Séance du
vendredi 13 mars 2009 à
16h
56e
législature -
4e
année -
6e
session -
30e
séance
La séance est ouverte à 16h, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.
Assistent à la séance: MM. David Hiler, président du Conseil d'Etat, François Longchamp, Laurent Moutinot, Robert Cramer et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Pierre-François Unger et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que MM. David Amsler, René Desbaillets, Yves Nidegger et Pascal Pétroz, députés.
Correspondance
Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Duplique du Grand Conseil concernant la cause A/2563/2008 - Plan N° 29567-542 - Recours de Pro Natura contre la loi 10174 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Veyrier, situées à l'angle entre la route de Veyrier et le chemin des Beaux-Champs au lieu-dit "Grande-Fin" et modifiant le périmètre de protection des rives de l'Arve, adoptée le 25 avril 2008 (transmis à la Commission d'aménagement) (voir C 2656, C 2671, C 2679, C 2685, C 2718, C 2719, C 2745 et C 2766) (C-2771)
Annonces et dépôts
Néant.
Interpellations urgentes écrites
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:
Interpellation urgente écrite de Mme Sandra Borgeaud : Régulation des prix pour les décharges genevoises (question 1) (IUE-736)
Interpellation urgente écrite de Mme Sandra Borgeaud : Régulation des décharges genevoises (question 2) (IUE-737)
Interpellation urgente écrite de Mme Sandra Borgeaud : Régulation des décharges genevoises (question 3) (IUE-738)
Interpellation urgente écrite de Mme Sandra Borgeaud : sur les autorisations pour les gravières (IUE-739)
Interpellation urgente écrite de M. Fabiano Forte : Le projet de RER franco-valdo-genevois est-il indissociablement lié au CEVA ? (IUE-740)
Interpellation urgente écrite de Mme Anne Emery-Torracinta : Recalés de l'asile : où en est-on ? (question 1) (IUE-741)
Interpellation urgente écrite de Mme Anne Emery-Torracinta : Recalés de l'asile : où en est-on ? (question 2) (IUE-742)
Interpellation urgente écrite de Mme Anne Emery-Torracinta : Recalés de l'asile : où en est-on ? (question 3) (IUE-743)
Interpellation urgente écrite de Mme Anne Emery-Torracinta : Recalés de l'asile : où en est-on ? (question 4) (IUE-744)
Interpellation urgente écrite de M. Antoine Bertschy : Panneaux FMB pour le stationnement (IUE-745)
Interpellation urgente écrite de M. Gilbert Catelain : Nouvelle loi sur les stupéfiants : mise en oeuvre de l'art. 19 b (IUE-746)
Interpellation urgente écrite de M. Alain Charbonnier : TRT, association ou externalisation du domaine de la réinsertion de l'Hospice général ? (IUE-747)
Interpellation urgente écrite de Mme Véronique Pürro : Liberté syndicale : un droit fondamental (IUE-748)
Interpellation urgente écrite de Mme Mathilde Captyn : Accueil à la journée de la Petite enfance : que fait l'Etat pour résoudre la pénurie de professionnels ? (IUE-749)
Interpellation urgente écrite de Mme Mathilde Captyn : Motion sur l'endettement des jeunes (M 1678) : l'Etat a-t-il fait quelque chose ? (IUE-750)
Interpellation urgente écrite de M. Alain Charbonnier : Quel rôle du Parlement dans le projet Praille Acacias Vernets ? (IUE-751)
Interpellation urgente écrite de M. Roberto Broggini : Happening anti 4x4 interdit dans la zone piétonne du Mont-Blanc lors du Salon de l'auto et autos garées dans la zone piétonne de la rue de l'Industrie : deux poids deux mesures? (IUE-752)
IUE 736 IUE 737 IUE 738 IUE 739 IUE 740 IUE 741 IUE 742 IUE 743 IUE 744 IUE 745 IUE 746 IUE 747 IUE 748 IUE 749 IUE 750 IUE 751 IUE 752
Le président. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante.
Premier débat
M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de majorité. Je vais commencer mon intervention en prenant le rapport de minorité et en saluant la formule extrêmement ramassée qu'a utilisée Mme Laurence Fehlmann Rielle pour parler de la proposition socialiste. Je dis «formule ramassée», mais je devrais dire «mot», puisque c'est d'un constat que partent les socialistes pour nous proposer le projet de loi 10322. Ce constat est le suivant: depuis l'acceptation de la LASI, qui sauf erreur a été également acceptée par les socialistes... (Remarque.) Non ? Alors excusez-moi: sans que les socialistes aient été d'accord. L'introduction de la LASI a fait entrer en force les normes CSIAS, et plusieurs paramètres permettant de calculer les prestations sociales ont été revus. Certaines de ces prestations ont été modifiées très légèrement à la baisse, d'autres à la hausse. Ainsi, il faut reconnaître que l'introduction des normes CSIAS n'a pratiquement en rien lésé ceux qui y avaient droit.
Malgré cela, les socialistes nous expliquent que tel n'est pas le cas et proposent que le Grand Conseil décide des montants destinés à l'assistance au cours de la législature; accessoirement, ils demandent aussi que les prestations soient indexées au coût de la vie. Enfin, leur projet de loi demande que l'on prenne des mesures pour éviter les effets de seuil. Concernant ce problème, ce même parlement a déjà décidé d'améliorer la situation. Quant à l'indexation automatique, elle est fonction des normes CSIAS, et, une fois ces dernières acceptées, il est difficile de les modifier.
Reste enfin la proposition des socialistes quant à la possibilité pour ce parlement d'arrêter les montants octroyés. Après en avoir longuement discuté en commission des affaires sociales, la majorité s'est rendu compte que ce n'était pas réalisable - puisque l'on revient inexorablement vers les indexations CSIAS, qui sont fixes - et a décidé de rejeter la proposition des socialistes.
D'autres facettes du problème ont été relevées. Je pense par exemple à la problématique des jeunes adultes, avec ou sans formation, qui peinent à trouver du travail. Il y a deux catégories, vous en trouverez l'explication dans mon rapport de majorité. Enfin, quelques questions concernaient les statistiques, qui, selon les socialistes, manquent de pertinence. Je leur laisserai, s'il est besoin, le soin de développer ce sujet.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je saisis la balle au bond, puisque M. Bertinat a déjà introduit le sujet. Je précise cependant que ce projet de loi n'a pas été longuement débattu, mais la discussion s'est tenue sur deux séances. Pour un sujet aussi important, je pense que c'est plutôt lapidaire.
M. Bertinat nous dit que l'introduction des normes CSIAS n'a finalement pas été si grave, qu'elle n'a pas tellement prétérité les bénéficiaires de l'assistance. Or je rappelle que, depuis 2006, c'est-à-dire depuis trois ans, les bénéficiaires de l'assistance ont tout de même vu leurs prestations considérablement baisser. En 2006, précisément, il y a eu la suppression des forfaits vêtements et des abonnements TPG auxquels ils avaient droit, et l'introduction des normes CSIAS. En fait, tout cela représente une diminution moyenne de 9% par dossier - ce qui est déjà considérable - et avait permis à l'Etat d'économiser 18 millions en 2006. Si vous pensez que c'est une paille... Eh bien je laisse cela à votre appréciation !
Par ailleurs, c'était une époque où l'on ne parlait pas encore de crise, c'était une période prospère. A ce moment-là, on a jugé qu'il fallait mieux faire passer à la caisse les plus démunis, sans avoir le même souci vis-à-vis des plus fortunés en demandant au moins un effort parallèle pour rétablir les finances publiques, ce qui c'était la préoccupation du Conseil d'Etat. Ainsi assiste-t-on à une véritable régression sociale depuis trois, en tout cas du point de vue des bénéficiaires de l'assistance. Cela a eu des effets - je ne vais pas vous les décrire tous - on a notamment constaté que les familles monoparentales ont aussi subi la réforme de la LARPA, etc.
Maintenant, sur la question proprement dite du projet de loi qui nous occupe, le département de la solidarité et de l'emploi a effectivement insisté sur le fait que l'introduction des normes CSIAS était extrêmement importante, parce que cela évitait le tourisme social. Pourtant, j'imagine mal des hordes de bénéficiaires de l'assistance venir tout à coup emménager dans le canton de Genève parce que les barèmes genevois seraient plus élevés ! On sait parfaitement que ce qui retient les gens dans leur canton, c'est l'environnement, la famille... C'est tout ce qui fait que l'on veut vivre dans un canton plutôt que dans un autre. De plus, la crise du logement à Genève n'est pas faite pour attirer des gens dont le revenu est, de surcroît, extrêmement bas. Par conséquent, je pense que cet argument est totalement fallacieux.
En fait, il s'agissait pour le département de la solidarité et de l'emploi d'essayer de justifier ce nivellement par le bas que représente l'introduction de ces normes CSIAS. Le rapporteur de majorité dit dans son rapport - tout comme M. Longchamp, qui l'a répété à l'envi - que le nombre de dossiers de l'assistance avait fortement baissé ces deux dernières années. Cette idée a été répétée, répétée comme un mantra. Mais finalement, il n'y a jamais eu d'argument extrêmement pertinent pour expliquer cette baisse des dossiers de l'assistance. On aurait au moins pu avancer l'hypothèse que la conjoncture prospère, il y a quelques années, a permis à un certain nombre de personnes de se réinsérer.
Je reviens encore plus précisément au but de ce projet de loi. Je trouve effectivement regrettable que l'on ait fait l'impasse sur plusieurs propositions. Il est vrai que l'on avait discuté de la LASI; mais cela fait déjà dix-huit mois que cette loi a été adoptée par la majorité du Grand Conseil - sans les socialistes, je le précise. En revanche, le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui propose d'indexer régulièrement les montants d'assistance. Je pense que c'est pour le moins une nécessité, surtout si, par analogie, je rappelle que l'on a tout simplement «oublié» - je le dis entre guillemets - d'indexer les allocations familiales pendant dix ans. En conséquence de quoi, alors que l'on voulait soi-disant être très généreux, parce qu'on les a très légèrement augmentées, les allocations familiales ont de fait baissé. Donc je pense qu'il était important au moins d'examiner cette question.
Le seul sujet sur lequel la commission a accepté de se pencher avec une audition concerne les jeunes avec ou sans formation qui se trouvent à l'assistance et la différence de traitement entre jeunes adultes avec l'introduction du barème 2. Cette modification en a d'ailleurs troublé plus d'un, puisque cela a finalement justifié l'abstention du PDC. Mais on peut dire qu'au moins on a eu une certaine réflexion là-dessus.
Enfin, il y a deux aspects dont on n'a pas discuté. Sur les effets de seuil par rapport aux barèmes d'assistance, je reconnais qu'un projet de loi y a partiellement remédié - mais on y reviendra dans la suite de l'après-midi, nous avons une autre motion qui concerne les effets de seuil, parce qu'ils existent aussi dans d'autres domaines et il aurait été intéressant de s'y plonger. Et l'aspect novateur de ce projet était que, une fois par législature, le conseil d'Etat puisse proposer au Grand Conseil une loi spécifique mettant en avant les éléments compris dans le calcul des besoins de base. Cela permettrait aussi au Grand Conseil d'avoir un droit de regard sur les barèmes d'assistance. Pour ne pas alourdir le système, l'idée était que ce mécanisme ne s'enclenche qu'au début de la législature. Voilà un aspect novateur, et je regrette profondément que la commission n'ait finalement pas jugé nécessaire d'en discuter.
Pour toutes ces raisons, je vous demande de renvoyer ce projet en commission.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Gautier... Excusez-moi, nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. A ce sujet peuvent s'exprimer les rapporteurs et le représentant du Conseil d'Etat.
M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de majorité. La majorité va s'opposer au renvoi en commission. En effet, même si nous n'avons consacré que deux séances à nos travaux, comme l'a dit Mme Fehlmann Rielle, les questions soulevées ont été traitées et les réponses apportées. Aussi, je vois difficilement comment revenir sur des décisions prises en toute connaissance de cause et telles que livrées dans mon rapport.
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame la rapporteure minorité, voulez-vous prendre la parole ?
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de minorité. Non, j'ai expliqué les raisons pour lesquelles je demande le renvoi en commission.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne vois pas très bien l'utilité de renvoyer ce projet de loi en commission. La question posée est de savoir si nous voulons poursuivre avec les résultats positifs que nous avons déjà enregistrés, avec la politique qui consiste à appliquer à Genève comme dans le reste de la Suisse des normes CSIAS ou si nous voulons continuer - ou reconstituer, plus exactement - une «genevoiserie» dans cette affaire.
Je crois que la question est ici assez simple. Vous avez effectivement passé deux séances de commission à traiter de ce projet de loi. Mais c'est omettre que vous avez passé plusieurs dizaines de séances à vous occuper de la loi sur l'aide sociale individuelle. Votre parti, Madame la rapporteure de minorité, a même souhaité lancer contre cette loi un référendum, qui n'a pas abouti. Par ce biais-ci, vous revenez sur une discussion qui nous avait largement occupés. Je ne vois donc pas la nécessité, sauf à vouloir en permanence refaire des débats sur des sujets que l'on a traités quelques semaines ou quelques mois auparavant. Vous me direz que le débat d'hier soir sur les allocations familiales nous a donné un avant-goût...
Je vous invite à vous positionner sur cette question et à ne pas retourner en commission une xième fois. Ce d'autant que la commission des affaires sociales, comme vous le savez, doit traiter durant ces prochains mois plusieurs objets qui, eux, sont plus urgents.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons donc nous prononcer sur le renvoi de ce projet de loi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10322 à la commission des affaires sociales est rejeté par 47 non contre 27 oui.
Mme Fabienne Gautier (L). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi 10322, ainsi qu'il l'a déjà fait en commission des affaires sociales. Comme précisé par le rapporteur de majorité, voici moins de deux ans que notre Grand Conseil a voté la loi sur les aides individuelles. La LASI, une fois adoptée, n'a suscité aucun référendum et est, de ce fait, entrée en vigueur en été 2008; depuis lors, aucune plainte n'a été formulée. Or l'essentiel de ce projet de loi 10322 vise à modifier l'aide pour les jeunes de 18 à 25 ans.
Pourtant, j'aimerais souligner que la loi J 4 04 a pour avantage de supprimer les effets de seuil; elle a également pour grande qualité d'avoir mis en place des dispositifs de réinsertion plus dynamiques - notamment des stages en entreprise pour les jeunes, par le biais d'une structure créée spécialement à cet effet - et elle s'aligne aussi sur les normes intercantonales; d'autre part, les jeunes vont bénéficier de la nouvelle loi sur les allocations familiales qui est entrée en vigueur depuis le début de cette année. Il me semblait important de souligner cela.
J'aimerais reprendre l'un des arguments de M. le conseiller d'Etat François Longchamp. Lorsque nous avons traité de la LASI, il a observé qu'une politique sociale ne se mesure pas au nombre de personnes qui touchent une prestation sociale, mais, bien au contraire, au nombre de celles qui n'en ont plus besoin. Et je crois que c'est là que nous devons plutôt agir: ne pas enfermer les gens dans un système les conduisant à recevoir des prestations sociales, mais bien les aider à se reformer et à retrouver un emploi. Or, être réintégré dans le circuit de l'emploi n'est pas ce que prévoit ce projet de loi.
La LASI votée en 2007 est incontestablement une aide sociale dynamique - elle l'a prouvé - et modérée qui a déjà pu faire ses preuves. Une aide ne doit pas relever de la pitié, mais bien permettre à chacun de trouver ou de retrouver sa place dans notre société et sur le marché du travail. C'est donc pour toutes ces raisons que nous n'entrerons pas en matière sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la députée. Le Bureau a décidé de clore la liste. Doivent encore prendre la parole: Mmes et MM. Borgeaud, Garcia, Saudan, Weiss, Bavarel, Catelain, Renaud Gautier, Slatkine, Meylan, Pürro, Stauffer, Cavaleri, de même que les rapporteurs, s'ils le désirent, et M. Longchamp. La parole est à Mme Borgeaud.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, je m'opposerai fermement à l'entrée en matière de ce projet de loi. Pour avoir siégé en 2006 à la commission des affaires sociales, où nous avons passé d'innombrables séances sur le sujet qui nous occupe, je suis contre l'indexation, car, vous le savez très bien, l'Hospice général prend entièrement en charge les loyers et les assurances-maladie, avec, en plus, des subsides. Or, je pars du principe que la dignité humaine, c'est le travail, et en tout cas pas l'assistance publique sous quelque forme que ce soit. Aussi, les jeunes n'ont-ils absolument rien à faire à l'Hospice général: ils doivent travailler ou étudier. (Brouhaha.) J'aimerais que vous cessiez de faire systématiquement de nos jeunes des assistés permanents, alors que la plupart des parents s'évertuent à travailler pour offrir... (Brouhaha.) Veuillez m'excuser, Monsieur le président, mais on ne s'entend même plus penser !
Le président. Vous ne vous entendez plus penser ! Eh bien, je demande le silence, Mesdames et Messieurs !
Mme Sandra Borgeaud. Merci ! J'aimerais que vous preniez en considération que la plupart des parents, qui font tout afin de pouvoir offrir à leurs enfants des études dignes de ce nom, leur souhaitent autre chose que le chômage ou l'Hospice général. Vous avez, pour la grande majorité d'entre vous, un travail; vous y trouvez une joie de vivre, des relations, l'intégration et, surtout, des moyens financiers qui vous permettent de subsister. Alors je suis désolée, mais il arrive un moment où il faut arrêter... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Visiblement, ce débat n'intéresse pas grand-monde, et surtout pas les personnes concernées ! (Remarque.) J'aimerais continuer, moi aussi...
Pour connaître des gens qui sont passés par là et qui ont dû être assistés, je peux vous garantir que, question moral, cela coûte cher aux services de la santé ! Les dépressions qui découlent du chômage, les hospitalisations, les médicaments, les rendez-vous chez les psychiatres et autres, eh bien, cela coûte finalement beaucoup plus cher que si la personne peut travailler, faire fonctionner l'économie, aller faire ses courses dans les petits commerces et soulager les PME et les PMI. Or aujourd'hui, les gens n'ont plus les moyens, et vous n'en tenez pas compte ! Vous ouvrez les robinets systématiquement: vous dépensez l'argent qui ne vous appartient pas, que vous n'avez pas, et vous voulez méthodiquement tout taxer et tout augmenter ! Mais arrêtez ! Donnez du travail aux gens, faites en sorte que les jeunes soient motivés pour aller travailler ! Car le fait que la plupart d'entre eux puissent dire: «Je gagne mieux à l'Hospice général», ce n'est pas normal, c'est même inadmissible !
C'est pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs, à refuser l'entrée en matière de ce projet de loi, purement et simplement.
M. Pablo Garcia (S). Mesdames et Messieurs les députés, la situation inquiétante de la crise financière qui nous touche aujourd'hui bouleverse déjà la vie de nos concitoyens, notamment parmi les plus jeunes, les plus fragiles et les plus exposés d'entre eux. (Brouhaha.) Cette situation, Mesdames et Messieurs, doit nous alarmer sur les conditions dans lesquelles l'Hospice général et la LASI vont répondre aux attentes et aux défis de cette difficile période. Combien de Genevois, combien de jeunes vont-ils se retrouver sans emploi ? Déjà cette année, l'USS prévoit plus de 10 000 jeunes au chômage dès 2010. Combien de familles vont-elles tomber dans la précarité à cause d'une crise qu'elles n'ont pas voulue ni provoquée ? Mesdames et Messieurs, il va nous falloir faire le deuil d'un chômage maîtrisé, d'un budget équilibré et de services sociaux à minima. La mission de l'Hospice général, dont le mandat est de concrétiser la loi sur l'aide individuelle, est donc appelée à s'intensifier par l'augmentation du travail de soutien, d'assistance et d'aide financière.
