Séance du
vendredi 26 juin 2009 à
8h
56e
législature -
4e
année -
10e
session -
52e
séance
La séance est ouverte à 8h, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.
Assistent à la séance: MM. David Hiler, président du Conseil d'Etat, François Longchamp, Laurent Moutinot, Pierre-François Unger, Charles Beer et Mark Muller, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Robert Cramer, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Caroline Bartl Winterhalter, Mathilde Captyn, Thierry Charollais, Maurice Clairet, Victoria Curzon Price, René Desbaillets, Christiane Favre, Fabiano Forte, Mariane Grobet-Wellner, Jean-Michel Gros, Claude Jeanneret, Sylvia Leuenberger, Yves Nidegger, Pascal Pétroz, Véronique Pürro, Henry Rappaz, Ariane Reverdin, René Stalder et Daniel Zaugg, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons maintenant le débat sur les comptes. Nous prenons tout d'abord le projet de loi 10470. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à faire une synthèse du rapport des comptes, qui vous a été transmis par le secrétariat général du Grand Conseil. Les comptes qui vous sont présentés ont été élaborés selon les normes IPSAS, ce qui est une première, et il en sera ainsi à partir de maintenant...
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député, mais, pour l'instant, vous ne pouvez vous exprimer que sur le projet de loi 10470 !
M. Alberto Velasco. Absolument ! Il s'agit des comptes... Ah, vous parlez du premier projet de loi ?
Le président. Oui, Monsieur Velasco: le premier !
M. Alberto Velasco. Alors, Monsieur le président, je n'ai absolument rien à dire sur ce projet de loi !
Le président. Très bien, je passe la parole à M. Gautier.
M. Renaud Gautier (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je souhaite déposer une motion d'ordre, dans le sens où l'article 138, alinéa 1, de notre règlement indique ceci: «Lors des deuxième et troisième débats sur les différentes parties du projet de budget et des comptes, chaque section est appelée.» Je ne vais pas vous faire le même laïus que l'année dernière pour expliquer qu'il n'y a plus, en tant que tels, des secteurs, mais des centres de charges. Je suggère, Monsieur le président - ce sera l'objet de cette motion d'ordre - que, lors des comptes, vous n'appeliez que les départements, de façon à permettre aux députés qui sont ici...
Le président. On n'entend pas très bien, me dit M. le conseiller d'Etat... Si vous voulez bien parler plus fort ! Merci !
M. Renaud Gautier. Je recommence ! Par le biais de cette motion d'ordre, je propose, Monsieur le président, que vous n'appeliez que les départements, lors des comptes, et non pas chacune des lignes budgétaires. En effet, d'une part, nous ne travaillons plus à la commission des finances avec des lignes, mais avec des centres de charges et, d'autre part, étant donné la qualité des comptes, si vous appelez chaque département, les députés qui entendent encenser ou démolir telle ou telle ligne - par exemple celle des «poissons blancs», sous le département de M. Cramer - ont suffisamment de temps pour intervenir, sans pour autant que cela rende le débat fastidieux.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous soumets donc cette proposition, à savoir que l'on appelle chaque département et non pas chaque section lors de l'examen des états financiers. Je vous rappelle qu'il faut les deux tiers des voix.
Mise aux voix, cette motion d'ordre est adoptée par 34 oui contre 9 non et 1 abstention.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Monsieur le président, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire tout à l'heure en privé, le groupe socialiste souhaite avoir suffisamment de temps pour pouvoir vraiment débattre de ces comptes. Nous vous demandons donc instamment de nous laisser le temps de poser des questions à chaque département.
Le président. Il n'y a aucun problème, Madame: nous irons tranquillement ! Mesdames et Messieurs les députés, M. le rapporteur n'ayant pas de commentaire à faire et la parole n'étant plus demandée, je vous soumets la prise en considération du projet de loi 10470.
Mis aux voix, le projet de loi 10470 est adopté en premier débat par 43 oui (unanimité des votants).
La loi 10470 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10470 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 45 oui (unanimité des votants).
Premier débat
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, j'ai l'honneur de vous présenter une synthèse du rapport sur les comptes que j'ai rédigé. Ces comptes ont été élaborés selon les normes IPSAS, comme ils le seront à l'avenir, en application de la loi sur la gestion administrative et financière, à l'exception de quelques dérogations prévues dans la loi. Du fait de cette application, il résulte une détérioration de 186 millions sur les résultats.
L'intégration des effets de la RPT a eu un impact négatif d'environ 100 millions, et le transfert des routes nationales à la Confédération de 170 millions. Malgré ces particularités qui péjorent le résultat, les comptes de fonctionnement présentent un excédent de 496 millions.
Les charges, elles, compte tenu des éléments que je viens d'exposer, n'augmentent que de 0,1%, soit une baisse de 4% par rapport au budget.
Par ailleurs, j'ai fait le calcul, entre 1997 et 2008 les charges ont augmenté de 1646 F en francs constants par habitant, soit de 13%. Il en va exactement de même pour le revenu, qui a progressé de 1456 F en francs constants par habitant, soit une hausse de 13,1%. Cela signifie que les charges et les revenus ont augmenté exactement de la même manière pendant ces dix dernières années. L'impôt, lui, a progressé de 3%.
En résumé, les revenus courants s'élèvent à 8,234 milliards, soit + 4,7% par rapport aux comptes 2007, et les charges courantes à 7,738 milliards. Compte tenu des éléments retenus précédemment, elles représentent 7,219 milliards.
J'aimerais maintenant faire une comparaison entre les charges et les revenus, en valeur absolue et en valeur relative, entre 2005 et 2008 - notamment à l'intention de certains députés qui se soucient de l'évolution de ces dernières - pour montrer que la progression des charges, en francs constants et par habitant, n'a été que de 4,1%. Et il en est de même pour les revenus, puisque entre 2005 et 2008 - ce qui fait donc quatre exercices - leur augmentation n'a été que de 4%. J'ai relu le discours du Conseil d'Etat prononcé lors de son intronisation à Saint-Pierre, et on peut effectivement dire que celui-ci a rempli son contrat, puisqu'il s'était engagé à n'augmenter ces charges que de 4%, ce qui est le cas, comme je l'ai précisé, en valeur relative, c'est-à-dire en francs constants et par habitant.
Les dépenses d'investissement, qui s'élèvent à près de 585 millions, accusent une augmentation de 13,6% par rapport à 2007, ce qui est très positif. En effet, cela montre que l'Etat mène une politique active et dynamique pour relancer l'économie. Le flux de trésorerie net provenant des activités d'investissement est quant à lui de - 4,7 millions, soit des investissements autofinancés. Je ne sais pas ce que le futur nous réserve, eu égard à la baisse d'impôts que le peuple s'est accordée.
Le total des dettes à court, moyen et long termes s'élève à 11,37 milliards, soit une diminution de près de 836 millions par rapport à 2007, ce qui correspond à une baisse de la dette de 6,8%. Et, au cours de cette législature, la dette est passée d'environ 13,2 milliards à 11,34 milliards, soit un différentiel d'à peu près 1,8 milliard, ce qui représente une baisse de la dette de 13,6% en quatre ans.
Mesdames et Messieurs les députés, je pense que ce débat doit se placer dans l'optique du futur, futur qui n'est pas des plus prometteurs, il faut bien le dire. Alors, si l'on part de l'idée que les revenus tels que présentés ne sont qu'une estimation - avec l'incertitude que cela comporte, puisque nous ne maîtrisons pas notre environnement économique - ce résultat excédentaire, étant donné le contexte, nous laisse penser qu'en réalité, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes pour ainsi dire sur une crête, et que nous ne pourrons que nous maintenir ou descendre en fonction des impondérables. Et c'est ce qui nous attend !
En effet, l'incertitude quant à la profondeur et la durée de la crise que nous traversons aura une incidence sur les prochains comptes. Les chiffres prédisent une baisse de croissance d'environ trois points, ce qui peut représenter 2 à 300 millions en moins. Les nouvelles dispositions fiscales pourront représenter une baisse de 400 millions de recettes. Mais il est vrai qu'en 2010, la plupart des actifs de la Fondation de valorisation de la BCGe auront été vendus. C'est effectivement un élément positif, puisque cela devrait limiter les déficits.
Ces considérations m'amènent toutefois à penser que si la crise persiste au-delà de 2011, on peut s'attendre à une insuffisance de financement et, à prestations égales, à des déficits dans le compte de fonctionnement. Or, au terme de deux ans, comme vous le savez, ceux-ci enclencheront la machine infernale du frein à l'endettement. Partant du principe que plus des 95% des prestations et charges correspondent à des obligations légales, nous allons devoir faire des choix difficiles: nous devrons soit faire des coupes dans certaines prestations, soit augmenter la dette.
En résumé, Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux que féliciter le Conseil d'Etat pour sa gestion et la bonne tenue des comptes. Je tiens aussi à faire remarquer que, d'après les calculs que j'ai effectués, non seulement la dette a été stabilisée, mais elle a diminué et, surtout, les charges ont été contenues, comme le Conseil d'Etat s'y était engagé. Evidemment, je ne suis pas entré dans les détails des subventions et des prestations, mais les chiffres globaux montrent une stabilité, même si à l'intérieur des prestations sociales et des subventions il y a eu des moins-values ou des plus-values, ou encore des transferts. Ces éléments seront certainement relevés lors de l'étude des départements, et chaque groupe pourra poser les questions pertinentes et en débattre.
A ce stade, Monsieur le président, je ne peux que recommander d'accepter ces comptes ainsi que la gestion du Conseil d'Etat.
M. Jacques Jeannerat (R). Les bons résultats des comptes 2008 reposent sur deux éléments. D'abord - on le sait - un record absolu des rentrées fiscales. Cela est notamment dû à la bonne tenue de l'économie, en tout cas pour les trois premiers trimestres de l'année, puisque le début de la crise est intervenu ensuite. Le deuxième élément, c'est la politique rigoureuse du Conseil d'Etat: il faut le relever. Dans l'ensemble et au cours de toute la législature, la gestion a été bonne, mais il ne faut pas pour autant se relâcher: il faut poursuivre cet effort dans le futur, voire amplifier la rigueur dans la gestion administrative et financière de l'Etat. Cela en regard de la dette qui a certes diminué, mais qui est encore relativement élevée.
Les comptes 2008 comportaient deux nouveautés. La première, c'est l'intégration, pour la première fois, de nouvelles péréquations financières entre la Confédération et les cantons, ce qui a entraîné quelques changements significatifs dans les flux financiers entre les deux étages de notre Etat que sont la Confédération et les cantons. Cet élément a parfois rendu difficile la comparaison entre les comptes 2008 et ceux des années précédentes sur certaines lignes budgétaires.
La deuxième nouveauté - le rapporteur de la commission en a parlé - c'est bien sûr l'introduction des normes IPSAS, qui a également rendu difficile - c'est évident - la comparaison avec les comptes précédents.
Il faut toutefois admettre que ce passage aux normes IPSAS donne une lecture plus logique de la gestion de l'Etat en général, et de sa gestion financière en particulier. Mais, je le répète, cela n'a pas rendu l'exercice facile pour les députés de la commission des finances.
