Séance du
jeudi 19 mars 2009 à
14h
56e
législature -
4e
année -
6e
session -
34e
séance
La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.
Assistent à la séance: MM. David Hiler, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. François Longchamp, Laurent Moutinot, Charles Beer et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Caroline Bartl Winterhalter, Eric Bertinat, Didier Bonny, Beatriz de Candolle, Maurice Clairet, René Desbaillets, Nathalie Fontanet, Morgane Gauthier, Michel Halpérin, Virginie Keller, Pierre Losio, Yves Nidegger, Jean Rossiaud, Louis Serex, Ivan Slatkine et René Stalder, députés.
Le président. M. Cyril Mizrahi et M. Jacques Wicht sont assermentés. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. Je vous informe que le Conseil d'Etat retire le PL 9620 concernant un crédit d'investissement pour la saisie et la gestion de données pour le SIDIT, Système d'information des infrastructures de télécommunication.
Nous prenons maintenant notre ordre du jour au point 79.
Débat
Mme Michèle Ducret (R), rapporteuse de majorité. Je ne veux pas parler longuement de cette pétition, mais je voudrais simplement insister sur un fait qui me semble important et qui a été relevé en commission. Il concerne des informations dont ont pu manquer les usagers de ce service.
J'aimerais rappeler que lorsque quelqu'un est malheureusement atteint à la colonne vertébrale suite à un accident survenu près de Genève, il est clair et évident que cette personne est transportée à l'Hôpital cantonal, où son cas y est traité, cela tombe sous le sens. Cette personne n'est pas soignée par n'importe qui, mais par une excellente équipe; nous savons que l'Hôpital cantonal est à la pointe pour ce genre de questions.
C'est seulement une fois son cas stabilisé que le patient est orienté dans des centres de rééducation, qui ne sont plus à Genève mais quand même en Suisse: à Nottwil ou à Sion, en particulier, ou encore à Bâle. Pour quelle raison fait-on cela ? Parce que ces centres de rééducation ont acquis une excellente expérience - ils sont même renommés dans le monde entier - et que c'est là que ces malades pourront recevoir les meilleurs soins.
Donc, les intérêts de ces patients sont complètement préservés. Je voudrais insister là-dessus et dire aux personnes concernées qu'elles ne seront jamais abandonnées à un triste sort, comme pourrait le faire croire la pétition qui vous est soumise.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Tout d'abord, je rebondis sur ce que vient de dire la rapporteure de majorité. Cette pétition n'a jamais prétendu que les gens n'étaient pas pris en charge ou qu'ils étaient laissés en quelque sorte à leur misère ici à Genève. La principale signataire de cette pétition fait une simple demande, tout en reconnaissant elle-même qu'elle a été prise en charge à Sion. Donc il n'est pas question pour elle de dire qu'il n'y a plus de prise en charge des patients paraplégiques ou tétraplégiques à Genève ou en Suisse romande. Le seul problème est la fermeture de ce service des paraplégiques - qui s'est faite relativement en catimini, il faut quand même le dire - et, aussi, une perte de compétences que l'on avait à Genève. Vous dites, Madame la rapporteure de majorité, que Bâle ou Nottwil ont une réputation européenne, voire mondiale... Pourtant, il faut savoir que pendant de longues années Genève avait aussi cette renommée, avec des médecins-chefs connus bien au-delà de nos frontières. Finalement, on a perdu des compétences que l'on avait à Genève et voilà pourquoi nous avons trouvé cette fermeture dommageable.
Concernant les chiffres, en commission M. Gruson est venu nous parler de cette pétition, en nous disant qu'il n'y avait plus qu'un à trois patients par années. Effectivement, un à trois patients par année, c'est tout à fait insuffisant pour maintenir un service. Sauf que par la suite, lorsqu'on a pris connaissance des vrais chiffres - parce qu'en commission il nous les a communiqués oralement, et on lui a ensuite demandé des chiffres précis - on a constaté qu'ils étaient plus importants. Ainsi, on s'aperçoit qu'en 2007 il y avait autour de quinze patients, de même qu'en en 2006, avec seize patients. Puis, dans les premiers mois de 2008 - puisque la note de M. Gruson date du mois de mai, si je ne me trompe - il y avait déjà six patients. Donc, entre les un à trois patients, et les quinze et seize patients, il y a tout de même une différence qui me surprend, de même que la minorité de la commission. La fermeture de ce service est, à mon avis, dommageable pour le savoir-faire genevois - pour toutes les professions et les HES entre autres, y compris la faculté de médecine de Genève - à cause de la perte du savoir que l'on avait accumulé à Genève quant au traitement et à la rééducation des paraplégiques et des tétraplégiques.
Ensuite, l'objet de la pétition est aussi de relever que la fermeture de ce service concerne non seulement la rééducation des «jeunes» patients, c'est-à-dire des gens qui viennent d'être accidentés et qui se retrouvent paraplégiques ou tétraplégiques, mais également le retour à l'hôpital de ceux qui souffrent de ce genre de pathologies et qui devraient être pris en charge pour différentes raisons - souvent les problèmes urinaires, par exemple, qui sont traités par une équipe spécialisée dans ce domaine. Il se trouve, en tout cas actuellement, que les bâtiments des HUG ne conviennent pas du tout à des gens en fauteuil roulant, alors que le service des paraplégiques, évidemment, était tout à fait équipé pour de tels patients. Il s'agissait d'un étage à Beau-Séjour qui avait été transformé et qui ne concernait que deux grandes chambres et deux chambres plus petites, si je me souviens bien. Donc, à Beau-Séjour, ce n'était pas un service sur trois étages, une «usine à gaz», mais simplement un tout petit service consacré à ces patients. Or maintenant, ces gens sont envoyés principalement à Bâle, d'après les chiffres que l'on a reçus, et pas à Sion. En effet, Sion n'est pas aussi spécialisée que Bâle et accueille du reste des gens accidentés, mais pas forcément des paraplégiques ou des tétraplégiques. Donc les spécialistes se trouvent à Bâle ou encore plus loin, à Nottwil. Et on nous a bien expliqué que, pour aller en visite à Nottwil, il fallait plus d'un jour: entre le train et le car, on ne fait pas l'aller-retour dans la journée. Je vous laisse imaginer, pour des jeunes patients - ce sont tout de même relativement souvent des jeunes qui sont accidentellement atteints, malheureusement, de ces pathologies - combien le soutien de la famille, qui est important dans une rééducation, est difficile. D'autant plus qu'il n'y a pas...
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député !
M. Alain Charbonnier. ...d'unité parlant français à Nottwil, on communique uniquement en allemand, voire en suisse allemand. Il reste donc Bâle, qui n'est tout de même pas tout à fait à côté de Genève... Et je m'étonne que l'on n'ait pas essayé de maintenir à Genève cette compétence que l'on avait pour toute la région, pour toute la Suisse romande.
M. Michel Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que tout a été dit concernant cette pétition, mais je voudrais insister sur deux éléments. A la commission de la santé, nous avons été sensibilisés aux problèmes des paraplégiques. Cependant, il a aussi été souligné que nous avons des centres spécialisés qui, en Suisse, sont devenus importants et qui permettent le maintien d'une formation de haut niveau et très spécialisée. Or se posent des problèmes d'hôtellerie et d'intégration à l'unité de soins généraux - d'où cette pétition - lorsqu'il y a retour et réhospitalisation de patients paraplégiques genevois.
On a bien compris que, parallèlement, cela a débouché sur une troisième démarche qui, à mes yeux, constitue l'élément à retenir derrière cette pétition. En effet, on peut bien sûr signaler un problème, mais il est important de connaître les conséquences et conclusions qui découlent de l'action menée. Ces conclusions sont à mon avis importantes, puisque l'on a reconnu que l'expertise qui se dégage de ce type de médecine fait appel à de nouvelles stratégies. Or, comme je le disais ce matin déjà, cela a permis à Genève de se positionner par rapport aux nouvelles techniques qui se développent, qui ne concernent pas simplement la stabilisation ou les problèmes de sonde, mais «la recroissance» des cellules médullaires. Je vous rappelle qu'actuellement le seul programme de thérapie cellulaire qui a été admis aux Etats-Unis portait précisément sur ces patients qui avaient des lésions médullaires graves et sur lesquels on a pu commencer un traitement au moyen de ces techniques de repousse cellulaire. Eh bien, Genève a maintenant la capacité, dans le cadre des restructurations fédérales, d'être l'un des leaders qui pourra débuter ce type de médecine dans un plan intercantonal.
Alors intercantonal dans un sens, intercantonal dans l'autre, c'est la raison pour laquelle, face aux progrès actuels qui nous permettront de faire mieux à Genève, je pense qu'il est bon de se rallier à la proposition de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
M. Patrick Saudan (R). Je signale simplement que Mme Hirsch et moi-même nous abstiendrons, puisque nous sommes employés des HUG.
Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, ce matin, on a entendu parler de surcharge pondérale concernant notre ordre du jour. Je pense que, là, on frise l'obésité ! Qu'il y ait un débat sur une fermeture ayant eu lieu il y a deux ans à Genève, c'est quand même un peu fort ! Et pourtant, j'ai un très grand respect du droit constitutionnel de pétition. Mais toutes les réponses ont été données à la pétition qui a été déposée ! En fait, voici la question qui se pose: «Peut-on vraiment, dans notre société actuelle, avec les problèmes qui nous entourent, avoir tout partout ?» Je réponds non ! L'important est d'avoir un centre très spécialisé régional. J'ai eu l'occasion d'aller visiter Sion, Mesdames et Messieurs les députés. C'est un must ! Je n'ai pas vu Nottwil ni Bâle, mais Sion est un must dans ce domaine et ne se trouve qu'à 160 km de Genève ! Est-ce que cela vous paraît aberrant de décider que les soins de haut niveau soient concentrés plutôt que dispersés un peu partout ? C'est exactement comme les regroupements que nous essayons de faire dans d'autres domaines ! Dans les HES aussi, il y a eu des contestations, parce que tout le monde voulait tout partout et qu'un cantonalisme effréné faisait surface. Mais non ! Ce n'est pas raisonnable !
Actuellement, ce que l'on veut, c'est de la qualité. Et dans un pays comme la Suisse, avec les difficultés qui nous attendent, il faut se dire que l'on ne peut plus avoir tout partout, mais il faut vraiment de la qualité. Si bien que cette pétition - vous l'avez compris - le groupe libéral la déposera sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je respecte tout à fait ce qu'a dit ma préopinante, il est vrai que cette pétition a été traitée il y a un certain nombre de mois, presque une année, et que le travail du Grand Conseil fait que l'on en discute qu'aujourd'hui. Il est dommage qu'il n'y ait plus de centre des paraplégiques à Genève, mais il y a des raisons à cela: les compétences et l'efficience. Et pour des personnes qui vont devoir apprendre à revivre ou à vivre autrement qu'auparavant, cela vaut la peine d'avoir du personnel extrêmement compétent et qualifié. L'histoire de Genève a voulu, ma foi, que ce service soit fermé et les compétences transmises dans un autre canton. Peut-être que c'était une bonne chose, nous verrons dans quarante ans comment cela se déroulera.
Il faut savoir pourquoi cela s'est passé ainsi, car il y a moins d'accidents et, en cela, on peut dire merci à la prévention. De plus, en cas d'accident, on peut constater qu'il y a moins de personnes qui deviennent paraplégiques qu'auparavant. A ce propos, on peut remercier les constructeurs - c'est une écologiste qui vous le dit ! - et toutes les personnes qui travaillent dans le secteur de la construction et font de la prévention quant aux conditions de travail.
On ne peut que prendre acte de cette pétition et de son rapport et les déposer sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, pas mal de choses ont été dites sur cette pétition. Même si l'affaire remonte à un certain temps déjà, je crois qu'elle est révélatrice du plan Victoria, dont on a discuté tout à l'heure. Effectivement, il s'agit d'économiser à peu près 90 à 100 millions sur trois ans, et ce n'est pas forcément avec des gains d'efficience seulement que l'on parviendra à réaliser ces économies, mais c'est également une question de diminution des moyens. Or c'est aussi le processus qui nous dérangeait. En effet, une fois de plus, il a fallu approfondir le sujet pour savoir ce qu'il en était. Les chiffres n'étaient pas les mêmes: finalement, on a eu des chiffres plus importants, comme l'a dit M. Charbonnier dans son rapport de minorité... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il était donc important de disposer d'un peu plus d'éléments afin de pouvoir décider.
Ensuite, on nous a parlé d'envoyer les patients au centre francophone de Sion. Même certains députés, qui ont l'air d'en savoir long au sein de la commission de la santé, émettaient des doutes sur le centre de Sion en termes de technologie de pointe, puisqu'il y a aussi des spécialisations entre ces différents centres.
Et enfin, je crois que M. Charbonnier l'a souligné, c'est également une question de perte de compétences à Genève. Par ailleurs, des emplois sont peut-être aussi en jeu.
Donc, j'estime tout à fait légitimes les questions posées, mais, malgré tout, nous ne sommes pas persuadés du bien-fondé de ces décisions. Nous souhaiterions aussi que toutes celles qui sont prises dans le cadre du plan Victoria soient évaluées. En effet, une fois un service fermé, même si l'on a l'honnêteté de dire que l'on s'est peut-être trompé, on ne revient jamais en arrière. Pour toutes ces raisons, nous demandons que cette pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'abonde dans le sens de ce qui vient d'être dit: toute question est légitime. Mais toute réponse, elle, ne l'est pas. Et lorsque l'on dit que c'est pour faire des économies que l'on a fermé un service et que l'on risque de perdre des compétences, on met une fois de plus la lunette dans le mauvais sens.
On dit que l'unité pour paraplégiques a été fermée en catimini. Pourtant, cela a fait l'objet de deux discussions, à six mois d'intervalle, au conseil d'administration des Hôpitaux, lequel a pris une décision formelle. Mesdames et Messieurs qui avez milité pour maintenir un représentant par parti parmi les représentants du personnel dans les conseils d'administration, si vos représentants agissent en catimini, peut-être pourrait-on s'en passer ! Ce n'est pas à l'ordre du jour, mais c'est tout de même un peu curieux que l'on puisse dire que des décisions formelles d'un conseil d'administration en mains publiques sont prises en catimini. Ce n'est pas acceptable !
D'autre part, et cela a bien été dit, le nombre - et on s'en félicite tout de même ! - des situations de paraplégie aiguë, notamment dues à un accident, sont en considérable diminution au cours de ces vingt dernières années. Les chiffres qu'a présentés le rapporteur de minorité sont exacts. Il oublie de dire que plus de la moitié des chiffres qu'il a donnés concerne des gens qui ont eu un accident en France et qui viennent avoir un bilan, le cas échéant une intervention aiguë, à Genève, pour être transférés dans un centre de rééducation en France, puisqu'il s'agit de patients français et que la Haute-Savoie et l'Ain ne disposent pas de service de neurochirurgie.
Alors les chiffres étaient justes s'agissant des patients hospitalisés à Genève et destinés à l'être, ils sont de trois à cinq cas par an. C'est encore trop, si l'on regarde le drame que représente la paraplégie, mais c'est largement assez peu pour que l'on accepte de s'en occuper comme on le pourrait lorsqu'on a aussi peu d'habitude de le faire, puisque l'habitude - dieu merci ! - d'un côté s'est perdue.
Il y a en Suisse trois centres, en gros, qui travaillent de manière large et prépondérante dans le domaine des paralysies d'origine médullaire. On a parlé de Sion, hôpital de très grande qualité, financé par la CNA, dont on ne peut vraiment pas suspecter qu'elle ne cherche pas à réinsérer les patients, puisque c'est son but principal. Le centre de Nottwil est historiquement une fondation de droit privé; il a eu quelques ennuis de gestion il y a deux ou trois ans, lesquels se sont arrangés depuis. Enfin, il y a un centre dans la région de Bâle.
Alors, comme je vous l'ai dit à la commission de la santé, lorsqu'en plus aucun de ces trois centres ne peut réellement assurer à lui seul la compétence pour l'ensemble des paraplégiques suisses, il convient - et votre parlement en a décidé ainsi en votant un projet de loi qu'on lui a soumis, sur la concentration de la médecine hautement spécialisée - que les structures des commissions intercantonales et des commissions d'experts identifient le ou les meilleurs centres pour prendre en charge ces pathologies rares, mais exceptionnellement importantes. Et si j'insiste sur le «exceptionnellement importantes», c'est que beaucoup de paraplégiques - et l'on parle encore une fois de situations traumatiques, d'accidents - sont des gens relativement jeunes, dont les premiers mois sont fondamentaux pour récupérer des parties de fonctions qui elles-mêmes donneront des parties de l'autonomie. Or cela ne se bricole pas avec deux ou trois séances par année, cela se fait au quotidien, avec un volume suffisant pour être en alerte sur tous les signes, tous les trucs, tous les bons moyens de gagner un peu d'indépendance dans la vie des gens paralysés.
A ce titre-là, bien sûr que l'on peut regretter que Genève ne soit plus le centre qu'il a été. Mais on ne peut pas le regretter dans la mesure où cela résulte d'une diminution du nombre de malades et où les compétences sont désormais centralisées ailleurs, avec un instrument - parfaitement démocratique, puisque vous l'avez voté vous-mêmes - la Convention intercantonale sur la concentration en médecine hautement spécialisée, laquelle convention s'emparera, comme d'autres problèmes, de la question des paralysies médullaires.
Et enfin, tout est amené à bouger un jour ou l'autre. Le député Forni l'a dit: un jour peut-être, c'est à Genève que l'on mènera les premières expériences pilotes de transplantation cellulaire pour stimuler la repousse de la moelle. Eh bien, ce jour-là, il n'y aura qu'un seul centre en Suisse, éventuellement deux avec Zurich, et ce sera peut-être à Genève que l'on choisira de le faire.
Mais, de grâce, n'imaginez pas que tout puisse se faire partout avec la prétention que cela soit réalisé de manière optimale pour des patients pour lesquels chaque millimètre de moelle récupérée a une importance ! Par conséquent, chaque éventualité de non-prise en charge, exceptionnellement bonne, due au fait que l'on ne verrait pas assez de ces situations, risquerait de laisser ces patients dans leur chaise, alors même qu'ils pourraient un jour remarcher.
Je vous prie donc de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, tout en respectant parfaitement le fait que l'on aurait pu «rêver de», mais qu'au fond les raisons de ne plus en rêver sont plutôt des raisons positives - beaucoup moins de malades - que des raisons négatives.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons donc nous prononcer sur la demande de la majorité de la commission: déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission de la santé (dépôt de la pétition 1645 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 44 oui contre 15 non.
Débat
M. Alain Etienne (S), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition émane de l'Association des habitants des Pâquis, SURVAP, anciennement «Survivre aux Pâquis». Les pétitionnaires sont venus nous expliquer leurs préoccupations; ils sont en faveur d'un quartier des Pâquis vivant, mais pas invivable. Effectivement, ils nous ont dit que le bruit était devenu abusif voilà quelque temps, en raison de la concentration d'établissements publics dans ce quartier.
