Séance du
jeudi 17 septembre 2009 à
17h
56e
législature -
4e
année -
11e
session -
60e
séance
PL 10198-A
Premier débat
M. Olivier Wasmer (UDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, la loi sur les démolitions et transformations d'immeubles est très lourde pour la construction d'immeubles, que nous attendons tous depuis des lustres. Aujourd'hui, le Conseil d'Etat met tout en oeuvre pour essayer de simplifier cette procédure, qui est, comme je l'ai dit, très lourde. Le département des constructions et installations a un travail administratif énorme et cherche toutes les solutions pour diminuer ce dernier. En l'occurrence, il propose que les autorisations d'habiter soient transférées à des mandataires professionnellement qualifiés, des architectes et des ingénieurs, qui eux-mêmes ont déposé des plans pour la construction d'immeubles pour le compte du maître de l'ouvrage. Et les mêmes mandataires pourront, le cas échéant, délivrer eux-mêmes le permis d'habiter.
Les rapporteurs de minorité crient au loup, prétendant qu'il n'appartient pas à des privés de délivrer un permis d'habiter, puisque c'est une tâche dévolue à l'Etat. C'est la position des socialistes. Celle des Verts est encore plus lourde et beaucoup plus contestable: eux ne voient aucun intérêt, pensant que des mandataires qualifiés pourront effectuer du travail au détriment de l'Etat, allant à peu près dans le même sens que les socialistes sur un ton différent.
Mesdames et Messieurs les députés, en votant ce projet de loi du Conseil d'Etat, vous allez transférer la délivrance du permis d'habiter à des mandataires qualifiés, architectes et ingénieurs, comme je l'ai dit, ce qui permettra de soulager le département des constructions de ce travail. Vous savez que, aujourd'hui, quand des immeubles d'habitation ou commerciaux sont terminés, ils ne peuvent pas être occupés tant que le département n'a pas examiné le travail effectué - les transformations, l'agrandissement, la construction de ces immeubles - pour délivrer un permis d'habiter une fois ces travaux finis. Ce travail prend énormément de temps et mobilise de nombreux fonctionnaires, qui pourront être affectés à d'autres tâches que celle de procéder à ces contrôles. Ainsi, ce projet de loi vise, comme je l'ai dit, à délivrer cette tâche à des privés.
Les bancs d'en face me diront: «Mais comment se fait-il que l'on délivre une tâche de l'Etat à des privés ? C'est inacceptable !»... Voilà ce que vous diront les rapporteurs de minorité. Il faut savoir, Mesdames et Messieurs les députés, que les architectes et ingénieurs qui délivreront ces permis d'habiter seront bien entendu contrôlés par l'Etat, puisque ce dernier procédera à des contrôles ponctuels des permis d'habiter délivrés par les mandataires privés. Il faut aussi savoir que, de par la loi, tant le code civil que le code pénal, ces mandataires professionnels ont une très lourde responsabilité et peuvent être poursuivis, le cas échéant, s'ils abusent des pouvoirs qui leur sont conférés par l'Etat, sur les plans tant civil que pénal. Au niveau administratif déjà, cette modification de la loi prévoit des amendes de 60 000 F contre les mandataires pour le cas où ils abuseraient de ce pouvoir de délivrer des permis d'habiter. (Brouhaha.)
Mesdames et Messieurs les députés, je vous recommanderai donc d'accepter ce projet de loi, puisqu'il a principalement pour but... (Le président agite la cloche.) ...d'alléger la procédure en matière de transformation d'immeubles et qu'il permettra, si nécessaire, de décharger des fonctionnaires pour les déléguer à d'autres tâches encore plus importantes. Pour tous ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à voter ce projet de loi.
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Les Verts sont très favorables à l'accélération des procédures concernant la construction de logements. Mais ce projet de loi n'y concourt aucunement ! Rappelons que le permis d'occuper intervient quand tout est construit ! Ce n'est donc pas avec ce projet de loi que l'on va accélérer quoi que ce soit.
En revanche, il soulève toute une série de problèmes techniques et concrets pour les mandataires, et je trouve très piquant que vous n'ayez pas écouté les professionnels qui vous ont signalé les difficultés occasionnées. Le Conseil d'Etat avait proposé de responsabiliser les mandataires - très bien ! - mais il avait aussi prévu le bâton, c'est-à-dire des amendes nettement plus élevées. Vous avez toutefois proposé de supprimer cela, donc les amendes resteront extrêmement faibles.
Deuxièmement, le permis d'occuper ne figure en fait plus dans la loi - c'est simplement de la technique législative ! - et vous estimez qu'un mandataire peut le délivrer... Comme ce permis n'existe plus, que peut-il accorder ? Je souhaite bien du plaisir au mandataire qui présente à son client une feuille où il est marqué: «J'ai tout bien fait, tout est conforme»... Cela n'a aucune valeur quand on signe soi-même sa propre attestation ! Cela renchérira probablement les coûts de construction, puisque le mandataire devra faire appel à une entreprise de certification. Et se délivrer des certificats à soi-même, veuillez m'excuser, mais ce n'est pas très crédible...
Un problème de prescription a aussi été soulevé pendant la discussion. Actuellement, les défauts ou les actions malveillantes qui seraient le fait de l'un des constructeurs - ce que l'on ne souhaite pas - sont prescrits par cinq ans, voire trois ans. Il est donc logique de prolonger cette prescription, parce qu'on ne remarque pas tout de suite, au niveau de la construction, les éléments non conformes.
Un dernier point important concerne la gestion intelligente des dossiers: «on évitera toute modification de plan...», alors qu'elle peut être tout à fait nécessaire ! En effet, personne n'est parfait, on peut se tromper, faire une erreur. Or, là, on évitera d'apporter toute modification - même indispensable ! - parce que l'on doit signer, pour attester être dans la conformité du plan que l'on a proposé il y a dix ans... C'est simplement absurde !
Il y a donc beaucoup de problèmes techniques dans ce projet de loi et c'est pourquoi nous, nous pensons que ce serait une erreur de l'adopter aujourd'hui. On peut éventuellement le renvoyer en commission. Mais, en l'état, je pense qu'il va plutôt causer des problèmes aux mandataires et constructeurs que libérer des fonctionnaires dans le but de leur faire effectuer d'autres tâches.
Pour réagir aux propos de M. Wasmer, selon lesquels il y a une kyrielle de fonctionnaires qui s'occupent de ce dossier, on nous l'a indiqué en commission: il y en a peut-être un ! En réalité, le boulot ne s'effectue actuellement pas - et ce n'est pas une bonne chose - mais ce n'est en tout cas pas un travail qui submerge le département. Ainsi, non seulement ce projet n'accélère pas la construction, car les immeubles sont déjà construits lorsqu'on délivre le permis d'occuper, mais il pose aussi aux mandataires des problèmes concrets et très techniques du point de vue législatif et il n'amène aucun bénéfice réel au département. Voilà pourquoi je vous propose de refuser ce projet de loi.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Voici la question qu'il faut se poser: «Le changement que l'on nous propose ici va-t-il réellement réaliser des économies ?» Car c'est cela qui, à mon avis, a présidé au dépôt de ce projet de loi. Or cette question qui était sous-jacente à la commission des travaux n'a aujourd'hui pas été explicitée. Elle ne nous a donc pas convaincus, et pas seulement moi.
Ensuite, d'après ce que l'on a compris, la genèse de ce projet obéit au fait que la police des constructions est submergée et que le projet de loi va justement la décharger. Qu'apprend-on à l'audition de ces personnes ? D'abord, que rien ne dit qu'une fois ce projet voté les constructions seront réalisées mieux qu'aujourd'hui, ou en tout cas avec moins de défauts; il faudra de toute façon demander ces permis d'habitabilité et, par conséquent, cela donnera pas mal de travail. A ce niveau-là, je ne pense pas que l'on ait résolu grand-chose !
Ma préopinante l'a dit, la question des défauts est effectivement importante. On l'a vu pour beaucoup d'immeubles et constructions, des défauts apparaissent bien plus tard. On a aussi vu dans cette république qu'au cours des années passées des mandataires faisaient faillite, partaient et se retrouvaient ailleurs, sans que l'on puisse les déranger. Je ne vois donc pas comment on va pouvoir, une fois les gens à l'intérieur et le mandataire loin d'ici, s'en prendre à ce dernier.
