Séance du
jeudi 19 mars 2009 à
14h
56e
législature -
4e
année -
6e
session -
34e
séance
PL 10156-A
Premier débat
Mme Michèle Ducret (R), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. J'espère que le rapporteur de minorité nous fera l'honneur de participer à ces débats. La commission des droits politiques, qui a étudié ce projet de loi, n'a pas voté l'entrée en matière et vous recommande de faire de même. Pour quelles raisons ?
La première est que le nombre de jours fériés n'est pas fixé par la loi cantonale, mais par la loi fédérale sur le travail, et que ce nombre de jours fériés est de huit plus le 1er août. Cette loi fédérale permet donc aux cantons de fixer les jours fériés qu'ils veulent, à l'exception du 1er août. Or la loi genevoise contient déjà les neuf jours fériés prévus.
La deuxième raison est que la possibilité d'ajouter un jour de congé est tout à fait discutable, est difficilement défendable juridiquement et que, si l'on voulait rajouter l'Escalade comme jour férié - puisque tel est le but de ce projet de loi - il faudrait supprimer un jour de congé. Alors je pose la question: lequel ?
Troisièmement, il y a une raison économique assez importante. Ajouter un jour férié pour fêter l'Escalade est possible, mais risquerait de coûter extrêmement cher. A titre d'exemple, le département des institutions a fait une évaluation. Il a calculé que pour le seul pont de fin d'année, il y a quinze mille heures supplémentaires pour ce département. Cela signifie qu'un jour férié de plus coûterait extrêmement cher, non seulement à l'Etat, mais également aux entreprises privées, qui seraient obligées de l'appliquer.
Enfin, je ne résiste pas au plaisir de faire remarquer que l'idée de rendre le jour de l'Escalade férié n'est pas - et de loin - une création du groupe qui nous l'a proposée, puisque la première fois qu'elle a été présentée, c'était en 1603 ! Alors vous n'avez rien inventé. L'Escalade, nous le savons, est dignement fêtée chaque année, magnifiquement organisée depuis 1926 par la Compagnie 1602. Et tous ceux qui, comme moi, aiment aller voir le cortège l'admirent chaque fois d'une façon renouvelée. Pour les Genevois, le fait d'aller voir le cortège, de manger quelques fois le repas traditionnel de l'Escalade, c'est un plaisir qui ne dépend pas de savoir s'ils ont congé ce jour-là, c'est dans leur coeur.
La commission des droits politiques n'est pas entrée en matière sur ce projet de loi, comme je vous l'ai dit en préambule, et elle vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de faire de même.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, c'est à croire que certains d'entre nous ont honte aujourd'hui de fêter l'Escalade et s'offusquent lorsqu'un groupe parlementaire - qui plus est quand le mot «genevois» fait partie intégrante de son nom, vous l'aurez tous bien compris, je voulais parler du Mouvement Citoyens Genevois - voudrait faire de cette fête de l'Escalade, de la commémoration du jour de l'Escalade, un jour férié pour rendre hommage à ceux qui jadis tombèrent pour rendre Genève libre et qu'elle ne soit pas occupée par l'envahisseur.
Nous avons été très surpris de constater que des élus du peuple du canton de Genève - de la «République de Genève» devrais-je dire - aient pu prononcer certains propos, dont je vais vous lire un petit extrait. Monsieur le président, vous m'arrêterez à cinq minutes, puisque c'est le temps dont je dispose pour présenter mon rapport de minorité. Je vous en remercie d'avance.
Je procède donc à la lecture de ce petit passage qui se trouve à la page 7 du rapport de majorité: «D'emblée, la plupart des membres de la commission se sont montrés pour le moins réticents à entrer en matière sur ce sujet. Certains ont rappelé que la fête de l'Escalade fait partie de l'histoire, qu'elle est célébrée dignement chaque année et que les Genevois se contentent du samedi et du dimanche les plus proches du 12 décembre pour cela. Ils ont déploré que le présent projet de loi flatte les sentiments nationalistes de certains et rappelé que ce genre de sentiment mène rapidement à l'exclusion d'une partie de la population. Beaucoup des victimes de l'Escalade n'étaient pas genevoises du reste, et la Mère Royaume non plus.» Mon Dieu, que de haine dans ces quelques phrases que je viens de vous lire, Mesdames et Messieurs !
