Séance du jeudi 27 août 2009 à 14h15
56e législature - 4e année - 10e session - 58e séance

M 1830
Proposition de motion de Mmes et MM. Nathalie Fontanet, Olivier Jornot, Michel Halpérin, Christiane Favre, Beatriz de Candolle : Déchargeons réellement la Police de ses tâches administratives !

Débat

Le président. Nous sommes au point 26 de notre ordre du jour. Il s'agit encore une fois d'une motion à traiter en catégorie II: trois minutes de parole par groupe. Je donne le micro à Mme Fontanet, auteure de la motion.

Mme Nathalie Fontanet (L). Mesdames et Messieurs, j'aimerais d'abord vous dire le plaisir que j'ai à entendre, parmi les bancs de l'Alternative, la nouveauté: on ne parle plus ce soir de sentiment d'insécurité, ni d'insécurité économique, mais l'on reconnaît finalement que la situation en matière de sécurité s'est dégradée à Genève. C'est un réel plaisir d'entendre cela - et je ne me moque pas ! En effet, il me semble que, pour régler véritablement les problèmes que vit Genève actuellement - nos habitants sont inquiets quant au trafic qui a envahi nos rues, ils sont inquiets face à la violence et à la mendicité, même si cela doit être placé sous un autre plan - eh bien, il me semble que nous pouvons réaliser quelque chose tous ensemble, en décidant que les lois doivent être appliquées et que des mesures doivent être prises afin que la police puisse accomplir sa fonction première.

C'est dans ce contexte que les libéraux ont élaboré cette motion, qui n'est finalement qu'un rappel d'anciennes motions. Il n'y a rien de nouveau, mais le but est que la police puisse s'acquitter de ses tâches, faire respecter l'ordre public dans la rue, et qu'elle ne soit pas affectée à des tâches administratives, immobilisée dans les centres de police. Pour cela, Mesdames et Messieurs, nous souhaitons effectivement que des mesures soient prises. Nous relevons également qu'en termes purs d'organisation et d'économie une personne formée en matière administrative ne représente pas les mêmes coûts qu'un policier ni, non plus, n'en a les mêmes tâches. Donc, elle sera certainement beaucoup plus efficace.

Mesdames et Messieurs, le groupe libéral vous demande de renvoyer cette motion à la commission judiciaire.

M. Pierre Losio (Ve). Voilà enfin une motion qui, elle, n'est pas incantatoire, mais concrète, et qui s'attaque à un problème qui peut être résolu. Nous avons appris lundi, à la commission de contrôle de gestion, qu'un rapport allait être remis au Conseil d'Etat concernant la police et que la problématique soulevée par cette motion faisait partie de l'une des propositions du groupe de travail qui a planché sur la question. Nous pensons que cette motion mérite d'être appuyée, et nous la soutiendrons effectivement.

Par ailleurs, Monsieur le président, je vous fais courtoisement remarquer que l'amendement que vous nous avez fait voter tout à l'heure concernait bien cette motion, je le crains, puisqu'il demandait que soient alloués des postes administratifs pour la police. A moins que je ne me trompe... Si tel est le cas, je vous présente mes excuses, Monsieur le président.

Le président. Monsieur le député, j'ai correctement lu le numéro de la motion indiqué sur la demande d'amendement. Il s'agissait bien de la motion précédente. La parole est à M. Hohl.

M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, nous soutenons bien évidemment cette proposition de motion: «Déchargeons réellement la Police de ses tâches administratives !» C'est également l'une des préoccupations du parti radical depuis fort longtemps. Effectivement, il est extrêmement démotivant pour notre police de travailler trois, quatre ou cinq heures à rédiger des rapports concernant des criminels de rue et d'y retrouver ces derniers le lendemain ! Nous voulons que les policiers soient sur le terrain et qu'ils soient assistés par des professionnels, des assistants aux policiers. Donc, nous soutenons parfaitement ce renvoi à la commission judiciaire et nous nous réjouissons de travailler sur ce projet.

