Séance du vendredi 13 mars 2009 à 16h
56e législature - 4e année - 6e session - 30e séance

M 1806
Proposition de motion de Mmes et MM. Alain Charbonnier, Laurence Fehlmann Rielle, Anne Emery-Torracinta, Christian Brunier pour une convention collective à Gate Gourmet

Débat

M. Alain Charbonnier (S). Il y a encore quelques mois, nous pensions que nous pourrions retirer cette motion concernant Gate Gourmet. Il s'agit de l'entreprise qui prépare les plateaux repas pour les avions. Anciennement chez Swissair, elle a été reprise par différents groupes américains, entre autres, qui se sont vendu entre eux cette entreprise et qui mettent une pression tout à fait intolérable sur le personnel de Genève.

Cela fait quelques années que Gate Gourmet a établi une convention collective avec ses employés. Malheureusement, chaque année, cette convention finit devant la Chambre des relations collectives du travail, parce que la direction de Gate Gourmet exerce une pression intolérable, je l'ai dit, mais aussi parce que, à travers cette convention, on cherche à revenir sur les acquis figurant dans cette dernière et à remettre en question la difficulté du travail accompli par les employés de cette entreprise.

Je voudrais rappeler que Gate Gourmet réalise un chiffre d'affaires colossal de plus d'un milliard et demi de dollars par année au plan mondial, cette entreprise étant multinationale. A Genève, elle est constamment dans les chiffres noirs, ce n'est donc pas du tout une entreprise en perte de vitesse ou subissant quoi que ce soit de ce genre; au contraire, elle réalise d'énormes bénéfices. Malgré cela, elle se permet le luxe de sous-payer ses employés... Là, je suis obligé de rappeler la véracité, malheureusement, des termes de M. Stauffer, tout à l'heure: mais effectivement, il s'agit d'une entreprise qui sous-paie ! A peine 4500 F pour des employés qui travaillent depuis longtemps dans cette entreprise... C'est totalement intolérable pour notre canton !

L'année passée, je ne sais pas si vous vous en souvenez, la presse s'en était fait l'écho, la CRCT avait dû intervenir juste avant qu'une grève tout à fait justifiée ne soit déclenchée de la décision même des employés, cela afin de pouvoir reconduire la convention collective dénoncée par la direction; la CRCT a jugé pratiquement tout en faveur de ce que réclamaient les employés et l'on pensait que la situation allait ainsi être pérennisée. Malheureusement, tout de suite après le jugement de la CRCT, la direction a fait des propositions pour une nouvelle convention collective: il s'agissait, entre autres, de supprimer les négociations salariales annuelles... Evidemment, demander des augmentations, quelle honte ! Quand on gagne 4500 F par mois pour un travail à 100%, pourquoi demander des augmentations annuelles ?! Il s'agissait aussi de supprimer la protection des délégués du personnel... Naturellement, la présence de délégués syndicaux à l'intérieur d'une entreprise, ça fait vilain, surtout quand on paie aussi «bien» ses employés ! De plus, il était question de supprimer l'obligation de motiver un licenciement - là, je vous laisse juges quant à la direction... - ainsi que de supprimer l'obligation d'établir un plan social - encore un exploit de cette direction ! - et, pour finir, de supprimer aussi les négociations en cas de restructuration.

Après le jugement de la CRCT, on a tout de même pensé que l'année allait se dérouler plus ou moins bien. Malheureusement, il n'en fut rien: après 2008, quand les syndicats et le personnel ont voulu demander une petite indexation des salaires de 2,9%, cette direction - qui, je vous le rappelle, propose de supprimer tous les, entre guillemets, «avantages syndicaux» - n'est, bien sûr, pas entrée en matière ! Et, à nouveau, la convention collective a passé devant la Chambre des relations collectives du travail...

Le président. Il vous faudra terminer, Monsieur le député, mais vous pourrez reprendre la parole plus tard durant trois minutes, puisque vous êtes l'auteur de la motion. Je rappelle que c'est trois minutes par groupe.

