Séance du
vendredi 23 janvier 2009 à
20h30
56e
législature -
4e
année -
4e
session -
21e
séance
R 575
Débat
Le président. Nous sommes en catégorie III. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Silence, s'il vous plaît... La parole est à M. Halpérin.
M. Michel Halpérin (L). Monsieur le président, pardon d'abuser ce soir de la patience de cette assemblée. Mais comme je suis l'un des auteurs de cette proposition de résolution, il m'appartient de la développer en quelques mots. Tout le monde en aura compris le sens à sa lecture. Nous proposons que ce Grand Conseil invite l'Assemblée constituante à siéger lors de ses séances plénières dans la salle du Grand Conseil, à l'Hôtel de Ville.
Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition est faite parce que, depuis plusieurs semaines, nous entendons la république bruire de toutes sortes de propos étonnants sur le fait que les membres de l'Assemblée constituante ne montreraient pas assez de courtoisie à l'égard de ce Grand Conseil en lui demandant - courtoisement - l'hospitalité. On entend aussi, du côté de ce Grand Conseil, des gens s'étonner de ce que les constituants, une autre assemblée, aient la prétention de venir poser leur auguste postérieur dans nos fauteuils somptueux.
Mesdames et Messieurs les députés, tout cela relève du malentendu. Cela relève, à la rigueur extrême - mais je ne veux même pas imaginer cette hypothèse - de la mauvaise humeur de certains élus à l'idée que d'autres puissent être aussi élus. Comme nous ne sommes pas de cette trempe-là, je vous propose au contraire de montrer le sens de l'hospitalité qui nous caractérise, et qui, d'ailleurs, est une hospitalité à la genevoise, parce que le premier considérant qui a animé les auteurs de ce texte est un considérant d'économie.
Mesdames et Messieurs les députés, dans cette salle siège, outre notre noble assemblée, le Conseil municipal de la Ville de Genève. Il est donc vrai que, à peu près quatre jours par mois, cette salle est occupée. Cela la laisse vacante vingt-six autres jours. Il me semble de bonne économie de faire en sorte que, certains de ces autres jours, elle puisse être affectée aux travaux de la Constituante, plutôt que d'envoyer cette dernière, à grands frais, siéger dans d'autres salles qui seraient mises à sa disposition.
J'ajoute que nous sommes équipés pour cela, puisque nous disposons de tableaux électroniques qui permettent de compter les voix, d'un matériel pour enregistrer les débats, et même, lorsque les conflits avec Léman Bleu seront résolus, de caméras qui permettraient au public d'assister aux travaux de son Assemblée constituante.
Enfin - comme vous le savez, je mets toujours l'essentiel ailleurs que dans le détail pratique - je trouve que notre assemblée s'honorerait en saluant avec cordialité cette Constituante nouvelle et en lui offrant l'hospitalité, qu'elle l'ait demandée formellement ou non. Je vous remercie de réserver bon accueil à cette résolution. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je vais un peu tempérer l'hospitalité genevoise de mon prédécesseur... (Commentaires.) ...pour les raisons suivantes. J'ai été appelé à remplacer mon collègue, à la commission des finances, lorsque nous avons auditionné une délégation du Bureau de la Constituante. Le spectacle auquel nous avons assisté était affligeant ! Affligeant ! Laissez-moi vous donner brièvement quelques détails.
Nous devions auditionner la benjamine, la présidente de la Constituante, qui est une fille vraiment top: elle a été concise, claire et extrêmement professionnelle, malgré son jeune âge; je lui rends hommage ce soir. Mais nous avons eu affaire à un combat de coqs, de politicards, qui se croient, en tant que constituants, être revenus au Grand Conseil... (Brouhaha.) ...et qui ont déplacé les chaises autour de la table pour ne pas se trouver derrière la présidente nommée pour la Constituante. C'est affligeant, Mesdames et Messieurs les députés ! Un autre constituant est venu nous dire: «C'est la dernière fois que vous nous convoquez ! La prochaine fois, vous nous inviterez !» On lui a répondu très modestement que la commission des finances convoque le procureur général, convoque les conseillers d'Etat, et que ce «phrasage» n'était tout simplement pas digne des nouveaux élus constituants.