Cette pétition rejoint celles que nous avons déjà renvoyées au Conseil d'Etat: la pétition 1571, «Nuisances à la rue Henri-Blanvalet»; la pétition 1589, «Nuisances sonores au Domaine de Choully»; et la pétition 1632 «Contre les nuisances causées par la discothèque "Monte Cristo"». Cette pétition-ci rejoint également une motion signée par plusieurs membres de la commission des pétitions, il s'agit de la motion 1792 intitulée «Concernant les nuisances liées au bruit» que le parlement a renvoyée le 21 février 2008 au Conseil d'Etat.
La commission a bien travaillé. Elle a procédé à différentes auditions, notamment de Jean-Claude Francey, maréchal de gendarmerie, chef du poste des Pâquis, qui a confirmé que le ras-le-bol de la population dans le quartier des Pâquis augmentait actuellement. M. Francey nous a également signalé que, depuis un certain temps, les inspecteurs de l'ancien SAP, le Service des autorisations et patentes, ne travaillaient plus la nuit ni le week-end, comme cela se faisait auparavant, pour procéder à des contrôles. M. Francey a déploré un sous-effectif au niveau de la gendarmerie, puisque sur cinq agents pour son périmètre, deux travaillent à l'extérieur. Il nous a également dit que des rapports de dénonciations étaient perdus au niveau du Service du commerce, que l'on ne retrouvait pas différents dossiers, que le Tribunal administratif déboutait très fréquemment les plaignants pour vice de forme et que le groupe interdépartemental ne s'était pas réuni depuis longtemps, mais que - d'après l'information qui nous avait été donnée - une réunion avait été agendée en février dernier. Donc, nous attendons encore les résultats de cette réunion.
Nous avons ensuite auditionné M. Pizzoferrato, chef de service de la sécurité et de l'espace public de la Ville de Genève, qui nous a fourni quelques indications, en particulier sur les compétences de la Ville de Genève en matière d'autorisations pour les terrasses. En 2007, sur 813 permissions, 87 concernaient le quartier des Pâquis. Il nous a aussi dit que les rapports de la gendarmerie ne sont pas toujours suivis par l'ancien SAP et que, en fait, tout le monde arrêtait finalement de rédiger ces rapports, dont il considérait pour sa part qu'ils ne servaient à rien, puisqu'il n'y était pas donné suite. M. Pizzoferrato nous a également rappelé que la Ville ne peut pas verbaliser en matière de bruit et qu'il n'a pas le pouvoir de fermer une terrasse à cause du bruit. Il nous a aussi confirmé que, par manque d'effectifs, la gendarmerie ne peut guère intervenir.
Ensuite, nous avons auditionné le département de l'économie et de la santé. A plusieurs reprises, la commission a souhaité entendre M. Unger, mais cette audition n'a pas eu lieu. Nous avons tout de même pu recevoir les représentants du département de l'économie et de la santé. Voici quelques rappels: fin 2007, l'office d'inspection du commerce a fusionné avec le SAP, puisque le Service du commerce a été créé; par ailleurs, depuis 1990, le nombre des établissements publics a explosé en raison de l'abandon de la clause du besoin et le quartier des Pâquis comprend 435 établissements pour 10 420 habitants. Les représentants du département ont reconnu que le Service...
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député !
M. Alain Etienne. Monsieur le président, vous voyez bien que pour présenter un rapport, les quelques minutes que vous nous accordez sont extrêmement courtes ! Alors je reprendrai la parole pour terminer mes explications.
Mme Fabienne Gautier (L), rapporteuse de minorité. Comme vous avez pu le constater, cette pétition a été déposée au Grand Conseil en 2007 et traitée au tout début 2008 par la commission des pétitions. Lorsque M. Etienne parle d'auditions, il s'agit d'auditions s'étant tenues au début 2008 et pas en février 2009, ainsi que certains auraient pu le comprendre. Depuis lors, si vous lisez le rapport, vous savez que le Service du commerce a repris le SAP à fin décembre 2007 et que, sous son égide, on a commencé à opérer des contrôles beaucoup plus efficaces depuis 2008, ce qui nous a été confirmé. C'est ce que j'aimerais dire ici: en fait, cette pétition est arrivée au moment d'une transition dans les services, et actuellement, comme cela nous a déjà été expliqué ce matin, un meilleur contrôle est effectué sur les établissements publics par le Service du commerce, notamment grâce à l'engagement de nouveaux inspecteurs. Je pense qu'il faut le relever.
Puisque nous avons déjà parlé des terrasses ce matin, il faut également relever que beaucoup moins de pétitions de ce type arrivent depuis que le Service du commerce a repris un meilleur contrôle des terrasses et du bruit qu'elles peuvent provoquer.
J'ai souligné dans mon rapport de minorité qu'on nous demande tout et son contraire: on nous demande d'un côté beaucoup plus de terrasses, or cette pétition nous prie de délivrer moins d'autorisations pour ces dernières... On constate que le parlement veut toujours maintenir de la convivialité et du social, or on sait que les établissements publics, en particulier, génèrent des échanges et des activités sociales dans un quartier. Les Pâquis en sont la preuve, comme les Eaux-Vives; ce sont des quartiers très animés. Les habitants des Pâquis aiment vivre là et n'iraient pas habiter ailleurs, puisqu'ils y sont très bien. Cependant, je suis tout à fait consciente qu'il faut que les normes sur le bruit soient respectées, et il est vrai que des terrasses ne doivent pas causer des nuisances qui dérangent les habitants. Mais en même temps, lorsque les gens se trouvent dehors, s'activent, s'animent dans une discussion, on peut s'attendre à ce que cela fasse du bruit. A plus forte raison que maintenant, même s'il y a des référendums relatifs à la loi sur la fumée, certains restaurants la font quand même respecter et les gens fument dehors. Donc tout cela engendre des nuisances. Ainsi, il y a tout et son contraire dans les invites de cette pétition.
Comme vous l'avez précisé, Monsieur Etienne, nous avons renvoyé plusieurs pétitions au Conseil d'Etat. Nous lui avons également renvoyé des motions à ce sujet, raison pour laquelle nous ne trouvions pas nécessaire de lui renvoyer encore cette pétition-ci. Etant donné que d'excellentes réponses ont été apportées et que nous en attendons encore sur des pétitions et des motions, on a pensé qu'il était un peu superfétatoire de renvoyer encore cet objet. De plus, nous savons que, depuis, on a repris en main la vérification des heures de fermeture des terrasses et établissements publics et la surveillance du bruit.
Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie de suivre l'avis de la minorité, sachant que déjà plusieurs pétitions sur ce sujet ont été renvoyées au Conseil d'Etat.
M. Antoine Bertschy (UDC). Le quartier des Pâquis est connu bien au-delà de nos frontières cantonales pour sa vie, et sa vie nocturne. Qui n'a pas entendu des gens qui venaient de Suisse alémanique pour visiter le Salon de l'auto et qui allaient faire la fête le soir aux Pâquis ? Cela ne date pas d'hier, mais de trente, quarante, peut-être même cinquante ans. On peut comprendre que les habitants sont parfois un peu agacés par le bruit, mais on sait, lorsqu'on va vivre aux Pâquis, qu'on a le bénéfice d'un quartier extrêmement vivant. Tous les habitants s'en réjouissent. Cependant, il y a l'aspect négatif de la chose, avec effectivement quelques nuisances. Vaut-il mieux vivre dans un quartier silencieux où il ne se passe rien ou dans un quartier animé mais bruyant ?
Je pense qu'il y a un autre problème à prendre en compte. Nous avons voulu une loi sur la fumée, l'interdisant dans les lieux publics et obligeant par-là même les gens à fumer dehors: cela augmentera indiscutablement le bruit sur les terrasses.
En outre, cette pétition, en demandant de ramener les horaires de fermeture à minuit en semaine et à 1h le week-end, pose à mon sens un problème rédhibitoire, et cela de deux manières. La première, c'est qu'on ne peut pas faire une loi spéciale pour les Pâquis, on ne peut pas stipuler: «Aux Pâquis, les terrasses doivent fermer plus tôt parce qu'il y a trop de bruit, et ailleurs elles ont le droit d'ouvrir»... A ce moment-là, on est obligé de faire partout fermer plus tôt les établissements publics. D'un autre côté, pourquoi, alors qu'il n'y a que quelques établissements concernés - quatre selon les pétitionnaires, c'est dans le rapport - punir l'ensemble d'une profession pour quatre établissements concernés ?
Pour cette raison, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe UDC soutiendra la position de la rapporteure de minorité.
Mme Emilie Flamand (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme cela a été mentionné, cet objet s'inscrit dans une longue série de pétitions concernant les nuisances sonores que nous avons reçues d'à peu près tous les quartiers du canton. Il est vrai que les Pâquis connaissent une concentration de restaurants, bars, glaciers, etc., vraiment au-dessus de la moyenne. Les pétitionnaires nous avaient d'ailleurs fourni une carte où ils avaient pointé tous les établissements, c'est assez impressionnant.
La rapporteure de minorité vante dans son rapport la grande qualité interculturelle des Pâquis, le fait qu'il y a beaucoup d'animation, et elle nous dit: «Nous en profitons tous.» Alors oui, nous en profitons tous, mais nous n'en subissons pas tous les nuisances ! Et nous pensons qu'il faut réfléchir un peu plus globalement. En effet, c'est très sympa d'aller boire un verre ou de manger au restaurant dans le quartier des Pâquis, mais pour les gens qui habitent là et qui, tous les soirs, ne peuvent pas dormir parce que les clients des restaurants font du bruit jusqu'à pas d'heure, ce n'est pas agréable. Il n'est pas normal que ces personnes aient à subir les nuisances causées par des gens venant de tout le canton pour s'amuser.
Nous avons reçu de nombreuses pétitions, cela a été dit. Elles ont toutes été renvoyées au Conseil d'Etat, nous ne voyons pas pourquoi celle-ci ferait exception. Ce serait donner un drôle de message aux habitants des Pâquis. Cela leur ferait une belle jambe de savoir que les pétitions de Saint-Jean, des Eaux-Vives et de tel autre quartier ont été renvoyées au Conseil d'Etat, mais que la leur est déposée sur le bureau ! Il s'agit d'une question d'égalité de traitement. De toute façon, le Conseil d'Etat pourrait regrouper ces différentes pétitions pour nous rendre un rapport global. Nous pensons qu'il est important d'alerter encore une fois le Conseil d'Etat sur le problème des nuisances sonores. Une motion interpartis, la motion 1792, avait d'ailleurs été renvoyée au Conseil d'Etat il y a plus d'un an, en février 2008. Elle demandait notamment de réfléchir à une révision de la LRDBH, qui prévoit des sanctions peu dissuasives, comme le confirmait encore un haut-fonctionnaire du DES qui avait été auditionné dans le cadre de cette pétition.
Par conséquent, pour une question d'égalité de traitement et pour examiner le problème de manière globale, nous vous demandons de suivre le rapport de majorité et de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, j'approuve complètement les propos de ma préopinante Verte. En effet, vous le savez... (Remarque.) Exactement ! Le parti radical est bien évidemment attaché à la liberté de commerce, à l'animation; nous sommes également attachés à la tranquillité des habitants, alors on doit faire cohabiter ces deux buts.
Concernant la liberté de commerce et l'animation, il convient de responsabiliser les quartiers restaurateurs. Et puis, pour la tranquillité des habitants, on devrait même renvoyer la pétition et le rapport au département des institutions, parce que faire respecter la tranquillité publique, très souvent après les heures d'exploitation des cafés-restaurants, nécessite probablement un travail accru de la police.
Nous avons adressé au Conseil d'Etat toutes les pétitions que nous avons reçues à ce sujet, une motion de la commission des pétitions a également été renvoyée, et je pense qu'un rapport traitant de l'ensemble de ces objets serait effectivement suffisant. Donc, je vous remercie de suivre le rapporteur de majorité.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes un peu amusés d'entendre les Verts dire: «Il faut alerter le Conseil d'Etat sur les nuisances sonores !» Les nuisances sonores ! (Commentaires. Brouhaha.) Pourtant, Mesdames et Messieurs les députés, lorsque ce même parlement vous propose de limiter le trafic des pendulaires frontaliers dans les petits villages comme Soral... (Brouhaha.) ...à cause des nuisances sonores et des problèmes sécuritaires, là les Verts n'existent plus, ils sont aux abonnés absents ! C'est discriminatoire ! En revanche, pour les Pâquis, c'est sûr qu'il faut faire attention aux nuisances sonores... De plus, il faut fermer deux cents rues à Genève pour les rendre piétonnes, à cause des nuisances sonores... Mais alors, dès que l'on parle des frontaliers, c'est tabou et il ne faut pas toucher. Encore une fois, c'est discriminatoire ! Je souhaiterais franchement, Mesdames et Messieurs les Verts, que vous soyez un peu plus cohérents dans l'application de votre politique, parce que cela devient vraiment risible !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Bavarel, je vous signale que le temps de parole imparti aux Verts est épuisé, j'en suis désolé. M. Alain Etienne s'exprimera après M. Renaud Gautier.
M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, j'entends bien que, dans ce parlement, nous parlions pour une fois de «nuisances sonores». Je ne suis pas persuadé que cela entraîne pour autant un débat sur la «pollution sonore», comme on vient d'en entendre parler tout à l'heure. Venir dire ici que la conjonction d'activités différentes peut être nuisible pour les uns et les autres est effectivement une lapalissade.
Je suis intimement convaincu que là, comme dans la bêtise, ce n'est pas la législation qui réglera le problème, mais plutôt la discussion, voire la médiation, c'est-à-dire l'antithèse parfaite de ce que nous avons entendu dans ce parlement jusqu'à maintenant. J'imagine donc et je souhaite que les différentes parties concernées aux Pâquis - et pas à Soral, Pierre Weiss étant absent - s'asseyent éventuellement autour d'une table de bistrot - à laquelle ils n'obtiendront pas deux verres d'eau gratuits - et qu'ils arrivent à se mettre d'accord sur ce qui est acceptable pour l'une et l'autre des parties, sans pour autant prétériter les activités de ces dernières. Quant au problème du trafic frontalier, comme nous l'avons vu, il relève effectivement de la pollution intellectuelle, si ce n'est sonore.
M. Alain Etienne (S), rapporteur de majorité. Je termine mes explications. Concernant les déclarations du département de l'économie, il a été reconnu que le service du commerce et la gendarmerie ne disposent pas d'effectifs suffisants pour exercer un contrôle continu sur tous ces établissements. De plus, il y a une difficulté: le délai entre le constat d'une infraction et son traitement, d'environ quarante jours, est extrêmement long. Ainsi, le service dispose actuellement de huit inspecteurs, mais il en faudrait beaucoup plus pour traiter l'ensemble des problèmes. En outre, il y a la question des prête-noms; à ce sujet, le Tribunal administratif demande huit passages, ce qui constitue un contrôle presque impossible, d'après ce qui nous a été dit. Enfin, le Tribunal administratif, en cas de recours, diminue fréquemment la peine prononcée.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le renvoi de cet objet au Conseil d'Etat, en cohérence avec les autres pétitions, pour une question d'égalité de traitement. Les problèmes sont clairement identifiés: il faut réduire le délai de quarante jours entre le constat du délit et la sanction; le montant des amendes ne paraît pas assez dissuasif; l'autorisation automatique des terrasses par rapport à l'opportunité des implantations pose problème; quant à l'organisation du service du commerce, il y a apparemment des moyens supplémentaires à octroyer.
La majorité de la commission estime qu'il faut être à l'écoute des habitants du quartier, des Pâquis comme de tous les autres quartiers, et laisser du temps - là, je rejoins les préoccupations du rapport de minorité - pour que le travail du service du commerce se mette en place. On reconnaît la qualité de son travail, mais le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat aidera ce service.
Pour toutes ces raisons, la commission souhaite une réponse du Conseil d'Etat, puisque d'autres pétitions ont été renvoyées et qu'il y a également la motion 1792. Il s'agit donc d'un tir groupé, et nous demandons au Conseil d'Etat de nous rendre un rapport sur l'ensemble de ces pétitions.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Fabienne Gautier, à qui il reste une minute.
Mme Fabienne Gautier (L), rapporteuse de minorité. J'aimerais simplement rappeler ici ce que vous pouvez lire dans mon rapport de minorité, où je souligne une incohérence. Il n'y a pas longtemps, le Grand Conseil a renvoyé à la commission de l'économie la motion 1754 «Y'a plus d'saisons ! Ouvrons les terrasses !» Considérant que «Genève se doit de développer la convivialité» et que «les autorités doivent promouvoir et favoriser les lieux d'échanges et de rencontres», le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat à «assouplir [...] la réglementation afin de permettre d'étendre les dates d'ouverture des terrasses durant l'année.» D'autre part, la fameuse motion dont vous parlez, Monsieur le député Etienne, invite le Conseil d'Etat à «évaluer la situation des établissements publics depuis la suppression de la clause du besoin» et à «mener une réflexion sur une éventuelle révision de la loi sur la restauration.» Voilà l'incohérence entre ces différentes motions ! On peut tout renvoyer à la commission de l'économie, si on en a envie... Le Conseil d'Etat répondra. Or je considère qu'il y a une incohérence dans ce que le parlement demande, en désirant diminuer d'un côté et augmenter de l'autre.
C'est pourquoi j'estime qu'il faut déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, elle n'est que superfétatoire par rapport aux objets que nous avons déjà renvoyés au Conseil d'Etat.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Beaucoup de choses ont été dites, mais je voudrais seulement répondre au sentiment d'incohérence. Je ne crois pas que c'est de l'incohérence que d'accepter la vie et les propositions qui à un moment donné proviennent d'un lieu, même s'il est vrai que l'on veut qu'un quartier comme les Pâquis soit vivant. Or il n'y a pas que les Pâquis, il y aussi le quartier des Acacias, au sujet duquel nous avons reçu plusieurs pétitions. Je crois qu'il y a effectivement un problème quant au nombre de collaborateurs et au suivi des lois existantes. Il y a aussi un problème de société. La clause du besoin a été maintenue pendant un certain temps, et les règles étaient très claires sur le nombre d'établissements dans un lieu donné. A présent, je crois que c'est vraiment une question politique ou de positionnement. Peut-être convient-il de chercher des indicateurs et de se demander ceci: qu'est-ce qui est acceptable ? Qu'est-ce qui est nécessaire pour la convivialité d'un quartier ? Quels sont les seuils au niveau territorial, à l'échelle de la vie d'un quartier ou d'un périmètre, à partir desquels le bruit devient insupportable pour les habitants ? En effet, dix établissements publics provoquant de fortes nuisances sonores dans une zone industrielle où il n'y a personne la nuit est une situation différente que si ces dix mêmes établissements se situent dans un quartier où il y a des milliers d'habitants.
