Séance du jeudi 27 août 2009 à 14h15
56e législature - 4e année - 10e session - 58e séance

M 1797
Proposition de motion de Mmes et MM. Mathilde Captyn, Elisabeth Chatelain, Eric Ischi, Pierre Kunz, Lydia Schneider Hausser, Françoise Schenk-Gottret, Mario Cavaleri, Catherine Baud, Christophe Aumeunier, Béatrice Hirsch, Fabienne Gautier, Marcel Borloz pour des enquêtes administratives plus justes en matière de naturalisation

Débat

Le président. Nous sommes au point 22 de notre ordre du jour. Je rappelle que chaque groupe peut s'exprimer durant trois minutes. La parole est à Mme Captyn.

Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, juste deux mots. Cette motion commence à dater. A l'époque, il s'agissait d'une motion émanant de la commission de réexamen en matière de naturalisation... (Brouhaha.) ...parce que l'on s'était rendu compte que les fichiers de police qui étaient joints aux dossiers de naturalisation et qui comportaient des informations judiciaires... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...sur les requérants à la naturalisation prêtaient à confusion.

L'ensemble de la commission - à l'époque - a estimé qu'il fallait, si possible, rendre l'extrait du casier judiciaire suisse obligatoire dans le dossier de naturalisation. Nous avons donc souhaité que les communes soient régulièrement informées du contenu des dossiers de naturalisation, plus particulièrement quant à l'interprétation des rapports de police, afin que les décisions négatives ne se prennent pas seulement par une mauvaise interprétation des faits de police.

Je vous engage donc à accepter cette motion, éventuellement à la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

Le président. Si la motion est acceptée, elle sera effectivement renvoyée au Conseil d'Etat, Madame la députée. La parole est à M. Bertschy.

M. Antoine Bertschy (UDC). Il faut bien avouer qu'en termes de naturalisation il y a un problème avec les dossiers de justice. J'ai siégé à la commission des naturalisations de la commune de Vernier pendant plusieurs années; nous recevions des rapports partiels qui indiquaient seulement que la personne avait été entendue dans le cadre d'une affaire, mais on n'en savait pas plus. Pourtant, on peut être entendu en tant que témoin ou en tant qu'accusé. En tant qu'accusé, on peut être innocenté ou condamné par la suite ! Malheureusement, les commissions des naturalisations et les dossiers transmis aux communes ne disposent pas de ce genre de détails, qui semblent essentiels.

Je suis pour ma part très favorable à cette motion, en tout cas à son renvoi en commission pour en discuter. De façon que les conseillers municipaux, qui sont ceux qui donnent leur avis sur les naturalisations, puissent se prononcer sur un dossier complet, Mesdames et Messieurs ! N'importe qui doit pouvoir travailler sur des dossiers complets, et non lacunaires. Donc oui, il faut l'extrait du casier judiciaire, afin que les conseillers municipaux puissent se prononcer en toute connaissance de cause et en ayant toutes les données entre leurs mains.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Wasmer, à qui il reste une minute.

M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour ceux qui sont en mal de sensations fortes, de scoops, pour dénoncer l'UDC qui serait un parti raciste ou xénophobe, malheureusement vous faites tous fausse route - et je le dis également aux journalistes ici - car, s'il y a un parti qui a soutenu cette motion, c'est bien l'UDC ! Des députés ont appuyé la candidature d'une Turque dont la demande de naturalisation avait été rejetée, par la commune de Vernier précisément. Il faut savoir que la loi actuelle sur les naturalisations est parfaitement claire; elle stipule notamment que la personne candidate à la naturalisation ne doit pas «avoir été l'objet d'une ou plusieurs condamnations révélant un réel mépris de nos lois.» Or les naturalisations dans la plupart des communes n'étaient pas fondées sur l'extrait de casier judiciaire jusqu'à aujourd'hui - ou ne le sont pas encore, et c'est pourquoi on demande que cela change - mais simplement sur un dossier de police, duquel il ressortait que l'étranger qui était entendu avait participé à une rixe, avait été pris sur la voie publique dans le cadre d'une beuverie... Dans le cas présent, le mari de la candidate avait trafiqué de la drogue.

