Séance du
jeudi 19 mars 2009 à
8h
56e
législature -
4e
année -
6e
session -
32e
séance
M 1851
Débat
Présidence de M. Guy Mettan, premier vice-président
Le président. Le débat est classé en catégorie II: trois minutes de parole par groupe. La parole est à M. Saudan.
M. Patrick Saudan (R). Merci, Monsieur le vice-président. Si l'on extrapole les estimations basées sur des études internationales à Genève, 500 millions de francs, c'est probablement le montant que nous dépensons pour les conséquences des maladies chroniques, induites ou aggravées par la sédentarité. Vous les connaissez ces maladies, ce sont les maladies cardiovasculaires, le diabète, l'obésité... Eh oui, la population suisse bouge de moins en moins ! Selon les statistiques de l'OFS, un gros tiers de la population n'a aucune activité physique durant ses loisirs. Promouvoir l'activité physique, aussi simple soit-elle, est un moyen simple de diminuer le risque de ces maladies au niveau individuel et de diminuer également le fardeau que font peser ces maladies sur notre système de santé. D'ailleurs, je ne peux pas m'empêcher de mentionner que même chez les fumeurs, un petit peu d'activité physique diminue le risque de cancer du poumon, cela a été mis en évidence dans certaines études.
La prévention primaire, c'est extrêmement difficile, c'est un peu le mythe de Sisyphe. Toutefois, la promotion de l'utilisation des escaliers a retenu l'attention des milieux de la santé depuis une dizaine d'année, comme je l'explique dans l'exposé des motifs. Des expériences ont été tentées en Belgique et au Canada. D'ailleurs, je rappelle que notre canton a été pionnier en la matière, puisque la DGS avait organisé la campagne «Genève bouge» en 2004, dans laquelle les escaliers avaient toute leur place. Une expérience intéressante a eu lieu aux HUG l'année dernière: nous avons mesuré l'impact sur la santé de l'utilisation des escaliers pendant quelques mois. L'expérience a été très positive, et si vous allez aux HUG, vous verrez qu'une signalétique encourageant l'utilisation des escaliers a été mise en place. Là, je fais référence à la première invite de la motion.
Concernant la deuxième invite, qui encourage l'installation d'ascenseurs à la place d'escaliers roulants dans les nouveaux bâtiments, celle-ci fait référence à une motion qui a été déposée au Grand Conseil vaudois par notre collègue Jacques-André Haury. Celui-ci fustigeait l'escalier roulant installé à la Riponne, disant qu'il s'agissait, je cite ses mots, d'«un monte-flemme».
Je ne vais pas prendre plus de votre temps, Mesdames et Messieurs les députés. En résumé, cette motion peut paraître gentillette, très peu politique, mais elle met en évidence un phénomène important: le phénomène de sédentarisation de notre population, qui coûte extrêmement cher à notre système de santé. Je pense que nous n'avons pas à nous substituer aux services de santé, mais le rôle des politiques est d'offrir un cadre incitatif et d'organiser l'habitat urbain de façon que les mesures de prévention, en termes de santé, s'expriment au mieux.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de réserver bon accueil à cette motion en la renvoyant en commission de la santé.
M. Claude Aubert (L). Mesdames et Messieurs les députés, en lisant cette motion, mon esprit s'est un instant envolé et j'ai fait un rêve - ou, plutôt, j'ai eu une hallucination. J'ai lu: «Proposition de motion. Le Grand Conseil de la République et canton de Genève, considérant l'épidémie de surcharge pondérale qui touche notre Grand Conseil et notre ordre du jour...» - soit 177 points et des séances supplémentaires - et j'ai imaginé tout ce qui pourrait contribuer à réduire cette surcharge pondérale. J'ai halluciné une invite qui serait la suivante: «invite le Grand Conseil à promouvoir une politique de signalétique pour indiquer directement aux départements concernés, très sensibles à tout ce qui touche à la prévention, toutes les améliorations intelligentes à apporter dans le domaine public».
Donc, oui à une idée extrêmement pertinente sur le plan de la santé, pour lutter contre la surcharge pondérale - de ce point de vue, c'est évident - mais non à une motion qui augmente la surcharge pondérale de notre ordre du jour ! (Applaudissements.)
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Cette motion signée par plusieurs députés, dont plusieurs Verts, pose une question de santé publique, dans le sens où bouger est quelque chose d'important. On a rappelé la campagne «Genève bouge» durant laquelle certains conseillers d'Etat, pour une fois, se sont déplacés à vélo dans notre belle ville. Promouvoir une politique de signalisation des escaliers est très important et je vous propose de soutenir cette invite.
Par rapport à la politique de construction, je pense qu'il est aussi important de pouvoir reparler de cette proposition et de la réaffirmer, car il y a des bâtiments utilisés par des services de l'Etat où, pour des questions de sécurité, les escaliers sont simplement inaccessibles ! Je parle d'un service que je connais bien, puisqu'il s'agit du Service de santé de la jeunesse, où la moitié de mes collègues accèdent aux bureaux du troisième étage uniquement par ascenseur, parce que l'escalier est sécurisé, le bâtiment hébergeant aussi des organisations internationales !
