Séance du
jeudi 19 février 2009 à
20h30
56e
législature -
4e
année -
5e
session -
23e
séance
PL 10178-A
Premier débat
M. Frédéric Hohl (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais tout d'abord adresser mes remerciements aux commissaires, à l'administration et aux personnes auditionnées, qui ont tous contribué à la qualité des débats que nous avons eus durant les huit séances de commission.
Je commence par un petit historique. Suite aux Assises de la sécurité tenues en février 2007 est ressortie notamment la nécessité de modifier la loi sur les ASM. Ainsi, le Conseil d'Etat a ouvert une large procédure de consultation sur les ASM avec, entre autres, l'Association des communes genevoises, le Pouvoir judiciaire, les partis politiques, l'Association des ASM, les syndicats et le personnel de la Ville.
De quoi s'agit-il ? Mesdames et Messieurs, ce projet a principalement pour but de modifier, de clarifier, de renforcer et surtout de valoriser les missions des ASM, d'aménager un cadre pour une collaboration avec la police cantonale et de coordonner sur le terrain l'activité des ASM tout en préservant bien évidemment le pouvoir des communes.
En commission, nos débats ont surtout porté sur huit points: la priorité des missions, l'exécution des mandats de conduite en matière de poursuites et faillites, la répartition des produits des amendes d'ordre entre les communes et l'Etat, les mesures d'éloignement orales, le changement de nom d'«agent de sécurité municipal» en «agent de la police municipale», l'adéquation des moyens de défense, la possibilité de faire appel, avec l'accord de l'Etat, à des sociétés de surveillance privées, notamment pour des missions temporaires liées au contrôle de stationnement et, enfin, le port d'un numéro de matricule.
J'aimerais insister sur les quatre sujets principaux dont nous avons un peu plus longuement débattu. Le premier concerne les mandats de conduite, que vous retrouvez à la page 20, dans l'article 5 «Missions». Il s'agit d'un problème d'inégalité entre les communes qui disposent d'agents et celles qui n'en disposent pas. Nous l'avons senti, le travail demandé par l'exécution des mandats de conduite constitue une préoccupation importante pour les communes. Je vous rappelle que seules dix-sept communes sur quarante-cinq disposent d'ASM. Le département des institutions nous a donné des explications et quelques pistes. La plupart des personnes visées par les mandats de conduite sont simplement négligentes. En réalité, la police téléphone à la personne concernée, et ne doit que rarement se rendre à son domicile. Il n'y a donc pratiquement pas de problème de sécurité; c'est davantage un travail de logistique et donc, bien évidemment, dans les grandes communes, il y a plus de travail. Pour limiter les mandats de conduite, on a également abordé en commission la possibilité d'éventuelles publications des personnes concernées. Au final, sur la question des mandats de conduite, la commission a largement accepté l'amendement par 11 oui contre 1 non et 1 abstention.
Le deuxième point concerne la répartition du produit des amendes d'ordre dont il est question à l'article 17, page 33. A partir de 5 millions, la répartition est différente: 25% pour les communes, 75% pour l'Etat. Je dois vous dire que, aujourd'hui, cet article n'est plus réellement d'actualité. Le département des institutions a écrit et a informé la Ville de Genève, qui est tout compte fait la seule commune à être touchée par cette mesure, en raison de ce seuil de 5 millions. Et le département des institutions a indiqué que, à partir de la fin de cette année, c'est la Fondation des parkings qui se chargerait de cette mission. Sur cette question, je vous rappelle qu'il y a eu 9 oui contre 2 non et 3 abstentions, comme vous pouvez le lire dans le rapport à la page 33.
Le troisième point est relatif aux mesures d'éloignement, on en a parlé tout à l'heure. Je vous rappelle - mais vous l'avez lu également - que ce sont des mesures d'éloignement uniquement orales. Je vous donne un exemple: si un ASM se trouve dans un parc à l'heure de la fermeture, il a la possibilité de dire: «Monsieur, le parc va fermer; je vous invite à sortir.» Voilà ce que nous appelons une mesure orale, sans obligation d'appeler la police pour cette opération. Ces mesures d'éloignement ont été acceptées par 7 oui contre 5 non et 1 abstention.
Je terminerai, Mesdames et Messieurs, par le changement de l'appellation «agents de sécurité municipaux» - ASM - en «agents de la police municipale». Cela figure en page 17 du rapport. Il faut savoir qu'il s'agit d'une demande claire des ASM, pour une véritable reconnaissance de leur travail. Ce n'est pas spécialement une demande des communes, nos auditions l'ont fait clairement ressortir. Je dois dire que, notamment en Ville de Genève, pour la population étrangère, les touristes et les visiteurs qui ne parlent pas forcément français, «ASM» est un peu confus; cette appellation n'est pas extrêmement transparente. En revanche, le terme de «police», lorsqu'il est bien utilisé, est plus clair: les personnes qui portent un uniforme évoquent pour tous la sécurité. C'est une simplification que nous avons trouvée nécessaire, en tout cas la majorité de la commission. Nous avons bien évidemment travaillé avec la police cantonale pour éviter toute confusion avec le terme de «policier», qui doit être utilisé de manière bien spécifique. Pour ce vote, il y a eu 7 oui, 6 non et 1 abstention.
Je m'arrêterai là et me permettrai de revenir en cours de débat. Je vous rappelle seulement que le vote d'ensemble de ce projet de loi fut le suivant: 9 oui contre 2 non et 3 abstentions. Et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à faire comme la majorité, c'est-à-dire à accepter ce projet de loi.
Mme Véronique Pürro (S), rapporteuse de minorité. Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, est très important. Comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, M. Hohl, il vise à clarifier les missions des agents de sécurité municipaux, à valoriser le travail important que ces collaborateurs fournissent dans les communes qui les emploient et à ménager la collaboration avec la police cantonale. C'est un projet issu d'une vaste procédure de concertation, où tous les acteurs - et ils sont nombreux dans le domaine - ont pu dire ce qu'ils souhaitaient et être associés au projet. Le résultat, le projet que nous a présenté le Conseil d'Etat, est donc le fruit de ce dialogue entre - une fois encore - tous les acteurs concernés, à savoir bien sûr les agents municipaux, mais aussi les organisations qui les représentent, la police, les communes - celles qui ont des agents et celles qui n'en ont pas - l'Etat et tous les autres acteurs du dispositif.