A ce propos, je voudrais souligner le dévouement des collaborateurs du département des finances, qui ont pris le temps de venir expliquer en détail les éléments de ces normes IPSAS. Monsieur Hiler, je vous prie de transmettre mes remerciements à vos collaborateurs: ils ont été très clairs et très compétents.
Sans entrer dans les détails - puisque nous aurons l'occasion d'y revenir dans la journée - j'aimerais faire une remarque générale sur les comptes. Si l'on met en parallèle le nombre des collaborateurs de l'Etat et le montant total des salaires versés, il y a une zone d'ombre, ou plutôt un flou... En effet, quasiment tous les chefs de département nous ont dit avoir atteint l'objectif, c'est-à-dire une baisse de 5% des effectifs, conformément à ce qui avait été annoncé lors du discours de Saint-Pierre. Or c'est exact si l'on tient compte des collaborateurs sous contrat à durée indéterminée, mais ce n'est pas exact si l'on considère les collaborateurs sous contrat à durée limitée, ce que l'on appelle les agents spécialisés. Et l'on peut observer que le nombre des agents spécialisés a augmenté au fil des ans.
Bien sûr, le groupe radical trouve judicieux, pour certaines missions spécifiques de l'Etat, d'engager du personnel à durée déterminée. Par exemple, pour rechercher et supprimer l'amiante dans certains bâtiments de l'Etat, comme les écoles. Il s'agit là d'une mission temporaire, et il serait stupide d'engager un ingénieur pour une durée indéterminée car, jusqu'à sa retraite, il n'aurait plus qu'à mesurer la hauteur des trottoirs des rues de la ville... Le groupe radical salue donc ce principe, mais il souhaiterait néanmoins que, à l'avenir, ce type de collaborateurs soient tout de même intégrés dans les chiffres, même si ce n'est pas évident, parce que leur contrat est susceptible de prendre fin en cours d'année. Cela permettrait néanmoins de comptabiliser leurs salaires et, ainsi, l'ensemble des salaires versés correspondrait exactement au nombre des collaborateurs sous contrat. Les chiffres seraient donc plus exacts.
Pour le reste, le groupe radical interviendra dans le cours du débat.
M. Pierre Losio (Ve). Les Verts souhaitent jeter un regard rétrospectif sur l'ensemble de la législature, puisqu'il s'agit des derniers comptes de cette législature.
Il y a quatre ans, nous nous sommes trouvés dans une situation politique assez particulière, avec au Grand Conseil une majorité hégémonique politique à droite de deux tiers et un Conseil d'Etat à la coloration politique que vous connaissez. On entrait donc dans une période de cohabitation: qu'allait donc bien pouvoir faire le Conseil d'Etat avec cette majorité hégémonique à droite ? (L'orateur est interpellé.) Une tâche hégémonique, Monsieur Gautier, mais oui ! (Commentaires.) Soixante-six députés ! Qu'allait donc faire ce gouvernement dans cette situation politique assez particulière, alors qu'un grand quotidien titrait: «Il reste quatre ans au Conseil d'Etat pour effacer le déficit» ? Celui-ci se montait à plus de 436 millions, et le gouvernement avait quatre ans pour remplir cette tâche. Eh bien, le Conseil d'Etat nous l'a annoncé dans son discours de Saint-Pierre, que j'ai pris la peine de relire et dans lequel j'ai relevé quelques phrases qui prennent aujourd'hui toute leur signification.
Le Conseil d'Etat déclarait qu'il avait l'intention de «mener son action de façon déterminée et soudée». On a senti une très grande cohésion au sein de ce Conseil d'Etat. Il affirmait également qu'il ne proposerait pas de hausse d'impôts tant qu'il n'aurait pas «collectivement démontré sa capacité d'accélérer et faire aboutir la réorganisation de l'Etat». Il s'est donné une méthode, et l'on a beaucoup glosé et ironisé sur le ninisme, que l'on comparait à de l'immobilisme. Alors qu'en est-il aujourd'hui ?
Mesdames et Messieurs les députés, il y a cinq ans, le déficit était de 459 millions et, aujourd'hui, nous reconnaissons un boni d'exercice de près d'un demi-milliard. Et je rappelle que, au début de la législature, le déficit était de 433 millions. La dette également a baissé. A la fin 2005, elle s'élevait à 12,7 milliards. Pendant la législature, elle a atteint un pic de plus de 13 milliards et, aujourd'hui, elle se monte à 11,4 milliards, et peut-être même un peu moins. On attendait donc le Conseil d'Etat au virage... Mais celui-ci a commencé par proposer des plans de mesures sur lesquels on a beaucoup ironisé: ces «mesurettes» P1, P2, P+ qui, finalement, en quatre ans - on le voit - ont permis d'économiser une bonne dizaine de millions sur le compte de fonctionnement. Tout cela grâce à cette méthode à laquelle s'est tenu le Conseil d'Etat avec application et discipline.
En outre, Mesdames et Messieurs, il faut relever un élément intéressant: nous avons eu un budget chaque année, ce qui est déjà un résultat appréciable ! Nous n'avons pas eu besoin de recourir aux douzièmes provisionnels, comme on aurait pu le craindre. Je le répète, nous avons eu un budget chaque année, ce qui confirme que l'un des objectifs visant à restaurer l'autorité et la crédibilité de l'Etat a été atteint. Certes, les efforts du Conseil d'Etat ont été aidés par une conjoncture économique très favorable et une bonne santé de l'économie genevoise, notamment dans les domaines de l'exportation, du luxe et du négoce international, ce qui a permis d'engranger des rentrées d'impôts considérables. Toutefois, cela n'aurait pas suffi si le Conseil d'Etat ne s'était pas tenu, de manière très rigoureuse, à sa méthode de maîtrise des charges. Et il faut absolument souligner la discipline de fer que le Conseil d'Etat s'est imposée en matière financière, notamment dans la maîtrise des charges. Je pense par exemple aux résultats remarquables obtenus: 5% de diminution du personnel - et cela, sans licenciement - conformément à l'objectif fixé.
Il faut également relever l'effort particulier qui a été fait sur les dépenses générales, qui avaient explosé au début des années 2000, avec une croissance de 12,6%, jusqu'à atteindre 450 millions de dépenses générales en 2005. Or, depuis le début de la législature, ces dépenses générales sont en décroissance de près de 5%.
Il convient en outre de souligner le travail de l'administration fiscale cantonale qui, avec beaucoup d'insistance, a permis des recouvrements d'impôts, lesquels ont entraîné des reports annuels qui nous ont permis d'engranger des bonis d'exercice. Au terme de quatre ans, cet objectif est donc atteint, et nous sommes satisfaits, puisque l'exercice présente un boni de près d'un demi-milliard.
J'en viens à la gestion du Conseil d'Etat. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui nous ne votons pas seulement des chiffres et des comptes: nous nous prononçons également sur la façon dont le Conseil d'Etat a travaillé. Eh bien, au cours de cette législature, de grandes réalisations ont été accomplies ! Avec détermination et également avec cohésion, le Conseil d'Etat a parlé d'une seule voix. J'en veux pour preuve - et c'est l'un des éléments importants de cette législature - la reprise des négociations et la reprise de relations pacifiées avec la fonction publique. Le gouvernement a gagné en crédibilité, ce qui a permis d'obtenir la révision de la LPAC, le rétablissement de certains mécanismes salariaux et, enfin, le treizième salaire en fin de législature.
Les engagements pris par le Conseil d'Etat ont donc tous été respectés et la crédibilité du gouvernement a été restaurée: c'est un élément important qu'il faut souligner, notamment dans la période de difficultés financières et économiques qui s'annonce. Il est important d'avoir des relations saines et pacifiées avec la fonction publique, ce qui a permis au gouvernement, je le répète, de retrouver sa crédibilité.
Le Conseil d'Etat a aussi appliqué une loi, voulue par ce parlement: la fameuse LIAF. Ce ne sont pas moins de 140 - ou un peu plus - contrats de prestations liés à des projets de lois LIAF qui ont été votés pendant cette législature !
Autre élément important pour la crédibilité de l'Etat et du gouvernement: les négociations qui ont permis d'aboutir, avec les communes, à la loi de péréquation intercommunale que l'on attendait depuis des années. Et cela suite aussi aux excellentes négociations...
Le président. Vous devez conclure, Monsieur le député !
M. Pierre Losio. ...avec l'Association des communes genevoises. Nous avons également pu introduire les normes IPSAS, absorber la RPT, procéder à une grande réorganisation comptable, mettre en oeuvre une loi sur le chômage, fixer des règlements sur les investissements et favoriser la relance par les investissements.
C'est donc un satisfecit que nous donnons au Conseil d'Etat, Mesdames et Messieurs ! Nous voilà bien équipés pour affronter la crise, avec une réserve conjoncturelle de 744 millions et un compte de fonctionnement positif !
Certes, le Conseil d'Etat a accepté d'entrer en matière et formulé une proposition de baisse d'impôt... Peut-être aurait-il fallu la différer ? Quoi qu'il en soit, nous sommes aujourd'hui en situation de pouvoir tenir le choc, en tout cas pendant deux ans. Tout dépendra de la durée de la crise... Nous espérons qu'elle ne durera pas plus de deux ans, sinon nous connaîtrions des difficultés sérieuses.
Nous souhaitons donc retrouver à la rentrée...
Le président. Vous devez terminer, Monsieur ! Merci !
M. Pierre Losio. ...quelle que soit sa couleur politique, un Conseil d'Etat qui agisse avec la même détermination, la même collégialité et qui conserve la même crédibilité grâce aux engagements qu'il prendra et qu'il tiendra.
En conclusion, les Verts accepteront avec satisfaction la gestion du Conseil d'Etat et approuveront les comptes 2008. (Applaudissements.)
M. Renaud Gautier (L). Permettez à un représentant de l'hégémonie - puisque c'est à ce titre, si délicatement proposé par mon excellent ami Pierre Losio, que je parlerai aujourd'hui - d'être bref ! D'autant que ces comptes ne méritent pas que nous y passions trop de temps et que le souci d'économie qui guide cette salle devrait nous faire adopter ces derniers rapidement.
J'aimerais évoquer trois points. Premièrement, la qualité de ces comptes est la reconnaissance de la qualité et de la force de l'économie genevoise. Ces résultats ne sont possibles que parce que nous étions ou que nous sommes dans une époque de croissance économique. Il faut donc féliciter l'économie, qui permet ce résultat !
Deuxièmement, il faut également féliciter l'administration qui, pour la première fois et sans aucun hoquet, est arrivée à nous présenter des comptes «nouvelle manière» - à savoir en intégrant les normes IPSAS - et a réussi à transférer l'ancien système dans le nouveau sans que cela ne crée aucun problème... C'est suffisamment important pour le remarquer et pour en féliciter l'administration.
Troisièmement, c'est l'une des premières fois que l'on voit timidement apparaître une objective transversalité entre les départements, à savoir la lutte contre «l'effet silo», dont nous aurons certainement l'occasion de parler tout à l'heure. Et je voudrais ici, à titre d'exemple, mettre en avant le travail tout à fait remarquable effectué par la centrale commune d'achats, qui est effectivement la première démonstration que l'on peut, à l'Etat, travailler de manière transversale et efficiente, sans que cela ne crée de problèmes majeurs.
