Séance du
jeudi 11 juin 2009 à
17h
56e
législature -
4e
année -
9e
session -
45e
séance
PL 10199-A
Premier débat
Le président. Avant de commencer le débat, nous allons lire le courrier 2793, comme l'avait demandé Mme Anne Emery-Torracinta.
M. Alain Meylan (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai la lourde charge d'essayer de vous présenter une matière qui a suscité près de sept ans de débats au sein de la commission fiscale. Le traitement de ce sujet par ladite commission dans les années 2000 s'est conclu par l'adoption de nos cinq lois actuelles LIPP - loi sur l'imposition des personnes physiques - qui régissent notre régime cantonal d'imposition. Or, dès cette date-là, on le savait déjà, le contexte législatif devait évoluer, puisqu'un certain nombre de règles admises à l'époque étaient contraires au droit fédéral. En outre, plusieurs lois ont entre-temps changé, et il convenait dès lors d'entrevoir une modification de notre loi. C'est également la raison pour laquelle deux rapports d'experts ont paru en 2003 et 2004, qui amenaient certaines considérations et critiques par rapport à notre législation cantonale. Et c'est aussi pour cela que, au début de cette législature, un premier projet de loi - le PL 9903 - a été déposé par le Conseil d'Etat, lequel a été longuement débattu avant que celui que l'on va traiter ce soir, le PL 10199 déposé par l'Entente début 2008, vienne compléter la réflexion. Et pour que cette réflexion soit vraiment totale, le PL 10385 du Conseil d'Etat, qui est en fait une sorte d'amendement général proposé par ce dernier, a également été le fil conducteur de nos travaux en commission. C'est dire que la commission fiscale a procédé à de nombreuses explications de texte et a auditionné à plusieurs reprises tant les personnes intéressées que les communes dans le cadre de tous ces projets de lois, et cela également au début des années 2000. Ces projets de lois sont donc connus depuis plusieurs années et ont naturellement une incidence sur les recettes non seulement du canton, mais aussi des communes. Dans ce cadre, la commission a souhaité travailler sur le PL 10199 en prenant en compte les amendements et les propositions du Conseil d'Etat.
Après ce préambule et avant d'entrer dans le détail de ce qui est ressorti de commission, j'aimerais remercier très chaleureusement l'administration cantonale, les économètres et le responsable du département des finances et de l'administration, qui nous ont aidés et ont appuyé toutes les demandes de la commission. Ce ne sont pas moins de 160 simulations - lesquelles se sont elles-mêmes parfois déclinées en sous-simulations - qui ont été exécutées par les services de l'Etat et, au nom de la commission, je tiens à les remercier chaleureusement, ainsi que le président du département pour sa participation active et tout à fait efficace à ces travaux.
La commission a donc étudié pendant plus d'une année ce projet de loi, dont voici quelques-uns des objectifs: le regroupement des LIP I à V avec, en corollaire, une meilleure lisibilité du droit fiscal genevois des personnes physiques; une adaptation des derniers développements liés à la LHID - la loi d'harmonisation des impôts au niveau fédéral - et la prise en considération des lois fédérales entrées en vigueur depuis 2001; la prise en compte de la catégorie des partenaires enregistrés, ainsi que de la capacité contributive - une clarté de la loi fiscale renforcée par la suppression du rabais d'impôt.
Sur le fond, trois éléments importants ont été voulus par les auteurs du projet et acceptés par la majorité de la commission: tout d'abord un encouragement à la politique familiale, qui se concrétise par des déductions pour les charges d'enfants, ainsi qu'une déduction pour les frais de garde. C'est ensuite - et j'aurais pu commencer par là, parce que c'est essentiel - l'encouragement aux couples mariés qui, par l'introduction du splitting, va avoir comme conséquence que l'on rétablit l'inégalité de traitement qui existait jusqu'à maintenant entre les couples mariés et les couples concubins. Je vais essayer d'expliquer ce qu'est le splitting: actuellement, dans un couple, si les deux personnes travaillent et que l'une gagne 100 F et l'autre 50 F, elles sont imposées sur les 150 F à un taux lié au barème B - ce taux est lié à leurs revenus, c'est-à-dire 150 F. Avec l'introduction du splitting, elles vont être imposées toujours sur le même revenu - 150 F - mais le taux d'imposition va être pris sur la moitié de ces 150 F, c'est-à-dire qu'il sera basé sur un revenu théorique de 75 F. On va donc prendre ce taux et l'appliquer à 150 F. Et lorsque vous aurez saisi toute la progressivité que l'on connaît de la courbe fiscale, vous verrez que l'on rétablit véritablement l'égalité entre ces deux catégories de contribuables.
Le troisième pilier de cette réflexion liée à la révision de nos lois fiscales est le bouclier fiscal, voulu par les auteurs du projet de manière beaucoup plus sensible et plus importante. Toutefois, compte tenu d'une analyse raisonnable de la situation, on est revenu à un bouclier fiscal qui, nous le verrons, est donc correct; il s'appliquera et ne tombera pas dans un dumping d'impôts lié à nos voisins, puisque l'on reprend dans une certaine mesure le même principe et le même système que nos amis et voisins vaudois. Là aussi, ce sont des mesures convenables par rapport à notre situation, notamment fiscale, mais aussi par rapport à la situation concurrentielle de nos voisins.
Toutes ces mesures - je ne m'attarde pas sur les détails, parce qu'on les évoquera naturellement lors du deuxième débat, je l'espère, si l'entrée en matière est acceptée - ont...
Le président. Il faudra conclure, Monsieur le député, vous avez parlé sept minutes !
M. Alain Meylan. Oui, Monsieur le président ! Toutes ces mesures auront un certain impact financier: 321 millions en 2010, 387 millions en 2011 et 411 millions en 2012. Ces impacts se répartissent grosso modo entre 280 millions en faveur des familles - ce sont les deux points que j'ai cités en premier - et 37 millions pour le bouclier fiscal - 42 millions pour l'impôt sur la fortune en tout - l'addition de ces deux sommes représentant environ les 321 millions que je viens d'évoquer.