On devrait pouvoir résoudre ce problème par des mesures très simples et c'est pour cela que nous avions pensé renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Pour l'instant, nous allons voir ce qu'il se passera lors des votes de ce matin.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes accueillent avec plaisir cette proposition de motion dont le but de promouvoir la santé publique est tout à fait louable. D'une façon ou d'une autre, que ce soit en marchant, que ce soit en faisant du vélo ou en montant des escaliers, l'effort physique que l'on peut effectuer au quotidien est souhaitable et à encourager, car c'est une manière simple et efficace de faire du sport et ça coûte bien moins cher que le fitness, qu'un vélo d'appartement ou tout autre système plus ou moins compliqué. Dans ce sens-là, les socialistes sont favorables à cette motion.
Pour répondre partiellement aux propos de M. Aubert, j'aimerais lui dire que si l'on peut parfois se poser la question de la nécessité de certaines motions. Dans la mesure où nous défendons dans notre république un certain nombre de lois et de principes que le Conseil d'Etat est censé mettre en pratique de lui-même, il n'empêche qu'année après année, jour après jour, on constate que c'est parfois difficile pour le Conseil d'Etat et l'administration publique de réaliser des progrès sur des choses relativement simples. Je pensais récemment à cette question qui m'a particulièrement énervé en commission fiscale où nous avons eu l'occasion de nous voir servir du vin d'origine australienne alors que les lois genevoises demandent d'encourager les produits agricoles genevois ! Le conseiller d'Etat en charge de l'agriculture a trouvé cela incroyable quand il l'a appris, et c'est une pratique qui dure depuis des années. Eh bien, que se passe-t-il ? Que faut-il faire ? Faut-il en parler à un conseiller d'Etat ? Faut-il écrire à l'administration ? Faut-il se plaindre au service du Grand Conseil ?
Quelque part, on a un problème de mise en pratique de bonnes intentions et je pense que les motions sont aussi là pour rappeler aux conseillers d'Etat et à l'administration que nous serions ravis, ici, dans ce Grand Conseil, si des efforts pouvaient être effectués dans tel ou tel domaine. Dans ce cas-ci, il s'agit de santé publique et de l'effort physique, qu'il faut encourager. Je dirai encore à mes amis radicaux qu'il faudrait encore simplement, pour aller jusqu'au bout de la démarche, éviter d'installer des parkings juste en dessous des escaliers - pour qu'on puisse aussi marcher - et ce serait parfait !
M. Gilbert Catelain (UDC). Autant mon opinion sur les expériences menées aux HUG est positive, autant je suis sceptique sur le besoin de rédiger une motion dans le cas présent. On aboutit vraiment à une société où l'on fait finalement de la prévention pour tout, où l'on culpabilise les gens pour tout ! Quand ils fument, on les culpabilise avec des campagnes d'affichage sur les trams ou les bus et avec une signalétique appropriée sur les paquets de cigarettes... On va encore au bistrot boire un verre de vin, mais on va nous bientôt culpabiliser avec des étiquettes indiquant que le vin tue ! On prend un escalier, et bientôt il y a aura une signalétique pour indiquer que l'obésité tue... (L'orateur est interpellé.) Ça devient grave ! On ne peut plus vivre et l'on ne fait plus confiance aux gens pour effectuer des choix ! La responsabilité individuelle impose encore aux gens de faire preuve de capacité de discernement. Pas plus tard que hier il y avait une émission sur l'obésité chez les jeunes... A longueur d'année on nous dit que l'obésité est un problème de santé publique. Finalement, il n'y a qu'un seul moyen: que les gens paient plus cher leur assurance-maladie quand ils sont en surcharge pondérale. Et peut-être qu'alors ils commenceront à réagir ! Mais ça, on ne le fera jamais !
Nous avons également voté une loi qui stipule que le Conseil d'Etat a la responsabilité d'instaurer une politique de santé et qu'il est chargé de mettre en place une politique de prévention... Mais cette motion ne demande rien d'autre: que le Conseil d'Etat établisse cette politique de prévention pour une meilleure santé de ses concitoyens. Je crois que le Conseil d'Etat a entendu le message et qu'on n'a pas besoin de lui renvoyer la motion. De plus, il est en contact direct avec l'hôpital, il sait donc ce qui s'y réalise. S'il veut répercuter cette demande-ci, pourquoi pas, mais, de là à obliger des centres commerciaux qui sont propriétaires de leurs bâtiments à mettre en place une signalétique, cela me paraît difficile ! En revanche, on peut inciter les différents partenaires à oeuvrer dans ce sens, pourquoi pas, mais je ne pense pas que la motion soit le bon outil pour résoudre le problème.