Mais ce qui est terrible dans ce projet, c'est l'objectif poursuivi. Normalement, le permis d'habitabilité pour ce qui concerne un immeuble est un élément important, puisque cela touche tout de même des personnes, des vies ! Et en cas de défaut de majeur, on met en question des vies; il y a là une responsabilité majeure. Or que dit-on ? On dit au mandataire: «Il y a des lois, respectez-les. Et c'est à vous de contrôler si ce que vous faites est bien !» C'est comme si l'on disait aux citoyens: «On supprime la police. Cependant, la loi est très claire, vous ne devez pas commettre d'infractions. Et si l'un de vous commet une infraction et que l'on vous voit, vous payerez une amende !» Non mais, franchement, vous y croyez, à cela ?! Personne n'y croit ! (Remarque.) Personne ! Alors que faudrait-il ? Que la loi introduise un contrôle neutre par une institution d'engineering ou autre qui, elle, obligerait effectivement le mandataire à s'adresser à elle pour émettre un certificat de bonne construction remplaçant ainsi l'administration. Mais la loi ne prévoit pas cela ! Ainsi, cela laisse librement dire au mandataire: «J'ai bien fait mon travail. Espérons que tout ira pour le mieux !» Vu mon expérience professionnelle, je ne pense donc pas que les mandataires vont produire de document avec objectivité. En effet, il arrive qu'ils se trompent. Parce qu'ils sont sous le stress qu'engendre cette économie de compétitivité où tout le monde essaie de faire moins cher et parfois même de contourner les règlements, si c'est possible.
Comme l'a encore dit ma préopinante, c'est dans ce contexte, Mesdames et Messieurs, que l'on a réduit les amendes ! A l'origine, le projet de loi indiquait que, du fait qu'il laissait une ouverture aux mandataires, la loi et les amendes seraient d'autant plus sévères. Le projet initial prévoyait une amende administrative de 200 F à 400 000 F. Cependant, les députés ont considéré que c'était excessif et ont réduit ce plafond de 60 000 F, c'est-à-dire à la somme qui est actuellement inscrite. En commission, on a même entendu des députés proposer que ceux qui travaillent bien doivent être gratifiés ! C'est-à-dire que si vous construisez un immeuble avec des défauts, ne respectant pas loi, vous n'encourrez aucune pénalité, vous serez peut-être sermonnés. En revanche, si vous construisez sans défauts - ce qui est normal, c'est pour cela que vous êtes payés - eh bien, là, vous serez gratifiés par l'Etat ! Non mais, où va-t-on ?!
Voilà un peu le contexte et l'esprit de ce projet de loi, auquel on ne peut pas adhérer. D'ailleurs, les professionnels étaient clairs. Pour eux, il était beaucoup plus sûr, même du point de vue économique, que l'Etat émette un certificat d'habitabilité, ou d'exploitation s'il s'agit d'une installation, parce qu'ils étaient de ce fait déchargés. Et effectivement, je les comprends ! Je comprends qu'à partir de maintenant ils doivent assumer une responsabilité, éventuellement sans être à même de pouvoir le faire. Vous imaginez, en plus, la pression exercée par le maître d'oeuvre sur le mandataire ? Vous savez très bien que les maîtres d'oeuvre sont poussés par des délais, par la rentabilité de leurs projets, et qu'ils obligent parfois les mandataires à simplifier les constructions et à aller au-delà du possible. Avec un tel projet de loi, je doute beaucoup que les mandataires puissent résister à cette situation ! On verra à ce moment-là, comme dans d'autres pays, dont certains nous entourent, des catastrophes assez significatives. La Suisse est l'un des pays qui y échappaient, justement de par sa législation et de par sa pratique. Normalement, on ne change pas ce qui fonctionne ! Mais chez nous, puisque cela fonctionne bien, on change !
Mesdames et Messieurs, je vous enjoins de ne pas accepter ce projet de loi et de continuer la pratique actuelle. Mais nous avons, nous les socialistes, proposé un amendement pour y inclure au moins le contrôle dont je vous ai entretenu.
M. Christophe Aumeunier (L). Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...c'est avec étonnement que l'on a appris le dépôt de deux rapports de minorité au sujet de ce projet de loi. Pourquoi ? Parce que tout le monde est d'accord qu'il faut alléger, simplifier et accélérer les procédures. Accélérer les procédures, parce que les procédures en autorisation de construire à Genève ne sont ni plus moins que deux fois plus longues que dans les autres cantons. En définitive, les oppositions émises aujourd'hui semblent issues d'un réflexe étatiste. Un réflexe étatiste, parce qu'elles ne sont pas fondées. On nous dit qu'il s'agit de supprimer un contrôle étatique. Mais, Mesdames et Messieurs, ce contrôle étatique ne se fait pas ! (Brouhaha.) Il n'est pas opérant...
Le président. Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur le député, mais je dois m'adresser aux personnes qui se trouvent à la tribune: s'il vous plaît, Madame, vous ne pouvez ni filmer ni photographier ! Je vous en remercie. Monsieur le député, vous pouvez poursuivre.
M. Christophe Aumeunier. Merci, Monsieur le président. On nous dit que ce projet de loi supprime un contrôle étatique. Mais c'est une supercherie: tout le monde sait que ce contrôle étatique ne se fait pas ! Le contrôle du permis d'habiter intervient cinq à dix ans après que les gens ont intégré les locaux. Alors, quel est l'intérêt d'avoir un pseudo-contrôle étatique, qui, depuis des décennies, n'est pas opérant et ne se fait pas ?
Le projet de loi, en définitive, vise à ce qu'il y ait une attestation des mandataires qui indique que l'ouvrage est conforme aux règles de l'art et, surtout, à la législation. Cette attestation est immédiate ! On voit donc immédiatement le bénéfice pour l'administration, d'une part, et pour les administrés, d'autre part, à ce qu'il y ait une conformité immédiate des ouvrages !
Pour ce qui est des questions relatives aux amendes et aux prescriptions, je crois que des amendements seront déposés. En ce sens, on peut écouter la critique et on vous proposera des amendements.
En conclusion, les libéraux vous proposent avec fermeté d'accepter ce projet de loi en vue d'accélérer les procédures en autorisation de construire.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue à la tribune une classe de l'Ecole de culture générale Jean-Piaget. Il s'agit de la classe de Mme Aline Gualeni qui enseigne la politique aux élèves de troisième année. Je leur souhaite la bienvenue à notre Grand Conseil pour cette expérience pratique !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Mario Cavaleri (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, c'est peut-être un tout petit pas, quarante ans après avoir marché sur la Lune. Ce n'est effectivement guère un pas de géant dans l'amélioration, dans la clarification des procédures liées à l'acte de construire, mais c'est un premier pas que nous saluons.
Il est tout même assez piquant de constater ceci. Dans son rapport de minorité, Mme Künzler - elle qui dit être une grande tenante de l'accélération des procédures, de la simplification des faits de l'administration - relève elle-même, en tant que membre des Fondations immobilières de droit public HBM, que des bâtiments sont habités depuis de très nombreuses années et ne bénéficient pas encore du fameux permis d'habiter ! Que cela signifie-t-il ? Soit que ce document a une réelle valeur, et on y met alors les contours nécessaires - et je pense que, dans le projet de loi qui nous a été soumis, nous avons l'essentiel - soit on estime que ce papier n'a aucune valeur, et on le biffe simplement de la loi. Nous, démocrates-chrétiens, disons: «Non, il ne faut pas le biffer, mais on peut simplifier l'acte.»
En outre, ce que l'on entend de la part des rapporteurs de première et deuxième minorités est tout de même assez paradoxal et montre bien la frontière qu'il y a entre la gauche et la majorité de ce parlement lorsque l'on parle de l'application des lois. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues - et j'espère que la population nous écoute bien - il y a une mentalité, à gauche, qui considère que les lois ont uniquement pour but d'exercer une coercition dans tous les actes effectués par les privés. Cette mentalité est vraiment désagréable ! Et c'est faire peu de cas, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, du sens de l'éthique, du sens de la déontologie, des mandataires professionnellement qualifiés qui participent grandement à l'acte de construire. Nous, en face, disons: «Nous en appelons à la responsabilité individuelle.»
C'est bien la raison pour laquelle, même s'il ne s'agit pas d'une grande révolution, nous appuyons ce projet de loi avec enthousiasme, parce qu'il ouvre enfin la voie à des modifications encore bien plus importantes et indispensables afin que nous puissions construire dans des délais plus rapides, qui soient corrects, et offrir - concrètement ! - des logements à notre population. On voit bien le clivage entre la gauche et la majorité actuelle, et j'espère bien que la population ne se trompera pas, lors des élections du 11 octobre, par rapport aux choix fondamentaux qui doivent conduire à réellement mener une politique active et dynamique en matière de construction de logements.
Mesdames et Messieurs, chers collègues, je vous invite à appuyer chaleureusement et à accepter ce projet de loi, avec l'amendement qui a été proposé et auquel, bien entendu, le groupe démocrate-chrétien adhère sans aucune réserve. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, vous m'excuserez... (L'orateur se racle la gorge.) ...j'ai perdu ma voix !
Une voix. Plus près du micro ! (Commentaires.)
Une autre voix. C'est la grippe ?!