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur le député, vous pourrez reprendre la parole plus tard !
M. Alain Meylan. Dans ce cadre-là, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant de cette baisse d'impôts qui, je le rappelle, correspond grosso modo à ce que l'on payait pour la Banque nationale ces dernières années, il est en quelque sorte normal que ces 300 millions reviennent vers le peuple...
Le président. Je dois vous couper la parole, Monsieur le député, car vous avez largement dépassé votre temps de parole.
M. Alain Meylan. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose donc de soutenir l'entrée en matière de ce projet de loi, et vous en remercie d'avance.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. M. Meylan, rapporteur de majorité, vient de nous décrire le côté face, pourrait-on dire, de la pièce: à moi de vous conter le côté pile de cette révision et, humble privilège, de vous dévoiler qui empochera justement cette petite pièce ou cette grande pièce, si la révision est acceptée.
Le rôle et mandat de député est parfois bien étrange. M. Meylan, qui fréquente certainement le monde des entrepreneurs et de la finance, nous parle de cadeau aux familles; et moi, qui côtoie dans le cadre de mon activité des entités familiales ayant un revenu inférieur au revenu brut médian cantonal des contribuables genevois - qui s'élève environ à 66 000 F par année - je vous invite à refuser cette révision, qui n'est pas un cadeau pour ceux que la majorité prétend cibler.
Le rapporteur de majorité mentionne dans son rapport que les socialistes sont pleins d'aprioris idéologiques: mais de qui se moque-t-on ? Alors que notre monde est malade de la consommation, que des systèmes financiers mondiaux ont montré leur fragilité et avec eux la spéculation et la concurrence, voilà que vous prônez encore une fois une baisse des moyens de l'Etat. Et c'est nous qui sommes dogmatiques ?!
Mais pourquoi y sommes-nous opposés, me direz-vous. Premièrement, parce qu'en cette période de crise, d'incertitude et de redistribution des cartes économiques, ce n'est pas uniquement la consommation qu'il faut soutenir, mais bel et bien des projets collectifs proposés par les citoyens ou les entreprises locales. Ce projet de loi a un but fondamental: faire en sorte que les riches ne s'appauvrissent pas. Or pour nous, socialistes, l'Etat est là pour maintenir à l'égard de chaque citoyen contribuable la possibilité de vivre correctement.
Deuxième raison de notre refus: si les dernières années ont apporté une augmentation exceptionnelle des revenus de l'Etat, les prochaines années vont voir une diminution drastique de ces revenus, même sans compter le cadeau, principalement aux hauts revenus, que ce paquet ficelé va impliquer. Est-ce cela une bonne gestion de l'Etat ? N'est-ce pas ainsi que l'on construit des miroirs aux alouettes ? Peut-être comme les subprimes...
Troisième raison: avec les diminutions de recettes préconisées, Genève va perdre l'une de ses principales forces d'attractivité des entreprises à haute valeur ajoutée, sa qualité de vie basée sur les multiples services à la collectivité, que ce soit dans l'éducation et l'enseignement ou dans le social et le monde associatif dans son ensemble. La droite, par ce projet de loi qui porte le titre de l'aide aux familles, vise la liquidation d'un service public et de la protection sociale. Elle nie l'importance de toutes les actions altruistes, coopératives, pacifistes et désintéressées, c'est-à-dire non marchandes.
Quatrième raison: nous refusons de courir derrière des cantons qui bradent leurs impôts pour voir venir des riches contribuables.
La cinquième raison est que nous refusons d'offrir 40 millions à 1289 personnes avec la mise en place d'un bouclier fiscal, soit de donner à ces 1289 personnes 31 000 F de diminution d'impôts par année et par contribuable.
Enfin, nous refuserons ce projet parce que toutes les mesures liées au revenu bénéficieront spécifiquement et principalement aux riches contribuables. Nous, socialistes, étions prêts à étudier des mesures qui permettraient véritablement l'atténuation de l'effet de seuil pour les familles dont les revenus sont juste trop élevés pour bénéficier des subventions et aides diverses pour alléger les charges familiales, et qui se trouvent dès lors fortement taxées en regard de ces mêmes charges familiales.
Alors que la moitié des contribuables ont un revenu brut inférieur à 66 000 F, 25% possèdent un revenu brut compris entre 66 000 et 113 000 F, 15% un revenu brut compris entre 113 000 et 188 000 F, les 10% restant se situant entre 188 000 et plus de 2 millions de francs de revenus. Contrairement à ce que pense la droite, qui semble considérer qu'un revenu moyen se situe entre 60 et 250 000 F, la réalité des chiffres montre clairement que la classe moyenne des contribuables se trouve dans la tranche des revenus compris entre 66 et 113 000 F.
Les socialistes étaient également prêts à étudier le principe du splitting. A elle seule, cette nouvelle disposition aurait été suffisante comme mesure de soulagement aux familles - hélas, principalement aussi aux familles ayant un revenu confortable. Car il faut savoir que, pour les contribuables ayant un revenu brut inférieur à 113 000 F, seuls 20 500 sur 180 000 contribuables bénéficieront d'une baisse d'impôts d'une trentaine de francs. Pour les contribuables dont le revenu brut est supérieur à 188 000 F, le splitting permettra à 19 500 contribuables sur 24 500 de voir baisser leurs impôts en moyenne de 2700 F. (Brouhaha.)
Le président. Une petite seconde, Madame la députée ! (Le président agite la cloche.) S'il vous plaît, que ceux qui se trouvent au fond de la salle aillent discuter aux Pas-Perdus ou à la buvette. Merci !