En tant que citoyen, j'attends que l'Hospice général mène à bien son travail. En tant que député, je me dois de lui donner tous les moyens, tous les outils nécessaires à l'accomplissement de sa mission première.
Mesdames et Messieurs, 945 jeunes entre 18 et 25 ans sont suivis par l'Hospice général parmi 7867 dossiers, soit près de 15% des cas. Il s'agit souvent de jeunes sans formation, et 16 sur 945 ont retrouvé un emploi grâce au programme de formation continue. Face à cette réalité, Mesdames et Messieurs, face à cette baisse des prestations induite par l'application des normes CSIAS, l'Hospice général s'engage - évidemment - à intensifier ses projets Infor jeunes et Job coaching. Mais nous voyons bien les limites de l'exercice, tant il est vrai que, si l'on ne trouve pas une solution rapide pour les jeunes, ils restent durablement à l'aide sociale.
Quelles conséquences, Mesdames et Messieurs, a cette situation intolérable pour des jeunes à Genève ? Le barème d'aide financière exceptionnelle, qui représente la moitié des appuis fournis à ces jeunes, s'élève individuellement à 325 F, auxquels s'ajoutent 90 F pour l'argent de poche et 36 F pour les frais vestimentaires. Moins de 500 F par mois pour un jeune sans emploi, sans formation, sans soutien familial ! Quelles sont les conséquences, enfin, Mesdames et Messieurs, pour nos institutions ? L'Hospice général avoue être confronté à des difficultés face à cette population. Il a fallu dresser des listes d'exceptions pour faire passer des jeunes malades ayant un enfant à charge ou dépassant l'âge limite de 25 ans, mais ayant entrepris un apprentissage, dans les barèmes de base plus généraux. Enfin, nos communes ont dû prendre le relais de l'action de l'Hospice général lorsque son aide ne suffit plus et les associations ont dû pallier les prestations qui viennent à manquer.
Mesdames et Messieurs les députés, soyons clairs, ces jeunes constituent la frange la plus fragile et ils sont parmi les plus démunis de notre canton. Si nos institutions et leurs élus ne sont pas capables de les aider et de les soutenir, qui donc le fera ? Les socialistes vous proposent, avec ce projet de loi, de mettre fin à une inégalité de traitement entre deux barèmes. Nous vous proposons que ce parlement fixe des niveaux de prestations suffisantes pour en finir avec ces situations de souffrance et de désespoir chez les jeunes. Mesdames et Messieurs les députés, ne les abandonnons pas ! Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Patrick Saudan (R). Le groupe radical, pour des raisons déjà mentionnées par certains de mes préopinants, ne va évidemment pas entrer en matière sur ce projet de loi. La problématique des effets de seuil est en effet caduque, tout comme l'alinéa 3 de l'article 21 de ce projet de loi, puisque la politique du département et les mesures qui ont été votées par ce parlement corrigent en grande partie ces effets de seuil. Or l'adoption de ce projet de loi conduirait à l'abandon de ces normes CSIAS, lesquelles nous paraissent un instrument indispensable de politique sociale au niveau national.
Nous sommes sensibles à la problématique des jeunes sans formation - et j'ai été très sensible au discours de mon préopinant - mais nous pensons sincèrement que la politique actuellement mise en place par le département, avec l'aide de l'Hospice général, est la plus incitative en vue de la réinsertion professionnelle de ces jeunes sans formation et nous ne voyons pas de raisons objectives d'en changer. C'est la raison pour laquelle nous n'entrerons pas en matière sur ce projet de loi.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, je tiens tout d'abord à vous remercier de la façon dont la séance de cet après-midi est organisée. Grâce aux décisions que vous avez prises, nous allons pouvoir traiter un point d'importance, certainement le seul objet qui sera traité entre 16h et 17h. Je crois que c'est effectivement quelque chose qui nous permet d'aller de l'avant dans la démonstration de l'efficacité de notre parlement et je vous recommande de multiplier ce système pour les séances qui vont suivre. Le groupe libéral en tout cas vous en est particulièrement reconnaissant. C'est par cela que je tenais à commencer mon intervention.
Le chef du département a tout à l'heure dit, lors de la première demande de renvoi en commission... (Remarque.) Attendez la fin de mon intervention ! Il a dit qu'il ne s'agissait pas de créer une «genevoiserie» supplémentaire. Et là, il y a effectivement un débat de fond qui peut opposer - peut-être à contre-emploi, je le reconnais - libéraux et socialistes. Voilà tout à coup le groupe socialiste qui nous demande de faire preuve d'assaut de fédéralisme ! Et peut-être le groupe libéral va-t-il se prononcer en la matière pour réclamer une interprétation non seulement à la lettre, mais aussi fédérale et non pas fédéraliste, voire nationale, voire, je ne dirai pas «centraliste», mais en tout cas respectueuse de ce qui se passe dans le reste du pays.
Certains voudraient ainsi, au nom de je ne sais quelle raison, que notre canton se singularise par le montant de ce qu'il peut attribuer, alors que ce dernier a été vu comme ne résolvant pas les problèmes en matière d'aide sociale. D'autres pensent que la meilleure façon d'éviter le hasard moral, ce concept philosophique sur lequel d'aucuns ont glosé récemment à propos des déboires bancaires, ce hasard moral qui consiste à donner des primes à ceux qui gèrent mal, à multiplier donc le hasard moral dans le cas genevois, et donc à faire une loi particulière qui devrait, par hypothèse, aider ceux pour qui elle serait faite... Notre ami, M. Garcia, a, dans de vibrants accents, parlé notamment en faveur des jeunes. Mais on peut croire que, paradoxalement, le projet aille à fin contraire.
S'agissant de ce projet, j'aimerais d'ailleurs relever trois points qui devraient suffire, je crois, à emporter la conviction de ceux qui n'en ont pas encore une à son sujet - ils sont peu nombreux, sans doute, mais on ne sait jamais.
Le premier point concerne la couverture des besoins de base, sur laquelle diverses définitions sont possibles. Définition absolue, définition relative... Je ne veux pas entrer dans le détail des définitions, mais ce point mériterait - probablement - que l'on s'y penche ailleurs.
Deuxièmement, la question du montant de la fortune, qui ne devrait pas dépasser la somme adoptée par le Conseil d'Etat pour l'aide qui serait apportée. A ce sujet, je m'étonne que certains - notamment à gauche, mais pas seulement - s'opposent à une augmentation des seuils de fortune dans la révision de certaines lois. Je pense en particulier à la loi sur l'imposition des personnes physiques. Parce que, si l'on révisait à la hausse le montant des déductions sur la fortune, l'on augmenterait d'autant le nombre des bénéficiaires potentiels de cette loi. Et là, chers collègues socialistes, je ne comprends vraiment pas la cohérence de votre démarche ! Vous devriez, au contraire, ne pas prévoir de montant sur la fortune - l'exclure, quelle qu'elle soit - afin de pouvoir multiplier le nombre de bénéficiaires.
En troisième lieu, je ne peux pas ne pas mentionner deux projets de lois figurant à notre ordre du jour, qui montrent qu'il y a parfois, sans que l'on veuille, comme un malin génie qui s'acharne à multiplier les incohérences du côté de ceux qui veulent le bien. J'ai dit tout à l'heure ce que le hasard moral permettait d'en penser. Il s'agit des points 152 et 153 de notre ordre du jour. Ces deux projets de lois, dont je me bornerai à dire qu'ils sont issus du groupe socialiste et que tous les deux ont pour auteure principale Mme Pürro, prévoient précisément, par la modification des prestations cantonales complémentaires et des prestations communales complémentaires, une réintroduction d'effets de seuil. Ainsi, alors que l'alinéa 3 de l'article 21 du projet de loi 10322 a ici pour objectif de supprimer les effets de seuils, les projets de lois 10438 et 10439, eux, vont exactement en sens contraire ! J'ose espérer que l'on nous annoncera le retrait de ces deux projets de lois de la part du groupe socialiste, sauf à vouloir ajouter des incohérences aux incohérences, sauf à vouloir se comporter en fédéraliste quand le parti socialiste, en général, a une conception non pas fédéraliste mais unificatrice en matière de prestations sociales, et sauf à vouloir multiplier les incohérences quand, sur la fortune, il y a là véritablement une limitation de l'aire dans laquelle ce projet de loi pourrait, s'il était adopté, déployer ses effets.
Avant de conclure, Monsieur le président - et je ne sais pas combien de temps il me reste...
Des voix. Une demi-heure ! (Rires.)
Une voix. Deux minutes.
M. Pierre Weiss. Je vais essayer de les utiliser à bon escient. Avant de conclure, Monsieur le président, je voudrais tout d'abord indiquer qu'il y a un autre problème qui doit se poser pour l'ensemble de ce Grand Conseil, et pas seulement pour la droite de celui-là. L'alinéa 2 de l'article 21 stipule qu'au début de chaque législature «pour toute - toute ! - la durée de celle-ci et jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi suivante - et l'on sait combien l'entrée en vigueur d'une loi suivante peut parfois être retardée - le Conseil d'Etat présente une loi spécifique, fixant les différents éléments entrant dans la détermination des besoins de base, ainsi que leurs montants.» Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que, dans cette loi, il n'est prévu aucune possibilité d'adaptation en fonction de la conjoncture. Je vous rappelle pourtant que, dans les projets de lois LIAF, on a en particulier imaginé, lors de l'adoption du projet de loi, que selon l'évolution des recettes de l'Etat, si une crise grave venait à se présenter, l'on pourrait - voire, l'on devrait - modifier les montants des aides et indemnités diverses versées aux bénéficiaires. Là, tout à coup, incohérence supplémentaire, ce point d'adaptabilité de la loi est oublié !
Je rappelle que dans votre groupe, Mesdames et Messieurs les députés socialistes, des députées - «ées»! - avaient eu en commission des finances une vue tout à fait responsable sur la question de l'adaptation à l'évolution de la conjoncture; elles avaient bien dit qu'il fallait savoir raison garder et que, le cas échéant, il faudrait pouvoir adapter le montant des aides. Là, il n'en est nullement question.
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.
M. Pierre Weiss. Je conclus. Pour toutes ces raisons, qui, de mon point de vue et de celui de groupe libéral, ne permettent pas d'entrer en matière, en tout cas comme cela, sur ce projet de loi, je me demande si la meilleure des solutions, au fond, compte tenu des incidences, n'est pas de renvoyer ce projet à la commission des finances. C'est la raison pour laquelle je demande formellement un renvoi à ladite commission. Je vous propose, Monsieur le président, de mettre aux voix cette proposition de renvoi après discussion des rapporteurs et du chef du département, s'ils le souhaitent.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi de ce projet de loi à la commission des finances. Peuvent s'exprimer les deux rapporteurs et le conseiller d'Etat, trois minutes chacun... (Remarque.) C'est le règlement du Grand Conseil, chère Madame ! La parole est à M. le conseiller d'Etat.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Je suis attentif à cette proposition, Monsieur le président. J'aimerais cependant relever plusieurs éléments que j'aurais aimé vous donner lors de mon intervention finale.
La situation sur le plan financier doit être résumée de deux façons. D'une part, contrairement à ce que vous avez indiqué, Madame Fehlmann Rielle, les normes CSIAS n'ont pas eu pour effet de réduire le nombre de bénéficiaires. Au contraire, vous savez que, pour des raisons techniques, il y a même eu une augmentation du nombre de bénéficiaires. D'autre part, il n'y a pas eu non plus d'effets significatifs sur la baisse des prestations. D'ailleurs, le rapport de M. Bertinat donne les chiffres exacts en la matière.
Mme Gautier a résumé le deuxième élément lors de son intervention. C'est la question de savoir si la réussite d'une politique sociale tient dans l'idée d'offrir un maximum de prestations, y compris sur le plan financier, ou au contraire d'essayer de réinsérer un maximum de gens pour leur permettre, comme l'a demandé Mme Borgeaud, de retrouver du travail.
Sur le plan financier, l'Hospice général présentera ses chiffres la semaine prochaine. Je ne veux pas déflorer le sujet, mais sachez seulement qu'ils se traduiront par le fait que les résultats financiers, Monsieur le président de la commission des finances, seront extrêmement positifs. Surtout - car c'est notre souci principal - le nombre de personnes au bénéfice de l'aide sociale a aujourd'hui considérablement diminué, et ce parallèlement au fait que le nombre de personnes qui se trouvent au chômage a lui aussi diminué. C'est bien la preuve qu'une politique qui se veut à un moment plus active peut avoir les effets que nous devrions tous, à gauche comme à droite, suggérer. C'est une politique qui, au final - et c'est la raison pour laquelle je m'opposerai à ce renvoi - coûte moins cher tout en étant plus juste et plus performante en matière d'insertion. Je vous invite donc à clore ce débat aujourd'hui et à refuser le deuxième renvoi en commission qui a été suggéré.
Le président. Nous allons donc procéder au vote sur le renvoi à la commission des finances.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10322 à la commission des finances est rejeté par 50 non contre 12 oui et 1 abstention.
Le président. Avant de poursuivre, je rappellerai à M. Gautier que les horaires des séances de notre Grand Conseil sont démocratiquement choisis par le Bureau de ce dernier, dans lequel tous les partis sont représentés. La parole est à M. Bavarel.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai écouté très attentivement notre collègue Pierre Weiss, mais je dois dire que je n'ai pas compris son propos. Je vais donc essayer d'être plus simple... (Commentaires.) ...de sorte que je me comprenne déjà moi-même. Et peut-être que, par-là, vous arriverez aussi à suivre ce que je veux dire.
La position des Verts est claire. Nous avons accepté l'entrée en matière de ce projet de loi, et nous continuerons à vous le proposer pour une raison très simple: nous nous trouvons face à des personnes majeures mais ayant moins de 25 ans, dont certaines sont aussi des parents; or nous ne voyons pas pourquoi nous devrions punir des petits enfants - parce que leurs parents sont trop jeunes et qu'on soumet ces derniers à davantage de pression - par rapport à d'autres enfants dont les parents sont âgés de plus de 25 ans et dont le groupe familial, par conséquent, a droit à une assistance sociale complète. En effet, lorsque vous avez le malheur d'être non seulement dans une situation difficile - qui peut découler de problèmes d'addiction et autres - mais que, en plus, vous êtes jeune, mal organisé, que vous connaissez certaines difficultés, que vous avez des enfants en bas âge, eh bien, à ce moment-là, vous être triplement punis !
Aussi pensons-nous que ce sujet méritait d'être étudié. Nous ne nous faisons aucune illusion sur le résultat du vote d'aujourd'hui, mais nous voterons par cohérence. La suppression des effets de seuil ayant eu des répercussions perverses pour certains bénéficiaires de l'aide sociale, nous souhaitons la suppression de ces effets, de même qu'une politique plus dynamique en matière d'aide sociale. Nous refusons les conséquences perverses engendrées, c'est la raison pour laquelle nous vous appelons à voter l'entrée en matière.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je crois que les socialistes ont raison sur un point, et tout le monde est d'accord avec eux: la situation économique est difficile. Elle est même grave. Vous avez vu que la crise financière fait ses premières victimes: l'UBS... Aujourd'hui, son directeur a annoncé avoir pris la première décision de restructuration, passant de huit à quatre directions, avec les conséquences que cela aura. Et puis, il y a eu cette déclaration assez fracassante, selon laquelle il y aura «du sang, de la sueur et des larmes»... (Remarque.) C'est la déclaration du directeur de l'UBS ! Voilà qui laisse augurer de lendemains relativement difficiles. Mais il y a une bonne nouvelle: Genève reste l'une des quatre directions.
Par contre, le groupe UDC ne peut pas accepter les propos tenus par la minorité et s'opposera à l'entrée en matière de ce projet de loi pour les motifs suivants. Premièrement, le dispositif genevois de l'aide sociale respecte la dignité humaine - nous respectons le principe constitutionnel de la Confédération. Cependant, le dispositif d'aide sociale ne doit pas être la pierre angulaire d'une société idéale et sa valeur ne doit pas se mesurer à la hauteur des montants distribués. Car, finalement, ce projet de loi n'agit que sur les montants ! Il n'agit que sur la somme que l'on distribue aux uns et aux autres, et non pas sur tout le dispositif non monétaire de l'aide sociale. C'est en ce point qu'il est pervers !
Deuxièmement, la loi actuelle pour les bénéficiaires est la garantie que l'on respecte les normes adoptées par la Conférence Suisse des Institutions d'Action Sociale - CSIAS. La proposition des auteurs, au contraire, instaure une incertitude majeure pour les bénéficiaires, puisqu'elle remet en cause une certaine stabilité. En effet, je ne vois pas quel est l'intérêt d'un Conseil d'Etat de jouer tous les quatre ans sur différents montants, alors qu'un parlement, au contraire, en fonction de sa composition politique, aurait tout intérêt à dire: «Alors écoutez, c'est sûr, on a de 500 millions à un milliard de recettes fiscales en moins l'année prochaine, il faut donc couper dans l'aide sociale»... Je ne vois pas quel est l'intérêt des auteurs de prendre le risque qu'un parlement, selon sa composition, vote une loi et coupe de manière importante dans l'aide sociale.
Troisièmement, la rapporteure de minorité n'apporte pas d'éléments nouveaux à ce qui a été dit en commission ! Il n'y a, aujourd'hui, aucun élément nouveau qui pourrait nous inciter à changer d'avis.
Le groupe UDC soutient la politique menée par le conseiller d'Etat Longchamp dans ce domaine. Nous devons reconnaître que les décisions prises se sont traduites par des effets positifs pour tout le monde, d'une part pour les bénéficiaires eux-mêmes, puisque la loi a permis de mieux réinsérer et qu'il y a effectivement un retour à l'emploi - et ça, c'est une vraie intégration sociale; d'autre part, les finances publiques n'en souffrent pas.
A toutes fins utiles, je me permets de rappeler aux «euroturbos» que sont les socialistes que le revenu disponible d'un bénéficiaire célibataire de l'aide sociale est l'équivalent du revenu disponible d'un salarié moyen de nos voisins européens... Je ne parle même pas de la Roumanie: je parle de nos voisins.
Concernant les jeunes... (Remarque.) ...nous ne les abandonnons pas ! Je trouve assez malhonnête de dire que vous seuls ne les abandonnez pas. Qui, ici, abandonnerait les jeunes ? Personne ! Il y a un dispositif d'aide sociale pour les jeunes et un dispositif d'insertion. Nous avons le système éducatif qui bénéficie certainement du budget le plus important du monde par jeune ! La question fondamentale qu'il faut se poser vis-à-vis des jeunes - et je ne ferai pas le débat sur la manière dont on fixe les notes au cycle d'orientation - est celle-ci: comment se fait-il qu'un système éducatif tel que le nôtre, qui bénéficie d'infrastructures modernes, en suffisance et avec le taux d'encadrement certainement le plus élevé d'Europe occidentale, puisse arriver à désocialiser autant de jeunes et à en écarter autant du marché du travail ? Ce n'est pas l'aide sociale et son montant qui vont réinsérer ces jeunes: c'est le dispositif de l'instruction publique qui le peut.