On peut être d'accord ou pas avec la fête de l'Escalade. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un fait historique ayant impliqué de vaillants genevois, qui n'étaient effectivement pas tous nés à Genève, mais certains étaient étrangers et résidents à Genève. Cependant, comme vous le savez, le Mouvement Citoyens Genevois ne fait pas de distinction entre les résidents et les nationaux, puisque nous nous devons, en notre fonction de député, de protéger l'ensemble des résidents genevois contre toute dégradation de la qualité de vie. Cela étant dit, nous avons voulu rendre hommage à ces gens tombés à l'Escalade et que ce jour, à tout le moins, soit férié.
Cela m'amène à vous parler de l'avis de droit des juristes de la couronne. Nous savons de par les faits de ces récents mois que ces juristes ne sont pas tout à fait à la page... J'en veux pour preuve quelques décisions acerbes du Tribunal fédéral. Or les juristes de la couronne ont défini que l'on ne pouvait pas inclure un jour férié supplémentaire dans le canton de Genève parce que l'on avait atteint le maximum, stipulé dans une disposition fédérale. Ce sont des balivernes, des propos qui n'ont rien à voir avec la réalité ! J'en veux pour preuve que le canton de Neuchâtel a quasiment deux fois plus de jours fériés que le canton de Genève et qu'ils ne sont pas contraires au droit supérieur. La seule nuance réside dans le fait qu'un jour férié peut être compensé par un dimanche, s'il ne tombe pas un dimanche; un jour férié peut aussi ne pas être compensé par un dimanche. C'est ce que nous proposions dans le projet de loi du Mouvement Citoyens Genevois.
Nous sommes fiers d'être Genevois, quel que soient nos origines. Au MCG, comme vous le savez, plusieurs personnes viennent de pays voisins. Nous sommes néanmoins Genevois et fiers de l'être ! Pour nous, c'est un honneur et un devoir de respecter ceux qui sont tombés pour la liberté de Genève et qui ont repoussé l'envahisseur de la Haute-Savoie. Ce qui fait que, aujourd'hui, nous sommes genevois, rattachés à la Confédération et pas à la République française, avec tous les méfaits que cela aurait pu comporter. Je vous remercie de modifier votre avis par respect à l'égard des morts tombés pour Genève. Je ne lirai pas ici la liste des victimes, car je pense que vous auriez l'outrecuidance de ne pas vous lever comme vous le commanderait le protocole. Donc, je ne ferai pas cet affront à nos vaillants soldats. Je vous demande néanmoins de soutenir ce projet de loi, afin que l'Escalade soit dignement représentée dans notre république.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés, je suis très heureuse de certaines des déclarations de M. Stauffer, puisqu'il vient de nous dire qu'il ne faisait pas de différence entre résidents étrangers et nationaux à Genève. Cela veut donc dire, je pense, que la motion absolument honteuse que le MCG vient de déposer... (Commentaires.) ...où il est question que les SDF étrangers soient placés à la caserne des Vernets, sera retirée. J'en prends acte avec satisfaction.
Cela dit, Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, la gauche est très attachée aux jours fériés. Il a fallu des luttes syndicales... (Brouhaha.) Laissez-moi finir, Messieurs les députés. Il a fallu souvent conquérir de haute lutte ces jours fériés, le fait qu'ils soient payés ! Vous savez peut-être que, en 1946, des grèves très importantes ont eu lieu à Genève à propos du paiement des jours fériés dans le secteur du bâtiment. Ces grèves avaient abouti à ce que le Conseil d'Etat - en l'occurrence, le département de l'économie de l'époque était présidé par un socialiste - soit amené à essayer de mettre une conciliation en place, ce qu'il avait fait. Et cela s'était terminé, entre autres, par le paiement de ces jours fériés. Mais il avait fallu une manifestation populaire assez importante, la prise d'assaut du département en question et la fuite des représentants patronaux pour que ces jours fériés puissent être payés. Tout cela pour vous dire que le parti socialiste est très attaché aux jours fériés, mais que l'on ne peut pas suivre le MCG dans une proposition où il ne s'agit pas de rajouter un jour férié, mais de mettre l'Escalade en avant.
