Séance du
jeudi 19 mars 2009 à
10h20
56e
législature -
4e
année -
6e
session -
33e
séance
R 572 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous sommes en catégorie II: chaque groupe dispose de cinq minutes, auxquelles s'ajoutent trois minutes pour les auteurs, soit MM. Forte, Follonier et Selleger. M. Forte étant momentanément absent, je passe la parole à Mme von Arx-Vernon.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Permettez-moi de vous présenter la proposition de résolution 572 qui a un aspect très technique, mais qui concerne en droite ligne le pouvoir d'achat des familles qui considèrent qu'elles paient trop cher leurs primes d'assurance-maladie.
Cette proposition de résolution demande à l'Assemblée fédérale de modifier l'article 60, alinéa 1, de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, afin que les réserves en matière d'assurances soient constituées de manière distincte pour chaque canton dans lequel les assureurs pratiquent l'assurance obligatoire des soins, car ce n'est pas le cas actuellement et cela pose un réel problème ! En effet, le taux de réserves est dans une fourchette acceptable lorsqu'il se situe entre 10 et 20%, or, à Genève, ce taux est passé à 41,7% du montant total des primes annuelles ! Il est donc extrêmement important de pouvoir modifier la loi fédérale, puisqu'il n'existe actuellement pas de base légale pour la répartition des réserves par canton.
En pratique, cela signifierait que les assurés du canton de Genève n'auraient plus, comme c'était le cas ces dernières années, à financer les primes des assurés des autres cantons, et cela sans aucune justification objective. Seule une modification de la loi fédérale - et, bien sûr, de son ordonnance d'application - permettra d'obliger les assureurs à présenter des taux de réserves sur le plan cantonal, taux qui, je le répète, peuvent être parfaitement acceptables entre 10 et 20% - et non pas 41,7%, comme c'est le cas aujourd'hui à Genève ! Cela permettra un réel contrôle transparent, auquel le parti démocrate-chrétien tient particulièrement. En vous remerciant de prendre en considération cette proposition de résolution, nous vous demandons de la renvoyer à la commission de la santé, afin qu'elle soit étudiée avec l'attention qu'elle mérite.
M. Jacques Follonier (R). La proposition de résolution 573-I vise à introduire un plafonnement des réserves, le but ultime étant la diminution des primes pour les assurés genevois. Les caisses maladie, comme vous le savez, sont organisées en différentes entités, la première étant bien sûr celle de la caisse maladie, laquelle est à charge de la LAMal et ne doit pas faire de bénéfice. Toutefois, les caisses maladie se sont diversifiées, notamment dans les assurances complémentaires, mais aussi dans les assurances-vie et même, plus récemment - on l'a vu avec le cas du Groupe Mutuel - dans les assurances automobiles.
Dans le cadre de cette récolte d'argent que font les caisses par rapport aux primes, il y a bien sûr des clés de répartition, lesquelles amènent généralement les caisses à agir de deux manières: soit en répartissant ces fonds dans les autres entités qu'elles possèdent - ce qui est en principe formellement interdit - soit en augmentant leurs réserves, option qu'elles choisissent bien souvent. En outre, il existe pour les caisses une troisième possibilité qui consiste à baisser les primes pour chaque assuré dans un canton bien précis. Malheureusement, on le voit à Genève, cela n'a pas été le cas: alors qu'entre 2000 et 2006 les coûts de la santé ont augmenté à Genève de 18% les primes, elles, ont augmenté de 25% dans la même période.
La situation que nous vivons aujourd'hui est inacceptable, et il y a vraiment lieu de faire quelque chose pour les concitoyens genevois. La meilleure solution consiste bien sûr à agir sur les réserves, afin qu'elles soient plus transparentes et, surtout, qu'on puisse les rendre les plus minimales possible. J'irai encore plus loin - mais cela, c'est un voeu pieu et personnel ! - je serais même prêt à abolir ces réserves, parce qu'elles n'ont carrément aucun sens. Imaginez un jour qu'une grande caisse maladie, comme Helsana, qui compte un ou deux millions d'assurés, se retrouve en situation de faillite: il est clair et net que la Confédération devrait intervenir et que les réserves ne suffiraient même pas à surmonter cette difficulté ! Dès lors, on aurait meilleur temps de supprimer carrément ces réserves, avec une garantie de la Confédération. Reste quand même que ces réserves existent, et qu'elles sont pour certaines caisses très importantes, puisqu'elles peuvent représenter jusqu'à 1, voire 2 milliards; vous imaginez les intérêts que rapportent ces sommes ? Nous n'avons jamais su et ne savons toujours pas où vont ces intérêts, de même que nous ignorons où vont les intérêts des sommes qui transitent par les caisses et qui restent parfois deux ou trois mois en suspens avant de permettre de payer les acteurs de la santé. Tout cet argent, qui représente une masse importante, sert peut-être à faire en sorte que les caisses maladie se construisent des sièges magnifiques ou en tout cas les enrichissent d'une manière ou d'une autre, ce qui est carrément inacceptable et totalement à l'encontre de ce que la LAMal souhaite.