Pourquoi donc avoir déposé un rapport de minorité alors que, comme l'a rappelé M. Hohl, nous avons - en tout cas les socialistes - accepté certains changements introduits dans le courant de la discussion et des travaux de la commission judiciaire ? J'ai déposé un rapport de minorité parce que, à la fin des travaux, comme nous avions passablement modifié le projet de départ, il nous paraissait important et nécessaire d'entendre à nouveau en tout cas l'un des acteurs - le principal pour nous - c'est-à-dire l'ACG, l'Association des communes genevoises, pour qu'elle nous dise ce qu'elle pensait des modifications que nous avions apportées en cours de route. Nous souhaitions également - et cela nous paraissait aussi une évidence - entendre à nouveau le chef du département, pour qu'il nous indique à son tour ce qu'il pensait des différents amendements et modifications apportés durant les travaux de la commission.
Malheureusement, la majorité de cette commission ne nous a pas écoutés et a souhaité adopter au pas de charge ce projet de loi. C'est donc pour manifester notre désaccord avec cette méthode que nous avons déposé ce rapport de minorité et refusé le projet. Et ce soir, Mesdames et Messieurs les députés, je suis très contente d'avoir refusé ce projet de loi parce que, comme vous allez le voir dans le cadre du débat qui va suivre, nous allons discuter et probablement accepter certains amendements. Par conséquent, au final, nous tiendrons compte de tout ce qui aura pu être dit par ces acteurs que vous n'avez pas souhaité entendre en commission.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG est furieux - je le dirai de cette manière - du manque d'honnêteté de la commission qui a traité ce projet de loi. En effet, le rapport sur le projet de loi du Conseil d'Etat a été déposé le 26 décembre 2008, or le Mouvement Citoyens Genevois avait déposé le 6 janvier 2006 le projet de loi 9756, dont une grande partie figure dans le projet du Conseil d'Etat rédigé deux ans plus tard. (Brouhaha.) Le commissaire représentant le MCG au sein de cette commission a réitéré à de nombreuses reprises sa demande de traiter ces projets de lois ensemble - vu que le MCG avait déposé un projet de loi en partie similaire non pas un mois, mais deux ans auparavant ! - mais elle a été refusée ! Car figurez-vous que ce parlement fonctionne ainsi: lorsqu'un parti a une bonne idée - surtout s'il s'appelle le Mouvement Citoyens Genevois - on congèle ses projets de lois en commission en les laissant sous la pile. Systématiquement, tous les projets qui viennent par la suite sont traités, mais ceux du MCG restent sous la pile. Ce qui veut dire que, lorsque ce projet de loi arrivera en plénière - pas avant deux ou trois législatures, je pense, peut-être en 2018... (Remarque.) ...ou 2019, très bien, vous voyez, je n'étais pas loin ! - on dira alors: «Mais ce projet de loi n'a plus d'essence, puisque tout a déjà été réglé il y a des années...» Ces procédés, Mesdames et Messieurs les députés, sont malhonnêtes.
Laissez-moi vous dire que, dans le projet de loi du MCG datant de 2006, nous avions par exemple imaginé une petite révolution dans le traitement financier des amendes d'ordre - vous savez, celles qui sont très chères aux citoyens et à tous ces gens qui, en se parquant cinq minutes pour aller chercher une baguette de pain ou un paquet de cigarettes, trouvent à leur retour une amende de 120 F sur le pare-brise, ainsi que les remerciements de celui qui l'a mise. Pour éviter ce dérapage financier - parce que, en réalité, on en était là: les communes avaient bien compris que, plus elles engageaient de verbalisateurs, plus elles pourraient renflouer les caisses communales sur le dos de nos concitoyens - le MCG avait imaginé en 2006 déjà que 50% au minimum des produits financiers de toutes les amendes d'ordre infligées par les agents de sécurité municipaux et/ou agents municipaux seraient reversés à l'Etat.
Or, deux ans plus tard, le Conseil d'Etat, ou plutôt la commission qui amende ses articles, dit: «Lorsque le produit des amendes d'ordre encaissées par une commune dépasse 5 millions de francs sur une année civile, le surplus est partagé avec l'Etat, à concurrence de 75% pour celui-ci et de 25% pour la commune.» Vous y verrez une certaine similitude ! Nous, nous avions une petite variante. Vous savez qu'une amende d'ordre a une durée de vie de trente jours: si elle n'est pas payée, elle est convertie en contravention. Nous proposions alors que, durant les trente premiers jours de vie de l'amende d'ordre, 50% des produits financiers aillent à l'Etat et 50% aux communes. Cela aurait certainement calmé les quelques grands argentiers dans certaines communes, qui voyaient là - notamment en Ville de Genève - une vache à lait qui s'appelle le citoyen automobiliste, qu'il faut tondre de tous les côtés en lui vendant des macarons pour aller se parquer en bas de chez lui. Pourtant, on sait très bien que la Fondation des parkings vend des macarons pour 27 millions de francs, alors qu'elle ne dispose de places de parc que pour 8 millions. N'importe quelle entreprise qui vendrait plus que ce qu'elle a en stock serait condamnée pour escroquerie, mais évidemment, là, c'est l'Etat; c'est différent, bien entendu. Voilà donc ce que nous avions prévu.
Il va de soi que ce projet de loi sera soutenu par le Mouvement Citoyens Genevois, puisqu'il va dans le sens de celui que nous avions déposé en 2006. Nous voulions seulement souligner ce manque d'honnêteté de la commission, qui n'a pas jugé bon de joindre ces projets et de les traiter en même temps en séance plénière. Nous attendrons l'issue du vote pour voir quel sera le sort que nous réserverons au projet de loi MCG, puisque nous avons repris tous les articles figurant dans le projet de loi du Mouvement Citoyens Genevois pour en faire des amendements. Nous ne manquerons pas de vous les présenter au fur et à mesure de ce débat, lequel promet d'ores et déjà d'être assez long, puisque j'ai ici quelques amendements que nous avons déposés.
Ce qui est très important, c'est que, dans l'esprit du projet de loi MCG, nous voulions carrément éliminer la compétence donnée à la Fondation des parkings, puisque ses employés sont très mauvais pour infliger des amendes: dans la plupart des cas, ils ne font preuve d'aucun discernement. Ce n'était pas tolérable, et nous l'avions dit lors de notre campagne électorale en 2005. Il nous aura fallu attendre trois ans pour qu'un projet de loi similaire arrive au parlement, bien que celui du MCG ait été déposé au tout début 2006 - le 6 janvier - comme je vous l'ai dit. Mais enfin, ce sont les aléas dont je vous ai parlé...
Nous nous permettrons donc, Monsieur le président, de revenir sur ces amendements en temps et en heure, au fur et à mesure que le débat avancera.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). En préambule, j'aimerais réagir aux contrevérités de M. Stauffer, car il fait un affront aux communes genevoises, au Conseil d'Etat et à l'Association des agents municipaux, qui se sont concertés suite aux Assises de la sécurité - comme l'a dit le rapporteur de majorité - pour discuter ensemble, dans un certain compromis, de la possibilité de déposer le projet de loi qui vous est proposé ce soir. Alors, vos contrevérités, c'est du populisme absolument inacceptable, Monsieur Stauffer...