Pour tous ces motifs, le groupe UDC refusera l'entrée en matière de ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Gautier.
M. Renaud Gautier (L). Vous êtes bien sûr que c'est à moi que vous donnez la parole, et pas à mon homonyme ?
Monsieur le président, je voudrais d'abord citer une phrase célèbre en disant que je crains les Grecs et leurs cadeaux, phrase citée évidemment par un empereur romain très récemment encore sur les planches...
Le président. «Timeo Danaos et dona ferentes» !
M. Renaud Gautier. Je n'aime pas parler latin, parce que mon excellent collègue Velasco est ensuite très fâché avec moi du fait que je n'ai pas apporté la traduction.
M. Pierre Weiss. Une traduction en galicien !
M. Renaud Gautier. Notre excellent conseiller d'Etat, cet homme si charmant, comme il l'a été dit sur les planches aussi, a fort justement relevé un point qui m'a l'air d'importance: c'est ce fâcheux principe que nous avons de faire des «Genfereien». Je rappelle que les normes CSIAS ont été appliquées à Genève - très tard par rapport à d'autres cantons - dans un souci d'employer les mêmes normes, lesquelles sont tempérées en fonction d'indicateurs comme en Ville de Genève - et cela à l'époque, avec l'assentiment de ce Grand Conseil. Vouloir maintenant sortir des normes CSIAS sous prétexte qu'elles ne sont pas suffisantes, pour amener une couche d'aide financière genevoise m'apparaît en fait terriblement erroné. Je pense que si les socialistes ne sont pas d'accord avec les normes CSIAS, c'est au niveau de la CSIAS, et non pas du canton de Genève, qu'ils devraient mener une action.
Le deuxième point qui me frappe dans ce débat - tout à l'heure, mon excellent vis-à-vis a particulièrement attiré mon attention à ce propos - c'est de faire rimer «bien-être», ou «moins de mal-être» chez les jeunes, avec «argent»... Or, Mesdames et Messieurs, tout le monde ici parle avec grande connaissance de la crise, mais, je suis désolé, si un problème se pose quant aux jeunes et quant au premier emploi, bien sûr que ce n'est pas simplement avec quelques billets de plus qu'on va le résoudre ! Cela signifie donc que si, du fait de la crise, un effort particulier doit être fourni aujourd'hui, il se situe alors au niveau des structures à mettre en place pour le premier emploi, davantage que dans un apport purement financier.
Ces deux raisons, Mesdames et Messieurs les députés, c'est-à-dire l'éloignement que ce projet occasionnera par rapport aux normes appliquées dans la plus grande partie de la Suisse à l'exception d'un canton, ajouté au fait que c'est, à mon sens, une mauvaise réponse à une bonne question, vont inciter après moult renvois le groupe libéral à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Alain Meylan (L). Monsieur le président, juste avant de renoncer au fond de la discussion sur ce projet, j'avais pris la peine de demander un instant de parole, cela pour attendre 17h. De manière que ceux qui travaillent et peuvent difficilement se libérer puissent nous rejoindre pour voter ce projet de loi à une heure tout à fait normale pour les travaux de ce parlement. Je renonce donc à mon tour de parole, puisqu'il est bientôt 17h, ce qui permettra à ces personnes d'arriver à temps. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle que quand votre estimé président, M. Halpérin, était à ma place, des séances ont débuté à 14h, 14h30 et 15h; nous avons commencé des séances à 14h, pour en refaire une à 16h; et même, un jour, nous avons commencé à 10h du matin ! Alors, je ne suis qu'un modeste imitateur face à l'excellence ! Nous reparlerons donc au Bureau de la séance de 10h du matin. (Applaudissements.) La parole est à Mme Pürro.
Mme Véronique Pürro (S). Que d'amalgames et de mauvaise foi dans ce débat ! J'aimerais simplement rappeler le contexte dans lequel nous étions lorsque nous avons déposé ce projet de loi qui était une réaction face à toute une série de démantèlements de l'assistance publique contre lesquels nous souhaitions réagir.
Premier démantèlement: passage aux normes CSIAS. Je veux bien que l'on me dise: «On doit unifier, homogénéiser, il faut le même barème dans toute la Suisse...», soit ! Deuxième démantèlement: suppression du forfait transports. Alors là, je ne sais pas avec qui on doit homogénéiser ou unifier... Troisième démantèlement de l'assistance publique: suppression des forfaits pour l'habillement - là non plus, je ne sais plus sous quel prétexte, ce n'était pas la politique du ninisme du Conseil d'Etat. Voilà le troisième démantèlement envers les personnes les plus précarisées de notre canton. Quatrième démantèlement de l'assistance publique - et c'est là où nous avons dit «stop» - application d'un barème à la baisse aux moins de 25 ans.
Quatre démantèlements en l'espace de trois ans ! Pour un Conseil d'Etat qui s'était engagé à ne pas réduire les prestations - et les prestations aux plus démunis... Face à cette situation inacceptable, le parti socialiste n'a pas décidé - il aurait pu le faire - d'indiquer des montants d'assistance publique dans la loi. Il a simplement dit que cette question, importante parce qu'elle concerne des milliers de personnes dans notre canton, doit pouvoir non pas être réglementée par le seul Conseil d'Etat, en lequel nous n'avons pas confiance, mais doit pouvoir faire l'objet d'une discussion démocratique et, par conséquent, éventuellement d'un référendum. Ce n'est pas le cas aujourd'hui ! Et cette série de démantèlements que je vous ai décrits est du seul fait du Conseil d'Etat, qui, une fois de plus, décide par voie réglementaire de l'avenir de milliers de personnes, les plus précaires de notre canton.
Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, ne vise donc qu'un seul et unique objectif - qui n'a rien à voir avec des effets de seuils, Monsieur Weiss, et je vous expliquerai cela aux points 152 et 153... (Remarque.) Mais il n'écoute pas ! Le seul objectif est, concernant les montants relatifs à l'assistance publique, de transférer la compétence décisionnelle du Conseil d'Etat au Grand Conseil et, dès lors, éventuellement à la population. Cela n'a donc rien à voir, Mesdames et Messieurs les députés, avec une volonté de faire à nouveau de Genève un cas exceptionnel ou de hausser des montants. Il s'agit simplement de dire que, pour des questions aussi importantes, il appartient au Grand Conseil de décider quels sont les montants de l'assistance publique que nous souhaitons accorder aux plus défavorisés de notre canton, quel que soit leur âge. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce débat a pris beaucoup de temps. J'aimerais réagir ici à quelques propos, mais, préalablement, dire que le projet de loi des socialistes nous semble bon... (Exclamations.) ...et mériter le soutien du Mouvement Citoyens Genevois. Je suis en revanche extrêmement déçu, voire choqué, par les propos qu'a tenus un député, M. Weiss... (Exclamations.) ...lorsqu'il énonce certaines contrevérités. En effet, cher collègue, vous avez assimilé l'Hospice général à une institution ou à des gens qui ne savent pas gérer... Vous l'avez dit textuellement - vous relirez le Mémorial et vous verrez - vous avez dit que donner des primes à ceux qui gèrent mal n'était pas concevable.
Alors laissez-moi vous expliquer ceci. Au point 60 de l'ordre du jour, nous allons traiter une motion sur la convention collective de la société aéroportuaire Gate Gourmet. Je vous donne ce seul exemple - individuel, il est vrai: un citoyen genevois âgé de 46 ans et ayant travaillé vingt ans chez Gate Gourmet s'est vu licencier en raison d'une restructuration économique de l'entreprise - elle a dû licencier plus de 30% de son personnel. Cette personne, qui était donc stable, père de famille, vivant à Onex, ville que vous connaissez bien - ou peu, Monsieur Weiss, en tout cas moi, je la connais bien, c'est la mienne - eh bien, cette personne a envoyé plus de quatre cents offres d'emploi ! Quelles furent les réponses données à cette personne ?! «Trop vieille», «trop chère», «trop qualifiée»... Cette personne n'a pas retrouvé d'emploi ! Et elle a deux enfants en âge de scolarité... Cette personne a fini à l'Hospice général ! Qu'allez-vous dire à ce père de famille genevois: «Vous avez mal géré, vous ne méritez pas les aides sociales» ?! Honte à vous, Monsieur Weiss, de tenir de tels propos ! (Commentaires.)
Le président. Vous ne vous adressez pas à un député, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Vous transmettrez, Monsieur le président, à notre éminent collègue, le Zorro blanc du parlement.
Une voix. Cela suffit ! (Le président est interpellé. Commentaires.)
M. Eric Stauffer. Oui, oui... Je poursuis. (Commentaires.) Pourquoi ce projet de loi est-il important ? Parce que nous connaissons aujourd'hui une crise économique et que le taux de chômage a augmenté drastiquement ces derniers mois; malheureusement, les prévisions ne sont pas au beau fixe, puisque le chômage va apparemment continuer. J'aimerais aussi vous rappeler que, dans les chiffres du chômage, il faut inclure les personnes qui sont à la recherche d'un emploi et qui touchent le RMCAS, il y a aussi celles qui sont à l'Hospice général et celles qui sont en emploi-formation - il s'agit cependant d'«emploi utilisation», comme cela a été moult fois démontré - et qui gagnent, pour des jobs à 100%, 1890 F par mois... Et ça, c'est une réalité genevoise.
Nous soutiendrons par conséquent ce projet de loi socialiste. Ce que nous vous demanderons, en allant un peu plus loin que les socialistes, c'est de commencer - à l'Etat ! - Mesdames et Messieurs, à ne plus engager de frontaliers dans le secteur tertiaire ! (Brouhaha.) Mais oui ! Parce que les emplois du secteur tertiaire - secrétaires, services techniques... J'en passe et des meilleures - nous devons les réserver aux Genevois ! C'est de cette manière-là que les personnes les plus défavorisés pourront sortir de l'assistance publique. Pourquoi faire venir un eurofrontalier de Lille ou Bruxelles pour assurer un poste de secrétariat à l'Etat de Genève ?! Et je vous demande, Mesdames et Messieurs, de prendre exemple sur notre conseiller d'Etat François Longchamp, puisque, dans son département, il y a zéro frontalier ! Tous les emplois ont été réservés à des résidents Genevois... (Exclamations. Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Eric Stauffer. ...et c'est à souligner, Mesdames et Messieurs, parce que voilà un patriote qui a compris que la préférence... (Exclamations.) ...va aux Genevois ! Nous soutiendrons donc ce projet de loi. (Commentaires.)
Le président. Je laisse la parole à M. Weiss qui a été mis en cause. Mais soyez bref, Monsieur le député, s'il vous plaît !
M. Pierre Weiss (L). De ma bouche et dans mon intervention d'aujourd'hui il n'y a jamais eu les propos que M. Stauffer a cités. M. Stauffer, une fois de plus, ment, comme Radio Paris mentait. Radio Paris était allemand. Et M. Stauffer est frontalier ! (Rires.)
M. Mario Cavaleri (PDC). C'est assez triste d'entendre un discours aussi populiste que celui qui a été tenu juste avant mon intervention. J'imagine que le MCG n'a pas encore pris conscience que Genève fait partie d'une région, la région transfrontalière, et que cette dernière est nécessaire à la vie économique, culturelle et sociale de notre canton. Dont acte ! Je pense que celles et ceux qui nous regardent pourront en tirer certaines conséquences, en tout cas je le souhaite vivement.
J'en viens maintenant au sujet principal, le projet de loi 10322. Oui, je suis sensible au discours de notre collègue, M. Garcia, à propos des jeunes. Et j'ai envie de demander à M. le conseiller d'Etat qu'il nous rappelle un peu la genèse et l'évolution des aides pour cette catégorie de personnes, catégorie qui nous préoccupe, nous, tout autant que nos collègues socialistes. Cela étant, il est vrai que l'on ne peut pas se permettre de remettre constamment en cause des lois votées récemment. C'est bien la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien est quasiment unanime à dire: «Laissons maintenant un peu de temps, afin de pouvoir évaluer les effets de la loi que nous avions votée dans un passé récent et en tirer des conclusions. Et, s'il y a lieu, nous faisons confiance au Conseil d'Etat, notamment au conseiller d'Etat en charge de la solidarité et de l'emploi, pour procéder à des ajustements, au travers soit d'une modification de la loi, soit du règlement d'exécution.»
Pour nous, démocrates-chrétiens, il est essentiel que le filet social déploie tous ses effets et qu'il n'y ait pas de faille possible, cela de manière à ne laisser personne sur le bord de la route. Mais, de grâce, ne remettons pas constamment en cause les décisions prises par ce parlement alors que nous n'avons pas encore l'évaluation, sur un exercice complet, des mesures que nous avons nous-mêmes prises à la majorité !
C'est la raison pour laquelle notre groupe s'oppose à la prise en considération de ce projet de loi, mais il reste tout à fait attentif à l'évolution de l'application de la loi que nous avions votée.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Bertinat. (Remarque.) Si vous êtes d'accord, la majorité s'exprime d'abord, puis la minorité.
M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de majorité. Il n'y a aucun problème, Monsieur le président, merci.
A écouter les interventions de nos collègues socialistes, on entend beaucoup parler de diminutions drastiques, de démantèlements, de disparition de montants alloués aux abonnements pour les transports publics, de disparition des forfaits d'habillement et de baisses dramatiques - encore une fois - de l'aide sociale par le biais de l'introduction des normes CSIAS. Finalement, on est revenu à une espèce de guerre des chiffres, où chacun avance les siens propres. Je m'en tiendrai simplement à ceux, avancés par Mme Wyden, relatifs au coût moyen d'un dossier. Ce dernier s'élevait à 2252 F avant l'introduction des normes CSIAS; après l'introduction de ces fameuses normes CSIAS, il se montait à 2244 F, c'est-à-dire qu'il y a eu une diminution de 8 F. J'ai peine à voir, dans ces 8 F, l'image apocalyptique que nous dressent les socialistes, qui font - excusez la formule, elle est un peu lapidaire - «du social tout ménage» avec l'argent public ! Or cette démarche - actuellement, avec la majorité de droite au parlement - n'est pas possible, et c'est bien pour cela que nous avons pu trouver une majorité et nous opposer à votre projet.
Une dernière remarque concerne les jeunes. Je voudrais tout de même relever qu'il nous a été bien expliqué comment, à l'Hospice général, fonctionnait l'aide apportée aux jeunes, aux deux catégories dans lesquelles ils sont classés: les uns sont aidés en conséquence de leurs efforts, c'est ceux qui acceptent un processus de formation professionnelle; la deuxième catégorie concerne ceux qui refusent de travailler, qui font véritablement partie des cas sociaux et auxquels il faut apporter une aide plus importante - il faut pouvoir les motiver et aller vraiment plus loin dans l'accompagnement. Cela nous montre que le département de M. Longchamp est extrêmement souple et ne peut être accusé de tous les maux, comme on l'a entendu durant cette heure de débat.
Quant aux jeunes, ce n'est pas avec l'aide sociale qu'on va les aider, mais avec une formation de qualité, en prise directe avec le marché du travail. Et l'on revient toujours à la même problématique qui divise gauche et droite: l'attractivité de l'assistance publique. Plus cette attractivité sera importante, plus elle démotivera les plus fragiles. Or vos propositions tendent toujours à aller dans ce sens-là, à apporter un maximum d'aides, mais avec pour conséquence, finalement, que des jeunes - maintenant, même des moins jeunes - se posent sérieusement la question de savoir s'il faut travailler ou simplement arriver à s'inscrire à l'Hospice général.
Toutes ces raisons font qu'une nouvelle fois je vous invite à refuser ce projet de loi.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de minorité. Je souhaite tout de même relever encore certains éléments qui ont émaillé ce débat. M. Longchamp, notamment, prétend que je suis dans l'erreur quant à l'interprétation des effets des normes CSIAS. Et pourtant, l'excellent rapport de majorité nous dit: «L'application de ces normes - les normes CSIAS - a permis des résultats spectaculaires puisque pour la première fois depuis dix-sept ans, le nombre de bénéficiaires a baissé à Genève; cette baisse se concrétisant par des retours à des situations plus heureuses.» Je n'ai donc rien inventé. Tant mieux pour les situations plus heureuses, mais c'est bien ce qui est dit.
Mme Gautier a relevé tout à l'heure - à juste titre - que le but n'est pas de maintenir les gens à l'assistance et qu'il faut plutôt leur donner du travail. Mais on est bien d'accord: donnons-en, du travail ! Avec la crise - et déjà avant, quand la crise n'était pas encore là - on voit bien que des entreprises, qui ont pourtant fait de juteux profits pendant beaucoup d'années, annoncent des licenciements au premier coup de froid ! On le voit notamment dans l'horlogerie, dans d'autres secteurs également. Donc, quand on a fait de juteux bénéfices, on peut aussi garder les employés et mettre en place des plans sociaux, au lieu de projeter des licenciements immédiats. Ainsi, il n'est pas question de maintenir les gens à l'assistance. Mais quand ils le sont, alors le fameux filet social que les démocrates-chrétiens appellent de leurs voeux commence malheureusement à se trouer de plus en plus.
On a beaucoup parlé des jeunes, et M. Garcia a prononcé un plaidoyer tout à fait justifié. Nous voulons aussi les inciter à se former et à trouver des places d'apprentissages. Mais alors incitons également les entreprises à offrir des places d'apprentissage, non seulement aux jeunes, mais aussi aux jeunes adultes qui ont des lacunes dans leur formation. Les socialistes ne pensent pas que les précipiter encore plus dans la précarité constitue un aiguillon favorable. Il y a toujours quelques jeunes ou quelques personnes qui ont de la peine à se réinsérer; pour ceux-là, l'assistance existe. Mais pour la grande majorité, il faut proposer des mesures incitatives.
Pour conclure, durant cette législature, il y a effectivement eu dans ce canton une régression sociale, avec toutes les diminutions et les tentatives de démantèlement dans l'assistance et dans d'autres soutiens à divers catégories de la population, malheureusement. Cela nous a amené à présenter ce projet de loi, au sujet duquel nous vous demandons d'entrer en matière sans tarder.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, au début de la législature, le Conseil d'Etat avait plusieurs priorités, parmi lesquelles l'emploi. Le Conseil d'Etat avait cette priorité, parce que nous constations que Genève était, malgré une situation économique à l'époque plutôt favorable, le canton qui connaissait le plus grand nombre de chômeurs et la plus forte progression de personnes à l'aide sociale. Nous avons donc réfléchi aux différents moyens de remédier à ces fléaux.
Nous avons voulu une nouvelle loi contre le chômage. Vous en connaissez les mécanismes. Nous avons, en matière d'aide sociale, voulu privilégier les solutions qui avaient démontré leurs effets positifs dans d'autres cantons et qui étaient synthétisées par les normes CSIAS - Conférence Suisse des Institutions d'Action Sociale - appliquées dans l'ensemble des cantons suisses, urbains et ruraux, mais pas à Genève. Nous avons voulu cette politique au motif qu'il nous semblait préférable d'essayer de remettre un maximum de personnes en activité, d'être incitatifs, volontaires et ambitieux en matière de politique d'insertion, plutôt que de voir, année après année, certains de nos concitoyens, de plus en plus nombreux, soit à la recherche d'un emploi, soit à l'aide sociale, ou - pire encore - émarger aux deux systèmes.