Pour toutes ces raisons, je vous demande de renvoyer cette proposition de résolution à la commission de la santé et de faire de même pour les deux autres.
M. Charles Selleger (R). J'aimerais parler de la R 574-I, qui a trait à la transmission de la réserve. Cette proposition de résolution se base sur trois observations: d'abord, l'article 60 de la LAMal, qui stipule que les assureurs doivent constituer des réserves suffisantes afin notamment de garantir leur solvabilité à long terme. Et l'article 78 de l'Ordonnance sur l'assurance-maladie - OAMal - précise que ces réserves sont constituées pour chaque assuré sous la forme d'un pourcentage des primes à recevoir.
Deuxième constatation: tous les efforts sont effectués par nos autorités fédérales et par l'Office fédéral de la santé publique pour inciter les assurés à faire jouer la concurrence et à privilégier les caisses bon marché. C'est ainsi que - et c'est la troisième observation - beaucoup d'assurés se dirigent vers les assurances les moins onéreuses.
Le corollaire de tout cela, c'est que, puisque la concurrence aidant et que les assurés se tournent vers les caisses dont les primes sont les moins élevées, ces caisses doivent reconstituer des réserves pour cet afflux de nouveaux assurés. Ce qui fait que, l'année suivante, elles deviennent plus chères, et on en arrive ainsi à une distorsion de la concurrence. En effet, les caisses maladie qui étaient les moins coûteuses doivent augmenter leurs primes et deviennent donc plus chères, et, en parallèle, les caisses onéreuses qui sont délaissées gardent les réserves qu'elles avaient constituées pour les assurés qui les ont quittées. Tout cela est un peu compliqué, mais nous demandons en fait à ce que la situation soit celle qui prévaut en matière de deuxième pilier, à savoir que les assurés puissent changer de caisse en apportant avec eux chez leur nouvel assureur la réserve qu'ils ont constituée, ce qui serait beaucoup plus transparent et bien plus logique.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Effectivement, le sujet qui nous est proposé est extrêmement technique et compliqué. De quoi parle-t-on ? Je suis très heureuse d'apprendre que les radicaux sont en faveur de ce que nous, nous avons soutenu il y a quelque temps, à savoir la caisse unique. Parce que c'est exactement ce que vous présentez ! Ce sont précisément nos arguments pour constituer une caisse unique ! Je suis très heureuse de les entendre maintenant, et de pouvoir renvoyer tous ces textes à la caisse... (Rires.) ...non, à la commission de la santé, afin que l'on puisse voir et comprendre comment tout cela fonctionne.
En outre, nous avons trois propositions de résolutions qui touchent des sujets différents mais en même temps semblables, et il serait beaucoup plus intelligent de ne renvoyer qu'une seule résolution au Conseil fédéral et non trois. C'est également la raison pour laquelle je vous propose de renvoyer ces trois textes en un bloc à la commission de la santé.
Concernant la R 574-I, il y a un point qui, selon moi, est totalement inacceptable. Nous parlons d'assurance-maladie, or à quoi sert-elle ? Elle sert à mutualiser les risques face à la maladie. En effet, nous ne sommes pas tous égaux face à la maladie, tout le monde le sait: certaines personnes souffrent de maladies chroniques, d'autres ne sont malades qu'une fois dans leur vie, d'autres encore tous les six ans, et les coûts sont donc différents pour les uns et pour les autres. C'est la réalité de chacun d'entre nous. Or si vous souhaitez changer d'assurance-maladie et prendre les réserves que vous y avez constituées, comment voulez-vous savoir combien vous avez consommé dans la caisse que vous quittez afin d'apporter le reste dans la nouvelle caisse ? Cela n'est simplement pas possible. Alors renvoyons ces trois propositions de résolutions à la commission de la santé, étudions-les et rédigeons une résolution intelligente et non pas un texte complètement aberrant.