L'ensemble de ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, me fait vous suggérer d'adopter rapidement ces comptes. Cela nous permettra - sans pour autant bousculer les socialistes s'ils ont besoin de plus de temps, ce que je peux tout à fait comprendre - d'aller boire un café amplement mérité à 10h en ayant adopté ces comptes.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Le parti démocrate-chrétien apprécie ces comptes. Il les votera avec satisfaction, mais avec modération. Satisfaction, parce que, oui, il y a de quoi se réjouir: l'économie genevoise a permis des rentrées fiscales absolument magnifiques ! Oui, la gestion intelligente du Conseil d'Etat, sa rigueur et sa maîtrise ont permis un boni de près de 500 millions ! Oui, la réduction de la dette a pu, jusqu'à maintenant, se faire selon les souhaits des démocrates-chrétiens ! Et, enfin, oui, l'administration a pu travailler de manière extrêmement efficace en présentant des comptes selon les nouveaux concepts IPSAS.
Modération, parce que la satisfaction doit toujours se mesurer à l'aune de ce qui nous attend et, nous le savons, les jours sombres vont arriver... Modération aussi, parce que nous devons garder à l'esprit en permanence la logique de la relance. Cette modération doit nous aider à continuer à être très rigoureux pour faire en sorte que les investissements que nous avons votés soient bien mis en chantier. Nous pouvons le voir aujourd'hui, mais nous espérons encore plus, notamment avec le projet du CEVA ainsi que d'autres projets importants qui rentrent dans le processus anticyclique dont nous avons absolument besoin pour Genève. Et à chaque fois que des agacements peuvent se faire sentir par rapport aux bouchons ainsi générés, eh bien, réjouissons-nous car cela crée des places de travail ! En tout cas, c'est un bon moyen de lutter contre le chômage.
Si nous disons que nous accepterons ces comptes avec une satisfaction modérée, c'est parce que nous devrons toujours rester très attentifs à l'extrême rigueur qui doit être de mise en matière de gestion. Bien sûr, dans la gestion du personnel, mais également en matière de subventions: nous devrons éviter de sabrer celles-ci pour obtenir des économies immédiates. D'autant que, dans bien des cas, cela coûte extrêmement cher de faire faire la même chose dans un contexte étatique.
Le parti démocrate-chrétien tient également à relever un aspect très important. Si nous devons continuer à exiger beaucoup de rigueur, nous devons également rendre hommage aux professionnels, c'est-à-dire à la fonction publique, qui continue à faire des efforts tout à fait remarquables. Nous sommes satisfaits que le Conseil d'Etat ait maintenu la paix sociale. C'est un élément auquel nous tenons beaucoup, car il n'est pas possible de faire plus d'économies sans respecter davantage les personnes qui sont chargées d'appliquer les économies que nous exigeons.
Mesdames et Messieurs, nous ferons de brefs commentaires tout au long de l'étude de ces comptes, mais le parti démocrate-chrétien les acceptera, comme je l'ai déjà indiqué, avec satisfaction et modération.
M. Eric Bertinat (UDC). Une lecture simple des comptes 2008 permet de constater que le Conseil d'Etat a jugulé la dérive financière de l'Etat, qui durait depuis une trentaine d'années. Il faut rendre hommage à l'exécutif pour sa gestion: il a tenu ses promesses faites lors du discours de Saint-Pierre !
Mais une lecture plus détaillée des comptes 2008 nous révèle que ce sont des résultats économiques exceptionnels qui ont permis un excédent de revenus de 500 millions. Ils ont, en quelque sorte, faussé l'image attendue pour 2007 et 2008 de nos finances publiques. Sans l'embellie fiscale de ces deux dernières années, les résultats seraient catastrophiques, et la philosophie du ninisme, annoncée lors du discours de Saint-Pierre, un échec patent !
Il faut ajouter à cela une lecture difficile des comptabilités, dont la présentation constamment modifiée et la soumission aux impacts les plus divers ont compliqué les comparaisons possibles d'une année à l'autre.
La dette, quant à elle, a diminué de 835 millions. Elle est encore de 11,4 milliards, et les intérêts nous ont coûté en 2008 327 millions: presque un million de francs par jour ! Alors pouvons-nous être satisfaits de ces résultats, qui font de Genève un canton multimilliardaire ?! Le ratio des charges courantes de fonctionnement par habitant montre qu'en dix ans le Genevois a vu sa dette augmenter de 12 762 F à 14 217 F, soit une augmentation de 13%. L'efficience promise a permis d'économiser 40 millions, après avoir donné beaucoup de travail aux groupes chargés de l'appliquer. Ce n'est pas rien, mais c'est peu par rapport à ce que l'économie genevoise a versé à l'Etat !
Le véritable levier non seulement pour diminuer les charges, mais pour réorganiser la fonction publique, c'est la diminution du personnel. Là aussi, nous pourrions être satisfaits des chiffres annoncés par le Conseil d'Etat, mais une lecture plus minutieuse démontre que ce sont les petites mains qui ont fait les frais de cette restructuration obligée. Les effectifs des états-majors et des secrétaires généraux n'ont pas beaucoup bougé, à l'exception de deux départements: le département des finances et celui de l'instruction publique. La palme du mauvais élève revient au département de M. Moutinot, qui connaît une augmentation de 20% en trois ans ! Il a même créé un poste de direction générale des droits humains, pour un montant de 180 000 F. L'on constate ainsi qu'une diminution des postes est contraire à l'évolution de la masse salariale. Le discours de Saint-Pierre est donc trompeur quant à ses effets en termes de diminution de la masse salariale.
M. Hiler relève qu'une baisse d'effectifs n'a pas provoqué à son tour une baisse de prestations, mais bien un gain en productivité. Il nous indique que les gisements d'économies n'ont pas encore tous été complètement utilisés, et qu'il est donc encore possible de réaliser des économies.
Le groupe UDC rappelle qu'il n'était pas très enthousiaste après avoir écouté le discours de Saint-Pierre. Du ninisme à avaler matin, midi et soir lui semblait un régime plutôt bourratif, alors qu'il voulait que les finances publiques perdent quelques kilos francs et diminuent massivement la dette ! Après avoir étudié ces comptes 2008, il a acquis la certitude qu'un nouveau régime doit être demandé à la fonction publique; un régime qui pourrait se révéler encore plus drastique si la crise économique mondiale ne se calme pas. C'est pourquoi, en commission, les députés UDC n'ont pas voté pour la gestion du Conseil d'Etat et se sont abstenus lors du vote final.
M. Edouard Cuendet (L). Evidemment, comme beaucoup de mes préopinants, je vais saluer les efforts réalisés par le Conseil d'Etat pour essayer de contenir les dépenses. Mais, au fond, il faut être réaliste: ce bon résultat pour l'année 2008 est, comme d'autres l'ont indiqué, largement et presque exclusivement imputable à une conjoncture économique exceptionnelle, puisque, on le remarque, l'excédent des recettes correspond grosso modo à l'excédent des recettes fiscales. Je ne veux pas entrer dans des calculs plus subtils, mais la relation me paraît quand même assez frappante !
Je crois donc qu'il ne faut exagérer ni le rôle du Conseil d'Etat ni celui du Grand Conseil dans ce résultat tout à fait satisfaisant. Au contraire, je pense qu'il faut féliciter l'économie dans son ensemble, et notamment le secteur financier - que M. Losio s'est évidemment bien gardé de citer dans son énumération des secteurs qui rapportent de l'argent à Genève ! Je tenais donc à compléter cette liste qui n'était pas exhaustive...
Je relèverai un point moins satisfaisant, à savoir l'augmentation considérable des charges de personnel, comme l'a mentionné mon excellent collègue Bertinat. On parle de 3,6% d'augmentation des charges, notamment imputable à l'introduction du treizième salaire, que l'on peut considérer comme du keynésianisme anticipé ou une mesure «anticyclique-procyclique» anticipée - c'est une espèce de nouveauté genevoise ! - qui a coûté environ 70 millions en 2008 et qui aura des impacts sur toutes les dépenses futures.
Le groupe libéral avait bien sûr soutenu le treizième salaire; il avait même proposé une augmentation supplémentaire pour les cadres supérieurs de l'Etat, qui le méritaient largement et qui sont les laissés-pour-compte de ces réformes... Nous avions cherché à combler cette inégalité en proposant une hausse supplémentaire pour ces cadres supérieurs. Malheureusement, dans l'application de cette augmentation, le Conseil d'Etat a fait preuve d'une retenue qu'il n'a pas pour le reste de la fonction publique, et il a fait en sorte de limiter de manière beaucoup trop stricte l'application de cette règle particulière. Nous pouvons véritablement le regretter !
Parmi les éléments malheureusement négatifs, je citerai aussi la gestion calamiteuse des heures supplémentaires de la police, ce qui a obligé la commission des finances à prendre des mesures assez inédites et à réclamer un rapport de la Cour des comptes particulièrement édifiant sur les méthodes utilisées dans ce domaine. Le rapport Annoni et le récent rapport de la Cour des comptes sur l'Euro 2008 ont aussi montré que la principale source de coûts supplémentaires était les heures supplémentaires de la police. Du reste, en tant que membre de la commission des finances, je tiens à souligner tout particulièrement les attaques et les pressions inacceptables, voire personnalisées, reçues dans ce débat sur la police, ce qui a mis en cause le bon fonctionnement de notre démocratie. En effet, si le pouvoir législatif est attaqué de la sorte, que des noms sont cités et que des appels au boycott sur les listes de vote sont lancés, c'est la fin de la démocratie ! Je tiens également à évoquer les risques liés à ce genre de pressions, qui sont - je le répète - inacceptables.
La LIAF, dont plusieurs de mes préopinants ont parlé, a entraîné, c'est vrai, un travail considérable pour la commission des finances dans le traitement de ces contrats de prestations, qui ont tous été étudiés - je crois qu'on peut l'affirmer - avec sérieux et en profondeur. Cela a surtout permis de mettre de l'ordre dans le fouillis inextricable qui régnait dans le monde subventionné à Genève et de montrer des pistes pour plus de synergies, tout en évitant une mainmise de l'Etat, contrairement à ce que l'on a essayé de nous faire croire. Et je pense que la commission des finances contrôlera avec intérêt et rigueur l'évolution de ces contrats de prestations. En effet, ce n'est pas parce qu'ils ont été signés pour quatre ans que l'on ne doit pas exercer un contrôle et qu'il faut laisser courir les choses ! C'est avec intérêt que l'on reçoit déjà les premiers rapports pour les comptes 2008 des entités subventionnées, lesquels démontrent que les prévisions comptables qui nous avaient été soumises lors de la signature de certains contrats ne sont pas du tout réalisées dans les faits, et cela donnera certainement lieu à des débats intéressants pour le budget 2010.