M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien soutiendra le renvoi de cette proposition de motion à la commission judiciaire. Cela étant, ce sujet n'est pas nouveau. Guy Fontanet, ancien conseiller d'Etat démocrate-chrétien, avait déjà, à l'époque, sensibilisé votre Grand Conseil au problème des tâches administratives, qu'il était éminemment nécessaire de résoudre pour intensifier la présence des policiers dans la rue. Je crois qu'il ne faut pas l'oublier: Guy Fontanet a été un grand magistrat démocrate-chrétien, qui a mis sa patte très sensible... (Commentaires.) ...dans l'organisation de la police pendant douze ans et sous le règne duquel la sécurité à Genève était une évidence !

Cela étant, Mesdames et Messieurs, notre responsabilité, la responsabilité de notre Grand Conseil, sera conséquente en matière budgétaire. Il ne suffit pas de déposer des propositions de motions, encore faudra-t-il que, sur le plan budgétaire, elles soient suivies d'effets.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, oui, cette motion va rejoindre la très longue série de celles qui ont déjà été déposées à ce sujet - cette motion le mentionne, il y en avait bien d'autres, en 1999 et 2004, et même auparavant.

J'espère simplement, de la part de nos collègues libéraux, qu'il ne s'agit pas en ce moment d'une gesticulation politique et, bien entendu, électorale... Car il faudra, comme cela a été dit, voter les postes budgétaires, ce que jusqu'à aujourd'hui vous n'avez brillamment pas fait, y compris dans d'autres secteurs où des renforts sont nécessaires ! Je pense à d'autres domaines, comme l'hôpital et l'instruction publique. (Commentaires.) Votre motion invite à augmenter le nombre de collaborateurs, alors soyez cohérents au moment de voter le budget ! Merci !

M. Antoine Bertschy (UDC). Il me semble que ce n'est pas parce que l'on est pour une augmentation des effectifs de la police que l'on est forcément en faveur d'une augmentation des effectifs au DIP. C'était une simple remarque, en réaction aux propos de mon préopinant.

Mesdames et Messieurs, le groupe UDC renverra cette motion en commission. Mais, encore une fois, nous débattons toujours de la sécurité, toujours avec des motions... Pourtant, la résolution que le groupe UDC a déposée, pour une commission ad hoc de la sécurité, figure toujours au point 41 ! (Brouhaha.) Si, à l'époque, vous aviez accepté l'urgence pour l'instauration de cette commission ad hoc de la sécurité, nous aurions pu y renvoyer toutes ces motions directement, et le traitement aurait été beaucoup plus rapide qu'il ne le sera avec un renvoi à la commission judiciaire.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer. Vous avez deux minutes, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que le travail administratif de la police représente beaucoup, beaucoup, beaucoup d'heures... Laissez-moi, très brièvement, vous faire partager quelques moments, puisque j'ai eu le privilège de passer une nuit en observateur avec la brigade task force drogue. (Commentaires.) Et laissez-moi vous expliquer, Mesdames et Messieurs les députés, que lorsque cette brigade se met en oeuvre, elle doit arrêter ses travaux à 1h du matin si elle commencé à 17h... (Remarque.) ...et à 5h du matin si elle a commencé à 23h. En effet, avec la paperasse qu'il faut faire derrière les onze arrestations, les policiers ne peuvent plus être sur le terrain ! Voilà aujourd'hui quel est l'outil dévolu à la police genevoise pour combattre les dealers de drogue dans les rues.

Mesdames et Messieurs les libéraux, il est dommage que le «Zorro blanc» de ce parlement ne soit pas présent au moment où je vous parle, je veux dire l'éminent Dr Weiss, puisque c'est M. le député Weiss qui, à la commission des finances, s'est opposé au paiement des heures supplémentaires. On voit là une très belle contradiction avec la politique électoraliste que le parti libéral tente de mener à un mois et demi des élections, en disant: «Il faut plus de sécurité !» (Commentaires.) Mais lorsqu'il faut payer des heures supplémentaires, on ne retrouve plus le parti libéral et le paiement de ces heures supplémentaires est refusé. Je vous le dis: pour avoir une police forte, il faut une police qui ait les moyens financiers de se développer. Il faut engager du personnel administratif pour laisser la police combattre la criminalité dans les rues. Vous le savez, nous avons eu une vague de cambriolages...