Dans l'exposé des motifs, on nous dit plusieurs choses. On nous parle des «courageux combattants qui ont sacrifié leur vie afin de permettre que Genève soit ce qu'elle est aujourd'hui.» Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai la malice de penser que, au fond, le vrai visionnaire en 1602, c'était probablement le duc de Savoie, qui avait compris que, dans le bassin genevois, il n'y avait qu'une seule ville, qu'une seule capitale... (Brouhaha.) ...c'était Genève ! Et si l'Escalade avait réussi, notre canton n'aurait pas la petitesse d'aujourd'hui, donc ni les problèmes de logement, ni les frontaliers et... ni le MCG ! (Exclamations. Rires. Applaudissements.)
M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne suis plus étonné par le double langage que tient en permanence M. Stauffer, qui s'en prend régulièrement aux frontaliers quand cela l'arrange, à des fins démagogiques. Par contre, quand il s'agit de mettre en avant un projet du MCG, le même M. Stauffer n'hésite pas à vanter les qualités de ceux qui ont défendu Genève en 1602, les victimes de l'Escalade, qui pour la grande majorité d'entre elles n'étaient pas des citoyens, mais des habitants. Il y avait une nuance à cette époque, où le citoyen était effectivement reconnu comme citoyen de Genève, alors que l'habitant n'avait pas cette qualité de citoyen. Et il faut savoir que tous ces habitants, dont la Mère Royaume, étaient des étrangers et, qui plus est, venaient du Pays de Gex, voire de la Savoie. (Commentaires.)
Aujourd'hui, Monsieur Stauffer, on ne peut plus continuer à accepter ces perpétuels propos démagogiques et nationalistes que vous martelez continuellement pour faire valoir le MCG ! Et on les lit tous les jours dans la presse, ces propos sont tout à fait déplaisants et insupportables, qu'ils proviennent de la commune de Vernier ou du Grand Conseil. Vous êtes d'autant plus mal placé que je suis membre de la Compagnie 1602 depuis près de trente ans et que je participe au cortège chaque année depuis vingt ans. Et si quelqu'un devait être fier de voir l'Escalade devenir un jour férié, ce serait bien moi-même. Par contre, Monsieur Stauffer, il ne faut pas faire des amalgames...
Le président. Veuillez vous adresser au président, s'il vous plaît !
M. Olivier Wasmer. Pardon ?
Le président. Je vous demande de vous adresser au président. (Commentaires.)
M. Olivier Wasmer. Je m'adresse au président, Monsieur le président. (Rires.) Mais avant de m'adresser à vous, je m'adressais à M. Stauffer, donc je ne pouvais pas vous regarder, Monsieur le président, vous me pardonnerez.
Cela étant, se pose un problème juridique que M. Stauffer a relevé: dans le canton de Neuchâtel, il y a plus de jours fériés qu'à Genève. Mais le problème n'est pas là ! La loi fédérale fixe très clairement le nombre de jours fériés, le réglementant d'une manière très stricte. Aujourd'hui, la question que je me pose ne porte pas sur le fait que l'on ne fête pas l'Escalade, puisqu'on la célèbre - comme vous le savez, et la rapporteure de majorité l'a rappelé tout à l'heure - dignement sur les quatre jours qui précèdent l'Escalade, c'est-à-dire les 11 et 12 décembre, pour ceux qui ne connaissent pas la date. Ces manifestations démontrent tout l'engouement du peuple genevois pour leurs ancêtres qui ont sauvé Genève de la Savoie, que M. Stauffer se complaît d'attaquer en permanence. Donc tous ces propos totalement antinomiques me font aujourd'hui sourire.