L'année dernière, après l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi contre le chômage et des normes CSIAS, nous observons des résultats diamétralement opposés à certaines craintes. La première des conséquences est que, pour la première fois depuis que les statistiques du chômage existent, le chômage a baissé plus vite à Genève que dans le reste de la Suisse, et la durée moyenne de chômage a baissé de manière spectaculaire, y compris et surtout pour le jeunes. Plusieurs ont fait allusion à cette catégorie d'âge, mais nous pourrions procéder à la même démonstration pour les autres catégories.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à des difficultés économiques liées à la situation internationale que nous connaissons, laquelle supposera des efforts de solidarité qui seront importants. Mais nous constatons que les chiffres du chômage et de l'aide sociale évoluent pour la première fois beaucoup plus favorablement à Genève que dans le reste de la Suisse. J'ai dit que nous présenterons la semaine prochaine les résultats de l'Hospice général: pour la première fois depuis dix-sept ans, le nombre de personnes à l'aide sociale a baissé. Or ces dix-sept dernières années ont été caractérisées par des périodes tant de récession que d'euphorie économique.
C'est cette politique que le Conseil d'Etat entend mener et favoriser. Celles et ceux qui entendent favoriser une autre politique peuvent certainement avoir des arguments, mais j'aimerais tout de même leur dire ceci à propos des jeunes: quand un jeune arrête son apprentissage, comme nous en avons malheureusement trop vu, et qu'il entre à l'aide sociale avec des barèmes plus favorables que ceux qu'il touchait lorsqu'il était apprenti, on lui donne un signal terrible. C'est pourtant le signal inverse que l'on doit donner, parce que, comme vous le savez, l'apprentissage est aujourd'hui, de toutes les formations, le meilleur remède contre le chômage.
C'est précisément pour cela que nous avons voulu des barèmes différents, pour éviter ces divers éléments et effets pervers, tout en tenant compte de situations qui méritent un examen particulier. Oui, il y a des jeunes de moins de 25 ans qui ont des enfants, une famille. Ceux-là sont mis au bénéfice du barème ordinaire. Oui, il y a des jeunes qui suivent une formation et qui n'ont pas d'autres moyens pour la suivre que de bénéficier de l'aide sociale, parce que leurs parents ne sont plus là ou n'ont pas les moyens de le faire eux-mêmes. Pour ceux-là, nous avons prévu des exceptions, cela a été dit dans le débat.
Enfin, nous avons réussi à obtenir un mécanisme qui était beaucoup plus incitatif dans le domaine de l'aide sociale générale et qui aujourd'hui déploie ses effets. Et c'est précisément à ce moment, alors que nous voyons une crise naître, que certains d'entre vous souhaitaient que, malgré ces résultats positifs, nous revenions à des systèmes dont nous avons démontré maintes et maintes fois qu'ils nous amenaient à une succession d'échecs et dans des situations qui, pour certains concitoyens, sont malheureusement irréversibles. Malheureusement, la durée de chômage devient parfois un tel handicap pour retrouver un emploi que des personnes n'en retrouveront peut-être plus jamais un.
C'est d'ailleurs pour cela, Madame la rapporteure, que durant cette décennie de démantèlement social - et je vous assure que j'en ferai passer le message à mes collègues au Conseil d'Etat - nous avons créé des emplois de solidarité et reconverti la totalité du budget qui était dévolu aux emplois temporaires à des mesures plus incitatives et permettant aujourd'hui les résultats que vous connaissez. Nous entendons effectivement poursuivre dans cette voie.
C'est ainsi que votre parlement en a décidé en adoptant une loi qui, Madame Pürro, comprenait exactement tous les mécanismes appliqués aujourd'hui. Cette loi donne un certain nombre de compétences au Conseil d'Etat et a été voulue par votre parlement. Elle a été soumise à référendum; vous avez vous-mêmes, en tant que parti politique, voulu lancer un référendum contre cette loi, lequel n'a pas abouti, n'ayant pas récolté les signatures nécessaires. Il s'agit maintenant d'en prendre acte, de poursuivre une politique précisément au moment où elle déploie ses effets positifs et de manifester, aujourd'hui comme demain, dans des périodes difficiles, notre solidarité à l'endroit de nos concitoyens qui se trouvent au chômage ou dans la précarité. (Applaudissements.)
Mis aux voix, le projet de loi 10322 est rejeté en premier débat par 49 non contre 38 oui et 2 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de motion 1742 est rejetée par 75 non contre 1 oui et 10 abstentions.
Débat
M. Alain Charbonnier (S). Il y a encore quelques mois, nous pensions que nous pourrions retirer cette motion concernant Gate Gourmet. Il s'agit de l'entreprise qui prépare les plateaux repas pour les avions. Anciennement chez Swissair, elle a été reprise par différents groupes américains, entre autres, qui se sont vendu entre eux cette entreprise et qui mettent une pression tout à fait intolérable sur le personnel de Genève.
Cela fait quelques années que Gate Gourmet a établi une convention collective avec ses employés. Malheureusement, chaque année, cette convention finit devant la Chambre des relations collectives du travail, parce que la direction de Gate Gourmet exerce une pression intolérable, je l'ai dit, mais aussi parce que, à travers cette convention, on cherche à revenir sur les acquis figurant dans cette dernière et à remettre en question la difficulté du travail accompli par les employés de cette entreprise.
Je voudrais rappeler que Gate Gourmet réalise un chiffre d'affaires colossal de plus d'un milliard et demi de dollars par année au plan mondial, cette entreprise étant multinationale. A Genève, elle est constamment dans les chiffres noirs, ce n'est donc pas du tout une entreprise en perte de vitesse ou subissant quoi que ce soit de ce genre; au contraire, elle réalise d'énormes bénéfices. Malgré cela, elle se permet le luxe de sous-payer ses employés... Là, je suis obligé de rappeler la véracité, malheureusement, des termes de M. Stauffer, tout à l'heure: mais effectivement, il s'agit d'une entreprise qui sous-paie ! A peine 4500 F pour des employés qui travaillent depuis longtemps dans cette entreprise... C'est totalement intolérable pour notre canton !
L'année passée, je ne sais pas si vous vous en souvenez, la presse s'en était fait l'écho, la CRCT avait dû intervenir juste avant qu'une grève tout à fait justifiée ne soit déclenchée de la décision même des employés, cela afin de pouvoir reconduire la convention collective dénoncée par la direction; la CRCT a jugé pratiquement tout en faveur de ce que réclamaient les employés et l'on pensait que la situation allait ainsi être pérennisée. Malheureusement, tout de suite après le jugement de la CRCT, la direction a fait des propositions pour une nouvelle convention collective: il s'agissait, entre autres, de supprimer les négociations salariales annuelles... Evidemment, demander des augmentations, quelle honte ! Quand on gagne 4500 F par mois pour un travail à 100%, pourquoi demander des augmentations annuelles ?! Il s'agissait aussi de supprimer la protection des délégués du personnel... Naturellement, la présence de délégués syndicaux à l'intérieur d'une entreprise, ça fait vilain, surtout quand on paie aussi «bien» ses employés ! De plus, il était question de supprimer l'obligation de motiver un licenciement - là, je vous laisse juges quant à la direction... - ainsi que de supprimer l'obligation d'établir un plan social - encore un exploit de cette direction ! - et, pour finir, de supprimer aussi les négociations en cas de restructuration.
Après le jugement de la CRCT, on a tout de même pensé que l'année allait se dérouler plus ou moins bien. Malheureusement, il n'en fut rien: après 2008, quand les syndicats et le personnel ont voulu demander une petite indexation des salaires de 2,9%, cette direction - qui, je vous le rappelle, propose de supprimer tous les, entre guillemets, «avantages syndicaux» - n'est, bien sûr, pas entrée en matière ! Et, à nouveau, la convention collective a passé devant la Chambre des relations collectives du travail...
Le président. Il vous faudra terminer, Monsieur le député, mais vous pourrez reprendre la parole plus tard durant trois minutes, puisque vous êtes l'auteur de la motion. Je rappelle que c'est trois minutes par groupe.
M. Alain Charbonnier. Très bien ! Donc, la CRCT est à nouveau saisie, cette fois-ci par les syndicats eux-mêmes, afin de respecter la paix du travail car les employés avaient décidé une grève. Les syndicats ont donc voulu apaiser la situation et aller à nouveau devant la CRCT.
Je reviendrai tout à l'heure pour la suite de l'argumentation de cette motion.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer, pour trois minutes.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme je l'avais dit deux points auparavant, cette motion révèle un réel malaise envers ce qui se passe aujourd'hui à Genève. Laissez-moi vous expliquer ce qui est arrivé à Gate Gourmet, qui, vous le savez, transporte les plateaux repas aux avions - c'est donc un service de «catering». Mais Gate Gourmet n'est pas la seule; à l'aéroport, il y a d'autres sociétés, comme Canonica Catering qui fait exactement le même job.
Je vous ai cité un exemple précis - que je ne reprendrai pas dans le développement de cet argumentaire - de quelqu'un qui s'était fait licencier en raison d'une restructuration économique, et je vais vous expliquer explique pourquoi il y a eu une restructuration. Eh bien, toutes les entreprises aéroportuaires ne respectent pas les conventions collectives ! Certains petits malins, dans une des deux sociétés que je viens de citer, arrivent à engager des employés temporaires, frontaliers - désolé d'en revenir toujours à cela - qu'ils sont arrivés à détacher et qu'ils sous-payent. Par conséquent, Gate Gourmet a perdu deux gros clients et a dû licencier 30% de son personnel. Voilà ce qui est réellement en train de se passer avec notre ouverture beaucoup trop rapide sur les marchés de l'emploi au niveau européen !
Etablir une convention collective, c'est bien sûr important, et nous allons soutenir la motion du parti socialiste. Mais j'aimerais attirer l'attention de M. le conseiller d'Etat, puisqu'il est toujours, grâce à ce Grand Conseil, président du conseil d'administration de l'Aéroport: il convient de s'assurer que toutes les sociétés qui opèrent et gravitent autour de l'Aéroport international de Genève bénéficient toutes d'une convention collective pour protéger les plus bas salaires. Autrement, on aura à nouveau cette discrépance, avec une société qui, certes, au niveau mondial, fait un chiffre d'affaires absolument effarant, mais qui, au niveau genevois, est obligée de licencier les employés pour maintenir son cash-flow, parce que d'autres n'ont pas joué le jeu et ont fait de la sous-enchère salariale.
Alors c'est bien de clouer au pilori en demandant une convention collective, mais il faudrait qu'elle soit uniformisée pour tous les opérateurs du même secteur d'activité, sinon cela entraînera des discrépances. A nouveau, qui paiera les pots cassés ? C'est le citoyen genevois, qui, lui, va se retrouver licencié ou va gagner 4500 F par mois ! Vous m'expliquerez comment une famille fait aujourd'hui pour vivre avec 4500 F par mois à Genève... Moi je ne le sais pas. C'est un réel problème de société qu'il nous faudra bien, tôt ou tard, aborder.
Donc, nous vous encourageons à soutenir cette motion des socialistes. Et je réitère mes remarques à l'endroit du Conseil d'Etat...
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Qu'il s'assure que toutes les sociétés soient sur un pied d'égalité concernant les conventions collectives. Je vous en remercie.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Comme nous avons eu deux orateurs qui ont pris la peine d'expliquer le conflit social ayant lieu à Gate Gourmet, il me paraît inutile, par gain de temps, de reprendre leurs propos.
En revanche, il me semble important de renvoyer cette motion à la commission de l'économie, afin de pouvoir étudier ce qui se passe effectivement dans le présent conflit. Il s'agit d'un conflit social, que l'on ne devrait normalement pas traiter au Grand Conseil. Mais, dans ce cas précis, puisque ce conflit réactualise chaque année et que, de plus, il concerne aussi des entreprises étrangères, il faut probablement mettre à jour des divergences quant à la culture d'entreprise et quant à la manière dont on fait les choses.
Voilà pourquoi il est important de prendre cette motion en considération et de la renvoyer à la commission de l'économie, ce que je vous remercie de faire.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Pour les démocrates-chrétiens, il est évident que le problème est réel. Simplement, nous aimons faire confiance aux partenaires sociaux; nous sommes extrêmement attachés au principe du partenariat social. Il s'agit dans ce cas-là d'encourager précisément les partenaires sociaux à continuer les négociations, ce qu'ils savent très bien faire. Je ne vois donc pas pourquoi nous sommes placés ici dans une situation d'arbitre, qui n'est pas de notre compétence.
Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, le parti démocrate-chrétien refusera d'entrer en matière sur cette motion. En effet, nous ne voulons pas faire croire qu'il est possible qu'on se mêle de tout, à tous les niveaux et à n'importe quel moment. Ce serait absolument faux et nous ne voulons pas disqualifier les partenaires sociaux. C'est dans ce sens-là que nous voulons lancer un message très clair. Nous n'entrerons donc pas en matière et nous encourageons les partenaires sociaux à poursuivre leurs négociations.
M. Daniel Zaugg (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais commencer par saluer la sagesse et l'efficacité de ce Grand Conseil dans le traitement de cette motion. En effet, au début 2008, nous en avons refusé l'urgence et je pense que c'est exactement ce qu'il fallait faire. Déposée en janvier 2008 lors du conflit largement relaté par M. Charbonnier - je n'y reviendrai pas - et ayant abouti à la dénonciation de la convention collective entre Gate Gourmet et ses employés, cette motion demande l'intervention du Conseil d'Etat dans les négociations relatives; je ne pense pas que ce soit utile. Les faits le démontrent, il était urgent de ne rien entreprendre. En effet, les partenaires - M. Charbonnier l'a également rappelé - se sont soumis à l'arbitrage de la CRCT, et cette dernière a rendu en mai 2008 une décision qui prend en compte pour une large part les revendications syndicales, cela de manière rétroactive, au 1er janvier 2008. La convention 2004-2006 qui était en vigueur et qui a été dénoncée a été prolongée par décision de la CRCT jusqu'à fin 2010. On constate donc que les organes ont parfaitement réglé le problème. S'il y a maintenant encore un conflit, il y aura une nouvelle négociation, c'est tout à fait normal. Pour moi, le conflit a été réglé dans des délais acceptables, plutôt en faveur des employés, ce qui devrait satisfaire les motionnaires. Voilà pour le fond.
Maintenant, il reste la question de l'opportunité de l'intervention de l'Etat dans ce genre de question. La position du parti libéral est extrêmement claire: une convention collective est un outil négocié qui sert à la préservation de la paix sociale, mais qui ne peut fonctionner qu'avec un accord des deux parties. C'est le résultat d'un consensus, et il est important que l'Etat n'intervienne pas dans ce genre de négociations en faveur de l'un ou l'autre des partenaires; il faut absolument que les partenaires sociaux puissent faire leur travail. En cas de réel litige, on dispose d'un arsenal législatif suffisant et d'organes compétents comme la CRCT, dont le rôle est précisément d'assister les partenaires dans la recherche d'un accord. En ce qui concerne le Conseil d'Etat, nous pensons que son seul rôle est de faire appliquer les lois en vigueur, de veiller au respect de l'équité, et certainement pas d'intervenir en faveur de l'une ou l'autre des parties.
C'est pourquoi les libéraux vous invitent à refuser cette motion, qui n'a de toute façon, au vu de l'évolution de la situation, plus aucune raison d'être.
M. Philippe Guénat (UDC). A l'UDC, nous aimerions nommer cette motion «De quoi je me mêle ?! On s'ennuie, alors agitons-nous !» En effet, je suis étonné de voir avec quelle légèreté les signataires socialistes ont rédigé cette motion. Envoyer le signal que l'Etat doit intervenir chaque fois qu'il y a un problème n'est vraiment pas ce dont on a envie dans la situation économique actuelle. Appeler, je cite, «un sacrifice personnel» le fait qu'un collaborateur travaille quarante minutes de plus par semaine, huit minutes de plus par jour... J'hallucine ! En contrepartie, ce même personnel a vu son salaire augmenter de 3%.
Monsieur le président, c'est du langage et de la pensée syndicalistes qui ne m'étonnent pas de la part de son initiant. Toutefois, ce n'est pas digne d'un député - ni de certains cosignataires voulant siéger au prochain Conseil d'Etat - de prétendre que le personnel de Gate Gourmet est assujetti au fonctionnariat parce que Gate Gourmet se trouve sur l'aire de l'Aéroport. A nouveau, c'est de la folie ! Ces gens sont propriétaires des murs et ont un droit de superficie. Dans le contrat d'achat, il n'a jamais été mentionné une quelconque règle salariale. Alors de quoi nous mêlons-nous ?
Les mêmes inspecteurs socialistes en herbe s'offusquent de voir des salaires avoisinant généralement 4500 F par mois, pour du personnel généralement sans formation. Eh bien, Monsieur le président, c'est déjà un bon salaire ! Je vous promets qu'aujourd'hui, à Genève, il y a bien des gens sans formation adéquate qui aimeraient gagner ce salaire-là. Et pourquoi les salaires étaient-ils 4500 F ? Parce que, Monsieur le président, lorsque Swissair a fait faillite, nous étions très ennuyés que Gate Gourmet - je tiens à vous le rappeler - aille aussi vers la faillite. Or l'acquéreur a repris Gate Gourmet et on lui a demandé de garder les mêmes salaires, ce à quoi il s'est engagé. Ces salaires étaient à l'époque très élevés, parce que Swissair a toujours été connue pour être une compagnie généreuse. Alors oui, pendant des années, les salaires n'ont pas été adaptés parce qu'ils partaient de très haut, mais nous étions bien contents que l'activité reste à Genève.
Pour terminer, je rappellerai, Monsieur le président, que cela date du printemps 2008. Depuis ce moment-là, comme l'a relevé mon collègue libéral, la situation a été assainie et la paix sociale a été retrouvée. Je m'étonne donc que ce point soit toujours à l'ordre du jour... (Commentaires.) Mais oui ! Le groupe UDC n'entrera pas en matière: nous refuserons les renvois à la commission de l'économie et au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Charbonnier, voulez-vous intervenir en dernier ? (M. Alain Charbonnier acquiesce.) Très bien, la parole est alors à M. Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, mon excellent collègue Daniel Zaugg a bien expliqué, en tant que chef d'entreprise d'ailleurs, les principes d'autonomie des partenaires sociaux des parties et de subsidiarité de l'État en matière de relations sociales. Il est vrai que le conseiller d'Etat Longchamp a prêté son concours il y a quelques années, lors d'un conflit dans l'industrie de la construction, mais jamais il ne s'est substitué aux partenaires sociaux; il a en quelque sorte joué les facilitateurs, et c'était très apprécié. Mais constamment - j'aimerais le souligner ici - les partenaires sociaux dialoguaient, et ce sont eux seuls qui ont trouvé l'accord qui a ensuite été reconnu par les autorités. Donc l'autonomie des partenaires sociaux est fondamentale. S'il n'y a pas de volonté, on ne peut pas la remplacer, on ne peut pas la créer.
Cette motion, cela a été dit, arrive comme la grêle après la vendange, puisque les dispositifs que nous avons à Genève pour essayer de concilier les parties ont fonctionné à merveille. Il n'y a donc plus de problème.