Un dernier point par rapport aux contrats de prestations... Plusieurs inquiétudes ont été émises concernant la problématique - un vrai serpent de mer - de la thésaurisation. Certaines entités reposent sur des bas de laine tout à fait considérables: plusieurs millions - voire dizaines de millions, pour les plus grandes d'entre elles - et, évidemment, il est essentiel de trouver une solution pour que ces fonds ne soient pas perdus dans la nature et qu'ils ne soient pas utilisés, comme c'est proposé pour certaines entités, pour augmenter la masse salariale des entités en question. Alors, sur ce point aussi, la plus grande rigueur devra être appliquée. Et, pour l'université, une solution tout à fait intéressante a été trouvée, puisqu'une partie importante du montant thésaurisé a été placée dans un fonds pour l'innovation, ce qui est en somme la meilleure solution pour l'avenir.
Le groupe libéral salue donc évidemment le résultat positif de ces comptes, mais il restera extrêmement attentif à tout ce qui concerne l'évolution de l'endettement, malgré la diminution de la dette, qui doit être saluée, et sa bonne gestion, qu'il convient également de saluer - pas avec la plus grande admiration, mais presque. En effet, s'il est un domaine de l'Etat qui est bien géré, c'est celui de la dette, puisque ce dernier arrive à planifier, avec des taux tout à fait remarquables, la dette à long terme, en limitant les risques d'explosion des taux. C'est l'un des points les plus positifs qu'il faut relever.
Un autre point positif, ce sont évidemment les investissements qui ont été consentis en matière d'infrastructures, parce que Genève a beaucoup de retard dans ce domaine. Pas uniquement pour les transports publics, mais aussi pour les transports routiers, dans l'esprit de la complémentarité des transports. Le groupe libéral soutient fermement les investissements.
Pour tous ces motifs, nous adopterons ces comptes, mais nous serons beaucoup plus réservés en ce qui concerne la gestion.
Une voix. Bravo !
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je constate avec amusement que le parti libéral se réjouit de la bonne gestion du Conseil d'Etat, notamment de la diminution de la dette. J'aimerais quand même vous rappeler deux ou trois choses sur le plan historique. Vous savez que, depuis la révolution radicale du milieu du XIXe siècle, la majorité bourgeoise a toujours eu une double majorité - une majorité au Conseil d'Etat et une majorité au parlement - à deux ou trois exceptions près: les trois ans du gouvernement socialiste de Léon Nicole entre 1933 et 1936 - ça, c'est vieux ! - et, plus récemment, le gouvernement actuel et le parlement à majorité de gauche, entre 1997 et 2001. Alors je me suis amusée à examiner l'évolution de la dette pendant les périodes où, justement, la gauche avait une des deux majorités, que ce soit au parlement ou au gouvernement. Je suis remontée en 1992. A cette époque, la dette atteignait à peu près 6 milliards, et elle a augmenté régulièrement: en 1997, elle s'élève à 9,5 milliards; en 1998 - c'est l'application du budget voté au tout début d'une législature où la gauche est majoritaire - elle dépasse un peu les 10 milliards, et après, pendant la période où la gauche est majoritaire au Grand Conseil, elle baisse régulièrement. Puis, en 2002, elle augmente à nouveau, et ainsi de suite, au fil des années. La dette flambe quand la majorité bourgeoise est de nouveau au parlement. Arrive un gouvernement à majorité de l'Alternative, et que constate-t-on ? Une meilleure gestion des deniers publics ! Alors, Mesdames et Messieurs les députés de la majorité de ce parlement, je me réjouis avec vous que vous constatiez enfin qui sont les meilleurs gestionnaires en termes de politique ! (Commentaires.)
Cela dit, indépendamment de ce petit rappel historique, même si nous, socialistes, nous réjouissons des comptes qui sont positifs, nous avons quand même quelques inquiétudes. Des inquiétudes concernant les subventions, particulièrement dans le domaine social, et les subventions aux associations. Car nous avons pu remarquer, au cours de cette législature, que vous avez systématiquement essayé de les baisser par tous les moyens, et nous avons vraiment dû lutter dur pour essayer de «sauver les meubles» afin d'éviter que les plus faibles, les plus démunis, soient lésés.
Et nous sommes surtout inquiets par rapport aux éventuelles mesures qu'il aurait fallu prendre quand la crise a commencé... Que se passe-t-il au niveau de l'emploi ? J'ai été quand même très frappée - et le groupe socialiste avec moi - en regardant l'ordre du jour de notre Grand Conseil. En effet, pour ce qui est du département de la solidarité et de l'emploi, c'est le néant ! Rien n'est proposé ! Certes, il y a une résolution socialiste sur les allocations familiales à l'ordre du jour mais, dans les nouveaux projets, rien du tout ! Je dois le dire, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous en inquiétons, d'autant que nous allons traverser une situation difficile et qu'il serait temps de l'anticiper.
Enfin, troisième point: sachant que les temps vont être durs, nous ne pouvons, nous, socialistes, que nous inquiéter de la baisse d'impôts qui a été votée lors de notre dernière session. En effet, nous le savons très bien, une baisse d'impôts implique que les rentrées fiscales vont diminuer - tout le monde est d'accord sur ce point - ce qui sera pour vous, Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, un prétexte de plus pour vous attaquer aux prestations !
Donc, en conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, si nous nous félicitons de la bonne gestion du Conseil d'Etat pendant cette législature, des mesures qui ont été prises par rapport à la fonction publique, des mesures anticycliques et des investissements qui sont prévus, nous nous inquiétons quand même des temps à venir, et nous espérons que vous ne jouerez pas trop aux apprentis sorciers ! (Applaudissements.)
M. Claude Marcet (Ind.). Je suis très loin, en ce qui me concerne, de l'enthousiasme de certains quant à la «beauté» des comptes de l'Etat, que je trouve très particuliers à plus d'un titre et très éloignés de la réalité économique qu'ils devraient représenter !
Je vais vous préciser immédiatement un certain nombre de points. On nous dit que les normes IPSAS sont respectées... C'est faux ! Je vous rappelle que pour cela, il faut une certification. La précédente législature a voulu cette certification, mais celle-ci, parce qu'une nouvelle norme est apparue - celle qui traite de l'entier des prestations au personnel, notamment des caisses de retraite - n'en veut plus !
Je vous dis simplement qu'actuellement, dans les comptes de l'Etat et s'agissant de la dette, il y a un déficit actuariel qui se monte à plusieurs milliards - je ne le préciserai pas, parce qu'il varie selon les personnes - et, surtout, un déficit structurel annuel, c'est-à-dire une insuffisance de couverture annuelle en ce qui concerne les caisses de retraite, qui s'accumule dans le temps. Donc, déjà à ce niveau, les comptes de l'Etat sont faux !
Vous prétendez que la dette diminue... Je vous dirai simplement que les transferts d'actifs ont apporté de l'argent dans les comptes de l'Etat ! C'est la même chose pour la BNS ! Il faudrait que l'Etat soit correct et qu'il indique que les apports financiers de la BNS ont permis de masquer des amortissements antérieurs qui n'avaient pas été effectués ! Je vous rappelle que, dans le cadre des transferts d'actifs - je ne vous donne qu'un seul exemple - je me suis fait traiter de «menteur» par un conseiller d'Etat pour avoir osé dire que, selon les normes que nous sommes censés respecter, nous allions devoir passer plus de 100 millions d'amortissements immédiats dans une corporation de droit public, c'est-à-dire le transfert d'une perte à un autre «bébé», perte qu'on ne veut pas montrer dans les comptes de l'Etat ! Finalement, le «menteur» que je suis a eu raison, puisque ce sont plus de 130 millions qu'il a fallu passer immédiatement dans les comptes des SIG, ce qui n'a pas plu à certaines communes puisque, manifestement, cela a été le transfert par l'Etat d'une perte sur une partie des communes ! Je me permets de rappeler aussi que l'Etat impose à un certain nombre d'établissements subventionnés, dans le domaine des EMS particulièrement, de mettre au passif du bilan des dettes formelles vis-à-vis de l'Etat qui n'en sont pas ! Et cela ressort de certains rapports d'organes de révision, ce qui pourrait laisser croire qu'on a voulu laisser à l'actif du bilan des créances contre un certain nombre de tiers qui n'existent pas ! Et personne ne veut parler de cela non plus !
On peut donc se poser des questions car, lorsque l'on discute avec les personnes qui s'occupent des statistiques à Berne - qui, elles, respectent les normes internationales - elles disent que ce n'est pas tout à fait la même chose à Genève, que nous n'avons pas les mêmes chiffres ! Alors, je le dis clairement et très honnêtement, Messieurs du gouvernement: tant que nous n'aurons pas la certification IPSAS, c'est-à-dire une véritable possibilité de comparer ce qui est comparable et la certitude que ce que vous mettez dans les comptes est une réalité économique et non pas ce qui vous arrange, les personnes de ma profession jugeront que vos comptes ne correspondent strictement à rien - mais il est vrai que je ne connais pas grand-chose aux comptes, c'est en tout cas ce qu'a dit quelqu'un dans une commission !
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je vais être très brève... (Exclamations.) S'agissant des comptes, je constate - et c'est chaque année la même chose - qu'il est impossible de satisfaire tout le monde: il y aura toujours quelqu'un qui aura des reproches à formuler. A mon avis, les comptes de cette année ont été rendus de manière satisfaisante: ils sont bons, et je trouve qu'il est inutile de passer une journée entière à les traiter; c'est beaucoup trop ! D'autant que, à la fin, tout le monde vote oui, comme c'est d'ailleurs le cas chaque année. Il ne me paraît pas nécessaire d'en parler pendant des heures, de relever des détails, bref, de pinailler, comme le parlement genevois a l'habitude de le faire ! Cela devient franchement saoulant et lassant, d'autant que ça fait quatre ans que ça dure ! (Exclamations.)
Une voix. C'est bientôt fini !
Mme Sandra Borgeaud. Oui, c'est bientôt fini: heureusement ! Et j'espère que certains d'entre vous ne seront plus là ! Mais je reviens au sujet qui nous occupe, Monsieur le président ! Pour ces comptes, je pense qu'il faut être effectivement vigilant. D'ailleurs, le chef de l'Etat, David Hiler, a toujours eu l'honnêteté de dire que, certaines années... (Brouhaha.) S'il vous plaît, si ça ne vous intéresse pas, Monsieur Weiss, vous pouvez aller à la buvette ! Je vous remercie ! (Le président agite la cloche.)
Mme Fabienne Gautier. Non mais, de quoi je me mêle ?
Mme Sandra Borgeaud. Je me mêle...
Le président. Continuez, sans commentaire !
Mme Sandra Borgeaud. ...de mes affaires: moi je ne l'interromps pas quand il parle, et le respect doit aller dans les deux sens, Madame Gautier ! Je disais donc, Monsieur le président, que M. Hiler a toujours indiqué - que ce soit à nous ou à la presse - que, même si les comptes sont bons, il fallait rester très vigilant, qu'il ne fallait pas se reposer sur ses acquis, d'autant que nous nous enfonçons de plus en plus dans la crise. Ces derniers temps, nous voyons bien que l'économie souffre et que les entreprises rencontrent de plus en plus de difficultés. Il faut donc toujours rester vigilant. Il faut avancer et relancer l'économie, et il faudra bien faire des sacrifices.