Je crois que, de la part du Conseil d'Etat, il y a vraiment une recherche à effectuer, un suivi à assurer, et surtout des propositions à apporter, considérant l'avenir de l'abolition de la clause du besoin. Cette dernière a des répercussions. Par conséquent, il faut peut-être, à un moment donné, canaliser nos envies.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le problème du bruit est une question qui nous a souvent occupés dans cette enceinte, tant il est vrai que c'est, parmi les «stresseurs» - si l'on ose utiliser ce terme - urbains, l'un des plus marqués sur l'altération de la qualité de vie ressentie par les habitantes et habitants. On comprend aussi que l'absence totale de bruit jouxte en général l'absence totale d'activité et, partant, se trouve dans des villes fantômes auxquelles on n'a pas forcément envie de se confronter. Je vous recommande deux ou trois villes anglaises qui ont mal vécu la crise des années nonante et qui n'ont même plus à vivre mal celle-ci, puisqu'elles n'existent littéralement plus ! On y regrette presque, le cas échéant, de n'y entendre quelque bruit que ce soit à quelque heure du jour ou de la nuit.
C'est donc l'objet d'un équilibre assez subtil. A l'intérieur même d'une ville - et vous l'avez signalé - il y a des quartiers qui ont des profils d'activité assez différents ! Et le quartier des Pâquis - cela ne date pas d'hier, mais du début du XXe siècle - présente une forme de luxure, de luxuriance, de bonheur artificiel ou légitime, toujours tarifé, qui permet aux uns et aux autres d'avoir des activités qui ont moins lieu dans d'autres endroits.
Partant de là, je reçois volontiers cette pétition, comme on en a reçu d'autres, pour essayer de faire une synthèse de vos volontés, qui sont tout de même assez contradictoires ! En effet, encore une fois, quand vous nous avez renvoyé, Madame la rapporteure de minorité l'a dit, la motion «Ouvrons les terrasses !», vous nous avez rendus attentifs à un moment où ce point-là le jouxtait à l'ordre du jour; c'était il y a huit mois. On constate qu'il n'aura fallu que huit mois pour que les deux points qui se touchent soient traités presque ensemble. Il était clair que la pétition d'après poserait le problème exactement inverse de celui de la motion que vous nous avez adressée. Et il faudra, là-dedans, trouver un équilibre.
Il y a des équilibres ! Lesquels sont des équilibres de proximité, vous le savez bien. Ils sont assurés par les inspecteurs du service du commerce. Ceux d'entre vous qui sont membres, soit de la commission des finances, soit de la commission de contrôle de gestion, ont reçu de ma part un courrier pour présenter tout le chemin qui avait été parcouru et la finalisation de la fusion complète du SAP et de l'ancien OCIC. Cette fusion favorise désormais une efficience plus grande, avec deux postes supplémentaires, accordés par le Conseil d'Etat d'abord, puis par votre Grand Conseil, pour cette année 2009, compte tenu de l'accroissement des tâches à effectuer.
Cependant, vous avez adopté une loi très importante il y a un mois environ: la loi sur les ASM ! On verra ce que les communes concernées feront en matière de bruit et de police de proximité. Je rappelle que le député Ducrot, qui voulait que l'équilibre qui avait été trouvé avec l'Association des communes et la commission judiciaire reste le meilleur possible, précisait bien - en tout cas dans ses interventions - que la lutte contre le bruit ne devait pas être celle des grands spécialistes qui installent nombre d'ustensiles très complexes pour mesurer le bruit à tel ou tel endroit. Ce devait simplement être une lutte contre le bruit excessif que l'on entend quand on se promène et qui dépasse ce que des voisins peuvent tolérer. Voilà en quoi consistent les actions de proximité. Je me réjouis d'observer les effets - car ils sont très attendus ! - du rôle des agents de sécurité municipaux en pareilles circonstances.
Encore une fois, nous acceptons volontiers de répondre dans l'ensemble, pour autant que le Bureau nous y autorise, parce que votre règlement a changé et que nous ne pouvons en principe plus répondre à plusieurs objets en même temps. Ce serait tout de même intéressant en la matière de pouvoir le faire.
Quant aux nostalgiques de la clause du besoin, j'observe que ce sont ceux-là mêmes qui en ont voulu la destruction qui en redemandent l'introduction. Il doit s'agir de ces grands cycles que l'on connaît en politique. On a voulu la suppression de la clause du besoin, parce que l'on disait que c'était une «clause des coquins», où il n'y avait que du copinage, des rentes de situation et des choses inavouables; on a finalement pu faire la place pour ses copains à soi qui ont ouvert un certain nombre de restaurants; maintenant, on aimerait la réintroduire, sans doute pour éliminer les premiers ou les survivants des premiers, et ne faire survivre plus que les seconds. Ce n'est pas acceptable ! Nous sommes dans une économie libre, non planifiée, légère, aérienne, et qui doit, en cette période de crise, se défaire de ses contraintes, de l'atmosphère planificatrice que l'on a pour la plus petite des activités de notre république !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons donc nous prononcer sur la demande de la majorité de la commission: renvoi de la pétition 1651 au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1651 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 40 oui contre 28 non.
Premier débat
M. Eric Ischi (UDC), rapporteur ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, permettez-moi de dire: «Incroyable, mais vrai !» Effectivement, à la lecture de ce rapport, vous avez toutes et tous pu constater qu'il aura fallu seize ans - seize années ! - pour que ce projet de loi soit traité par une commission de notre parlement. Il vrai que, en seize ans, beaucoup de choses peuvent changer, s'adapter, évoluer, et des solutions peuvent même être trouvées. Et toujours à la lecture de ce rapport, force est de constater que les objectifs visés par ce projet de loi ont été réalisés. C'est pourquoi la majorité de la commission des finances vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Alberto Velasco (S). Tout comme le rapporteur du projet de loi, j'estime qu'il est tout à fait inadmissible que l'on mette seize ans pour rendre le rapport d'un objet - surtout d'un projet de loi. Ce Grand Conseil devrait introduire une loi stipulant qu'il y a une date limite pour traiter les projets de lois, au-delà de laquelle ils doivent immédiatement revenir au Grand Conseil. Effectivement, il est inadmissible qu'une commission ait mis seize ans pour traiter ce type de projet de loi, qui est tout de même important, puisqu'il traitait à l'époque de la consultation du personnel de l'administration cantonale et des établissements publics cantonaux.
Pourquoi, nous les socialistes, avons-nous voté en faveur de l'entrée en matière ? Simplement parce que nous considérons qu'il y avait peut-être de quoi examiner les différences entre ce que les auteurs du projet de loi voulaient à l'époque et ce qui avait été fait à l'administration. Il y avait peut-être des éléments à étudier et à améliorer, et un bilan à tirer de ce qui s'était effectué entre-temps. Je veux dire qu'un projet de loi est toujours l'occasion de voir ce qui a été accompli, d'en comprendre le fonctionnement, d'améliorer le système de gestion de l'administration... Mais non ! Dans ce parlement, on travaille en mode digital: c'est oui ou non.
Une voix. En mode binaire !
M. Alberto Velasco. En mode binaire, c'est digital: oui ou non. Pourtant, on devrait fonctionner en mode analogique, c'est-à-dire que l'on devrait être ouverts et dire: «C'est un projet venant de la gauche, mais on peut examiner sa teneur.» De même quand le projet est de droite. Mais non ! Dès que l'on s'aperçoit que l'auteur est de gauche, on met d'entrée le logiciel sur «non», puis tout le monde appuie sur «non» ! Et si l'on demande à quelqu'un: «Pourquoi avez-vous voté non ?» Il répond: «Eh bien, parce qu'il fallait voter non.» «Mais y a-t-il une raison ?» «Parce qu'il fallait voter non.» «Pourquoi ?» «Mais parce qu'on m'a dit de voter non !» Voilà ce que l'on appelle des députés réfléchis, ouverts... (Brouhaha.) ...au travail, prêts étudier ce que les autres font, qui échangent et qui enrichissent le débat... Le travail de notre parlement doit être enrichissant ! Cependant, quelle que soit la qualité du projet de loi qui nous est soumis, s'il vient d'un côté qui n'est pas le nôtre, on dit: «Non ! C'est mauvais !»
Donc, Monsieur le rapporteur de majorité, ce n'est pas à cause du nombre d'années qui nous sépare du dépôt de ce projet de loi qu'il faut le rejeter. Non ! Il faut le rejeter parce que le contenu n'est pas de mise, qu'il n'est plus d'actualité, ou parce que la majorité, après l'avoir étudié, considère qu'il n'est pas conforme à sa politique. (Commentaires.) J'aurais aimé que, dans le rapport, une fois entrée en matière, la majorité de droite dise: «Oui, nous avons étudié ce projet de loi et nous disons non à cause de tel et tel points, parce que l'article X ou Y ne nous convient pas.» Mais non, là il n'y a absolument rien ! Et je suis sûr, Mesdames et Messieurs les députés, que le travail d'entrée en matière a dû - comme toujours, parce qu'il y en a eu d'autres - durer dans les cinq ou sept minutes avant que l'affaire soit liquidée ! C'est inadmissible.
L'alinéa 2 de l'article 9 «Droit d'être consulté», par exemple, comporte toute une série d'aspects au sujet desquels je ne sais pas si l'on agit de la sorte. Ainsi, quand il y a privatisation d'un service, je trouve qu'il est important de donner le droit aux travailleurs de cette unité d'être consultés. Ce sont des éléments qui, ma foi, font partie de ce que l'on appelle le concordat dans le travail entre administration et fonctionnaires.
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Je conclus, Monsieur le président. Sur tout cela, il a été passé comme chat sur braises - bien sûr, Monsieur Ischi, ce n'est pas vous que j'incrimine - et il n'y a pas un élément dans le rapport ! Rien du tout ! C'est une non-entrée en matière, et fini ! Les Verts et les socialistes avons dit oui parce que cette façon d'agir est inadmissible.
Voilà, Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, la position du parti socialiste. Nous voterons évidemment l'entrée en matière et pourrons ainsi étudier ce projet. Car aujourd'hui, vu ce qui se passe au grand magasin Manor - ce n'est certes pas l'Etat - par les temps qui courent, ce projet de loi est vraiment de mise !
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref. Les Verts ont pensé entrer en matière sur ce sujet pour une simple et bonne raison. Nous aurions voulu pouvoir vérifier que ces commissions fonctionnaient bel et bien partout et que les droits syndicaux, le droit de se réunir, puisse être assuré sur le temps de travail, étant donné que c'est une amélioration de la vie des services. Néanmoins, nous n'avons pas cru utile de rédiger un rapport de minorité, donc je ne ferai pas de plus amples commentaires. Nous vous invitons à voter malgré tout l'entrée en matière.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il existe un principe, dans le système américain, qui consiste à faire des lois du crépuscule: la «Sunset Legislation». Il en existe un autre que je découvre maintenant dans le principe législatif genevois, qui consiste à ne pas faire des lois: la «Sunset Non Legislation». C'est un excellent principe, appliqué à des projets de lois qui ont perdu toute pertinence, raison pour laquelle il s'agit aujourd'hui de ne pas voter en faveur de ce projet.
Au surplus, je relève que l'un des aspects, à savoir le droit d'être représenté, existe; les commissions de personnel existent dans les départements. D'autre part, en ce qui concerne le tribunal arbitral, les récentes modifications en matière de législation que nous avons apportées pour la fonction publique genevoise rendent cet article aussi superflu.
Voilà deux petite raisons et un grand principe qui font que ce projet de loi, aujourd'hui, a perdu toute pertinence.
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Ce projet de loi est effectivement très ancien et une partie assez importante - la quasi-totalité - des buts visés a été atteinte, mais pas exactement de la manière que prévoyait ce projet de loi. Pourquoi ? Parce que si, à l'exception d'un département, faute de combattants à vrai dire, il y a des commissions du personnel partout, ces dernières se sont en quelque sorte spécialisées en un certain nombre d'éléments concrets. Il y a, par exemple: le stationnement du véhicule, qu'il s'agisse d'un vélo ou d'une voiture; l'état des locaux; des problèmes de communication à l'interne; parfois même, ces commissions se mobilisent pour organiser des prises de sang à l'intérieur de l'unité en faveur de l'hôpital. Tel est le cercle très concret - d'ailleurs très utile - de ces commissions. Celle du département des finances a une légitimité assez forte, puisque le taux de participation de l'élection de ses membres est de 40%, c'est-à-dire supérieur, si je peux me permettre, au vôtre ! Donc ce sont vraiment des interlocuteurs utiles, et c'est dans ce but qu'ils sont venus dans la commission.
De l'autre côté, une partie des fonctions que ce projet de loi prévoyait de donner à des commissions est restée du côté des associations représentatives du personnel, comme on les appelle. C'est-à-dire le cartel, mais aussi différents syndicats, de gendarmerie, de gardiens de prison... Et c'est là que se discute une bonne partie des points de ce projet de loi. Effectivement, nous aurions pu prendre deux heures pour vous montrer, Monsieur Velasco, que, dans le fonctionnement d'aujourd'hui, tous ces points sont mis en oeuvre. C'est-à-dire que nous avons pris des engagements d'information à l'égard des associations représentatives du personnel, que nous voyons, quoi qu'il en soit, même quand nous n'avons pas de négociations. En effet, nous les voyons de toute façon une fois par mois; et quand il se passe quelque chose, une fois par semaine. Le dialogue qui était voulu par ce projet a lieu, mais de manière différente. A mon avis, c'est bien normal, puisque les syndicats ont une place dans notre société et qu'il y avait peut-être un petit danger de dérive corporatiste dans la simple constitution de commissions du personnel, qui auraient une sorte de monopole syndical.
Voilà la raison pour laquelle le Conseil d'Etat n'a pas cherché à influencer la commission pour un examen attentif. Maintenant, si l'un ou l'autre point, Monsieur Velasco, vous paraissait digne d'être remis sur la scène, il suffirait de déposer un projet de loi sur ce qui vous paraît ne pas convenir par rapport à cette longue liste.
Quoi qu'il en soit, voici ce qui est important, et je conclurai par là. Lors du dépôt de ce projet de loi, je vous rappelle que l'on était dans une période assez tendue entre les employés de l'Etat et les autorités politiques ! C'était la plus grande manifestation, celle du rattrapage - cela paraît bien ancien - avec tout de même douze mille personnes. Ce n'était pas tout à fait rien ! Aujourd'hui, selon les statistiques de mon collègue Longchamp, on doit toujours en être à une manifestation de trente-neuf personnes au maximum, ce qui indique tout de même que le climat a profondément changé. Cela a pris du temps. Or nous allons être à l'épreuve d'une crise. Nous verrons ce qui restera du dialogue, plus difficile - on le sait - quand il y a moins à partager. Mais pour l'heure, je crois que vous pouvez, en toute quiétude, laisser ce projet de loi aller où il doit, c'est-à-dire qu'il va être rejeté. Pas parce qu'il est mauvais, mais parce qu'il n'a pas été traité quand il aurait convenu qu'il le soit. Et le temps perdu ne se rattrape jamais !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons donc nous prononcer sur la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 6909 est rejeté en premier débat par 42 non contre 22 oui et 2 abstentions.
Le président. Le point 82 ayant été traité aux extraits, nous passons au point 83 de notre ordre du jour.
Premier débat
Mme Michèle Ducret (R), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. J'espère que le rapporteur de minorité nous fera l'honneur de participer à ces débats. La commission des droits politiques, qui a étudié ce projet de loi, n'a pas voté l'entrée en matière et vous recommande de faire de même. Pour quelles raisons ?
La première est que le nombre de jours fériés n'est pas fixé par la loi cantonale, mais par la loi fédérale sur le travail, et que ce nombre de jours fériés est de huit plus le 1er août. Cette loi fédérale permet donc aux cantons de fixer les jours fériés qu'ils veulent, à l'exception du 1er août. Or la loi genevoise contient déjà les neuf jours fériés prévus.
La deuxième raison est que la possibilité d'ajouter un jour de congé est tout à fait discutable, est difficilement défendable juridiquement et que, si l'on voulait rajouter l'Escalade comme jour férié - puisque tel est le but de ce projet de loi - il faudrait supprimer un jour de congé. Alors je pose la question: lequel ?
Troisièmement, il y a une raison économique assez importante. Ajouter un jour férié pour fêter l'Escalade est possible, mais risquerait de coûter extrêmement cher. A titre d'exemple, le département des institutions a fait une évaluation. Il a calculé que pour le seul pont de fin d'année, il y a quinze mille heures supplémentaires pour ce département. Cela signifie qu'un jour férié de plus coûterait extrêmement cher, non seulement à l'Etat, mais également aux entreprises privées, qui seraient obligées de l'appliquer.
Enfin, je ne résiste pas au plaisir de faire remarquer que l'idée de rendre le jour de l'Escalade férié n'est pas - et de loin - une création du groupe qui nous l'a proposée, puisque la première fois qu'elle a été présentée, c'était en 1603 ! Alors vous n'avez rien inventé. L'Escalade, nous le savons, est dignement fêtée chaque année, magnifiquement organisée depuis 1926 par la Compagnie 1602. Et tous ceux qui, comme moi, aiment aller voir le cortège l'admirent chaque fois d'une façon renouvelée. Pour les Genevois, le fait d'aller voir le cortège, de manger quelques fois le repas traditionnel de l'Escalade, c'est un plaisir qui ne dépend pas de savoir s'ils ont congé ce jour-là, c'est dans leur coeur.
La commission des droits politiques n'est pas entrée en matière sur ce projet de loi, comme je vous l'ai dit en préambule, et elle vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de faire de même.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, c'est à croire que certains d'entre nous ont honte aujourd'hui de fêter l'Escalade et s'offusquent lorsqu'un groupe parlementaire - qui plus est quand le mot «genevois» fait partie intégrante de son nom, vous l'aurez tous bien compris, je voulais parler du Mouvement Citoyens Genevois - voudrait faire de cette fête de l'Escalade, de la commémoration du jour de l'Escalade, un jour férié pour rendre hommage à ceux qui jadis tombèrent pour rendre Genève libre et qu'elle ne soit pas occupée par l'envahisseur.
Nous avons été très surpris de constater que des élus du peuple du canton de Genève - de la «République de Genève» devrais-je dire - aient pu prononcer certains propos, dont je vais vous lire un petit extrait. Monsieur le président, vous m'arrêterez à cinq minutes, puisque c'est le temps dont je dispose pour présenter mon rapport de minorité. Je vous en remercie d'avance.
Je procède donc à la lecture de ce petit passage qui se trouve à la page 7 du rapport de majorité: «D'emblée, la plupart des membres de la commission se sont montrés pour le moins réticents à entrer en matière sur ce sujet. Certains ont rappelé que la fête de l'Escalade fait partie de l'histoire, qu'elle est célébrée dignement chaque année et que les Genevois se contentent du samedi et du dimanche les plus proches du 12 décembre pour cela. Ils ont déploré que le présent projet de loi flatte les sentiments nationalistes de certains et rappelé que ce genre de sentiment mène rapidement à l'exclusion d'une partie de la population. Beaucoup des victimes de l'Escalade n'étaient pas genevoises du reste, et la Mère Royaume non plus.» Mon Dieu, que de haine dans ces quelques phrases que je viens de vous lire, Mesdames et Messieurs !
