Séance du
jeudi 2 avril 2009 à
17h
56e
législature -
4e
année -
7e
session -
35e
séance
M 1516-A
Débat
Mme Fabienne Gautier (L), rapporteuse. Cette proposition de motion a été déposée au Grand Conseil en février 2003 et a été traitée la même année par la commission des affaires sociales, qui a procédé à des auditions. Lors de son traitement en commission, cette commission a été suspendue à deux reprises, une fois en 2003 et une fois en 2007, raison pour laquelle nous la retrouvons en 2009 à l'ordre du jour de notre plénière.
Cette motion concernait spécialement une antenne qui servirait à décharger et à répondre 24 h/24, lorsqu'il y a maltraitance et violences faites aux enfants. Lors des auditions de 2003, M. Bouvier, médecin directeur au service de santé de la jeunesse, nous a dit que différents services étaient mis en place et fonctionnaient bien. Il existait notamment une commission qui avait été instaurée dans le début des années 90, une plate-forme avec différents services de l'Etat concernant cette problématique, car il s'agissait de s'interroger sur des objets spécifiques et de répondre à des besoins particuliers.
Le service de santé de la jeunesse estimait que la communication entre les différents services pouvait être encore améliorée. Sur le plan émotionnel, les personnes qui travaillaient sur le terrain étaient particulièrement touchées, mais la coordination entre les différents services fonctionnait bien. Le service de santé de la jeunesse avait également informé à l'époque la commission des affaires sociales qu'une évaluation par le tuteur général sur ce sujet était en cours et que les conclusions de cette évaluation permettraient encore d'améliorer l'efficacité et la communication entre les services, afin de répondre à ce problème de maltraitance et de violences faites aux enfants.
La commission a également auditionné à l'époque les services du tuteur général, qui ont confirmé que les conclusions du rapport allaient arriver. La commission des affaires sociales a donc pris la décision de suspendre ses travaux afin d'attendre les conclusions de ce rapport, puis elle a repris cette proposition de motion en 2007, avec l'audition de Mme Nicod, qui représentait les services de la protection des mineurs de l'office de la jeunesse. Mme Nicod confirmait que, selon le rapport du tuteur général, énormément d'améliorations avaient été effectuées, notamment l'ouverture d'une unité médico-sociale d'intervention d'urgence qui garantissait des interventions de 18h à 8h, le reste d'entre elles étant assuré par le service de protection des mineurs ou le service de santé de la jeunesse. Ainsi, un service d'accueil pouvait faire face 24 h/24 à ces problèmes et répondre aux différents enfants qui pouvaient téléphoner et poser des questions au sujet de la maltraitance et des violences sur les mineurs.
Par ailleurs, il nous a été également confirmé par Mme Nicod qu'une autre proposition de motion - la M 1761 - traitant de l'affirmation d'une politique genevoise pour l'éducation spécialisée en faveur de la jeunesse était en cours de traitement et que, si cette motion était renvoyée au Conseil d'Etat, elle répondrait à ce qui était demandé dans la M 1516. Par conséquent, la commission a demandé à nouveau la suspension de ses travaux sur la M 1516, afin de pouvoir traiter des deux motions en même temps.
La M 1761 a été traitée par la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture, puis a été renvoyée au Conseil d'Etat par notre hémicycle en plénière, et notre parlement a pris acte à l'unanimité le 19 septembre 2008 du rapport du Conseil d'Etat sur cet objet - rapport qui avait été déposé le 27 juin 2008. Et comme, selon Mme Nicod, cette motion 1761 remplissait totalement ce qui était demandé dans la proposition de motion 1516, la commission des affaires sociales a refusé l'entrée en matière de cette dernière à une large majorité lorsqu'elle en a repris l'étude.
En conclusion, je vous demande de suivre la majorité de la commission des affaires sociales, c'est-à-dire de refuser la proposition de motion 1516.
M. Christian Bavarel (Ve). L'objet que nous traitons aujourd'hui invite simplement le Conseil d'Etat «à évaluer la nécessité de mettre sur pied un nouveau service, fonctionnant 24 h/24, qui garantisse l'anonymat et la confidentialité aux parents en leur offrant les prémisses d'une relation personnelle en vue de les amener à comprendre leur enfant par une démarche centrée sur eux-mêmes» et, deuxièmement, «à débloquer les moyens financiers et administratifs en vue de mettre sur pied dans les meilleurs délais cette nouvelle structure psychosociale, dès que la nécessité de ce nouveau service sera admise.» Voilà les invites de cette proposition de motion ! (Commentaires.) Vous avez le texte, Monsieur le député Bonny ! Je veux bien articuler plus mais, comme vous avez le document sous les yeux et que mon intervention ne va pas être centrée sur ce sujet-là, je vais néanmoins poursuivre.