M. Claude Aubert (L). J'aimerais d'abord faire un commentaire, puis je vous parlerai de thermomètre, et enfin de prestidigitation. Nous avons suivi dans les médias depuis quelques mois, voire quelques années, le combat qui est mené concernant ces fameuses réserves, de même que nous avons suivi attentivement ce que MM. les conseillers d'Etat Unger et Maillard, dans le canton de Vaud, ont fait, fait et refait. Par conséquent, ce n'est pas un scoop ! Il s'agit d'un problème important et il faut bien évidemment s'y attaquer.
Cependant, j'aimerais mettre en garde notre Grand Conseil contre ceci: il ne faut pas changer de débat. Si vous indiquez que c'est à cause du thermomètre que vous avez de la fièvre, vous allez supprimer le thermomètre, mais la fièvre, elle, va rester. Ainsi, dire que ce sont les caisses maladie qui, par leur fonction, sont quasiment les responsables des coûts de la santé, ce n'est pas forcément admissible; un thermomètre, c'est un thermomètre ! Et il ne suffit pas de le casser pour dire que le problème est réglé.
Nous avons maintenant la prestidigitation, et l'on peut voir un tour de passe-passe... (Brouhaha.) Si mes collègues sont d'accord que je poursuive, je le ferai avec plaisir ! Dans la R 573-I, il est indiqué ceci dans la note 2 de bas de page: «Entre 2000 et 2006, les coûts de la santé à Genève ont augmenté de 18%. Les primes, quant à elles, ont bondi de 25% [...].» Le tour de passe-passe est très clair: on s'occupe du fait que les primes ont bondi mais le vrai problème, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'entre 2000 et 2006 les coûts de la santé ont augmenté à Genève de 18%, alors que nous savons tous que ces derniers sont un sujet d'inquiétude ! Et par quoi cette augmentation de 18% est-elle justifiée ? Il faut d'abord s'occuper de ce 18% ! La question des réserves est certes elle aussi un problème, mais secondaire. En effet, à qui profite le crime ? Je pense qu'à force de désigner les assurances comme étant les responsables de tout - celles-ci ne sont pas blanches, il existe certainement des problèmes - cela signifie que les acteurs du système de santé peuvent tout simplement renoncer à assumer leurs responsabilités, parce que l'on désigne toujours un bouc émissaire pour pouvoir mieux, si vous me permettez l'expression, se tirer des flûtes. Il faut donc que les acteurs du système de santé assument leurs responsabilités et nous indiquent comment, eux, les acteurs, peuvent contribuer à la diminution des coûts de la santé. Donc, non à la prestidigitation !
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je m'exprimerai sur la proposition de résolution 573-I et, au passage, je remarquerai que ce sont apparemment surtout les médecins et les pharmaciens qui s'intéressent aujourd'hui à ce débat !
Cette résolution concernant les réserves nous semble importante; c'est en effet un problème récurrent qui se pose, puisque des réserves trop grandes ont forcément un impact sur les primes que paient les assurés. A ce propos, je relèverai les chiffres du Groupe Mutuel, qui a indiqué sur son site que les assurés étaient gagnants pour 2008. Evidemment, avec un bénéfice de plus de 151,6 millions en 2007... On s'aperçoit donc que tout ce débat sur les réserves n'est pas vain !
J'aimerais en outre rappeler que le principe des réserves est contraire à l'esprit de la LAMal concernant l'assurance de base, qui n'a pas pour objectif d'assurer aux caisses maladie des trésors de guerre, mais bien de permettre à tous les assurés de bénéficier de soins de qualité, et cela en toute transparence. Nous sommes du reste contents de voir que d'autres s'en inquiètent; Mme Schneider-Bidaux a tout à l'heure rappelé que les socialistes avaient lancé une initiative sur la caisse unique - qui n'avait pas fait beaucoup recette à l'époque - on voit donc que le problème est récurrent et que l'on a peut-être manqué une occasion de prendre une bonne décision.
Je rappelle en outre qu'un projet de loi déposé par les socialistes et demandant une caisse publique cantonale est actuellement en discussion à la commission de la santé. C'est évidemment un projet beaucoup plus modeste que la caisse unique, mais il est davantage conforme au droit fédéral et pourrait constituer une première réponse à ce problème des réserves.
En conclusion, les socialistes accepteront de renvoyer ces propositions de résolutions à la commission de la santé.