On peut être d'accord ou pas avec la fête de l'Escalade. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un fait historique ayant impliqué de vaillants genevois, qui n'étaient effectivement pas tous nés à Genève, mais certains étaient étrangers et résidents à Genève. Cependant, comme vous le savez, le Mouvement Citoyens Genevois ne fait pas de distinction entre les résidents et les nationaux, puisque nous nous devons, en notre fonction de député, de protéger l'ensemble des résidents genevois contre toute dégradation de la qualité de vie. Cela étant dit, nous avons voulu rendre hommage à ces gens tombés à l'Escalade et que ce jour, à tout le moins, soit férié.
Cela m'amène à vous parler de l'avis de droit des juristes de la couronne. Nous savons de par les faits de ces récents mois que ces juristes ne sont pas tout à fait à la page... J'en veux pour preuve quelques décisions acerbes du Tribunal fédéral. Or les juristes de la couronne ont défini que l'on ne pouvait pas inclure un jour férié supplémentaire dans le canton de Genève parce que l'on avait atteint le maximum, stipulé dans une disposition fédérale. Ce sont des balivernes, des propos qui n'ont rien à voir avec la réalité ! J'en veux pour preuve que le canton de Neuchâtel a quasiment deux fois plus de jours fériés que le canton de Genève et qu'ils ne sont pas contraires au droit supérieur. La seule nuance réside dans le fait qu'un jour férié peut être compensé par un dimanche, s'il ne tombe pas un dimanche; un jour férié peut aussi ne pas être compensé par un dimanche. C'est ce que nous proposions dans le projet de loi du Mouvement Citoyens Genevois.
Nous sommes fiers d'être Genevois, quel que soient nos origines. Au MCG, comme vous le savez, plusieurs personnes viennent de pays voisins. Nous sommes néanmoins Genevois et fiers de l'être ! Pour nous, c'est un honneur et un devoir de respecter ceux qui sont tombés pour la liberté de Genève et qui ont repoussé l'envahisseur de la Haute-Savoie. Ce qui fait que, aujourd'hui, nous sommes genevois, rattachés à la Confédération et pas à la République française, avec tous les méfaits que cela aurait pu comporter. Je vous remercie de modifier votre avis par respect à l'égard des morts tombés pour Genève. Je ne lirai pas ici la liste des victimes, car je pense que vous auriez l'outrecuidance de ne pas vous lever comme vous le commanderait le protocole. Donc, je ne ferai pas cet affront à nos vaillants soldats. Je vous demande néanmoins de soutenir ce projet de loi, afin que l'Escalade soit dignement représentée dans notre république.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés, je suis très heureuse de certaines des déclarations de M. Stauffer, puisqu'il vient de nous dire qu'il ne faisait pas de différence entre résidents étrangers et nationaux à Genève. Cela veut donc dire, je pense, que la motion absolument honteuse que le MCG vient de déposer... (Commentaires.) ...où il est question que les SDF étrangers soient placés à la caserne des Vernets, sera retirée. J'en prends acte avec satisfaction.
Cela dit, Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, la gauche est très attachée aux jours fériés. Il a fallu des luttes syndicales... (Brouhaha.) Laissez-moi finir, Messieurs les députés. Il a fallu souvent conquérir de haute lutte ces jours fériés, le fait qu'ils soient payés ! Vous savez peut-être que, en 1946, des grèves très importantes ont eu lieu à Genève à propos du paiement des jours fériés dans le secteur du bâtiment. Ces grèves avaient abouti à ce que le Conseil d'Etat - en l'occurrence, le département de l'économie de l'époque était présidé par un socialiste - soit amené à essayer de mettre une conciliation en place, ce qu'il avait fait. Et cela s'était terminé, entre autres, par le paiement de ces jours fériés. Mais il avait fallu une manifestation populaire assez importante, la prise d'assaut du département en question et la fuite des représentants patronaux pour que ces jours fériés puissent être payés. Tout cela pour vous dire que le parti socialiste est très attaché aux jours fériés, mais que l'on ne peut pas suivre le MCG dans une proposition où il ne s'agit pas de rajouter un jour férié, mais de mettre l'Escalade en avant.
Dans l'exposé des motifs, on nous dit plusieurs choses. On nous parle des «courageux combattants qui ont sacrifié leur vie afin de permettre que Genève soit ce qu'elle est aujourd'hui.» Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai la malice de penser que, au fond, le vrai visionnaire en 1602, c'était probablement le duc de Savoie, qui avait compris que, dans le bassin genevois, il n'y avait qu'une seule ville, qu'une seule capitale... (Brouhaha.) ...c'était Genève ! Et si l'Escalade avait réussi, notre canton n'aurait pas la petitesse d'aujourd'hui, donc ni les problèmes de logement, ni les frontaliers et... ni le MCG ! (Exclamations. Rires. Applaudissements.)
M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne suis plus étonné par le double langage que tient en permanence M. Stauffer, qui s'en prend régulièrement aux frontaliers quand cela l'arrange, à des fins démagogiques. Par contre, quand il s'agit de mettre en avant un projet du MCG, le même M. Stauffer n'hésite pas à vanter les qualités de ceux qui ont défendu Genève en 1602, les victimes de l'Escalade, qui pour la grande majorité d'entre elles n'étaient pas des citoyens, mais des habitants. Il y avait une nuance à cette époque, où le citoyen était effectivement reconnu comme citoyen de Genève, alors que l'habitant n'avait pas cette qualité de citoyen. Et il faut savoir que tous ces habitants, dont la Mère Royaume, étaient des étrangers et, qui plus est, venaient du Pays de Gex, voire de la Savoie. (Commentaires.)
Aujourd'hui, Monsieur Stauffer, on ne peut plus continuer à accepter ces perpétuels propos démagogiques et nationalistes que vous martelez continuellement pour faire valoir le MCG ! Et on les lit tous les jours dans la presse, ces propos sont tout à fait déplaisants et insupportables, qu'ils proviennent de la commune de Vernier ou du Grand Conseil. Vous êtes d'autant plus mal placé que je suis membre de la Compagnie 1602 depuis près de trente ans et que je participe au cortège chaque année depuis vingt ans. Et si quelqu'un devait être fier de voir l'Escalade devenir un jour férié, ce serait bien moi-même. Par contre, Monsieur Stauffer, il ne faut pas faire des amalgames...
Le président. Veuillez vous adresser au président, s'il vous plaît !
M. Olivier Wasmer. Pardon ?
Le président. Je vous demande de vous adresser au président. (Commentaires.)
M. Olivier Wasmer. Je m'adresse au président, Monsieur le président. (Rires.) Mais avant de m'adresser à vous, je m'adressais à M. Stauffer, donc je ne pouvais pas vous regarder, Monsieur le président, vous me pardonnerez.
Cela étant, se pose un problème juridique que M. Stauffer a relevé: dans le canton de Neuchâtel, il y a plus de jours fériés qu'à Genève. Mais le problème n'est pas là ! La loi fédérale fixe très clairement le nombre de jours fériés, le réglementant d'une manière très stricte. Aujourd'hui, la question que je me pose ne porte pas sur le fait que l'on ne fête pas l'Escalade, puisqu'on la célèbre - comme vous le savez, et la rapporteure de majorité l'a rappelé tout à l'heure - dignement sur les quatre jours qui précèdent l'Escalade, c'est-à-dire les 11 et 12 décembre, pour ceux qui ne connaissent pas la date. Ces manifestations démontrent tout l'engouement du peuple genevois pour leurs ancêtres qui ont sauvé Genève de la Savoie, que M. Stauffer se complaît d'attaquer en permanence. Donc tous ces propos totalement antinomiques me font aujourd'hui sourire.
Quand bien même l'on souhaiterait que la fête de l'Escalade puisse être un jour férié, nous avons déjà Noël au mois de décembre, de même que le 31 décembre, qui est aussi une fête historique, puisque Genève a été libérée du joug français à l'époque. Nous pourrions célébrer le 1er juin, puisqu'à cette date les Confédérés sont arrivés pour fêter l'entrée de Genève dans la Confédération. Ainsi, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il serait souhaitable effectivement que l'on puisse toujours célébrer toutes les fêtes de Genève, comme cela peut être le cas en France. Il y aurait encore le 11 novembre, puisque de nombreux soldats suisses sont tombés pour la patrie lors de la Première Guerre mondiale.
Malheureusement, il faut garder raison, ne serait-ce que pour les patrons et les entreprises. Si la gauche a tout à l'heure dit qu'elle était très attachée aux jours fériés, la droite ne l'est pas moins. Par contre, nous savons que les heures chômées doivent être remplacées. Pour tous ces motifs, au vu des jours fériés déjà existants et de la loi fédérale, l'UDC proposera de rejeter ce projet de loi.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le seul désir du MCG, avec ce projet de loi, est de rendre la fête de l'Escalade encore plus belle, c'est-à-dire qu'elle puisse se célébrer en famille, ce qui devrait tout à fait convenir à nos collègues du PDC, puisque c'est leur thème politique principal. Donc, à cet égard, j'attends que le PDC nous soutienne sur ce projet. Ensuite, il est bien clair qu'il ne faut rien attendre de part des bancs de la droite, puisqu'ils ont assez fait savoir à la commission des droits politiques qu'il ne fallait surtout rien accorder aux salariés.
Ce qui m'étonne le plus, aujourd'hui, c'est le discours des socialistes, qui se refusent à accorder un jour férié aux salariés. Votre décision est contre-nature ! On peut vous entendre dire à tire-larigot que vous voulez des jours fériés, des congés supplémentaires, moins d'heures pour les ouvertures de magasins... Et aujourd'hui, vous vous refusez à accorder un jour férié pour que toute la population puisse en bénéficier en fêtant la veille, comme cela se fait d'habitude dans toutes les sociétés, et en se reposant le lendemain tout en passant un moment en famille.
Bien sûr, cela dépend aussi du bon vouloir des entreprises, parce qu'il faut comprendre que ce jour férié ne serait pas assimilé à un dimanche, comme c'est prévu pour d'autres jours fériés. Je vous le rappelle, neuf sont déjà prévus dans la loi. Mais on peut s'accorder un jour férié.
M. Stauffer a dit que Neuchâtel était l'un des cantons qui comptait le plus de jours fériés; je vais vite corriger la chose: c'est le Tessin, qui en a pratiquement une quinzaine ! Cependant, nous en avons neuf dans ce canton. Alors pourquoi ne pas s'accorder un jour de plus ? Et pourquoi pas le 1er juin ?! Et pour vous, Messieurs les socialistes, le 1er mai ! (Remarque.) J'y suis tout à fait favorable. Je vous invite donc à soutenir ce projet de loi. (Commentaires.)
Il y a encore une chose, qui me fait sourire: entendre aujourd'hui l'UDC dire que le MCG est en partie nationaliste. Alors qu'êtes-vous, Messieurs de l'UDC ? Veuillez m'excuser, je dois m'adresser à vous, Monsieur le président.
Je tiens aussi à rectifier quelque chose qui n'est pas du tout correct et qui a été dit par Mme Emery-Torracinta. Vous parlez des personnes sans domicile fixe, au sujet desquelles nous avons déposé une motion. Il s'agit des NEM: les personnes frappées d'une décision de non-entrée en matière. Pour nous, il ne s'agit pas de résidents genevois. Donc, ce projet de loi n'a aucun relent nationaliste.
Pour rappel, les deux premiers paragraphes de l'exposé des motifs de notre projet de loi indiquent simplement: «Au fil des siècles, l'Escalade est devenue une véritable fête populaire célébrant l'unité et le courage des Genevois face à l'envahisseur savoyard. Cette commémoration est très largement célébrée par toute la population de notre république, sans distinction d'âge et d'origine.» On se réjouit de voir des enfants de toute confession, de toute nationalité, participer à cette fête populaire qui se tient chaque année depuis 1603 dans notre canton.
Il est temps de commémorer cet événement par un jour férié, ce qui n'enlèvera absolument pas la dynamique de ce dernier. En effet, il a été dit qu'un jour férié briserait la dynamique de la fête, parce que les gens s'en iraient. Pourtant, lorsque l'Escalade tombe un dimanche, cela n'empêche pas les jeunes de danser le Picoulet soit le vendredi, soit le lundi. Cette fête, malgré un jour férié, existera toujours, on l'espère. (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai aussi le droit, en vertu de notre loi portant règlement du Grand Conseil, de m'adresser à vous, collectivement. C'est l'article 70, Monsieur le président. Je m'adresserai donc à vous en priorité, ainsi qu'au président, subsidiairement, pour vous dire que, sur ce projet de loi qui nous est présenté, il y a des réactions pour le moins amusantes. A entendre M. Golay, il ne manquait plus qu'un projet de loi pour le 1er avril comme jour férié ! (Brouhaha.) Cela ne m'étonnerait d'ailleurs pas que ce projet vienne de son parti. Après le 1er mai, le 1er juin, le 1er juillet... peut-être le 1er novembre aussi. Allez-y, Monsieur Golay, multipliez les jours fériés: il est vrai que votre souci de l'économie genevoise n'est probablement pas le premier principe qui anime votre action politique.
Cela dit, il y a un certain nombre de paradoxes. Le paradoxe de l'Histoire veut que, si l'on voulait effectivement savoir à qui devrait profiter cette fête de l'Escalade fériée, il faudrait peut-être déterminer les communes qui y auraient historiquement droit et celles qui en seraient privées. De ce point de vue là, peu d'entre elles y auraient droit et beaucoup, dont la mienne, en seraient privées. Evidemment, des mouvements de population se feraient peut-être jour pour aller de Soral vers les communes protestantes, et notamment vers la forteresse de la cité où nous sommes actuellement...
Mais parlons sérieusement. Il n'y a pas de monopole en matière de respect des traditions. Et la fête de l'Escalade est probablement, de toutes les fêtes que nous connaissons, l'une de celles qui est sinon la plus fêtée, du moins l'une des plus fêtées. Il n'y a pas besoin d'organiser un jour férié pour être attaché à une tradition. La Compagnie 1602 l'a bien montré, elle qui est de toutes les sociétés patriotiques celle qui compte le plus grand nombre de membres dans notre canton. A-t-il été besoin que l'on fêtât par un jour férié l'Escalade pour qu'elle eût... (Commentaires.) ...autant d'adhérents ? Non ! C'est une première raison pour laquelle nous disons non au cantonalisme étroit mais au populisme large qui habitent les auteurs de ce projet de loi.
Evidemment, il y a une autre raison: le mépris pour le droit supérieur, pour le droit fédéral en tout cas. La loi sur le travail impose un certain nombre de jours de travail. Je vois tout à fait que les propositions viennent pour supprimer des jours. Par exemple, on lit dans le rapport un certain mépris pour la Restauration. Pourquoi mépriserait-on ce jour de notre indépendance, aussi ? On y lit, au fond, un mépris de l'Histoire de Genève, un mépris de la volonté libre de s'associer pour la fête de l'Escalade. Il y a tant de raisons qui nous portent aujourd'hui à dire que, face à ce projet de loi, il faut dire non, que nous le dirons en trois lettres: n-o-n.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce qu'a soutenu le MCG, je pense que personne au sein de ce parlement n'a honte d'être Genevois. Cela vaut la peine d'être souligné.
On nous dit: «On a besoin d'un jour férié pour fêter l'Escalade, en famille.» Pourtant, je pense que les enfants ont grand plaisir à aller fêter l'Escalade, à l'école. C'est une fête populaire qui mérite aussi d'être célébrée en société, et non pas seulement en famille. Pour la famille, il y a aussi le cortège de l'Escalade, organisé le dimanche; on peut y aller tous ensemble fort agréablement. Donc, à mon avis, ce serait franchement léser les enfants que de les soustraire à cette fête avec leurs amis.
Dernier petit détail, M. Stauffer mentionne dans son projet de loi que le jour férié qui nous est demandé n'est pas assimilable à un dimanche. Manifestement, je ne dois pas avoir le même projet de loi sous les yeux que lui, puisque nulle part dans le projet de loi qui nous est soumis il n'est écrit que ce n'est pas un jour assimilable à un dimanche.
Le parti démocrate-chrétien refusera donc l'entrée en matière de ce projet de loi et vous encourage à faire de même.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Gautier, à qui il reste une minute quarante-cinq.
M. Renaud Gautier (L). Je me retire, Monsieur le président, comme d'autres auraient dû le faire en d'autres occasions. (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Catelain, à qui il reste une minute trente.
M. Gilbert Catelain (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...j'aimerais simplement dire que, par un hasard... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de calendrier, nos voisins valaisans fêtent aujourd'hui la Saint Joseph. Il s'agit d'un jour férié, et je ne suis pas persuadé que, si nous allons aujourd'hui en Valais, nous verrons des foules en train de fêter cette Saint Joseph. Peut-être les Valaisans sont-ils plutôt en train de profiter de la neige et du soleil sur les pistes. J'aimerais démontrer par-là que ce n'est pas parce que l'on inscrit un jour férié dans la loi qu'il y a forcément un engouement populaire. Donc le projet de loi qui nous est soumis ne répond pas à un besoin. L'Escalade engendre un engouement populaire, renouvelé chaque année, d'ailleurs largement partagé au-delà des frontières du canton, et il n'est au fond pas besoin d'ajouter un jour férié dans la loi pour faire perdurer cet engouement populaire.
Finalement, ce n'est pas l'idée du MCG qui est mauvaise, parce que beaucoup parmi nous n'ont certainement rien contre le fait d'avoir un jour férié dans la cadre d'une fête populaire - je ne pense pas que, en soi, l'idée soit malsaine. Mais ce sont bien les problèmes d'application et de nécessité qui ne nous motivent pas à entrer en matière sur ce projet de loi, puisque nos quatre cents ans d'Histoire depuis l'Escalade nous en prouvé que ce sentiment d'appartenance et que cette commémoration étaient vivaces et qu'il n'y avait pas nécessité d'agir par voie législative. C'est la raison pour laquelle nous n'entrerons pas en matière sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Golay, il reste deux minutes vingt au MCG. Voulez-vous prendre la parole ou la laisser à M. Stauffer ?
M. Roger Golay (MCG). Je serai très bref, Monsieur le président. Je crois qu'il y a confusion, M. Weiss n'a pas bien dû lire le rapport, en tout cas pas l'avis de droit qui nous a été fourni à la commission des droits politiques et qui stipule qu'un jour férié peut être intégré dans la loi actuellement en vigueur sur les jours fériés. Donc là-dessus, il n'y a aucun problème. Simplement, ce jour férié ne sera pas assimilé à un dimanche, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de récupération de quoi que ce soit pour les employés et les salariés. Toutefois, les patrons peuvent accorder ce jour comme jour chômé, comme il existe pour le 1er mai.