M. Alain Charbonnier. Très bien ! Donc, la CRCT est à nouveau saisie, cette fois-ci par les syndicats eux-mêmes, afin de respecter la paix du travail car les employés avaient décidé une grève. Les syndicats ont donc voulu apaiser la situation et aller à nouveau devant la CRCT.

Je reviendrai tout à l'heure pour la suite de l'argumentation de cette motion.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer, pour trois minutes.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme je l'avais dit deux points auparavant, cette motion révèle un réel malaise envers ce qui se passe aujourd'hui à Genève. Laissez-moi vous expliquer ce qui est arrivé à Gate Gourmet, qui, vous le savez, transporte les plateaux repas aux avions - c'est donc un service de «catering». Mais Gate Gourmet n'est pas la seule; à l'aéroport, il y a d'autres sociétés, comme Canonica Catering qui fait exactement le même job.

Je vous ai cité un exemple précis - que je ne reprendrai pas dans le développement de cet argumentaire - de quelqu'un qui s'était fait licencier en raison d'une restructuration économique, et je vais vous expliquer explique pourquoi il y a eu une restructuration. Eh bien, toutes les entreprises aéroportuaires ne respectent pas les conventions collectives ! Certains petits malins, dans une des deux sociétés que je viens de citer, arrivent à engager des employés temporaires, frontaliers - désolé d'en revenir toujours à cela - qu'ils sont arrivés à détacher et qu'ils sous-payent. Par conséquent, Gate Gourmet a perdu deux gros clients et a dû licencier 30% de son personnel. Voilà ce qui est réellement en train de se passer avec notre ouverture beaucoup trop rapide sur les marchés de l'emploi au niveau européen !

Etablir une convention collective, c'est bien sûr important, et nous allons soutenir la motion du parti socialiste. Mais j'aimerais attirer l'attention de M. le conseiller d'Etat, puisqu'il est toujours, grâce à ce Grand Conseil, président du conseil d'administration de l'Aéroport: il convient de s'assurer que toutes les sociétés qui opèrent et gravitent autour de l'Aéroport international de Genève bénéficient toutes d'une convention collective pour protéger les plus bas salaires. Autrement, on aura à nouveau cette discrépance, avec une société qui, certes, au niveau mondial, fait un chiffre d'affaires absolument effarant, mais qui, au niveau genevois, est obligée de licencier les employés pour maintenir son cash-flow, parce que d'autres n'ont pas joué le jeu et ont fait de la sous-enchère salariale.

Alors c'est bien de clouer au pilori en demandant une convention collective, mais il faudrait qu'elle soit uniformisée pour tous les opérateurs du même secteur d'activité, sinon cela entraînera des discrépances. A nouveau, qui paiera les pots cassés ? C'est le citoyen genevois, qui, lui, va se retrouver licencié ou va gagner 4500 F par mois ! Vous m'expliquerez comment une famille fait aujourd'hui pour vivre avec 4500 F par mois à Genève... Moi je ne le sais pas. C'est un réel problème de société qu'il nous faudra bien, tôt ou tard, aborder.

Donc, nous vous encourageons à soutenir cette motion des socialistes. Et je réitère mes remarques à l'endroit du Conseil d'Etat...

Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. Qu'il s'assure que toutes les sociétés soient sur un pied d'égalité concernant les conventions collectives. Je vous en remercie.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Comme nous avons eu deux orateurs qui ont pris la peine d'expliquer le conflit social ayant lieu à Gate Gourmet, il me paraît inutile, par gain de temps, de reprendre leurs propos.

En revanche, il me semble important de renvoyer cette motion à la commission de l'économie, afin de pouvoir étudier ce qui se passe effectivement dans le présent conflit. Il s'agit d'un conflit social, que l'on ne devrait normalement pas traiter au Grand Conseil. Mais, dans ce cas précis, puisque ce conflit réactualise chaque année et que, de plus, il concerne aussi des entreprises étrangères, il faut probablement mettre à jour des divergences quant à la culture d'entreprise et quant à la manière dont on fait les choses.

