, alors j'en profite, Monsieur le président ! M. Aumeunier a eu raison de revenir sur la question des 14 000 logements du PAV. Monsieur Aumeunier, je tiens à vous féliciter pour votre campagne. Effectivement, c'était bien de dire que vous vouliez faire construire 14 000 logements, et je reconnais que la population vous a cru !
Nous aussi, on les veut, ces 14 000 logements, et, que je sache, l'association à laquelle j'appartiens ne s'y oppose pas ! La seule chose que l'on dit, et vous savez que nous avons envoyé un courrier en ce sens au Conseil d'Etat, c'est que nous voulons connaître la proportion de logements qui seront réalisés, leur localisation et quels terrains seront mis en droit de superficie. En fait, il y a dans ce projet toute une série d'éléments qu'il faut éclaircir. C'est une question de procédure, Monsieur Aumeunier !
C'est vrai que le conseiller d'Etat a adopté une stratégie en demandant l'autorisation d'aller de l'avant et en promettant de pondre un projet magnifique. Nous, on dit: «Attendez, on veut voir ce projet; ensuite, on y va !» C'est simplement ça. Mais que s'est-il passé ? Il y a quelque temps, je me suis même entretenu avec M. Mark Muller, parce que j'étais de ceux qui disaient qu'il fallait un urbaniste à la tête de ce projet. Dans toutes les cités d'Europe ou du monde qui ont eu ce type de projets à mener, on a placé à la tête du projet un urbaniste, qui a pondu un beau projet urbanistique avec toutes les spécificités permettant ensuite de définir la réalité.
C'est donc une question de procédure, Monsieur Aumeunier. Si vous me dites demain que les 14 000 logements seront des PPE, je vous dirai non ! Je m'opposerai à 14 000 logements qui ne seraient destinés qu'à une certaine catégorie de la population, la plus aisée. Non ! Il faut définir les types de logements ! Il faut définir comment seront ces logements et comment les immeubles seront implantés.
Je tenais à le spécifier, car il ne s'agit pas d'une opposition en tant que telle à ce projet. Cette région doit effectivement se développer, mais nous voulons tous obtenir des garanties. Et vous, vous voulez peut-être des garanties pour les milieux économiques, c'est-à-dire que vous voulez des bureaux et des industries. Nous aussi, d'un autre côté, nous voulons des garanties: pour le logement et pour les petites et moyennes entreprises. Et nous voulons aussi qu'on définisse des emplacements pour les espaces verts. C'est une question de procédure, et je pense que les négociations permettront d'aller de l'avant. Je vous remercie de m'avoir écouté, Mesdames et Messieurs les députés. Et merci, Monsieur le président, vous avez été bien aimable de me laisser prendre la parole une troisième fois !
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de minorité. Nous pensons sincèrement que ce projet de loi constitue une contribution modeste à la volonté de proposer plus de logements d'utilité publique. Nous voulons tous un socle de logements d'utilité publique de 20%, nous avons renouvelé cette proposition dernièrement. Cette loi nous donne la possibilité de créer une véritable mixité de types de logements dans certaines communes où les terrains disponibles ne suffisent pas. Je rappelle que les communes suburbaines comptaient beaucoup de HLM qui sont maintenant passés en loyers libres. Dans ces communes, il n'y a plus de terrains disponibles du tout. Si nous voulons faire appliquer la loi sur les logements d'utilité publique et obtenir une véritable mixité dans toutes les communes, c'est-à-dire parvenir au moins à 15-20% de logements d'utilité publique dans les communes, c'est bien en procédant par des acquisitions qu'on y arrivera ! Cette loi permet justement l'acquisition, dans ces communes, de logements déjà construits et elle favorise la mixité.
Il nous semble donc important d'accorder ce nouveau droit aux communes. Vous avancez sans arrêt l'importance des droits accordés aux communes et leur respect... En l'occurrence, vous ne leur permettez pas d'exercer le droit pourtant fondamental de disposer de logements d'utilité publique sur leur sol. Et il n'y a pas de problème juridique avec ce projet ! La loi sur la fondation de valorisation permettait aussi aux communes d'acquérir des logements par le droit de préemption. Qui plus est, si le droit fédéral préserve l'acquisition et la propriété privée, il préserve aussi l'intérêt général. Et le droit au logement nous semble fondamental par rapport à cet aspect. Ainsi, cette loi est consacrée à ce droit, au logement d'utilité publique.
Nous vous invitons vraiment à accepter ce projet de loi, lequel sera très utile pour faire adhérer les communes au projet de logements d'utilité publique, afin de développer la mixité dans toutes les communes. Je vous remercie donc de voter cette loi.
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous vous en souvenez, il y a plus de deux ans vous votiez une nouvelle loi sur le logement - à l'unanimité moins une abstention. Il faut se le rappeler, parce que M. Velasco n'avait pas souhaité soutenir cette nouvelle loi !
