Séance du
vendredi 3 avril 2009 à
20h30
56e
législature -
4e
année -
7e
session -
39e
séance
P 1543-A
Débat
Le président. Nous sommes en débat de catégorie II: quatre minutes par groupe et pour les rapporteurs.
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. J'attends que Virginie veuille bien me rejoindre à la table des rapporteurs... (Exclamations.) Mais oui ! Je ne parlerai pas trop longtemps, parce que je vais lui laisser la parole. J'aimerais seulement vous dire que la commission a pris son temps pour traiter cette pétition. Je l'ai dit, il y a eu cinq présidentes et présidents qui se sont succédé pour l'examiner. (Brouhaha.) Mais je voudrais rappeler que, si elle a pris son temps, c'est parce que dans l'intervalle elle a dû se préoccuper de quatre projets de lois qui ont été déposés et qui sont venus perturber l'examen de cette pétition... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. Une petite seconde, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, un peu de silence, s'il vous plaît... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Merci.
M. Guy Mettan. Il y a d'abord eu un projet de loi déposé par Mme Leuenberger sur une faculté de l'environnement et un autre projet sur un institut de l'environnement. Et dans le cadre de l'examen de ces objets, nous avons eu l'occasion d'auditionner les milieux qui représentaient l'Institut d'architecture. Donc il n'est pas tout à fait exact de dire qu'on ne les a pas auditionnés. On l'a fait, mais dans le cadre de l'examen d'autres projets de lois.
Ensuite, le Conseil d'Etat a déposé un projet de loi qui refondait totalement l'Université de Genève, et la commission a jugé prioritaire d'examiner d'abord cette nouvelle loi sur l'université et de la voter. Et c'est vrai que cela a perturbé l'examen de cette pétition. Mais je voulais tout de même rappeler que la commission de l'enseignement supérieur a reçu à plusieurs reprises les milieux représentant l'Institut d'architecture et qu'elle s'est plusieurs fois alarmée du sort de cet institut, et notamment de son secteur d'urbanisme. Je reconnais que, de ce point de vue là, on peut avoir le sentiment d'un certain gâchis, parce que cela a pris du temps et que l'urbanisme, en tout cas le rôle de l'urbanisme à Genève, n'a au fond pas été tout à fait reconnu comme il aurait dû l'être. Mais comme maintenant cet institut n'existe plus depuis plusieurs années, la majorité de la commission a estimé que cette pétition n'avait plus de raison d'être.
Mme Virginie Keller (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité, de reconnaître que ce dossier est un vrai gâchis. C'est pour cela que le parti socialiste a souhaité faire un rapport de minorité. Nous savons bien que l'institut est aujourd'hui fermé; toutefois, il ne l'est pas depuis plusieurs années, comme le dit le rapporteur de majorité, mais depuis l'été 2008. Donc ce n'est pas si lointain que cela. Nous étions alors encore en train de discuter des différents projets qui occupaient la commission, notamment du projet d'institut ou de faculté de l'environnement.
Ce qui a dérangé le parti socialiste dans cette affaire... Enfin, le parti socialiste a été dérangé tout au long de cette affaire ! Car nous avons estimé que l'Institut d'architecture n'avait pas été considéré comme un vrai partenaire dans l'étude, la conception ou la réalisation de ce que l'on nomme aujourd'hui l'Institut des sciences de l'environnement, et l'on n'a pas reçu beaucoup de clarifications sur ce qui aujourd'hui existe et est proposé dans le cadre de l'Université de Genève. Non seulement l'Institut d'architecture n'a pas été considéré comme un véritable partenaire, mais en plus le parti socialiste a estimé qu'il y avait un certain flou autour de toute la question des professeurs et des postes. Des nominations ont été effectuées au sein de l'université pour le futur Institut des sciences de l'environnement alors même que le Grand Conseil n'avait pas voté les projets et que nous étions encore en discussion à l'époque.