M. Gabriel Barrillier. Non non, ce n'est pas la grippe ! Je vais poursuivre dans la même veine que mon préopinant... (La voix de l'orateur est éraillée. Rires.) Chaque fois qu'il est question d'accélérer ou d'alléger les procédures, tout le monde est d'accord et manifeste son enthousiasme. Mais lorsqu'il y a des propositions pratiques, c'est une autre paire de manches ! Je me souviens qu'il y a quelques années nous avions proposé, justement pour améliorer toutes ces procédures, de fondre la loi d'application sur aménagement du territoire, la LaLAT, avec la loi sur les constructions pour en faire une loi unique permettant d'améliorer, de rationaliser l'acte d'aménager et l'acte de construire. Dans ce projet de loi, une proposition très importante était de responsabiliser les professionnels, les mandataires. Non pas pour privatiser toute cette problématique, chers collègues, mais pour améliorer le fonctionnement des institutions ! Chaque fois que l'on fait des propositions, si légère soient-elles - celle-ci n'est vraiment pas très importante, nous en sommes bien conscients, mais elle a le mérite de poser le problème. Eh bien, chaque fois que l'on fait des propositions, les socialistes attrapent des boutons... (Commentaires.) ...et ces propositions s'ensablent dans des oppositions stériles. (Brouhaha.)
Le parti radical estime qu'il faut responsabiliser les professionnels... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et leur faire confiance, à eux dont c'est la responsabilité de mettre sur le marché des bâtiments, des ouvrages susceptibles d'être parfaitement construits. Dès lors, nous vous invitons à accepter cette petite réforme, mais qui est importante dans sa symbolique.
M. Pablo Garcia (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous connaissons tous la situation de Genève, qui a les taux de vacance de logements les plus bas de Suisse. Nous en sommes toujours, depuis des années, la lanterne rouge. Nous savons que seule une application réelle de tous les acteurs du secteur, dont évidemment l'Etat, est nécessaire. Aujourd'hui, le département des constructions veut une responsabilisation des mandataires. Mais cela équivaut à une seule chose: la déresponsabilisation du département de M. le conseiller d'Etat Mark Muller. La fin des contrôles systématiques de l'Etat veut dire un abandon inacceptable, alors que la crise du logement - des logements de qualité, des logements accessibles à tous - frappe de plein fouet nos concitoyens.
La Fédération des architectes et ingénieurs estime que ce projet de loi ne change rien, la responsabilité des mandataires étant déjà une réalité. Cela signifie que ce projet n'a d'autre but que de simplifier le travail de l'administration en rendant aléatoire le contrôle de l'Etat. Contrôle aléatoire, amendes ridicules pour les contrevenants: ce projet met donc en danger la qualité des contrôles de conformité des constructions. Et à terme, nous risquons de voir s'instaurer un organe externe au groupement des mandataires professionnels, c'est-à-dire une perte de contrôle supplémentaire et une augmentation des coûts.
Les rapporteurs de minorités l'ont souligné, simplifier des procédures ne peut se faire au détriment des contrôles. C'est un abandon pur et simple que nous ne pouvons tolérer. Par conséquent, le parti socialiste ne peut accepter ce projet de loi en l'état. Nous devons soit le retravailler, soit l'amender au mieux, au nom des principes de sécurité, au nom du droit à des logements de qualité, logements ayant bénéficié du meilleur contrôle de la part de la police des constructions. Enfin, je répondrai à mes préopinants qu'il ne s'agit pas ici de coercition. Il s'agit, au contraire, de notre responsabilité d'offrir des logements de qualité, sûrs, à tous nos concitoyens. Voilà pourquoi je vous propose de ne pas entrer en matière.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez compris, les Verts sont déçus du résultat des travaux de la commission du logement sur ce projet de loi qui vise à libéraliser la procédure du permis d'habiter. Nous souhaitons clairement raccourcir le délai aujourd'hui nécessaire pour construire, puis enfin habiter un logement, surtout en période de grave crise du logement comme nous la connaissons actuellement, mais pas de cette manière. Pour les Verts, ce projet de loi est la porte ouverte aux dérives et au laisser-faire qui peuvent, éventuellement, amener à des accidents. C'est la raison pour laquelle nous souhaiterions vous demander de renvoyer ce projet de loi en commission.
Le président. Merci, Madame la députée. Vous avez émis une demande de renvoi en commission. Peuvent s'exprimer les rapporteurs et le conseiller d'Etat. La parole est à M. Wasmer pour trois minutes.
M. Olivier Wasmer (UDC), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'entends aujourd'hui certains adversaires demander le renvoi en commission: je vous rappelle que ce projet de loi a fait l'objet de six séances, au cours desquelles nous avons entendu la Fédération des architectes et ingénieurs, toutes les personnes concernées par ce genre de modifications dans le cadre des travaux de construction et transformation d'immeubles. Aujourd'hui, un renvoi en commission ne s'avère pas nécessaire, d'autant moins que, contrairement à ce qu'a dit le député Garcia, la Fédération des architectes et ingénieurs, qui a été entendue, a trouvé que ce projet de loi était très bon.
D'ailleurs, j'ai entendu mes adversaires prétendre que c'était une déresponsabilisation de l'Etat... Ce n'est pas du tout le cas ! Bien au contraire, l'Etat, comme je l'ai souligné, effectuera des contrôles ponctuels sur ces autorisations d'habiter qui auront été délivrées par des mandataires. Et il faut savoir que ces derniers sont eux-mêmes soumis à l'obligation d'avoir une assurance responsabilité civile à hauteur de plusieurs millions. Alors, je ne vois vraiment pas quel est le problème aujourd'hui !
Les travaux parlementaires ont été effectués à satisfaction: je vous remercie donc de bien vouloir vous opposer à ce renvoi en commission.
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Le renvoi en commission est vraiment nécessaire, puisque plusieurs amendements sont déjà déposés, même par la majorité. On se rend compte que ce projet de loi n'est pas si bien ficelé que cela et que l'on rencontre des problèmes, notamment sur les prescriptions, le délai et les montants de l'amende. Il est donc nécessaire de retravailler ce projet en commission, même brièvement. Il y aura aussi des modifications à d'autres lois, notamment la LGL, qui n'ont pas été faites. Si l'on veut voter cette loi, il faut tout de même qu'elle soit applicable ! Pour nous, la loi est quelque chose de nécessaire, qui doit être respecté et applicable, ce qui, en l'occurrence, ne l'est pas. Je recommande donc le renvoi en commission.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, certains députés ici présents nous ont traités, nous à gauche, d'étatistes. Mais vous savez, par les temps qui courent, il vaut mieux être étatiste, n'est-ce pas ?! Parce qu'à voir les dernières débâcles financières, heureusement que l'Etat était derrière ! Et ces débâcles financières, vous savez pourquoi elles se sont produites ? Précisément parce qu'on a libéralisé les contrôles. On s'est dit que ces gens-là étaient tellement responsables qu'il ne fallait pas tout le temps les contrôler, qu'ils se contrôlaient eux-mêmes... Le résultat nous a coûté des milliards ! Seulement ici, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas seulement d'argent qu'il est question, Monsieur le président, mais aussi de vies humaines ! Si les contrôles ne se font pas et qu'il y a des vices de construction ou des erreurs, ce sont des vies qui sont en jeu.
Certains prétendent ici, comme M. Barrillier, que nous allons gagner en temps de faisabilité de ces installations... Faux, Monsieur Barrillier ! Puisque le permis d'habitabilité vient en fin de construction ! En commission, on nous a présenté le planning de construction, et nous avons vu le moment où intervient cet acte: on ne gagne pas un seul mois avec ce projet ! On ne gagne pas un seul mois, Mesdames et Messieurs les députés ! La seule chose est que l'on perd en qualité de contrôle de la part de l'Etat et que l'on délègue une tâche régalienne. C'est grave !
Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, on nous a présenté ici plusieurs amendements. Même la droite a présenté des amendements ! On pourra les étudier et en débattre, ce qui veut dire que cette loi n'est pas assez travaillée, ou du moins qu'elle mérite d'être de nouveau examinée, vu la responsabilité de l'acte que nous sommes en train de voter ici. Par conséquent, Monsieur le président, notre groupe soutiendra le renvoi en commission, en acceptant la proposition des Verts.
Le président. Merci, Monsieur le député. Le conseiller d'Etat ne demandant pas la parole, nous nous prononçons maintenant sur le renvoi de ce projet de loi à la commission du logement.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10198 à la commission du logement est rejeté par 49 non contre 25 oui et 2 abstentions.