S'agissant de l'intervention de mon collègue du MCG, j'aimerais dire encore ceci. En abordant la question de la sous-enchère salariale, du dumping, il fait là un amalgame dans ce domaine. Je rappelle que nous avons voté il y a trois semaines sur cette problématique; on vous a démontré à multiples reprises qu'il y a des dispositifs tout à fait clairs avec intervention des partenaires sociaux et de l'observatoire du marché de l'emploi; par conséquent, s'il y a suspicion de sous-enchère abusive et répétée dans quelque branche économique ou entreprise que ce soit, on appuie sur un bouton, une enquête est menée, et, le cas échéant, cela peut déboucher sur des contrats-types de travail. Donc, arrêtez de diffuser de fausses informations ! Les partenaires sociaux et l'Etat sont parfaitement armés pour lutter et mettre fin à ce type de sous-enchère. Le groupe radical refusera évidemment cette motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Gautier, si vous voulez prendre la parole, vous avez vingt-cinq secondes.
Mme Fabienne Gautier (L). En ce qui concerne les inquiétudes qui pourraient survenir de la part des entreprises, et à propos de ces dernières qui, prétendument, seraient mal surveillées, j'aimerais relever, comme l'a fait M. Barrillier, qu'il existe des instances: le Conseil du marché de surveillance de l'emploi, qui travaille avec les partenaires sociaux et l'Etat, et le Conseil des mesures d'accompagnement. Il ne faut pas les oublier, ce sont deux instances qui font extrêmement bien leur travail avec les partenaires sociaux. Je pense qu'il faut souligner cela au cours de notre discussion. En effet, il n'y a absolument plus de dérapage actuellement, puisque tout est très bien contrôlé, y compris concernant les entreprises qui viennent travailler temporairement à Genève.
Donc, nous refuserons la motion, comme il l'a déjà été dit.
Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes saisis d'une nouvelle invite concernant cette motion. Je vous la lis: «à rendre rapport au Grand Conseil pour toutes les sociétés opérant dans le même secteur si elles possèdent également une convention collective.» Je vais donner la parole à ce propos, puis je la passerai à M. Charbonnier pour terminer... (Commentaires.) Si vous voulez intervenir en premier, Monsieur Charbonnier, c'est comme vous voulez.
M. Alain Charbonnier (S). Alors je veux bien commencer, merci, Monsieur le président. J'ai entendu différentes choses, entre autres que cette motion n'avait, pour certains, plus raison d'être. Je crois qu'ils n'ont pas bien écouté mon intervention de tout à l'heure ou qu'ils n'étaient pas présents. Je rappelle que la Chambre des relations collectives du travail a de nouveau été saisie il y a quelques jours, pratiquement pour la dixième fois en dix ans. Donc ce n'est pas un cas banal où les partenaires sociaux se rencontrent tranquillement pour discuter d'une situation - ainsi que nous le laisse entrevoir M. Barrillier ou d'autres - et de la manière dont cela devrait se passer, comme cela se déroule heureusement dans la plupart des cas en notre canton.
Malheureusement, cette entreprise a depuis quinze ans démontré ses intentions: elle a repris Gate Gourmet, non pas de façon philanthropique - Monsieur Guénat, vous nous faites complètement rêver ! - mais parce que ce grand groupe mondial qu'est Gate Gourmet y trouve des avantages et réalise des bénéfices conséquents. A un moment donné, ces bénéfices doivent aussi revenir aux travailleurs de l'entreprise, ce qui n'est pas du tout le cas ! Mais vraiment pas ! L'année passée, la décision de la CRCT est allée dans le sens des employés, et non dans le sens de la direction, laquelle voulait supprimer toute une série d'acquis et revenir sur la discussion annuelle relative aux salaires. On constate donc que cette direction ne veut pas aller vers une négociation, comme cela se fait habituellement...
Ensuite, quand j'entends dire: «L'Etat ne doit pas intervenir»... Pas cette chanson aujourd'hui ! Je ne vais pas vous citer l'UBS, quand même ! Je ne sais pas si vous vous en souvenez, ce n'est pas si vieux ! Par ailleurs, plusieurs personnes qui sont intervenues étaient intéressées au premier chef par une autre convention collective, celle du bâtiment - MM. Barrillier et Zaugg, partie prenante dans cette affaire-là, ont la mémoire très courte. Alors, parfois le Conseil d'Etat doit intervenir - quand cela l'arrange, lui - et d'autres fois, quand bien moins d'employés sont concernés - peut-être bien peu, trop peu à ses yeux, et trop peu payés... Or ces gens-là souffrent ! Et il est temps que, dans la mesure de ce qu'il peut faire, le Conseil d'Etat agisse ! Evidemment que ce n'est pas le Conseil d'Etat qui va aller imposer quoi que ce soit à la direction de Gate Gourmet.
Je rappelle que les passages devant la CRCT occasionnent aussi une dépense publique, puisque ce sont des juges qui doivent siéger et que cela coûte des deniers à la collectivité publique. L'idée de notre motion consistait donc à dire: «Faisons intervenir le Conseil d'Etat, de façon qu'il devienne arbitre, avant que l'affaire ne reparte une nouvelle fois à la CRCT et que des deniers publics soient dépensés. Cela, afin que cette entreprise revienne dans le droit chemin - c'est moi qui utilise ce terme, mais oui ! - des négociations normales entre partenaires sociaux et qu'elle respecte un tant soit peu ses employés.» (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous avons sous les yeux la nouvelle invite que j'ai lue tout à l'heure, nous allons donc procéder de la manière suivante: je passe la parole à M. Stauffer, qui a trois minutes pour présenter son invite, sur laquelle il n'y aura pas de discussion. Je passerai ensuite la parole à M. Longchamp, puis nous voterons l'invite, le renvoi à la commission de l'économie et, enfin, la motion. Monsieur Stauffer, vous avez la parole.
M. Eric Stauffer (MCG). Le président a lu notre invite. Comme je vous l'ai expliqué préalablement, Gate Gourmet est l'une des composantes opérant dans le secteur aéroportuaire. Il est donc important que ce Grand Conseil soit informé sur toutes les sociétés qui opèrent dans la zone aéroportuaire, pour vérifier si elles aussi ont des conventions collectives. Autrement, nous allons provoquer une concurrence déloyale avec une société qui n'aurait pas de convention collective et qui pourrait évidemment employer du personnel à moindre coût, causant ainsi une perte de marché pour Gate Gourmet. C'est ce qui lui est arrivé, je vous le rappelle, il y a trois ans, et cette société avait dû licencier environ 30% de son personnel. Je vous engage donc à soutenir cette nouvelle invite.
Par rapport à cette dernière, on parle d'ingérence de l'Etat... Pas vraiment ! Nous voulons simplement que les lois soient respectées ! Donc, ce n'est pas véritablement une ingérence, comme l'a dit M. Guénat. J'estime que nous devons aller voir ce qui se passe, voir si la loi n'est pas respectée et si les salaires sont si bas que les gens ne peuvent pas avoir une vie décente dans le canton de Genève.
En conclusion, je vais répondre M. Barrillier, qui dit: «Nous avons des dispositifs pour contrôler»... Excusez-moi, mais c'est vraiment la plaisanterie de ce vendredi après-midi ! Vous avez sept inspecteurs - peut-être leur nombre a-t-il légèrement augmenté - pour 300 000 emplois à Genève... Faites-nous rigoler ! C'est vrai qu'ils vont aller dans toutes les sociétés ? Vous représentez ici le bâtiment, et l'on sait que ces inspecteurs sont dévolus spécifiquement au contrôle des chantiers, puisque c'est là qu'il y a le plus d'employés européens «détachés» et qu'ils n'ont que faire des sociétés comme Gate Gourmet - ils doivent déjà s'occuper de piles hautes comme ça... Franchement, cet argument ne tient absolument pas la route !
Par conséquent, je vous demande de soutenir cet amendement. Nous aurons ainsi une vision globale sur le problème - spécifique ! - de l'Aéroport. Il est de notre devoir d'intervenir pour comprendre ce qui s'y passe.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la situation dans l'entreprise qui fait l'objet de cette motion est aujourd'hui stabilisée. En effet, à la demande des parties - l'entreprise, d'une part, la section genevoise du syndicat SSP-VPOD, d'autre part - la CRCT, la Chambre des relations collectives du travail, a été saisie de ce dossier. Elle a rendu une décision qui a prorogé la convention collective jusqu'au 31 décembre 2010, ce qui veut dire que pour environ deux ans encore la situation dans cette entreprise est stabilisée.
La motion demande au Conseil d'Etat d'intervenir dans le cadre de ce conflit du travail. Il est vrai que ce n'est pas une situation très fluide ni très habituelle et que des éléments pourraient probablement être améliorés de part et d'autre. Mais j'aimerais tout de même attirer votre attention sur le caractère très exceptionnel de l'intervention du Conseil d'Etat dans les litiges de relations du travail. Il ne faut pas se prévaloir trop à l'envi de son intervention dans le secteur de la construction. Il s'agissait d'un conflit national, qui avait des conséquences extrêmement graves sur le fonctionnement d'un secteur considérable sur le plan économique et sur un certain nombre de chantiers. Cela a poussé le Conseil d'Etat de manière tout à fait exceptionnelle à s'impliquer pour essayer de trouver une solution cantonale. Cela a d'ailleurs été le cas, ce qui a ensuite permis d'initier une dynamique nationale positive.
Mais j'aimerais rappeler ici que l'on ne peut pas vouloir défendre une vision paritaire du droit du travail sans garder à l'esprit que le seul moyen de faire fonctionner le marché du travail aujourd'hui est d'avoir des syndicats forts d'un côté et des organisations patronales structurées de l'autre. Ils doivent être capables les uns et les autres, sans le concours de l'Etat, de signer des conventions collectives. La tentation, la tendance qui voudrait que, dans cette enceinte puis au sein du Conseil d'Etat, on en vienne à s'occuper de tous les litiges dans le secteur du travail est contraire à ce principe auquel nous devons être attachés, qui est celui d'un fonctionnement paritaire des relations du travail dans notre pays. C'est ce qui fait la force de notre pays, par rapport à d'autres qui ont des manières plus conflictuelles, parfois, d'imaginer les relations du travail.
Je vous invite donc à faire de cette motion l'usage que vous voudrez bien: la renvoyer en commission, au Conseil d'Etat, ou encore la refuser. Mais j'aimerais vous dire que le Conseil d'Etat est et sera extrêmement prudent dans les interventions qu'il serait amené à envisager dans le cadre d'un conflit du travail et en particulier dans celui-ci, puisque, comme je vous l'ai indiqué, jusqu'au 31 décembre 2010, ce secteur bénéficie d'une convention collective valable. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Charbonnier, il vous reste quarante secondes.
M. Alain Charbonnier (S). Merci, Monsieur le président, je n'aurai pas besoin de beaucoup plus de temps. J'aimerais simplement dire que j'ai ici la lettre des syndicats dénonçant... (Remarque.) Pardon ? Monsieur Guénat, vous avez quelque chose à dire ?
Une voix. Bien sûr !
M. Alain Charbonnier. «Bien sûr», oui ! J'ai la lettre qui demande à la CRCT d'intervenir dans ce conflit. Donc, il n'y a pas paix du travail du tout, Monsieur le conseiller d'Etat, c'est faux ! Cette lettre date du 9 mars 2009, et pas de 2008: de 2009 ! Elle dénonce les agissements de la direction. S'il le faut, je la mets à la disposition du Mémorial. Je tiens à dire que cette motion est tout à fait d'actualité, d'autant plus cette année puisque le conflit s'envenime toujours davantage ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons nous prononcer d'abord sur la nouvelle invite du MCG. Je la relis: «à rendre rapport au Grand Conseil pour toutes les sociétés opérant dans le même secteur si elles possèdent également une convention collective.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 46 non contre 34 oui.
Le président. Nous sommes maintenant saisis d'une demande de renvoi à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1806 à la commission de l'économie est rejeté par 48 non contre 34 oui.
Le président. Nous allons nous prononcer sur l'adoption ou le rejet de cette motion.
Mme Anne Emery-Torracinta. Je demande le vote nominal !
Le président. Le vote nominal est demandé. Etes-vous soutenue ? Vous l'êtes largement, Madame !
Mise aux voix à l'appel nominal, la proposition de motion 1806 est rejetée par 46 non contre 35 oui.
Débat
M. Fabiano Forte (PDC). J'aimerais tout d'abord adresser des remerciements à M. le conseiller d'Etat François Longchamp, qui nous prouve - et c'est un clin d'oeil pour nos collègues de la Revue - que les motions du groupe démocrate-chrétien n'ont pas toujours zéro calorie... (Rires.) ...et qu'elles peuvent doper des projets de lois, comme celui de la refonte sur les établissements médicaux-sociaux actuellement étudié par la commission des affaires sociales.
Le groupe démocrate-chrétien est prêt à retirer cette motion pour autant que nous puissions avoir devant ce parlement quelques garanties de la part de M. le conseiller d'Etat Longchamp, dans le cadre de l'introduction de ce bureau qui centralise les demandes d'inscription dans les EMS, s'il respecte les trois points, je dirai «les trois piliers», de la motion que nous avions déposée: d'abord, faciliter les inscriptions et autres démarches administratives dans les EMS, dans la perspective d'un Etat facilitateur; ensuite, respecter, bien évidemment, le libre choix et le parcours de vie des personnes âgées concernées par une inscription en EMS; enfin, respecter le libre choix des établissements.
C'est à ces trois conditions, Mesdames et Messieurs les députés, que le groupe démocrate-chrétien retirera sa motion, tout en étant attentif, lors des travaux en commission, que ces principes puissent être respectés.
Le président. Si vous êtes d'accord, Mesdames et Messieurs, je vais donner la parole à M. le conseiller d'Etat Longchamp, afin de voir si les réponses sont suffisantes pour que le groupe démocrate-chrétien retire sa motion.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Oui, Monsieur le président. C'est bien volontiers que je donne une réponse positive aux trois questions que vous venez de soulever, Monsieur Forte. L'article 25 du projet de loi sur les établissements pour personnes âgées prévoit le dispositif demandé par votre motion. Il en avait été question, avec d'autres groupes parlementaires, dans le cadre des procédures de consultation préalables au dépôt de ce projet de loi. Je pense notamment aux Verts et je me souviens, Madame Mahrer, d'une discussion que nous avions eue au cours de ces procédures de consultation. Je sais aussi qu'un autre groupe avait également marqué son intérêt pour le type de démarches proposées.
L'article 25 du projet de loi déposé par le Conseil d'Etat répond à vos trois préoccupations. D'abord, il facilite les démarches administratives. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu'une famille ou un résident qui souhaiterait procéder à une inscription dans un EMS n'aura pas besoin de répéter dix, quinze ou vingt fois les procédures d'admission et de remplir des formulaires qui lui poseraient des questions identiques. Ensuite, il respecte bien sûr le libre choix du résident. Le fait de faciliter ses démarches administratives et de synthétiser les procédures d'admission n'implique en aucun cas l'obligation pour un résident - pas plus que ce n'est d'ailleurs le cas aujourd'hui - d'aller dans un EMS plutôt qu'un autre. Enfin, le troisième point est évidemment le choix de l'EMS lui-même. L'EMS doit garder la possibilité d'accepter un résident, mais aussi, le cas échéant, de ne pas l'accepter; c'est un libre choix qui revient aussi à l'établissement.
Je puis donc vous confirmer ici, ainsi que je l'ai fait à plusieurs reprises déjà lors des discussions préliminaires que nous avons eues à la commission des affaires sociales, que ces trois soucis sont bien ceux du Conseil d'Etat et sont contenus dans la disposition prévue dans le projet de loi sur les établissements pour personnes âgées.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Forte, voulez-vous répondre ? (M. Fabiano Forte acquiesce.) Je rappellerai auparavant ce point de notre règlement: si le PDC décide de retirer sa motion, elle peut être reprise par n'importe quel groupe et la discussion continuerait. La parole est à M. Forte.
M. Fabiano Forte (PDC). Compte tenu des réponses données par M. le conseiller d'Etat Longchamp devant ce parlement, le groupe démocrate-chrétien retire la motion 1838.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
La proposition de motion 1838 est retirée par ses auteurs.
Le président. Si aucun député de cette assemblée ne veut reprendre cette motion... (Exclamations.) Monsieur Stauffer, vous avez la parole.
M. Eric Stauffer (MCG). Je la retirerai à la fin de mon intervention, mais il y a une chose que je dois dire concernant les EMS... (Exclamations.) Oui, mais c'est le débat démocratique, c'est ainsi que cela fonctionne ! (Brouhaha.)
Le président. Soyez clair et décidez-vous: est-ce que vous reprenez la motion ?
M. Eric Stauffer. Oui, je reprends la motion.
La proposition de motion 1838 est reprise par M. Eric Stauffer.
Une voix. Et voilà !
M. Eric Stauffer. «Et voilà !» J'aimerais simplement attirer votre attention, Mesdames et Messieurs, sur un point qui me paraît primordial. (Brouhaha.) Nous tenons à souligner que la motion du PDC était très bonne, or il faut aller plus loin ! En effet, nous nous sommes aperçus qu'il y a beaucoup de disfonctionnements au sein des EMS. J'en veux pour preuve que certains EMS refusent des centralisations, notamment au niveau des achats. Pour que tout le monde comprennent bien, je vais vous donner un exemple basique: le papier toilette. Certains EMS achètent le papier toilette à 60 F, refusant de l'acheter à 25 F dans une centrale, car il y a des commissions occultes ! Et le Conseil d'Etat est coincé, parce qu'il n'y a apparemment aucune disposition pénale... (Brouhaha.) ...permettant de poursuivre ces gens qui profitent des deniers publics dans les subventions. Alors, j'attire l'attention du... (Commentaires.)
Mme Fabienne Gautier. C'est hors sujet !
M. Eric Stauffer. Monsieur le président, ce n'est pas hors sujet... (Commentaires.) ...puisqu'on parle de centralisation... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Eric Stauffer. On parle de centralisation et de rationalisation des coûts. Je souligne encore une fois que la motion PDC était bonne, or... (Brouhaha.) Je vais y arriver... Or on comprend bien l'opposition de certains partis de droite qui, je le dis ici, sont financés par des EMS ! J'ai terminé et je retire la motion. (Commentaires. Rires.)
Le président. Franchement, cela tourne un peu au cirque ! C'est regrettable. Cette motion est donc retirée.
La proposition de motion 1838 est retirée par M. Eric Stauffer.
Débat
M. Sébastien Brunny (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons qu'abonder dans le sens des motionnaires, qui désirent une harmonie et une coordination entre les prestations sociales et le système fiscal. Comme ils l'ont écrit, plusieurs études ont démontré que l'accès au travail rémunéré est l'un des meilleurs remparts contre les risques de pauvreté.
Une voix. T'as raison ! (Brouhaha.)