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est manifestement pas sérieux. La loi doit être appliquée ! Si l'UDC est prompte à mettre à la porte les étrangers criminels qui ne s'intègrent pas, elle sera au contraire la première à accepter l'intégration d'étrangers dont les moeurs se sont révélées être les mêmes que les nôtres et qui n'ont pas fait l'objet de condamnations pénales.

Pour tous ces motifs, l'UDC appuiera avec force cette motion, afin que ce ne soit dorénavant plus un dossier de police qui est remis aux autorités chargées des naturalisations, mais bien un extrait de casier judiciaire, dont il ressortira bien évidemment qu'il est vierge.

M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, cette question du degré d'information des autorités communales - puisque c'est d'elles qu'il s'agit - en matière de naturalisation nous a très fréquemment agités, souvent à juste titre d'ailleurs, et notamment à l'époque où nous étions autorité de réexamen des décisions prises par le Conseil d'Etat en la matière. Malheureusement, depuis que cette motion a été déposée en 2007, passablement d'eau a coulé sous les ponts et passablement de choses ont changé. Par exemple, s'agissant de l'extrait de casier judiciaire, un conseiller fédéral UDC, entre-temps non réélu, a fait adopter une ordonnance qui établit que l'intégralité des autorités chargées de la naturalisation ont accès «online» - comme on dit aujourd'hui - à ce casier, alors qu'effectivement, autrefois, les autorités n'avaient pas automatiquement accès aux données du casier judiciaire.

Mais au-delà de cela, il y a quelque chose de plus gênant, Mesdames et Messieurs, en ce qui concerne les invites 3 et 4. Vous avez vu que j'avais, il y a quelques lustres, déposé un amendement visant à les biffer, non pas qu'elles soient dépourvues d'intérêt, mais parce que nous y avons nous-mêmes répondu ! Et quand je dis «nous-mêmes», c'est ce Grand Conseil, lorsque nous avons voté la loi sur l'information du public et la protection des données personnelles, la célèbre LIPAD révisée, et que nous avons, dans la commission spécialisée, commission ad hoc chargée d'étudier ce projet de loi, réfléchi à la façon dont on pourrait améliorer l'information que les communes tirent des renseignements de police. Nous avons reçu la police, étudié la façon dont ces dossiers sont traités et examiné la meilleure manière pour que les autorités communales puissent avoir accès à des informations utiles, et qu'il ne soit pas indiqué «bataille», parce que c'est une vieille infraction genevoise entre-temps abolie, et que l'on ne sait pas si c'est vous qui avez donné le coup ou si vous l'avez reçu.

Le résultat est que, dans la loi sur les renseignements de police, ce Grand Conseil - ce Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les députés ! - a introduit la possibilité pour toutes les autorités, et notamment pour les communes, de demander à la police une réactualisation de renseignements de police, avec indication précise sur le sort réservé à toutes les procédures. Autrement dit, il est indiqué si vous étiez là comme plaignant ou comme accusé - c'est-à-dire comme personne mise en cause - et si entre-temps vous avez été innocenté ou, au contraire, condamné. Cela signifie que cette question des renseignements de police expressément traitée aux invites 3 et 4 est réglée par un acte de notre propre parlement, et il serait pour le moins curieux que nous demandions au Conseil d'Etat de faire quelque chose alors que nous l'avons déjà fait.

Ce que nous pourrions en revanche demander au Conseil d'Etat - je le dis en passant, parce que ce n'est pas l'objet de la motion - c'est de bien vouloir mettre en vigueur la loi en question, qui malheureusement, depuis des mois, ne l'est pas. Et je suis certain que M. Moutinot nous rappellera tout à l'heure pourquoi cette loi, extrêmement importante pour la protection de la personnalité et de la sphère privée de nos concitoyens, est pour l'instant lettre morte.