Le président. Nous poursuivons donc le premier débat. Je donne la parole à M. Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG va s'opposer à ce projet de loi, pour plusieurs motifs qui ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux de nos collègues de gauche. Le premier principe, c'est que l'Etat ne doit pas déléguer aux privés des compétences qui lui appartiennent ! Sinon, Mesdames et Messieurs les députés, on recommence des cycles comme «Il était une fois Swissair», où l'on a délégué cela aux privés, on a donné cela à des conseils d'administration, et on a vu que nous avons perdu notre compagnie nationale, qui est aujourd'hui en mains allemandes. Alors moi je vous le dis, Mesdames et Messieurs: si aujourd'hui nous devons commencer à déléguer au secteur privé des tâches de l'Etat, eh bien, Monsieur le conseiller d'Etat, pourquoi ne pas faire un projet de loi pour déléguer les compétences des ministres à quelques cabinets d'audit externes ? Peut-être que, finalement, on pourrait construire plus vite à Genève ! Car aujourd'hui, Monsieur le conseiller d'Etat, c'est votre échec ! Vous deviez construire 4000 logements par année, et vous en avez fait 1000 ! Aujourd'hui, Genève est en retard; la population genevoise ne trouve plus de logements et doit partir dans le canton de Vaud ou dans la région frontalière, provoquant ainsi des pendulaires supplémentaires qui asphyxient les campagnes chaque matin, puisque je vous rappelle qu'il y a 200 000 mouvements de véhicules frontaliers chaque jour dans le canton de Genève. Cette situation n'est pas acceptable ! Aujourd'hui, pour construire il faut trente-et-une autorisations ! Alors vous avez eu le beau rôle, Monsieur le conseiller d'Etat, de critiquer vos collègues de gauche qui, jadis, occupaient votre poste, et de dire: «Vous n'êtes pas capables de construire !» Je l'avais relevé en 2005: on ne construit pas des logements avec un règlement ! Mais avec une pelle et une pioche, ce qui, visiblement, vous fait défaut dans votre bilan de première législature.
Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, je vous prends à témoin: M. Cavaleri disait espérer que le 11 octobre les gens voteront intelligemment. Oui, j'espère qu'ils le feront ! Parce qu'en début de séance plénière, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG a déposé une proposition de motion pour construire 14 000 logements à côté de l'autoroute de contournement, là où le tram TCOB arrive. Mais vous avez refusé l'urgence, car c'est vrai qu'à Genève, tout le monde le sait, le logement n'est pas urgent ! Et, ma foi, cela fait les affaires d'une droite, avec des loyers extrêmement élevés, et également les affaires d'une gauche, avec le spectre des loyers élevés, car ainsi elle draine de l'électorat. Non, Mesdames et Messieurs ! Aujourd'hui nous voulons une politique de rupture, nous voulons casser ces systèmes consensuels qui font que chaque année le pouvoir d'achat des citoyens genevois baisse, que les loyers sont toujours plus chers et que, finalement, nous ne construisons pas assez de logements à Genève ! Et je suis aussi effaré que les Verts viennent dire que, dans la situation actuelle, tout va bien. Eh bien non, Madame Künzler ! Vous qui briguez aussi un poste de ministre à l'exécutif cantonal, il faudra vous remettre en adéquation avec la population genevoise ! Nous avons besoin de logements, nos jeunes ont besoin de logements, et pour cela il faut construire. Et pour faire baisser les loyers, Mesdames et Messieurs les députés, eh bien il faut augmenter l'offre, et ensuite le marché s'autorégulera tout seul.
Pour en revenir à ce projet de loi, nous le refuserons, parce que des compétences d'Etat ne sont pas à déléguer au secteur privé.
M. Pascal Pétroz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, voici quelques observations à ce stade du débat, après la longue élaboration du programme politique de mon préopinant, qui ferait mieux de regarder un peu les chiffres, lui qui a parlé de 1000 logements. Qu'il regarde les derniers chiffres qui ont été donnés - loin de moi l'idée d'être l'avocat du Conseil d'Etat ce soir, mais enfin... (Exclamations.) A un moment donné, il faut tout de même reconnaître ce qui a pu être fait, puisque, d'après les derniers chiffres - et je parle sous votre contrôle, Monsieur le conseiller d'Etat - on a dépassé la barre des 2000 autorisations de construire, ce qui représente, je crois, une augmentation de 40% par rapport à l'année précédente. Alors, si vous voulez tirer sur le pianiste, tirez au moins sur le pianiste avec des chiffres exacts, et pas avec de la désinformation, cela serait fortement apprécié !
Au-delà des faits qui ne sont pas maîtrisés, il ne s'agit pas de déléguer une tâche régalienne au secteur privé; il s'agit tout simplement de prendre en considération que les architectes ont une formation - longue - qui doit être valorisée. Un des rapporteurs de minorité disait tout à l'heure qu'il s'agissait d'une question de vie ou de mort... Prenons alors l'exemple du médecin. Le médecin est celui qui sauve des vies; de ses choix peut dépendre la survie ou le décès d'une personne. A suivre votre raisonnement, parce que les architectes ne seraient pas suffisamment responsables pour dire si l'on peut habiter dans une maison ou pas, cela signifierait qu'il faudrait placer un fonctionnaire derrière chaque médecin qui procède à une opération chirurgicale. Soyons sérieux, Mesdames et Messieurs, chers collègues ! Soyons sérieux: les architectes sont des gens compétents, et leurs compétences méritent d'être valorisées ! Faisons-leur confiance et gagnons du temps pour construire plus de logement pour les Genevoises et les Genevois. Je vous remercie.
M. Mario Cavaleri (PDC). Monsieur le président, je souhaiterais que vous adressiez à M. Stauffer les remarques suivantes. Lorsque, d'une manière très électoraliste, M. Stauffer nous invitait tout à l'heure à accepter l'ajout et l'urgence de la motion 1901, il a simplement oublié de dire qu'il avait déjà déposé, le 2 octobre 2008, la motion 1847. Donc, c'est un copier-coller. Evidemment, on est en période électorale, et M. Stauffer a besoin de notoriété et de se faire mousser par rapport au logement. C'est vraiment très regrettable, parce que, ce qu'il n'a pas dit - je tiens à le souligner ici et j'espère que le Conseil d'Etat va le rappeler - c'est que la question du développement de Bernex fait l'objet d'intenses - d'intenses ! - discussions. Vous avez participé comme moi, Monsieur le député, à des tables rondes, et on ne va pas fusiller cette concertation avec des motions qui n'ont qu'un seul but: se faire de la publicité à bon compte ! En effet, quand on est ici, on n'a pas besoin de payer à Léman Bleu des minutes de diffusion. Cela ne va tout simplement pas, Monsieur le député. Soyez sérieux ! Si vous voulez défendre le logement, ce n'est pas de cette manière, mais en venant à des commissions, du logement, des travaux, d'aménagement, avec une approche positive, et non pas une opposition systématique parce qu'il y a quelques virgules qui ne vous plaisent pas ! Merci, Monsieur le président, de transmettre à notre collègue. (Applaudissements.)
M. Eric Bertinat (UDC). L'UDC soutiendra ce projet, tout simplement parce qu'il entre parfaitement dans le cadre de la politique qu'elle entend mener à Genève, à savoir un Etat «light», qui n'est pas un Etat «mammouth», qui ne requiert pas des milliers fonctionnaires. Un Etat qui, contrairement au MCG, ne doit pas coûter des sommes folles. Je vous rappellerai que le MCG avait proposé d'augmenter de près de 40 millions le budget 2010 par on ne sait quel artifice, simplement pour plaire aux fonctionnaires. Non ! Ce que nous voulons, c'est un Etat performant. Nous sommes d'accord d'externaliser certains services. Ces derniers doivent nous donner la preuve que l'Etat maîtrise ses dossiers en son sein, que ce n'est pas simplement un manque d'efficacité. Simplement, les dossiers sont multipliés et Genève connaît de graves problèmes de logement.
Si nous sommes toujours tous d'accord, devant un micro, pour dire que nous voulons plus de logements, plus de logements sociaux et de logements libres, à acheter, eh bien au moment de voter, nous nous apercevons qu'il y a un clivage certain dans ce parlement ! Il y a d'un côté les socialistes, les Verts et le MCG, et, de l'autre côté, l'Entente et l'UDC, qui en tout cas est libre de décider qu'il faut aller de l'avant, pouvoir confier ces mandats à l'extérieur, gagner du temps et permettre ainsi de donner des avis rapides à ceux qui le demandent.
M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, vous transmettrez à l'ensemble de mes collègues que je crois qu'on ne s'est pas très bien compris. Lorsque le MCG dit qu'on ne délègue pas une compétence de l'Etat au secteur privé, c'est une réalité ! L'Etat doit être le contrôleur de son territoire. En revanche, là où je vais vous rejoindre, Mesdames et Messieurs de la droite, c'est sur le fait que le département de votre ministre de tutelle devait être complètement repensé. Je vous rappelle qu'il faut aujourd'hui trente-et-une autorisations de divers services pour obtenir un permis de construire jusqu'à l'habitation du logement ou de la maison. Voilà ce qui ne va pas dans ce canton ! Alors voilà ce qu'il faut reformer ! Mais il ne faut pas déléguer au secteur privé des tâches que l'Etat doit accomplir.