Ce qui me déplaît quelque peu, c'est que, malheureusement cette année, comme nous sommes en période électorale, certaines personnes de ce parlement utilisent nos travaux uniquement à des fins personnelles, parce qu'elles craignent de ne pas être réélues, et les attaques deviennent de plus en plus personnelles. A ce propos, j'ai trouvé le débat d'hier franchement honteux, et j'imagine que nous allons encore y avoir droit aujourd'hui: c'est inadmissible pour un parlement comme le nôtre ! Quand on parle des comptes, du CEVA ou de n'importe quel autre sujet, ce n'est pas pour satisfaire un ego démesuré, mais pour écouter les autres: c'est le moindre des respects... (L'oratrice est interpellée par Mme Virginie Keller.) Madame Keller, vous êtes la première à hurler dans ce parlement et à nous saouler: franchement, vous avez une voix impossible à supporter ! (Exclamations.) Les socialistes ont coutume, quand quelque chose ne leur convient pas... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de nous attaquer. Ils se permettent de faire des critiques mais, quand on leur en fait, ils prétendent que c'est hors sujet ! Quelle hypocrisie dans ce parlement ! (Exclamations.)
En conclusion, Monsieur le président, j'approuverai ces comptes... (Rires. Exclamations.) ...et je me ferai un plaisir d'entendre les critiques des uns et des autres, surtout des députés de gauche: il faut bien qu'ils existent, donc ils trouveront certainement des choses à nous dire, qui vont nous «pomper l'air» toute la journée ! J'espère néanmoins que nous pourrons avancer nos travaux et avoir des débats intéressants sur les sujets qui nous occupent.
M. Roger Golay (MCG). Le Mouvement Citoyens Genevois est bien sûr satisfait de recevoir des comptes présentant un large excédent de recettes, ce qui a contribué à réduire la dette de près de 2 milliards en trois ans.
La maîtrise des coûts a cependant nécessité la collaboration de tous les partenaires, y compris celle des fonctionnaires qui ont accepté de gros sacrifices en matière de mode de fonctionnement. Cette stabilisation des dépenses, au moment où les recettes ont connu une progression exceptionnelle, a permis à Genève d'amorcer une amélioration durable et réelle de sa situation financière.
La présentation des comptes ayant été modifiée dans leur structure - comme c'est le cas chaque année - il est difficile de faire des comparaisons avec les exercices précédents. Je pense notamment au remaniement des départements, aux dépenses par politique publique qui présentent des comptes «parachute», c'est-à-dire globaux, ce qui péjore quelque peu la prestation de l'exploitation. Quand les comptes de l'Etat seront présentés avec des chiffres provenant du plus petit dénominateur - la prestation - nous aurons alors une vision réelle des activités de l'Etat et de leur coût.
Malgré le fait que certains remparts autonomes ne participent pas à l'effort général, par égoïsme prétentieux ou par réflexe historique d'autonomie, le MCG envisage avec bienveillance la possibilité d'approuver les comptes de l'Etat.
Pour conclure, le Mouvement Citoyens Genevois tient à remercier le Conseil d'Etat pour son excellente gestion des finances publiques.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Ducrot.
M. Jean-Claude Ducrot. Je renonce, pour l'instant, Monsieur le président... Je m'exprimerai plus tard !
Le président. Merci, Monsieur Ducrot. La parole est à M. Weiss.
M. Pierre Weiss (L). J'aimerais tout d'abord, en tant que président de la commission des finances, rendre trois hommages. Le premier est adressé au département des finances et à ses collaborateurs qui, dans la préparation du budget, nous ont secondés, nous ont présenté des documents de qualité et n'ont pas ménagé leur peine: je tiens à le dire, au nom de tous mes collègues, à M. Hiler, afin qu'il en fasse part à ses collaborateurs.
Le deuxième hommage va au Conseil d'Etat. En effet, au cours de l'exercice écoulé, le Conseil d'Etat dans son ensemble - sinon chacun de ses membres - a fait la preuve de sa volonté de réorienter le paquebot de l'Etat pour éviter qu'il ne devienne un Titanic. Le budget par prestations en sera un prochain signe, lointain héritier de GE-Pilote.
Enfin, le troisième hommage s'adresse aux entreprises de ce canton, et notamment aux entreprises bancaires. Tout à l'heure, vous étiez absent quand M. Gautier évoquait l'importance du secteur financier dans les bons comptes de l'an passé. Nous verrons justement ce qu'il en sera l'année prochaine... C'est lorsque l'on n'a plus la santé que l'on s'aperçoit de son importance ! C'est lorsque le secteur financier à Genève peine que l'on se rend compte des conséquences que cela impliquera pour ceux qui attendent des prestations de la part de l'Etat, notamment des prestations sociales et le développement de prestations environnementales ! C'est un point qui méritait d'être souligné.
Néanmoins, à ces trois hommages il faut ajouter quelques notes d'inquiétude... Tout d'abord, par rapport au fait que nous sommes en train de traverser une crise conjoncturelle. A cet égard, Monsieur le chef du département des finances, vous qui êtes historien de formation - et on le reste toujours - vous ferez bien évidemment la différence entre la corrélation et la causalité. Ce n'est pas parce que deux séries statistiques se superposent - par exemple, celles d'une amélioration de la dette sous une certaine majorité - que la présence de cette majorité est la cause de l'amélioration de la dette. Mme Emery-Torracinta n'a probablement pas encore développé toutes les études statistiques qu'il conviendrait de faire sur ce point.
La deuxième inquiétude porte sur le fait que la croissance de l'Etat n'a pas été stoppée, même si elle a certes été freinée. Nous verrons bien quelles en seront les conséquences à long terme...
Une note de soulagement, en revanche, parce que les comptes de l'an passé ainsi que le budget de cette année ont remis l'accent sur davantage d'investissements - mesure anticyclique par excellence - dans des travaux d'infrastructures. Cela nous permet d'envisager l'avenir avec un peu moins d'inquiétude. A cela s'ajoute, évidemment, le caractère dynamisant pour les futures recettes fiscales - qui vous intéressent au premier chef - de la mise en vigueur de la réforme de la LIPP. Cette dernière sera en effet massivement approuvée par le peuple - y compris par l'électorat socialiste, j'en suis convaincu.
Je terminerai en apportant une précision et en émettant un souhait. La précision concerne l'intervention de mon collègue Cuendet, et cette fois-ci je m'exprime non pas en tant que président de la commission, mais en tant que député. Il a mis en cause les «pressions inqualifiables» du corps de police sur les débats de la commission des finances, notamment lorsqu'il s'est agi de voter une prime... Je précise qu'il ne s'agit pas du corps de police dans son ensemble ! Chacun de nous le sait, celui-ci travaille à la sécurité des Genevois; il a à coeur d'accomplir sa tâche et respecte son serment. Seulement, il se trouve au sein de ce corps de police un quarteron de factieux emmenés par un «petit minet» qui, en fait, est un «matou hargneux». Il a, avec d'autres, complètement oublié le sens même du service public ! A ce minet-là, qui ne fait qu'appeler à la délation et qui a la manie de pratiquer le lynchage politique, il me semble que le chef du département devrait rappeler les devoirs qui sont les siens !
Enfin, je vous livre mon souhait: c'est que, l'an prochain, nous ayons une présentation consolidée de la dette. Certes, elle a diminué - nous verrons ce qu'il en sera l'an prochain - mais nous constaterons aussi que, si l'on prend en considération l'ensemble du périmètre étatique, paraétatique, et je dirai même péri-étatique, cette dette nous place dans une situation moins enviable qu'il n'y paraît aujourd'hui !
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Je voudrais juste relever trois points. Tout d'abord, le groupe libéral dit qu'il y a eu des «laissés-pour-compte» dans la question du treizième salaire, à la suite du cadeau fait par l'amendement de M. Weiss... Je trouve que c'est une expression fallacieuse, qui ne correspond pas vraiment à la situation financière des cadres supérieurs ! Pour exemple, un cadre en classe 20 touche jusqu'à 143 000 F, un cadre en classe 28 jusqu'à 203 000 F, et un cadre en classe 33 jusqu'à 253 000 F ! En ce qui me concerne, à ce tarif-là, je voudrais bien faire partie des laissés-pour-compte ! Sincèrement, je signe tout de suite le contrat pour appartenir à cette catégorie de personnes ! D'autant qu'ils ont reçu récemment un petit cadeau: une augmentation de 18 000 F - comme ça - par le groupe libéral ! Je le répète, Monsieur le président, pour ma part, je voudrais bien faire partie de la catégorie des laissés-pour-compte de la fonction publique que sont les cadres supérieurs !
J'en viens aux charges. Monsieur Bertinat, j'ai calculé que, en francs constants, les charges n'ont augmenté que de 4%. Et 4%, c'est exactement l'engagement pris par le Conseil d'Etat lors de son discours de Saint-Pierre ! Je l'ai relu et l'ai vérifié: on ne peut donc absolument pas lui faire ce reproche ! Et cela d'autant plus, Mesdames et Messieurs les députés, que tout au long de la législature le parlement vote des lois qui ont un coût. Et ces coûts sont ensuite intégrés aux charges des différents départements, que ce soit au DIP, au DCTI, etc. Je le redis: toutes ces lois ont un coût. Il en est de même lorsque l'on négocie avec la fonction publique pour avoir un climat social apaisé: cela a un coût ! Toutefois, malgré cela, les charges ont été contenues.
Pour finir, j'en viens à la question des normes IPSAS, Monsieur le président. L'ICF nous a fait un excellent exposé, et a expliqué entre autres que l'entité publique autonome, que sont les SIG, qui a provisionné 130 millions n'aurait en réalité pas dû le faire, puisqu'elle est en régime monopolistique ! Au regard des normes IPSAS, elle aurait pu agir en tant qu'entité publique et ne pas classer l'outil en question comme elle l'a fait, comme un outil de production à effet mercantile. Elle aurait dû le classer comme une prestation publique. Et, à cet effet, elle aurait très bien pu enregistrer la somme décidée par le Conseil d'Etat suite à une votation populaire. Je m'inscris donc en faux contre ce qui a été dit tout à l'heure par un député ! D'autant plus que l'ICF l'a évoqué. Voilà, Monsieur le président, les trois éléments que je voulais relever.
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Je souhaite revenir sur deux ou trois points. Le premier concerne les différences de rythme de croissance entre les charges et les recettes. C'est ce qui rend difficile la gestion d'un Etat... Les dépenses de l'Etat sont en principe assez stables, mais ce qui peut changer, c'est le taux de croissance à moyen terme. Celui de la Confédération, par exemple, est de 3%. Le nôtre approchait, durant ces quatre années, 1,3 -1,4%. Quoi qu'il en soit, les effectifs, les missions ne changent guère... L'économie - particulièrement l'économie globalisée sans que les instruments de régulation aient été adaptés à cette nouvelle réalité - a, bien sûr, des cycles extrêmement prononcés: c'est le moins que l'on puisse dire ! C'est elle qui détermine les recettes. Et il est effectivement difficile de gérer cette évolution totalement différente. D'ailleurs, vous en avez eu une très belle démonstration: l'ambition de notre Conseil n'a jamais été, en début de législature, d'avoir un résultat positif de 786 millions en 2007 ou de 496 cette année ! Notre ambition, fondée sur des croissances usuelles, était beaucoup plus mesurée: nous voulions juste trouver l'équilibre des finances.