Mme Lydia Schneider Hausser. La droite parle de cadeaux aux familles. L'abolition du rabais d'impôt - qui est une vraie mesure sociale de soutien aux familles à bas et moyens revenus, ainsi qu'aux personnes retraitées ou invalides - et son remplacement par des déductions sociales sont une catastrophe. En effet, le rabais d'impôt est le même pour tous les contribuables ayant des charges de famille identiques; en d'autres termes, le montant déduit est identique, que l'impôt avant rabais d'impôt soit de 6000 F ou de 25 000 F par mois. En revanche, les déductions sociales visent à modifier le revenu imposable. En gros, une famille avec deux enfants ayant un revenu imposable de 66 000 F pouvait déduire 3808 F avec le rabais d'impôt. Avec les déductions, on n'y arrive pas.
Pour terminer, signalons que, pendant la période de taxation 2010, ce ne seront pas 321 millions, mais bien 428 millions de revenus de moins qui ne seront plus disponibles pour les prestations sur l'ensemble du territoire. Toutefois, la variation communale de cette diminution du revenu n'est pas interprétable simplement à cause des influences multiples, comme la variation de structure familiale des contribuables. Il y a vraiment de très nombreux éléments: le nombre des contribuables, la distribution du revenu et de la fortune des contribuables, le taux de centime additionnel, la valeur du centime additionnel, etc. Mais nous laisserons les communes réagir, comme nous venons de le voir.
Vu la majorité de ce parlement, qui va certainement voter cette loi, les électeurs de ce canton auront à choisir entre un cadeau fiscal privilégiant majoritairement les contribuables à hauts revenus et des prestations publiques de qualité pour tous et, surtout, la garantie d'un soutien public et collectif ainsi qu'une protection sociale en cas de coup dur. Pour nous, socialistes, le choix est clair: un Etat au service de tous, dans la durée, est notre priorité.
M. Roger Golay (MCG). Au début de cette législature, soit en 2005, le groupe parlementaire du Mouvement Citoyens Genevois annonçait que sa politique financière cantonale était orientée sur la diminution de la dette monétaire et qu'il s'opposerait à toute baisse d'impôts par modification des barèmes fiscaux. Aujourd'hui, la dette a baissé de plus de 2 milliards de francs, passant ainsi de 13 à 11 milliards. De plus, les actifs étatiques couvrent complètement cette dette. Enfin, les comptes de l'Etat 2008 ont dégagé un excédent de plus de 500 millions et une provision conjoncturelle de 781 millions a été constituée pour couvrir les aléas économiques - et, avec eux, les incidences sur les recettes fiscales. Par conséquent, le groupe MCG a estimé que nous pouvions prendre les mesures nécessaires afin de réduire la pression fiscale sur les citoyens de notre canton, notamment la classe moyenne et les familles.
Lors de la présentation du projet de loi 10199, déposé par l'Entente, à la commission fiscale, le MCG s'était abstenu en raison de l'impact de celui-ci sur les recettes fiscales, dont la diminution se montait à 1 milliard. A ce moment-là, le MCG préférait le projet de loi du Conseil d'Etat, qui proposait une baisse de recettes beaucoup plus modérée. Puis, l'entrée en matière du projet de loi de l'Entente ayant été acceptée par la majorité de la commission, nous avons participé pleinement à son étude. Tout au long des différents débats en commission, la droite a fait preuve d'une très grande responsabilité quant au rôle et au bon fonctionnement de l'Etat, et l'Entente a accepté de très nombreuses dispositions sous forme d'amendements provenant du projet du Conseil d'Etat. Ainsi, la diminution des recettes fiscales découlant de ce projet de loi, prévue à l'origine à 1 milliard, se montera en réalité à 321 millions en 2010, à 387 millions en 2011 et à 411 millions en 2012. Ces baisses nous permettront d'être concurrentiels avec les cantons voisins. En outre, nous allons non seulement réunir plusieurs lois cantonales en une seule et nous mettre en conformité avec les lois fédérales, soit la LHID et la LIFD, mais également soulager de nombreux contribuables par l'introduction du splitting - c'est-à-dire la suppression du double barème pour les couples - une déduction plus importante pour chaque charge de famille, la mise en place d'un bouclier fiscal afin d'éviter que l'impôt ne devienne confiscatoire, sans compter l'augmentation des frais de garde pour les enfants. De plus, ce projet de loi maintient l'entier des déductions pour les frais de santé et l'exonération de 20% sur les anciennes rentes LPP. Enfin, nous estimons que les contribuables genevois ont fait beaucoup de sacrifices ces dernières années afin d'améliorer les finances publiques et qu'il est temps de relâcher la bride sur ces derniers. Par conséquent, le MCG soutient le projet de loi 10199.
Pour terminer, je tiens à remercier M. Hiler, conseiller d'Etat, ainsi que toutes les personnes de l'administration fiscale qui nous ont permis de mener à bien l'étude de ce projet de loi. Mes remerciements s'adressent également au rapporteur de majorité pour son excellent travail.
M. Claude Jeanneret (MCG). Sur le plan technique, mon collègue a indiqué ce qu'il fallait. Pour ma part, j'aimerais simplement dire que cette loi, pour une fois, pense à ceux qui ont été pendant des années les moutons de notre administration, c'est-à-dire la classe moyenne. En effet, cette classe moyenne - de même que les gens qui se marient et ont des enfants - n'avait en réalité aucune déduction ! Il y avait une espèce d'arnaque qui voulait que, si par exemple ils gagnaient à deux 120 000 F, on leur accordait une déduction de 1000 F pour les enfants et le couple, alors que cela leur coûtait le double en impôts, car la progression s'appliquait sur le salaire du conjoint.