Voilà pourquoi il est important de prendre cette motion en considération et de la renvoyer à la commission de l'économie, ce que je vous remercie de faire.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Pour les démocrates-chrétiens, il est évident que le problème est réel. Simplement, nous aimons faire confiance aux partenaires sociaux; nous sommes extrêmement attachés au principe du partenariat social. Il s'agit dans ce cas-là d'encourager précisément les partenaires sociaux à continuer les négociations, ce qu'ils savent très bien faire. Je ne vois donc pas pourquoi nous sommes placés ici dans une situation d'arbitre, qui n'est pas de notre compétence.

Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, le parti démocrate-chrétien refusera d'entrer en matière sur cette motion. En effet, nous ne voulons pas faire croire qu'il est possible qu'on se mêle de tout, à tous les niveaux et à n'importe quel moment. Ce serait absolument faux et nous ne voulons pas disqualifier les partenaires sociaux. C'est dans ce sens-là que nous voulons lancer un message très clair. Nous n'entrerons donc pas en matière et nous encourageons les partenaires sociaux à poursuivre leurs négociations.

M. Daniel Zaugg (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais commencer par saluer la sagesse et l'efficacité de ce Grand Conseil dans le traitement de cette motion. En effet, au début 2008, nous en avons refusé l'urgence et je pense que c'est exactement ce qu'il fallait faire. Déposée en janvier 2008 lors du conflit largement relaté par M. Charbonnier - je n'y reviendrai pas - et ayant abouti à la dénonciation de la convention collective entre Gate Gourmet et ses employés, cette motion demande l'intervention du Conseil d'Etat dans les négociations relatives; je ne pense pas que ce soit utile. Les faits le démontrent, il était urgent de ne rien entreprendre. En effet, les partenaires - M. Charbonnier l'a également rappelé - se sont soumis à l'arbitrage de la CRCT, et cette dernière a rendu en mai 2008 une décision qui prend en compte pour une large part les revendications syndicales, cela de manière rétroactive, au 1er janvier 2008. La convention 2004-2006 qui était en vigueur et qui a été dénoncée a été prolongée par décision de la CRCT jusqu'à fin 2010. On constate donc que les organes ont parfaitement réglé le problème. S'il y a maintenant encore un conflit, il y aura une nouvelle négociation, c'est tout à fait normal. Pour moi, le conflit a été réglé dans des délais acceptables, plutôt en faveur des employés, ce qui devrait satisfaire les motionnaires. Voilà pour le fond.

Maintenant, il reste la question de l'opportunité de l'intervention de l'Etat dans ce genre de question. La position du parti libéral est extrêmement claire: une convention collective est un outil négocié qui sert à la préservation de la paix sociale, mais qui ne peut fonctionner qu'avec un accord des deux parties. C'est le résultat d'un consensus, et il est important que l'Etat n'intervienne pas dans ce genre de négociations en faveur de l'un ou l'autre des partenaires; il faut absolument que les partenaires sociaux puissent faire leur travail. En cas de réel litige, on dispose d'un arsenal législatif suffisant et d'organes compétents comme la CRCT, dont le rôle est précisément d'assister les partenaires dans la recherche d'un accord. En ce qui concerne le Conseil d'Etat, nous pensons que son seul rôle est de faire appliquer les lois en vigueur, de veiller au respect de l'équité, et certainement pas d'intervenir en faveur de l'une ou l'autre des parties.

C'est pourquoi les libéraux vous invitent à refuser cette motion, qui n'a de toute façon, au vu de l'évolution de la situation, plus aucune raison d'être.

M. Philippe Guénat (UDC). A l'UDC, nous aimerions nommer cette motion «De quoi je me mêle ?! On s'ennuie, alors agitons-nous !» En effet, je suis étonné de voir avec quelle légèreté les signataires socialistes ont rédigé cette motion. Envoyer le signal que l'Etat doit intervenir chaque fois qu'il y a un problème n'est vraiment pas ce dont on a envie dans la situation économique actuelle. Appeler, je cite, «un sacrifice personnel» le fait qu'un collaborateur travaille quarante minutes de plus par semaine, huit minutes de plus par jour... J'hallucine ! En contrepartie, ce même personnel a vu son salaire augmenter de 3%.