De ce point de vue, 2009 est l'année de vérité. En effet, la baisse du PIB, évaluée maintenant à moins 2,8%, annule d'une certaine manière les taux de croissance, très rares, de 3,3%, par exemple, taux que nous avons eu en 2007. Nous revenons maintenant au taux de croissance usuel, correspondant à la moyenne sur les quatre ans. Et, à ce jour, sauf scénario catastrophe pour le deuxième semestre, 2009 sera en équilibre. Et ça, c'est le point le plus important ! Cela signifie, si l'on fait la moyenne de deux très bonnes années, d'une année médiocre - 2008, avec 1,6%, ce qui n'est vraiment pas une croissance de PIB extraordinaire ! - et d'une année franchement mauvaise - la plus mauvaise depuis la Deuxième Guerre mondiale, c'est-à-dire un PIB de moins 2,8%, qui est tellement exceptionnel qu'en réalité on a les pires difficultés à imaginer que les méthodes usuelles d'estimation puissent fonctionner - qu'on est vraisemblablement en train de faire des pronostics plutôt conservateurs.
Un autre élément qu'il faut retenir, c'est que, pendant quatre ans, nous avons financé des besoins nouveaux en faisant des économies ici ou là, notamment sur les postes: sur le personnel administratif et technique, en profitant de mauvaises allocations de ressources, en profitant des gains de productivité dus à l'informatique et à une meilleure organisation. Pour faire quoi ? Eh bien, pour «restaffer» le pouvoir judiciaire, qui en avait certes besoin au niveau de son administration, pour ouvrir une nouvelle structure pénitentiaire - La Brenaz - et pour suivre l'évolution démographique dans l'enseignement postobligatoire.
Il faut que vous soyez conscients que nous sommes arrivés au bout, non pas de tous les gisements d'économie, mais des possibilités que nous avons de financer un certain nombre de tâches nouvelles uniquement par le biais d'économies faites ailleurs. Ce n'est pas parce qu'une nouvelle méthode informatique est utilisée qu'il faut deux fois moins de postes ! Cela a été le travail de cette législature, cela a été le discours du Conseil d'Etat: nous savions qu'il y avait des marges relativement faciles à mettre en oeuvre. En particulier, d'ailleurs, dans des secteurs qui n'ont rien à voir avec les postes, comme la gestion des liquidités: à l'évidence, plusieurs dizaines de millions d'intérêts ont été épargnés par ce biais !
Pour quelle raison vous dis-je tout cela ? Parce que vous devez savoir que lorsque l'on investit massivement, rapidement, cela implique des conséquences. On a décidé d'ouvrir Curabilis: bien ! Il faudra les postes pour que cette structure puisse être utilisée, sinon ce n'était pas la peine de la construire ! Ce n'est pas exactement la même chose, mais c'est aussi un peu vrai lorsque l'on effectue les travaux - vous le savez: ils se voient - concernant les TPG, puisque le but visé est le transfert modal. Un jour, il faudra bien que des trams circulent, ce qui signifie qu'il faudra des conducteurs ! Et caetera, et caetera ! Et vous allez vous retrouver, au fond, avec vos projets politiques à financer.
M. Bertinat est extrêmement cohérent: il veut moins d'Etat. Il veut même beaucoup moins d'Etat ! Mais ce n'est pas le projet du Conseil d'Etat ! Il vous reste, Monsieur Bertinat, à vous et vos amis, à être un peu plus précis sur ce que vous entendez par «moins d'Etat», sur ce que vous voulez supprimer, et à essayer de drainer une majorité du corps électoral autour de cet objectif. Cela peut se concevoir: le taux d'encadrement pour le primaire étant de dix-sept, vous pourriez vouloir le faire passer à vingt et un. C'est à vous de voir ! Quoi qu'il en soit, je le répète, ce n'est pas le projet du Conseil d'Etat - cela ne l'a jamais été - ni celui d'un membre du Conseil d'Etat.
D'autres députés ont expliqué qu'ils désiraient un peu moins d'Etat... Bien ! Là encore, je vous rappelle que, lorsque la population augmente de 1%, que l'inflation est de 1%, en principe, la croissance, à périmètre égal, s'élève à 2%. Et il faudra bien s'habituer à vivre avec cela ces prochaines années !
Enfin, une assez large majorité souhaite un Etat fort, mais bien géré... C'est à peu près ce que le Conseil d'Etat a essayé de faire, et il y avait du boulot: il faut le reconnaître ! Nous n'avons pas tout fait, loin s'en faut; beaucoup d'améliorations peuvent encore être apportées mais, au moins, il y a eu des améliorations et des progrès ont été accomplis: l'administration s'est mobilisée, de même que les collaborateurs. J'en profite, du reste, pour les en remercier et pour traduire les félicitations pour les réductions de coûts qui ont été réalisées par les uns et par les autres. Certains ont voulu remercier l'économie; je suppose que, par là, vous entendiez remercier tous les ouvriers, tous les employés, tous les cadres intermédiaires qui travaillent dans le secteur privé, pour le travail et la valeur qu'ils apportent à notre société. Et je me joins évidemment avec plaisir à ces félicitations, quel que soit le secteur d'activité.
Pour le reste, c'est vrai, nous allons connaître des temps un peu plus difficiles, et il faudra, me semble-t-il, être clair sur un ou deux points. Vous savez qu'année après année nos comptes sont améliorés par des correctifs sur les années antérieures: par exemple, 371 millions pour les comptes 2008 ! Mais, année après année, lorsque l'on recalcule à posteriori quelles étaient les recettes fiscales, elles sont, dans l'année, égales à ce qu'elles étaient avec les correctifs. Je vous explique cela pour vous rappeler que les correctifs ne sont pas liés à la conjoncture. Les correctifs concernent les comptes. Quand on fait les comptes, on connaît le PIB. Les erreurs viennent donc du passage de l'évaluation des revenus à la fiscalité. C'est, en fait, un amplificateur des taux de croissance.
Je peux donc vous confirmer - et 2009 en est très clairement la démonstration sur les six premiers mois - que ces correctifs vont continuer à tomber pendant l'année. Contrairement à l'idée qu'on s'en fait, ces correctifs ne sont pas dus aux aléas de la conjoncture. Nous connaissions le PIB à la fin de l'année et nous avons quelque peu modifié certains paramètres pour essayer de réduire cet écart; ceux-ci vont assez fortement nous pénaliser pour l'année 2009, car elle est à la baisse et que les amplificateurs exagèrent ce phénomène.
Je tiens encore à vous dire qu'en 2010 il y aura forcément - c'est mathématique - des correctifs sur les exercices antérieurs. Ils ne seront pas de 371 millions, mais cela m'étonnerait fort qu'ils n'égalent pas la moitié. Vous verrez qu'ils sont conséquents en 2009, et heureusement, d'ailleurs ! En effet, je vous le rappelle, vous avez élaboré votre budget sur la base d'une croissance de 0,5% - c'était ce que prévoyaient les instituts conjoncturels - et nous en sommes à moins 2,8% ! Heureusement, donc, que l'élaboration du budget s'est faite avec une approche extrêmement conservatrice, parce que cela nous permet d'avoir une année 2009 convenable malgré tout, et pour toute une série d'impôts, y compris sur l'année en cours.
Oui, nous chercherons à récupérer de l'argent thésaurisé: c'est évidemment notre intérêt et c'est notre intérêt de le faire en 2010 !
Oui, nous avons dû en 2006, quand nous avons fait les comptes 2005, effacer les amortissements différés - je le signale à l'intention de M. Marcet ! Du reste, Monsieur Marcet, c'est inexact: en ce qui concerne les caisses de pension, nous sommes rigoureusement conformes au nouveau modèle des comptes qui est valable pour l'ensemble des collectivités publiques suisses !
Et, enfin, c'est faux, Monsieur Marcet: la certification IPSAS ne permet pas de faire des comparaisons, étant donné que nous sommes le seul canton suisse à pratiquer ces normes ! Au contraire, cela implique de faire la traduction !
Quant aux écarts concernant la dette - il faut le savoir une bonne fois pour toutes - tout le monde sait qu'ils sont dus à une erreur de méthode à Genève, qui fait que depuis dix ans la Confédération, dans ces consolidations, considère les acomptes provisionnels comme une dette, parce qu'ils ne sont pas compensés, contrairement aux autres cantons, par l'argent dû par le contribuable. Depuis 2008, cette ânerie n'existe plus, de sorte que les chiffres vont être enfin exacts.
Pour finir, j'aimerais remercier les collaborateurs du département des finances, mais aussi ceux des autres départements, où chacun s'est mis en quatre pour vous donner des informations toujours plus précises, également toujours plus synthétiques pour les rendre utilisables. Notre Conseil a toujours considéré que la transparence est un moteur de changement. Il l'a donc utilisée, car tant qu'un problème n'est pas connu de l'opinion publique et du parlement, le Conseil d'Etat, qui se trouve face à ceux qui sont le problème - si je puis m'exprimer ainsi - ne peut pas le résoudre.
Voilà ! Je vous remercie donc d'approuver ces comptes. A mon sens, les comptes 2009 seront bons, sauf, je le répète, s'il y a un grave reflux des marchés financiers à l'automne. Mais, vous le savez aussi, avec la baisse d'impôts, avec les investissements massifs qui généreront des dizaines de millions d'amortissements, nous avons fait un choix, et ce choix implique que, pendant une année - voire deux - nous ayons peut-être des déficits. Mais c'est la volonté de notre Conseil - et, j'ai cru le comprendre, du vôtre - de dire qu'il faut «soigner» l'économie - au sens large - et éviter l'épidémiologie sur l'économie locale, puisque nous ne pouvons rien faire pour les branches exportatrices. C'est par ce biais que, demain, nous aurons les meilleures recettes fiscales ! Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la prise en considération du projet de loi 10458.
Mis aux voix, le projet de loi 10458 est adopté en premier débat par 63 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat (livre jaune)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous en sommes maintenant au point 3): «Examen des états financiers en deuxième débat». Je vous invite à prendre l'annexe du Rapport sur les comptes 2008 et à vous rendre à la page 6: «Bilan d'entrée». Nous voterons cette année ce bilan d'entrée, car le bilan d'entrée 2008 n'est pas conforme au bilan de sortie que nous avons voté en 2007. Il a en effet été modifié en raison des normes IPSAS.
Mis aux voix, le bilan d'entrée 2008 est adopté par 58 oui (unanimité des votants).
Le président. Nous passons maintenant au point 3), lettre b): «Vote du compte de fonctionnement». Conformément à la motion d'ordre qui a été acceptée, je vais appeler chaque département. Je vous demande de prendre le Rapport sur les comptes 2008, tome 2, et d'aller à la page 95, concernant la chancellerie. Monsieur Charbonnier, je vous donne la parole.