Le président. Veuillez vous adresser au président ! Merci.
M. Jean-Claude Ducrot. En premier lieu, j'aimerais citer l'article 125A de la constitution, qui dit ceci: «La police est exercée dans tout le canton par un seul corps de police placé sous la haute surveillance du Conseil d'Etat. [...] La loi peut [...] déléguer au personnel qualifié des communes des pouvoirs de police limités.» Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que dit en substance notre charte fondamentale. Et ce projet de loi, issu de la concertation entre les magistrats communaux, l'association et le Conseil d'Etat, répond bien évidemment aux attentes des communes et du Conseil d'Etat.
Cependant, il faut bien admettre, Mesdames et Messieurs - et là je tiens à rendre hommage à mes collègues magistrats ou anciens magistrats des communes, qui ont gardé cette sensibilité communale - que des craintes ont été exprimées au sujet de certaines propositions qui ont été acceptées en commission mais qui n'ont pas été favorablement accueillies, notamment par l'Association des communes genevoises. Et il est important de faire valoir cette sensibilité communale, au nom de mon parti et d'autres signataires députés - plus particulièrement magistrats communaux ou anciens magistrats communaux.
Cela étant, ce projet de loi donne un éclairage, un souffle nouveau, une base légale extrêmement intéressante pour les communes genevoises; il valorise le travail de nos agents municipaux, qui sont, comme le dit la constitution, le «personnel qualifié des communes» genevoises. Mesdames et Messieurs, avec ce projet de loi, dans le cadre de la collaboration avec la police cantonale, ils seront les yeux de cette dernière, puisqu'ils vont faire un travail de proximité, là où il y a des frictions et des problèmes, sur leur terrain, dans leur rayon d'action, dans leur région et dans leur intercommunalité. Et c'est un plus en matière de sécurité publique.
Les moyens de défense, Mesdames et Messieurs, constituent l'un des points importants qui ont été discutés. Le Conseil d'Etat a promis qu'il allait doter nos agents municipaux de moyens adéquats de défense - indépendamment du fait de garder ce qui est important dans cette loi, à savoir qu'ils ne soient pas armés. Il faut qu'ils soient, comme en Angleterre, nos «bobbies», qu'ils soient visibles sur la voie publique et qu'ils agissent préventivement. C'est encore un plus de la loi.
En matière de collaboration, le Conseil d'Etat peut, en accord avec les communes et dans des cas urgents, faire appel directement aux agents de sécurité municipaux. Cela aussi - il convient de le souligner - s'inscrit dans le cadre de la collaboration.
Cependant, pour les magistrats communaux sont apparues un certain nombre de craintes relatives aux mandats de conduite, et j'y reviendrai tout à l'heure lors du traitement des amendements. De même, au niveau des missions, il y a eu des craintes quant à la lutte contre le bruit. Et là, j'entends que cela figure dans le Mémorial - j'ai beaucoup hésité à présenter au nom de mon groupe un amendement, mais je crois qu'il faut faire confiance à l'esprit de la loi et à ce qui sera consigné dans le Mémorial du Grand Conseil - il s'agit de faire en sorte que cette lutte s'exerce essentiellement contre le bruit du voisinage. Et si des communes, dans leur souci d'autonomie, se rendent compte qu'elles doivent disposer de moyens, libre à elles, sous leur responsabilité, d'utiliser ces moyens en accord avec le Conseil d'Etat. Mais il est important que l'autonomie des communes soit préservée.
En ce qui concerne les services jour et nuit, beaucoup de magistrats communaux ont eu des craintes et ont sauté en l'air en voyant que les agents municipaux devraient travailler jour et nuit et, le matin, faire de la proximité. Cela ne paraissait pas cohérent, et c'était contre-productif dans des communes de deux à trois mille habitants, qui sont prêtes à engager des agents municipaux qu'elles ne peuvent cependant pas faire travailler jour et nuit. Encore une fois, il est important de dire qu'il appartiendra au Conseil administratif, au maire ou au conseiller administratif délégué de faire en sorte d'engager les agents municipaux de manière appropriée, soit en fonction des nécessités communales et des moments de la journée, de la nuit ou de l'année. Il ne s'agit pas - il est important de le souligner - de les engager vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais bien selon les nécessités qui se feront jour, car les magistrats communaux connaissent leur terrain et, avec le concours de leurs agents, ils sauront où agir.
Mesdames et Messieurs les députés, il faut saluer ce projet de loi. Il n'est pas le fruit du MCG ! Il est...
Le président. Il vous faudra terminer, Monsieur le député !
M. Jean-Claude Ducrot. Il est le fruit de la concertation entre le Conseil d'Etat, l'Association des communes genevoises et l'Association des agents municipaux. C'est pour cela que le groupe démocrate-chrétien vous invite, Mesdames et Messieurs, sous réserve des amendements qui seront proposés tout à l'heure, à voter ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau décide de clore la liste. Sont encore inscrits: Mme Bolay et MM. Jornot, Bavarel, Golay, Wasmer, Odier, Losio, les rapporteurs, s'ils le désirent, et le Conseil d'Etat. Je vous propose que nous terminions les discussions du premier débat, que nous votions la prise en considération de ce projet de loi et, comme il y a énormément d'amendements, que nous commencions le deuxième débat demain à 17h. La parole est à Mme Bolay.
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, le premier regret du parti socialiste - qui en a plusieurs - est le suivant: lorsque nous avons voté certains amendements au projet de loi initial, nous avons demandé à entendre les principaux intéressés, soit le président du Conseil d'Etat chargé du département et les communes genevoises, mais la majorité de la commission nous l'a refusé. C'est un regret, encore et toujours, parce que nous, députés, croyons tout savoir et tout connaître, mais ce n'est pas le cas ! Nous ne connaissons pas tout ! Par conséquent, Mesdames et Messieurs, il faut parfois écouter ceux qui sont sur le terrain, ceux qui ont les connaissances et qui peuvent nous dire mieux que nous-mêmes ce qui est bien pour eux et ce qui ne l'est pas.
J'ai beaucoup aimé le séminaire auquel nous avons participé sur les Assises de la sécurité. En effet, nous avons eu un débat, une discussion approfondie concernant les ASM. Au passage, j'adresse mes salutations au président de l'association, qui nous écoute à la tribune - j'espère qu'il ne sera pas trop déçu à l'issue de ce débat ! J'aimerais saluer le travail immense que ces gens-là accomplissent dans les communes et, je le répète, il faudrait de temps en temps que l'on écoute les professionnels, qui ont des choses à nous dire.