Donc pour une fois, on a pensé à la famille, pour une fois, on a pensé à la classe moyenne et, pour une fois, on a pensé à ceux qui travaillent, qui ne sont pas subventionnés, qui paient plein pot la garderie, plein pot leur loyer, bref, qui paient tout à 100%, et qui sont quand même les gros contributeurs publics. Pour une fois, une loi pense à eux, et je crois que ce projet de loi est méritoire pour cela. En effet, il convient quand même que la famille soit protégée ! Il ne faut pas décourager le mariage et il est essentiel que le fait d'avoir des enfants ne soit pas pour les familles un poids tellement lourd que cela les décourage. Parce qu'on encourage bien sûr un peu les familles qui ne sont pas très aisées, mais celles dont les deux parents travaillent n'étaient pas du tout encouragées jusqu'à maintenant ! Il fallait faire garder les enfants pour que monsieur et madame puissent travailler, mais on ne pouvait quasiment rien déduire des frais réellement engagés. Il semblerait que dans la loi fiscale on a toujours dit que, lorsqu'on avait des dépenses qui permettaient de gagner de l'argent, on pouvait les déduire de l'argent gagné. Or, en l'occurrence, ce n'était pas le cas pour les familles, et c'est la raison pour laquelle, indépendamment du fait que ce projet de loi est bien conçu, le MCG sera deux fois content de voter oui parce qu'enfin on protège la famille et la classe moyenne.
M. Stéphane Florey (UDC). Dès l'annonce de ce projet de loi, le groupe UDC y a tout de suite adhéré. Celui-ci, outre une refonte complète de la LIPP, mène à l'abrogation du rabais d'impôt et introduit le splitting pour les couples mariés, de même qu'un bouclier fiscal pour les grosses fortunes et, le plus important à nos yeux, d'importantes baisses en faveur des familles, notamment par le biais d'une augmentation de la déduction pour charges de famille.
Malheureusement, nous sommes quelque peu déçus du résultat issu de la commission fiscale. Partie d'un projet de baisse fiscale d'environ 1 milliard de francs qui, au départ, il est vrai, était mal ciblé, parce qu'il favorisait principalement les grosses fortunes, c'est finalement d'une souris à environ 320 millions que la commission a accouché. Souris qui, pour nous, s'apparente plus à une réformette qu'à une vraie réforme, d'où notre déception. En effet, la commission avait axé ses travaux principalement en faveur des familles, puis sur une baisse généralisée. Et, clairement, ses objectifs n'ont été que partiellement atteints, pour la raison suivante: au fur et à mesure de l'avancement de nos travaux, les montants proposés par le projet initial de l'Entente induisant une baisse d'impôts, notamment ceux en faveur des familles, ont été fortement revus à la baisse. C'est pourquoi le groupe UDC a déposé quatre amendements - que je vous commenterai le moment venu - dont le but est de mieux cibler les objectifs initiaux. Toutefois, le groupe UDC votera bien évidemment l'entrée en matière de ce projet de loi.
M. Jean-Michel Gros (L). Etait-ce le fruit du hasard ou d'une prémonition particulière, si l'Entente a déposé ce projet de loi en janvier 2008 ? Nul ne pourra vraiment le dire, mais si c'était le hasard, on doit bien constater que celui-ci est devenu nécessité. En effet, les cinq lois fiscales qui régissent l'imposition des personnes physiques devaient absolument se fondre en une seule, et ceci dans deux objectifs: une meilleure lisibilité et une conformité à la loi fédérale d'harmonisation des impôts. Il convenait aussi d'alléger la charge fiscale des familles et de la classe moyenne. Enfin - et c'est ainsi que se rejoignent hasard et nécessité - il est important qu'en cette période de crise financière, voire économique, des allégements fiscaux permettent une relance de la consommation. Oui, Mesdames et Messieurs les députés, 320 millions qui retourneront dans le circuit économique, ce n'est pas rien pour notre petit canton. Et c'est pourquoi il est important de voter rapidement ce projet de loi, de façon que le peuple puisse se prononcer en septembre et que la loi, le cas échéant, entre en vigueur le 1er janvier 2010. Sinon, évidemment, son effet anticyclique ne se produirait pas.
Vous vous en doutez, le groupe libéral soutiendra ce projet de loi tel qu'issu des travaux de la commission fiscale. Il s'associe d'ailleurs aux remerciements adressés aux collaborateurs du département des finances, et plus particulièrement de l'administration fiscale cantonale.
Ce projet est un compromis: d'abord avec le Conseil d'Etat, qui a constamment attiré notre attention sur les risques de perte de recettes fiscales que le projet de l'Entente faisait courir dans les années difficiles qui s'annoncent; compromis aussi avec nos collègues de l'Entente, notamment en ce qui concerne les déductions pour charges de famille; et compromis enfin avec des opposants déclarés, comme les rentiers qui, avec la suppression du rabais d'impôt, risquaient de voir leurs charges fiscales augmenter de manière sensible. Toutefois, un système de déduction a pu être étudié, qui permet d'éviter cet inconvénient.
Certes, comme dans tout compromis, il y a des gens qui ne sont pas totalement satisfaits. Les libéraux auraient par exemple souhaité aller plus loin dans l'allégement fiscal, pour enfin faire passer Genève de l'enfer au purgatoire fiscal. Ils sont conscients que les déductions sociales accordées aux rentiers constituent une inégalité de traitement par rapport aux personnes actives. D'autre part, le bouclier fiscal concernant les personnes fortunées aurait pu être plus généreux puisque, comme le disait M. le conseiller d'Etat David Hiler, nous sommes totalement hors marché dans ce domaine. Mais bon, ce bouclier, calqué sur la loi vaudoise, nous permettra sans doute d'éviter ce que je pourrais appeler «l'exil de proximité».
Le groupe libéral est aussi conscient que ce projet crée de nouveaux «Gratisbürger», c'est-à-dire des gens qui ne paieront plus d'impôts. Cela est dû au système des déductions, et le groupe libéral maintient que la solution votée massivement en 1999 concernant une baisse linéaire des impôts de 12% ne présentait pas cet inconvénient. Mais les libéraux relèvent aussi tout ce que ce projet amène de positif, notamment le splitting intégral pour les couples mariés. Ce dernier va même au-delà des décisions du Tribunal fédéral et n'est, nous l'espérons, qu'un premier pas vers l'imposition séparée - même si nous connaissons les difficultés qui s'y rattachent - de façon que le fisc, enfin, ne s'occupe plus de la vie privée du contribuable. Le rabais d'impôt est enfin supprimé, au profit de déductions, et il est encore d'autres mesures positives qui sont décrites avec précision dans le rapport d'Alain Meylan - que je tiens, au nom du groupe libéral, à féliciter.