M. Gilbert Catelain (UDC). Nous sommes donc saisis de trois propositions de résolutions qui traitent du même thème et, au cours des débats, une quatrième proposition s'y est ajoutée, qui consiste à supprimer purement et simplement les réserves. Ces questions méritent donc un débat en commission, sans faire le procès des assureurs, car je crois qu'il faut être attentif à ce qu'a dit M. Aubert; il est effectivement important de prendre un certain nombre de précautions. Il s'agira en commission de ressortir avec une proposition de résolution, qui tiendra également compte des enseignements qui auront été tirés par le département sur ses tractations avec l'Office fédéral des assurances sociales. Il faudra voir quelle a été l'évolution du dossier ces dernières semaines et ces derniers mois, et examiner quelles sont les pistes que l'on peut envisager, car il ne sert à rien d'avoir une excellente proposition si l'on sait que, de l'autre côté de la Sarine, on risque de se heurter à un mur.
En résumé, le groupe UDC soutiendra le renvoi de ces trois propositions de résolutions à la commission de la santé.
M. Alain Charbonnier (S). Beaucoup de choses ont été dites. M. Aubert nous indiquait tout à l'heure que l'on se trompait peut-être de combat, que c'était sur les coûts de la santé qu'il fallait agir, etc. Mais je ne crois pas que l'on se trompe de combat ! On sait très bien que les coûts de la santé augmentent, même si beaucoup de gens font des efforts pour les diminuer, au premier chef notre conseiller d'Etat, ainsi que son homologue dans le canton de Vaud, Pierre-Yves Maillard. De nombreuses personnes ont pris les choses à bras-le-corps, les prestataires de soins eux aussi accomplissent de gros efforts, les tarifs sont bloqués depuis de nombreuses années, etc., et l'on voit du reste les attaques actuelles...
Par ailleurs, on a voté dernièrement une résolution en faveur des médecins généralistes, puisqu'on envisage au niveau du Conseil fédéral de diminuer fortement les honoraires de laboratoire. Or, si cette mesure est appliquée, cela fera disparaître une partie des médecins généralistes. A ce niveau-là, je crois donc que l'on est très conscient du problème.
Maintenant, nous, assurés, donnons des milliards par année aux caisses maladie, lesquelles doivent gérer ces milliards, et l'on s'aperçoit qu'elles le font très mal. On en est même persuadé maintenant, à voir le nombre de résolutions... En effet, tous partis confondus, de la gauche à l'extrême droite, nous sommes ici tous d'accord pour dire que l'on soupçonne lourdement une mauvaise gestion de notre argent par ces caisses maladie - il s'agit du moins d'une gestion sans aucune transparence.
Ces résolutions vont toutes dans le même sens: elles demandent d'une part qu'il y ait de la transparence et, d'autre part, que la gestion s'améliore, en modifiant certains points, comme cette accumulation de réserves totalement inexplicable... Sauf évidemment qu'elle aide certains autres cantons grâce aux primes d'assurance-maladie des Genevois. Lorsque M. Aubert dit que ce n'est pas le problème essentiel... Quand même ! Lorsque l'on paie autant de primes d'assurance-maladie par mois et par année, que l'on s'aperçoit au bout du compte qu'une partie de cet argent va à d'autres cantons et qu'en outre on ne cesse de nous dire que nos primes vont encore augmenter l'année prochaine à Genève, parce que l'on coûte trop cher, il y a un moment donné où il faut dire stop ! Stop à ce système ! Et ces trois propositions de résolutions vont justement dans le sens voulu - que nous soutenons totalement - d'une meilleure transparence et d'un arrêt du profit de ces caisses maladie.
J'aimerais quand même demander aux partis qui nous sont opposés d'ordinaire qu'ils pratiquent aussi leur lobbying au niveau fédéral, parce que c'est à ce niveau-là que tout se joue sur ces thèmes, et on le voit bien, puisque ces propositions de résolutions sont adressées à Berne. D'ailleurs, certains auront sûrement l'occasion d'y aller pour donner la position genevoise, mais c'est aussi au sein des partis qu'un progrès doit s'effectuer. Il faut qu'il y ait une influence forte des députés genevois, vaudois et autres, de façon qu'au niveau suisse les partis prennent une autre position. C'est évidemment délicat, lorsqu'on voit le nombre de conseillers nationaux ou aux Etats qui siègent dans les conseils d'administration des assurances, comme Helsana, qui a été évoquée tout à l'heure. Essayez d'avoir de l'influence au sein de vos propres partis au niveau national d'abord, de manière à faire changer ces points.
En conclusion, nous soutiendrons bien entendu ces propositions de résolutions.