Alors non, Mesdames et Messieurs les députés ! Le MCG va s'opposer à ce que la Constituante siège ici, parce que nous avons peur ! Nous avons peur que cela dégénère comme certains débats... (Exclamations.) Comme certains débats ! Et je sais que vous allez me soutenir ! (Applaudissements.) Merci ! Parce que nous avons peur que cela dégénère comme certains débats dans ce Grand Conseil et que la présence des caméras de Léman Bleu puisse donner des idées à d'anciens élus revenus pas la petite porte ! (Brouhaha.)
Le président. Silence, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Je sais que vous allez me soutenir sur cet aspect des choses. C'est pour cette raison que, si nous voulons, nous autres députés, que les constituants, dans quatre ans, nous fournissent un texte qui soit «votable» pour les citoyens, ils doivent siéger ailleurs, travailler en sérénité. (Brouhaha.) Il y a assez de salles, comme à l'université - on demandera à M. Weiss un prix de faveur ou une invitation - où ils pourront siéger et se réunir en commissions. Donc, le MCG s'opposera à ce que la Constituante, outre l'assermentation que ses membres vont faire, siège dans la salle du Grand Conseil. Merci !
Une voix. Bravo !
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.)
Le président. Silence, s'il vous plaît !
M. Stéphane Florey. Pour pouvoir disposer de l'une des salles de l'Hôtel de Ville, y compris la salle du Grand Conseil, l'usage plusieurs fois séculaire veut qu'il faille en faire la demande formelle, par écrit, au Bureau du Grand Conseil, qui statue sur la requête. L'UDC étant très attachée aux us et coutumes qui font le charme de notre république, notre groupe n'entrera pas en matière, refusera cette résolution et vous invite à faire de même.
M. Christian Bavarel (Ve). Je pense que le sujet n'est pas forcément essentiel, mais symboliquement important. Le groupe des Verts estime qu'il appartient aux constituants de choisir où ils veulent siéger. Des propositions ont été soumises et j'aimerais porter votre réflexion sur le fait que les constituants doivent produire ensemble un seul texte. Etes-vous sûrs, Mesdames et Messieurs les députés, vous qui «pratiquez» tous cette salle depuis un certains temps, que cette disposition, face-à-face, les uns contre les autres, soit la meilleure manière d'accoucher d'un texte fédérateur, celui de la constitution ? Ne pensez-vous pas que la disposition d'un seul micro, où un orateur irait s'exprimer, éviterait peut-être les prises de bec dont nous sommes coutumiers ? Je ne suis pas sûr, très honnêtement, que cette salle soit la plus appropriée pour faire un travail serein et en profondeur tel qu'on le demande à la Constituante.
La Constituante est bel et bien un organe cantonal. Donc, dans ce sens-là, il n'y a pas de problème de lieu. Vous savez que je suis déjà plus réticent quant au fait de siéger dans la même salle que le Conseil municipal. J'ai toujours demandé si le Conseil municipal de la Ville de Berne siégeait au Palais fédéral; il semblerait que non. La question qui se pose aujourd'hui dans ce canton... (Exclamations.)
Le président. Silence, s'il vous plaît !
M. Christian Bavarel. Voici la question qui se pose aujourd'hui. Les salles, il y en a de multiples. Celle-ci, effectivement, est une salle solennelle, et je ne suis pas du tout gêné qu'elle soit utilisée pour des prestations de serment, pour des gens qui vont venir une fois dans leur vie dans un endroit qui doit marquer quelque chose d'important. Mais je ne suis pas sûr que ce soit la salle qu'il faille utiliser pour les tirages au sort d'un loto ou de l'Eurofoot, comme on a pu le voir. A la Constituante, nous sommes plutôt réticents, c'est pourquoi nous ne suivrons pas cette proposition.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, je fais partie de ceux qui, dès le départ, ont tenté de trouver des solutions pour permettre que les travaux de la Constituante puissent se dérouler dignement. Il y avait bien entendu de la part de certains constituants une volonté de grandeur, ou en tout cas une volonté de reconnaissance de leur grandeur, et on aurait pu imaginer qu'ils en fussent arrivés au point de vouloir siéger pendant quatre ans dans la cathédrale Saint-Pierre ! Mais, cela relevant probablement du fantasme - qui n'a pas tenu longtemps - la réalité est revenue. Et dans cette réalité revenue, il y avait évidemment d'autres solutions qui auraient pu être imaginées, dès lors que cette salle leur aurait été refusée.