M. Sébastien Brunny. En effet, dans ladite motion il est stipulé qu'un système de protection sociale comportant des effets de seuil décourage et pénalise la reprise d'une activité lucrative. De plus, il est aberrant que ces derniers, dans le système actuel, soient tels qu'une augmentation du revenu de travail donne lieu à une diminution correspondante d'une allocation et se traduise par une diminution du revenu disponible. Au vu de ces éléments, le groupe MCG soutiendra la motion 1839.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Cette motion a en fait pour but de revenir de manière un peu plus globale sur la question des effets de seuil, quand on sait qu'ils sont effectivement délétères non seulement par l'inégalité de traitement qu'ils génèrent, mais aussi parce que, comme cela a été dit tout à l'heure, ils hypothèquent la possibilité que les personnes concernées soient réinsérées. Ces effets de seuil sont aussi un corollaire du filet social qui existe encore à Genève, bien qu'il commence à être menacé. Mais, effectivement, on dénombre autour de dix-sept prestations entre les niveaux fédéral, cantonal et communal. Et c'est pour cela que le système doit rester équitable et qu'il faudrait peut-être clarifier certains points dans tous ces effets de seuil.
La commission des affaires sociales, vous le savez, a étudié et accepté à l'unanimité deux projets de lois. On a un peu parlé tout à l'heure de l'objectif: la suppression des effets de seuil dans l'assistance et au niveau de l'assurance-maladie. Ainsi, ces projets ont été acceptés. Mais quand on a posé la question au département, force a été de constater qu'il restait encore des effets de seuil pour certaines prestations, notamment les prestations complémentaires au niveau fédéral dans le domaine des bourses d'études, de l'allocation de logement, des prestations complémentaires AVS-AI, etc.
Le but de cette motion est, afin que l'on puisse avoir une idée un peu plus globale de la situation, de faire le point sur toutes ces prestations et les effets de seuil qu'elles risquent de générer. Pour cette raison, nous vous demandons de renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales.
Le président. Merci, Madame la députée. J'ai noté votre demande de renvoi en commission. La parole est à Mme Captyn.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Les Verts ont été assez surpris de voir figurer cette motion à l'ordre du jour de notre parlement. En effet, elle a été déposée à peine un mois et demi après la parution des textes du Conseil d'Etat sur la question des effets de seuil... Alors bon, on prend acte de ce dépôt. Il se trouve qu'en commission des affaires sociales nous avons fait le point sur la situation des effets de seuil pour chacune des prestations financières existantes et nous avons étudié une simulation afin de connaître de manière précise l'effet combiné des différentes dispositions sociales et fiscales. Nous avons ainsi longuement discuté de ces éléments, les invites de la motion sont donc remplies.
Nous savons par ailleurs que le Conseil d'Etat va nous soumettre ses propositions concernant les effets de seuil relatifs aux allocations d'études - si je ne me trompe pas - et aux prestations mentionnées par Mme Fehlmann Rielle. Nous ne comprenons donc pas très bien quelle mouche a piqué les socialistes sur cette question, puisque le travail est effectué et qu'il progresse. Par conséquent, nous refuserons cette motion.
M. Patrick Saudan (R). Je vais un peu reprendre ce qu'a dit ma préopinante. Si nous lisons les considérants de cette motion 1839, nous sommes heureux de constater que le parti socialiste reconnaît que Genève offre un nombre important d'aides financières à beaucoup de ses citoyens.
Les invites de cette motion sont caduques, puisque le département se penche sur cette problématique depuis longtemps: Mme Captyn a cité le rapport de la CSIAS - qui date de février 2008 - sur la simulation des effets de seuil; en octobre 2008, nous avons voté le projet de loi 10292 qui supprime ces derniers concernant les allocations d'assurance-maladie; et, actuellement, le département est en voie d'achever le travail. Donc, pour nous, cette motion est dépassée et nous ne pouvons pas entrer en matière.
M. Gilbert Catelain (UDC). Tout à l'heure, nous avons traité un projet de loi qui visait, en peignant les choses en noir, à revenir en arrière en ce qui concerne l'aide sociale... Une heure plus tard, nous sommes saisis d'une motion du même groupe politique qui nous dit les choses suivantes: «[...] considérant: - le nombre important d'aides financières (cantonales et communale) proposées aux habitant-e-s du canton de Genève»... On croirait qu'il y a pléthore ! On lit aussi: «- la complexité du système»... Tant et tant il y a de couches ! Il y a donc un problème de gestion.
On lit encore: «- les barèmes actuels qui favorisent l'effet de seuil»... Cela peut être interprété différemment selon le côté duquel on se place, mais on pourrait comprendre que les barèmes n'incitent pas à retourner sur le marché du travail... Voilà ce que l'on pourrait comprendre en lisant cette motion. Finalement, les motionnaires sont en train de nous dire que nous avons un système social complexe, large, et qui bénéficie à pas mal de monde.
La commission des affaires sociales, cela a été dit, a travaillé sur les effets de seuil. Le département s'en est préoccupé, il a essayé de corriger le tir - dans la mesure où il n'est pas le seul interlocuteur, puisqu'on sait que des effets de seuil sont aussi engendrés par la législation fédérale, sur laquelle nous n'avons pas beaucoup d'influence. Nous avons voté un projet de loi comportant notamment des éléments à caractère incitatif: lorsqu'une personne perçoit un revenu supplémentaire d'un travail, elle ne perd pas l'intégralité des aides sociales dont elle bénéficiait.
Le problème quant aux invites est qu'il sera tout de même relativement difficile pour le Conseil d'Etat de remplir l'un des objectifs de la motion. Il est écrit qu'il doit «évaluer de manière détaillée les conséquences pour les populations visées par les aides financières», mais, le problème - voyez le premier considérant - est qu'il y a un nombre important d'aides financières de la part des cantons et des communes, et que les communes n'ont pas les mêmes barèmes. De surcroît, le canton ne sait pas à qui sont accordées les aides financières des communes, puisque certaines d'entre elles refusent de fournir des informations ! Pour ce seul motif, je crois qu'il y a impossibilité matérielle pour le Conseil d'Etat d'appliquer cette motion.
Sur le fond, le groupe UDC n'est pas du tout opposé à ce que l'on procède à une évaluation...
Le président. Il vous faudra terminer, Monsieur le député !
M. Gilbert Catelain. ...notamment une évaluation du RDU. En revanche, il n'est pas possible, pour les raisons que j'ai évoquées, ni d'adapter les barèmes - puisque le système n'est pas transparent - ni d'évaluer correctement les allocations versées dans ce canton. Voilà pourquoi je vous recommande de ne pas entrer en matière sur cette motion.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous en sommes à l'ordre du jour ordinaire, il s'agit donc d'aborder normalement les points qui y figurent.
S'agissant de cette motion du groupe socialiste et notamment de Mme Véronique Pürro, je relève tout d'abord qu'elle part d'une reconnaissance de la réalité, que je salue: en effet, déjà au deuxième paragraphe, ce texte nous rappelle que «le canton de Genève est celui qui offre la palette de prestations la plus complète» en matière sociale. Et à ceux qui, ici ou ailleurs, critiquent l'Etat social, voire son démantèlement - tout à l'heure, un député faisait allusion à un parti très en relation avec le troisième, voire le quatrième âge, c'est-à-dire un parti qui n'est pas encore représenté dans ce Grand Conseil et qui est subventionné par la Ville, je parle du parti AVIVO - à ceux qui, dans ce parti, dénoncent le démantèlement social à Genève, eh bien je dis non ! Lisez ce qu'écrit le groupe socialiste: vous verrez que l'Etat social est reconnu dans sa toute puissance et dans la largesse de ses prestations.
D'ailleurs, le deuxième considérant mentionne bien «le nombre important de personnes concernées par ces aides»; si l'on parle du nombre important de personnes concernées, on dit bien que nous sommes dans une société où l'on assiste beaucoup ! Et nous pourrions, les libéraux, peut-être considérer que l'on assiste, voire que l'on insiste, un peu trop.
Quant à la complexité du système et quant au développement de l'Etat social, c'est là que je trouve malgré tout une faiblesse dans la logique de la motion 1839. En effet, le groupe socialiste, ici, propose uniquement de s'occuper des effets de seuil, et non pas de lutter contre la complexité du système ou de proposer une réduction desdites aides pour cibler et soutenir ceux qui, véritablement, souffrent d'une situation de paupérisation. Malheureusement, ce n'est pas la voie choisie par le groupe socialiste, et on peut le regretter.
C'est la raison pour laquelle le groupe libéral s'engage à ne pas entrer en matière sur cette motion et à attendre les évolutions en cours grâce à l'introduction du RDU dans le développement de l'appareil de protection ciblée et raisonnable que le Conseil d'Etat, par la main de son parfait conseiller d'Etat aux affaires sociales, M. Longchamp, essaie de mettre en place. Voilà les raisons, Mesdames et Messieurs les députés, qui nous font dire non à cette motion et oui à la reconnaissance de cet Etat social qui bénéficie peut-être à trop de monde, ce qui est enfin admis par les mots des socialistes eux-mêmes.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je relève que certains groupes, chaque fois qu'ils prennent la parole, font des remarques concernant les heures de séances où l'on perd beaucoup de temps... Alors, réjouissez-vous de la séance supplémentaire de la semaine prochaine. Et vous allez adorer celle d'août ! La parole est à Mme Pürro.
Mme Véronique Pürro (S). On persiste et signe: le système genevois est effectivement complexe. Il a été fait... (Remarque de M. Pierre Weiss.) Je ne sais pas si M. Weiss...
Le président. Monsieur Weiss, s'il vous plaît. (Commentaires de M. Pierre Weiss.)
Mme Véronique Pürro. Je vais aller dans votre sens, Monsieur Weiss ! Effectivement, nous reconnaissons la complexité du dispositif des aides financières. Au fil des ans, nous avons ajouté des couches successives sans forcément les coordonner. Et je relève à l'attention de mes collègues Verts, en particulier de Mme Captyn - c'est vrai que c'est complexe - que nous avons adopté un projet de loi visant à lutter contre les effets de seuil dans deux domaines: l'assistance publique et l'assurance-maladie. Or il en reste près d'une vingtaine d'autres, et c'est bien ce que vise cette motion: faire le point sur ceux qui n'ont pas été concernés par le projet de loi que nous avons adopté. Cette motion n'est donc pas caduque. Le revenu déterminant unique, même s'il est complexe - j'en conviens, Madame Captyn - ne règle pas du tout la question des effets de seuil.
Je crois que cette motion reste tout à fait pertinente, elle n'a pas du tout pour objectif de lutter contre la complexité du système, mais uniquement de lister tous les effets de seuil existants et de proposer des mesures. Et comme vous l'avez vu dans l'exposé des motifs, il y a également le problème de l'absence de coordination entre les prestations sociales et le système fiscal qui entraîne aussi des effets de seuil considérables. Par cette motion, nous demandons donc au Conseil d'Etat de faire le point sur l'ensemble de ces effets négatifs, et pas uniquement sur ceux que nous venons de régler. Sinon, Madame Captyn, vous pouvez nous croire, nous aurions retiré cette motion.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Deneys, à qui il reste une minute.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais simplement préciser que, si les prestations sociales, les aides, sont nombreuses dans le canton de Genève, cela ne signifie pas pour autant qu'elles soient suffisantes. Autrement dit, il n'y a pas de corrélation entre le nombre de dispositifs et le montant éventuellement mis à disposition des personnes qui en auraient besoin. En tout cas, on ne pourrait pas préjuger par nos affirmations que nous pensons que ces aides sont suffisantes.
Pour revenir à l'essentiel, et je m'adresse en particulier aux radicaux et aux Verts, je suis assez surpris de leur attitude envers cette motion. En effet, un communiqué de presse du Service pour la promotion de l'égalité entre hommes et femmes datant du 5 mars explique très clairement, par exemple, que les femmes mariées qui souhaitent travailler à plus de 60% alors que leur conjoint travaille également perdent de l'argent, car cela coûte plus cher de travailler à plus de 60% si le conjoint travaille à 100%. Cette étude vient de paraître. Je m'étonne donc, alors que l'étude date de 2009, que les Verts et les radicaux estiment que le Conseil d'Etat a déjà répondu l'an passé à cette motion !
Je pense que les effets de seuil vont bien au-delà de ce que l'on avait imaginé au début; cela concerne aussi l'aide au logement et les crèches. Ne serait-ce que pour cette raison, je crois que la motion doit venir compléter les dispositifs qui visent à supprimer ces effets de seuil...
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. Je vous engage par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, à accorder un sort favorable à cette motion et à ne pas la rejeter par principe.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cela a été dit, nous avons eu un grand débat à la commission des affaires sociales sur les effets de seuil après que le Conseil d'Etat a mandaté, il y a deux ans de cela, un expert de la CSIAS pour analyser les effets de seuil genevois. Un volumineux rapport vous a été rendu. Il a été porté à la connaissance tous, il est d'ailleurs disponible sur internet. Il démontrait les changements qu'il fallait opérer dans la législation genevoise pour supprimer ces effets de seuil.
Sur la base de ce rapport - Mme Captyn, vous étiez d'ailleurs rapporteure - le Conseil d'Etat vous a proposé des lois, dont je me plais à souligner qu'elles ont toutes été adoptées à l'unanimité par votre parlement. La première de ces lois, qui concerne les subsides, est en vigueur depuis le 1er janvier 2009. Quant à la seconde, qui concerne l'aide sociale, elle a été votée également lors de votre séance du 13 novembre mais n'entrera en vigueur, pour les raisons qui vous avaient été expliquées à l'époque, que le 1er juillet 2009. Donc, les différents effets de seuil cantonaux sont aujourd'hui supprimés.
Les seuls effets de seuil qui subsistent sont liés à une législation sur laquelle nous ne pouvons rien. Il s'agit de la législation fédérale sur les prestations complémentaires, qui produit de puissants effets de seuil. En effet, comme vous le savez, ces derniers ascendent presque à un millier de francs par mois en moyenne. Or ces différents éléments-là, nous ne pouvons malheureusement pas les corriger, puisqu'ils résultent de l'application d'une législation fédérale. Comme vous l'avez, les uns et les autres, souligné, il m'est difficile de pouvoir répondre, au nom du Conseil d'Etat, plus favorablement à cette motion, puisque tout ce qu'elle prévoit et demande a déjà été non seulement présenté devant votre Grand Conseil, mais aussi adopté.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons d'abord nous prononcer sur la demande de renvoi de cet objet à la commission des affaires sociales.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1839 à la commission des affaires sociales est rejeté par 53 non contre 20 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 1839 est rejetée par 56 non contre 19 oui.
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que les points 63 et 74, relatifs aux personnes en situation de handicap, seront traités ensemble, ainsi que l'a demandé le Conseil d'Etat et comme l'ont accepté les chefs de groupes. Nous passons à présent au point 64.
Le président. La parole n'est pas demandée... (Quelques instants s'écoulent.) Nous allons donc nous prononcer sur cette motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 1848 est rejetée par 52 non contre 12 oui et 1 abstention.
Débat
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Par rapport à un financement équitable pour le prix de séjour en EMS, cette motion peut paraître saugrenue. Il n'empêche que le problème est à prendre au sérieux pour l'avenir et que cette motion, parce qu'elle a le mérite de soulever le problème du financement ultérieur des EMS, devrait être renvoyée à la commission des affaires sociales. Voilà ce que je vous propose. (Commentaires.)
Le président. J'ai pris bonne note de votre demande, Madame la députée. La parole est à M. Charbonnier.
M. Alain Charbonnier (S). On a eu un petit problème, je crois, avec le point précédent. J'étais en train de déposer un amendement au moment où vous avez demandé qui voulait prendre la parole... (Exclamations. Brouhaha.) Mais ce n'est pas grave ! De toute façon, on a l'habitude de votre «non»...
Le président. Je suis désolé, j'ai attendu un moment... Personne de votre groupe ne s'est annoncé.
M. Alain Charbonnier. De toute façon, c'était au sujet de l'initiative 125. Vous bafouez les droits populaires depuis un petit moment, on en a l'habitude, donc ce n'est pas grave ! (Brouhaha.)
En parlant des droits populaires, passons donc à cette motion du parti radical: elle ne propose rien d'autre - rien d'autre ! et il faut presque être assis pour lire ce texte ! - qu'une assurance-maladie destinée aux personnes âgées qui entreront en EMS et que seules ces dernières devraient payer à partir de 65 ans... Alors on croit rêver ! Et c'est parti pour les assurances, thème peut-être cher au conseiller fédéral qui en est chargé: M. Couchepin ! Bientôt, on aura une assurance-maladie pour les toxicomanes, une autre pour les personnes alcooliques et ainsi de suite... Où va-t-on ? On ne va plus s'arrêter !
Il est vraiment scandaleux de proposer une assurance de ce genre ! (Brouhaha.) Pour qu'une telle assurance fonctionne - il ne faut pas rêver ! - elle sera forcément obligatoire ! Ce n'est pas indiqué dans cette motion, mais, d'après les chiffres figurant dans l'exposé des motifs, la seule solution pour que cette assurance fonctionne sera d'être obligatoire ! Déjà du point de vue du droit... Je ne sais pas si l'assurance-maladie au niveau fédéral, la LAMal, autorise des incartades de ce genre, soit la création d'une assurance-maladie cantonale pour les personnes âgées.
On nous dit: «Ce ne sera pas si cher, seulement 66 F par mois - oui, par mois ! - pour les personnes âgées de plus de 65 ans»... Mais c'est totalement irréaliste ! Augmenter de 66 F par mois les charges des personnes âgées à partir de 65 ans ?! Et encore, je ne suis pas sûr que les différents calculs égrainés dans cette motion soient tout à fait justes - en effet, ils ne me paraissent pas toujours corrects. Je pense donc que, telle qu'elle est proposée, cette assurance est une injustice crasse à l'égard de nos aînés. On ferait mieux d'accepter les droits populaires votés par le peuple plutôt que d'instaurer des assurances de ce genre !
M. Michel Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il y a du changement dans les intervenants, alors je me permets de résumer quelque peu la situation. Nous sommes dans un contexte d'inégalités sociales, de coûts croissants de notre vieillesse et d'une socialisation de certains financements. Or notre conception du vivre ensemble intergénérationnel et, surtout, le vieillissement de nos populations appellent à relever différents défis de plus en plus aigus. Des prospectives s'ouvrent aussi dans le domaine de la santé, qui sont encore en friche et nécessitent des effets conjugués en fonction des évolutions et de l'épidémiologie, mais aussi, il ne faut pas l'oublier, des contraintes et des options budgétaires.
Cette motion a un intérêt, puisqu'elle présente certaines opportunités et anticipe les défis de demain, avant que nécessité, malheureusement, ne fasse loi. C'est dans cette prospective que cette motion se positionne, pour faire face aux défis auxquels sont confrontés des EMS, surtout leur subventionnement. Elle bâtit ce concept d'impôt gériatrique partiel et sociétal qui explore un scénario original avec des cheminements possibles pour relever des défis économiques sur ces vingt prochaines années, pour contrer certains risques de dérapages financiers et, surtout, pour essayer de réduire le risque d'accroissement de certaines inégalités.
Il est vrai que ce type de financement doit être analysé, même s'il se fait par un système d'assurance publique - peut être incontournable pour éviter de futurs rationnements, il faut aussi le dire, de même que des distorsions - et, aussi, pour faire en sorte que, face à l'augmentation de la dépendance, du handicap et des pathologies invalidantes, nous soyons en mesure de répondre à la demande.