Quand bien même l'on souhaiterait que la fête de l'Escalade puisse être un jour férié, nous avons déjà Noël au mois de décembre, de même que le 31 décembre, qui est aussi une fête historique, puisque Genève a été libérée du joug français à l'époque. Nous pourrions célébrer le 1er juin, puisqu'à cette date les Confédérés sont arrivés pour fêter l'entrée de Genève dans la Confédération. Ainsi, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il serait souhaitable effectivement que l'on puisse toujours célébrer toutes les fêtes de Genève, comme cela peut être le cas en France. Il y aurait encore le 11 novembre, puisque de nombreux soldats suisses sont tombés pour la patrie lors de la Première Guerre mondiale.
Malheureusement, il faut garder raison, ne serait-ce que pour les patrons et les entreprises. Si la gauche a tout à l'heure dit qu'elle était très attachée aux jours fériés, la droite ne l'est pas moins. Par contre, nous savons que les heures chômées doivent être remplacées. Pour tous ces motifs, au vu des jours fériés déjà existants et de la loi fédérale, l'UDC proposera de rejeter ce projet de loi.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le seul désir du MCG, avec ce projet de loi, est de rendre la fête de l'Escalade encore plus belle, c'est-à-dire qu'elle puisse se célébrer en famille, ce qui devrait tout à fait convenir à nos collègues du PDC, puisque c'est leur thème politique principal. Donc, à cet égard, j'attends que le PDC nous soutienne sur ce projet. Ensuite, il est bien clair qu'il ne faut rien attendre de part des bancs de la droite, puisqu'ils ont assez fait savoir à la commission des droits politiques qu'il ne fallait surtout rien accorder aux salariés.
Ce qui m'étonne le plus, aujourd'hui, c'est le discours des socialistes, qui se refusent à accorder un jour férié aux salariés. Votre décision est contre-nature ! On peut vous entendre dire à tire-larigot que vous voulez des jours fériés, des congés supplémentaires, moins d'heures pour les ouvertures de magasins... Et aujourd'hui, vous vous refusez à accorder un jour férié pour que toute la population puisse en bénéficier en fêtant la veille, comme cela se fait d'habitude dans toutes les sociétés, et en se reposant le lendemain tout en passant un moment en famille.
Bien sûr, cela dépend aussi du bon vouloir des entreprises, parce qu'il faut comprendre que ce jour férié ne serait pas assimilé à un dimanche, comme c'est prévu pour d'autres jours fériés. Je vous le rappelle, neuf sont déjà prévus dans la loi. Mais on peut s'accorder un jour férié.
M. Stauffer a dit que Neuchâtel était l'un des cantons qui comptait le plus de jours fériés; je vais vite corriger la chose: c'est le Tessin, qui en a pratiquement une quinzaine ! Cependant, nous en avons neuf dans ce canton. Alors pourquoi ne pas s'accorder un jour de plus ? Et pourquoi pas le 1er juin ?! Et pour vous, Messieurs les socialistes, le 1er mai ! (Remarque.) J'y suis tout à fait favorable. Je vous invite donc à soutenir ce projet de loi. (Commentaires.)
Il y a encore une chose, qui me fait sourire: entendre aujourd'hui l'UDC dire que le MCG est en partie nationaliste. Alors qu'êtes-vous, Messieurs de l'UDC ? Veuillez m'excuser, je dois m'adresser à vous, Monsieur le président.
Je tiens aussi à rectifier quelque chose qui n'est pas du tout correct et qui a été dit par Mme Emery-Torracinta. Vous parlez des personnes sans domicile fixe, au sujet desquelles nous avons déposé une motion. Il s'agit des NEM: les personnes frappées d'une décision de non-entrée en matière. Pour nous, il ne s'agit pas de résidents genevois. Donc, ce projet de loi n'a aucun relent nationaliste.
Pour rappel, les deux premiers paragraphes de l'exposé des motifs de notre projet de loi indiquent simplement: «Au fil des siècles, l'Escalade est devenue une véritable fête populaire célébrant l'unité et le courage des Genevois face à l'envahisseur savoyard. Cette commémoration est très largement célébrée par toute la population de notre république, sans distinction d'âge et d'origine.» On se réjouit de voir des enfants de toute confession, de toute nationalité, participer à cette fête populaire qui se tient chaque année depuis 1603 dans notre canton.