Par exemple, il y avait la possibilité de siéger dans l'aula, que certains d'entre nous avons connu, du premier étage de l'université. C'est une salle digne, dans laquelle il y a une tribune pour le public, dans laquelle, aussi, il y a la possibilité de se déplacer devant un micro pour y présenter dignement les vues des uns et des autres et qui, enfin, permettrait, ou aurait l'avantage de ne pas - j'allais dire «singer», mais non - de ne pas imiter le comportement parfois exagéré, voire «histrionesque» que l'on trouve chez certains dans cette salle.
Mais il n'en demeure pas moins que ç'aurait été une deuxième bonne solution et qu'il y en avait une première; une première bonne solution pour deux raisons. D'abord parce qu'il convient, je crois, de traiter avec cette espèce d'hospitalité à la genevoise, une hospitalité parfois un peu pingre, ceux que le peuple a élus; c'est une raison de ne pas augmenter les dépenses par des locations ou des recherches coûteuses de salles. Et puis, il y a évidemment le fait que, pendant quatre ans, ceux qui détermineront le futur de nos institutions méritent, je crois, d'être considérés par nous comme nos égaux. Raison pour laquelle, donc, cette salle me semble s'imposer. Et rien ne s'oppose, en faisant abstraction de l'ordonnancement gauche/droite partisan, à ce que siègent les membres de la Constituante dans cette salle en fer à cheval.
Evidemment, comme je parle d'économies, je ne peux pas ne pas revenir sur ce qu'a dit l'un des membres de ce Grand Conseil il y a un moment. Il est vrai que, à la commission des finances, des déclarations pour le moins stupéfiantes ont été faites, montrant, de la part d'un ancien membre de la commission des finances, membre d'un parti aujourd'hui exclu de ce Grand Conseil et par ailleurs professeur de mathématiques à la retraite, une conception... (Rires.) Mais je ne veux pas aller plus loin dans le dévoilement de l'identité de celui qui s'est exprimé, tant est grand le serment de confidentialité de nos débats !
Donc, cet ancien député du Grand Conseil, par ailleurs ancien professeur de mathématiques, membre d'un parti aujourd'hui défunt ou, disons, dans un état de coma profond... (Brouhaha.) ...a fait une addition, plus exactement une espèce de tentative d'imaginer le budget pour la Constituante - et je vous la livre: les constituants sont quatre-vingts; nous sommes cent. Nous avons un budget de plusieurs millions; eh bien, il fallait simplement que la Constituante ait le quatre-vingt pourcent du budget du Grand Conseil... Une petite règle de trois qui m'a semblé, de la part d'un esprit que je considérais comme intelligent...
Le président. Il faut terminer ! Cela fait déjà quatre minutes que vous vous exprimez, Monsieur le député.
M. Pierre Weiss. Est-ce que je peux intervenir une deuxième fois, éventuellement ?
Des voix. Non !
D'autres voix. Mais oui !
Le président. On vous laisse trente secondes.
M. Pierre Weiss. Alors je vais me débrouiller pour vous dire l'essentiel dans les trente secondes. De la part de ce constituant, cela me semblait totalement déraisonnable. En revanche, il est raisonnable, aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir cette proposition de résolution. C'est le respect que nous devons aux élus du peuple. Je vous en remercie.
M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, certes, plusieurs d'entre vous ont été probablement vexés lors de la première séance de la Constituante dans cette salle, où certains élus ont affirmé qu'ils devaient venir là en priorité, etc. Chers collègues, des membres de tous les partis siègent dans cette Constituante; nous devons être fiers de cette Constituante. La salle, cela été répété plusieurs fois, est utilisée quatre jours par mois. Alors, on va peut-être mettre un ordre de priorité. En premier le Grand Conseil, ensuite toutes les manifestations de l'Etat, puis le Conseil municipal; et, à la fin, quand il reste des plages libres, aucun problème, montrons que nous avons le sens de l'accueil à l'égard nos collègues de la Constituante: accueillons-les ! Merci beaucoup. Nous allons bien évidemment soutenir cette résolution.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés, mais qui sommes-nous ?! Qui sommes-nous pour nous arroger de tels pouvoirs ?! Certes, nous convoquons les conseillers d'Etats... Alors, «Les constituants, eh bien, ils attendront !»... Non, Mesdames et Messieurs les députés ! Avec le groupe socialiste, en toute humilité, nous vous dirons qu'ils sont bien sûr les bienvenus, pour autant qu'ils le souhaitent - c'est à eux de le décider - et que, bien évidemment, cela ne perturbe en rien les travaux de notre Grand Conseil. En cela, nous faisons confiance au Bureau pour organiser les choses.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci de cette confiance, Madame la députée. La parole est à M. Barazzone.