A titre personnel, je regrette aussi - mais on ne va pas résoudre cette question maintenant - que, sur quarante-cinq communes, seules vingt-cinq ont mis en place des ASM. Ainsi, des communes comme Troinex, Vandoeuvres ou Puplinge ne disposent pas du tout d'ASM, alors que ce sont des communes riches ! Elles devraient en tout cas travailler en intercommunauté avec d'autres communes et faire en sorte que ce ne soit pas la police genevoise qui accomplisse ce travail.
J'aimerais également souligner que, dans son rapport de minorité, ma collègue dit - à juste titre - que nous, socialistes, n'avons pas accepté les mesures d'éloignement. Nous ne les avons pas acceptées, parce que cela modifie considérablement la profession des ASM. En effet, aujourd'hui, que fait-on ? De plus en plus, on dit: «Voilà un travail que la police ne peut plus accomplir, car elle n'a pas les moyens.» On l'a rappelé tout à l'heure: on manque de moyens et d'effectifs à la gendarmerie. Alors que fait-on ? On demande aux ASM d'accomplir ces tâches. C'est très bien, mais on ne donne pas aux ASM les moyens de faire leur travail correctement ! En effet, aujourd'hui - encore et toujours ! - ils n'ont pas les moyens, le bâton tactile ou le bâton tonfa - je les confonds toujours, parce que je n'en ai encore jamais vu la couleur, c'est dire ! J'estime pourtant que, puisqu'on leur donne de plus en plus de responsabilités, il faut de même penser que ces personnes doivent aussi être armées précisément pour les responsabilités qu'on leur confie.
Mesdames et Messieurs, je m'arrête là, parce que j'interviendrai à nouveau plus tard, notamment sur les mandats de conduite, au sujet desquels - vous l'avez vu - le parti socialiste reviendra sur les nouvelles prérogatives ou responsabilités que l'on veut donner aux ASM. En effet, c'est vrai que ce n'est pas une bonne chose. Les communes nous ont dit que, si elles devaient assumer ce travail - aujourd'hui, je vous le rappelle, il faut quatre gendarmes à plein temps pour s'occuper des mandats de conduite - il faudrait que beaucoup d'entre elles, notamment les grandes communes, puissent procéder à davantage d'engagements - et pas seulement, parce que d'autres problèmes vont se poser aux ASM.
Je ne parlerai pas du terme «police» parce que, à titre personnel, j'y suis favorable, mais mon parti ne l'est pas. Je vais donc suivre l'avis de mon groupe, ce que je regrette d'ailleurs. Mais je reviendrai sur ces différents amendements demain, Monsieur le président, puisque vous avez annoncé que c'est à ce moment-là que nous entamerons le deuxième débat.
En conclusion, mon regret est que l'on n'ait pas entendu les communes, et que l'on n'écoute pas davantage les professionnels, ceux qui sont sur le terrain et qui ont à nous apprendre encore beaucoup, à nous, simples et humbles députés.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs, chers collègues, lors de la procédure de consultation qui a précédé le dépôt du projet de loi, les libéraux ont fait part d'un sentiment mitigé. Ils reconnaissaient certes la présence dans ce projet d'éléments tout à fait favorables, s'agissant notamment de revaloriser la profession d'ASM, mais ils regrettaient que l'on n'ait pas profité de ce projet de loi pour mettre en place un véritable concept cantonal de sécurité, dans lequel on partagerait réellement les tâches entre le niveau cantonal et le niveau communal. Dans le fond, on a maintenu le système de la mosaïque tel qu'il existe aujourd'hui, avec des cumuls de compétences dans un certain nombre de domaines, mais sans que l'on puisse vraiment parler d'un partage ni d'une façon de décharger la gendarmerie, notamment, dont on sait la charge, voire la surcharge de travail.
Cela étant, je l'ai dit, nous avons donc reconnu un certain nombre de progrès, lesquels ont été confirmés lors du dépôt du projet de loi. Ils ont déjà été évoqués tout à l'heure: il s'agit de la possibilité de donner à ces agents des moyens de défense personnelle et de l'amélioration de la collaboration entre la police et les corps communaux.
En commission, d'autres améliorations ont été apportées et ont contribué à renforcer l'efficacité de ce projet de loi. Il y a d'abord une meilleure définition des missions, une hiérarchisation plus précise des missions dévolues aux corps d'ASM. C'est un amendement libéral qui a fait en sorte que la police de proximité soit la mission première et que les autres missions, finalement, interviennent en second rang.
Deuxième amélioration apportée en commission: la mission de jour et de nuit. Il ne s'agissait pas de dire que les ASM travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre et que tous les postes sont accessibles et ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Nous voulions simplement indiquer, notamment aux grandes communes, qui ont d'importants corps d'ASM, que l'insécurité ne prend pas fin à 21h59 et que des besoins peuvent se présenter à d'autres heures. C'était une façon de donner un signe et de montrer que, là où des besoins nocturnes de sécurité se font sentir, les communes qui le peuvent - j'insiste là-dessus, notamment à l'attention de M. Ducrot - doivent faire plus.
Troisième amélioration: l'inclusion de la petite mesure d'éloignement. Non pas toutes celles que nous avons votées tout à l'heure dans le projet de loi précédent, mais uniquement la mesure orale. Elle s'impose comme une évidence dans une loi où l'on a déjà donné aux agents de sécurité municipaux la faculté de faire des contrôles d'identité et de conduire les personnes en question au poste aux fins d'exécuter le contrôle, puis la possibilité, dans ce projet-là, de procéder à une fouille de sécurité. Que l'on ne puisse pas, ensuite, simplement donner instruction à une personne de quitter un endroit déterminé serait simplement aberrant.
La quatrième amélioration, enfin, c'est la dénomination de «police», qui est simplement une façon de prendre acte du fait que, lorsque l'on donne des compétences de police à un corps, il faut finalement reconnaître que ce corps est une police ! Je regrette certaines réactions, de la part notamment des syndicats de police, qui se considèrent comme dépossédés d'une appellation d'origine contrôlée qu'ils seraient seuls à pouvoir détenir. Ce n'est pas juste, ce n'est pas de cela qu'il s'agit: il n'est pas question de prétendre que les ASM deviendraient des policiers. D'ailleurs, ce n'est même pas le terme que la loi leur donne, puisqu'ils n'ont pas l'obligation d'avoir le brevet de policier. Mais le fait d'admettre ce corps comme étant une police municipale est simplement la reconnaissance du travail effectué, sans compter les aspects de lisibilité et de communication qui ont été soulignés par le rapporteur de majorité.