Il est temps de commémorer cet événement par un jour férié, ce qui n'enlèvera absolument pas la dynamique de ce dernier. En effet, il a été dit qu'un jour férié briserait la dynamique de la fête, parce que les gens s'en iraient. Pourtant, lorsque l'Escalade tombe un dimanche, cela n'empêche pas les jeunes de danser le Picoulet soit le vendredi, soit le lundi. Cette fête, malgré un jour férié, existera toujours, on l'espère. (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai aussi le droit, en vertu de notre loi portant règlement du Grand Conseil, de m'adresser à vous, collectivement. C'est l'article 70, Monsieur le président. Je m'adresserai donc à vous en priorité, ainsi qu'au président, subsidiairement, pour vous dire que, sur ce projet de loi qui nous est présenté, il y a des réactions pour le moins amusantes. A entendre M. Golay, il ne manquait plus qu'un projet de loi pour le 1er avril comme jour férié ! (Brouhaha.) Cela ne m'étonnerait d'ailleurs pas que ce projet vienne de son parti. Après le 1er mai, le 1er juin, le 1er juillet... peut-être le 1er novembre aussi. Allez-y, Monsieur Golay, multipliez les jours fériés: il est vrai que votre souci de l'économie genevoise n'est probablement pas le premier principe qui anime votre action politique.
Cela dit, il y a un certain nombre de paradoxes. Le paradoxe de l'Histoire veut que, si l'on voulait effectivement savoir à qui devrait profiter cette fête de l'Escalade fériée, il faudrait peut-être déterminer les communes qui y auraient historiquement droit et celles qui en seraient privées. De ce point de vue là, peu d'entre elles y auraient droit et beaucoup, dont la mienne, en seraient privées. Evidemment, des mouvements de population se feraient peut-être jour pour aller de Soral vers les communes protestantes, et notamment vers la forteresse de la cité où nous sommes actuellement...
Mais parlons sérieusement. Il n'y a pas de monopole en matière de respect des traditions. Et la fête de l'Escalade est probablement, de toutes les fêtes que nous connaissons, l'une de celles qui est sinon la plus fêtée, du moins l'une des plus fêtées. Il n'y a pas besoin d'organiser un jour férié pour être attaché à une tradition. La Compagnie 1602 l'a bien montré, elle qui est de toutes les sociétés patriotiques celle qui compte le plus grand nombre de membres dans notre canton. A-t-il été besoin que l'on fêtât par un jour férié l'Escalade pour qu'elle eût... (Commentaires.) ...autant d'adhérents ? Non ! C'est une première raison pour laquelle nous disons non au cantonalisme étroit mais au populisme large qui habitent les auteurs de ce projet de loi.
Evidemment, il y a une autre raison: le mépris pour le droit supérieur, pour le droit fédéral en tout cas. La loi sur le travail impose un certain nombre de jours de travail. Je vois tout à fait que les propositions viennent pour supprimer des jours. Par exemple, on lit dans le rapport un certain mépris pour la Restauration. Pourquoi mépriserait-on ce jour de notre indépendance, aussi ? On y lit, au fond, un mépris de l'Histoire de Genève, un mépris de la volonté libre de s'associer pour la fête de l'Escalade. Il y a tant de raisons qui nous portent aujourd'hui à dire que, face à ce projet de loi, il faut dire non, que nous le dirons en trois lettres: n-o-n.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce qu'a soutenu le MCG, je pense que personne au sein de ce parlement n'a honte d'être Genevois. Cela vaut la peine d'être souligné.
On nous dit: «On a besoin d'un jour férié pour fêter l'Escalade, en famille.» Pourtant, je pense que les enfants ont grand plaisir à aller fêter l'Escalade, à l'école. C'est une fête populaire qui mérite aussi d'être célébrée en société, et non pas seulement en famille. Pour la famille, il y a aussi le cortège de l'Escalade, organisé le dimanche; on peut y aller tous ensemble fort agréablement. Donc, à mon avis, ce serait franchement léser les enfants que de les soustraire à cette fête avec leurs amis.