Toutefois, toutes ces améliorations, en particulier pour les familles, n'ont pas réussi à faire sortir les socialistes de l'ornière du refus. Bien que le projet de loi de l'Entente se soit nettement rapproché des idées du Conseil d'Etat - à majorité rose-verte, je le rappelle - ce parti gouvernemental persiste dans sa volonté de ne pas admettre que des allégements fiscaux sont indispensables pour notre canton. Mais le pire, Mesdames et Messieurs les députés, dans cette obstination socialiste, c'est qu'elle ne résulte pas d'un vrai débat: nous n'avons pratiquement pas entendu les socialistes en commission puisque, sans faire la moindre proposition, ils se sont contentés de s'abstenir sur tous les articles. Même sur un sujet qui semble depuis quelque temps leur tenir à coeur, à savoir l'imposition sur la dépense, autrement dit les forfaits fiscaux - tenez-vous bien, Mesdames et Messieurs - eh bien ils se sont abstenus ! A peine quelques borborygmes sont-ils sortis de leur gorge pendant ces débats, mais rien d'autre. Il y a toutefois eu un sursaut au troisième débat. Nous avons pu entendre alors quelques vieux slogans retrouvés sans doute dans les galetas poussiéreux du parti socialiste, du type: «Pas de cadeaux aux riches» ou encore «Il faudra nous dire où vous voulez faire des économies», choses que l'on entend depuis cinquante ans.
Des voix. Plus !
M. Jean-Michel Gros. Plus même, merci, Monsieur Barrillier ! Mais pas la moindre proposition...
Le président. Il vous faudra terminer, Monsieur le député !
M. Jean-Michel Gros. Je finis bientôt, Monsieur le président ! Pas la moindre contribution constructive au débat et, pour un parti gouvernemental, tout cela nous semble indigne ! Le parti libéral, lui, conscient de ses responsabilités, acceptera ce projet de loi tel qu'issu de la commission fiscale. (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vive la révolution ! Vive la révolution fiscale, et vive la révolution fiscale radicalement et démocratiquement... libérale. Effectivement, nous avons affaire à un compromis historique - mon collègue Gros vient de le rappeler - qui englobe toute la droite, y compris ceux qui parfois ne savent pas très bien où ils sont, ainsi que les Verts. C'est un compromis historique qui a bénéficié d'un appui actif du Conseil d'Etat et en particulier du conseiller d'Etat Hiler qui, dès le départ sur le principe, et progressivement sur les chiffres, a fait part de son intérêt, puis de son adhésion, et enfin de sa collaboration. Nous avons ainsi réussi à aboutir aujourd'hui, avec le rapport excellent et de poids déposé par notre collègue Meylan, à cette proposition qui va permettre à la révolution fiscale genevoise de se mettre en marche d'ici au 27 septembre, et d'abord ce soir.
La preuve essentielle de cette révolution, c'est effectivement l'introduction du splitting, du splitting intégral. Par rapport à tout ce que nous connaissons dans d'autres cantons, il n'y a que peu d'exemples - je crois qu'il y a notamment l'exemple saint-gallois - dans lesquels le splitting intégral a été introduit. Il y a une trop forte timidité, mais nous, Genevois, pouvons montrer que nous ne sommes pas timides en matière de fiscalité. C'est vrai, nous ne sommes pas timides, mais n'exagérons rien ! Certains ont voulu s'auto-exclure de cette révolution: les conservateurs, socialistes, qui ont une volonté que nous ne comprenons guère de punir leur électorat. Parce qu'enfin, qui va bénéficier de cette révolution ? Les enseignants, les couples d'enseignants, les assistants sociaux, les infirmiers, le personnel soignant, etc. Tout ce personnel - et celui de la fonction publique notamment, proche des idées socialistes - va être puni par le vote du parti socialiste, s'il refuse ce projet de loi. Mais il a encore l'occasion d'y réfléchir ce soir. C'est évidemment un vote de peu d'effet ici, mais on ne sait jamais ce qui peut se passer dans les urnes le cas échéant.
Pour notre part, nous voulons défendre ce projet de loi contre les socialistes, parce que nous croyons qu'il est bon pour l'ensemble de la collectivité, ainsi que pour tous ces secteurs, y compris la fonction publique, dont nous sommes aussi à notre façon les défenseurs. Mais peut-être aspirent-ils à répliquer la défaite qu'ils ont connue le week-end passé dans les urnes européennes; la rose est d'ailleurs tellement fanée aujourd'hui que certains songent à l'abandonner, ce qui montre bien où nous en sommes, ou plutôt où ils en sont !
Alors oui, nous défendons les familles, nous défendons la classe moyenne, dont les revenus vont de 70 à 210 000 F environ - cela correspond par exemple, lorsqu'on est en couple, à deux revenus d'assistants sociaux auxquels je faisais allusion. Et nous ne défendons pas - ou que minoritairement - les riches et les super-riches. Le bouclier fiscal est d'une modestie incroyable: 60% du revenu net imposable, auxquels il faut ajouter l'imposition fédérale, l'AVS et les contributions sociales. On est quasiment à des taux confiscatoires et l'on voudrait s'y opposer ? Alors qu'il pèse 37 millions sur un total de 387 millions en 2011, soit un dixième de cette révolution ?! Vraiment, c'est prendre la paille pour la poutre ! Et la poutre, nous voulons l'enfoncer pour modifier le système fiscal cantonal.
S'agissant du rabais d'impôt, c'est une genevoiserie calmy-rey'sienne, dont nous nous passerons fort bien. Cela permettra enfin aux contribuables de mieux comprendre leur déclaration d'impôts et surtout leur taxation, parce qu'il faut objectivement dire qu'aujourd'hui - sauf bien sûr pour les membres de la commission fiscale - comprendre sa taxation est une chose difficile. Evidemment, cela peut faire plaisir aux fiscalistes, mais ce n'est pas nécessairement agréable pour les contribuables d'avoir des déclarations difficilement compréhensibles.