Ensuite, pour répondre à mon collègue Cavaleri, qui dit qu'il faut prendre en considération les architectes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour les mandater afin de délivrer ces autorisations d'habitation, eh bien je vais vous dire, Mesdames et Messieurs, que les architectes, on en revient quand même, parce qu'il y a malgré tout quelques exactions que le public doit connaître. L'Etat a mandaté des architectes, notamment pour construire la prison de La Brenaz; figurez-vous que ces architectes - qui ne donnent évidemment pas de travail aux Genevois, mais qui sous-traitent dans des entreprises en Pologne, et j'en passe et des meilleures - ont mandaté une entreprise de serrurerie et constructions métalliques et ont réussi à mettre des serrures à 950 F pour les portes de cellules, serrures qui aujourd'hui ne fonctionnent plus et qui restent bloquées... Or le personnel de la prison a trouvé sur internet le même modèle de serrure - tenez-vous bien - à 3,5 euros ! Voilà ce que vous nous promettez avec l'Europe ! Le travail pour les Genevois, il n'y en a pas ! C'est un mensonge qu'il faut aujourd'hui dénoncer, et je vous défie, Monsieur le conseiller d'Etat, de me contredire sur les serrures des portes de prison de La Brenaz car, vous le savez, nous avons saisi votre département. Et c'est un véritable scandale que l'Etat ait pu payer 950 F des serrures, alors qu'on les trouve sur internet - même modèle, même marque, même fabrique - à 3,5 euros !
Je termine en disant qu'il faut aujourd'hui refuser de déléguer ces compétences au secteur privé, qui plus est lorsqu'un conseiller d'Etat arrive à donner des mandats à un architecte qui est député dans cette salle et qui préside la commission des travaux. C'est un véritable scandale ! C'est la république des petits copains et des coquins, et les Genevois n'en veulent plus !
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Nous sommes favorables à l'accélération du processus de construction, c'est clair. Or cette accélération ne doit pas se faire au détriment de la régulation et du contrôle démocratique. Ce projet de loi est plutôt anecdotique. Mais pour les mandataires, il pose un sérieux problème, parce qu'ils ne peuvent pas auto-attester leur régularité. De plus, ils ne sont pas juristes, donc il faudra probablement qu'ils mandatent quelqu'un d'autre. Mais cela pose aussi des problèmes très concrets. Je vous l'ai rappelé tout à l'heure, l'attestation doit être conforme à l'autorisation de départ. Alors va-t-on accélérer ou augmenter le travail ? En effet, il faudra s'adresser au département pour chaque modification, ou alors construire à rebours du bon sens en ne modifiant rien lors de la construction ! En fait, beaucoup de problèmes tout à fait concrets se posent et ne permettront pas d'accélérer la procédure, puisque, comme je viens de vous l'expliquer, on demande que ce soit conforme à l'autorisation de départ. En réalité, on ne tient pas compte des modifications qui surviennent forcément au cours d'un chantier un peu important.
Ainsi, on a allégé le contrôle, et d'autre part, les amendes ne sont absolument pas dissuasives, puisqu'un maximum de 60 000 F est prévu. Dans l'immobilier, c'est juste de la rigolade par rapport aux gains qui peuvent être espérés ! Il y a là certainement un amendement à déposer - que nous avons déposé. D'ailleurs, c'est le Conseil d'Etat qui avait proposé de passer à 400 000 F. Ce n'est donc pas nous qui sommes excessifs: le Conseil d'Etat a lui-même proposé des amendes à 400 000 F ! Et la commission a refusé. Là, il y a un problème. Il y a aussi le problème de la prescription, puisque l'on n'a pas prolongé le délai. De plus, il y a le délai de contrôle. Tous ces problèmes persistent ! Et, on le rappelle, ce projet ne peut pas accélérer les constructions, puisque le permis d'habiter intervient lorsque tout est fini ! Quand on veut accélérer quelque chose, il ne faut pas commencer par la fin ! Ce n'est pas en enlevant la cerise sur le gâteau qu'il est plus rapidement cuit ! (Rires.)
Une voix. Bravo ! (Applaudissements. Commentaires.)
Mme Michèle Künzler. C'est pourquoi nous vous demandons de rejeter ce projet de loi. Vous n'avez pas voulu le renvoyer en commission, alors il faut vraiment le refuser, il n'est pas possible à appliquer. Je sais bien que ce sont les élections, mais pensez aussi à vos collègues mandataires architectes et mandataires ingénieurs. Ils vont souffrir avec ce projet de loi. On pense aussi à eux ! Donc à un moment donné, il faut vraiment faire des lois qui soient applicables. Or celle-là ne l'est pas.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Le député Bertinat a dit tout à l'heure qu'il fallait externaliser pour essayer de dégraisser l'Etat. Si au moins on externalisait, Monsieur Bertinat, si au moins on donnait le contrôle à un institut d'engineering - cela existe - dont le travail est de contrôler et de faire respecter les règles. Mais ce n'est pas le cas ! On supprime un contrôle de l'Etat ! Voilà le problème, Monsieur Bertinat. On ne parle pas ici d'étatisme ou de non-étatisme, à savoir si on externalise ou pas. La question n'est pas là ! Le débat est que l'on enlève un contrôle.
Ensuite, je dirai ceci à tous les députés de la droite qui sont intervenus pour nous rassasier de leur théorie selon laquelle ce projet de loi va dans le sens d'alléger la procédure, de raccourcir le délai en vue délivrer un permis de construire... Mais Messieurs, j'ai ici un organigramme qui nous a été présenté par le département. Il se trouve à la page 21 du rapport. Il y a un petit ovale - à la fin, tout au bout d'un flèche - à l'intérieur duquel est marqué: «Permis d'occuper/d'habiter». A la fin ! En enlevant ce petit ovale, dites-moi franchement en quoi on gagne en temps de construction ! Alors, en quoi ?! Pourtant, c'était l'argument que l'on nous a présenté. L'argument fondamental était un gain en temps de construction, puisqu'il n'y avait pas d'argument financier: on nous a montré que l'on ne gagnait pas grand-chose en éliminant ce contrôle, parce qu'il va y en avoir d'autres.
Mesdames et Messieurs les députés, je suis totalement désolé, mais, soit vous ne connaissez pas le projet en question, vous ne l'avez pas étudié à fond, soit vous le connaissez, vous savez très bien qu'il a un défaut majeur mais passez outre, et vous utilisez des arguments totalement fallacieux. Dans ce cas, c'est grave, parce qu'il y a actuellement une législation qui fonctionne, qui convient aux professionnels, architectes et ingénieurs, aux mandataires et aux fonctionnaires. Par conséquent, je ne comprends pas que vous vouliez éliminer quelque chose qui fonctionne, et je vous prie, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir voter contre ce projet de loi, de le refuser.
M. Olivier Wasmer (UDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que les rapporteurs de minorité, avec tout le respect que je leur dois, n'ont malheureusement pas compris la portée de ce projet de loi. Il ne s'agit pas du tout, contrairement à ce qu'ils vous disent, de la responsabilisation des mandataires dans l'autorisation de construire, puisque les dossiers déposés par ces derniers dans le cadre d'une autorisation de construire ou de transformer seront bien entendu soumis au contrôle de l'Etat comme c'est le cas aujourd'hui. Par contre, il s'agit bien du permis d'habiter, du permis d'occuper, qui est délivré quand l'immeuble a été construit ou transformé. Ainsi que je l'ai dit, ce ne sera plus un contrôle discrétionnaire ou arbitraire, comme le prétendent aujourd'hui les opposants, mais bien une autorisation d'habiter qui sera soumise aux mandataires ayant construit ou, éventuellement, à leurs auxiliaires.
Pour répondre à Mme Künzler, qui dit que les mandataires ne seront malheureusement pas qualifiés eux-mêmes pour apprécier s'il y a une autorisation d'habiter ou pas, parce qu'ils ne sont pas juristes, je crois qu'elle n'a pas lu l'article 7, notamment son alinéa 3, qui stipule très clairement ceci: «Suivant la nature du dossier et si le mandataire ou le requérant l'estime nécessaire, l'un ou l'autre peut joindre à leur propre attestation celles des autres mandataires spécialisés...». Ce n'est donc pas seulement l'architecte et l'ingénieur, mais bien entendu tout autre mandataire qui est intervenu dans le permis d'habiter ! A ce sujet, il faut savoir que l'Etat peut toujours contrôler ponctuellement les attestations délivrées. Et naturellement, ce n'est pas une démission de l'Etat, comme je l'ai entendu, une déresponsabilisation de l'Etat - mais bien un soulagement de la charge de l'Etat et la libération de certains fonctionnaires afin qu'ils effectuent d'autres tâches.