Les auteurs de cette motion ont analysé une perspective qui va jusqu'à 2030, lorsque 40 000 d'entre nous serons dans le cap des 80 ans, dont environ 6000 résideront par obligation en EMS. Ce scénario, tout à fait plausible, suggère que les frais pour couvrir ces hospitalisations tripleront et que l'ensemble de ces dépenses sera de l'ordre d'environ 18 milliards - 18 milliards ! - sur le plan suisse. L'analyse tient également compte des inégalités de financement puisque certains, alors que d'autres n'ont rien, veulent capitaliser ou essayer de transmettre à leurs enfants un patrimoine sans qu'il soit trop confisqué par toutes sortes d'impositions. Et il serait bien sûr difficile de faire admettre aux personnes actives que ce sont uniquement elles qui seront, compte tenu également de certaines formes de précarité des jeunes qui ont déjà été exposées ce soir, en mesure de pallier les frais du vieillissement.
Cette hypothèse reste donc basée sur une assurance cantonale à partir de 65 ans, ciblant une population susceptible d'entrer en EMS. Cette forme de mutualisation mérite d'être analysée, tout comme d'autres scénarios, il est vrai, qui peuvent aller jusqu'à un concept de bouclier sanitaire pour le troisième et le quatrième âge, mais qui ont pour effet de contribuer à réduire un impact inégalitaire. C'est la raison pour laquelle le PDC se propose - et vous propose - de transférer cette motion à la commission des affaires sociales.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion est judicieuse et le groupe libéral la soutiendra pour deux raisons. Tout d'abord parce qu'elle pose un problème important: le coût des EMS dans notre canton. Les comparaisons intercantonales ont en effet montré qu'il était de près de 60% supérieur à la moyenne des autres cantons, pour différents motifs. L'un d'entre eux est le niveau des rémunérations octroyées aux collaborateurs desdits EMS. Là, il s'agit évidemment d'une responsabilité collective que nous devons assumer et dont nous aurons à rendre compte lorsque nous adopterons le projet de loi qui est actuellement déposé devant la commission des affaires sociales et pour lequel il y a, notamment sur cette question des coûts salariaux, des choix importants à faire.
La deuxième raison pour laquelle cette motion est importante, c'est parce qu'elle fait référence, avec le talent de son auteur principal, à l'un de nos fabulistes préférés, Jean de La Fontaine, en parlant de la cigale et de la fourmi... Je crois qu'un préopinant socialiste n'avait pas tout à fait en tête qu'il y a des problèmes d'équité à prendre en considération. En effet, celui qui a épargné toute sa vie se retrouve, à coups de 6000 F ou 9000 F par mois - c'est à peu près la fourchette qu'il faut estimer - rapidement dépourvu quand, non pas l'hiver, mais l'automne de sa vie fut venu... Il est donc nécessaire que soient prises des mesures permettant d'assumer aussi les responsabilités individuelles, pour faire face aux coûts croissants - ou, en tout cas, importants - d'un séjour en établissement médico-social.
Responsabilité collective, responsabilité individuelle, voilà deux raisons qui méritent que l'on renvoie, au nom des principes qui nous sont chers, cette motion à la commission des affaires sociales.
M. Patrick Saudan (R). D'abord, je tiens à présenter mes excuses à ce parlement, parce que j'aurais aimé pouvoir expliquer cette motion en premier. Malheureusement, j'étais en train de discuter avec un député, c'est impardonnable. Je vous présente mes excuses !
MM. Forni et Weiss ayant parfaitement résumé les tenants et aboutissants de cette motion, je reprendrai seulement sur certains points.
Monsieur Charbonnier, il ne faut pas caricaturer. Nous allons avoir une bombe démographique d'ici à 2030, avec l'augmentation du nombre de nos concitoyens dans le quatrième âge et le doublement des résidents en EMS; il va falloir y faire face au niveau du financement. Alors oui, l'Etat pourrait prendre en charge ce surcroît de financement, mais qu'est-ce que cela veut dire ? Cela signifie simplement un surcroît de fiscalité pour la classe active. Et je vous rappelle qu'en 2020 le nombre d'actifs par rapport aux retraités sera de trois pour un, alors qu'il est de cinq pour un à l'heure actuelle.
Oui, la solidarité intergénérationnelle, Monsieur Charbonnier, est un pilier fondamental de notre société, mais actuellement il faut bien se rendre compte que les poches de pauvreté se déplacent plutôt vers les classes les plus jeunes. Donc, il faut réfléchir à d'autres systèmes de financement. Il y a déjà vingt ans à peu près, le conseiller national radical Peter Tschopp avait, par le biais d'une initiative fédérale législative, proposé un système «AVS plus», dans lequel les soins concernant les maladies de longue durée chez les personnes âgées de plus de 75 ans étaient pris en charge par une assurance spéciale. Ce système, malheureusement, avait été refusé.
Nous, groupe radical, demandons simplement au Conseil d'Etat de réfléchir à un système de financement partiel - partiel, Monsieur Charbonnier ! - du prix de pension, par le biais d'une assurance pour les plus de 65 ans. Pourquoi par le biais d'une assurance ? Parce que cela mutualise le risque - il n'y a qu'une personne sur neuf qui entre en EMS; parce que cela créerait un financement spécifique pour ces besoins; parce que les primes resteraient relativement modestes.
Alors oui, il est vrai que les calculs que nous donnons dans l'exposé des motifs sont approximatifs ! C'est pour cette raison que nous n'avons pas proposé une loi, mais une motion. Parce qu'il faut modéliser ce système de financement en tenant compte des projections démographiques et de l'augmentation des primes du deuxième pilier, afin d'arriver à calculer des primes acceptables pour la société et pour les personnes de plus de 65 ans. Il faut aussi voir si cette assurance devrait devenir obligatoire. C'est donc un problème relativement complexe.
J'aimerais encore revenir sur le point qu'a souligné M. Weiss: un système d'assurance permettrait de répondre à une iniquité fondamentale. En effet, dans la classe moyenne, ceux qui ont un patrimoine constitué par l'épargne sont actuellement désavantagés par rapport à ceux qui l'ont dépensé leur vie durant et ils se retrouvent à devoir financer, par la vente de leur patrimoine, la partie du prix de pension qui n'est pas prise en charge par les premier et deuxième piliers - s'ils existent. Or ce système d'assurance permettrait d'aplanir cette iniquité.
Je crois que nous avons affaire à un gros problème de vieillissement et qu'il faut réfléchir à la meilleure manière de financer à l'avenir les soins des personnes du quatrième âge. C'est la raison pour laquelle le parti radical vous demande de considérer cette motion avec bienveillance et de la renvoyer à la commission des affaires sociales.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe radical a le mérite d'avoir soulevé un vrai problème de société qui doit nous interpeller aujourd'hui, même si l'on sait que sa portée devrait avoir des effets dans des dizaines d'années. Ce problème a été évoqué à la commission des affaires sociales lors du traitement du projet de loi du Conseil d'Etat sur les EMS, puisque nous savons que le troisième âge en EMS représente 420 millions de francs aujourd'hui à Genève, mais que la même prestation dans le reste de la Suisse se monte à 300 millions. Or cette enveloppe devrait croître de 50% d'ici à 2030 si rien n'est fait.
Le coût d'une place en EMS est de 120 000 F par année et par résident. Je rappelle que c'est tout de même moins qu'une place à 360 000 F dans la future prison Curabilis... Toutes proportions gardées, on ne va pas demander aux prisonniers... (Remarque.) De financer leur séjour à Curabilis ! On pourrait donc se poser cette question: pourquoi demander à une personne âgée qui a travaillé toute sa vie de financer son séjour de trois ans dans un EMS ?
La répartition du financement est la suivante: l'Etat, 60%; les assurances-maladie - donc nous - 20%; et les résidents, 20%. Oui, nous avons un problème au niveau du financement aujourd'hui déjà, et nous aurons un problème à l'avenir ! C'est pourquoi le Conseil d'Etat nous a présenté son projet de loi sur les EMS, pour tenter d'apporter une première réponse afin de garantir leur pérennité.
La question est de savoir quelle est la réponse définitive que nous devrons trouver à ce problème de financement. La première réponse passe par le resserrement des coûts d'exploitation par place d'EMS entre Genève et le reste de la Suisse. En effet, l'UDC ne pense pas que l'on pourra, indéfiniment, payer forcément 50% de plus que dans le reste de la Suisse pour une prestation similaire. La deuxième réponse est celle du groupe radical: créer une nouvelle assurance sociale - une nouvelle assurance sociale, alors que les précédentes ne sont pas garanties... Nous savons déjà que nous avons, à moyen terme, des difficultés avec l'AVS et qu'il faudrait consolider les assurances sociales existantes, plutôt que d'en instituer une nouvelle. La troisième réponse que l'on pourrait apporter serait de créer un quatrième pilier seniors...
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.
M. Gilbert Catelain. ...qui permettrait à chacun de financer, mais surtout - si la personne ne va pas en EMS, parce que l'on peut décéder avant d'entrer en EMS - de transmettre ce patrimoine à ses descendants. Et puis...
Le président. Vous avez dépassé votre temps, Monsieur le député.
M. Gilbert Catelain. Je termine, Monsieur le président.
Le président. Le règlement est le même pour tout le monde, Monsieur Catelain !
M. Gilbert Catelain. Sauf pour M. Stauffer ! La quatrième solution est que l'Etat continue le financement comme aujourd'hui, au détriment d'autres rubriques budgétaires.
Le groupe UDC est très partagé sur ce sujet et souhaiterait en discuter, c'est pourquoi il soutiendra le renvoi de cette motion à la commission des affaires sociales.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Schneider Hausser, à qui il reste une minute.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je vais tâcher de m'y tenir. Oui, le parti socialiste soutient et persiste dans l'entraide intergénérationnelle - il est vrai qu'elle a été l'un des piliers de notre sécurité sociale.
Je crois qu'une réflexion s'impose. Comme vous l'avez dit, il y a l'AVS, le deuxième pilier et les complémentaires cantonales; il faudrait aussi penser aux EMS, à propos desquels une loi est actuellement à l'étude. Il y a donc beaucoup à approfondir, même au-delà des EMS. Par ailleurs, si l'on individualise les risques de la vie, on en revient aux discours que l'on entend à propos de les gens se trouvant à l'Hospice: «S'ils n'arrivent pas, c'est leur faute»... C'est notre faute, si l'on devient vieux ?! Je crois que l'on ne peut pas résumer les choses ainsi en termes de risques.
Il serait important d'avoir une vision globale: il y a peut-être des solutions autres que les prises en charge en EMS ou de types différents que ceux que l'on connaît. Il s'agit surtout de raisonner en termes de collectivité. Certains groupes disent qu'il faut instaurer une assurance concernant la vieillesse, or, parallèlement, ils veulent diminuer les revenus de l'Etat alors qu'on aurait encore de quoi nous permettre de chercher des solutions... Mais on n'aura tout simplement plus les moyens de réfléchir, à part en termes individuels et de responsabilité personnelle ! Je crois donc qu'il y a actuellement un manque de cohérence. A moins que l'on veuille tout mettre sur le dos de l'individu.
M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG va soutenir cette motion. Dans les considérants de ce texte, nos chers collègues dépositaires expliquent bien que «la fortune du pensionnaire, ou celle de sa famille, sera en conséquence fortement mise à contribution.» C'est vrai, puisque les familles doivent contribuer pour subvenir aux différentiels dans les EMS.
Alors j'aimerais compléter ce que j'ai dit auparavant. Il faut savoir que des directeurs d'EMS se payaient quatre salaires plein temps ! Et que, pour certains EMS qui ont été construits, l'Etat a offert 10 millions ! Or aujourd'hui les amortissements sont calculés sur le prix global, y inclus le cadeau de 10 millions de l'Etat ! Donc, certains promoteurs immobiliers qui ont construit des EMS gagnent, sans rien faire, plus de 500 000 F par année ! Parce que c'est calculé sur les loyers. Et là, c'est vrai que M. le conseiller d'Etat François Longchamp - on va dire que je lui fais beaucoup de compliments ce soir, mais enfin, on reconnaît ceux qui travaillent ! - est en train de mettre bon ordre dans tout le fatras et toute la malhonnêteté que l'on constate aujourd'hui dans la gestion des EMS. C'est une réalité ! Il faut le savoir, les commissions existent ! Cela représente des centaines de milliers de francs par année qui sont détournés de l'aide, puisque l'Etat doit en fait financer le déficit des EMS.
Il faut savoir, Mesdames et Messieurs, que c'est votre argent, celui des contribuables, qui va continuer à engraisser ces gens malhonnêtes qui prennent des commissions et qui ont obtenu 50% de dons - je dis bien «de dons» ! - de l'Etat, puisque ce dernier finançait jusqu'à 10 millions pour la construction d'un EMS. Et ensuite, on se demandera, dans les milieux immobiliers défendus par certains partis de ce Grand Conseil, pourquoi on a tout à coup une «épidémie d'EMS»... Tout le monde voulait construire des EMS ! Evidemment, les gens... (Sifflement. Commentaires.) Ce sont les stores ! Je reprends: évidemment, les gens, gagnaient, sans rien faire, plus d'un demi-million par année avec les calculs d'amortissement sur l'immobilier. Demandez-vous alors où cet argent est allé !
Je pense que cette époque est aujourd'hui révolue. Pour ce type de gestion malhonnête, ces gens mériteraient d'être envoyés en prison, parce qu'ils ont bénéficié des deniers publics en les détournant ! Et nous étudierons, nous autres, au MCG, la possibilité de déposer une dénonciation, soit auprès du procureur général, soit à la Cour des comptes. En effet, lorsque qu'il y a des «rétrocommissions» - c'est le terme utilisé par M. le conseiller d'Etat François Longchamp - elles doivent figurer dans la comptabilité de l'EMS. Si tel n'est pas le cas, il faudra analyser...
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Je termine, Monsieur le président. Il faudra analyser au cas par cas la situation des directeurs des achats et celle des directeurs des EMS pour voir ce qu'ils ont touché... Voilà une réalité, et je le dis de manière claire: il faudra y mettre bon l'ordre. Nous soutiendrons votre motion.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le thème de cette motion sera probablement le sujet de société des prochaines générations. Nous assistons dans les pays occidentaux, en Suisse et à Genève en particulier, à un formidable vieillissement de la population. Je dis «formidable» parce qu'il résulte de toute une série de circonstances qui font que chacun d'entre nous a une espérance de vie sans commune mesure avec celle de nos concitoyens il y a un siècle ou même un demi-siècle auparavant. Cet élément va effectivement poser des problèmes de financement et de fonctionnement de la société, auxquels plusieurs pays sont déjà très clairement confrontés - je pense notamment au Japon et à certains pays d'Europe du Nord - et auxquels nous allons être confrontés très prochainement.
Cela va supposer, en particulier pour les EMS, mais pas seulement dans leur secteur, des réformes et des ajustements qui nous permettront de faire face à cette problématique. Nous avons commencé à régler un certain nombre de problèmes - qui sont en quelque sorte marginaux - de gestion des EMS. Monsieur le député Stauffer, je vous remercie des compliments que vous avez formulés à mon endroit, mais je crois qu'il ne faut pas tirer des traits trop généraux sur les EMS. Il y a des dysfonctionnements dans les EMS; le Conseil d'Etat les condamne et a proposé des mesures pour y remédier, mais, de grâce, ne mettons pas tous les EMS dans le même panier ! Il y a des EMS à Genève qui, sur le plan de la gestion comme sur celui de la qualité des soins, fonctionnent tout à fait correctement.
Le sujet de cette motion, c'est précisément la capacité que nous aurons, dans les années et les décennies à venir, de pouvoir financer tout ce réseau de soins pour personnes âgées, notamment les EMS, et faire face à cette problématique.
Je vous invite à suivre la proposition émise par certains d'entre vous de renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales, de manière que nous puissions, une fois que nous aurons réglé les problèmes de gestion des EMS, nous attaquer à cette problématique-là, qui sera essentielle et pour laquelle nous pourrons examiner les suggestions contenues dans cette motion sur les plans économique, fiscal et juridique.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1867 à la commission des affaires sociales est adopté par 52 oui contre 12 non.
Débat
Mme Ariane Reverdin (L), rapporteuse de majorité. Sur le plan des septante-trois mesures d'économie du Conseil d'Etat, la quarante-neuvième touche directement le secteur des EMS. Cette mesure introduit en effet une subvention bloquée sur quatre ans. Or la présente pétition a été déposée au moment où le Conseil d'Etat a bloqué cette subvention. Elle est en réalité très orientée vers la défense des intérêts du personnel, vu la diminution des moyens à disposition. Ainsi, les pétitionnaires demandent un outil d'évaluation des besoins. Il s'agit de l'outil PLAISIR, qui permet de calculer la dotation en personnel. En effet, les pétitionnaires se soucient de l'augmentation de la charge de travail, de la diminution des postes et du risque de licenciement, les économies sur le dos du personnel ayant nécessairement un coût en termes de prestations.
Les pétitionnaires demandent un outil d'évaluation des besoins alors que le Conseil d'Etat demande un outil d'évaluation de la qualité. En réalité, la commission ne croit pas au bien-fondé des pétitionnaires, qui prétextent la bonne prise en charge des personnes, alors que le seul objectif de cette pétition est purement syndical, à savoir préserver le statut du personnel médical. Je ne souhaite pas entrer plus en détail dans les considérations techniques relatives à cette pétition, mais je vous demande de suivre la voix de la majorité, à savoir de déposer cette pétition sur le bureau de Grand Conseil.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. D'abord, je noterai que ce rapport est étonnant, car, à aucun endroit, il ne nous donne la position des pétitionnaires... J'ai beau tourner les pages, je n'en trouve pas trace ! Rien que pour cette raison, je demanderai le renvoi de cette pétition en commission. En effet, un nouveau rapport comportant la position des pétitionnaires doit être rédigé: les pétitionnaires ont été entendus par la commission de la santé bien avant que l'on vote au sein de la commission, il est vrai, cependant, Mme Reverdin n'a pas mentionné leur audition. Je trouve cela très regrettable, et même anormal en termes d'équité.
Que demande cette pétition ? Je vous rappelle qu'elle a été déposée quelques mois avant qu'ait lieu le vote de l'initiative 125, dont il n'y a pratiquement pas trace non plus dans ce rapport. Cette initiative demande en fait exactement la même chose que la pétition. Madame Reverdin, je vous pose cette question: le peuple a-t-il voté une position syndicale lorsqu'il a accepté l'initiative 125 ?! Pas du tout ! Il a voté sur le titre de l'initiative, qui était «Pour une meilleur prise en charge des personnes âgées en EMS». Et cette pétition va exactement dans le même sens !
En 2006, le Conseil d'Etat a décidé unilatéralement - évidemment, à ce moment-là - de bloquer la subvention 2006 jusqu'en 2009, c'est-à-dire quatre années, sur la base de la subvention 2005 - moins 8% - de façon à «coller» aussi aux demandes d'économies au niveau administratif dans les EMS. Les EMS ont été les premiers bons élèves du système, finalement, puisqu'ils ont accédé à ce voeu du gouvernement; ils ont réduit leurs charges de 8% en 2006 et ont «collé» à cette subvention, calquée - elle reste donc la même - sur quatre ans.