Cette proposition de motion, qui avait donc pour invites ces deux objets, a été déposée en 2003 et, en fait, nous sommes beaucoup plus en train de nous demander comment nous travaillons ici au Grand Conseil et quel est le rythme de nos travaux. Madame Gautier, nous avons entendu vos arguments, mais nous aurions souhaité entrer en matière et pouvoir étudier cette proposition de motion plus à fond. C'est vrai que nous n'avons pas déposé de rapport de minorité, et l'on considère aussi que les choses ont peut-être trop tardé, mais nous aurions néanmoins voulu l'étudier un peu plus. En conséquence, si par hasard notre Conseil accepte d'entrer en matière, à ce moment-là - mais à ce moment-là seulement ! - je demanderai un renvoi en commission, parce qu'effectivement les invites ne sont plus tout à fait d'actualité, même si le sujet reste important. Voilà ! Le parlement travaille à un rythme qui fait que les sujets ont tendance à se dégrader par eux-mêmes et deviennent un peu photosensibles. A ce sujet, je vous conseille de regarder le blog de notre collègue Pierre Losio, où vous trouverez une analyse à peu près fine de la vitesse de nos travaux et des objets en suspens. Celui-ci en est malheureusement une illustration cuisante !
Le président. Merci, Monsieur le député. Demandez-vous un renvoi en commission ? Non... Très bien, la parole est à Mme Hirsch.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, les démocrates-chrétiens s'abstiendront sur cette proposition de motion, comme l'ont fait à l'époque les membres PDC de la commission des affaires sociales. En effet, ainsi que vient de le dire M. Bavarel, les invites de cette motion peuvent paraître un peu obsolètes.
Mme Nicod a dit que l'unité médico-sociale d'intervention d'urgence répondait entre autres à la première invite, en ayant ses services ouverts de 18h à 8h, soit en dehors des heures d'ouverture des services sociaux habituels. Toutefois, on peut quand même rester songeur à la lecture de certaines affirmations contenues dans le rapport. En effet, on peut lire que le service de protection des mineurs - SPMi - fonctionne parfaitement, alors que bien des gens qui ont affaire au SPMi, tant les professionnels qui y ont recours que les parents des enfants qui sont suivis par ce service, ont pu constater bon nombre de dysfonctionnements. Par conséquent, si les invites de cette motion sont obsolètes, on ne peut pas dire pour autant que le service de protection des mineurs fonctionne parfaitement.
Dans son rapport sur la M 1761, le Conseil d'Etat nous annonce certains rapports, notamment sur une expérience pilote d'assistance éducative en milieu ouvert et un projet qui doit démarrer avec des éducateurs de la FASe concernant la mise en oeuvre de l'assistance personnelle. Le groupe démocrate-chrétien suivra donc avec attention le dépôt de ces différents rapports et gardera un oeil sur ces problématiques, parce que nous tenons quand même à relever qu'il y a certainement encore beaucoup à faire pour améliorer le fonctionnement du service de protection des mineurs.
M. Patrick Saudan (R). Le groupe radical n'est pas entré en matière sur cette proposition de motion, non pas parce qu'elle date de 2003 ou que le sujet n'est pas d'importance - car la maltraitance des enfants est effectivement un thème extrêmement important - mais parce que les explications données par le Conseil d'Etat dans son rapport sur la motion 1761 de nos collègues socialistes nous ont paru satisfaisantes.
En outre, il faut savoir que, en plus de toutes ces structures, les HUG ont mis en place depuis dix ans des structures spécialisées dans la prise en charge de la maltraitance. Il y a dans le service de pédiatrie un groupe de protection des enfants assuré par une cheffe de clinique qui y travaille à 60%; cette dernière coordonne l'activité de pédopsychiatres et d'assistantes sociales, et ce service traite 150 à 160 cas de maltraitance par an. Ainsi, dans la mesure où ces cas sont stables et où l'Etat de Genève et les HUG s'occupent de ce problème de maltraitance, nous ne voyons pas de raison de rajouter encore une couche à toutes les structures qui s'intéressent à cette problématique, raison pour laquelle le groupe radical n'est pas entré en matière sur cette proposition de motion.