Ces améliorations font donc que l'on a en définitive un bon projet de loi. Les libéraux, comme presque la totalité de la commission, ont accepté de suivre le Conseil d'Etat dans l'idée qu'il fallait donner la compétence et la mission d'exécuter les mandats de conduite de l'office des poursuites aux ASM. J'insiste sur le fait - parce que j'ai tout entendu à ce sujet - que c'est bien le projet du Conseil d'Etat qui prévoyait cette compétence et qu'il ne s'agit pas d'une lubie des commissaires, qui l'auraient ajoutée au cours des travaux. La suite a démontré que cette clause n'a pas été préparée et négociée de manière suffisamment fine avec les communes, que certaines d'entre elles ont pu avoir le sentiment qu'il s'agissait d'un transfert de charges et que, de surcroît, il est vrai, compte tenu de la lourdeur et de l'importance de la charge, le fait de n'avoir prévu ni les conditions qui permettent d'imposer cela à une commune, ni la rémunération des communes qui exécuteraient ces mandats de conduite, aurait pu conduire à des situations d'inégalité de traitement. C'est la raison pour laquelle les libéraux, ce soir ou demain, ne se battront pas pour le maintien de cette compétence.
J'aimerais terminer en disant deux mots de la position de la minorité, qui doit être un peu inconfortable. En effet, Mme Pürro nous disait tout à l'heure que le projet avait été dénaturé en commission; l'ennui est que, sur l'essentiel des points qui sont aujourd'hui remis en question par la minorité, le groupe socialiste est dans le camp des votants ! Aussi bien sur l'appellation «police» que sur les mandats de conduite, ou même sur le partage des amendes avec la Ville de Genève.
Enfin, étant l'un de ceux qui sont considérés par M. Stauffer comme les malhonnêtes de la commission, j'aimerais dire au MCG que, contrairement à ce qui a été affirmé, son petit projet de loi évoqué tout à l'heure a été traité en même temps que le projet du Conseil d'Etat, en même temps d'ailleurs que deux projets de lois libéraux. Il doit donc y avoir une très mauvaise communication entre le commissaire à la commission judiciaire - et chef de groupe - et son président, une sorte de mésentente à cause de laquelle ils ne parviennent pas à comprendre ce qu'ils se disent l'un à l'autre. En effet, si vous l'aviez clairement expliqué, vous auriez pu dire à M. Stauffer que c'est uniquement parce que vos propositions n'étaient pas intéressantes qu'elles n'ont pas été retenues.
En conclusion, je vous propose, Mesdames et Messieurs, d'entrer en matière sur ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs, j'aimerais simplement revenir sur deux ou trois points qui m'ont amusé lors de ce débat. J'avais cru comprendre, après bientôt quatre ans de cette législature, le programme de certains partis dans cet hémicycle: la suppression des impôts et, parallèlement, la hausse du salaire de tous les fonctionnaires. C'était la première incohérence. Aujourd'hui, on en découvre une deuxième: nous avons fixé des règles, des lois, et l'on reproche aux autorités, à la police et aux polices municipales de les appliquer. Alors je vous suggère à tous de faire une expérience. On pourrait passer quinze jours en ville avec ma bagnole et proposer une mesure assez simple: on mettrait tous les feux au clignotant orange, on pourrait se garer en triple ou en quadruple file, il n'y aurait plus de zones bleues, etc., et nous serions dans un monde merveilleux !
Pourquoi dites-vous tout le temps que les automobilistes sont les vaches à lait de la république ? Ce n'est pas le cas ! On vous dit: «Pour que d'autres personnes puissent utiliser la zone bleue, vous avez un temps limite durant lequel vous pouvez vous garer. Puis vous partez pour que quelqu'un d'autre puisse utiliser votre place. Cependant, si vous avez un macaron, parce que vous habitez le quartier, vous pouvez rester.»
Quelle est cette haine contre les gens qui nous aident simplement à avoir des règles communes qui soient viables ? Ce n'est pas scandaleux que de demander aux gens de respecter les règles ! Nous constituons un parlement: nous sommes là pour changer la règle si elle ne va pas. Alors, si elle ne convient pas, nous décidons que la vitesse est limitée à 240 km/h en ville - ce sera sympa pour les enfants qui vont à l'école - que le temps de parcage est illimité partout et que, si possible, on empile les bagnoles et on les met en triple file sur les voies de bus et ailleurs ! C'est cela, votre projet politique ?!
Soyons sérieux. Les ASM effectuent un boulot nécessaire: faire respecter les règles que nous avons nous-mêmes fixées. Donc je ne peux pas entendre et je ne comprends pas que l'on soit en train de dire: «C'est scandaleux que l'on fasse respecter les règles !» C'est le discours que j'ai entendu, je suis désolé. Il me consterne ou il m'amuse - à ce niveau-là, je ne sais pas où on en est. Néanmoins, je trouve quelque peu grotesque que, dans cette assemblée, on arrive à dire que c'est scandaleux que les gens fassent appliquer la loi ! (Applaudissements.)
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je tiens d'emblée à préciser que j'ai soutenu ce projet de loi à la commission judiciaire. Néanmoins, je désire formuler quelques remarques par rapport aux différents amendements déposés lors de cette étude.
Tout d'abord, on avait le choix: cela pouvait être le projet initial du Conseil d'Etat, qui paraissait modéré, mais apportait beaucoup de solutions, puisqu'il faut savoir que, aujourd'hui, les ASM ne peuvent pas intervenir dans bien des domaines, notamment la propreté et la salubrité. Des règlements d'application existent certes, mais les bases légales manquent pour qu'ils puissent intervenir complètement. Ce projet de loi amène donc ces bases légales à leurs interventions et, de ce point de vue, je m'en félicite.
Puisque l'essentiel est de donner de nouvelles compétences aux ASM, il s'agit aussi de décharger la police cantonale de certains besoins et de certaines charges. Là-dessus, ce projet de loi est incontestable. Pourtant, on a voulu l'amender, et il y a un point que je regrette. On a certes décidé en commission de modifier l'appellation d'«agents de sécurité municipaux» en «agents de la police municipale», mais le public et les téléspectateurs doivent savoir que l'on a voté cette appellation à la toute fin de l'étude de ce projet de loi. Il en résulte que l'on a été alors un peu pris de court. Je pense pour ma part que, avec l'appellation de «police municipale», il fallait donner à ces agents beaucoup plus de compétences. En effet, ils auront dans le dos - puisqu'elle figurera sur leur uniforme - l'appellation «police municipale», mais ils n'auront pas les compétences des véritables polices municipales telles qu'on les connaît à Lausanne ou dans d'autres cantons suisses, lesquelles sont armées et peuvent prétendre à assurer une véritable sécurité. Aujourd'hui, on a un peu bafoué ce côté-là. Par conséquent, j'aurais été favorable au fait d'amender en commission ce projet de loi, mais alors en le poussant beaucoup plus loin et en donnant des compétences qui déchargent totalement la gendarmerie, voire la police judiciaire dans certains cas.