Lorsqu'en commission on en est arrivé à étudier la fin de toute cette histoire, le parti socialiste a demandé une ultime audition afin de pouvoir tout simplement prendre acte de la façon dont cela s'était terminé, c'est-à-dire savoir quels professeurs ont pu être réaffectés à de nouveaux postes dans le cadre de l'institut, comment la transition allait se faire pour les étudiants encore en cours de formation, et surtout, Mesdames et Messieurs les députés, ce que l'on allait faire des budgets et des locaux. Sur cette question, en effet, on n'en a pas su beaucoup plus, finalement, que le fait que le budget de l'institut allait coulisser dans le futur Institut des sciences de l'environnement.
Donc nous avions tout simplement demandé à la commission d'attendre que le président du département, Charles Beer, nous donne des explications - car ce jour-là, il était malheureusement absent, ce qui arrive - et de pouvoir auditionner la direction de l'Institut d'architecture de manière à clore ce débat proprement, en respectant les travailleuses et travailleurs de cet institut, les étudiants et tout le corps intermédiaire.
Voilà pourquoi nous avons décidé de faire un rapport de minorité. J'espère que vous allez le voter et renvoyer ce dossier au Conseil d'Etat pour que nous puissions savoir comment cela s'est terminé et pour que les personnes qui ont travaillé longtemps dans cet Institut d'architecture et qui ont beaucoup donné à Genève puissent tout simplement avoir un minimum de considération de la part de ce parlement. J'espère donc que vous serez d'accord de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
De plus, je pense qu'il est important que ce parlement se rende compte que nous sommes dans un canton qui bouge. Nous avons besoin de bons urbanistes et de bonnes urbanistes, de personnes qualifiées dans la question de l'aménagement du territoire et du paysage. Actuellement, la formation à Genève n'existe plus vraiment, ou elle existe un peu, de façon partielle. Nous avons perdu des enseignements, ce qui est toujours à déplorer dans une région. Mais nous espérons que, comme il avait été promis et prévu par le Conseil d'Etat, un certain nombre de ces compétences en aménagement du territoire, en urbanisme et en paysage seront fortement représentées dans le programme de l'institut.
Voilà ce que le groupe socialiste voulait dire ce soir à ce parlement. Je vous demande de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, pour que nous puissions avoir un rapport en bonne et due forme et terminer dans le respect cette malheureuse affaire.
M. Alain Etienne (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais effectivement prendre la parole après la rapporteure de minorité, bien que nous soyons du même parti et qu'elle ait déjà dit beaucoup de choses. Pour le parti socialiste, cette pétition est un véritable crève-coeur, un déchirement. Comme vous l'avez rappelé, Monsieur Mettan, la commission a pris beaucoup de temps pour la traiter, mais le but d'une pétition est d'essayer de faire véritablement pression et de porter le plus loin possible une préoccupation de la population. Les pétitionnaires étaient venus à l'époque, en 2005, pour dire qu'il fallait s'occuper de cet institut, qui était en train d'être démantelé. Une sorte de rouleau compresseur arrivait et il fallait vraiment agir. Aussi, dire que l'on a pris du temps parce que l'on attendait le vote de la loi sur l'université n'était pas très respectueux des préoccupations des pétitionnaires.
Je profite de cette occasion pour rappeler les spécificités de cette formation postgrade. Il s'agissait notamment de valoriser les particularités de la Genève internationale, avec lesquelles elle doit pouvoir vivre. Il y a effectivement le projet d'agglomération... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mme Keller l'a rappelé, beaucoup de choses se passent actuellement au niveau de l'aménagement du territoire, en relation avec le projet d'agglomération et la région transfrontalière qui est en train de se faire.
En outre, la sauvegarde du patrimoine moderne était enseignée à Genève. Alors la question que le parti socialiste souhaite poser au Conseil d'Etat est de savoir où, maintenant, se fait cet enseignement. En fait, quelle place est donnée aux enseignements ayant fait la renommée de l'Institut d'architecture ? Sont-ils repris dans le projet du nouvel institut ? Où en est le projet de ce nouvel Institut des sciences de l'environnement et du développement durable ? Et enfin, Mme Keller l'a demandé, comment ont été réglés les départs des personnes qui travaillaient à l'Institut d'architecture ? Le but du renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat est donc bien d'obtenir des réponses de sa part.
