Séance du
jeudi 27 août 2009 à
17h05
56e
législature -
4e
année -
10e
session -
59e
séance
M 1833
Débat
Le président. Nous sommes au point 27 de notre ordre du jour: proposition de motion 1833. Le débat est en catégorie II, soit trois minutes par groupe. Madame Borgeaud, vous avez la parole.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Effectivement, j'ai rédigé cette proposition de motion, et je n'ai aucun doute sur l'issue que cette enceinte va lui donner, mais peu importe. C'est aussi une manière pour moi de pousser un coup de gueule - excusez-moi l'expression ! - pour la simple et bonne raison que toute la population en a vraiment plus qu'assez de voir que tous les corps diplomatiques et corps consulaires ne paient pas leurs amendes et peuvent commettre en toute impunité tous les délits qu'ils souhaitent en matière de circulation routière, qu'il s'agisse d'un simple parcage ou même d'un accident. On a pu voir à Genève un corps diplomatique qui avait renversé un enfant et causé sa mort. Or ce corps diplomatique a simplement été rappelé dans son pays et n'a pas été poursuivi. Aujourd'hui, cet enfant est mort, les parents ne se sont jamais relevés, et je trouve que ce n'est pas normal que l'on puisse laisser passer cela comme ça.
Maintenant, il est bien évident que cela relève du droit fédéral, que cela relève de la situation des accords entre tous les pays et que Genève n'a pas forcément le pouvoir, à lui tout seul, de changer les choses. Toutefois, je souhaitais inviter le Conseil d'Etat à éventuellement envisager une discussion, parce que j'ai appris que certaines missions diplomatiques - mais il n'y en a pas énormément - ont le respect de payer les amendes de leurs membres. Cependant, ce n'est pas une grande majorité et je pense que le Conseil d'Etat, le Conseil fédéral ou le Conseil national, peu importe, en tout cas les personnes qui en auraient le pouvoir pourraient peut-être engager une discussion pour faire comprendre qu'on ne peut pas laisser passer certaines choses qui sont graves. C'est pourquoi je souhaiterais renvoyer cette proposition de motion - et c'est pour cela que je l'ai déposée - directement au Conseil d'Etat et non pas à une commission parlementaire, parce que cela ne sert strictement à rien. Si le Conseil d'Etat avait au moins une éventuelle possibilité d'engager une discussion, ça me conviendrait, parce qu'évidemment j'ai bien à l'esprit que l'on ne peut pas changer les lois nous-mêmes du moment que d'autres pays sont concernés. Tout ce que je souhaite, c'est d'être auprès de vous le porte-parole de l'ensemble de la population qui trouve tout cela injuste. (Remarque.) Oui, une très grande majorité ! Et je souhaite en particulier représenter la parole des gens qui ont été victimes de ce genre de choses.
Du reste, on peut constater soi-même qu'il y a malheureusement souvent des corps diplomatiques ou consulaires qui se croient tout seuls sur la route, qui font ce qu'ils veulent, et cela en toute impunité. Or je vois que nous, Genevois - ou autres, peu importe - sommes astreints aux lois. Et cela nous coûte très cher: ce sont des amendes, des retraits de permis, voire des arrestations, etc. C'est normal ! On doit s'astreindre aux lois sur la circulation routière, elles sont là, elles existent et on doit les appliquer; c'est pourquoi je ne trouve pas normal que certaines personnes, selon leur fonction ou le pays d'où elles viennent, en soient complètement dispensées. Elles n'en tiennent pas compte et on ne fait rien à ce sujet.