Comptes de fonctionnement
CHAPITRE 1: CHANCELLERIE D'ETAT
M. Alain Charbonnier (S). Merci, Monsieur le président. Nous avons auditionné M. le chancelier à la commission des finances. Un commissaire lui a demandé si les économies générées par les plans de mesures du Conseil d'Etat, suite au discours de Saint-Pierre, avaient eu un effet sur les prestations de la chancellerie. M. le chancelier a répondu - vous pouvez le voir à la page 32 de la première partie du rapport de M. Velasco - qu'effectivement certaines prestations avaient baissé, mais peu, notamment que les réceptions avaient «moins d'allure». A titre illustratif, il a indiqué que le standing des réceptions est passé d'un standing de cinq étoiles - on peut déjà être surpris par cela ! - à trois étoiles. C'est le seul exemple de diminution de prestation qu'il nous ait donné.
Pour ma part, j'aimerais tout de même savoir si certaines prestations fournies par la chancellerie, notamment l'accueil des organisations non gouvernementales - les ONG, comme on les appelle communément - n'ont pas baissé de façon importante.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Fehlmann Rielle.
Mme Laurence Fehlmann Rielle. Je voulais poser la même question, Monsieur le président !
Le président. Bien, alors je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Hiler.
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Je vous confirme, Monsieur Charbonnier, que le Conseil d'Etat ne souhaite pas, de façon générale, que les réceptions soient d'un standing trop élevé... Cela ne veut pas dire que l'on servira des cacahuètes - ce qui ne serait plus qu'une étoile ! Nous pensons en effet que faire «les importants» en servant des mets et des vins de grand prix ne paraît pas correspondre à l'image que l'Etat veut donner de lui-même.
En ce qui concerne les ONG - puisque c'est ce qui pose problème - j'aimerais dire deux choses. D'abord, vous devez quand même vous rappeler qu'il y a eu une reprise au niveau de la Genève internationale par le Conseil d'Etat. C'est la première chose ! Jamais, sans doute, un Conseil d'Etat n'a été aussi collectivement présent par rapport à la Genève internationale - je parle de la Genève internationale officielle: je parlerai des ONG après. Les gens se sentent considérés, accueillis, ils savent que la Ville et l'Etat sont là pour leur faciliter la vie, parce que - c'est logique ! - la gouvernance mondiale des organisations internationales établies à Genève est en train d'exploser. Ce qui se passe est extrêmement important. Evidemment, elles aiment un peu moins le référendum sur l'OMC... Si vous voulez le savoir, ce ne sont certainement pas les buffets de l'Etat qui déçoivent les organisations internationales, ce sont certaines particularités de la vie politique genevoise, comme l'affaire de l'OMC !
J'en viens aux ONG. Vous le savez, c'est la chancellerie qui effectue une partie de ce travail à La Pastorale. Les effectifs sont en effet assez réduits, puisque seulement deux personnes s'en occupent. On pourrait penser à augmenter cet effectif un jour ou l'autre, d'autant que nous avons davantage d'ONG qu'auparavant, ce qui génère un travail assez conséquent et implique d'être mieux organisé. Notamment entre La Pastorale et l'AFC, en ce qui concerne les exonérations pour utilité publique qui ont connu un record en 2008, ce qui est bien la preuve qu'on a fait un rattrapage. Les choses se passent bien ! On pourrait donc effectivement mettre un peu plus de forces pour cette tâche - ce n'est pas du tout exclu qu'on le fasse un jour - mais je ne pense pas que l'on puisse prétendre que les ONG ne sont pas accueillies comme il se doit actuellement et qu'un travail de fond n'est pas effectué pour les pousser à s'installer à Genève !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, y a-t-il d'autres questions concernant la chancellerie ? Si ce n'est pas le cas, je vous soumets les comptes de fonctionnement de la chancellerie.
Mis aux voix, les comptes de fonctionnement de la Chancellerie d'Etat sont adoptés par 48 oui (unanimité des votants).
CHAPITRE 2: FINANCES
Le président. Nous sommes à la page 109. Madame Bolay, vous avez la parole.
Mme Loly Bolay (S). Ma question a trait aux fameux gérants de fonds alternatifs - les hedge funds - qui vont débarquer en masse à Genève, gérants qui ont contribué, par leur manière de gérer ces fonds, à mettre l'économie mondiale à genou. J'aimerais savoir si à Genève - également dans le canton de Vaud, mais plus particulièrement à Genève - le gouvernement va leur offrir toutes sortes de facilités - je pense aux forfaits fiscaux, au fait de les aider à trouver une maison, dans une ville où l'on connaît un manque de logements accru - alors que ces personnes ont une très grande responsabilité dans la débâcle de l'économie mondiale.
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. D'abord, si j'étais vous, je ne ferais pas trop de projections économiques... Il ne faut pas croire tout ce qu'il y a dans les journaux ! Pour le moment, il n'y a pas un afflux confirmé de gérants de fonds alternatifs. Certains pensent s'installer, ils nous consultent, mais il n'y a pas, aujourd'hui, un afflux massif !
J'aimerais tout de même vous dire deux choses. Qu'un jour ou l'autre les fonds alternatifs provoqueront vraisemblablement une crise, soit, mais à l'évidence la crise des subprimes n'a rien à voir avec les fonds alternatifs: il faut le dire une bonne fois pour toutes ! Si vous aviez placé votre argent dans des fonds alternatifs, vous auriez moins perdu qu'en le plaçant dans des actions de l'UBS, parce que celle-ci est restée trop longtemps dans les subprimes, et la plupart des fonds ont des activités de nature différente.
Vous savez, à la bourse, quand les gens placent de l'argent, c'est pour en gagner ! Vous pouvez le faire de façon traditionnelle. Vous pouvez le faire en courant plus ou moins de risques... Les fonds alternatifs sont risqués. Vous pouvez le faire de façon plus ou moins mathématique, et les fonds alternatifs sont basés sur des modèles mathématiques. Comme ce sont des fonds à risque, ils rapportent beaucoup mais, a contrario, ils peuvent faire perdre beaucoup d'argent. Quoi qu'il en soit, cette crise n'a absolument rien à voir avec les fonds alternatifs ! Par contre, elle est en grande partie due aux banques d'investissement américaines, l'UBS et un certain nombre de banques européennes - que je ne citerai pas ici - qui ont investi massivement dans des crédits immobiliers pourris aux Etats-Unis par l'intermédiaire de produits structurés. Et les produits structurés, ce n'est pas non plus du fonds alternatif. C'est potentiellement tout aussi dangereux, mais ce n'est pas la même ingénierie !
Pour le reste, on ne peut pas, à mon sens, octroyer des forfaits à des personnes qui travaillent. En Suisse, les forfaits sont réservés à celles qui ne travaillent pas. Tous les cantons respectent-ils cette mesure de façon rigoureuse ? Je n'en sais rien ! En tout cas, la loi fédérale stipule qu'ils sont réservés aux personnes qui ne travaillent pas. Ce n'est donc pas cet outil !
Il faut comprendre de quoi il s'agit une bonne fois pour toutes ! Le problème de la fiscalité des gérants de fonds alternatifs, c'est que chaque propriétaire est imposé dans son pays s'agissant de la fortune qui est dans les fonds. Cela n'a rien à voir avec l'activité ! Si, comme c'est le cas, vous n'avez que des gestionnaires institutionnels suisses, puisque, à tort ou à raison, les caisses privées peuvent avoir jusqu'à 10 ou 20% d'allocation d'actifs sur les fonds alternatifs, eh bien cette partie n'est pas imposée, parce que ce sont les règles locales qui s'appliquent.
Maintenant, le problème porte sur les gérants, et je pense que ce qui n'a pas été compris - c'est la même chose avec le «private equity» - c'est de savoir s'il faut imposer les 20% qu'ils touchent sur l'augmentation de la masse. Si c'est du bien en capital, ce n'est pas taxé en Suisse; si c'est du salaire, c'est taxé et fortement taxé. C'est de là qu'est venue la polémique aux Etats-Unis, car aux Etats-Unis on est taxé sur les gains en capital... Tous les gérants de fonds - ceux qui ne sont pas dans les paradis fiscaux américains, s'entend - étaient donc imposés sur les gains en capital, c'est-à-dire beaucoup moins qu'un salarié aux Etats-Unis ! C'est de là que vient la polémique.
Ici, la circulaire fédérale a voulu indiquer la manière de répartir ces 20%, c'est-à-dire la partie salaire - puisque salaire il y a - et la partie gain en capital et, là, en Suisse, c'est l'impôt sur la fortune qui s'applique. Il ne s'agit donc pas du type d'exonération auquel vous pensez, visiblement. Je dirai même plus, aujourd'hui, en Suisse - c'est cela la polémique européenne ! - de par la fiscalité des cantons, les conditions faites à certaines entreprises sont beaucoup plus favorables que celles qui sont faites aux gérants de fonds alternatifs. Il s'agit d'une activité bancaire comme les produits structurés, comme le négoce de matières premières. Sachant que nous sommes dépendants de l'activité financière à raison de 25%, il faudra que chacun d'entre nous fasse un choix et se demande si toute activité financière doit être refusée - cela me paraîtrait un peu excessif - et comment nous ferons pour vivre sans cette activité et les recettes fiscales - vraisemblablement plus de 25% - qu'elle génère pour l'Etat de Genève. Alors, je le répète, il n'y aura pas de forfait pour des personnes qui travaillent.
Mme Elisabeth Chatelain (S). Je me réfère au rapport de la Cour des comptes que nous avons reçu tout récemment concernant l'audit de gestion relatif à l'organisation et à la fonction comptables de l'Etat de Genève. Ce rapport est très intéressant; il contient plusieurs recommandations qui ont toutes été acceptées par le département, mais je m'inquiète quelque peu des délais prévus quant à la mise en oeuvre de certaines de ces recommandations.
Par exemple, la recommandation sur le plan comptable, qui suggère très fortement d'adopter un nouveau plan de compte commun à l'ensemble des départements, afin de présenter une hiérarchie cohérente... Nous apprenons que ce n'est pas le cas: en commission des finances nous l'avions déjà remarqué, mais il faut peut-être le relever encore. Tout cela est certes très intéressant, mais je suis inquiète car le délai accepté par le département pour la mise en oeuvre est l'exercice 2012.
Je prends une autre recommandation - je ne donnerai que deux exemples - qui consiste à améliorer et à développer la qualité de l'information financière destinée au Grand Conseil - qui nous intéresse donc au premier chef... Je vois que le délai de mise en oeuvre est au 31 décembre 2011. Je ne peux donc que m'inquiéter également de ce délai bien tardif.
Pouvez-vous me donner des explications sur ces délais, Monsieur le conseiller d'Etat ?
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Je vous réponds volontiers, Madame ! D'abord, vous devez comprendre qu'il s'agit d'une prise de position du Conseil d'Etat. Elle eût été un peu différente si elle avait été celle de l'administration. Vous devez en effet savoir que la centralisation de la fonction finances n'est pas totalement acceptée par les directions financières départementales aujourd'hui ! Dans un tel cas, il faut faire les choses à un rythme acceptable pour que le changement n'aboutisse pas à désorganiser les services concernés. Cela veut dire qu'il faut bien rediscuter les modalités de ce changement.
Finalement, qu'est-ce qui est déjà centralisé dans la fonction finances ? Eh bien, la politique d'emprunt dans son ensemble, la gestion des liquidités - ce qui n'était pas le cas il y a encore quelques années - et le service des paies - les deux services des paies qu'il y avait autrefois ont été regroupés en un seul service. Un certain nombre de prestations sont donc aujourd'hui centralisées.