Monsieur le président, c'est du langage et de la pensée syndicalistes qui ne m'étonnent pas de la part de son initiant. Toutefois, ce n'est pas digne d'un député - ni de certains cosignataires voulant siéger au prochain Conseil d'Etat - de prétendre que le personnel de Gate Gourmet est assujetti au fonctionnariat parce que Gate Gourmet se trouve sur l'aire de l'Aéroport. A nouveau, c'est de la folie ! Ces gens sont propriétaires des murs et ont un droit de superficie. Dans le contrat d'achat, il n'a jamais été mentionné une quelconque règle salariale. Alors de quoi nous mêlons-nous ?

Les mêmes inspecteurs socialistes en herbe s'offusquent de voir des salaires avoisinant généralement 4500 F par mois, pour du personnel généralement sans formation. Eh bien, Monsieur le président, c'est déjà un bon salaire ! Je vous promets qu'aujourd'hui, à Genève, il y a bien des gens sans formation adéquate qui aimeraient gagner ce salaire-là. Et pourquoi les salaires étaient-ils 4500 F ? Parce que, Monsieur le président, lorsque Swissair a fait faillite, nous étions très ennuyés que Gate Gourmet - je tiens à vous le rappeler - aille aussi vers la faillite. Or l'acquéreur a repris Gate Gourmet et on lui a demandé de garder les mêmes salaires, ce à quoi il s'est engagé. Ces salaires étaient à l'époque très élevés, parce que Swissair a toujours été connue pour être une compagnie généreuse. Alors oui, pendant des années, les salaires n'ont pas été adaptés parce qu'ils partaient de très haut, mais nous étions bien contents que l'activité reste à Genève.

Pour terminer, je rappellerai, Monsieur le président, que cela date du printemps 2008. Depuis ce moment-là, comme l'a relevé mon collègue libéral, la situation a été assainie et la paix sociale a été retrouvée. Je m'étonne donc que ce point soit toujours à l'ordre du jour... (Commentaires.) Mais oui ! Le groupe UDC n'entrera pas en matière: nous refuserons les renvois à la commission de l'économie et au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Charbonnier, voulez-vous intervenir en dernier ? (M. Alain Charbonnier acquiesce.) Très bien, la parole est alors à M. Barrillier.

M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, mon excellent collègue Daniel Zaugg a bien expliqué, en tant que chef d'entreprise d'ailleurs, les principes d'autonomie des partenaires sociaux des parties et de subsidiarité de l'État en matière de relations sociales. Il est vrai que le conseiller d'Etat Longchamp a prêté son concours il y a quelques années, lors d'un conflit dans l'industrie de la construction, mais jamais il ne s'est substitué aux partenaires sociaux; il a en quelque sorte joué les facilitateurs, et c'était très apprécié. Mais constamment - j'aimerais le souligner ici - les partenaires sociaux dialoguaient, et ce sont eux seuls qui ont trouvé l'accord qui a ensuite été reconnu par les autorités. Donc l'autonomie des partenaires sociaux est fondamentale. S'il n'y a pas de volonté, on ne peut pas la remplacer, on ne peut pas la créer.

Cette motion, cela a été dit, arrive comme la grêle après la vendange, puisque les dispositifs que nous avons à Genève pour essayer de concilier les parties ont fonctionné à merveille. Il n'y a donc plus de problème.

S'agissant de l'intervention de mon collègue du MCG, j'aimerais dire encore ceci. En abordant la question de la sous-enchère salariale, du dumping, il fait là un amalgame dans ce domaine. Je rappelle que nous avons voté il y a trois semaines sur cette problématique; on vous a démontré à multiples reprises qu'il y a des dispositifs tout à fait clairs avec intervention des partenaires sociaux et de l'observatoire du marché de l'emploi; par conséquent, s'il y a suspicion de sous-enchère abusive et répétée dans quelque branche économique ou entreprise que ce soit, on appuie sur un bouton, une enquête est menée, et, le cas échéant, cela peut déboucher sur des contrats-types de travail. Donc, arrêtez de diffuser de fausses informations ! Les partenaires sociaux et l'Etat sont parfaitement armés pour lutter et mettre fin à ce type de sous-enchère. Le groupe radical refusera évidemment cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Gautier, si vous voulez prendre la parole, vous avez vingt-cinq secondes.