Je tiens encore à relever ceci: j'entends le même discours aujourd'hui que précédemment, lorsqu'à l'époque les discussions portaient sur le 1er août ! Ce n'est pas si vieux que cela. La droite tenait les mêmes propos que l'on entend aujourd'hui. A présent, le 1er août est une liesse populaire, il y a un engouement de la population, et je pense que ce sera aussi le cas pour la fête de l'Escalade, si l'on vote favorablement ce projet de loi.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est la remarque concernant les congés pour les enfants qui me fait prendre la parole. Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter des jours fériés. En réalité, il y a aujourd'hui un problème - et je crois que l'on devrait vraiment s'y atteler - ce sont les jours fériés suivis d'un jour où l'on travaille. Je pense évidemment au Jeûne genevois et à l'Ascension. Pour les enfants à l'école, c'est particulièrement peu pratique. Pour les parents, ce n'est évidemment pas pratique non plus. Alors plutôt que de rajouter des jours fériés pour quelque occasion que ce soit, on ferait mieux de trouver des solutions pour ces journées-là. Ce serait plus simple pour de nombreuses familles.
Et j'aimerais simplement dire, concernant l'Escalade, que l'on devrait s'assurer que cette mesure, pour qu'elle soit prise à Genève, le soit aussi en France voisine. En effet, je trouve que nos voisins savoyards mériteraient aussi d'avoir congé à cette occasion, puisqu'il me semble plutôt que l'Histoire leur a tout de même donné une victoire décisive.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Ducret, à qui il reste deux minutes dix. (Remarque.) Non ! On commence par la majorité pour finir par la minorité.
Mme Michèle Ducret (R), rapporteuse de majorité. Je ne laisserai ici à personne - à personne ! - le droit de dire qu'il est plus patriote que moi... (Brouhaha.) Moi en effet, cela fait des années que je sers cette république. (Remarque.) Des années, Monsieur ! (Remarque.) Moi, cela fait plus longtemps ! Et je dirai que des gens comme moi, qui sont venus de Savoie - en tout cas une partie de ma famille est venue de Savoie - sont extrêmement fiers de servir cette république. Ils n'ont jamais considéré qu'avoir un jour férié le jour de l'Escalade était une nécessité, Car aimer sa patrie, c'est l'aimer de toutes les manières, tant lorsqu'elle est en danger et qu'elle a des soucis que lorsqu'elle est florissante et que les conditions sont bonnes ! Et cette patrie-là, je l'aime profondément.
Je me rappelle les mots d'un collègue socialiste que je vois en face de moi, M. Velasco, qui a dit qu'il aimait ce pays parce qu'il l'avait accueilli. J'aime ce pays parce qu'il accueille beaucoup de gens, qu'il a vécu des choses difficiles et qu'il a repoussé un jour le duc de Savoie - qui n'était pas le duc de Haute-Savoie comme vous l'avez dit par un raccourci historique assez osé, je dirai - devenu par la suite le roi de Sardaigne. Je vous engage à lire mon rapport, car je crois que vous n'en avez lu que certaines parties. Je ne permettrai donc pas que vous osiez prétendre que nous méprisons l'Escalade. Je ne vous le permettrai pas, Monsieur ! (Remarque.) J'engage ce Grand Conseil à refuser l'entrée en matière de ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Stauffer, à qui il reste une minute quinze.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Nous prenons acte cet après-midi que les socialistes auraient voulu donner la victoire au duc de Savoie... Aujourd'hui, nous n'aurions plus de problème avec les frontaliers. Nous en prenons donc acte. J'espère que les Genevois - avec nous ! - en prendront acte.
Nous voudrions simplement vous rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, la première strophe du «Cé qu'è lainô» - vous savez, cet hymne genevois ! Lorsque nous assermentons des policiers et des magistrats, nous le chantons la main sur le coeur. Je vous le traduis directement en français:
«Celui qui est en haut, le Maître des batailles,
Qui se moque et se rit des canailles
A bien fait voir, par une nuit de samedi,
Qu'il était patron des Genevois.»
Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui vous vous apprêtez, par des vicissitudes, à balayer ce projet de loi du MCG. Que la population en soit témoin et sache qui sont de vrais patriotes genevois et voudraient fêter dignement, en famille, ce jour férié en l'honneur de ceux qui sont tombés jadis pour faire de Genève ce qu'elle est actuellement ! En entendant certains propos, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai eu honte ! J'ai honte aujourd'hui d'avoir, dans cet hémicycle, entendu ces propos du parti socialiste, qui normalement défend effectivement les ouvriers des classes moyennes et défavorisées...
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Je conclus, Monsieur le président. Nous ne pouvons que regretter cela. Quant à vous, Madame Ducret, si vraiment vous venez de la Savoie et que Genève ne vous convient pas, personne ne vous retient ! (Exclamations.)
Le président. La parole n'étant plus demandée, nous allons procéder au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 10156 est rejeté en premier débat par 56 non contre 6 oui et 1 abstention.
Premier débat
Mme Patricia Läser (R), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, revenons à des sujets peut-être un peu plus sérieux.
Il faut aujourd'hui produire des impulsions pour la croissance, et ce projet de loi en est une. Il fait suite à la votation du mois de février 2008. Déjà un projet de loi, le PL 10247, adaptant la loi genevoise au nouveau régime fédéral, a été adopté en septembre 2008 par cette plénière. Mais ce PL 10218 émanant de l'Entente compte utiliser la marge de manoeuvre laissée à chaque canton de faire plus pour leurs entreprises, c'est-à-dire de s'attaquer à la double imposition.
Aujourd'hui, peut-être encore plus qu'au moment du dépôt de ce projet de loi, nous avons l'occasion de donner un coup de pouce pour aider nos entreprises dans une période difficile. Ces entreprises sont, je le rappelle au rapporteur de minorité, génératrices d'emplois ! Et avec un petit clin d'oeil, je reprends partiellement vos termes: «Il est important de soutenir toute mesure publique susceptible de maintenir un tissu économique de proximité.» Or nos entreprises sont sans cesse en concurrence avec celles des autres cantons, qui eux, ont déjà légiféré.
Ce projet est fait pour nos PME, pour nos entreprises familiales, pour tous ceux et toutes celles qui offrent des places de travail à nos concitoyens. Je vous remercie donc de suivre le rapport de majorité, qui est le résultat d'une volonté populaire votée avec enthousiasme par les Genevois et qui donnera un bol d'air à des entreprises aujourd'hui en proie à de grandes difficultés.
Une voix. Bravo !
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste doit d'abord constater que le projet de loi 10218 visait à accorder des exonérations de l'ordre de 50% à 60%, et que le coût initialement possible de cette mesure était de l'ordre de 120 à 140 millions de francs par an. Je vous rappelle qu'il est extrêmement dangereux, pour l'ensemble de notre collectivité publique, d'aller dans la direction d'une baisse de recettes fiscales aussi importante dans un contexte comme celui que nous vivons aujourd'hui, quel que soit le gain pour certaines entreprises.
En commission, le Conseil d'Etat, dans sa grande sagesse, nous a évidemment fait des propositions pour réduire l'impact financier de cette mesure. Et nous sommes passés d'un système qui visait à exonérer 50% des gains à un système qui plafonne cette exonération à 8500 F. En fait, c'est une imputation de l'impôt sur le bénéfice à l'impôt sur le capital. Cette solution a un effet non négligeable puisque, du coup, le montant total de la mesure s'élève à 20 millions de francs. Par ailleurs, le montant forfaitaire de 8500 F cible certainement mieux les petites entreprises - si elles réalisent un bénéfice ! Bien entendu, les autres ont toujours leurs yeux pour pleurer, mais elles ne voient pas l'effet positif de cette mesure.
Il faut donc bien se rendre compte que, ainsi, nous touchons quelques entreprises, effectivement en priorité des PME - alors oui, à cet égard, on peut considérer que cette mesure va dans le bon sens - mais, en même temps, on ne touche pas forcément les PME qui en ont besoin. C'est déjà le cas pour d'autres mesures proposées et votées par cette majorité de droite dans ce Grand Conseil. Vous avez une logique de saupoudrage: vous voulez que toutes les entreprises, quels que soient leurs bénéfices et leur situation économique, profitent de la mesure. Pour les socialistes, c'est particulièrement inefficace. On sait très bien qu'en réalité une entreprise peut réaliser un bénéfice de quelques millions. Entre cette dernière et les nombreuses autres, surtout les PME, qui n'ont pas de bénéfice du tout, je ne sais pas lesquelles il faut aider en priorité, mais je ne suis pas certain que ce soient celles qui font des millions ou des centaines de milliers de francs de bénéfices ! Ces 8500 F seront naturellement toujours bon à prendre, ils permettront au directeur ou à l'actionnaire - à nouveau, avec cette logique selon laquelle il faut détenir plus de 10% d'actions - d'acheter une plus belle Mercedes ou une nouvelle Ferrari ! C'est merveilleux ! Mais c'est complètement ridicule - ridicule ! - au niveau de l'impact réel pour l'économie genevoise.
Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, pour les socialistes, cette mesure est inefficace parce qu'il s'agit d'un saupoudrage. Ces 20 millions de francs seraient bien plus utiles pour aider des entreprises qui en ont besoin, qui font des demandes et qui mériteraient d'être aidées à une époque difficile comme la nôtre. Voilà qui est plus utile que de dire: «Ecoutez, quelle que soit votre situation, on vous enlève 8500 F d'impôt, parce que, de toute façon, cela ne va pas vous faire de mal.» Oui, c'est vrai, sauf que cela ne changera rien à la situation de certains. Donc, pour les socialistes, la mesure est inefficace.
A nouveau, on a ce double discours qui consiste à dire, quand cela nous arrange, qu'un franc est un franc, pour déclarer ensuite: «Ah non, concernant les gains en capital, ce n'est plus le cas: ce n'est pas "un franc est un franc", mais un franc égale cinquante centimes.» C'est un principe indéfendable pour les socialistes, car nous pensons que tous les revenus doivent être taxés de la même façon, quelle que soit leur origine. Il n'y a pas de raison particulière à l'existence de traitements privilégiés, à part peut-être pour les retraités, parce que c'est un cas historique; mais là encore, sur le fond, ils méritent un traitement identique aux autres.
Fondamentalement, les socialistes ne peuvent pas suivre cette mesure, d'autant moins qu'il n'était pas obligatoire de procéder à cette réduction d'impôt pour les actionnaires, dans la mesure où c'était une possibilité accordée suite à la votation du mois de février. De surcroît, je vous rappelle que cette dernière avait été acceptée au niveau fédéral par seulement 20 000 voix d'écart. En l'occurrence, la passivité du Conseil d'Etat genevois n'était peut-être pas étrangère au fait que cette réforme a été acceptée à Genève... En effet, elle a été refusée dans les cantons voisins. Et l'on peut se rendre compte que les Suisses, et les Suisses romands en particulier, ne sont pas dupes quant aux réels bénéficiaires de ces mesures: il s'agit à nouveau de cadeaux aux plus riches. Par conséquent, ce n'est pas acceptable pour les socialistes.
Je vous invite à refuser ce projet de loi, comme je vous invite à refuser au mois de mai, en votation populaire, le projet de loi 10247, qui a un impact fiscal de l'ordre de 30 millions. La commission fiscale étudie une fois de plus un projet de loi de l'Entente qui va jusqu'à des chiffres astronomiques - de l'ordre d'un milliard ! - de baisse de recettes fiscales annuelles: je ne comprends pas que l'on puisse avoir une politique aussi suicidaire dans la situation économique que nous connaissons aujourd'hui ! Et pour aider les entreprises qui en ont besoin, il faut que les collectivités publiques aient des moyens ! J'espère que vous vous souvenez d'une certaine entreprise suisse, elle s'appelle UBS, qui a dû recourir à des fonds publics... Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser ce projet de loi.
M. Michel Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le PDC, cette notion de double imposition des entreprises a bien sûr été l'objet d'une grande réflexion. Et considérant l'attitude de la Confédération, qui maintenait l'imposition sur le capital, il convenait naturellement d'avoir aussi des éléments qui, localement, étaient intéressants par rapport à la concurrence intercantonale et à certaines formes de distorsions, si on en revenait à une justice fiscale vis-vis des entreprises.
Après analyse, il est apparu que favoriser nos PME actuellement, même en période de crise, était une solution indéniable. C'est la raison pour laquelle, en privilégiant cette mesure et en ciblant bien le problème des petites entreprises, nous avons décidé de donner suite à ce projet. Nous proposons donc de l'accepter.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Ce projet de loi est présenté comme une aide aux PME. Mais, comme l'a déjà dit le rapporteur de minorité, il aide toutes les entreprises, il ne cible pas uniquement les petites entreprises qui ont du mal à tourner... Ainsi nous arrosons, à raison de 20 millions, les entreprises du canton aux frais des revenus de l'Etat.
Depuis le dépôt de ce projet de loi - je vous rappelle qu'il date tout de même d'une année et qu'il était le pendant du projet de loi 10247 sur l'allégement de la double imposition qui passera devant le peuple en mai prochain - il y a eu comme un petit changement sur la place financière et économique... Il semblerait que des temps difficiles sont arrivés. Or maintenant, avec ce projet de loi, on se tire une balle dans le pied quant à l'économie de ce canton ! Effectivement, enlever 20 millions au potentiel d'investissements de l'Etat - alors que ces investissements pourraient profiter aux PME qui sont en difficulté ou qui en ont besoin - nous trouvons que ce n'est peut-être pas très réfléchi sur le moyen terme.
La dette et la situation économique difficile sont maintes fois évoquées - par les mêmes qui préconisent cette baisse de revenus de l'Etat - pour diminuer des prestations sociales, des prestations ciblées. Là, on va faire un cadeau de 8500 F à toutes les entreprises ! Et c'est le début ! Lors des travaux en commission, on a malgré tout, avec le centime additionnel, sauvé la Halle 6 jusqu'en 2014. Mais tout de même, on crée là un forfait, purement et simplement. Dommage !
Je pense que la cible a changé et qu'il serait convenable que les partis de l'Entente le comprennent aussi. Du reste, je crois que le Conseil d'Etat va rappeler sa position, à savoir le refus. Le projet de loi qui sera présenté en mai devant le peuple demande déjà un énorme effort à la collectivité, et là, on en rajoute une couche ! Mais la cible est mal choisie.
M. Olivier Jornot (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, l'impôt sur le capital des sociétés est un impôt injuste, fondamentalement scandaleux, puisqu'il s'attaque à la substance des entreprises sans tenir aucun compte de leur capacité financière réelle, c'est-à-dire de leur capacité à générer des bénéfices. Tant et si bien que la Confédération a supprimé il y a quelques années son propre impôt sur le capital des entreprises, à l'époque où elle a introduit, pour l'imposition de leurs bénéfices, une imposition proportionnelle plutôt que progressive. Il est vrai que cela pouvait se justifier auparavant, parce que l'on disait que, lorsqu'une société a un capital important, elle paie moins d'impôts sur le revenu, donc on se rattrape sur le capital.
Mais tout cela a disparu. La Confédération a supprimé son impôt sur le capital, et les cantons, eux, auraient dû faire de même, mais ils n'ont pas pu en raison de la loi d'harmonisation. Pourtant, un certain nombre de cantons alémaniques ne se sont pas gênés pour fixer des taux tellement bas qu'ils tendaient asymptotiquement vers zéro, ce qui revenait quasiment à supprimer l'impôt sur le capital. Puis est arrivée cette bienvenue réforme dite «de l'imposition des entreprises II», qui permet aux cantons d'imputer l'impôt sur le capital à l'impôt sur le bénéfice, c'est-à-dire d'en faire d'une certaine manière une sorte d'impôt minimal au-delà duquel on ne paie plus que l'impôt sur le bénéfice.
Cet élément faisait partie du projet de loi déposé par l'Entente aussitôt après le vote populaire favorable, pour immédiatement dire que nous tenions à ce que tous les aspects positifs de cette réforme «fussent» - comme dirait mon collègue Pierre Weiss - mis en oeuvre. Or tout de suite, le Conseil d'Etat est venu pour dire: «Nous sommes d'accord de mettre en oeuvre la réforme fédérale, mais uniquement sur les aspects où elle ne nous coûte rien ou pas grand-chose, raison pour laquelle nous ne sommes pas d'accord d'imputer l'impôt sur le capital.» C'est bien dommage que le Conseil d'Etat n'ait pas saisi l'occasion d'appliquer la volonté populaire complètement, y compris en réformant l'imposition du capital. D'autres cantons, qui pourtant sont souvent fiscalement prudents, n'ont pas eu cette même réserve ! Le canton de Vaud, par exemple, a décidé d'imputer totalement l'impôt sur le capital, et le peuple vaudois a suivi son gouvernement et son parlement en approuvant tout cela en février dernier. Le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui ne garde plus que cette partie «réforme de l'imposition du capital» puisque le reste fera partie de ce que peuple approuvera, j'en suis convaincu, en mai prochain.
La commission a effectivement été sensible aux arguments du Conseil d'Etat s'agissant de la baisse potentielle de recettes fiscales et a accepté, par conséquent, de limiter la portée de l'imputation en fixant une enveloppe de 20 millions. Raison pour laquelle c'est une imposition limitée à un plafond qui vous est proposée. Pourquoi un plafond plutôt qu'une baisse proportionnelle ? Précisément pour éviter le saupoudrage, ce que nos adversaires reprochent aujourd'hui à la solution proposée. Du coup, en effet, ce sont essentiellement les PME, celles qui ont un capital faible, qui vont bénéficier en plein de cette réforme.
Mesdames et Messieurs les députés, on vous dit dans le rapport de minorité qu'il s'agit d'aider les PME. Or pour M. Deneys et Mme Schneider Hausser, chaque mesure est intéressante, mais ce n'est jamais la bonne ! C'est toujours l'autre qu'il aurait fallu proposer ! Parce qu'en définitive vous ne supportez pas l'idée que l'on puisse baisser les impôts, même quand il s'agit, comme celui-là, d'un impôt scandaleux qui n'a aucune légitimité en termes de capacité économique des contribuables.
Il s'agit donc aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, non seulement de faire un geste qui nous place un tout petit peu mieux en termes de concurrence fiscale, notamment par rapport au voisin vaudois, mais il s'agit surtout et avant tout de faire un geste de justice vis-à-vis des entreprises, et en particulier des petites et moyennes entreprises. Je vous invite donc à accepter ce projet de loi.
Mme Michèle Künzler (Ve). S'agit-il véritablement d'une politique fiscale ? Non ! En fait, le projet qui passera en votation populaire peut se justifier après le vote populaire au niveau fédéral - et pourtant, nous étions opposés sur cette discussion - mais là, chaque fois, on veut grignoter de la substance fiscale, et ce d'une manière un peu aléatoire. En effet, que cherche-t-on à régler ? On nous parle de bol d'air, d'aide aux entreprises... Au maximum, 8500 F par entreprise seront dégrevés. Et contrairement à ce qui est marqué dans le rapport de majorité, ce n'est pas en pour-cent, mais en pour-mille que l'on calcule. Même des entreprises au capital de 4 millions seraient touchées, elles paieraient 8500 F de moins d'impôts. Alors soyons sérieux, ce n'est vraiment pas une mesure qui se justifie !