M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG votera en faveur d'un renvoi de ces propositions de résolutions non pas à la commission de la santé, mais directement au Conseil d'Etat, parce que nous nous battons depuis quelques années aux côtés de Pierre-François Unger pour que cette problématique des assurances-maladie trouve une issue.
Je le dis et le répète, le système actuel correspond pour moi à une escroquerie au niveau fédéral, car nous n'avons aucune transparence concernant les réserves des assurances-maladie. Nous savons par d'autres sources qu'elles ont subi avec la crise économique mondiale quelques pertes sur les marchés boursiers, parce qu'avec les réserves qu'elles constituent sur le dos des Genevois, eh bien elles spéculent, mais nous n'arrivons pas à voir la comptabilité des assurances, ce qui est un véritable scandale, et même une escroquerie au niveau de l'Etat et de la Confédération suisse.
Il convient par conséquent de soutenir sans réserve notre conseiller d'Etat Pierre-François Unger, qui a accompli un excellent travail avec M. Maillard du canton de Vaud, et il faut absolument continuer à exercer cette pression au niveau des autorités fédérales, pour qu'enfin la voix des Genevois soit entendue à Berne. Il y a en outre, comme l'a très justement relevé mon collègue Charbonnier, un problème d'incompatibilité s'agissant des personnes qui sont à la commission de la santé au niveau fédéral et qui siègent dans les conseils d'administration des assurances-maladie, puisqu'elles votent systématiquement pour ces compagnies d'assurance-maladie, et cela, évidemment, au détriment de la population suisse !
Ce serait bien sûr une très bonne chose si l'on pouvait avoir un droit d'initiative cantonal sur les primes d'assurance-maladie, parce qu'alors on ferait tomber le premier des jeux de dominos, ce qui provoquerait une réaction en chaîne, et tout le système des assurances-maladie en Suisse devrait être revu en respectant la volonté des citoyens et, surtout, leur porte-monnaie. En effet, pour moi, c'est un impôt déguisé, or toute augmentation d'impôt, vous le savez, est soumise à une votation populaire, ce qui n'a pas été le cas pour les primes d'assurance-maladie.
En conclusion, nous soutiendrons sans réserve ces propositions de résolutions, en demandant à ce que notre conseiller d'Etat tape encore et encore du poing sur la table à Berne, afin que la voix des Genevois soit entendue.
M. Jacques Follonier (R). Je ne sais pas si c'est parce que nous siégeons le matin, mais j'ai de la peine à «imprimer» certaines choses que j'ai entendues. La caisse unique, cela n'a rien à voir avec les réserves ! Je ne vois pas l'intérêt de parler de caisse unique lorsqu'on aborde la question des réserves ! Les réserves existent quel que soit le type de caisse, et cela n'a aucun sens de remettre ce sujet sur le tapis, même si l'on peut se poser la question de savoir ce qui s'est passé lors de la votation et si c'était une bonne ou une mauvaise chose. Reste que nous sommes aujourd'hui confrontés à un problème clair; il n'existe plus une multitude de caisses puisque, même si beaucoup de gens l'ignorent, de nombreux groupes ont fusionné. On se retrouve donc avec des noms de caisses maladie qui appartiennent en réalité quasiment toutes, par exemple, au Groupe Mutuel, ce qui permet à ce dernier de couvrir plus de la moitié des assurés genevois. Bref, c'est un élément qui m'a surpris.
J'aimerais maintenant souligner un aspect concernant le combat sur les coûts de la santé. En effet, je crois que tous ceux qui sont dans le milieu professionnel savent quel effort a été fourni par l'ensemble des acteurs de la santé et des consommateurs également; donc, déclarer aujourd'hui qu'il faut commencer par diminuer les coûts revient tout simplement à dire qu'il y a à Genève des filous, des gens qui profitent, et qu'ils ne savent pas s'autoréguler. Or ce sont des propos que je ne saurais tolérer ! Lorsqu'on est malade, on a le droit d'être soigné et, à mon sens, personne - ou peu de gens - ne devrait ou pourrait profiter d'être malade, s'agissant des soins que l'on peut obtenir.