Cela étant, j'ai entendu un parti populiste dire aujourd'hui que l'Etat doit être tout puissant. Vous apprécierez, Mesdames et Messieurs les députés de tous bords, que ce mouvement, qui essaie de glaner des voix par des propos démagogiques, est prêt à n'importe quel discours pour capter des électeurs. Nous, citoyens conscients et responsables de ce parlement, devons faire la part des choses et accepter ce projet de loi, puisque nous souhaitons effectivement moins d'Etat et surtout moins de charge pour la collectivité. Pour tous ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demanderai d'accepter ce projet de loi.
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, au début de la législature, le Conseil d'Etat s'est engagé dans le discours de Saint-Pierre à simplifier les procédures en général. Or il s'avère qu'il n'y a rien de plus compliqué que de simplifier. Le débat de ce soir le démontre: tout le monde est d'accord sur le principe, tout le monde souhaite que l'on construise davantage, mais, malheureusement, chaque fois qu'une proposition concrète est formulée pour assouplir, alléger et accélérer les procédures, il se trouve un certain nombre de groupes pour trouver mille défauts aux suggestions.
La proposition faite par le Conseil d'Etat figure dans le plan de mesures de ce dernier: c'est la responsabilisation des mandataires dans l'acte de construire. Nous sommes partis du constat que, dans la plupart des professions libérales - je pense à la profession d'avocat, à celle de médecin - il n'y avait pas, derrière chaque professionnel, un fonctionnaire pour venir contrôler si l'acte qu'il a rendu est conforme à la loi. En revanche, dans le domaine de la construction, un architecte ne peut pas dessiner un trait sans qu'un fonctionnaire ne vienne vérifier si ce trait est conforme à la loi... Cela ne va pas, c'est source de lourdeurs ainsi que de retards. Nous avons donc décidé de chercher à responsabiliser davantage les architectes et les ingénieurs dans la procédure d'autorisation de construire. C'est un changement complet de culture à Genève ! Et pour opérer ce changement culturel, nous avons décidé de procéder par étapes et de ne pas proposer tout de suite de s'attaquer à la procédure d'autorisation de construire - ce serait probablement trop brutal - mais de faire un essai, de commencer par la fin, par la procédure qui intervient une fois que l'objet est construit, c'est-à-dire la procédure de permis d'habiter ou de permis d'occuper. L'idée, c'est de demander aux architectes et aux ingénieurs qui auront construit de certifier et de prendre la responsabilité qu'ils ont respecté les plans et, s'il s'avère qu'ils ont violé leur engagement, d'augmenter leur responsabilité.
En quoi cela accélère-t-il les procédures ? Cela les accélère de deux manières. D'abord, cela va libérer du temps de travail pour les collaborateurs de l'office des autorisations de construire, qui n'auront plus besoin de délivrer les permis d'occuper, ni d'aller sur place pour contrôler la conformité des constructions aux autorisations de construire. Et c'est autant de temps qui sera consacré au suivi des procédures d'autorisations elles-mêmes. Deuxièmement, comme je vous le disais tout à l'heure, c'est le premier pas vers une responsabilisation plus importante dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire elle-même.
Effectivement, en commission le Conseil d'Etat n'a pas été suivi sur un point: la question des sanctions. Pourtant, nous estimons que si l'on responsabilise davantage les mandataires privés, cela doit avoir un corollaire, à savoir l'augmentation des sanctions en cas de violation des obligations, en cas de trahison de la confiance que nous allons placer en ces mandataires. En commission, la proposition du Conseil d'Etat d'augmenter le montant des amendes n'a pas été suivie; nous proposions de faire passer le plafond de 60 000 F pour une infraction de ce type à 400 000 F; cette proposition a été refusée et, après discussion avec un certain nombre de groupes...
Le président. Excusez-moi de devoir vous interrompre, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vous rappelle qu'il n'est pas autorisé de filmer depuis la tribune ! Merci.
M. Mark Muller. Le Conseil d'Etat vous propose - et nous le verrons en deuxième débat - une modification plus modeste de cette disposition sur les sanctions, en faisant passer la sanction maximale de 60 000 F non pas à 400 000 F, mais à 150 000 F. J'espère que cette proposition trouvera une majorité pour l'approuver et permettra de rassurer également les groupes qui, aujourd'hui, ne sont pas convaincus par ce projet de loi, parce qu'effectivement la proposition de responsabilisation des mandataires, en l'état, tel que le projet de loi est sorti de commission, n'est pas accompagnée d'une augmentation des sanctions.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous allons nous prononcer sur la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10198 est adopté en premier débat par 43 oui contre 33 non et 2 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 7, nous sommes saisis de deux demandes d'amendement.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Il y a un principe sage avec le contrôle d'un travail: il ne doit pas être confié à celui qui l'a exécuté, selon l'adage que le contrôleur ne doit pas se contrôler lui-même. Ce principe est d'autant plus important qu'il y a de nombreux défauts dans le cadre de la construction. Certes, les constructeurs devraient se responsabiliser. Mais une fois les défauts décelés, il est souvent trop tard, et l'amende n'est pas de nature à satisfaire les utilisateurs victimes de ces défauts, comme ce fut le cas à Lullier, à titre d'exemple, où les vices de construction sont apparus lors de l'importante inondation qui a frappé un nombre certain de villas.
Tous les contrôles se font par des tiers. Si l'office des autorisations de construire n'assume plus cette tâche primordiale, ce qui est hautement regrettable au regard des usagers, il faudrait recourir à des services de mandataires indépendants, professionnellement qualifiés, pour assumer cette tâche, comme ce fut le cas, pendant un certain temps à titre supplétif. Il suffirait que ces personnes facturent leurs prestations, comme les architectes le feraient, selon le projet de loi, suivant un tarif fixé par l'office des autorisations de construire. Pour ce faire, il suffirait de modifier le deuxième paragraphe de l'alinéa 1 de l'article 7 du projet de loi comme suit: «...et d'une attestation de conformité établie par un mandataire professionnellement qualifié, désigné par l'office des autorisations de construire sur la base d'une liste établie par celui-ci, dans les cas prévus par les articles 2, alinéa 3, phrase 2, et 6.» Cet amendement devra avoir pour conséquence un deuxième amendement, celui de supprimer l'alinéa 3 de l'article 7.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Stauffer, sur l'amendement.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG va soutenir cet amendement. Malheureusement, je crois que ce sera un voeu pieu, puisque nous avons la grande habitude - au DCTI en particulier - de faire contrôler les travaux par ceux-là mêmes qui les ont accomplis. J'en veux pour preuve que nous sommes capables - enfin, quand je dis «nous», c'est le DCTI, le conseiller d'Etat - de confier un mandat d'architecte au président de la commission des travaux qui va aller voter le crédit pour réaliser ces travaux ! C'est extraordinaire, Mesdames et Messieurs, je vous le dis ! C'est juste inadmissible ! Alors il est évident que nous allons soutenir cet amendement, et peut-être qu'ainsi nous pourrons aussi éventuellement corriger dans les habitations... Je parlais tout à l'heure des serrures de Champ-Dollon, et du reste j'attends toujours la réponse du conseiller d'Etat ! Entre 3,5 euros et 950 F facturés à l'Etat avec les deniers publics, avec les impôts de nos concitoyens... Eh bien, peut-être que là aussi on éviterait que l'architecte qui a construit cette prison de La Brenaz - et pas de Champ-Dollon, comme je viens de le dire...
Le président. Vous devez vous exprimer sur la demande d'amendement, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Oui oui, la demande d'amendement ! Nous sommes en plein dedans, Monsieur le président ! Eh bien, peut-être que cet architecte n'aurait pas été mandaté pour contrôler le travail des sous-traitants qu'il a lui-même fait venir des pays de l'Est, sans donner de travail aux entreprises genevoises et en se mettant dans la poche plus de 870 F par serrure. Il y a quelques dizaines et dizaines de serrures de portes à la prison de La Brenaz, alors je ne vous dis pas combien il a dû gagner sur le dos de l'Etat ! (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît... On arrête !
M. Eric Stauffer. Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cet amendement, afin de véritablement créer une séparation des rôles et des tâches. Il est de notre responsabilité de faire en sorte que les deniers de l'Etat soient parcimonieusement dépensés, je pense que c'est juste une question de bon sens. Mais la droite va-t-elle faire preuve de bon sens ? Rien n'est moins sûr en cette période électorale...
M. Christophe Aumeunier (L). Contrairement à mon préopinant, je n'ai pas de goût particulier pour les cellules, donc je ne lui répondrai pas. Par contre, s'agissant de l'amendement, j'indiquerai à ses auteurs qu'un mandataire professionnellement qualifié est une notion que l'on connaît très bien dans les lois relatives à la construction, et qu'un mandataire professionnellement qualifié, dit MPQ, est une personne inscrite sur une liste établie par le département et contrôlée par ce dernier. Cet amendement est donc totalement superflu, et nous vous invitons à le refuser.