En revanche, on va perdre 20 millions de recettes fiscales dans une situation qui sera extrêmement dure, 20 millions qui auraient pu - qui pourront, parce que nous souhaitons que ce projet de loi soit refusé - servir à des investissements, à de la formation, à des choses utiles ! Mais là, c'est simplement du saupoudrage. Règle-t-on vraiment les problèmes ? Non ! On complique la fiscalité, puisque l'on fait des imputations, en ne supprimant pas le centime sur les communes; ensuite, il faut encore tenir compte de l'impôt complémentaire de Palexpo...
Bref, si vous voulez vraiment avoir une fiscalité attrayante, retravaillons toute la fiscalité ! Mais là, on ajoute chaque fois une couche, qui n'est finalement pas très intéressante pour les entreprises, qui n'a aucun attrait et qui n'est même pas claire ! C'est une mesure totalement illisible, on ne la comprend même pas, et vous ne pourrez jamais attirer la moindre entreprise en lui disant: «Oui, mais vous profiterez d'un avantage majeur: vous pourrez même déduire 8500 F de votre taxe.» Ce n'est donc vraiment pas sérieux ! Par contre, la collectivité va perdre 20 millions qui ne pourront pas servir, ni à la formation, ni aux investissements. Et règle-t-on le vrai problème de l'impôt sur le capital en imposant des entreprises qui n'ont pas de bénéfices ? Non ! C'est justement le seul problème dont il fallait s'occuper, et on ne le règle pas. Alors refusons ce projet de loi !
On peut mettre en chantier une véritable discussion sur l'imposition des entreprises - on est déjà en train de le faire sur la personne physique. Je rappelle simplement que, si l'enveloppe projetée par le Conseil d'Etat représentait 250 millions en moins, eh bien, là, on s'approche dangereusement des 350, voire des 400 millions, avec toutes les mesures proposées en plus. Par conséquent, il faut prendre des décisions de manière un peu plus globale et réfléchir à ce que l'on veut. Si l'on perd déjà 50 millions au mois de mai, 350 en septembre, maintenant 20 millions, plus... A un moment donné, il faudra nous dire où il faut couper ! Quand on s'approche des 20% du budget de l'Etat... (Brouhaha.) Je rappelle que vous avez de toute façon la majorité, or vous n'avez jamais, en quatre ans, proposé quoi que ce soit de sérieux ! Si vous voulez vraiment trancher 20% des recettes de l'Etat, il faudra nous dire où couper ! Mais de cela, vous n'en avez jamais eu le courage.
Donc, refusez ce projet de loi ! De surcroît, comme je l'ai dit, il n'apporte strictement rien aux entreprises, et ce n'est pas avec 8500 F que vous allez en attirer de grandes !
M. Alberto Velasco (S). J'ai entendu tout à l'heure M. Jornot parler de l'impôt sur le capital de l'entreprise. Mais cet impôt a une logique, Monsieur Jornot. A l'époque, il avait été mis en place surtout pour les grandes sociétés, qui parfois font peu de bénéfices mais qui investissent dans leur capital. Il y a donc une logique. Cependant, il est vrai que les PME ont bien souvent très peu de capital mais font parfois des bénéfices. Ainsi, ceux qui ont réfléchi à l'époque à cet impôt n'avaient pas si tort, leur raisonnement n'était pas si faux que cela. Par conséquent, vous voyez qu'il y a toujours un sens derrière les choses, il ne faut pas simplement dire que c'est bête.
Ensuite, je reviens à votre logique. Si cet impôt favorise les grandes sociétés - vous voulez qu'il favorise les grandes sociétés - avec 8500 F, franchement... L'UBS n'est plus à 8500 F près, que je sache ! Cela se passe à un autre niveau. Par contre, j'aurais compris des aides aux petites et moyennes entreprises. Cela aurait été intéressant. Si l'on disait, par exemple: «On peut défiscaliser les petites et moyennes entreprises qui investissent dans la recherche et le développement.» Une mesure pourrait encore s'énoncer comme suit: «Les entreprises qui ont créé tant d'emplois dans la république bénéficient justement d'une certaine défiscalisation.» Voilà qui est intéressant, parce que l'on parle d'investissements et de création d'emplois ! Mais ici, que faites-vous ? Comme l'a dit Mme Künzler, vous donnez 8500 F sans savoir à quoi les bénéficiaires vont employer cet argent. Peut-être qu'ils l'emploieront pour partir en vacances, ou que cette somme ne servira à rien du tout ! En réalité, vous n'avez aucune assurance que cette somme sera investie dans l'économie. Aucune assurance !
Vous nous critiquez, nous les socialistes. Effectivement, nous préférons, plutôt que d'opérer des baisses continues comme vous le faites, offrir des prestations. Et par les temps qui courent, que demande-t-on aujourd'hui à l'Etat, non seulement ici, vous le savez Monsieur Jornot, mais partout ? De fournir des prestations et des aides à l'économie. C'est cela qui est fondamental. En période de crise, l'Etat doit justement être présent pour soutenir le secteur économique. Oui, je suis tout à fait d'accord que l'on ne peut pas laisser tomber des pans de l'économie, simplement pour des raisons idéologiques. On doit soutenir.
Mais franchement, il faut arrêter avec cette politique de défiscalisation en tout temps, n'importe quand et n'importe comment ! Vient un moment où il y a une logique. Mme Künzler a calculé une somme, et moi aussi... C'est grave, tout de même: en plus des 12% d'impôts que nous n'avons toujours pas réussi à amortir, vous venez avec tout un autre train d'impôts. Or ce qui va arriver au mois de mai représentera environ encore 12%. Je ne sais vraiment pas comment on va pouvoir amortir ces baisses d'impôts... Je ne le sais pas ! Vous nous direz. Si vous reprenez la parole, Monsieur Jornot, ce serait intéressant que vous nous disiez: «Nous pensons que les dizaines de millions de baisse fiscale seront compensés comme cela.» Et ne dites pas que l'activité économique sera réactivée grâce à ces 8500 F, parce que ce n'est pas vrai. Donc, j'attends une réponse de votre part.
Mesdames et Messieurs les députés, il faut quand même arrêter... Une période difficile s'annonce, et je pense qu'il faut arrêter avec des projets de lois idéologiques ! Il s'agit ici d'un projet fiscal idéologique qui ne correspond à rien du tout, et je considère qu'il faut le rejeter.
Présidence de M. Guy Mettan, premier vice-président
M. Philippe Guénat (UDC). L'UDC genevoise, comme vous le savez, est très sensible à la protection et même à la survie des petites et moyennes entreprises genevoises, surtout en ces temps sombres. C'est pour cela que nous allons bien sûr soutenir ce projet de loi, dans lequel nous nous sommes impliqués.
J'aimerais dire à M. le rapporteur de minorité - si vous me permettez - que ce sont les petites rivières qui font les grands fleuves et que tout le monde prône, pour la relance économique, une baisse de la fiscalité. Mais je regrette qu'à force d'avoir dû faire des consensus pour aboutir à ce projet - je rappelle quand même que le MCG était au départ fermement opposé à toute déduction fiscale pour les PME - nous avons été un peu frileux sur le montant total des déductions. Mais nous avons aussi dû tenir compte de certaines communes et de la très fameuse Halle 6, que nous continuons de payer.
Maintenant - si vous me permettez à nouveau, Monsieur le président de la séance - M. le rapporteur de minorité a parlé de Mercedes achetées par le patronat... Après les déclarations de M. le ministre des finances allemand, je pense que ce ne sont que les patrons socialistes qui achèteront des Mercedes.
Donc, les députés UDC voteront en faveur de ce projet de loi, faisant bénéficier nos PME d'un tout petit bol d'air financier bienvenu et annulant cette injustice dont nous avons parlé tout à l'heure.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Roger Deneys.
M. Roger Deneys (hors micro). Je suis le rapporteur de minorité, alors si cela ne vous ennuie pas... Merci.
Le président. Alors je passe la parole à Mme Curzon Price.
Mme Victoria Curzon Price (L). Mesdames et Messieurs, l'économie est un circuit sans fin. Or l'entreprise se trouve au centre de ce circuit, c'est d'ailleurs le seul lieu de valeur ajoutée dans l'économie. En effet, la valeur ajoutée ne vient pas de la consommation, mais de l'entreprise, où l'entrepreneur réunit les facteurs de production: le travail et le capital. Et son idée, si elle rencontre une demande, apporte de la valeur ajoutée. Donc l'entreprise est la seule source de valeur ajoutée !
Dans un monde idéal, elle ne devrait pas du tout être imposée. Dans ce circuit économique, l'Etat peut imposer n'importe où, sauf le lieu de création de la valeur ajoutée. Sans doute, le présent projet de loi est imparfait, il est très modeste, mais le mieux ne doit pas être l'ennemi du bien. Je vous propose donc de voter cette loi.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je soutiendrai ce projet de loi, car si l'on peut redonner un souffle d'air aux petites entreprises, je ne peux qu'approuver. Quant aux 20 millions que cela va prétendument coûter, d'après ce que j'ai entendu auparavant, j'aimerais bien que l'on me dise à quoi ils vont servir. En effet, jusqu'à maintenant, j'ai plutôt l'impression que l'on gaspille l'argent, que l'on n'a d'ailleurs pas, au vu des 19 milliards de dette que Genève a accumulé ces dernières années. Alors plutôt que de mettre 20 millions n'importe où sans que cela ne serve à rien, comme on en a l'habitude, je préférerais consacrer cet argent à quelque chose d'intelligent. N'oublions pas que les petites entreprises sont l'avenir économique de notre république et que, sans elles, on va au-delà de gros problèmes. Alors, pour une fois qu'on peut les soutenir intelligemment, je vous prierai d'accepter ce projet de loi.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, suite aux divers discours que nous avons entendus, je souhaitais ajouter une ou deux précisions.
Monsieur Velasco, vous dites: «C'est un impôt qui se justifie par rapport aux entreprises ayant un gros capital.» Alors très bien: pour celles-là, ce projet de loi sera quasiment «indolore», si je puis dire. Et précisément, depuis que le système fiscal a été modifié, comme je le disais tout à l'heure, l'impôt ne sert plus à faire payer ces entreprises qui ont un gros capital. Donc n'ayez aucun souci à ce sujet.
Mais ce que je voulais surtout vous dire, Monsieur le député, c'est que votre conception de la politique fiscale à l'égard des entreprises est la même que celle que vous avez en matière d'aide sociale. C'est-à-dire que vous souhaiteriez en quelque sorte non pas que l'Etat mette en place les conditions qui permettent aux entreprises de se développer, et notamment de créer des emplois, des richesses et des recettes fiscales, mais qu'il intervienne pour aider de cas en cas celles qui ne fonctionnent pas bien. Or cela ne marche pas comme cela ! Précisément lorsque l'Etat essaie de faire cela, il maintient en vie des canards boiteux et n'aide en rien à la conservation des emplois.
Vous dites aussi: «On n'a aucune assurance que les entreprises affecteront cette baisse d'impôts à des activités utiles à la collectivité.» Mais ce que vous souhaitez, dans le fond, c'est que l'Etat contrôle, si je vous comprends bien, toutes les recettes des entreprises pour s'assurer franc par franc qu'elles vont bien les utiliser d'une manière conforme à l'intérêt que vous imaginez être celui de l'entreprise en question. Cela n'a évidemment aucun sens.
Je voudrais vous dire, chère Madame Künzler, que j'entends avec beaucoup d'intérêt les discours que vous nous tenez souvent sur les plantages urbains ou les vélos électriques. Laissez-moi vous dire que, lorsque vous parlez d'économie et d'entreprises, vous êtes nettement moins convaincante. Venir nous dire maintenant que les entreprises n'ont aucun intérêt, quel qu'il soit, à ce que l'on mette en place des conditions cadres fiscales qui leur soient favorables me semble un peu fort de café !
Par ailleurs, vous tirez la sonnette d'alarme en disant: «Mais combien de fois allez-vous rajouter de nouvelles baisses ?!» Laissez-moi vous dire que ce n'est pas une nouvelle baisse ! En effet, il s'agit d'une partie de la baisse que le peuple - suisse et genevois - a votée en 2008. Elle fait partie d'un paquet, d'une réforme de la fiscalité des entreprises. Donc, il s'agit seulement d'une partie d'un tout, et non pas d'une nouvelle proposition. Cela signifie, Mesdames et Messieurs, que vous pouvez sans aucun scrupule voter oui à ce projet de loi, qui concrétise simplement la volonté de la population. (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs, je n'avais pas l'intention d'intervenir dans ce débat. Mais j'ai entendu l'une de mes préopinantes du parti des Verts nous dire que nous pourrions utiliser ces 20 millions en faveur d'une politique de formation très importante, pour financer la formation professionnelle, etc. J'aimerais vous dire, chère Madame - et nous sommes plusieurs dans cette enceinte à nous occuper de formation professionnelle - que, à chaque séance... (Remarque.) Tripartite ! ...on nous demande de trouver des entreprises et des artisans qui engagent des apprentis et offrent des places de stages. Cependant, on a beaucoup de peine à le faire. Or que demande-t-on ici ? D'alléger légèrement la pression fiscale jusqu'à 8500 F. Je puis vous dire, chère Madame, que 8500 F pour une PME ou un artisan, c'est extrêmement important.
De surcroît, j'aimerais souligner - et cela a peut-être été dit tout à l'heure - que 98% des entreprises sont des PME et des artisans ! Je crois que l'un de mes préopinants a dit que cette mesure concernait aussi les grandes entreprises... Mais elle concerne l'essentiel du tissu économique de ce canton ! Donc, j'aimerais tout de même vous rappeler et attirer votre attention sur le fait que ces 20 millions, si on y arrive, représentent vraiment un coup de pouce à ces entreprises qui font un très grand effort pour la formation professionnelle.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau a décidé de clore la liste. Sont inscrits: M. Velasco, Mme Künzler, MM. Golay, Jeanneret, les deux rapporteurs et M. Hiler. La parole est à M. Velasco.
M. Alberto Velasco (S). M. Jornot parle du cas par cas. Je ne me référais pas à l'UBS. En effet, l'UBS est un cas particulier, ayant fait l'objet d'une aide spécifique. Et à coup de milliards ! Non, Monsieur, je n'ai pas parlé du cas par cas. J'ai simplement dit que, si vous voulez défiscaliser - selon une politique économique, un choix du Conseil d'Etat, un choix de cet Etat - alors cette défiscalisation doit se faire intelligemment, par rapport à un objectif choisi. Or en l'occurrence, on défiscalise en nous disant qu'il faut croire que ce sera bien pour les entreprises... C'est de la foi, non ?!
Comme je l'ai dit tout à l'heure à M. Jornot, je comprendrais si l'Etat avait, par exemple, décidé de favoriser le développement et la recherche ou d'encourager la formation, et que, dans ce cadre-là, il mettait en place une politique de défiscalisation. Je le comprendrais, puisque l'on saurait où va l'argent. En l'occurrence, Monsieur Jornot, on ne sait pas où ira l'argent ! Peut-être qu'il servira, peut-être pas. Par conséquent, personne dans cette assemblée ne peut garantir l'impact économique ! Voilà ce je voulais dire. Et c'est la réalité. Donc pour moi, c'est un projet tout à fait idéologique. Et c'est à ce titre-là que je peux le considérer. Mais ce n'est pas du tout un projet qui correspond vraiment à une politique affirmée par le Conseil d'Etat nous demandant de défiscaliser. Voilà pourquoi ce projet me gêne.
Enfin, Monsieur le président, j'aimerais relever qu'il faut payer tous ces projets de défiscalisation, j'ai demandé tout à l'heure au député Jornot de nous indiquer comment il les compense. Je peux dire qu'il y a un secteur qui les paie: la fonction publique. Oui, les baisses de salaires, les blocages des salaires de la fonction publique...
M. Pierre Weiss. Fallait oser ! (Brouhaha.)
M. Alberto Velasco. ...année après année, ont, entre autres, servi précisément à payer ces défiscalisations. Je vois là une manière de les compenser. Je pense donc que, pour cette fonction publique qui a tout de même déjà mis sur la table plus d'un milliard toutes ces dernières années, c'est le moment de s'arrêter et de dire non ! S'il faut payer une défiscalisation, cela doit se faire par d'autres secteurs ou, cela existe aussi, par des transferts fiscaux; certains dans cette société gagnent énormément, d'autres peu. C'est vrai, Monsieur Barrillier, il y a des petites entreprises, d'une seule personne, qui ont donc besoin d'une aide. Mais ce n'est pas la totalité, Monsieur Barrillier ! (Remarque.) Mais non, Monsieur Barrillier ! Ce serait terrible pour le canton de Genève: 8500 F, cela représente un salaire, un mois de salaire ! Non, Monsieur, le problème est ailleurs. Je considère que ce projet est tout à fait idéologique. Voilà comment je peux le comprendre. Mais je ne peux pas le comprendre comme étant une mesure d'aide à une relance économique.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je réponds tout d'abord à M. Barrillier. Soyez vraiment convaincu que j'attache autant d'importance que vous à la formation professionnelle. Mais vous auriez dû regarder un peu mieux ce projet de loi. Pour avoir une réduction, il faudrait déjà être imposé sur le capital ! En effet, la plupart des entreprises ont des capitaux extrêmement modestes, tandis qu'avec un capital de 4 millions, on paie 8500 F d'imposition ! Au fond, les réductions qui seront opérées pour ces petites entreprises, qui nous tiennent aussi à coeur, seront de l'ordre de 100 F, 200 F, peut-être 1000 F. Voilà ce que vous nous proposez ! Alors ne nous laissons pas leurrer par ce projet.
Quant à M. Jornot, il fait, soit dit en passant, une remarque un peu amusante. Mais soyons sérieux: je suis peut-être spécialiste en plantage urbain, mais je le suis moins que vous, les libéraux, en plantage financier ! (Rires.) Parce que là, vous n'avez pas de leçon à nous donner ! Et lorsque nous plantons une graine, cela donne de beaux fruits. Tandis que vous, c'est plutôt Pinocchio, le chat et le renard. Je ne sais pas si vous vous souvenez de cette histoire; vous devriez absolument la relire... (Brouhaha. Commentaires.) Eh bien, je vais vous la raconter ! Puisque vous ne la connaissez pas... Et c'est d'ailleurs pour cela que vous vous laissez séduire par M. Madoff. En effet, le chat et le renard ont séduit Pinocchio pour qu'il plante ses petits sous dans la terre en lui laissant croire qu'un arbre d'or pousserait. Les libéraux, Madoff et Pinocchio: même combat ! (Rires.) Vous croyez vraiment n'importe quoi ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée, pour ce conte édifiant ! Je passe maintenant la parole à M. Golay.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG a toujours soutenu l'économie et soutiendra ce projet de loi. (Brouhaha.) Et pour répondre à M. Weiss, qui a tendance à dire tout et n'importe quoi, prétendant lors du débat que l'on vient d'avoir sur les jours fériés que je n'avais que faire de l'économie, je tiens à signaler que j'étais favorable à ce projet de loi à la commission fiscale. Voilà qui enlèvera peut-être, chez M. Weiss, ses préjugés à mon égard.