Le problème est que la loi encore en vigueur sur les EMS, la LEMS, stipule que la subvention est donnée en fonction de l'encadrement médico-social dont ont besoin les résidents. Manifestement, un blocage de subventions sur la question des EMS n'est pas légal; d'ailleurs, le Tribunal administratif, suite à un recours de l'EMS des Charmettes contre le blocage de la subvention, a donné raison à l'EMS. On n'a toujours pas la réponse du gouvernement, on la connaîtra peut-être lors des débats sur la nouvelle loi concernant les EMS, mais pour l'instant, très clairement, la façon de bloquer cette subvention sur quatre ans est illégale d'après le Tribunal administratif.
Que demande la pétition ? Le retour à l'utilisation de l'outil PLAISIR qui calcule la dotation en personnel au niveau des soins. Cet outil est d'ailleurs toujours employé, puisque les assurances se calquent dessus dans les EMS pour fixer leurs tarifs... Doit-on alors penser que ce que font les assurances en employant cet outil, eh bien, le gouvernement, à Genève, n'en serait pas capable ?! Je rappelle pourtant que cet outil est en place, qu'il est employé, et qu'il ne coûte pas grand-chose au gouvernement pour fixer les subventions des EMS.
En commission, on a reçu des statistiques et des tableaux très bien conçus qui nous montrent clairement, à partir de 1987, l'évolution de la population dans les EMS. Au début, il y avait beaucoup de cas dans les classes PLAISIR numéro 1, c'est-à-dire les gens les plus autonomes. Actuellement, il y a un décalage total en direction de la classe la plus élevé, la classe 8. La classe 1 est abandonnée, maintenant la classe 2 l'est aussi, et il semblerait que la classe 3 le soit largement aujourd'hui parce que les cas sont de plus en plus lourds en EMS.
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.
M. Alain Charbonnier. Oui, Monsieur le président, je vais terminer. Par conséquent, le taux d'encadrement a aujourd'hui fortement diminué en regard des cas qui sont en EMS. Très peu de monde dans ce parlement semble vouloir s'en rendre compte: une grande majorité de ce parlement va contre la volonté populaire, qui a été de redonner les moyens en EMS suite à la votation de l'initiative 125 en 2007. Mais cela continue...
Le président. S'il vous plaît, Monsieur le député !
M. Alain Charbonnier. Mme Reverdin nous parle seulement d'une simple pétition syndicale... Pas du tout ! Il s'agit de préserver la meilleure prise en charge possible des personnes âgées en EMS.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Peuvent prendre la parole les rapporteurs... (Commentaires. Le président est interpellé.) Ce n'est pas du tout la même chose qu'une pétition, Monsieur ! Nous avons avec les pétitions la même règle qu'avec les projets de lois. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi et allons procéder au vote, si personne ne veut prendre la parole. Je pense que c'est à la commission de la santé que vous voulez... (Remarque de M. Alain Charbonnier.) Vous pouvez parler, bien sûr ! Je rappelle que les deux rapporteurs peuvent prendre la parole, ainsi que le conseiller d'Etat.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. J'aurais souhaité un renvoi à la commission de la santé, puisque ce rapport en vient. Malheureusement, les conseillers d'Etat jouent au ping-pong avec les EMS et aujourd'hui ces derniers se trouvent chez M. Longchamp qui s'occupe uniquement de la gestion; je ne sais pas ce que l'on va faire, car le domaine médical ne relève pas de ses prérogatives. C'est pourquoi je serais plutôt en faveur d'un renvoi à la commission de la santé - or je pense que la majorité de cet auditoire va renvoyer cette pétition aux affaires sociales... On pourra alors auditionner les pétitionnaires, de façon qu'il y ait une trace dans ce rapport qui, je le rappelle, a été bâclé.
Mme Ariane Reverdin (L), rapporteuse de majorité. On m'attaque, je dois tout de même me défendre. Le rapport est ce qu'il est, néanmoins je trouve que nous avons déjà passé de nombreuses heures sur cette pétition: nous avons auditionné les pétitionnaires, nous avons examiné cet objet de fond en comble, alors je ne vois pas pourquoi y consacrer encore plus de temps. Il y a d'autres sujets qui me semblent d'une plus grande importance.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la pétition 1600 à la commission de la santé est rejeté par 36 non contre 33 oui.
Le président. Nous poursuivons donc notre discussion. La parole est à M. Forni.
M. Michel Forni (PDC). Cette pétition offre une passerelle, il faut le dire, entre aider, les revendications sociales et économiques... (Brouhaha.) ...allant de l'indexation des salaires aux charges professionnelles. Elle franchit le grand fossé du secteur d'activité en développement constant qui est celui de la vieillesse, pour rejoindre des revendications professionnelles, il est vrai, avec notamment l'outil d'évaluation et les garanties du niveau de prestations. Comme cela a été dit, elle a un degré de parenté qui se rapproche de l'initiative 125, qui elle-même demandait une meilleure prise en charge des personnes âgées en EMS.
Cette pétition a été analysée en avril 2008 par la commission de la santé dans un temps où la conjoncture et le climat social étaient moins défavorables qu'aujourd'hui. Elle est une sorte d'«exfiltration» et traduit un terrain peu miné où chaque courant campe, au moyen d'auditions, sur ses positions, en voulant noyer l'influence des uns et, à l'opposé, rassurer ses alliés. Les professionnels de la santé, cependant, sont divisés. Et l'on est en droit d'afficher un certain scepticisme face à cette pétition, les uns par rapport aux exigences de ces collaborateurs du système de santé, les autres face à des revendications jugées à droite comme parfois dispendieuses et sans vision et à gauche comme n'étant pas assez audacieuses ni ambitieuses.
Cette pétition a des accents d'un pseudo-plan de sauvetage de l'outil PLAISIR et traduit aussi une inquiétude face à des méthodes d'administration de certaines institutions de type EMS - où la politique et l'argent peuvent entretenir des relations parfois ambiguës - et surtout face à des pesanteurs du système de la santé conçues parfois pour brider des initiatives, ralentir des changements et équilibrer des pouvoirs jusqu'à une forme de paralysie incomplète, pour ensuite favoriser une réforme.
La contradiction reste cependant inévitable et la rhétorique, vertueuse des uns et volontariste des autres, ne peut que se heurter à un pragmatisme des gestionnaires politiques. Comme cela a été dit, il y a analyse des relations de travail. Celle-ci se fait par la loi sur les établissements médico-sociaux qui accueillent les personnes âgées: il y a des problèmes concernant la trésorerie, les subventions d'exploitation et cet outil PLAISIR. De plus, il y a aussi un Etat qui a pour rôle de planifier et de rationaliser l'offre des soins avec une forme de dirigisme - il est vrai - sanitaire, mais qui continue à s'occuper, comme le disaient certains journalistes, de tout et de tous, sauf des soins et des malades.
Cependant, la firme budgétaire ne peut être le seul instrument des réformes et l'établissement para-hospitalier doit être ressenti également comme une entreprise, et plus encore comme une institution qui tient compte de certaines logiques, notamment en gériatrie. C'est la raison pour laquelle, dans une crise économique qui se développe et qui balance parfois entre l'apocalypse et le funéraire, on serait plutôt en droit de se demander, puisqu'il n'y aucune dépression salariale dans ce contexte et que l'encadrement doit être optimisé par des preuves de formation, si l'on ne veut pas trop, en ces temps de crises, le beurre, l'argent du beurre et la «fille de la fermière» pour justifier, il faut le rappeler, le sort de notre population, qui se joue parfois sur des impressions populaires, mais aussi au prix d'une surveillance pour un Etat endetté tel que celui de Genève, qui se doit de garder la tête froide et de bien faire la part des choses quant aux subsides accordés dans les différentes formes de la médecine, fût-elle gériatrique ou infantile.
Voilà les raisons pour lesquelles, après de longues discussions, la proposition du PDC que je vous ferai ce soir est de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Nathalie Fontanet (L). Mesdames et Messieurs les députés, ce rapport de minorité est un rapport électoraliste et syndicaliste. Electoraliste, pourquoi ? Parce que cette pétition a été déposée en 2006; que, depuis lors, de nombreux événements sont survenus; que, pendant l'étude de cette pétition, le département a répondu à l'ensemble des questions qu'elle posait; que ni la gauche ni le rapporteur n'a demandé d'autres auditions ou posé d'autres questions; que les réponses ont été obtenues et que, dans ce contexte, il convient de suivre le rapport de majorité et de renvoyer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'être d'un avis tout à fait opposé à celui de Mme Fontanet et de la rapporteure... (Exclamations.) Cela vous étonnera ! (Commentaires.) Si chaque fois que l'on fait un rapport de minorité, on est taxé d'électoraliste, je crois que l'on peut rendre la pareille. Certains sont très forts pour proposer des projets de lois inutiles et des motions à n'en plus finir. Donc, adressez-vous plutôt à vos partenaires de l'Entente !
Les demandes de la pétition sont, à notre avis, encore totalement d'actualité et tout à fait fondées. Cela a été dit, mais il faut apparemment le répéter: l'initiative 125 a tout de même été acceptée par 60% des citoyennes et citoyens genevois et, à l'époque, le Conseil d'Etat avait prétendu que cette initiative coûterait 60 millions, tout cela pour dissuader la population genevoise de l'accepter. Or cette initiative a été acceptée, et finalement - changement de discours - l'initiative ne coûte pas si cher... Et l'on a dû faire des pieds et des mains, plus exactement les comités d'initiative ont dû faire du lobbying afin d'obtenir cinq petits millions pour le budget 2008. C'est dire si le Conseil d'Etat foule aux pieds les droits des citoyens et des citoyennes, puisque cette initiative a été votée mais n'est toujours pas mise en oeuvre correctement. D'ailleurs, si cette initiative était vraiment appliquée, les EMS n'auraient pas de problème à faire face à l'augmentation des charges.
Je vous rappelle également que, selon la LEMS - et cela a également été mentionné dans l'excellent rapport de minorité - la subvention doit tenir compte de l'intensité et de l'encadrement médico-social. Or le plan de mesures d'économie numéro 49 prévu par le Conseil d'Etat foule aux pieds, aussi, cette loi ! Voilà le deuxième problème.
Enfin, un EMS a déposé un recours contre cette situation... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et le Tribunal administratif a statué en faveur de cet EMS. Et là encore, le Conseil d'Etat persiste et signe.
Alors vous comprendrez, Mesdames et Messieurs les députés, que nous continuons à soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat: il ne s'agit absolument pas d'une pétition syndicaliste ou électoraliste, il en va de la qualité de l'accueil et des soins dispensés à nos aînés en EMS ! Par conséquent, je vous demande de suivre les recommandations du rapport de minorité. (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). La commission de la santé a considéré que la situation avait passablement changé depuis le dépôt de cette pétition et son traitement; elle a surtout constaté que les prévisions des auteurs de ce texte ne se sont pas réalisées. Apparemment, il n'y a pas eu d'augmentation de la charge de travail, de diminution du nombre de postes, de déqualifications, de licenciements, de développement du bénévolat, ni d'accentuation de la privatisation des secteurs hors soins - en tout cas pas plus entre 2008 et 2006; en commission de la santé, lors du traitement du projet de loi sur les EMS, le département ne nous a rien signalé à ce propos, le département de l'action sociale non plus. Et il n'y a pas forcément eu de pressions sur les horaires, puisque cet élément n'est pas, non plus, apparu lors de l'examen du PL.
Par contre, on sait qu'en comparaison suisse l'encadrement à Genève est supérieur de 25%, puisque nous avons un employé pour un résident - alors qu'en Suisse le ratio est de 0,8 employé pour un résident - et que la rémunération telle qu'elle a été calculée par le département de l'action sociale est de 15% à 30% supérieure à celle du reste de la Suisse - qui a une moyenne, sauf erreur, de 25% à 28%. Donc, Genève se distingue des autres cantons suisses par un meilleur taux d'encadrement et une meilleure rémunération.
Que nous a dit le département en commission, concernant les mesures prises par le Conseil d'Etat depuis le dépôt de la pétition, le 16 novembre 2006 ? Je cite, c'est à la page 10 du rapport: «Le Grand Conseil a accordé, le 14.12.2007, une enveloppe complémentaire de 5 millions de francs pour les EMS.» Nous avons également voté une enveloppe complémentaire dans le budget 2009, ce qui remplit intégralement la première invite des pétitionnaires. Sur ce plan, l'affaire peut être considérée comme réglée.
Concernant la charge de travail, que nous dit le département de l'économie et de la santé ? Voici: «La charge en soins est [...] restée très stable depuis 2006.» En effet: «Entre octobre 2006 et octobre 2007, aucun changement important n'est intervenu dans les structures des EMS des 4 cantons romands utilisateurs de cette méthode» - c'est-à-dire l'outil PLAISIR. Et je termine: «Une légère diminution du temps de soins a même été constatée dans le canton de Genève.»
Concernant la qualité des soins, un exposé a été présenté sur le nombre d'escarres qui ont été constatées dans les EMS romands et genevois et l'on a relevé que le seul canton où cette anomalie a baissé était Genève. C'est donc une bonne nouvelle, la qualité des soins y est encore meilleure que par le passé.
En ce qui concerne la charge de travail et le taux d'encadrement, on s'aperçoit que l'attribution par poste, la dotation requise, était d'environ 83,5% par rapport aux normes de l'outil PLAISIR.
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.
M. Gilbert Catelain. Je vais bientôt terminer. Mais surtout, on a constaté que l'absentéisme était très important dans les EMS: 24% en considérant les congés de maternité; 12% sans les prendre en compte. C'est extrêmement élevé et c'est là que se trouve la marge de manoeuvre. Un groupe de travail a été mandaté au niveau romand pour harmoniser le calcul de l'absentéisme et dans le contrat de prestations 2009 le département a fixé un objectif à 4,5%.
Le président. Il faut terminer, Monsieur le député !
M. Gilbert Catelain. On peut donc considérer que les invites des pétitionnaires ne sont pas justifiées et qu'il convient, comme le propose la majorité, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). J'ai la lourde tâche de prendre la parole en dernier alors que tout le monde à faim, je sais... Cependant, on parle ici de dotation en personnel, de qualité de prestations et de soins aux personnes âgées. Effectivement, Genève a un taux élevé d'encadrement: heureusement ! J'en suis fière. Et j'espère que les habitants de Genève sont fiers de l'existence de ces encadrements. L'outil PLAISIR existe: heureusement ! C'est celui qui est utilisé dans la plupart des cantons romands.
S'il y a plus de personnel dans les EMS de Genève, c'est simplement parce que les patients qui peuvent entrer dans ces établissements sont beaucoup plus dépendants que dans les autres cantons ! Il faut seulement le savoir, c'est une simple question mathématique... Nous avons effectivement davantage de personnel, mais c'est parce que les patients ou les clients des EMS sont des personnes dépendantes ayant besoin de soins. Si le personnel des EMS est qualifié et motivé, s'il reçoit un salaire correct, le travail sera bien fait; si le personnel n'a pas le temps d'accomplir ses tâches, s'il est suroccupé et, en plus, mal payé, cela n'ira pas ! Cette pétition demande donc que le système existant actuellement perdure et ne soit pas péjoré.
Il me semble important d'avoir une réponse du Conseil d'Etat par rapport à ce qui se fait maintenant et par rapport à la nouvelle loi qui est en discussion en commission des affaires sociales. C'est pourquoi je vous propose de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, afin que nous ayons une réponse circonstanciée de la situation actuelle dans les EMS.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Seulement deux mots pour expliquer le plus vite et le plus simplement possible ce qu'est PLAISIR: c'est un outil qui permet de calculer le taux moyen de soins requis - c'est-à-dire pas le grand luxe, pas le cinq étoiles, comme certains voudraient le faire passer ici... A Genève, dans les EMS, ce n'est pas le cas. De plus, on n'a pas utilisé continuellement les 100% de l'outil PLAISIR, mais environ 85%-86%. Le taux était descendu à 83,5% au moment où le dernier calcul est parvenu au département de l'économie et de la santé et lors du dépôt de la pétition. Depuis, ce taux a forcément diminué. De quelle ampleur ? On ne le sait pas, puisque le département ne s'intéresse plus à cet outil. Mais ce taux a fortement diminué pour une raison bien simple - et les statistiques qui nous ont été présentées le montrent très bien, Monsieur Catelain: la moyenne d'âge continue d'augmenter ! Par conséquent, la perte de mobilité des personnes âgées et la demande de soins ont aussi fortement progressé. Ainsi, le travail a augmenté, mais avec le même encadrement qu'en 2005, je vous le rappelle. Nous sommes en 2009, cela fait donc plus de quatre ans... Comme je le disais, la charge de travail a augmenté, et des licenciements, oui, Monsieur Catelain, il y en a déjà eu dans les EMS, sans attendre que la situation économique devienne catastrophique !
Concernant les comparaisons intercantonales - Mme Schneider-Bidaux l'a dit, de même que M. Longchamp lors des travaux de commission - il ne sert à rien de comparer des pommes et des poires ! D'après un exemple donné par M. le conseiller d'Etat, une résidence pour personnes âgées sise dans le Haut-Valais n'a rien à voir avec un EMS médicalisé - je dirai: «presque à outrance» - chez nous, car la population qui y réside n'est pas du tout la même. Alors, procéder à de pareilles comparaisons est inutile et même insultant pour les personnes travaillant et résidant à Genève !
Concernant les 5 millions, je vous rappelle quand même qu'il a fallu arracher cette somme supplémentaire pour l'enveloppe de la subvention EMS. Elle a été allouée en 2008, puis reconduite en 2009 - évidemment, elle était intégrée au budget - mais rien de plus n'a été accordé. Nous sommes donc très loin des 60 millions promis par M. Unger lors du débat sur l'initiative 125. Je vous rappelle que c'est ce qui figure dans la brochure de votation de cette dernière, et ces 60 millions constituent l'argument du Conseil d'Etat pour rejeter cette initiative.
Ainsi, cette pétition a tout à fait lieu d'être: elle est encore plus actuelle aujourd'hui, puisque la situation relative à la subvention est bloquée depuis 2005 ! Cette pétition a toute sa valeur maintenant et accompagne l'initiative 125, et on peut traiter les deux objets ensemble. Il faut absolument davantage de ressources pour les EMS, même si l'on nous annonce encore d'énormes économies à effectuer dans ce domaine au cours des prochaines années avec la nouvelle loi proposée par M. Longchamp. D'ailleurs, elle n'est pas encore adoptée, on n'a même pas voté l'entrée en matière.
Je terminerai tout de même par dire ceci: les responsables de la gestion des EMS ne sont, et de loin, pas tous des «sauvages», comme on a pu l'entendre de la bouche de M. Stauffer. Tout à l'heure, M. Longchamp a dit qu'il ne fallait pas mettre tous les EMS dans le même panier. Mais non seulement cela, car ce sont même les EMS dans leur écrasante majorité qui ne sont pas gérés par des sauvages... Il y a quelques moutons noirs, comme partout ! Comme il y en a aussi, selon certains rapports de l'ICF, dans d'autres institutions que l'on compare souvent avec les EMS.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission de la santé (dépôt de la pétition 1600 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 54 oui contre 30 non.
Le président. Je vous demande encore quelques secondes d'attention. A 20h45, nous reprendrons nos travaux en traitant de la dernière urgence de l'ordre du jour. Il s'agit du point 157: proposition de résolution 578 visant à soutenir les médecins de premier recours dans leurs efforts de maintien d'une activité médicale de qualité et de proximité.
Je lève la séance. Bon appétit !
La séance est levée à 19h10.