Mme Fabienne Gautier (L). En ce qui concerne les inquiétudes qui pourraient survenir de la part des entreprises, et à propos de ces dernières qui, prétendument, seraient mal surveillées, j'aimerais relever, comme l'a fait M. Barrillier, qu'il existe des instances: le Conseil du marché de surveillance de l'emploi, qui travaille avec les partenaires sociaux et l'Etat, et le Conseil des mesures d'accompagnement. Il ne faut pas les oublier, ce sont deux instances qui font extrêmement bien leur travail avec les partenaires sociaux. Je pense qu'il faut souligner cela au cours de notre discussion. En effet, il n'y a absolument plus de dérapage actuellement, puisque tout est très bien contrôlé, y compris concernant les entreprises qui viennent travailler temporairement à Genève.

Donc, nous refuserons la motion, comme il l'a déjà été dit.

Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes saisis d'une nouvelle invite concernant cette motion. Je vous la lis: «à rendre rapport au Grand Conseil pour toutes les sociétés opérant dans le même secteur si elles possèdent également une convention collective.» Je vais donner la parole à ce propos, puis je la passerai à M. Charbonnier pour terminer... (Commentaires.) Si vous voulez intervenir en premier, Monsieur Charbonnier, c'est comme vous voulez.

M. Alain Charbonnier (S). Alors je veux bien commencer, merci, Monsieur le président. J'ai entendu différentes choses, entre autres que cette motion n'avait, pour certains, plus raison d'être. Je crois qu'ils n'ont pas bien écouté mon intervention de tout à l'heure ou qu'ils n'étaient pas présents. Je rappelle que la Chambre des relations collectives du travail a de nouveau été saisie il y a quelques jours, pratiquement pour la dixième fois en dix ans. Donc ce n'est pas un cas banal où les partenaires sociaux se rencontrent tranquillement pour discuter d'une situation - ainsi que nous le laisse entrevoir M. Barrillier ou d'autres - et de la manière dont cela devrait se passer, comme cela se déroule heureusement dans la plupart des cas en notre canton.

Malheureusement, cette entreprise a depuis quinze ans démontré ses intentions: elle a repris Gate Gourmet, non pas de façon philanthropique - Monsieur Guénat, vous nous faites complètement rêver ! - mais parce que ce grand groupe mondial qu'est Gate Gourmet y trouve des avantages et réalise des bénéfices conséquents. A un moment donné, ces bénéfices doivent aussi revenir aux travailleurs de l'entreprise, ce qui n'est pas du tout le cas ! Mais vraiment pas ! L'année passée, la décision de la CRCT est allée dans le sens des employés, et non dans le sens de la direction, laquelle voulait supprimer toute une série d'acquis et revenir sur la discussion annuelle relative aux salaires. On constate donc que cette direction ne veut pas aller vers une négociation, comme cela se fait habituellement...

Ensuite, quand j'entends dire: «L'Etat ne doit pas intervenir»... Pas cette chanson aujourd'hui ! Je ne vais pas vous citer l'UBS, quand même ! Je ne sais pas si vous vous en souvenez, ce n'est pas si vieux ! Par ailleurs, plusieurs personnes qui sont intervenues étaient intéressées au premier chef par une autre convention collective, celle du bâtiment - MM. Barrillier et Zaugg, partie prenante dans cette affaire-là, ont la mémoire très courte. Alors, parfois le Conseil d'Etat doit intervenir - quand cela l'arrange, lui - et d'autres fois, quand bien moins d'employés sont concernés - peut-être bien peu, trop peu à ses yeux, et trop peu payés... Or ces gens-là souffrent ! Et il est temps que, dans la mesure de ce qu'il peut faire, le Conseil d'Etat agisse ! Evidemment que ce n'est pas le Conseil d'Etat qui va aller imposer quoi que ce soit à la direction de Gate Gourmet.