M. Claude Jeanneret (MCG). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je crois que ce projet de loi a quelque chose de sain parce qu'il se veut incitatif à la bonne marche des entreprises. Certes, quand on examine un premier effet, on se dit: «Attention, il n'y a que les gros capitaux qui vont bénéficier d'une réduction fiscale, parce que si on ne paie pas de capital sur les fonds propres, on n'a pas de réduction fiscale.» Cela se peut ! Je vous rappellerai au passage qu'un vieux proverbe chinois dit que, en période de famine, les gros maigrissent et les maigres meurent... Ce que j'aimerais dire par là, c'est que, lorsque qu'une entreprise a eu la sagesse d'accumuler une certaine capitalisation et des fonds propres, il est juste de lui permettre, en période de difficulté, de récupérer un tout petit peu cette sagesse d'épargne consistant à ne pas distribuer tous les bénéfices, mais à faire certaines réserves pour les situations difficiles. Donc je crois qu'il s'agit là de cette idée des entreprises durables et pérennes que l'on évoque volontiers. En effet, l'épargne permet de passer à travers les périodes difficiles; autrement, au moindre effet négatif, il n'y a plus personne !
C'est vrai que 8500 F ne représentent pas grand-chose pour une grande entreprise. Cependant, pour une petite entreprise, cette somme peut tout de même inciter et encourager. C'est la raison pour laquelle le MCG sera, dans cet état d'esprit, très favorable à cette nouvelle loi.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Tout d'abord, concernant le fait que tout le monde demande des baisses d'impôts, j'aimerais vous dire que j'ai entendu une très belle expression à propos de ce «tout ce monde» qui demande des baisses d'impôts: on les appelle les «oies du capital». Et manifestement, on entend ces «oies du capital» jusqu'ici, dans cette salle du Grand Conseil. Il s'agit de ce discours que l'on entend du matin au soir sur toutes les chaînes de télévision, dans tous les journaux bien-pensants, véhiculant toujours les mêmes idées, que le capitalisme va réussir... On entend aussi Mme Curzon Price nous donner un cours d'économie - je ne sais pas si elle a jamais dirigé une PME, j'ai un grand doute - mais elle prononce un grand et beau discours sur l'économie. C'est ce genre de discours sur l'économie qui fait que l'on se «plante» et que l'on va réellement se casser la figure. Pas seulement à Genève, mais partout sur terre. Je pense qu'il y a un moment où il faut arrêter de penser, dans cette logique, cette spirale, que le monde s'en sort mieux en payant moins d'impôts. Il faut répartir les efforts et certainement améliorer les conditions-cadres, mais ce n'est pas avec des mesurettes à 20 millions qui ne sont pas ciblées que l'on va s'en sortir.
Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai pas envie de trop me laisser obnubiler par ce projet de loi. Il a un côté symbolique, évidemment, électoraliste pour certains, mais son impact n'est pas très important. Si ce n'est qu'il s'inscrit dans un contexte où d'autres projets de lois visent d'autres baisses de la fiscalité ! Voilà bien le problème. En effet, on pourrait dire: «La priorité, ce sont les entreprises.» Alors on renoncerait au projet de loi sur les baisses d'impôts massives en direction de la classe moyenne. Il faut à un moment faire des choix ! Nous n'avons pas les moyens de tout nous payer ! Je suis heureux d'apprendre que, une fois de plus, les libéraux rêvent de vivre à crédit... Mais cela ne m'étonne pas ! Ils vivent de cela.
Par ailleurs, Monsieur Jornot, le saupoudrage existe toujours avec ce projet de loi. Il est simplement plafonné à 8500 F, ce qui limite l'impact fiscal global. Mais cela reste du saupoudrage. En effet, il n'y a pas de critère; n'importe quelle entreprise bénéficiera de la mesure - et cela répond aussi à M. Jeanneret - qu'elle ait, en situation de crise, elle aussi des difficultés ou non. Il se peut que, dans son secteur d'activité, une entreprise particulière ne connaisse aucune difficulté, cependant elle profitera aussi de cette réduction d'impôt. En fait, on est en train de diminuer la substance fiscale de l'Etat en touchant tout le monde, et pas seulement ceux qui auraient besoin de la mesure ! C'est bien là que je trouve le saupoudrage dramatique.
Monsieur Barrillier, vous êtes certes un éminent représentant de la Fédération des métiers du bâtiment, vous connaissez bien le monde de l'entreprise, c'est vrai, je ne sais pas si vous-même avez été à l'occasion dirigeant d'une PME. Ce qu'il y a de sûr, c'est que la plupart des petites entreprises et des indépendants ne font pas de bénéfices, Monsieur Barrillier ! Elles ne font pas de bénéfices ! Alors ce sont peut-être des PME, mais, en réalité, elles ne sont pas concernées par la mesure, ou très marginalement. Donc, vous ne ciblez pas les entreprises qui en ont le plus besoin.
Monsieur Jornot, vous dites: «Les socialistes n'ont pas de proposition.» C'est faux ! Je vous rappelle que, la semaine passée, nous avons voté la motion 1870, émanant du PDC en l'occurrence, demandant «la création d'un fonds de secours pour aider les PME-PMI à lutter contre la crise». Eh bien voilà ! Les 20 millions que nous sommes ici en train de sacrifier en supprimant des recettes fiscales à certaines entreprises qui font peut-être d'importants bénéfices et qui se portent très bien auraient été bien plus utiles dans un fonds à destination des indépendants et des entreprises qui connaissent en ce moment des jours difficiles et qui ont peut-être seulement quelques problèmes de liquidités ! Il faut les aider maintenant, pour quelques mois, c'est important ! Là, l'argent serait à mon avis bien mieux investi.
Pour le reste, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais encore dire une chose. Dans ce projet de loi - et cela révèle l'inconscience et l'inconséquence d'une majorité dans ce Grand Conseil - il aurait tout à fait été possible de faire subir la mesure d'économie aux communes. Pourtant, la majorité du droite du Grand Conseil décide de supprimer 20 millions de recettes fiscales au canton, lequel a déjà une dette de l'ordre de 11 milliards et va certainement connaître des années délicates, alors que les communes genevoises se portent dans leur grande majorité - et je vois M. Walpen sourire - extrêmement bien ! Peut-être que les communes genevoises auraient pu supporter 20 millions bien plus facilement que le canton. Eh bien non ! Evidemment, que se passe-t-il ? La majorité de droite de la commission n'a pas souhaité que cette mesure soit appliquée aux communes, ni qu'elle soit complètement portée par les communes.
A nouveau, c'est inconséquent. On a déjà une situation économique difficile au niveau des recettes et des dépenses du canton, et on fait porter cette baisse sur les recettes fiscales cantonales. Donc c'est aussi une logique suicidaire. On a l'impression d'avoir à faire à des lemmings économiques qui vont se jeter dans l'océan du capitalisme et du libéralisme... Mais enfin, notre époque est ainsi ! Peut-être que cela va changer - je l'espère.
Mesdames et Messieurs les députés, je répète: je vous invite à refuser ce projet de loi et à reporter cette pseudo-économie de 20 millions sur le fameux fonds pour aider les entreprises. Voilà qui sera une vraie mesure concrète pour aider ceux qui en auront besoin ! En effet, il ne faudra pas venir ensuite dire qu'il n'y a pas d'argent. Quant à améliorer les conditions-cadres, Monsieur Jornot, ce n'est pas avec 20 millions que vous y arriverez. Vous faites joli pour votre campagne de la fin de l'année, mais ce n'est franchement pas très sérieux.
Mme Patricia Läser (R), rapporteuse de majorité. Je reviens brièvement sur les différentes prises de paroles. Madame Künzler, ce projet de loi n'a absolument pas pour vocation d'attirer de nouvelles entreprises. Il est simplement fait pour essayer d'aider les 98% des entreprises genevoises, qui sont des PME.
Mesdames et Messieurs les députés, lorsqu'on est chef d'entreprise, avec des salariés, et que l'on est en proie à des difficultés financières, on cherche par tous les moyens à sauver prioritairement les emplois ! Et pour celles qui n'ont pas de difficultés financières... (Remarque.) ...cela leur donnera une impulsion bénéfique. Ainsi, même si ce projet de loi a été revu à la baisse, il est important aujourd'hui de donner un signal positif à nos PME. Je vous recommande dès lors, Mesdames et Messieurs les députés, de voter ce projet de loi.
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat, pour être très franc, estime que ce projet est un moindre mal par rapport à la proposition initiale. Ce n'est pas un jugement absolu, mais il est directement relié aux choix qu'a faits notre Conseil. Et quels sont les choix qu'a faits notre Conseil ? A un moment où l'on estimait encore qu'on allait vers un ralentissement de la croissance ou une croissance nulle, nous avions considéré qu'il convenait de maintenir une baisse fiscale - qui est très substantielle - en faveur des familles, que ce devait être là notre priorité parce que le système était tout simplement inéquitable et que, par ailleurs, la mesure était efficace du point de vue économique puisque l'argent allait bel et bien être pour l'essentiel dépensé et non économisé. Evidemment, c'est un choix qui rend compliqué l'atteinte de l'équilibre en 2010. En réalité, il l'empêche. Et c'est la raison pour laquelle, à partir de là, nous souhaitions que l'on y aille un peu doucement.
L'autre choix que nous avons fait - et il nous en a coûté, à vrai dire - a été de transcrire immédiatement dans le droit genevois la mesure la plus contestée de la réforme des entreprises au niveau fédéral, c'est-à-dire qu'il convenait d'alléger l'imposition sur les dividendes pour les personnes ayant plus de 10% d'une entreprise. Pourquoi l'avons-nous fait ? Pour défendre l'attractivité fiscale de notre canton. Non pas parce que nous trouvions que c'était particulièrement moral et intelligent, mais bien pour défendre l'attractivité.
Là-dessus s'est ajouté ce projet. A ce sujet, j'aimerais vous dire que votre débat m'a tout de même un peu surpris, parce que j'ai l'impression - et je m'empresse de le dire - que, de part et d'autre, il y avait une mauvaise compréhension de la teneur de ce projet ! D'abord, ce n'est pas une réduction de l'impôt sur le bénéfice, comme je l'ai entendu, mais sur le capital. L'impôt sur le capital n'est effectivement pas, en doctrine, un très bon impôt, puisque l'entreprise le paie même quand elle subit des pertes. Donc, il n'est à priori pas un très bon impôt. Maintenant, comme on a fait le choix d'agir ailleurs, on ne dispose évidemment pas d'une marge de manoeuvre illimitée.
Avec l'autre argument qui a été donné, on a en quelque sorte laissé croire que les 8500 F profiteraient à tous. Mais non, Mesdames et Messieurs les députés ! Le tableau est extrêmement clair. Il y a un peu moins de 24 000 entreprises à Genève en 2006. En arrondissant, 3700 d'entre elles paient 0 F sur le capital, donc n'économiseront rien; 3500 paient 30 F, donc économiseront 30 F; 3000 paient 77 F en moyenne, voilà leur économie... Bref, la moitié des entreprises concernées auront droit à un sugus de 100 F, pas 8500 F ! C'est ce qui nous gênait, parce qu'on a l'impression que ce n'est au fond pas efficace. Ce n'est pas efficace, vous l'avez dit, Madame la rapporteuse de majorité, du point de vue de l'attractivité; ce n'est pas fait pour cela. Vous avez bien fait de le préciser. En revanche, il est vrai que, malgré tout, malgré l'effort fourni par la commission, en choisissant la variante pour que la mesure puisse toucher les petites entreprises, en réalité elle touche les moyennes entreprises, et non les petites. Mais ce sont les faits que vous devrez assumer lorsqu'on en parlera.
Cela dit, je le répète, le Conseil d'Etat estime que c'est un moindre mal par rapport au projet initial et que, effectivement, ces 20 millions risquent bien de nous manquer. Mais ce n'est pas définitif pour compromettre la situation de l'Etat.
Maintenant, j'aimerais vous expliquer - parce que je ne l'ai fait qu'en commission fiscale, et je pense qu'il va falloir un peu sortir de ce cénacle - pourquoi le Conseil d'Etat voulait bien réfléchir avant de toucher à la fiscalité des entreprises. Parce que, Mesdames et Messieurs, vous allez en avoir pour votre argent dans les prochaines années. Je vais essayer de faire le lien entre notre canton et les articles que vous lisez sans doute dans la presse, mais je ne suis pas sûr que vous fassiez toujours la relation. Pourquoi sommes-nous attractifs à Genève en matière de personnes morales, en dehors de conditions-cadres exceptionnelles ? Parce que, pour une série de secteurs, nous offrons deux statuts intéressants.
Le premier, spécifique à la Suisse, est la société auxiliaire ou société mixte. Ce statut est combattu avec la dernière des énergies par l'Union européenne. Et il y a quelques chances, comme dans d'autres dossiers, que le plus gros gagne contre le petit, n'est-ce pas ? Voilà un premier élément. En soi, il était déjà assez inquiétant, parce qu'il exige, si nous voulons conserver les entreprises dans notre canton, une révision fiscale assez importante et à la baisse en termes de recettes. Et ce n'est pas de la science-fiction: c'est le menu de ces cinq, six, peut-être sept années à venir. Et il faudra être prêts à y répondre. En effet, on sait aujourd'hui qu'il y a deux solutions: soit les taux fixes - ce qui exigerait, chez nous, la diminution de pratiquement la moitié du taux pour toutes les entreprises ! - soit le système hollandais, si les Hollandais convainquent l'Union européenne de le maintenir, auquel cas la perte serait effectivement moins grande.
Maintenant, l'autre atout que nous avons - celui-ci, nous ne sommes pas les seuls à l'avoir, il est pratiqué partout - c'est la société principale. La société principale nous permet de prendre en compte le lieu où est créée la valeur du groupe, pour les multinationales. Jusqu'à présent, comme chacun le fait en Europe, il n'y a pas de levée de boucliers à ce sujet. Mais il y en a une aux Etats-Unis ! Il s'agit du projet de loi déposé par M. Levin, eh oui ! C'est cela qu'il vise à faire. Or là, il n'y a même pas besoin de faire pression sur la Suisse. C'est beaucoup plus simple, Mesdames et Messieurs: il suffit de taxer aussi aux Etats-Unis, sur les valeurs transférées à la société en Suisse. Et voilà ! C'est ce qui nous attend.
Ces éléments-là, vous devez les avoir en tête quand vous allez prendre des décisions fiscales ces prochaines années. Nous allons vers une révision drastique de la fiscalité des entreprises pendant la prochaine législature. Les choses doivent se faire dans le bon ordre. Nous espérons que la capacité diplomatique de la Suisse sera suffisante pour ne pas subir des diktats qui seraient injustes. En effet, on pourrait presque - c'est le danger - se retrouver à ne pas avoir le droit de faire ce que tout le monde fait !
Et évidemment, il y a dans ce contexte une réflexion qui m'a intéressé, parce que je la partage. Elle émane du groupe libéral. Eh oui ! A priori, ce serait mieux de ne pas taxer les entreprises. Et cela ne présente pas de problème, si ce n'est qu'il faudrait augmenter la fiscalité sur les personnes physiques de 20% pour compenser la différence ! Cela dit, il est bien sûr plus intelligent de taxer les revenus distribués par l'entreprise que l'entreprise elle-même, puisque c'est elle, au fond, qui se trouve au coeur du système. On ne peut être que d'accord. Et pour mémoire, cette proposition qui avait l'air iconoclaste avait d'ailleurs figuré une fois dans un programme des Verts français. Elle est assez logique. Simplement, ce que personne n'a jamais osé faire, c'est augmenter de 20% l'impôt des personnes physiques.
Tout cela pour vous dire, Mesdames et Messieurs, que, dans ce contexte, lorsque nous aurons réussi par la richesse de notre canton à compenser le déficit, que je crois que nous aurons encore couvert par la réserve conjoncturelle, à la sortie de la crise nous attendent des difficultés. Et vous savez aussi que des difficultés attendent l'une des principales, sinon la principale activité économique genevoise, soit son système financier. C'est la raison pour laquelle, élections ou pas élections, un temps de pause est maintenant nécessaire. Il semble qu'il y ait un large consensus sur la question des familles; le Conseil d'Etat en est heureux. Ce projet de loi, j'en suis sûr, sera plébiscité ici et devant le peuple. Mais au-delà de cela, Mesdames et Messieurs, il faut quand même laisser un peu de temps au temps pour voir comment et à quelle vitesse évolue le dossier avec l'Union européenne et les Etats-Unis et pour définir les possibilités de réforme fiscale que nous avons, afin non pas de continuer à gaspiller, Madame Borgeaud, mais d'avoir un hôpital, une police, une bonne école, institutions qui représentent 80% à 85% du budget de l'Etat. Malheureusement, c'est incompressible. Et ce n'est pas avec des mesurettes sur le gaspillage qui reste - il en restera toujours un peu - que nous arriverons à résoudre ces problèmes.
Voilà en conclusion, Mesdames et Messieurs, ce que pouvait dire le Conseil d'Etat, sûr et certain que cela ne vous fera pas changer d'avis par rapport à votre disposition d'aujourd'hui. Mais j'espère que vous entendrez tout de même l'appel à une extrêmement prudence au sujet de nouvelles initiatives de ce type. Nous allons vers un déficit, à la suite de la baisse d'impôt, assez substantielle en 2010. Nous allons au-devant de révisions extrêmement difficiles de la fiscalité dans toute la Suisse, et à Genève en particulier, sous la pression de l'Union européenne et très vraisemblablement des Etats-Unis d'Amérique. (Applaudissements.)
Le président. Nous sommes arrivés au terme de ce débat. Nous nous prononçons d'abord sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10218 est adopté en premier débat par 48 oui contre 29 non.
La loi 10218 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Le président. Nous allons à présent voter ce projet de loi dans son ensemble... Monsieur Weiss ?
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je demande que ce vote s'effectue à l'appel nominal.
Le président. Etes-vous soutenu, Monsieur le député ? C'est le cas.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 10218 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 48 oui contre 29 non.
Débat
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des finances a porté la plus grande attention à cette motion, qui date de 1999. Il s'est avéré que ses invites ont été pour la plupart déjà satisfaites. Si la commission a décidé de refuser la prise en considération de cette motion, c'est pour passer un message très clair de soutien et de confiance à la fonction publique. Cette dernière, par le département des finances, et en l'occurrence le Service des ressources humaines, a aujourd'hui instauré un dispositif pilote, qui attache justement une importance tout à fait particulière à ce que le personnel qui pourrait connaître des difficultés à un moment donné soit accompagné, soutenu, valorisé ou aidé à une reconversion éventuelle au sein des départements.
La commission des finances a voulu, avant tout, passer un message de confiance et de soutien à cette mise en place. C'est pourquoi elle vous demande, dans sa majorité, de bien vouloir refuser la prise en considération de cette motion.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Je suis très satisfait des déclarations de la rapporteure de majorité, qui dit qu'elle est finalement entièrement d'accord avec les invites de cette motion. Reste que ces dernières ne sont pas tout à fait remplies. Comme vous l'avez indiqué, il y a effectivement un projet pilote qui devait se terminer, d'après ce que nous avait dit M. Tavernier, en février 2009.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von. En décembre 2009 !
