Séance du
vendredi 10 octobre 2008 à
17h
56e
législature -
3e
année -
12e
session -
70e
séance
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.
Assistent à la séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, David Hiler et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Annonces et dépôts
Néant.
La présidente. Nous avons appris avec peine le décès de M. Louis Ducor, député dans notre Grand Conseil de 1981 à 1982, sur les bancs du parti radical. Après quelques mois au sein de notre parlement, M. Louis Ducor fut appelé à présider les Services industriels de Genève pendant quatorze ans, jusqu'en 1996.
Il fut également président du parti radical de 1978 à 1982 et président des Ports Francs et Entrepôts de Genève de 2003 à 2005.
A sa femme et aux membres de sa famille, nous exprimons toute notre sympathie dans ce moment de douleur.
Pour honorer sa mémoire, je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, d'observer un instant de silence. (L'assemblée se lève et observe un moment de silence.)
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Robert Cramer, Charles Beer, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Sébastien Brunny, Philippe Guénat, Virginie Keller, Eric Leyvraz, Jean Rossiaud, Louis Serex et René Stalder, députés.
Interpellations urgentes écrites
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:
Interpellation urgente écrite de M. Andreas Meister : Quel avenir pour les parasols chauffants à Genève ? (IUE-645)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : DCTI - Y a-t-il un pilote à bord ? (IUE-646)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Hôpital des Enfants la sécurité n'est plus assurée ! (IUE-647)
Interpellation urgente écrite de M. Thierry Cerutti : l'Omertà règne-t-il en maître dans les institutions publiques ? (IUE-648)
Interpellation urgente écrite de M. Jean-Claude Ducrot : A quand l'entrée en vigueur des Accords de Schengen ? (IUE-649)
Interpellation urgente écrite de M. Alberto Velasco : Immeuble à coursives du 28, route des Franchises (IUE-650)
Interpellation urgente écrite de M. Alain Charbonnier : Une passerelle toute neuve, sans accessibilité pour les personnes à mobilité réduite (IUE-651)
Interpellation urgente écrite de M. Antoine Bertschy : O.C.E : Une communication déficiente crée des indigents (IUE-652)
Interpellation urgente écrite de M. Pierre Weiss : Comment le Conseil d'Etat va t-il lutter contre le triplement des impôts pour les entreprises ? (IUE-653)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Ecole enfantine de Cressy, les enfants sont-ils en danger ? (IUE-654)
Interpellation urgente écrite de M. Alain Charbonnier : Versoix ou le non-respect du droit dans la délivrance d'une autorisation de construire : une exception ou une pratique courant du DCTI ? (IUE-655)
Interpellation urgente écrite de Mme Véronique Pürro : Arrivée d'Aldi à Genève : le canton doit être vigilant (IUE-656)
Interpellation urgente écrite de Mme Véronique Pürro : L'inspectorat cantonal des chantiers va-t-il disparaître ? (IUE-657)
IUE 645 IUE 646 IUE 647 IUE 648 IUE 649 IUE 650 IUE 651 IUE 652 IUE 653 IUE 654 IUE 655 IUE 656 IUE 657
La présidente. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante.
Premier débat
La présidente. Monsieur Jornot, vous avez sans doute quelque chose à ajouter à votre rapport. Je vous cède la parole.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, vous vous souvenez que le peuple suisse a accepté le 24 février 2008 une loi sur la réforme de l'imposition des entreprises. Le peuple genevois a fait de même. Il s'agit aujourd'hui de mettre en oeuvre cette réforme fédérale dans notre canton.
A vrai dire, il s'agit peut-être même d'un peu plus que cela puisque ce projet contient également des adaptations qui résultent d'une loi fédérale antérieure, qui date de 2006, et qui, jusqu'à maintenant, n'avait pas été mise en oeuvre dans notre législation.