Aujourd'hui, on se retrouve avec une police municipale qui, dans la rue, ne pourra visiblement pas intervenir dans tous les domaines, notamment celui des stupéfiants. Et cet uniforme, cette appellation, va apporter une certaine confusion avec la police cantonale, ce qui est regrettable. Imaginez-vous un agent de la police municipale qui, voyant quelqu'un dealer sur les quais, ne pourra pas intervenir directement. Que pensera le touriste, qui ne connaît pas du tout nos tenues au niveau cantonal, en voyant des policiers passer à côté sans pouvoir intervenir ? Je pense que l'on n'a pas poussé suffisamment loin ce projet de loi, comme je l'ai déjà dit.
Il faut notamment savoir que les polices municipales, même en France, sont armées. Ici, ce ne sera pas le cas. Les bandits en France ne feront pas la distinction entre un agent municipal - ou une police municipale - et la police municipale française, dont ils savent qu'elle est en tout cas armée. Par conséquent, il existera aussi un risque non négligeable pour les collaborateurs des communes et de la Ville de Genève.
En outre, il y a le fait qu'une police doit pouvoir être appelée vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui aujourd'hui n'est pas le cas.
Tous ces problèmes n'ont donc pas vraiment été étudiés, et on peut le regretter. Je pense que je vais soutenir ce projet de loi, mais qu'il faudra mener une véritable réflexion par rapport à la police municipale, à ce terme, et pousser plus loin aussi au niveau de la formation. En effet, à l'heure actuelle, les ASM des communes ont trois mois de formation alors que, pour la Ville de Genève, celle-ci dure une année. Je pense qu'il faut équilibrer le tout et faire en sorte que les collaborateurs de ces communes aient la possibilité d'obtenir le brevet, afin qu'ils puissent se prétendre policiers comme les autres. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas, et l'on bafoue donc un peu le brevet de policier, ce qui est aussi regrettable.
Nous voulons aujourd'hui - et c'est la volonté de tous - que les ASM assurent la sécurité. Par conséquent, il convient de leur en donner les moyens. On peut aussi aller plus loin et leur accorder des compétences en matière de circulation globale car, aujourd'hui, ils ne peuvent toujours pas intervenir dans 50% des infractions de la circulation; c'est regrettable ! Je le répète: si l'on veut vraiment décharger la police cantonale, il faut aller plus loin.
Par ailleurs, on peut regretter que l'appellation ait été décidée tout à la fin de l'étude de ce projet. Et, personnellement, je m'étais opposé à cette dénomination pour le motif que je viens de citer.
En conclusion, il faut à mon avis aller plus loin. Ce projet de loi aurait dû revenir en commission, surtout au vu de la contestation de l'Association des communes genevoises. En effet, les «Infos ACG» - vous ne les avez pas reçues, mais moi oui - contestent en tout cas cinq ou six amendements que nous avons décidés en commission. Il aurait donc fallu revoir cela, réétudier les choses, et peut-être supprimer les mandats d'amener ou d'autres dispositions que l'on a adoptées en cours de route un peu à l'emporte-pièce et selon les états d'âme. Je le dis simplement: donnons plus de compétences à la police municipale, pour véritablement décharger la police cantonale.
M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, mes cheveux se dressent sur ma tête lorsque j'écoute les déclarations des représentants du MCG: l'un s'attribue le projet de loi, l'autre le démonte alors qu'il n'a jamais formulé la moindre remarque en commission. (Remarque.) Monsieur Golay, vous n'avez jamais fait le moindre commentaire en commission ! Et, comme l'a rappelé M. Jornot, le projet du MCG n'a pas été oublié ! Ce dernier n'intéressait simplement personne, alors que celui du Conseil d'Etat était bon à plus d'un titre.
Comme je vous le disais tout à l'heure lorsque notre parlement a voté le projet de loi sur l'éloignement, les effectifs manquent aujourd'hui en police judiciaire et en gendarmerie. Si les propositions faites par plusieurs groupes ici présents n'ont malheureusement pas été acceptées à ce jour, l'apport d'un complément de police municipale pourra au moins régler certains problèmes - modestes, il est vrai - et fournira tout de même une plus-value à la sécurité genevoise.
Cela étant, nous avons entendu en commission - comme l'ont rappelé les rapporteurs - le commandant de la gendarmerie, le commandant des ASM et le président de l'Association des communes genevoises. Toutes ces personnes nous ont donné leur avis et nous ont malheureusement fait part de leurs inquiétudes par rapport à ces tâches que l'on pourrait donner aux agents municipaux, lesquels n'ont ni la formation, ni les moyens d'assumer un travail de police classique puisque, vous le savez, il faut accomplir une école relativement longue pour devenir gendarme, voire inspecteur de police judiciaire.
Cela dit, attribuer ces fonctions aux agents municipaux permettra de décharger la gendarmerie et la police, dans la mesure où certaines tâches, qui vous sont rappelées à l'article 5 de cette nouvelle loi - soit le contrôle de l'usage accru du domaine public, la lutte contre le bruit, le contrôle en matière de circulation routière, la prévention et la répression en matière de propreté et notamment d'affichage sauvage et, surtout, l'exécution des mandats de conduite en matière de poursuites - sont des missions qui n'existent pas aujourd'hui et que l'on donnera aux agents municipaux, lesquels, comme beaucoup d'entre vous l'ont rappelé jusqu'à présent, ne seront pas plus armés - du moins pas plus que les policiers. Ils disposeront peut-être d'un spray au poivre pour se défendre, éventuellement d'un bâton, mais ils n'auront pas de moyens de défense traditionnels.
Aujourd'hui, l'UDC est bien obligée d'admettre que, même si ce projet de loi n'est pas parfait pour les raisons qui ont été énoncées tout à l'heure, c'est un moyen qui permettra tout de même de régler certaines tâches minimales de police. Et, contrairement à ce que j'ai entendu dire précédemment - on a critiqué le fait que l'on attribue certaines tâches à des communes - les grandes communes que sont par exemple la Ville de Genève, Meyrin, Onex ou Vernier permettront d'apporter des agents municipaux pour qu'ils accomplissent une tâche; même si ce n'est pas vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce sera du moins d'une manière régulière, spontanée et surtout prolongée par rapport à ce qui se passe actuellement. Ainsi, pour ces raisons déjà, l'UDC vous recommandera d'approuver ce projet de loi.