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Je n'ai pas pour habitude de répondre aux exagérations dont nous sommes coutumiers de la part de M. Stauffer, mais il y a des choses que l'on ne peut pas laisser passer. Lorsque M. Stauffer prétend que j'aurais confié un mandat à un architecte député, je considère que c'est grave, et j'aimerais dire ce soir que je donne à M. Stauffer un délai jusqu'à la prochaine session du Grand Conseil, soit pour démontrer que ce qu'il prétend correspond à la réalité, soit pour m'écrire et me présenter ses excuses, excuses que je ferai lire devant le Grand Conseil. A défaut de quoi je déposerai une plainte pénale. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous allons nous prononcer sur la demande d'amendement présentée à l'article 7, alinéa 1. Je vous en rappelle la teneur. L'article 7, alinéa 1, est modifié comme suit: «...et d'une attestation de conformité établie par un mandataire professionnellement qualifié, désigné par l'office des autorisations de construire sur la base d'une liste établie par celui-ci, dans les cas prévus par les articles 2, alinéa 3, phrase 2, et 6.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 46 non contre 32 oui.
Le président. Nous ne voterons donc pas sur l'alinéa 3, qui devait être supprimé si la modification de l'alinéa 1 avait été acceptée.
Mis aux voix, l'article 7 (nouvelle teneur) est adopté.
Le président. Nous passons à l'article 137, al. 3 (nouveau), les alinéas 5 et 6 devenant 4 et 5. Nous sommes saisis de plusieurs amendements. Le premier d'entre eux est de Mme Künzler et porte plus précisément sur le début de l'article 137, alinéa 1 (nouvelle teneur): «Est passible d'une amende administrative de 200 F à 400 000 F tout contrevenant...».
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Nous demandons en fait de revenir au projet de loi initial du Conseil d'Etat. Puisqu'il a voulu responsabiliser les mandataires, d'une part, et augmenter les sanctions en cas de problèmes, d'autre part, il faut que les deux aspects soient équilibrés ! Une grande responsabilité peut aussi engendrer des conséquences. Donc, il faut procéder aux adaptations nécessaires. On ne peut pas laisser, sans contrôler, les sanctions à leur niveau actuel, c'est-à-dire entre 100 F et 60 000 F au maximum - et encore, seulement dans les cas extrêmement graves. Parce que, franchement, c'est la liberté du renard dans le poulailler... Et à un moment donné, on doit avoir des sanctions relatives à la liberté nouvelle qui peut s'exercer.
M. Eric Stauffer (MCG). Je prends acte des propos de M. le conseiller d'Etat et lui donne rendez-vous lundi matin, s'il est disponible. Nous irons ensemble à la prison de La Brenaz, discuter avec le personnel et la direction de cet établissement... (Protestations.) ...et vous verrez que les preuves sont là...
Le président. Cela n'a rien à voir avec cela, Monsieur Stauffer !
M. Eric Stauffer. ...et c'est en plus notifié dans un procès-verbal de commission. Alors vous voyez, Monsieur le conseiller d'Etat... (Brouhaha.)
Le président. Ce n'est pas sur ce point-là que vous êtes attaqué, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Oui, mais il n'y a pas de problème ! (Commentaires.) Je pense que tout le monde m'a très bien entendu !
M. Olivier Wasmer (UDC), rapporteur de majorité. La commission des travaux s'est penchée à plusieurs reprises sur le montant des sanctions à prononcer à l'encontre des mandataires qui auraient trahi leur mandat. D'une manière générale, en matière administrative, les amendes sont fixées à 60 000 F. S'est effectivement posée la question de les augmenter d'une manière considérable - après qu'a été entendue la Fédération des architectes et ingénieurs, bien évidemment - et nous avons admis, à la plus grande majorité, que le mandataire qui aurait trahi serait doublement pénalisé.
Tout d'abord, il faut savoir, comme l'a rappelé le député Aumeunier, que les architectes et ingénieurs sont inscrits à un registre professionnel contrôlé par le Conseil d'Etat. Si un mandataire qualifié venait à violer son mandat, bien sûr qu'il pourrait être sanctionné, déjà au niveau administratif, et être radié du registre; le prononcé d'une sanction financière et pécuniaire ne ferait qu'aggraver sa situation. En l'état, comme je l'ai d'ailleurs dit tout à l'heure à ma collègue rapporteuse de minorité, un architecte qui trahirait perdrait tout mandat, toute crédibilité, et bien plus: si l'on venait à lui infliger une amende de 200 000 F à 400 000 F, par exemple, puisqu'un amendement propose d'aller jusqu'à un tel montant, il est évident que ce mandataire serait définitivement mort professionnellement, puisqu'il tomberait en faillite, ne pouvant payer un tel montant.
Pour tous ces motifs, le rapporteur de majorité vous propose de rejeter cette proposition d'amendement d'un tel montant - qui me semble exorbitant - étant assurément réservé l'examen d'une amende moins importante, selon une autre proposition d'amendement qui pourrait être déposée. Mais je dois dire que ces amendes ont été largement discutées en commission, et la majorité vous propose de rejeter ce montant fixé.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Je dirai que même ce montant est un pis-aller, parce qu'en matière de construction, Mesdames et Messieurs les députés, en matière d'habiter et d'exploiter, quand il s'agit de la sécurité - des êtres humains ! - c'est le permis qui constitue un contrôle. C'est le permis qui est préventif ! Qu'on ne le donne pas ! Ce n'est pas 100 F, 100 000 F ou 200 000 F... Si le travail est mal fait et qu'il y a des malfaçons, on ne donne pas le permis ! Ainsi, les constructeurs, parce qu'ils doivent utiliser le plus tôt possible leur bâtiment ou leur construction - car ils ont intérêt à commencer l'exploitation rapidement, sinon ils n'arrivent pas à l'amortir financièrement - eh bien, ils font gaffe à l'heure actuelle ! Si vous mettez 400 000 F - même 400 000 F, je les voterai; il faut les voter - mais même ainsi, Mesdames et Messieurs, ils peuvent considérer que 400 000 F, eu égard à ce qu'ils ont économisé en apportant des malfaçons, cela vaut la peine. On a connu cela ! On a connu... (Remarque.) Oui, Monsieur le rapporteur de majorité ! Je peux vous citer certains pays, où des gens ont réalisé des économies substantielles dans le ciment, par exemple dans les fers, et ils ont effectivement mal construit, ce qui a provoqué des problèmes. Ces gens ont écopé d'amendes, mais ils s'en foutent, de toute façon ils ont gagné suffisamment ! Ainsi, même une amende de 400 000 F n'est pas un élément qui va faire reculer certains constructeurs.
Vous parlez des ingénieurs... Parfois, ce ne sont pas les ingénieurs qui sont en cause, Monsieur le rapporteur de majorité ! Ce ne sont pas forcément les ingénieurs qui sont en cause... (Remarque.) En général, les ingénieurs essaient de bien faire leur travail, parce qu'ils savent très bien ce qu'ils encourent. Mais ce sont parfois les maîtres d'oeuvre. C'est pour cela que le permis, tel qu'il était délivré auparavant, jouait vraiment un rôle préventif et constituait un contrôle. Or aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, la moindre des choses est d'infliger une amende qui soit un minimum dissuasive ! Un minimum dissuasive ! On a affaire à des bâtiments et des installations qui coûtent parfois des millions ! Alors une amende de 100 000 F, mais enfin, qu'est-ce que c'est ? Même 400 000 F, qu'est-ce que c'est ?! Une amende de 400 000 F s'intègre facilement dans le coût de construction. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous enjoins d'accepter au moins - au moins ! - cet amendement proposant une amende administrative pouvant atteindre 400 000 F.
M. Pascal Pétroz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, c'est moi qui ai proposé en commission que la loi ne soit pas modifiée au titre des sanctions, et je vais essayer de vous expliquer pourquoi. Deux raisons présidaient à ce choix. La première est que, en passant en revue toute la législation genevoise - nous l'avons fait à la commission judiciaire: à l'occasion de la réforme de la nouvelle partie générale du code pénale suisse, nous avons modifié à peu près trois cents lois - eh bien, nous nous sommes aperçus que le plafond des amendes était toujours fixé à 60 000 F. La première question et réflexion est celle de la cohérence: alors que le plafond est de 60 000 F dans toutes les lois administratives de ce canton, pourquoi le fixerait-on à 400 000 F dans une autre loi ?