Je trouve que, dans la vie, il n'y a que ceux qui ne changent pas d'avis qui finalement ne font rien. Et même si c'est un balbutiement au départ, même si ça doit prendre dix ou vingt ans pour que ça change, je pense que, lorsqu'on veut modifier quelque chose, il faut commencer par un début. Et au lieu de toujours critiquer, au lieu de toujours juger à la tête du client - c'est de toute façon comme cela que ça se passe dans un parlement - il faudrait plutôt essayer de trouver des solutions. Dès qu'il y a une personne qui ne vous revient pas, c'est forcément du cheni ! Je pense que nous ne sommes pas là pour défendre des intérêts personnels mais pour défendre ceux d'une population. Moi j'écoute la population, et lorsqu'elle me dit qu'elle en a assez de tous ces délits qui sont commis impunément et qui ne sont jamais retenus, mon devoir est de réagir. C'est pour cela que je souhaite renvoyer cette proposition de motion directement au Conseil d'Etat, pour qu'éventuellement, s'il en a la possibilité, il engage à un moment donné une discussion.
M. Marcel Borloz (L). Mesdames et Messieurs les députés, il y a effectivement peut-être quelques diplomates ou quelques missions qui ne paient pas leurs amendes, mais la grande majorité s'en acquitte sans problème. Deuxièmement, si la police doit constater qu'il y a des personnes qui ne les paient absolument pas, elle peut envoyer le paquet d'amendes à la Mission suisse qui, par voie diplomatique, règle ensuite elle-même ce problème. Troisièmement, on voit que tout ce qui concerne les problèmes que nous rencontrons est réglé par les conventions de Vienne qui traitent des relations entre Etats et, à ce moment-là, on ne peut pas faire grand-chose. Je ne vais donc pas m'étendre sur ce sujet, et le groupe libéral vous propose de rejeter cette motion.
Mme Michèle Ducret (R). On vient de parler des conventions de Vienne, Mesdames et Messieurs les députés, qui concernent le personnel des missions permanentes, et l'on peut aussi parler des accords de siège qui sont conclus par le Conseil fédéral. Si Mme la motionnaire voulait bien m'écouter quand je lui réponds, ce serait une bonne chose ! (Mme Borgeaud quitte la salle. Brouhaha.) Les accords de siège, c'est aussi un domaine fédéral, donc je ne vois pas très bien ce que Genève peut y faire. Maintenant, en ce qui concerne... (Brouhaha. L'oratrice rit.) Vous m'écoutez ? Je vous remercie, ça me réchauffe le coeur !
Le président. Je vous écoute avec attention, Madame.
Mme Michèle Ducret. Merci, Monsieur le président ! Cela dit, évidemment, les immunités diplomatiques concernent aussi nos représentants à l'étranger, et nous sommes assez contents qu'ils y soient protégés. Enfin, les exceptions à l'immunité existent, elles sont nombreuses, et de plus en plus d'accords de siège sont conclus, qui prévoient que les personnes faisant partie de certaines ONG en particulier doivent payer leurs amendes. Et en cas de contravention aux prescriptions fédérales sur la circulation routière, elles sont réprimées par une amende d'ordre, qu'elles règlent.
En conclusion, vous l'avez compris, nous ne voterons pas cette motion.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Mesdames, Messieurs, l'une des invites adressées au Conseil d'Etat est la suivante: «à faire appliquer la loi sur la circulation routière pour toutes personnes commettant une infraction...» Mais c'est la mission qui est donnée à la police ! La police, sans tenir compte du fait qu'il s'agisse de diplomates, appose des papiers, dénonce les infractions qui sont commises par les diplomates, et il y a, en fonction du «degré de protection diplomatique», entre guillemets... (Brouhaha. Rires.) ...une application stricte d'un certain nombre de conventions internationales, auxquelles ni le Conseil d'Etat, ni notre Grand Conseil, ni la Confédération ne peuvent déroger; cette dernière doit appliquer les conventions internationales. Dès lors, le groupe démocrate-chrétien vous invite à refuser cette motion.