Je rappelle que les passages devant la CRCT occasionnent aussi une dépense publique, puisque ce sont des juges qui doivent siéger et que cela coûte des deniers à la collectivité publique. L'idée de notre motion consistait donc à dire: «Faisons intervenir le Conseil d'Etat, de façon qu'il devienne arbitre, avant que l'affaire ne reparte une nouvelle fois à la CRCT et que des deniers publics soient dépensés. Cela, afin que cette entreprise revienne dans le droit chemin - c'est moi qui utilise ce terme, mais oui ! - des négociations normales entre partenaires sociaux et qu'elle respecte un tant soit peu ses employés.» (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous avons sous les yeux la nouvelle invite que j'ai lue tout à l'heure, nous allons donc procéder de la manière suivante: je passe la parole à M. Stauffer, qui a trois minutes pour présenter son invite, sur laquelle il n'y aura pas de discussion. Je passerai ensuite la parole à M. Longchamp, puis nous voterons l'invite, le renvoi à la commission de l'économie et, enfin, la motion. Monsieur Stauffer, vous avez la parole.

M. Eric Stauffer (MCG). Le président a lu notre invite. Comme je vous l'ai expliqué préalablement, Gate Gourmet est l'une des composantes opérant dans le secteur aéroportuaire. Il est donc important que ce Grand Conseil soit informé sur toutes les sociétés qui opèrent dans la zone aéroportuaire, pour vérifier si elles aussi ont des conventions collectives. Autrement, nous allons provoquer une concurrence déloyale avec une société qui n'aurait pas de convention collective et qui pourrait évidemment employer du personnel à moindre coût, causant ainsi une perte de marché pour Gate Gourmet. C'est ce qui lui est arrivé, je vous le rappelle, il y a trois ans, et cette société avait dû licencier environ 30% de son personnel. Je vous engage donc à soutenir cette nouvelle invite.

Par rapport à cette dernière, on parle d'ingérence de l'Etat... Pas vraiment ! Nous voulons simplement que les lois soient respectées ! Donc, ce n'est pas véritablement une ingérence, comme l'a dit M. Guénat. J'estime que nous devons aller voir ce qui se passe, voir si la loi n'est pas respectée et si les salaires sont si bas que les gens ne peuvent pas avoir une vie décente dans le canton de Genève.

En conclusion, je vais répondre M. Barrillier, qui dit: «Nous avons des dispositifs pour contrôler»... Excusez-moi, mais c'est vraiment la plaisanterie de ce vendredi après-midi ! Vous avez sept inspecteurs - peut-être leur nombre a-t-il légèrement augmenté - pour 300 000 emplois à Genève... Faites-nous rigoler ! C'est vrai qu'ils vont aller dans toutes les sociétés ? Vous représentez ici le bâtiment, et l'on sait que ces inspecteurs sont dévolus spécifiquement au contrôle des chantiers, puisque c'est là qu'il y a le plus d'employés européens «détachés» et qu'ils n'ont que faire des sociétés comme Gate Gourmet - ils doivent déjà s'occuper de piles hautes comme ça... Franchement, cet argument ne tient absolument pas la route !

Par conséquent, je vous demande de soutenir cet amendement. Nous aurons ainsi une vision globale sur le problème - spécifique ! - de l'Aéroport. Il est de notre devoir d'intervenir pour comprendre ce qui s'y passe.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la situation dans l'entreprise qui fait l'objet de cette motion est aujourd'hui stabilisée. En effet, à la demande des parties - l'entreprise, d'une part, la section genevoise du syndicat SSP-VPOD, d'autre part - la CRCT, la Chambre des relations collectives du travail, a été saisie de ce dossier. Elle a rendu une décision qui a prorogé la convention collective jusqu'au 31 décembre 2010, ce qui veut dire que pour environ deux ans encore la situation dans cette entreprise est stabilisée.