Le Conseil d'Etat pense que la fonction comptable doit être centralisée, ou plus exactement rattachée hiérarchiquement à la comptabilité générale. Parce que, physiquement, les gens doivent rester dans les services, dans un certain nombre de cas du moins. Qu'est-ce que cela signifie ? Que chaque département doit essayer d'identifier les forces qui lui sont nécessaires aujourd'hui ! Et transférer - pas forcément les personnes, qui peuvent avoir plusieurs activités: une comptable et une autre - des équivalents temps pleins d'un département à l'autre, et se lancer dans des comptes d'apothicaire dont l'administration a le secret pour savoir si ce sont 2,6 ou 3,4 postes qui doivent être transférés. J'ai connu tout cela ! Cette étape demande du temps et de la maîtrise.
Le Conseil d'Etat a donc accepté ces recommandations, mais si les choses prennent du temps, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un peu à vous qu'on le doit ! En effet, pour le budget 2011 - soit en 2010 - nous devons tout recommencer, puisque cette brochure doit être présentée non plus par centre de responsabilité, mais par prestation. Cela veut dire aussi que d'ici à 2011 - parce que, pour le moment, nous préparons une annexe pour 2010 - tous les indicateurs doivent être pertinents, pas trop, couvrant exactement la prestation ! Bien !
Ensuite, je vous rappelle quand même qu'il y a le «consolidé IPSAS» - souhaité par M. Weiss, tout à l'heure. Nous allons donc présenter la situation financière de l'Etat, de tous les grands établissements publics et de toutes les grandes régies publiques, en un seul document. Et cela ne se fait pas par un coup de baguette magique: ce sont des personnes qui le font, et ce sont les mêmes qui doivent réorganiser la fonction comptable.
Enfin, nous devons intégrer les exigences du nouveau modèle des comptes des collectivités publiques, ce qui réclame un changement sur la comptabilité par nature.
Alors, vous pouvez bien comprendre, Mesdames et Messieurs, qu'avec tous ces projets, tous relativement difficiles et tous transversaux, il faut essayer de faire les choses dans l'ordre !
Cela dit, il y a tout un volet qui va se faire avant - avant ! - et qui est un prérequis. Si nous voulons centraliser - au sens hiérarchique et pas au sens géographique - la fonction comptable, il faut au préalable, pendant l'identification des besoins, un manuel complet de comptabilité de l'Etat de Genève, c'est-à-dire que des centaines de directives soient disponibles sur le réseau. Nous sommes en train de construire: il est fait en partie, mais il nous faudra encore une, voire deux années, pour qu'il soit complet ! Cela aurait pu être fait bien avant - je m'excuse de vous le dire ! - car l'ICF nouvelle formule explique pratiquement depuis qu'elle existe qu'il faut un manuel comptable ! Il est en train d'être élaboré, mais maintenant il faut le terminer, et comme il s'agit de comptabilité IPSAS, vous imaginez bien que le sens commun ne suffit pas à comprendre certains points de ces directives. Au contraire, je dirai: parfois, le sens commun permet de ne pas les comprendre !
Donc nous allons faire tout cela, mais il faut du temps, car chaque année les directions financières de départements ont dû procéder à des changements majeurs. Il en est de même pour les staffs divers et variés dans le domaine des ressources humaines. Il y avait une vraie demande de leur part pour les laisser souffler en 2009... Mais nous n'avons pas vraiment accédé à cette demande car nous voulions à tout prix montrer cette version à blanc du budget par prestation. Seulement, il faut savoir que ces personnes n'en peuvent plus. Il faut donc reprendre un rythme moins soutenu, qui permette de mener les réformes sans que le Conseil d'Etat in corpore ou le conseiller d'Etat aux finances tout seul n'ait à descendre dans l'arène mettre les mains dans le cambouis. Cela serait encore normal, mais ce qui l'est moins, c'est qu'il ait aussi à mettre la tête dans le cambouis: cela devient désagréable, car cela l'oblige à se laver les cheveux tous les soirs !
M. Alain Charbonnier (S). Je voudrais poser une question concernant ce scandaleux, inique - je passe les qualificatifs - impôt d'après la dépense: je veux parler des forfaits fiscaux qui sont octroyés annuellement à certaines personnes dans notre canton, alors que les citoyens genevois, eux, paient leurs impôts normalement, c'est-à-dire beaucoup plus que ces personnes !
Ma question porte en fait sur l'historique des chiffres... En effet, en 2004, notre cher collègue et ami Christian Brunier avait interpellé Mme Brunschwig Graf en lui demandant quel était le nombre des allégements fiscaux et des forfaits fiscaux, et quelle somme cela représentait... Mme Brunschwig Graf avait répondu qu'en 2001 il y avait eu 590 forfaits fiscaux représentant la somme globale de 203 millions; en 2002, 630 forfaits, soit 220 millions et, en 2003, 640, soit 230 millions. La tendance était donc à la hausse et une forte hausse.
A ce propos, je vous rappelle qu'au début de cette année les Zurichois ont eu une excellente idée: à une grande majorité, ils ont supprimé les forfaits fiscaux. Cela a donné lieu à différents articles parus dans la presse, et dans l'un d'entre eux vous répondiez, Monsieur le conseiller d'Etat Hiler, qu'à Genève ils représentaient à peu près 70 millions en 2007 - je crois - ou 2006, alors qu'ils représentaient 230 millions en 2003. Je vous demande donc de nous dire quel est le nombre des forfaits fiscaux et ce qu'ils représentent en millions pour 2008. Je voudrais également savoir où nous en sommes pour 2009. Je vous remercie pour votre réponse.
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Toutes ces indications figurent soit dans le rapport de gestion soit dans les annexes aux comptes. Chaque année, et ce depuis un certain nombre d'années, le nombre de ces forfaits est indiqué ainsi que la somme qu'ils représentent au niveau de l'impôt cantonal. Vous avez déclenché une polémique sur les chiffres parce que, pour vous, l'impôt, c'est seulement l'impôt cantonal. Généralement, pour les gens, c'est l'impôt cantonal, plus l'impôt communal, plus l'impôt fédéral direct. Et l'IFD - ce n'est pas tout à fait le cas pour les autres cantons - est effectivement toujours élevé, car les forfaits accordés à Genève sont élevés.
Maintenant, je vais vous dire assez clairement les choses: il y a une loi fédérale et une loi cantonale. L'administration fiscale cantonale applique cette loi. La seule mesure d'appréciation, c'est qu'elle a été priée, tant par Mme Calmy-Rey que par Mme Brunschwig Graf que par moi-même, de demander des niveaux élevés, raison pour laquelle nous avons effectivement le niveau moyen le plus élevé de Suisse.
Zurich a supprimé la partie cantonale des forfaits fiscaux. Je précise juste au passage que la partie fédérale est maintenue. Vous savez ce que j'en pense ! Je ne peux pas vous empêcher de faire de la politique... Changez la loi et l'administration fiscale cantonale changera sa pratique ! Le Conseil d'Etat doit simplement vérifier que les critères sont respectés et faire en sorte que Genève, contrairement à d'autres cantons, ne distribue pas ces forfaits de façon aléatoire, dans des pochettes surprises !
Je vous rappelle tout de même que, pour l'heure, nous sommes les seuls, spécifiquement pour les forfaits, à imposer en ligne directe les successions, alors que les autres citoyens de ce canton ne paient pas. Et je tiens également à rappeler que ces impôts représentent 160 millions dans le budget 2009 ! Alors, tenez compte de tout cela, lisez les chiffres qui vous sont indiqués, et si cela ne vous convient pas, changez la loi ! Une partie figure dans le rapport de gestion et une autre dans les comptes. Je viendrai volontiers vous expliquer ce qu'il en est dans les documents, mais si c'est pour redire oralement ce qu'ils contiennent, ce n'est pas la peine !
M. Renaud Gautier (L). Je remercie le Conseil d'Etat d'avoir répondu à la question que j'allais lui poser, à savoir que si l'on parle des forfaits fiscaux, il faut au moins en parler complètement ! Cela signifie qu'il faut inclure l'impôt sur les successions, puisque les personnes qui ont un forfait, elles, y sont effectivement soumises. Je suis content que le Conseil d'Etat ait rappelé ce chiffre de 160 millions, ce qui n'est pas rien !
Je vais profiter d'avoir la parole pour revenir brièvement sur ce que j'ai dit précédemment... M. le conseiller d'Etat a plaidé tout à l'heure pour que ce parlement ait une certaine tolérance en ce qui concerne le temps de mise en oeuvre des changements imposés à l'administration, dans le cadre des nouveaux outils comptables que nous souhaitons. C'est vrai !
J'aimerais revenir un instant - si vous le voulez bien - sur la centrale commune d'achats. Si j'y reviens, c'est parce que je pense que c'est un excellent exemple d'un service d'un département qui a réussi à développer des prestations transversales pour une meilleure efficience, et ce, à des coûts réduits. Je pense que ce parlement se doit de soutenir ce genre de démarche, parce que cela préfigure ce que sera l'administration des années futures en accord et en relation, entre autres, avec le contrat par prestation.
Nous devons apprendre à ne plus raisonner de manière purement cylindrique, c'est-à-dire en étudiant un département de haut en bas ou de bas en haut. Nous devons apprendre aussi à réfléchir transversalement, en particulier dans les prestations fournies par l'Etat, que ce soit en interne ou à la société. En relevant l'excellent exercice effectué par la centrale commune d'achats, j'attire votre attention sur la quasi-rupture épistémologique que va représenter, à terme, pour ce parlement le fait de travailler par prestation. Nous ne pourrons plus ergoter pour savoir s'il s'agit d'un standing cinq étoiles ou trois étoiles ! Nous devrons réfléchir aux prestations que nous souhaitons que l'Etat offre, et le débat politique portera alors sur ces prestations en fonction de montants bien définis. Ces derniers sont, par définition, beaucoup plus importants que de nous perdre dans les détails en essayant de connaître le coût des poissons rouges - des poissons blancs, pardon ! - pour le département de M. Cramer ! Il s'agit de 6500 F: je vous le dis tout de suite, cela vous évitera de poser la question !
La centrale commune d'achats doit donc être considérée et étudiée comme la nouvelle manière dont l'Etat veut se présenter à sa communauté. Il faut soutenir ses efforts. Il faut reconnaître la difficulté que cela représente en termes de changement de raisonnement pour l'Etat, comme ce le sera pour nous. Je vous encourage vivement, dès maintenant, à faire cet effort, parce qu'en exerçant ce contrôle supérieur, c'est-à-dire en faisant des choix ou en validant les prestations qui seront fournies par l'Etat, ce parlement va pouvoir se réapproprier une fonction politique.
Le président. Merci, Monsieur Gautier. Mesdames et Messieurs les députés, avez-vous encore des questions concernant le département des finances ? Ce n'est pas le cas. Je vais donc vous soumettre les comptes de fonctionnement du département des finances.
Mis aux voix, les comptes de fonctionnement du département des finances sont adoptés par 50 oui (unanimité des votants).
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose une petite pause-café jusqu'à 10h05. (Exclamations.)
La séance est levée à 9h45.