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. ...quelque chose comme 150 cambriolages en l'espace de trois semaines. Il faut combattre cette criminalité, et pour cela des moyens sont nécessaires.

Alors, Mesdames et Messieurs, je vous prends à témoins - comme la population qui nous regarde: Mesdames et Messieurs les libéraux, votez les budgets ! Le budget sera voté dans peu de temps, et nous verrons quel est le maçon au pied du mur...

Le président. Il faut terminer, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. ...qui saura monter ce mur, ou qui, de nouveau, sera hypocrite et mentira à la population pour des raisons électoralistes !

M. Roger Deneys (S). Je ne suis pas sûr que la police ait pu travailler en s'occupant aussi de M. Stauffer toute la nuit... (Exclamations.) ...et à mon avis, c'est de nature à l'empêcher d'exercer son métier correctement. Mais enfin, si les députés veulent se payer des voyages, la nuit, avec la police, pour l'empêcher d'effectuer son travail, libres à eux de le faire. Je ne suis pas sûr que notre république y gagne...

Comme pour la motion précédente, l'idée d'assurer la sécurité de nos concitoyennes et concitoyens préoccupe évidemment les socialistes. La question des tâches administratives, de qui les accomplit au sein de la police, relève une fois de plus de l'organisation. Et il n'est pas certain que notre Grand Conseil puisse dire ici: «Le policier doit faire ceci mais pas cela, appuyer sur ce bouton, écrire ce message-ci mais pas celui-là...». Je ne suis pas convaincu, à nouveau, qu'adopter une telle motion soit la meilleure méthode pour résoudre les problèmes d'insécurité dans notre canton, mais cela mérite d'être étudié. Un équilibre est à trouver entre les tâches administratives et le temps que passe sur le terrain la police - y compris la police municipale - qui doit être présente dans les rues quand et là où c'est nécessaire. Il y a peut-être des questions plus larges, de placards dorés, de policiers qui seraient dans des bureaux et qui ne feraient pas leur travail... Mais c'est un autre problème qui mérite, je pense, d'autres débats.

Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais encore rappeler que les questions d'insécurité ne concernent pas que les agressions et la violence - elles ne concernent certainement pas la mendicité, qui vient compliquer la tâche de la police au lieu de la laisser exercer des tâches prioritaires en matière de sécurité publique - il s'agit aussi de questions de chômage, d'emploi, de perte d'emploi et de logement. Pour de nombreux Genevois et de nombreuses Genevoises, la sécurité, c'est d'abord survivre, avant de risquer d'être agressés. Il ne faut donc pas négliger cette dimension de la sécurité. (Commentaires.) On peut rajouter la sécurité routière, puisque qu'il y a de nombreux morts sur les routes genevoises chaque année.

Ainsi, la sécurité, ce n'est pas simplement les agressions relatées par la presse. C'est une notion bien plus large ! On ne peut pas se limiter à cette vision machiavélique de la sécurité. Et, de nouveau, le problème d'insécurité à Genève provient certainement aussi de nos voisins français: M. Sarkozy exporte sa délinquance. C'est aussi un résultat de la politique libérale exercée dans le pays voisin.

Mesdames et Messieurs les députés, pour assurer la sécurité publique - et je dirai ceci aussi aux électrices et électeurs - la meilleure des choses à faire est de garantir des recettes publiques suffisantes au canton de Genève, donc de refuser les baisses d'impôts le 27 septembre prochain ! (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Gautier. Vous avez une minute et trente secondes, Monsieur le député.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, vous savez comme moi que les conditions de travail de ce parlement sont difficiles, surtout lorsqu'il fait aussi chaud - il serait d'ailleurs grand temps que l'OCIRT vienne faire un tour ici pour vérifier si les conditions d'hygiène sont respectées... J'imagine que ceci entraîne cela. Dans la mesure où c'est très tendance actuellement, j'entends bien évidemment m'excuser auprès de la police des propos parfaitement délirants et stupides d'un préopinant de tout à l'heure, et redire que le groupe libéral se réjouit que cette motion soit renvoyée en commission pour qu'elle puisse être traitée sérieusement.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1830 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 60 oui (unanimité des votants).