La motion demande au Conseil d'Etat d'intervenir dans le cadre de ce conflit du travail. Il est vrai que ce n'est pas une situation très fluide ni très habituelle et que des éléments pourraient probablement être améliorés de part et d'autre. Mais j'aimerais tout de même attirer votre attention sur le caractère très exceptionnel de l'intervention du Conseil d'Etat dans les litiges de relations du travail. Il ne faut pas se prévaloir trop à l'envi de son intervention dans le secteur de la construction. Il s'agissait d'un conflit national, qui avait des conséquences extrêmement graves sur le fonctionnement d'un secteur considérable sur le plan économique et sur un certain nombre de chantiers. Cela a poussé le Conseil d'Etat de manière tout à fait exceptionnelle à s'impliquer pour essayer de trouver une solution cantonale. Cela a d'ailleurs été le cas, ce qui a ensuite permis d'initier une dynamique nationale positive.

Mais j'aimerais rappeler ici que l'on ne peut pas vouloir défendre une vision paritaire du droit du travail sans garder à l'esprit que le seul moyen de faire fonctionner le marché du travail aujourd'hui est d'avoir des syndicats forts d'un côté et des organisations patronales structurées de l'autre. Ils doivent être capables les uns et les autres, sans le concours de l'Etat, de signer des conventions collectives. La tentation, la tendance qui voudrait que, dans cette enceinte puis au sein du Conseil d'Etat, on en vienne à s'occuper de tous les litiges dans le secteur du travail est contraire à ce principe auquel nous devons être attachés, qui est celui d'un fonctionnement paritaire des relations du travail dans notre pays. C'est ce qui fait la force de notre pays, par rapport à d'autres qui ont des manières plus conflictuelles, parfois, d'imaginer les relations du travail.

Je vous invite donc à faire de cette motion l'usage que vous voudrez bien: la renvoyer en commission, au Conseil d'Etat, ou encore la refuser. Mais j'aimerais vous dire que le Conseil d'Etat est et sera extrêmement prudent dans les interventions qu'il serait amené à envisager dans le cadre d'un conflit du travail et en particulier dans celui-ci, puisque, comme je vous l'ai indiqué, jusqu'au 31 décembre 2010, ce secteur bénéficie d'une convention collective valable. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Charbonnier, il vous reste quarante secondes.

M. Alain Charbonnier (S). Merci, Monsieur le président, je n'aurai pas besoin de beaucoup plus de temps. J'aimerais simplement dire que j'ai ici la lettre des syndicats dénonçant... (Remarque.) Pardon ? Monsieur Guénat, vous avez quelque chose à dire ?

Une voix. Bien sûr !

M. Alain Charbonnier. «Bien sûr», oui ! J'ai la lettre qui demande à la CRCT d'intervenir dans ce conflit. Donc, il n'y a pas paix du travail du tout, Monsieur le conseiller d'Etat, c'est faux ! Cette lettre date du 9 mars 2009, et pas de 2008: de 2009 ! Elle dénonce les agissements de la direction. S'il le faut, je la mets à la disposition du Mémorial. Je tiens à dire que cette motion est tout à fait d'actualité, d'autant plus cette année puisque le conflit s'envenime toujours davantage ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons nous prononcer d'abord sur la nouvelle invite du MCG. Je la relis: «à rendre rapport au Grand Conseil pour toutes les sociétés opérant dans le même secteur si elles possèdent également une convention collective.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 46 non contre 34 oui.

Le président. Nous sommes maintenant saisis d'une demande de renvoi à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1806 à la commission de l'économie est rejeté par 48 non contre 34 oui.

Le président. Nous allons nous prononcer sur l'adoption ou le rejet de cette motion.

Mme Anne Emery-Torracinta. Je demande le vote nominal !

Le président. Le vote nominal est demandé. Etes-vous soutenue ? Vous l'êtes largement, Madame !

Mise aux voix à l'appel nominal, la proposition de motion 1806 est rejetée par 46 non contre 35 oui.

Appel nominal