Le deuxième problème dont on a longuement débattu concerne l'appellation de cette police. Aujourd'hui, vous savez que nous avons deux sortes d'agents municipaux: les agents municipaux et les agents de sécurité municipaux, qui portent un costume gris avec des lettres jaunes. Or ce genre de personnages et d'habits ne sont pas reconnaissables, sauf pour les Genevois et les habitués de la Ville de Genève. Pour les étrangers - et même pour les gens venant d'autres cantons - ils ne représentent, au mieux, pas plus que des agents de sécurité. La commission - dans sa très grande majorité, je crois - a donc rappelé que le mot «police» donnerait une plus grande autorité, tout en précisant qu'il s'agit d'une police municipale, de façon qu'il n'y ait pas de confusion avec les policiers traditionnels.
Mesdames et Messieurs les députés, nous n'aurons pas des policiers complémentaires, je le reconnais, mais nous aurons néanmoins des gens ayant peut-être un pouvoir dissuasif grâce à leur présence prolongée dans la rue, ainsi qu'au port d'un uniforme et d'un logo qui les montreront comme les défenseurs de la sécurité et de l'ordre publics. Et même si certaines tâches sont discutables aujourd'hui, nous vous proposons de voter ce projet de loi et de ne pas le renvoyer en commission, comme certains y songent déjà.
Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) Monsieur Golay, il a juste été question d'un député MCG qui ne serait pas intervenu ! On ne peut pas savoir de qui il s'agit, alors ne prenez pas tout le temps la parole... (Remarque.) Si vous ne réagissez pas, personne ne saura de qui il est question ! La parole est à M. Odier.
M. Jean-Marc Odier (R). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est extrêmement important, nous le disons tous. Et pourtant, ce n'est qu'un tout petit pas vers une simple clarification de l'organisation des forces de l'ordre à Genève. Il nous a été présenté comme un projet élaboré et un accord... (Brouhaha.) On va peut-être attendre que le Bureau soit attentif ! Monsieur le président... (Commentaires.)
Une voix. Mais que fait la police ?!
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. Veuillez continuer.
M. Jean-Marc Odier. Je vous remercie, Monsieur le président; je suis navré que vous soyez perturbé par M. Golay. Monsieur Golay, vous aurez certainement l'occasion de vous exprimer encore demain ! (Remarque.)
Je disais simplement que ce projet nous a été présenté comme un accord entre les communes, les agents municipaux et ce que le département - ou le Conseil d'Etat - a pu proposer. Un accord fragile, qu'il ne fallait surtout pas modifier. Mais les travaux de la commission n'ont pas du tout chamboulé ce projet de loi ! Il y a juste eu quelques petites modifications.
Que faut-il retenir de ce projet ? Quel est en réalité le mécanisme que nous soutenons totalement ? C'est un projet de loi qui va permettre, d'un côté, de soulager la police cantonale de certaines réquisitions. En effet, la police cantonale croule sous les réquisitions, elle n'arrive pas à assumer l'ensemble de ces dernières, et elle est en nombre tout à fait insuffisant par rapport au bassin de la population. D'un autre côté, ce texte va permettre aux communes de déployer un peu plus de personnes sur leur territoire pour avoir une police de proximité et de prévention. Donc on soulage d'une part la police cantonale, et l'on déploie d'autre part plus de monde sur les communes. Nous pensons que c'est totalement cohérent, et c'est ce mécanisme que nous soutiendrons par le biais de ce projet de loi.
Il y a aussi une nouveauté, qui a effectivement été introduite au cours des travaux de commission: le projet de loi demande que cette police de proximité soit présente de jour comme de nuit. Il nous paraît en effet tout à fait cohérent d'avoir un peu plus de monde à d'autres moments qu'aux heures de bureau puisque, nous le savons, un certain nombre des missions qui seront attribuées à ces agents de police municipale s'effectuent dans la soirée - pas forcément au petit matin, mais en tout cas dans la soirée.
Nous pensons que c'est un premier pas, qui permet de clarifier les attributions des différentes polices à Genève, ou du moins des différentes forces de l'ordre. Et ce ne sera que pour le bien de tout le monde.
Alors pourquoi n'avons-nous pas entendu, après les travaux de commission, les communes ? Parce que, comme je l'ai dit au début de mon intervention, ce projet a été élaboré en concertation avec les communes et le corps des agents municipaux et qu'il a été proposé par le Conseil d'Etat. Or, Mesdames et Messieurs les députés, le canton, le Grand Conseil, doit donner son point de vue. Ce n'est pas seulement un accord qui nous est proposé et que nous devons simplement adopter ! Nous avons également notre vision de la force de l'ordre, et cette dernière ne peut pas forcément correspondre à tous les souhaits des différents protagonistes. C'est pour cela que nous n'avons pas entendu les communes. De plus, les agents de sécurité municipaux auraient certainement également demandé une autre audition, et nous aurions encore continué à travailler pour n'arriver à rien de plus que ce que nous allons voter ce soir. Voilà pourquoi le groupe radical soutiendra ce projet de loi tel qu'il est sorti des travaux de la commission.
Une voix. Très bien !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Losio. (Le président est interpellé par M. Eric Stauffer.)
Une voix. Vous n'avez pas la parole ! (Le président est interpellé par M. Eric Stauffer.)
Le président. Monsieur Stauffer, vous vous taisez ! (Commentaires. Brouhaha.) La parole... (Commentaires.) ...est à M. le conseiller d'Etat Moutinot... (Le président est interpellé par M. Eric Stauffer. Commentaires. Brouhaha.) Alors nous allons voter une motion d'ordre ! M. Stauffer demande que M. Golay puisse avoir la parole, car il a soi-disant été mis en cause. Je rappelle qu'il faut les deux tiers de l'assemblée.
Mise aux voix, la motion d'ordre (accorder la parole à M. Roger Golay) est rejetée par 45 non contre 8 oui et 9 abstentions.
Le président. La démocratie a parlé. La parole est à M. le conseiller d'Etat Moutinot... (Brouhaha.) J'ai oublié M. Losio, excusez-moi ! (Remarque.) Votre nom s'est effacé de la liste, je suis désolé. Je vous passe la parole.
M. Pierre Losio (Ve). Merci, Monsieur le président. Je voudrais tout de suite rassurer mon collègue fort assidu en commission, M. Golay: demain, je lui dirai nommément quelque chose de désagréable. Ainsi, il pourra s'exprimer !
Le projet de loi que nous traitons aujourd'hui a effectivement été le fruit d'un travail minutieux entre les communes et le Conseil d'Etat pour arriver à une solution. Ce n'est pas seulement ce projet de loi qui est important, c'est aussi toute une démarche du Conseil d'Etat en accord avec les communes afin d'avancer dans une meilleure répartition des compétences et des tâches. On pensait y être arrivé avec les sapeurs-pompiers mais, malheureusement, on a échoué, parce qu'une collection de casquettes était à la tribune et qu'une certaine partie de ce parlement s'est lamentablement déballonnée. On reviendra !