M. Alain Charbonnier. En février 2009, Madame la rapporteure de majorité ! Lisez votre rapport. (Remarque.) M. Tavernier nous dit que le projet pilote doit se terminer en février 2009. Donc, nous pensions que cette motion pouvait être mise de côté pendant ce projet pilote, de façon à savoir ce qui allait, après ce dernier, advenir de ces mesures. On sait très bien ce qu'il peut advenir des projets pilotes à l'Etat: devenir un projet global, tout à fait, mais ils peuvent aussi être mis au placard. Différents projets pilotes ont connu ce sort, malheureusement ou heureusement, c'est selon. Je ne pense donc pas que les invites soient remplies - pas du tout pour l'instant. De grandes améliorations ont eu lieu au niveau de l'Etat, je le reconnais aussi dans mon rapport, mais ce n'est pas encore tout à fait cela.
Un autre argument a été avancé concernant la cinquième révision de l'AI, selon lequel tout était maintenant résolu grâce au vote de cette modification de la loi sur l'assurance-invalidité, puisque des mesures de détection précoce sont à présent mises en place. Force est de constater, par des témoignages divers, que cette détection précoce ne fonctionne pas très bien, que les services de l'office cantonal de l'assurance-invalidité ne sont toujours pas plus rapides qu'auparavant, que les dossiers traînent et prennent énormément de temps avant d'être examinés. Par conséquent, les invites de cette motion sont tout à fait d'actualité.
Vous avez dit tout à l'heure que l'on avait porté notre attention sur cette motion: on l'a enfin fait ! Et elle a trop longtemps traîné dans les tiroirs de la commission des finances ! Le parti socialiste vous enjoint de voter en faveur de cette motion, de façon que le Conseil d'Etat puisse nous rendre rapport sur le projet pilote au travers de la réponse qu'il apportera, ce qui nous donnera un panorama complet des mesures prises. Certaines l'ont été, c'est vrai, mais la plupart, c'est-à-dire celles qui se trouvent dans le projet pilote, ne sont pas encore instaurées, et nous demandons qu'elles le soient.
M. Mario Cavaleri (PDC). Le groupe démocrate-chrétien est très confiant en l'action menée par le gouvernement dans le cadre des mesures qu'il a prises pour traiter du domaine en question. D'ailleurs, cela a été dit, et même reconnu par M. le rapporteur de minorité, les hauts fonctionnaires qui s'occupent de ce dossier maîtrisent la prise en compte des problèmes soulevés. Et nous pouvons tout à fait être aussi sensibles aux invites de la motion quant aux objectifs recherchés.
Pour nous, il est essentiel de bien distinguer les intentions politiquement marquées, qui ont d'ailleurs été prises en compte depuis 1999 dans un passé récent, puisque c'est bien l'objet du projet pilote. Or on se trouve ici - il est assez intéressant de le relever - à la limite de l'objet politique et de l'objet qui touche l'opérationnel. L'administration doit traiter les problèmes que le politique a relevés, et c'est bien le cas au travers du projet pilote. Aussi, il n'y a pas lieu de retenir cette proposition de motion, d'autant moins que M. Tavernier, directeur général aux finances et en charge des ressources humaines, a dit qu'un rapport, un bilan, qu'une évaluation du projet pilote serait présentée. Il n'y a donc aucune raison de retenir encore cette motion, puisque, en réalité, les invites ont été intégrées dans le projet. Par conséquent, le groupe démocrate-chrétien refusera cette motion, pour les raisons j'ai évoquées.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue à la tribune les représentants du Sénat, donc de la Chambre Haute, de la Fédération de Russie et les représentants des Doumas régionales de Russie, qui sont venus nous rendre visite aujourd'hui. (Applaudissements.) La parole est à M. de Battista.
M. Régis de Battista (S). Je dirai quelques mots. C'est un plaisir de parler de cette motion, car j'étais l'un des cosignataires, il y a bientôt dix ans de cela - on l'avait traitée en 1999. Malheureusement, à la lecture du document que vous avez reçu - la motion et l'étude réalisée en commission - on est effectivement obligé de constater que tout n'a pas été accompli. Et je ne suis pas du tout d'accord avec mes préopinants: certes, l'Etat a avancé - et heureusement - mais il reste certains points qui ne sont pas du tout au clair.
Sur la question du projet pilote - je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit - on n'a pas encore vu le résultat de cette étude et son implication. En outre, on ne peut pas, comme cela, donner un blanc-seing à l'Etat ! Le parti socialiste et moi-même peut-être sommes-nous plutôt comme Saint Thomas qui veut voir les mains de Jésus... Nous voulons voir ce que fait le Conseil d'Etat, afin d'être rassurés. Or, en lisant le rapport, on s'aperçoit que la commission qui a été mise en place n'est pas du tout une commission paritaire ! Et l'invite qui a été rédigée en son temps demandait une commission où la personne concernée serait présente, le médecin aussi. De plus, il y avait vraiment un débat d'intégration ! Dans le cas présent, il s'agit plutôt d'une espèce de commission, où effectivement siègent des spécialistes de la médecine, je n'en doute pas, mais qui ne vont pas forcément traiter le cas ni analyser le problème de la personne.
Si nous avons déposé cette motion, c'était par rapport à des gens qui avaient vécu ce problème au sein de nos institutions. Maintenant, je suis allé demander où elles en étaient: c'est elles-mêmes qui ont dû trouver une solution ! Elles ont dû quitter la fonction publique et trouver un poste ailleurs. Je regrette, ce n'est pas satisfaisant ! Il faut que cette motion soit renvoyée directement au Conseil d'Etat, simplement pour s'assurer que chacun puisse être effectivement entendu lorsqu'il y a un problème social de ce type, car c'est important.
J'ai lu dans le rapport qu'à un moment donné l'idée était de geler la motion... Dommage que cela n'ait pas été fait, car on n'aurait peut-être pas eu besoin de ce débat. Mais maintenant, comme vous l'avez, vous êtes obligés d'assumer cette responsabilité. Il n'empêche qu'il a été fait fi de problèmes sociaux que des personnes vivent à Genève. Et dans la fonction publique surtout, quand un accident les détruit, on doit réfléchir au moyen de les réinsérer ! Ce sont aussi des mesures d'économie ! On parle de période d'austérité, de difficultés... C'est exactement cela ! Il faut voir où l'on peut replacer ces gens, mais avec eux ! Voilà pourquoi je vous recommande de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.
M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, plusieurs personnes l'ont dit ici: c'est un sujet qui date. L'histoire, entre-temps, a évolué, entre autres par la modification de la loi sur l'assurance-invalidité, et d'autre part par la mise en place, à l'Etat, d'un processus qui est non seulement pilote, mais qui est aussi très en avance sur ce qui se fait dans les entreprises privées.
Lorsque nous avons auditionné les personnes responsables à l'Etat de ce dossier, elles nous ont promis un rapport pour mars de cette année, si mes souvenirs sont exacts. Il n'y a donc pas de raisons d'être dans l'apriori consistant à estimer que, du moment que cela vient de l'Etat, ce n'est pas juste - et c'est moi qui vous le dis ! - mais il convient plutôt d'attendre ce rapport qui nous a été promis, pour en faire la synthèse et relever les points qui peuvent éventuellement être améliorés ! Cependant, cette motion n'a aucun intérêt en tant que telle, dans la mesure où l'ensemble des mesures proposées depuis le temps ont été mises en place et seront validées dans un rapport que nous recevrons tout prochainement.
M. Jean-Marc Odier (R). Mesdames et Messieurs les députés, l'idée en soi est certainement bonne. Oui, il faut tout faire pour réinsérer les personnes en difficulté pour des raisons de maladie ou d'accident ! L'objet est réel et pertinent; la manière, à notre avis, ne l'est pas. En effet, on doit inciter la réinsertion. Mais dans les invites de cette motion, il y a je ne sais combien de fois le mot «garantir»: garantir un emploi pour les fonctionnaires, garantir le statut de la fonction publique, garantir... Non ! Je pense que ce n'est pas justifié. Nous devons plutôt procéder à une politique des ressources humaines dynamique, et en ce sens le département agit. Nous avons eu une audition très intéressante, au cours de laquelle le projet pilote, qui met certainement du temps pour aboutir, a été expliqué. Mais nous croyons en ce projet pilote. D'autre part, il y a aussi la cinquième révision de l'AI, qui devrait apporter des dispositions propres à aider.
En outre, je ne comprends pas pourquoi, dans ce parlement, nous parlons de ce genre de dispositions, dont l'objectif est bon, mais qui concernent uniquement une partie de l'économie, qui est la fonction publique ! Prenons des dispositions incitatives, mais pour l'ensemble de l'économie ! Il n'y a pas seulement la fonction publique ! On a parlé tout à l'heure des petites et moyennes entreprises, alors ayons un débat aussi sur ce qui pourrait être apporté à ces entreprises. Réfléchissons à une aide de l'Etat qui incite les employeurs à trouver des systématiques pour réinsérer leurs collaborateurs et éviter de les perdre, ce qui est une catastrophe pour l'économie.
Il y a aussi un autre aspect qui me paraît particulièrement lourd: instituer une commission paritaire avec un système d'appels qui permette de faire participer aux débats la personne concernée et son médecin. Mais, on va mettre en place des mécanismes à nouveau contraignants, lourds, alors que nous aurons certainement beaucoup plus de bons résultats si tout le monde passe par des mesures incitatives. Pour toutes ces raisons, le parti radical refusera cette motion.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Il serait peut-être bon que cette motion, déjà renvoyée à la commission des finances, fasse, pourquoi pas, un petit tour à la commission de l'économie. En effet, il me semble que nous avons déjà parlé d'assurance-maladie pour les personnes qui n'avaient pas d'assurance perte de gain dans l'économie privée. Par ailleurs, ce qui sera fait pour le personnel de l'Etat est un très bon exemple pour l'économie privée, je suis absolument d'accord, Monsieur Odier, mais il faudrait au moins que ce texte soit confié à des commissaires et fasse l'objet d'un rapport qui soit ainsi rendu.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC), rapporteuse de majorité. Je crois qu'il faut remettre les choses dans leur contexte. Quand la commission des finances s'est prononcée, ce n'était pas en refusant la prise en considération ni pour donner un blanc-seing. En 1999, il était à l'époque question de réinsérer les personnes, de les réintégrer, parce qu'il n'y avait pas de dispositif pour éviter qu'elles risquent de ne pas être réinsérées, réintégrées. Or justement, ce qui est mis en place, et qui va être l'objet d'une évaluation, permet d'éviter que les personnes ne soient pas réinsérées. La commission des finances l'a bien compris. Cela fait toute la différence et c'est extrêmement important.
Je crois que c'est le bon sens que d'attendre l'évaluation et de refuser, comme demandé, la prise en considération... (Remarque.) C'est marqué dans le rapport. Le Conseil d'Etat devra rédiger, d'ici à fin juin, un rapport sur l'expérience menée actuellement. Donc, il n'y a absolument pas de blanc-seing, nous ne fermons pas les yeux pour nous débarrasser d'un problème, pas du tout ! Simplement, le problème d'aujourd'hui est résolu avec des outils d'aujourd'hui, et non pas ceux de 1999. C'est ce qu'a compris la commission des finances, et je vous remercie de bien vouloir refuser de cette motion.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Les gens disent: «Le problème est résolu, les invites sont périmées.» Certes, un projet pilote est en route, mais cela représente une toute petite parcelle par rapport aux demandes de la motion. Il n'y a donc aucune raison de refuser cette motion ! Si vous êtes d'accord avec les invites et admettez que, en partie, elle est mise en application maintenant, alors votons-là ! Ainsi, le Conseil d'Etat pourra venir effectivement avec un rapport d'évaluation au mois de juin, pour répondre à cette motion en disant: «Voilà, le projet pilote est une réussite.» Il n'y a aucune incohérence à procéder de cette façon, bien au contraire ! Je crois que c'est de votre côté qu'il y a de l'incohérence avec des propos tels que: «Nous sommes d'accord avec ces invites. Or il n'a pas été fait grand-chose depuis 1999, mais cela a évolué...».
Allons-y carrément ! Allons plus loin et votons cette motion ! Elle comporte tout de même, M. de Battista l'a dit, quelques nuances par rapport au projet pilote qui nous a été montré. M. Odier parlait tout à l'heure du système beaucoup trop lourd de cette commission... Pourtant, une commission est en place dans le projet pilote. Simplement, la motion demande que le personnel concerné y soit adjoint, ainsi que son médecin traitant. Ce n'est pas une «usine à gaz», le système ne s'alourdit pas, et l'on peut tout à fait admettre une telle commission.
Je pense qu'il faut voter la motion telle qu'elle est aujourd'hui, de façon à soutenir le projet pilote, de même que le Conseil d'Etat dans son travail, et donner à ce dernier la possibilité de rendre, en juin, un rapport sur cette motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme von Arx Vernon, mais très brièvement.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC), rapporteuse de majorité. Bien sûr, Monsieur le président ! Je crois que ce qu'il faut comprendre, c'est que la commission des finances est partie du principe que l'on peut travailler dans la confiance. Or le rapport de minorité met tout le temps en doute ce qui est mis en place, et cela n'est pas acceptable.
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'exprimerai d'abord un regret: que cette motion n'ait pas été traitée en 1999. Pourquoi ? Parce que, par rapport aux matières qui sont ici exposées et qui recouvrent des cas individuels dramatiques - il faut le dire, c'est de la souffrance dont on parle en forme abstraite, mais cela reste de la souffrance - ce que j'ai découvert en arrivant au Conseil d'Etat m'a atterré. Pourquoi cela ? J'ai été atterré d'abord par l'indifférence générale à l'égard des gens qui se trouvaient dans cette situation. Au fond, dans le «meilleur des cas» - cela dit entre guillemets - on comptait les jours parce que cela allait pouvoir débloquer le poste. Mais évidemment, c'est à la fois dur pour les personnes et aberrant sur le plan économique.
Il y a été dit tout à l'heure que l'Etat pourrait apprendre du privé. Oui, eh bien je crois que l'Etat de Genève pourrait apprendre du secteur du bâtiment ! Parce que dans ce secteur, où surviennent pas mal d'accidents, on s'est aperçu il y a un certain nombre d'années que les personnes qui avaient un accident et qui ne revenaient pas assez rapidement, pour des raisons cette fois propres à des problèmes psychiques dus à l'inactivité, ne réapparaissaient plus. Par conséquent, syndicats et employeurs se sont mis ensemble pour essayer d'organiser ce retour aussitôt que la santé physique le permettait, de sorte de ne pas ajouter un deuxième problème. Pourquoi ? Parce qu'il est vrai que certains accidents ou certaines maladies, comme des cancers, laissent des traces physiques mais aussi psychologiques douloureuses - ce sont des épreuves à surmonter - et que tout le monde n'est pas également fort face à ces épreuves.
Donc à l'Etat de Genève, ce que j'ai vu personnellement - je ne dis pas que c'est la généralité - c'était en réalité le vide ! Alors on a essayé, en relation avec la réforme de l'AI, c'est vrai, de trouver un système qui permette de ne pas rompre le lien entre les services concernés et la personne qui a des difficultés de santé. Garder ce lien ne concerne pas seulement les RH et le service du médecin conseil, mais aussi les collègues et l'entourage. C'est déjà un début, et cela a des conséquences qui peuvent être positives. Maintenant, il faut faire beaucoup plus et le projet pilote doit effectivement nous permettre de faire ce plus.
Ce projet n'est pas mené de façon paritaire, précisément parce que c'est une étude. En revanche, il a été dit aux syndicats que l'analyse de cette dernière et les conséquences à en tirer seraient vues de façon paritaire.
Maintenant, après avoir regretté que la motion n'ait pas été traitée, parce qu'elle aurait vraisemblablement fait avancer les choses plus vite, je dois dire que le Conseil d'Etat adhère pleinement à un certain nombre de mesures, et pas à d'autres. Il faut tout de même faire attention lorsque l'on veut, au-delà des 720 jours, garantir indéfiniment un statut. Non, cela n'est pas le coeur de la réinsertion. On ne peut pas garantir en tous les cas une réinsertion. On peut le faire lorsque l'accident est physique, on peut le faire plus difficilement s'agissant de cas d'alcoolisme, de toxicomanie ou autres. Pourquoi peut-on le faire lorsque l'accident est physique ? Parce qu'il suffit de trouver un travail pour lequel l'énergie physique est faiblement sollicitée.
Ces problématiques sont en outre traitées au niveau de la fusion des caisses de pension par rapport à ce que l'on appelle l'indemnité de fonction. Il s'agit de l'indemnité qui est prise en charge par les caisses de retraite du fait que quelqu'un ne peut plus faire le métier qui était le sien et que, pour toutes sortes d'autres raisons, ne trouve pas de réinsertion. Comme le statut est très différent à la CEH et à la CIA, nous devons trouver quelque chose.
Soyez donc sûrs que, du point de vue du Conseil d'Etat, nous ferons tout pour résoudre ce problème, d'abord par bienveillance et compassion à l'égard des gens concernés, et ensuite parce que, à vrai dire, c'est matériellement l'avantage de l'Etat. Ces deux raisons ne font pas pour autant de cette affaire quelque chose de facile ! Car au fond, on va un peu contre le courant, et il va falloir une forte dose de volontarisme pour changer la culture et l'ambiance autour de ces cas. Il faut voir les choses comme elles sont ! Dans bien des cas, les personnes qui tombaient dans des régimes qui les mènent à l'assurance-invalidité, puisqu'elles rencontraient quelques problèmes sur le plan psychologique - c'est une partie des cas - n'étaient pas les plus populaires dans leur service ! Nous espérons que, sur ces questions, le groupe de confiance, qui fonctionne maintenant et qui est le premier recours des gens qui rencontrent des difficultés d'ordre relationnel au niveau professionnel, apportera un secours. C'est donc une longue et difficile quête.
Mais je peux vous assurer, Madame von Arx-Vernon et Monsieur Charbonnier, que, quoi que vous votiez maintenant, cela ne changera strictement rien. Parce que nous avons un projet. Il va vous être soumis, vous pourrez intervenir dessus et, à la fin, il y aura probablement des modifications légales. Donc soyez vigilants, ne nous laissez pas nous endormir en route, ce n'est pas ce l'on vous demande. Il s'agit de quelque chose de très important, aussi important que des questions d'argent, qui généralement monopolisent toute l'attention du Conseil d'Etat ou de votre Grand Conseil.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous avons été saisis d'une demande de renvoi à la commission de l'économie... Oui, Madame Schneider-Bidaux ?
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (hors micro). Je retire ma demande.
Le président. Très bien. Dans ce cas, nous allons nous prononcer sur cette motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 1301 est rejetée par 38 non contre 25 oui et 4 abstentions.
Le projet de loi 9620 est retiré par son auteur.
Le président. Nous avons aujourd'hui traité vingt et un points de notre ordre du jour. (Applaudissements.) Je lève la séance et vous souhaite une excellente soirée.
La séance est levée à 17h05.