L'enjeu n'est pas mince. Il a été rappelé qu'il s'agit de mettre au niveau fédéral la fiscalité et de nous mettre au niveau des autres cantons, dont la plupart ont procédé à des réformes, y compris le canton de Vaud. Il s'agit en outre de rendre cette fiscalité genevoise moins déséquilibrée, et c'est probablement le point sur lequel ce projet de loi pèche. Jean-Michel Gros l'a rappelé tout à l'heure, nous augmentons l'exclusion fiscale - mais de cela nous ne parlons jamais assez - dans la mesure où nous augmentons par dizaines de milliers le nombre de «Gratisbürger». Mais en même temps, nous démontrons combien ce projet de loi est social, nous démontrons par cette accentuation de l'exclusion fiscale la générosité sociale des auteurs, une générosité dont il faut admettre qu'elle est un peu mâtinée de réalisme politique. D'ailleurs, une députée Verte a elle aussi souligné ce point, s'agissant des communes, dans l'une des gazettes de notre république, en disant: « On a bien ciblé les baisses, puisque les secteurs populaires sont ceux où les impôts diminuent le plus». Eh bien oui, c'est ainsi ! Et là encore, on comprend difficilement les socialistes: non seulement ils frappent la classe moyenne mais, en refusant ce projet de loi, ils veulent frapper les milieux modestes ! Les quelques centaines de millions de pouvoir d'achat rendus à la population ne sont que peu de chose, mais ils sont un signal important de cette révolution fiscale.
L'objection faite sur le plan communal mérite d'être prise au sérieux. Certains édiles pourraient effectivement craindre des baisses. Mais qu'ils se rassurent ! D'une part, la péréquation est modifiée et, si besoin est, on la modifierait davantage et, d'autre part, certaines communes se mettent à prendre des décisions que nous considérons comme peu heureuses. Je pense par exemple à la Ville de Genève, qui tonne le plus...
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député !
M. Pierre Weiss. Je termine, Monsieur le président ! Lorsque la Ville de Genève décide de lever son «Personal-Stop», elle décide du même coup d'augmenter ses dépenses ! Eh bien nous ne voulons plus de cela; nous souhaitons que des choix courageux soient faits par les communes, et d'ailleurs les quelque 200 millions de bonis de l'an passé vont leur permettre d'aborder et d'absorber cette réforme et révolution facilement.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, les citoyens vont avoir le dernier mot; les quelque 63% d'entre eux qui vont bénéficier de cette amputation fiscale comprendront certainement qu'ils doivent appuyer ce projet, sans parler de tous ceux dont la situation ne sera pas changée ni détériorée. Je vous remercie, et vive la révolution fiscale libérale !
Mme Michèle Ducret (R). Je crois que l'on peut sans exagérer dire que le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui est l'un des plus importants et des plus déterminants de cette législature. C'est certainement celui qui aura l'une des plus grandes conséquences sur les citoyens de notre canton, et des conséquences heureuses pour la grande majorité d'entre eux, comme viennent de le dire plusieurs préopinants.
Je voudrais insister sur le fait que ce projet de loi est surtout réalisé en faveur de la classe moyenne, à laquelle je rends hommage, puisque ce sont des gens actifs qui, par leurs impôts, rapportent à l'Etat très souvent plus qu'ils ne coûtent. On ne pense pas assez souvent aux coûts qu'engendre chaque personne pour l'Etat; eh bien ces gens rapportent plus qu'ils ne coûtent ! Ils se financent eux-mêmes, et je crois qu'ils méritent donc que l'on fasse une fois un effort pour eux. Je salue par conséquent l'instauration du splitting, qui avait été demandé dès 2004 par le groupe radical, lequel s'était appuyé sur les travaux fédéraux. Ce splitting intégral, qui est encore mieux que celui que l'on nous proposait au plan fédéral, nous satisfait. C'est vrai que l'on pourrait un jour instaurer l'imposition par tête, mais on n'y est pas encore, et on avance à petits pas. Je salue également les déductions pour les charges de famille, ainsi que pour les frais de garde des enfants, autre projet radical que nous avions déposé en 2006.
Il existe encore d'autres améliorations dans ce projet de loi qui viennent d'être évoquées, notamment l'unification de ces cinq lois fiscales qui font le bonheur des fiscalistes et le malheur des contribuables, la disparition de ce calcul tout à fait incompréhensible - même par les mathématiciens les plus doués - et le fait que le barème est lui aussi unifié, ce qui va considérablement simplifier pour chacun le calcul de ses impôts. Mais ce n'est rien à côté de la baisse d'impôts qui va intervenir pour un grand nombre de personnes, qui attendent cela très impatiemment, Mesdames et Messieurs les députés. En effet, je ne compte plus le nombre d'individus qui m'ont interpellée en me demandant quand cette loi allait entrer en vigueur. Eh bien j'espère qu'elle entrera en vigueur le 1er janvier 2010, lorsque le peuple se sera prononcé favorablement en faveur de celle-ci.
Le projet de loi que nous avons déposé avec l'Entente était plus ambitieux que ce qui vous est présenté aujourd'hui, c'est vrai, mais peut-être était-il un peu trop ambitieux ! Je crois que nous avons été extrêmement raisonnables, et nous avons fait un pas en direction du Conseil d'Etat, qui lui-même a aussi effectué beaucoup d'efforts dans notre direction. C'est assez exemplaire du genre de travail que l'on peut faire en commission entre gens intelligents. Par conséquent, je considère que ce projet de loi, qui est un bon projet, devrait être voté de gaieté de coeur par ce Grand Conseil, en songeant que les personnes qui vont enfin être un peu déchargées du poids fiscal qui pèse sur leurs épaules vont peut-être pouvoir dépenser leur argent à autre chose et ainsi aider l'économie à redémarrer, ce dont elle a besoin. Je vous remercie par conséquent de bien vouloir adopter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Barazzone.