J'aimerais ajouter deux choses au sujet de l'attitude du Groupe Mutuel. Vous nous disiez, Madame Schneider-Bidaux, que suivre les réserves vous paraît inadmissible et incompréhensible. J'ai personnellement de la peine à admettre l'idée de la solidarité telle que vous la prônez par rapport à la LAMal, parce que ce sont les assureurs, les caisses maladie qui aujourd'hui rompent cette solidarité. Actuellement, lorsque vous avez ne serait-ce que deux francs d'arriéré, que cela pèche pour une raison administrative et que l'on n'arrive pas à savoir pourquoi, la caisse maladie Mutuel vous met dehors, elle vous renvoie. Et entre le moment où vous ne payez plus vos primes et celui où l'Hospice vous prend en charge, vous vous retrouvez dans un espace de temps - qui peut durer de six mois à une année - pendant lequel vous n'avez droit à plus aucun soin, puisque la caisse en suspend la prise en charge. C'est exactement ce que la LAMal souhaitait éviter, ce que la LAMal a réintroduit par l'article 64a, ce que les assureurs ont réussi à mordre - si j'ose m'exprimer ainsi - sur les bienfaits qui leur appartiennent, et c'est vrai que le lobby des caisses maladie est très fort à Berne et qu'il faudra que l'on se batte relativement durement.
S'agissant de la proposition de résolution PDC concernant l'identification des réserves, j'aimerais aussi vous rappeler quelque chose: il y a deux statistiques, celle des assureurs et celle des assurés. Qu'est-ce que cela signifie en clair ? Si vous prenez pour les assureurs les coûts de la santé à Genève et que vous les divisez par le nombre des Genevois, cela donne ce qu'utilisent les caisses maladie: c'est la statistique des assureurs. Mais vous êtes tous conscients que les Vaudois consomment aussi à Genève lorsqu'ils travaillent dans notre canton. C'est donc par ce nombre-là qu'on devrait diviser les coûts de la santé genevoise: ils seraient beaucoup plus bas et nos primes seraient de facto beaucoup plus basses elles aussi ! Et je suis persuadé - j'engage d'ailleurs la commission de la santé à le contrôler - qu'il existe exactement le même problème avec les réserves, et que nous ne bénéficions pas, dans le cadre des réserves du canton de Genève, de la majorité des réserves de ceux qui consomment, comme les Vaudois qui viennent travailler chez nous et qui sont assurés dans le canton de Vaud. Cette distorsion devra être étudiée, parce qu'elle pourrait se révéler très intéressante pour le canton de Genève et permettre de baisser très rapidement les primes dans notre canton.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Aubert, à qui il reste deux minutes.
M. Claude Aubert (L). Il est évident qu'il faut s'occuper du problème des réserves mais, on l'a dit, c'est un combat qui est déjà mené. Moi je me fie aux chiffres: si, entre 2000 et 2006, les coûts de la santé ont connu une hausse de 18%, on peut imaginer que, entre 2000 et 2010, ils auront aussi augmenté de l'ordre de 30 à 33%. Par conséquent, si tout le monde se donne de la peine et essaie de limiter les coûts de la santé, mon seul problème est de savoir comment, sachant qu'un tel effort est réalisé par tous, on en arrive à une hausse de 30 à 35%, laquelle est bien supérieure à celle du coût de la vie. Je me réjouis donc de pouvoir discuter de ces chiffres en commission, parce que si l'on additionne des moins, cela ne fait jamais des plus.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Selleger. Il vous reste cinquante secondes !
M. Charles Selleger (R). J'aimerais juste dire que ces propositions de résolutions ne sont pas un tour de passe-passe pour résoudre tous les problèmes des coûts de la médecine, loin de là. Ce sera peut-être simplement une modeste contribution pour rendre le système de l'assurance obligatoire de soins plus transparent.
Pour répondre à Mme Schneider-Bidaux concernant la solidarité qui serait perdue lorsqu'un assureur verrait partir la réserve de l'un de ses assurés qui le quitte, je dirai que les réserves ne sont pas faites pour cela ! Pour cela, il y a le principal de la prime, qui sert justement à redistribuer aux personnes qui en ont besoin les primes de ceux qui n'ont pas connu de coûts de la santé pendant l'année. Quant à la réserve, elle est technique, je l'ai dit tout à l'heure, et n'a rien à voir avec cette solidarité globale entre les assurés.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme von Arx-Vernon, qui dispose de trois minutes trente.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Lorsqu'on évoque un tour de passe-passe, de quoi parlons-nous ? Il est quand même inacceptable que, au fil des années, les assurés du canton de Genève aient vu leurs primes augmenter davantage que celles des assurés des autres cantons. Et pourquoi ? Eh bien il est là, le tour de passe-passe ! Parce que ce tour est fait par les caisses d'assurance-maladie, dont les réserves sont artificiellement gonflées.