La deuxième raison est qu'il ne faut pas confondre la responsabilité civile et pénale des mandataires qui auraient fraudé, par impossible, et la responsabilité administrative. En effet, si une maison s'écroule et que cela cause pour des millions de dommages, le mandataire qui aura commis une faute sera appelé à en répondre civilement, devant les tribunaux - civils et pénaux - et cela indépendamment du montant de l'amende qui pourra lui être infligée. En réalité, le véritable débat est de pouvoir s'assurer que le mandataire pourra répondre de ses actes sur un plan civil et pénal. La sanction administrative est un élément qui vient en plus. Voilà comme il faut bien comprendre le système. Or le problème, dans le débat qui a lieu, est que l'on méconnaît totalement la responsabilité pénale et civile de l'architecte, et que l'on s'écharpe sur de pures questions de sanctions administratives.
En commission, M. Wasmer l'a rappelé, nous avons eu un débat nourri à cet égard. Nous avons décidé de rester au statu quo ante, avec ce plafond fixé à 60 000 F, par cohérence. Cela étant, M. le conseiller d'Etat Muller nous propose, par gain de paix et pour essayer de trouver un compromis acceptable, un montant à 150 000 F. Notre parti est un parti gouvernemental et responsable; pour lui, ce qui importe est que ce projet de loi soit voté, pour que les procédures aillent plus vite et que les Genevois aient davantage de logements plus rapidement. Par gain de paix, dirai-je, nous nous rallierons à l'amendement du Conseil d'Etat et rejetterons l'amendement de l'Alternative.
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. J'aimerais simplement savoir si l'amendement du Conseil d'Etat est déposé et, d'autre part, rappeler que ce premier projet mentionnant 400 000 F est bien celui du Conseil d'Etat ! Nous n'avons rien demandé...
Le président. Madame la députée, cet amendement a été distribué, vous l'avez.
Mme Michèle Künzler. Oui, mais pas ici, malheureusement... (Remarque.) Excusez ma question, mais nous avons reçu cet amendement là-bas, et pas ici. Je reprends. Il faut relever que personne n'est obligé de commettre une infraction ! Peu importe donc le montant de l'amendement, même 400 000 F, puisque personne n'est obligé de commettre cette infraction. D'ailleurs, je trouve piquant que ceux qui se battent contre les jours-amende, mesure qui pose effectivement des problèmes, luttent aussi pour alléger encore les sanctions infligées aux personnes qui commettent des erreurs administratives ! (Brouhaha.) Franchement, il faut avoir un peu de cohérence ! Si l'on veut responsabiliser, on doit aussi avoir des sanctions dignes de ce nom.
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, je me permets de saluer à la tribune mon épouse, mes deux filles et mes deux petites-filles !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur l'amendement présenté à l'article 137, alinéa 1 (nouvelle teneur): «Est passible d'une amende administrative de 200 F à 400 000 F tout contrevenant...».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 40 non contre 28 oui et 1 abstention.
Le président. Nous sommes à présent saisis de l'amendement de M. le conseiller d'Etat Muller, toujours à l'article 137, alinéa 1 (nouvelle teneur): «Est passible d'une amende administrative de 100 F à 150 000 F tout contrevenant...».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 62 oui contre 6 non et 1 abstention.
Le président. Toujours à l'article 137, à l'alinéa 5, nous sommes saisis d'un amendement de M. Jornot: «La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par 7 ans.»
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, cet amendement porte en réalité sur le même alinéa qu'un autre amendement déposé par mes collègues, puisque le numéro de l'alinéa est censé changer avec le projet de loi. En effet, c'est actuellement l'alinéa 6, qui a la teneur suivante: «L'action pénale se prescrit par 5 ans.» Or le projet de loi le transforme en alinéa 5. Donc la numérotation que je lui ai donnée dans l'amendement est une prolepse.
Il s'agit ici d'aborder cette question de la prescription, qui a été évoquée à plusieurs reprises au cours des débats, pour en dire ceci. En premier lieu, on a, dans la loi sur les constructions, une norme obsolète concernant la prescription. Elle est obsolète parce qu'elle fait référence à la prescription de l'action pénale, alors précisément qu'il ne s'agit pas d'une norme pénale, mais d'une sanction administrative. Le chapitre l'indique et les voies de recours contre cette sanction, qui est prononcée par le département, sont de type administratif, à la commission puis au Tribunal administratif. La première chose à faire est de ne plus parler d'action pénale, ce qui est une erreur.
La deuxième chose à faire est de choisir une durée de prescription qui soit adéquate en matière de construction, adéquate en particulier pour la problématique de la responsabilité des mandataires dont nous parlons ce soir, mais aussi de manière plus générale pour les infractions administratives dans ce domaine. La solution que les libéraux proposent avec cet amendement, Mesdames et Messieurs, est d'aligner à sept ans, ce qui correspond aujourd'hui à la durée usuelle de la prescription des sanctions administratives, et notamment des sanctions disciplinaires qui s'appliquent à diverses professions libérales. En ayant cette durée de sept ans, on s'harmonise avec la pratique en matière de sanctions administratives.
Mesdames et Messieurs, il ne faut pas oublier, quand vous allez voter cet amendement ou sur cet amendement, que, si une infraction pénale est en outre commise, par exemple parce que l'attestation est fausse dans son contenu et qu'elle constitue un faux dans les titres, c'est évidemment la prescription du droit pénal qui va s'appliquer à la poursuite pénale. Or en matière de faux dans les titres, comme vous le savez, ce n'est pas n'importe quoi, puisque la durée est de quinze ans pour la prescription du faux dans les titres, compte tenu de la clause pénale de l'article 251 du code pénal suisse.
Bref, Mesdames et Messieurs, je vous recommande d'adopter cet amendement, qui répond à une préoccupation des rapporteurs de minorité et améliore en même temps le système légal de la loi sur les constructions. C'est en quelque sorte une cerise sur la serrure... (Rires.) ...sur le gâteau, et je vous recommande de le voter.
Le président. Merci, Monsieur le député. Au même alinéa de cet article 137, nous sommes saisis d'un autre amendement. Mme Künzler demande non pas sept ans, mais dix ans: «L'action pénale se prescrit par 10 ans.»
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. J'annonce que nous retirons notre amendement au profit de celui que M. Jornot a déposé. Nous sommes convaincus que nous poursuivons le même but avec cet amendement. Il fallait absolument corriger cette loi. Actuellement, un vrai problème se pose, qui a été simplement abordé en commission et absolument pas résolu. Nous vous invitons donc fermement à voter cet amendement, qui améliore la loi. Même si nous sommes opposés à ce projet, il faut au moins qu'il soit meilleur que ce qu'il aurait pu être.
Le président. Merci, Madame la députée. Nous nous prononçons donc sur l'amendement de M. Jornot, à l'article 137, alinéa 5: «La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par 7 ans.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 57 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 137, al. 1 (nouvelle teneur), et al. 5 (selon la nouvelle numérotation, nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté par 49 oui et 16 abstentions.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
Le président. Nous allons voter l'ensemble de ce projet de loi 10198 en troisième débat... (Remarque.) Monsieur Velasco ? (Exclamations.)
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Oui, Messieurs les députés, vous pouvez vous lever, aller boire un verre... Personne ne vous retient ici, vous savez ! Vous êtes là parce que vous vous êtes présentés à ce Grand Conseil alors qu'il y avait peut-être cinq cents candidats, voyez-vous... Et vous étiez tous très contents d'être élus ! Alors essayez de remplir votre tâche de député avec conscience et responsabilité ! (Commentaires. Applaudissements.)
Le président. Je vous écoute, Monsieur Velasco. (Commentaires.)
M. Alberto Velasco. Monsieur le président, on arrive effectivement à la fin du débat. J'aimerais dire que nous avons eu un grand débat qui portait fondamentalement sur cette question: fallait-il maintenir la législation actuelle, ou, dans le cas contraire, fixer une sanction et sa valeur ? Je répondrai que, pour moi, qui ai pratiqué comme ingénieur et mis en route des installations assez importantes, la meilleure sanction que j'ai eue, toujours, était de ne pas avoir le certificat d'exploitation. Parce que je ne pouvais pas exploiter l'installation, Monsieur le président ! Car je ne pouvais pas toucher les dix derniers pourcents des millions que coûtaient les installations ! Et je vous garantis que l'on mettait tout en oeuvre pour que l'installation fonctionne parfaitement. Si l'on m'avait dit: «Non, Monsieur Velasco, vous pouvez exploiter, vous pouvez y aller, vous payerez une amende», les choses auraient été différentes.
Voilà pourquoi la loi actuelle est très intelligente, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président. Je pense que l'on n'aurait pas dû la modifier, mais la laisser telle quelle. En effet, la loi actuelle arrange d'abord tous les professionnels; ensuite, elle est en la matière un élément de prévention, ainsi que de qualité et de faisabilité des installations. Je regrette aujourd'hui que l'on aille dans ce sens-là, surtout que, comme je l'ai fait remarquer, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'abrogation effectuée ne va absolument pas raccourcir les délais, mais - au contraire ! - péjorer la qualité des installations futures.
La loi 10198 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10198 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 43 oui contre 30 non et 1 abstention.