Dernier petit détail, M. Stauffer mentionne dans son projet de loi que le jour férié qui nous est demandé n'est pas assimilable à un dimanche. Manifestement, je ne dois pas avoir le même projet de loi sous les yeux que lui, puisque nulle part dans le projet de loi qui nous est soumis il n'est écrit que ce n'est pas un jour assimilable à un dimanche.
Le parti démocrate-chrétien refusera donc l'entrée en matière de ce projet de loi et vous encourage à faire de même.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Gautier, à qui il reste une minute quarante-cinq.
M. Renaud Gautier (L). Je me retire, Monsieur le président, comme d'autres auraient dû le faire en d'autres occasions. (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Catelain, à qui il reste une minute trente.
M. Gilbert Catelain (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...j'aimerais simplement dire que, par un hasard... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de calendrier, nos voisins valaisans fêtent aujourd'hui la Saint Joseph. Il s'agit d'un jour férié, et je ne suis pas persuadé que, si nous allons aujourd'hui en Valais, nous verrons des foules en train de fêter cette Saint Joseph. Peut-être les Valaisans sont-ils plutôt en train de profiter de la neige et du soleil sur les pistes. J'aimerais démontrer par-là que ce n'est pas parce que l'on inscrit un jour férié dans la loi qu'il y a forcément un engouement populaire. Donc le projet de loi qui nous est soumis ne répond pas à un besoin. L'Escalade engendre un engouement populaire, renouvelé chaque année, d'ailleurs largement partagé au-delà des frontières du canton, et il n'est au fond pas besoin d'ajouter un jour férié dans la loi pour faire perdurer cet engouement populaire.
Finalement, ce n'est pas l'idée du MCG qui est mauvaise, parce que beaucoup parmi nous n'ont certainement rien contre le fait d'avoir un jour férié dans la cadre d'une fête populaire - je ne pense pas que, en soi, l'idée soit malsaine. Mais ce sont bien les problèmes d'application et de nécessité qui ne nous motivent pas à entrer en matière sur ce projet de loi, puisque nos quatre cents ans d'Histoire depuis l'Escalade nous en prouvé que ce sentiment d'appartenance et que cette commémoration étaient vivaces et qu'il n'y avait pas nécessité d'agir par voie législative. C'est la raison pour laquelle nous n'entrerons pas en matière sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Golay, il reste deux minutes vingt au MCG. Voulez-vous prendre la parole ou la laisser à M. Stauffer ?
M. Roger Golay (MCG). Je serai très bref, Monsieur le président. Je crois qu'il y a confusion, M. Weiss n'a pas bien dû lire le rapport, en tout cas pas l'avis de droit qui nous a été fourni à la commission des droits politiques et qui stipule qu'un jour férié peut être intégré dans la loi actuellement en vigueur sur les jours fériés. Donc là-dessus, il n'y a aucun problème. Simplement, ce jour férié ne sera pas assimilé à un dimanche, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de récupération de quoi que ce soit pour les employés et les salariés. Toutefois, les patrons peuvent accorder ce jour comme jour chômé, comme il existe pour le 1er mai.
Je tiens encore à relever ceci: j'entends le même discours aujourd'hui que précédemment, lorsqu'à l'époque les discussions portaient sur le 1er août ! Ce n'est pas si vieux que cela. La droite tenait les mêmes propos que l'on entend aujourd'hui. A présent, le 1er août est une liesse populaire, il y a un engouement de la population, et je pense que ce sera aussi le cas pour la fête de l'Escalade, si l'on vote favorablement ce projet de loi.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est la remarque concernant les congés pour les enfants qui me fait prendre la parole. Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter des jours fériés. En réalité, il y a aujourd'hui un problème - et je crois que l'on devrait vraiment s'y atteler - ce sont les jours fériés suivis d'un jour où l'on travaille. Je pense évidemment au Jeûne genevois et à l'Ascension. Pour les enfants à l'école, c'est particulièrement peu pratique. Pour les parents, ce n'est évidemment pas pratique non plus. Alors plutôt que de rajouter des jours fériés pour quelque occasion que ce soit, on ferait mieux de trouver des solutions pour ces journées-là. Ce serait plus simple pour de nombreuses familles.