Vous savez, Monsieur le président, les caisses sont toutes en lien avec les mêmes grands groupes, ces fameux groupes importants qui verrouillent. Nous sommes donc en réalité des clients captifs, et c'est pourquoi nous voulons, à travers cette proposition de résolution, que les réserves soient constituées par canton, parce que tant qu'il n'y aura pas de réserves par canton en toute transparence, nous ne pourrons pas faire baisser les primes d'assurance-maladie à Genève, et c'est ce que nous revendiquons dans cette proposition de résolution.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je crois que l'on va se circonscrire à la question des réserves, même si un jour ou l'autre - le député Aubert a raison de l'évoquer - il faudra que l'on parle des coûts. Les réserves sont effectivement un problème un peu technique sur lequel on se bat parce qu'il y a des injustices et qu'il convient donc de rendre la situation moins injuste, mais un jour il faudra bien s'atteler au problème des coûts. A ce propos, je vous présenterai probablement le mois prochain un système de surveillance des coûts mois par mois, afin que l'on puisse suivre leur évolution et voir ce qui bouge et comment cela bouge, de telle manière que l'on puisse bien identifier les problèmes qui, d'ailleurs - et ce n'est pas une surprise - ne sont pas sans lien avec le malaise des médecins généralistes. Nous aurons donc là une jolie matière à travailler, qui nous permettra de savoir de quels outils on se dote pour faire de cette profession libérale, mais captive dans un marché non concurrentiel, un métier qui puisse donner envie à des gens de le pratiquer - parce que, sans médecins, on aura de la peine à assurer l'accès aux soins - mais qui puisse en même temps être pratiqué de manière raisonnable. En effet, ceux qui doivent constituer les prix - qui le sont par les impôts, pour un tiers, les primes, pour un autre tiers et ce que les patients eux-mêmes paient pour le troisième tiers - doivent pouvoir comprendre ce qu'ils font et pourquoi.
Si je devais résumer ces trois propositions de résolutions et leur impact sur les réserves, je dirais que la première consiste à les régionaliser, la deuxième à les plafonner, et la troisième à rendre ces réserves transférables. De mon point de vue et de celui du comité de la Conférence des directeurs sanitaires - que j'ai saisi de cette question en septembre dernier - régionaliser les réserves est une question qui devrait découler de l'interprétation de la LAMal telle qu'elle existe maintenant, puisque cette loi prévoit et a prévu, au moment où elle devait être votée par le peuple, que l'on établirait par région une moyenne de coûts permettant de déterminer une moyenne de primes. Et si l'on souhaitait cela à l'époque, c'est parce que de nombreux petits cantons insistaient pour ne pas être les payeurs des grands cantons dépensiers, dont Genève. Toutefois, on s'est aperçu que le Tessin, le Lichtenstein et Bâle - qui nous a désormais dépassés dans les coûts de la santé - étaient également très touchés.
Par conséquent, on a isolé ce problème en disant qu'il ne faut pas de primes uniques en Suisse par catégorie d'âge et de sexe, mais bien des primes régionales. Du reste, lorsqu'on sait que les réserves sont constituées sur la base de la différence entre l'encaissé et le dépensé, on comprend bien que cela se fait aussi de manière régionale, et c'est donc tout naturellement que, à la lecture de la LAMal, le bon sens vous dit que les réserves devraient être régionalisées. Toutefois, il se trouve que bon sens et droit ne font pas toujours bon ménage, raison pour laquelle il conviendra de clarifier le droit pour qu'il corresponde au bon sens, lequel consiste à dire que, puisque les primes sont régionales et que les réserves sont le reflet des primes, ces dernières doivent être régionales elles aussi.