En quoi consiste cette nouvelle politique ? D'une part, à donner davantage de liberté aux privés en zone de développement, qui n'ont plus besoin, comme c'était le cas à l'époque, de réaliser deux tiers de logements sociaux - aujourd'hui, ils peuvent se contenter d'en construire un tiers. D'autre part, nous nous engagions à constituer un parc de logements d'utilité publique, en mains publiques, représentant 15% du parc locatif à Genève. Depuis, cette proportion de 15% a été portée à 20% dans le cadre d'un nouvel accord qui a été conclu au printemps dernier avec l'ASLOCA et nous avons aujourd'hui une politique du logement qui est très largement acceptée, qui fait l'objet d'un large consensus. Et ce consensus, cette stabilité, a rendu confiance aux investisseurs, a redonné envie aux constructeurs et aux promoteurs, et a eu des effets très concrets sur le développement de nouveaux projets. Le résultat très concret de cette nouvelle situation, eh bien, c'est la véritable explosion de projets, la très forte augmentation des demandes d'autorisation de construire des logements et, aussi, la très forte augmentation des autorisations accordées. J'aimerais vous donner un seul chiffre pour illustrer le succès de la politique que vous avez toutes et tous plébiscitée il y a deux ans: sur les douze derniers mois, nous avons délivré pas moins de 2050 autorisations de construire des logements. C'est 40% de plus qu'en 2008, c'est 100% de plus qu'en 2007, et c'est le meilleur résultat depuis 1997 ! C'est donc le signe que cette nouvelle politique porte ses fruits.
S'agissant des logements d'utilité publique, puisque c'est plutôt de cela que nous parlons ce soir, effectivement, nous en avons créé un certain nombre, à la Tambourine, par exemple, ou au boulevard Saint-Georges. Il est vrai que l'Etat a racheté à la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale environ 1500 logements, mais sans avoir besoin - c'est important ! - d'exercer le droit de préemption. Cela s'est fait de gré à gré, en plein accord avec le vendeur, la Fondation de valorisation.
Ce droit de préemption est un instrument qu'il faut utiliser avec beaucoup de prudence, avec beaucoup de retenue, car c'est une atteinte extrêmement grave à la propriété privée ! L'Etat intervient dans une transaction entre deux privés qui avaient librement décidé de vendre un immeuble et, tout d'un coup, la commune ou l'Etat intervient pour s'accaparer de l'immeuble dont il est question. Cela peut se justifier dans certains cas. La loi prévoit très clairement que cela se justifie quand il s'agit d'un terrain où l'on peut construire du logement, où il est prévu de construire du logement social et où l'Etat peut mieux remplir cet objectif que ne le ferait l'acquéreur privé. Il ne s'agit pas ici de faire du droit, il s'agit de faire de la politique, mais il n'est possible d'admettre ce droit de préemption que dans ce contexte extrêmement étroit, extrêmement cadré par la jurisprudence.
Ce que demande ce projet de loi, c'est d'étendre le droit de préemption à des immeubles déjà construits. Et ça demande en fait de réduire encore la propriété privée, non pas pour construire du logement, puisque, par définition, il s'agit déjà de logements construits, mais tout simplement pour permettre aux collectivités publiques de devenir propriétaires de plus de logements. Et là, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat considère que l'intérêt public poursuivi par ce projet de loi n'est pas suffisant et qu'il n'y a, au fond, aucun intérêt qui justifie qu'on augmente ainsi cette possibilité d'ingérence très forte de l'Etat dans le marché privé.
D'ailleurs, Monsieur Deneys, vous disiez tout à l'heure - je crois que c'était vous - que le marché immobilier fonctionne très mal, que les transactions sont rares. Mais croyez-vous que l'instauration d'un droit de préemption de l'Etat plus étendu va profiter à ce marché et permettre de le fluidifier ? Eh bien non ! Je crois que vous vous trompez. Je crois que c'est exactement le contraire qui se passera, parce que les privés ont besoin d'agir dans un marché libéralisé, dans lequel ils peuvent avoir confiance et sur la stabilité duquel ils peuvent compter.
En conclusion, je crois que ce projet de loi a le mérite de soulever un certain nombre de questions, mais je crois aussi que la solution qu'il propose n'est pas utile, n'est pas particulièrement intéressante et, surtout, qu'elle est très éloignée de l'essentiel.
Aujourd'hui, il s'agit de construire des nouveaux logements; il ne s'agit pas de s'écharper sur l'acquisition par untel ou par un tel autre d'immeubles de logement existants ! Nous devons toutes et tous unir nos forces pour construire ! Et je ne peux que rejoindre M. Aumeunier qui, tout à l'heure, regrettait amèrement que l'ASLOCA et les syndicats aient cru bon de lancer un référendum contre le projet de la Praille-Acacias-Vernets, pour des motifs particulièrement fumeux - parce que jusqu'à ce jour je n'ai pas encore entendu le motif politique de ce référendum. Au fond, il n'y en a pas ! C'est un référendum purement électoraliste, purement idéologique, et qui met en danger la réalisation de 14 000 nouveaux logements. Moi je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bloc, à serrer les coudes, pour parvenir à construire les logements que les Genevois et les Genevoises attendent. (Applaudissements.)
Mis aux voix, le projet de loi 10321 est rejeté en premier débat par 40 non contre 27 oui.