M. Mario Cavaleri (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je voudrais tout de même apporter quelques compléments par rapports aux propos tout à fait étonnants de nos collègues UDC qui viennent de s'exprimer. C'est quand même un peu fort, permettez-moi de le dire, que ceux-là mêmes qui ont utilisé des renseignements totalement tronqués ne voulant rien dire se sont appuyés sur ces arguments-là pour refuser des naturalisations ! Alors, chercher à se racheter une virginité au moment où ces questions ont d'ores et déjà été réglées, comme l'a dit mon collègue Olivier Jornot, cela semble, à mon sens en tout cas, déplacé.

Cela étant, nous suivrons la proposition d'amendement, la suppression des troisième et quatrième invites, dès lors que nous avons déjà fait le boulot. Et pour le reste, je m'en remets à votre sagesse, de manière que l'on puisse renvoyer au Conseil d'Etat une motion qui soit la plus simple possible, dont la rédaction de la réponse ne demandera que quelques minutes.

M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, quoi de plus honorable qu'une motion qui demande que des représentants d'une autorité saisis d'une question à laquelle ils doivent répondre soient informés le plus correctement possible au sujet de la personne requérante ? Eh bien, voilà exactement ce qui est demandé. C'est l'esprit de cette proposition, que nous vous invitons à suivre.

Nous avons bien entendu la demande d'amendement de M. Jornot, que nous pouvons appuyer: nous en comprenons les raisons. Il restera un principe simple, que notre Grand Conseil demande ici: une information objective, la plus précise possible, pour l'autorité chargée de trancher à l'égard d'un requérant. C'est la moindre de choses.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le titre de cette motion me choque. On demande «des enquêtes administratives plus justes en matière de naturalisation», comme si aujourd'hui elles étaient injustes. Ce titre, manifestement excessif, ne correspond d'ailleurs pas à ce que demande, au fond, la motion.

La motion comporte quatre demandes. La première est de rendre l'extrait de casier judiciaire obligatoire. C'est ce que nous faisons depuis février 2007, donc nous avons d'ores et déjà répondu à cette exigence.

La deuxième concerne les rapports de police et leur interprétation. Il faut distinguer un certain nombre de situations. Il est vrai que, grâce à la loi - qui entrera prochainement en vigueur, Monsieur Jornot - l'intéressé pourra, le cas échéant, faire corriger ce qui lui apparaîtra inexact. Mais ce que je pense ne pas être possible, c'est de charger l'administration elle-même d'effectuer une sorte de tri dans les informations de police et, en gros, de retenir ce qui lui paraît bon et de ne pas retenir ce qui ne lui paraît pas bon. Je pense qu'il est très notablement préférable que les conseillers municipaux, puisque c'est d'eux qu'on, soient dûment informés de ce que peuvent signifier les inscriptions qui figurent, qu'ils puissent effectivement - et c'est aujourd'hui possible - demander des compléments d'information, savoir ce qui s'est passé et comment cela s'est terminé. Je doute beaucoup qu'il soit très rationnel sur le plan bureaucratique et qu'il soit juste, au fond, que l'administration elle-même corrige les renseignements obtenus sur une personne pour faire un résumé plus ou moins facile à lire... Cela me paraît faux.

En revanche, il faut effectivement informer les conseillers municipaux, parce que la manière dont sont listés les différents points ne permet pas toujours de savoir si sous «rixe» - «bataille» est plus rare - on était une malheureuse victime ou, éventuellement, un vilain agresseur.

Je ne vois donc pas très bien dans cette motion ce qui reste aujourd'hui et qui me serait demandé d'être fait si vous me la renvoyez ! Je pourrai tout au plus vous répondre par écrit ce que je suis en train de vous dire par oral. Mais alors, franchement, dans le choix des titres, évitez de faire en sorte de jeter la suspicion, en parlant d'enquêtes injustes, sur une activité administrative qui, au contraire, est correctement effectuée.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande d'amendement qui consiste à garder les deux premières invites et à biffer les invites 3 et 4.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 58 oui (unanimité des votants).

Mise aux voix, la motion 1797 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 60 oui (unanimité des votants).

Motion 1797