M. Guillaume Barazzone (PDC). Merci, Monsieur le président, de me donner l'occasion, au nom du groupe démocrate-chrétien, d'exprimer notre soutien à ce projet de loi. J'aimerais m'associer aux remerciements qui ont été adressés au rapporteur de majorité ainsi qu'au président du département des finances et à tous les collaborateurs de l'administration fiscale, sans qui nos travaux n'auraient pas pu être possibles. Du reste, je remercie également la rapporteure de minorité, qui permet finalement que le débat ait lieu ce soir.
Je disais que nous soutenions un projet de loi - M. Gros parlait de purgatoire - qui, je crois, entrouvre la porte du paradis aux familles. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi comporte deux dimensions. La première est une dimension structurelle, on l'a évoqué, et je crois que tout le monde dans cette enceinte est d'accord pour dire que le splitting est une mesure qui met fin à une inégalité de traitement totalement injuste entre les couples mariés et les concubins, inégalité que le groupe démocrate-chrétien dénonce depuis une vingtaine d'années. Il l'a régulièrement fait aux Chambres fédérales, et j'ose espérer qu'après le vote de ce soir et le soutien que les citoyens apporteront à ce projet de loi, cette mesure pourra être adoptée au niveau fédéral.
Une autre dimension structurelle, ce sont les baisses fiscales que le groupe démocrate-chrétien appelait de ses voeux depuis très longtemps, ainsi que les déductions pour charges de famille, qui amélioreront la situation des familles, notamment d'une classe de la population très spécifique - il s'agit en particulier des familles monoparentales, de celles qui habitent en milieu urbain et qui, pour la plupart, comme le disait la représentante des Verts, souffrent d'une situation économique qui devient de plus en plus difficile. Il y a en outre bien évidemment la déduction des frais de garde, que l'Entente et un certain nombre d'entre nous souhaitaient. Les frais de garde effectifs pourront être déduits jusqu'à concurrence de 4000 F par année.
Ce projet de loi a également une dimension conjoncturelle. On l'a dit, et je crois que l'on n'a plus besoin de le rappeler, nous vivons une période de crise qui touche les entreprises, mais de plus en plus également un certain nombre de particuliers qui connaissent une situation assez difficile au sein de leur ménage; or nous ne pouvons pas nous immiscer dans le salaire des gens, donc la seule manière de leur redonner du pouvoir d'achat, c'est de baisser la fiscalité.
Madame Ducret, vous disiez tout à l'heure qu'il s'agit du plus important des projets de la législature. Non, Madame, c'est le plus important des projets depuis dix législatures ! Dix législatures durant lesquelles le groupe démocrate-chrétien s'est battu pour qu'un certain nombre des mesures qui sont aujourd'hui incluses dans le projet de loi se réalisent. (Remarque.) Nous ne sommes pas les seuls, en effet ! Or nous nous sommes souvent heurtés d'une part à ceux qui voulaient baisser indistinctement la fiscalité, et d'autre part à ceux qui voulaient l'augmenter à tout prix. Je crois, Mesdames et Messieurs les députés, qu'aujourd'hui nous avons un instrument fiscal qui permet d'atteindre les objectifs qui doivent être poursuivis. Je pense que l'enveloppe fiscale de ce projet de loi est raisonnable et, contrairement à ce que disait la représentante de la minorité, ce texte ne met pas à mal les prestations de l'Etat - et je crois que le Conseil d'Etat pourra le confirmer tout à l'heure. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie d'accepter et de soutenir l'entrée en matière ainsi que le contenu de ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Michèle Künzler (Ve). «L'enfer» ! «La révolution» ! «Le projet le plus important» ! Revenons un peu sur terre: c'est un projet certes fondamental, mais ce n'est pas le plus important de la législature ! Il est des sujets comme le chômage, le social ou le logement qui sont tout aussi essentiels. Il n'y a pas que l'argent dans la vie ! Cependant, c'est vrai, il s'agit d'un projet important, qui poursuit deux objectifs, je crois qu'on l'a assez dit, dont un objectif formel: on se dirige maintenant vers un projet beaucoup plus lisible, qui voit cinq lois différentes fusionner en une. Ce sera donc enfin bien plus compréhensible. Bien sûr, on n'aura plus cette belle courbe bien lisse, mais enfin, c'était assez dur à calculer ! Et, surtout, l'on va enfin pouvoir faire des comparaisons entre les cantons. (Remarque.) Je l'ai dit à dessein, Monsieur !
Ce sont surtout des options politiques qui nous tiennent à coeur, notamment l'égalité entre les hommes et les femmes, qui sera favorisée par le splitting ainsi que par la possibilité de déduire des frais de garde. En effet, nous pensons qu'il est très important que, dans notre ville comme dans notre canton, qui est relativement cher, les familles soient aidées. Les déductions pour les enfants sont donc importantes - elles le sont du reste bien plus que partout ailleurs en Suisse - et nous trouvons que c'est une bonne chose. A ce propos, j'aimerais juste faire une remarque sur le fait qu'on avantagerait plutôt les familles riches. Eh bien non ! Car 85% des baisses fiscales - en chiffres pleins - concernent ceux qui gagnent moins de 200 000 F; il s'agit donc plutôt de cette cible-là, et 15% seulement touchent le haut du panel - je parle donc en francs. La plupart des gens qui ont des enfants verront leurs impôts diminuer de manière importante - de 50, 60, voire 70%. Et ça, ce sont des choses qui comptent ! C'est vrai que le splitting est l'une des mesures les plus importantes, même s'il s'agit d'une mesure qui coûte cher. Toutefois, ce n'est pas parce que deux conjoints gagnent énormément qu'il est moins juste de partager leurs revenus en deux ! Mais c'est vrai que les conséquences sont plus graves.
Une voix. J'ai rien compris !