En conclusion, le parti socialiste est extrêmement déçu par la fin de l'histoire de cet institut; il s'agit effectivement d'un énorme gâchis, c'est pourquoi les socialistes vous invitent à voter le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député... (Brouhaha.) Un peu de silence, s'il vous plaît ! La parole est à M. Weiss.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, il est évidemment triste d'intervenir sur le sort des morts. Et au fond, c'est ce à quoi nous amène cette pétition. Elle nous amène à parler de quelque chose d'un temps qui n'est plus, qui ne reviendra pas et dont on peut avoir une certaine nostalgie... (Remarque.) «Qu'ils n'ont jamais connu...», dit mon ami Gautier. Mais elle nous pousse aussi à réfléchir sur au moins trois questions fondamentales.
La première concerne la collaboration lémanique en matière de formation dans le domaine de l'architecture. Certains ont oublié qu'il existe à Genève une excellente école d'architecture dans le cadre de la HES. J'aimerais ici en louer les capacités, les compétences de ses diplômés et leurs possibilités d'intégration dans le marché du travail, ces derniers étant très fortement recherchés par les employeurs potentiels. En outre, il y a aussi la formation des architectes et des urbanistes à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, dont on sait la renommée, qui dépasse la Versoix, et parfois même le Jura ! Par conséquent, s'agissant de cette école, l'on devrait se rendre compte qu'il est parfois nécessaire d'unir nos forces plutôt que de vouloir maintenir des souvenirs du passé, certes excellent, mais probablement obsolètes.
La deuxième réflexion porte sur l'université en tant que telle: il s'agit de savoir quel doit être son propre développement. Doit-elle se vouloir comme une université qui déploie ses activités dans tous les domaines de la connaissance et de la formation universitaire ? Doit-elle se spécialiser dans certains d'entre eux ? Ou bien doit-elle faire presque tout, mais pas tout à fait tout ? C'est ce qu'a décidé le Conseil de l'Université lorsque, bien avant 2008, Madame Keller Lopez... (Remarque.) Pardon ?
Une voix. C'est Mme Keller !
M. Pierre Weiss. Madame Keller ex-Lopez, veuillez m'excuser... (Exclamations.) Avant 2008, l'université a décidé de ne plus ouvrir la possibilité de former des architectes à Genève, la dernière volée ayant fini en 2008. J'allais dire: la fin de la dernière volée. Vous nous direz certainement plus précisément quel a été le coût de formation des derniers étudiants de la dernière volée après une dizaine d'années de présence à l'université, lorsqu'ils sont enfin sortis de cette école d'architecture.
La troisième réflexion de fond, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, concerne l'autonomie de l'université. Ici, l'on a eu affaire à une décision interne de l'université. Et nous, députés, devrions être amenés à nous prononcer sur ce que devrait et ne devrait pas offrir l'université comme voies de formation. A nouveau, ce débat est dépassé, puisqu'avec la nouvelle loi nous avons tout simplement reconnu à l'université la capacité d'être autonome dans ce que doit être son offre de formation. Au fond, un député socialiste l'a dit de façon tout à fait transparente, le débat sur cette pétition en cache un autre...
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.
M. Pierre Weiss. Je conclus, Monsieur le président. Ce débat en cache un autre: celui concernant l'institut ou la faculté de l'environnement. On a voulu, finalement, comme dans l'Inde traditionnelle, essayer de passer d'un corps à un autre, de donner une nouvelle vie sous un autre nom. Eh bien, on a échoué, il faut savoir l'admettre. Il y a un moment où il faut savoir tourner la page et terminer une intervention. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons donc nous prononcer sur cette pétition 1543... Monsieur Etienne ? Il vous reste vingt secondes.
M. Alain Etienne (S). La stratégie de M. Weiss est d'intervenir toujours en dernier pour essayer d'emballer tout cela... (Commentaires.) «Cela a été châtré !» Quelle expression ! Je voulais seulement dire - ce que vous n'avez pas compris, Monsieur Weiss - que le parti socialiste attend des réponses du Conseil d'Etat. Et tout l'intérêt du renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat est précisément d'avoir des réponses, de clore le sujet et de savoir ce qui s'est véritablement passé, pour enfin avoir la conscience tranquille et pouvoir faire «le deuil» de l'Institut d'architecture.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce débat n'est effectivement pas très frais du point de vue de l'actualité. Il représente néanmoins une page que nous devons savoir tourner correctement par ce débat parlementaire, d'où l'importance pour moi de dire quelques mots à ce sujet.