M. Olivier Sauty (MCG). Je suis tout à fait d'accord avec tout ce qui vient d'être dit: ce n'est pas ce parlement qui peut faire quelque chose concernant les diplomates et la circulation routière ainsi que l'immunité. Cependant, ma collègue Mme Borgeaud a quand même relevé un point intéressant, à savoir le ras-le-bol de la population concernant les infractions commises par des individus qui sont au bénéfice de l'immunité. Elle parle aujourd'hui de la circulation routière, mais on pourrait aussi très bien aller plus loin, jusque dans les affaires domestiques. Je ne veux pas polémiquer, mais je souhaite simplement relever que si l'on ne peut rien changer aujourd'hui, elle a au moins le courage de dire qu'il faut essayer d'apporter des changements. En effet, il n'est pas juste que, sous prétexte de cette immunité, des gens fassent un peu n'importe quoi.
M. Christian Bavarel (Ve). Je ne vais pas répéter tout ce qui a pu être dit sur les conventions de Vienne et les obligations d'une ville internationale telle que la nôtre. Néanmoins, sachez qu'à l'intérieur des ambassades - vous avez peut-être comme moi quelques contacts dans ces ambassades - les gens reçoivent les contraventions, ils les voient. Et pour un responsable d'ambassade, ça ne fait jamais bon effet de voir que quelques personnes à l'intérieur de son administration - on peut appeler cela ainsi - ne se sont pas comportées de la manière la plus élégante. Il y a donc aussi, de la part des Etats qui sont là, une forme de contrôle à certains moments sur l'attitude que peuvent avoir les diplomates à l'intérieur du pays; mais, effectivement, Genève est une ville particulière à cet égard. Et je vous rappelle que nous étions quand même très contents à l'époque de l'Union soviétique, à cette période tragique de notre histoire, d'avoir ces conventions de Vienne qui ont permis de couvrir certains citoyens qui devaient être protégés dans le bloc de l'Est, à l'intérieur de ces territoires, avec le principe d'extraterritorialité qui s'applique aussi aux véhicules.
M. Antoine Bertschy (UDC). Je crois que nous allons regretter l'auteur de ce projet, qui ne se représente malheureusement pas aux élections pour le Grand Conseil. Elle a un coeur gros comme ça ! (Rires. Commentaires.) Mais parfois, ses propositions ne sont pas remplies de bon sens ! (Rires. Brouhaha.) Effectivement - et je crois que le conseiller d'Etat Moutinot nous le confirmera - il y a sauf erreur des accords entre le canton et les missions diplomatiques à Genève; et si je ne m'abuse, il n'y a que trois missions qui ont refusé d'entrer en matière sur la problématique des amendes. A ce niveau-là, tout se déroule donc bien à Genève, et il n'y a pas de souci par rapport aux corps diplomatiques, aux corps consulaires ou aux employés des missions qui ne paieraient pas leurs amendes. Cette proposition de motion n'a donc pas de raison d'être.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande évidemment de rejeter fermement cette proposition de motion qui, au fond, donne un mauvais signal. En effet, d'une part, il est vrai que le personnel diplomatique et consulaire est soumis à la loi sur la circulation routière et, d'autre part, d'une manière générale il la respecte. Et lorsqu'il y a malheureusement des violations, elles sont réglées par les mécanismes diplomatiques. Certaines missions ont renoncé à une partie de leur protection et paient les amendes; pour d'autres, cela se règle par la voie diplomatique.
Ainsi, Madame Borgeaud, souhaiter rediscuter des immunités des conventions de Vienne, c'est exposer nos représentants à l'étranger à toutes sortes de peines, dont l'humanité est discutable, pour des comportements tout aussi discutables, tels que consommer de l'alcool.
Par conséquent, je pense qu'on ne peut pas se permettre de rentrer dans ce jeu-là; on doit clairement, par un vote de refus de cette motion, dire que nous respectons les règles du jeu des relations internationales; pour Genève, c'est essentiel. Je peux ajouter, Madame, que lorsqu'il est arrivé qu'un diplomate commette malheureusement un acte plus grave, je n'ai jamais laissé passer ce genre de situations; elles ont été réglées avec passablement de fermeté par la Mission suisse, mais évidemment pas à la télévision.
Mise aux voix, la proposition de motion 1833 est rejetée par 58 non contre 1 oui et 1 abstention.