M. Guillaume Barazzone (PDC). Madame Torracinta, vous m'avez enlevé les mots de la bouche ! Plus que les questions d'intendance, de pratiques, de budget, ce dont nous devons parler ce soir, ce sont des principes. Rappelons-nous que cette assemblée a voté la loi qui a institué l'Assemblée constituante - le peuple nous a suivis. L'Assemblée constituante, rappelons-le aussi, va définir les principes directeurs de notre république et l'organisation de nos institutions pour les prochaines années, c'est une assemblée parlementaire ! Quoi de plus normal qu'elle siège dans un parlement, si elle le souhaite ?
Quand on parle d'hospitalité et d'accueil, je crois que ces mots sont en trop ce soir, puisque nous n'avons pas à accueillir des gens qui ont tout autant de droits que nous de décider s'ils veulent siéger ici, si, bien évidemment, c'est leur souhait. Donc, je propose que, tout naturellement, l'ensemble de ce parlement invite l'Assemblée constituante, pour autant qu'elle le désire, à venir siéger ici.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, pour avoir eu l'honneur, il y a deux ans, de faire partie du Bureau, j'ai le souvenir d'avoir été invitée par le Conseil municipal, qui était sous la présidence de l'un de nos collègues ici présents. J'aimerais seulement vous faire une petite piqûre de rappel, puisque je semble être la seule à avoir retenu la leçon d'histoire. J'ai en mémoire que c'est le Conseil municipal de la Ville de Genève qui a siégé en premier dans cette salle: avant le Grand Conseil ! Visiblement, vous l'avez tous oublié; moi pas. (Exclamations.) Donc, on ne peut pas établir un ordre de priorité.
Maintenant, j'aimerais ajouter que si j'ai cosigné cette résolution, c'est parce que... (Brouhaha.) S'il vous plaît... Merci ! Je ne vous ai pas interrompus, moi... J'ai été gentille ! (Commentaires.)
Le président. Continuez, s'il vous plaît ! (Brouhaha.)
Mme Sandra Borgeaud. Moi, je n'ai interrompu personne... S'il vous plaît, soyez sympas !
Le président. Oui, mais allez-y, je vous en prie !
Mme Sandra Borgeaud. Merci ! J'ai signé cette résolution parce que j'estime que cette salle ne nous appartient pas. Nous avons le privilège et l'honneur - accordés par notre peuple - d'être élus et d'avoir l'opportunité de siéger dans cette salle; elle ne nous appartient pas, à nous, spécifiquement - effectivement, le Municipal y siège. Et, en ce qui me concerne, je ne vois pas en quoi cela dérangerait que les constituants le fassent également.
D'autre part, pour les raisons évoquées tout à l'heure, si l'on veut prôner l'économie et faire des économies, il faut travailler intelligemment et être cohérents. Donc, à partir de là, il faut rentabiliser cette salle, vide vingt-six jours par mois, en laissant siéger ici les constituants. Comme nous sommes des députés polis, éduqués, ayant du savoir-vivre, nous nous devons de leur souhaiter la bienvenue dans cette salle.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, deux précisions. En premier lieu, la gestion des biens de l'Etat est affaire d'exécutif; le DCTI est en charge de gérer les biens immobiliers et le service de la gérance, plus particulièrement - de s'assurer qu'ils soient chauffés, balayés, entretenus, réparés et mis à la disposition de leurs utilisateurs. Il en va ainsi de tous les locaux de l'Etat, y compris de cette salle. Je rappelle simplement comment les choses se passent.
En second lieu, il va de soi que cette salle vous est à ce point dédiée, est à ce point un symbole important pour vous, que le Conseil d'Etat suivra la décision que vous allez prendre par le biais de cette résolution.
Mise aux voix, la résolution 575 est adoptée par 42 oui contre 18 non et 9 abstentions.