Je suis assez favorable à cette politique qui préconise qu'on va convaincre sans obliger, et cela par des petits pas sous forme d'incitations, comme il l'a été fait avec la campagne sur le respect. (Brouhaha.) Il n'y a pas eu besoin d'une motion pour que tout le monde s'engage par rapport à cette campagne et y participe de manière volontaire ! Et je pense que c'est certainement préférable au renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Raison pour laquelle, même si l'esprit de cette motion est tout à fait louable, nous ne soutiendrons pas son renvoi au Conseil d'Etat ou en commission.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Cette motion soulève un problème réel, à nouveau, mais nous sommes un rien dubitatifs quant aux solutions proposées. Est-ce vraiment de la responsabilité de l'Etat de rappeler aux gens le bienfait de l'utilisation des escaliers ? Nous n'en sommes pas tout à fait convaincus. Nous soutiendrons néanmoins le renvoi de cette motion à la commission de la santé, afin d'étudier la faisabilité d'un tel projet, et nous vous encourageons à en faire de même.
M. Patrick Saudan (R). Je voulais juste répondre à mon préopinant de l'UDC. Cette motion est simplement incitative. La proposition de mon préopinant UDC d'augmenter les primes d'assurance-maladie pour les personnes souffrant de surpoids me paraît scandaleuse ! Il n'y a aucune justification à stigmatiser un groupe de la population ! Quand nous soignons les gens, nous soignons tout le monde, et je ne peux que m'opposer à ce genre de propos !
Je réitère de plus notre désir de voir renvoyer cette motion à la commission de la santé.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la sédentarité est un phénomène qui prend une tournure épidémique. Une tournure épidémique, comme les grandes épidémies qui ont tué l'humanité au cours du XXe siècle ! Il s'agissait en général d'épidémies à caractère infectieux, mais la sédentarité devient une épidémie, une réelle épidémie, à caractère mondial, qui tue aussi une partie de l'humanité. A cet égard, les préoccupations des motionnaires sont des préoccupations importantes. Les chiffres varient, mais, en gros, ce sont environ 4 milliards de francs qui sont dépensés chaque année en Suisse, pour les problèmes liés à la sédentarité, à l'excès de poids, à l'hypertension et à toutes les complications qui en découlent.
C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a, dans le plan cantonal de promotion de la santé et de prévention, identifié comme premier objectif le combat contre la sédentarité et la malbouffe, comme deuxième objectif la création d'une alliance contre la dépression et, comme troisième objectif, de retarder la première consommation d'alcool ou de tabac chez les jeunes, parce qu'on sait que ces pratiques ont plus de chance de rester récréatives lorsqu'elles débutent tard dans la vie et qu'elles présentent plus de risques d'être addictives lorsqu'elles sont commencées tôt.
Ce sont donc les trois pieds du trépied du plan cantonal de promotion de la santé et de prévention. Donc, votre motion est l'un des moyens que nous pourrions utiliser dans ce plan de lutte contre la sédentarité.
Maintenant, pour nous, il faut aussi savoir qu'il y a des budgets qui sont engagés, avec des partenaires, auxquels on délègue des compétences. Par exemple, je pense à la société qui s'occupe de la préparation de la Course de l'Escalade; elle réalise un travail tout à fait exceptionnel avec ses entraînements pour enfants qui commencent au mois d'août. Ces derniers participeront ou ne participeront pas à la Course de l'Escalade, mais ils prennent l'habitude de bouger. A cette occasion, on leur apprend qu'on peut aussi aller à pied à l'école. Voilà des gens avec qui nous travaillons et, pour être très clair, à qui nous donnons 50 000 F par année.
Certaines communes ont élaboré des programmes de mobilité, notamment pour la sécurisation des parcours, afin que les enfants puissent aller à l'école à pied plutôt que de s'y faire conduire en voiture. Bref, des dizaines d'actions sont prévues !
Alors, ma question est simple et on pourra en débattre en commission: est-ce que votre motion nous demande de différer certaines des actions que nous avions entreprises pour financer celle-ci ou est-ce qu'elle nous demande un budget supplémentaire ? Si c'est le cas, les décisions budgétaires vous appartenant, nous pourrons chiffrer ensemble une campagne de ce type et vous pourrez, avec une douce unanimité, voter les suppléments nécessaires ! En tout cas, cette préoccupation est clairement la nôtre et nous la partageons avec vous !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Comme nous sommes saisis d'une demande de renvoi de cette motion à la commission de la santé, nous allons nous prononcer à ce propos.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1851 à la commission de la santé est adopté par 40 oui contre 20 non et 2 abstentions.
Le président. Nous arrivons au point 72 de l'ordre du jour et je cède la place à notre président.
Présidence de M. Eric Leyvraz, président
Le président. Je signale que le point 72 est lié aux points 73 et 120. Il s'agit des motions 1857, 1858 et 1856.