Mme Michèle Künzler. On t'expliquera le splitting après ! Nous, nous pensons que c'est un projet important, qui amène vraiment des options politiques qui peuvent durer. La loi fiscale sera mise en place - nous l'espérons - pour un long moment, parce que le canton a aussi besoin de stabilité. Et cette stabilité fiscale est importante pour l'attractivité, car les gens doivent savoir à quoi s'en tenir.
Maintenant, c'est vrai que ce projet a des conséquences. Les baisses fiscales, il faudra les assumer ! Nous parions sur l'avenir: nous savons que les deux prochaines années ne poseront pas de problème, car nous avons une réserve conjoncturelle et, pour la suite, nous espérons que ce sera amorti. Concernant les conséquences pour les communes, j'ai quand même un petit problème: dire que l'on n'a pas été informé, je trouve que c'est un peu limite ! En effet, c'est inévitable, puisque la fiscalité communale dépend de la fiscalité cantonale; c'est donc forcément un coefficient. La seule chose qui a été surprenante - et ce, pour l'ensemble des membres de la commission je crois - c'est que les conséquences soient si différenciées entre des communes plutôt riches, comme Genthod ou Cologny, qui ont des baisses de 4%, et des communes comportant des populations un peu plus défavorisées, comme Onex, Lancy ou Vernier, où les baisses peuvent être de 14%. Mais, comme je l'ai dit, la bonne nouvelle c'est que la cible est atteinte. La mauvaise, c'est que c'est plutôt dans ces communes. Cependant, rappelons-nous qu'il existe une péréquation et que cette dernière est à même de corriger ces effets néfastes. Il faut donc vraiment prendre avec des pincettes les propositions qui ont été calculées sans tenir compte de la nouvelle péréquation. En effet, à terme, les effets ne seront pas forcément ceux qui sont décrits maintenant.
Encore un point - j'allais l'oublier - le bouclier ! (Exclamations.) Oui, effectivement, le bouclier n'est pas quelque chose qui nous plaît spécialement. On a toutefois déjà échappé au triple bouclier libéral, qui allait coûter 400 millions, et maintenant on arrive à un bouclier qui peut être assumé. Nous pensons que ce n'est pas forcément une bonne chose mais, dans l'ensemble, nous pouvons l'assumer.
En conclusion, nous voterons contre l'amendement, mais cela ne nous empêchera pas d'adopter ce projet de loi, que nous trouvons bon dans l'ensemble. (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Pour les socialistes, ce projet de loi n'est pas acceptable en l'état. Nous ne pouvons pas continuer à adopter la formule perdante qui veut que seules les réductions d'impôts vont résoudre tous les problèmes. Cette déclaration de Barack Obama le 5 février dernier reflète très bien la position des socialistes. Nous n'étions pas opposés à une baisse de la fiscalité en faveur des classes moyennes et des familles, mais nous étions soucieux de vérifier que cette baisse soit d'un montant supportable pour l'avenir du canton de Genève.
Peut-être faut-il rappeler à quoi servent les impôts dans notre société ? Ils servent à financer les écoles, l'éducation, les hôpitaux, la santé, les EMS, les crèches, les routes, les infrastructures de transports publics, la police, etc. Ils permettent au plus grand nombre d'entre nous d'avoir accès à des prestations et des biens auxquels nous ne le pourrions pas sans les impôts et la répartition ou la redistribution des richesses. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, les socialistes sont très attachés à ce que l'on ait des recettes fiscales qui permettent au plus grand nombre d'entre nous d'accéder à ces biens et à ces prestations.
Le problème de ce projet de loi, c'est que son parcours a eu lieu dans des conditions particulièrement scandaleuses et indignes de ce Grand Conseil, notamment parce que la droite a fait du forcing pour imposer son PL 10199, lequel n'avait évidemment pas été chiffré préalablement par l'administration fiscale et contenait de plus des montants complètement exorbitants, de nature à ruiner définitivement la République et canton de Genève. En outre, nous avons dû siéger deux fois par semaine au lieu d'une, il a fallu que nous traitions au pas de charge un certain nombre d'articles qui n'étaient pas conformes, pour finalement reprendre ceux du Conseil d'Etat, et nous avons dû boucler le troisième débat en une séance uniquement - je vous le rappelle, Monsieur Gros ! - parce qu'il fallait impérativement voter ce projet de loi aujourd'hui si l'on voulait qu'il soit soumis au peuple en septembre.
Ce travail a été particulièrement bâclé et n'a pas permis aux socialistes de déposer le moindre amendement pour corriger le tir. En effet, ce projet de loi se chiffre à 400 millions de francs pour le canton, et à 100 millions pour les communes, et les socialistes estiment que ces montants ne sont pas supportables pour l'économie genevoise, compte tenu de la conjoncture. Et, Monsieur Gros, j'aimerais d'ailleurs vous rappeler - vous demanderez à M. Meylan de vous le confirmer - que les chiffres figurant dans ce rapport ne sont pas les chiffres définitifs que nous avons reçus de l'administration fiscale. (Une alarme s'enclenche. Brouhaha. L'orateur s'interrompt. Un instant s'écoule.) Dois-je m'arrêter ?
Le président. Il est peut-être préférable que nous attendions que cette alarme cesse ! (Un instant s'écoule.) Trop de cigarettes ! (Un instant s'écoule.) Monsieur Deneys, j'ai stoppé votre chronomètre, ne vous faites pas de souci !
Une voix. Ça vient d'où ?
Une autre voix. C'est la main invisible qui ne veut pas de baisse d'impôts !
Une troisième voix. Non, c'est à cause des cigarettes ! Ce sont les députés qui ne respectent pas la loi ! (Brouhaha.)
Le président. Je suis désolé, mais l'alarme s'est déclenchée dans la salle où l'on fume, et l'on ne peut pas l'arrêter comme ça. C'est la deuxième fois que cela arrive ! Si vous le voulez, on lève la séance quelques minutes pour que vous puissiez sortir de la salle, et je vous rappellerai.
La séance est suspendue à 18h40.
La séance est reprise à 18h48.
Deuxième partie du débat: Session 09 (juin 2009) - Séance 46 du 11.06.2009