Lorsqu'une formation s'arrête, c'est toujours une page qui se tourne avec une perte. Cependant, je me dois de rétablir un certain nombre d'éléments sur le plan simplement historique... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le conseiller d'Etat. Un peu de silence, s'il vous plaît, un peu de politesse ! Merci.
M. Charles Beer. ...pour expliquer que, dans les faits, l'Institut d'architecture à Genève est mort il y a pratiquement quinze ans. C'est effectivement en 1994 qu'est entré en force un accord prévoyant que le premier cycle de la formation devait s'effectuer par l'ensemble des étudiants genevois à l'EPFL, ce qui veut dire que, par la suite, aucun de ces étudiants n'est revenu. Cela a amené l'Institut d'architecture à faire, pour son deuxième cycle, du recrutement extérieur, avec des particularités qui l'ont fait reconnaître dans plusieurs compétences qu'il convient de relever: probablement pas directement dans la construction, mais beaucoup plus dans l'urbanisme et, d'une manière générale, la critique - dans le bon sens du terme - du développement de la ville.
Je tiens à le dire parce que quinze ans d'histoire ont montré que cet institut, dans les faits, avait déjà disparu. Et à un certain moment, il fallait se décider, malheureusement, à mettre de l'ordre. En effet, quand il est difficile de tourner une page, on a tendance à vouloir garder le livre ouvert et en même temps à accepter quelquefois certains dysfonctionnements. Parmi les dysfonctionnements, j'aimerais relever que pratiquement 40% des étudiants de l'Institut d'architecture se trouvaient au-delà du parcours normal d'études et pouvaient cumuler jusqu'au double de semestres tolérés à l'université. Ce fait est évidemment regrettable.
Maintenant, lorsque les rectorats Hurst, puis Weber et enfin Vassalli ont décidé de tourner la page, il convenait tout de même de remarquer qu'il y avait des gens qui travaillaient bien, avec compétence; or, dans plusieurs cas, il a fallu les réorienter ou qu'ils prennent congé, avec tout ce que cela implique de difficile.
Si je prends la parole ce soir, c'est pour dire avec M. le député Weiss que tout n'a pas disparu de Genève, puisque la HES Genève, particulièrement l'Ecole d'ingénieurs, qui vient comme vous le savez de se marier avec l'Ecole d'ingénieurs de Lullier pour créer la HEPIA - la Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture - offre effectivement une nouvelle possibilité à saisir, notamment par la mise en synergie de ce qu'amènent l'architecture traditionnelle et l'architecture du paysage. Je tiens à dire que, dans le domaine de ce que prévoit cette nouvelle école, la HEPIA, il y a également de véritables zones nouvelles à explorer en ce qui concerne l'aménagement, notamment de la ville. Je souhaite que l'esprit critique qui accompagne très souvent l'Institut d'architecture se développe également à l'aune de cette nouvelle école, en donnant une dynamique qui nous permette de concilier l'architecture et la construction, mais aussi le développement durable, de même que le prévoient plusieurs centres de compétences à l'Université de Genève.
Je crois profondément, Mesdames et Messieurs les députés, que si l'on avait à un certain moment accepté d'établir des synergies entre l'université et les HES, on aurait probablement pu tourner la page de façon moins douloureuse. Il est dommage qu'il ait fallu attendre aussi longtemps pour finalement y arriver. Mais, aujourd'hui, je suis en mesure de dire que l'Université de Genève, avec les HES Genève, déploie de véritables centres de compétences interinstitutionnels, qui promettent des développements importants pour Genève, pour son avenir, pour l'architecture, l'urbanisme et le paysage.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons nous prononcer sur la proposition du rapport de majorité concernant cette pétition, c'est-à-dire le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission de l'enseignement supérieur (dépôt de la pétition 1543 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 44 oui contre 11 non et 12 abstentions.