Et j'aimerais simplement dire, concernant l'Escalade, que l'on devrait s'assurer que cette mesure, pour qu'elle soit prise à Genève, le soit aussi en France voisine. En effet, je trouve que nos voisins savoyards mériteraient aussi d'avoir congé à cette occasion, puisqu'il me semble plutôt que l'Histoire leur a tout de même donné une victoire décisive.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Ducret, à qui il reste deux minutes dix. (Remarque.) Non ! On commence par la majorité pour finir par la minorité.
Mme Michèle Ducret (R), rapporteuse de majorité. Je ne laisserai ici à personne - à personne ! - le droit de dire qu'il est plus patriote que moi... (Brouhaha.) Moi en effet, cela fait des années que je sers cette république. (Remarque.) Des années, Monsieur ! (Remarque.) Moi, cela fait plus longtemps ! Et je dirai que des gens comme moi, qui sont venus de Savoie - en tout cas une partie de ma famille est venue de Savoie - sont extrêmement fiers de servir cette république. Ils n'ont jamais considéré qu'avoir un jour férié le jour de l'Escalade était une nécessité, Car aimer sa patrie, c'est l'aimer de toutes les manières, tant lorsqu'elle est en danger et qu'elle a des soucis que lorsqu'elle est florissante et que les conditions sont bonnes ! Et cette patrie-là, je l'aime profondément.
Je me rappelle les mots d'un collègue socialiste que je vois en face de moi, M. Velasco, qui a dit qu'il aimait ce pays parce qu'il l'avait accueilli. J'aime ce pays parce qu'il accueille beaucoup de gens, qu'il a vécu des choses difficiles et qu'il a repoussé un jour le duc de Savoie - qui n'était pas le duc de Haute-Savoie comme vous l'avez dit par un raccourci historique assez osé, je dirai - devenu par la suite le roi de Sardaigne. Je vous engage à lire mon rapport, car je crois que vous n'en avez lu que certaines parties. Je ne permettrai donc pas que vous osiez prétendre que nous méprisons l'Escalade. Je ne vous le permettrai pas, Monsieur ! (Remarque.) J'engage ce Grand Conseil à refuser l'entrée en matière de ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Stauffer, à qui il reste une minute quinze.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Nous prenons acte cet après-midi que les socialistes auraient voulu donner la victoire au duc de Savoie... Aujourd'hui, nous n'aurions plus de problème avec les frontaliers. Nous en prenons donc acte. J'espère que les Genevois - avec nous ! - en prendront acte.
Nous voudrions simplement vous rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, la première strophe du «Cé qu'è lainô» - vous savez, cet hymne genevois ! Lorsque nous assermentons des policiers et des magistrats, nous le chantons la main sur le coeur. Je vous le traduis directement en français:
«Celui qui est en haut, le Maître des batailles,
Qui se moque et se rit des canailles
A bien fait voir, par une nuit de samedi,
Qu'il était patron des Genevois.»
Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui vous vous apprêtez, par des vicissitudes, à balayer ce projet de loi du MCG. Que la population en soit témoin et sache qui sont de vrais patriotes genevois et voudraient fêter dignement, en famille, ce jour férié en l'honneur de ceux qui sont tombés jadis pour faire de Genève ce qu'elle est actuellement ! En entendant certains propos, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai eu honte ! J'ai honte aujourd'hui d'avoir, dans cet hémicycle, entendu ces propos du parti socialiste, qui normalement défend effectivement les ouvriers des classes moyennes et défavorisées...
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Je conclus, Monsieur le président. Nous ne pouvons que regretter cela. Quant à vous, Madame Ducret, si vraiment vous venez de la Savoie et que Genève ne vous convient pas, personne ne vous retient ! (Exclamations.)
Le président. La parole n'étant plus demandée, nous allons procéder au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 10156 est rejeté en premier débat par 56 non contre 6 oui et 1 abstention.