Un autre projet est en ce moment à l'étude à la commission des affaires régionales, internationales et... galactiques. Il concerne la péréquation intercommunale. De nouveau, un vrai travail a été réalisé en accord avec les communes et le Conseil d'Etat et, là, nous pensons que nous allons aboutir.
Ce soir, c'est également une avancée dans le travail initié dans la difficulté au début de cette législature, qui trouve quelques concrétisations en cette fin de législature. Nous saluons cette avancée, mais nous devons également signaler que, en l'état, ce projet de loi n'est pas acceptable. En effet, sur certains points - et nous l'avons mentionné lors de la procédure de consultation - il y a des éléments auxquels nous ne pouvons pas souscrire. Mais nous savons que nombre d'amendements ont été déposés, et nous espérons que, à la fin des débats, nous pourrons arriver à une solution de sorte que ce projet de loi soit adopté. En tout cas, nous ne ferons rien pour le faire capoter.
Lors de la procédure de consultation, nous avons fait savoir que nous étions opposés, dans l'article détaillant les missions, à la question des mandats de conduite pour l'office des poursuites. En effet, il nous semble que cela donne une image négative des agents de sécurité municipaux et que leur principale tâche n'est pas celle-là ! Il s'agit plutôt pour eux d'avoir une image et une présence positives dans le quartier, de faire de l'îlotage et d'avoir un contact avec les commerçants et les habitants. Nous souhaitons donc que cette mission soit supprimée dans la loi.
En ce qui concerne les compétences environnementales, nous avons proposé un amendement concernant l'enlèvement des véhicules, mais il a été refusé. Nous en prenons acte et verrons ce que nous ferons en deuxième débat.
D'autre part, certains éléments n'ont pas été «tripotés» par la commission, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire. Ces éléments existaient déjà dans la loi ! Mais certains points ont été subtilement modifiés, notamment l'article 17, concernant les amendes. On a subrepticement ajouté un alinéa 2, qui contient une mesure imposée aux communes, entre autres à la Ville de Genève, que nous considérons comme confiscatoire. (Remarque de M. Jean-Michel Gros.) Il n'y avait pas d'alinéa 2, mon cher collègue Gros, dans la loi originale ! Je viens de la consulter. Et, aujourd'hui, on introduit une disposition dans laquelle on décide de prendre un pourcentage à partir d'un certain plafond, ce qui n'existait pas dans la loi initiale. En ce qui concerne l'autonomie des communes, nous ne pouvons pas l'accepter, aussi déposerons-nous un amendement dans ce sens.
Enfin, nous ne pouvons pas non plus tolérer que figure dans la loi l'introduction des mesures d'éloignement, sur laquelle nous avons eu l'occasion de nous exprimer précédemment.
Mesdames et Messieurs les députés, le travail d'agent de sécurité municipal et celui de policier ou de gendarme sont deux métiers strictement différents. Ils sont différents dans ce qu'ils représentent, dans l'iconographie intérieure de chacun de nos citoyens, et nous devons bien marquer cette différence. En ce qui concerne l'appellation elle-même, à force de donner des compétences de police aux agents de sécurité municipaux, on dérive tranquillement, mécaniquement, vers ce qui sera une police municipale ! C'est forcé, la démarche va de soi; on accorde plus de responsabilités, on ajoute des compétences de police, notamment les mesures d'éloignement... Eh bien nous, nous ne sommes pas favorables à cela !
S'agissant de la dénomination, nous savons que les agents de sécurité municipaux tiennent à cette appellation de «police», alors que la police, elle, y est opposée. Il y a en effet une problématique de formation, de brevet. Au sujet de cette appellation, notre religion n'est pas arrêtée; il ne s'agit pas pour nous de refuser de froisser quelques susceptibilités, mais nous serons heureux de suivre les discussions du deuxième débat, lorsque les amendements seront déposés.
En conclusion, notre groupe ne fera rien pour faire capoter ce projet de loi, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur Losio. Excusez-moi de vous avoir oublié tout à l'heure ! Monsieur le conseiller d'Etat Moutinot, c'est à vous.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord remercier celles et ceux d'entre vous qui ont collaboré à l'élaboration de ce projet de loi. Mes remerciements vont aussi à l'Association des communes et aux magistrats, en particulier M. Pierre Maudet, conseiller administratif de la Ville de Genève, avec lequel le travail a été intense. Je remercie également les associations professionnelles, des ASM et de la police, qui ont également participé. Je dois dire que cette volonté de participation a peut-être ceci d'extraordinaire: aujourd'hui, nous sommes encore saisis d'un nombre considérable d'amendements, tant le sujet passionne et tant chacun aimerait arriver à faire prévaloir son point de vue dans telle ou telle matière. Il est bon dès lors que votre Grand Conseil prenne les décisions qu'il voudra.
En ce qui me concerne, ce projet de loi obéit fondamentalement à cinq éléments. Et sur ces cinq éléments, il n'y a fort heureusement pas de divergence ! Le premier consiste à valoriser la profession d'ASM et, heureusement, nous sommes tous d'accord sur ce point. Le deuxième consiste à fixer les missions et, là aussi, nous sommes d'accord, à une mission près - vous en débattrez et l'accepterez ou non - celle des mandats de conduite. En troisième lieu, il s'agit d'étendre les compétences des ASM, ce que personne ne conteste non plus. En quatrième lieu, il est question de prévoir des engagements communs, de différente nature selon qu'ils sont mixtes ou qu'ils se font à la demande du canton. Là aussi, cette collaboration heureuse doit être véritablement formalisée - nous avons un peu anticipé avec la Ville dans certains domaines, avec Bernex dans d'autres, et avec Thônex également - mais ce n'est contesté par personne, ce dont je me réjouis. Enfin - et c'est peut-être l'élément le plus important - le projet de loi donne une base légale qui permet aux ASM et à la police d'échanger leurs informations. Grâce à cela, on a un socle solide de collaboration sérieuse, en faveur d'une meilleure sécurité pour la population genevoise, entre les ASM et la police cantonale.
Certes, il y a plusieurs amendements, dont on parlera tranquillement demain. Certains - je le dis franchement - ne changent pas grand-chose au fond de la loi, et d'autres ont un peu plus d'importance. Mais, en toute hypothèse, aucun de ces amendements, quel que soit le sort que vous leur réservez, ne met en cause ce coeur-là, qui est le travail que nous avons voulu tous ensemble.
Mis aux voix, le projet de loi 10178 est adopté en premier débat par 65 oui et 1 abstention.
Suite du débat: Session 05 (février 2009) - Séance 25 du 20.02.2009