Nous y serons très attentifs, parce que cette année, comme l'a souligné le député Stauffer, les caisses ont déjà annoncé des hausses du coût des primes de 10%, alors qu'elles n'ont pas annoncé d'augmentation des coûts de la santé de 10%. Alors je ne vous cache pas que je serai extrêmement attentif au fait qu'elles ont un cadre légal pour disposer de leurs réserves, notamment des 25% qu'elles ont le droit de mettre en bourse. Nous serons très vigilants, parce que si le canton de Genève comptait à fin 2007 41% de réserves, le canton de Berne en comptait moins 3% ! Et je ne suis pas sûr qu'on laissera cantonaliser les pertes. En effet, si l'Office fédéral de la santé publique a pendant des années toléré que des cantons n'adaptent pas leurs primes à leurs dépenses réelles, la péréquation financière nous impose très naturellement dans la solidarité confédérale de reverser, en vertu des richesses qui sont les nôtres, des sommes astronomiques à certains cantons, et il ne s'agit pas de passer au râtelier quinze fois. La RPT est faite et décidée, nous versons des montants, qui augmentent chaque année, et il n'est pas question que les Genevoises et les Genevois qui ont constitué ces réserves avec les primes qu'ils paient - plus exactement avec la différence entre le montant total des primes et le montant total des dépenses - les voient s'évader vers des cantons qui n'ont pas fait l'effort d'adapter leurs primes aux coûts réels. Et j'ai pris Berne comme exemple, mais je pourrais en choisir bien d'autres ! Il existe en réalité quatre cantons qui ont thésaurisé et dans lesquels on va aller se servir pour venir au secours du reste de la Suisse. Bien sûr que nous aiderons ces cantons et que nous pratiquerons la solidarité confédérale, mais au prix qu'ils s'adaptent désormais aux coûts qu'ils génèrent.
La deuxième proposition de résolution vise à introduire un plafonnement. Plafonner paraît indispensable, mais nous avons quand même la leçon d'une crise qui montre qu'il faut être prudent avec ces plafonds: si l'on fixe le plafond trop bas, on sera alors en dessus et l'on devra adapter les primes en cours d'année si de l'argent est perdu. On ne leur souhaite pas d'en perdre ni trop amplement ni trop souvent, mais, à n'en pas douter, certains en ont là perdu beaucoup. Je vous rappelle d'ailleurs qu'en 2002 cela avait déjà été le cas avec une grande assurance qui avait dû adapter ses primes en cours d'année, ce que nous avions trouvé relativement scandaleux. En effet, il nous semblait qu'un autre mécanisme, à savoir la compensation des risques, pouvait faire que s'ils prennent des risques sur la santé, ils peuvent en prendre sur les finances, car finalement la gestion du risque est un processus économique que n'importe quelle entreprise devrait maîtriser. Ma foi, s'ils ont une fois plus de malades et une fois moins d'argent, c'est la même gestion d'un même risque, et il faut savoir le gérer. La compensation des risques a été prévue dans la LAMal et elle aurait donc pu fonctionner.
S'agissant de la transférabilité, en revanche, j'ai de très grandes difficultés à comprendre, Mesdames et Messieurs les résolutionnaires. En effet, les réserves que l'on a, on ne les possède pas à titre personnel ! Elles existent parce qu'il y a une différence entre ce que l'on a versé comme primes et ce que l'on a dépensé pour sa santé. Que ferons-nous des gens qui auront dépensé beaucoup plus qu'ils n'ont versé, lorsqu'ils voudront changer de caisse ? Auront-ils un malus ? Leur interdira-t-on de changer de caisse ? Il y a un certain nombre de malades - je ne sais pas de combien il s'agit, mais probablement pas loin d'un tiers - qui sont en déficit par rapport aux primes qu'ils ont versées et, partant, ils ont des réserves négatives. Réserves négatives que, solidairement dans une région de primes, nous prenons en charge toutes et tous. Ces gens-là seraient donc stigmatisés et l'on retournerait à un système ancestral qui est précisément celui que l'on a voulu quitter en votant la LAMal en 1996, à savoir en quelque sorte la capitation de la prime: chacun paie pour lui-même et pour personne d'autre. On s'éloigne donc très gravement de l'esprit de solidarité partielle de la LAMal.
Vous le voyez, ces sujets sont complexes, et je me réjouis de pouvoir en discuter avec vous en commission, tout en soulignant une fois encore que l'état d'esprit des partenaires est en train de changer: nous rencontrons beaucoup plus facilement qu'auparavant les soignants et les caisses pour parler de ces questions et, surtout, la semaine prochaine a lieu la première rencontre pilotée par l'Office fédéral de la santé publique, afin que l'on discute avec les cantons des mesures possibles ou non et de ce que nous tolérerons ou pas dans la hausse des coûts telle qu'elle a été décrite par les assureurs. Si je devais dire il y a deux ans que nous nagions chacun pour nous, nous sommes désormais dans le même bateau: espérons que nous avancions plus vite à coups de pagaies qu'à coups de gaffes. Gardons donc les deux premières propositions de résolutions, et renonçons à la troisième.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 572 à la commission de la santé est adopté par 65 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 573-I à la commission de la santé est adopté par 62 oui contre 2 non.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 574-I à la commission de la santé est adopté par 41 oui contre 18 non et 2 abstentions.