M. Claude Aubert (L). Cette proposition de motion illustre ce qu'on appelle en termes techniques «faire toujours plus du même», c'est-à-dire que, lorsqu'un problème se pose, on crée une structure; si elle ne permet pas de résoudre le problème, on crée une autre structure, et ainsi de suite. Le problème, c'est que l'on arrive ensuite à une prolifération de structures qui, chacune, engendrent encore d'autres structures, jusqu'au moment où l'on se dit: «Cessons de faire toujours plus du même et essayons de nous dire que, si quelque chose ne fonctionne pas, c'est que le problème est mal posé et qu'il faut réfléchir autrement.» Or nous avons eu le sentiment, en écoutant Mme Nicod, directrice du service de protection des mineurs, que l'on se trouvait dans ce deuxième cas de figure, c'est-à-dire que l'on commençait à reprendre les questions dans le bon ordre.
D'autre part, il est écrit dans les considérants de cette proposition de motion «que la maltraitance (abus sexuels, coups, dénigrement, etc.) subie par les enfants est le miroir familial d'un modèle économique qui prône l'exploitation des plus faibles; que cette violence faite aux plus faibles est une forme d'expression de la frustration et de l'impuissance de certains adultes à agir sur leurs conditions de vie et à les modifier.» Donc, s'il y a un Coupable avec un grand «C», c'est le système économique ! Nous ne doutons pas un instant que les citoyennes et les citoyens sont insérés dans un système économique qu'ils peuvent subir ou dans lequel ils peuvent agir, mais il est problématique de dire que, si le coupable est le système, les gens ne sont que les victimes de ce dernier, car on arrive alors à des situations qui sont paradoxales: ceux qui sont coupables d'un méfait, on ne peut que les plaindre et non pas les juger, puisqu'ils sont les victimes du système économique. Dans ce sens-là, les libéraux tiennent à rappeler que le fait que le système existe n'exclut en aucun cas la responsabilité individuelle.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion date effectivement un peu, mais elle posait quand même le doigt sur un sujet extrêmement grave et important, à savoir la maltraitance des enfants, même si nous considérons que les solutions qui étaient préconisées n'étaient pas adéquates.
Depuis le dépôt de ce texte, je crois que cela a été dit dans le rapport, il y a eu la création de l'UMUS - l'unité médico-sociale d'intervention d'urgence - et je pense qu'il est aussi important de relever les propos de l'ancien directeur du service de santé de la jeunesse Paul Bouvier, qui est pédiatre et fin connaisseur des questions liées à la maltraitance. Ce dernier avait à l'époque rappelé la nécessité de renforcer l'office de la jeunesse, afin que les structures telles que le SPMi et le SSJ puissent mieux collaborer, puisqu'il constatait une augmentation des cas, détectés notamment par les infirmières scolaires du service de santé de la jeunesse.
Il y a eu ensuite l'entrée en vigueur de la loi sur les violences domestiques, laquelle a certainement été aussi le révélateur de nombreux cas de maltraitance qui étaient probablement cachés auparavant.
Tout cela pose effectivement pour nous le problème d'une meilleure coordination entre les services, mais il ne s'agit évidemment pas simplement d'en rajouter un. Nous avons donc estimé qu'il aurait été intéressant de pouvoir discuter un peu plus parce que, entre 2003 et 2008, les choses ont évolué. En outre, comme l'a dit, je crois, la députée PDC, nous attendions des rapports, et je pense qu'il aurait été intéressant de faire le point sur la situation, raison pour laquelle nous avions voté l'entrée en matière. C'est également dans cet esprit-là que nous voterons cette entrée en matière, pour ensuite renvoyer ce texte en commission et modifier les invites si nécessaire.
Mme Fabienne Gautier (L), rapporteuse. J'aimerais juste repréciser un point: comme il est déjà indiqué dans mon rapport, nous avons auditionné Mme Nicod en 2007, il n'est donc pas resté un laps de temps durant lequel cette commission n'a rien fait sur ce sujet, bien au contraire !
Mme Nicod, comme il est écrit dans le rapport, a bien mentionné que la loi qui est entrée en vigueur sur les violences domestiques a aussi nettement amélioré le bon fonctionnement des divers services qui s'occupent de la maltraitance et des violences chez les enfants, et elle a par ailleurs indiqué à la commission que la motion 1761 - dont le rapport du Conseil d'Etat a été adopté par le Grand Conseil - répondait totalement aux questions qui pouvaient être posées dans la proposition de motion 1516. Par conséquent, comme l'ont dit plusieurs préopinants, les services fonctionnent, et c'est pour cela que nous n'avons pas voulu remettre une couche et que nous avons refusé l'entrée en matière de cette proposition de motion. Je vous remercie donc de suivre la décision de la majorité de la commission.
Mise aux voix, la proposition de motion 1516 est rejetée par 32 non contre 27 oui et 10 abstentions.