Alors, de quoi s'agit-il ? Il est question de onze mesures: si certaines sont extrêmement techniques, d'autres sont plus immédiatement accessibles. Et puis, il y a en a une qui est polémique, c'est celle qui concerne l'atténuation de la double imposition que le Conseil d'Etat prévoit de faire entrer en vigueur le 1er janvier 2009. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi est débattu aujourd'hui en urgence, pour que le vote populaire obligatoire puisse avoir lieu dans un délai raisonnable. Je ne vais pas vous parler des mesures techniques, j'ai eu suffisamment de mal à les décrire dans le rapport et j'invite ceux qui souhaiteraient se délecter avec du droit fiscal de lire les chapitres concernés.
Je vais d'une part vous parler des mesures qui concernent directement les petites et moyennes entreprises - PME - et, d'autre part, de la question qui motive l'existence du rapport de minorité, à savoir l'atténuation de la double imposition.
Les mesures qui concernent directement les PME sont des mesures très attendues qui visent à résoudre un certain nombre de problèmes qui se posent aujourd'hui dans les entreprises, lorsqu'il y a, par exemple, cessation d'activité et taxation immédiate des plus-values réalisées. Lorsqu'il y a succession, vous savez qu'il y a un certain nombre de cas dans lesquels les entrepreneurs n'arrivent tout simplement pas - ou plus exactement leurs héritiers - à assumer la reprise de l'entreprise à cause des impôts qu'ils doivent immédiatement payer. Cela provoque de grandes difficultés et des ventes d'entreprises.
Enfin, il y a parmi ces mesures qui intéressent directement les PME, celle liée à la problématique des bénéfices de liquidation qui survient au moment de la retraite. Le dispositif prévoit de faire en sorte que le capital accumulé par l'entrepreneur au cours de sa vie soit assimilé au rôle qu'il joue vraiment pour lui, c'est-à-dire celui de deuxième pilier. Alors que les salariés thésaurisent au cours de leur vie un capital par le biais de la prévoyance professionnelle, l'entrepreneur, lui, constitue simplement sa retraite par le biais de son entreprise. Et s'il est taxé sur la totalité de ses plus-values au moment où il prend sa retraite, eh bien, on va tout simplement piller ce qu'il avait accumulé pour les beaux jours de sa retraite. Il s'agit donc ici aussi d'une mesure très attendue de la part des petites et moyennes entreprises, que nous pourrons voter, de manière à mettre en oeuvre ce que le législateur fédéral a prévu.
Venons-en à l'objet du litige, à savoir l'atténuation de la double imposition économique. De quoi s'agit-il ? Le fait est qu'aujourd'hui, selon la structure juridique que vous donnez à votre entreprise, vous n'êtes pas imposé de la même façon. Si vous donnez à votre entreprise la forme d'une société, comme le font un très grand nombre d'entrepreneurs, les bénéfices de celle-ci seront imposés. Ensuite, le dividende que la société va distribuer sera imposé une deuxième fois. C'est cela que l'on appelle la double imposition économique et, au final, l'impôt est beaucoup plus élevé que si l'entrepreneur était, par exemple, constitué en raison individuelle et ne devait donc payer des impôts qu'une seule fois, en tant qu'indépendant. C'est une distorsion, qui crée une injustice, parce que cela signifie qu'en fonction du choix que vous faites dans votre organisation vous n'êtes pas taxé de la même manière que votre voisin.
Cela induit des comportements qui sont eux-mêmes gênants. C'est-à-dire que, confronté à cette situation, l'entrepreneur va chercher à réduire le dividende qu'il va verser, au profit du salaire que son entreprise va lui payer en tant qu'employé. Alors, vous me direz que cela résout le problème ! Eh bien non ! Parce que l'administration fiscale viendra dire à l'entrepreneur que le salaire qu'il se verse est excessif et qu'en réalité ce salaire équivaut à une distribution cachée de dividendes. On provoque donc des quiproquos et de la bureaucratie à n'en plus finir sur une question somme toute très simple.
Alors, le législateur fédéral a proposé de résoudre cette question ou plus exactement d'atténuer cette problématique en diminuant l'imposition des dividendes lorsque l'entrepreneur détient ce que l'on appelle une participation qualifiée - c'est-à-dire une part d'au moins 10% de son entreprise. Dans ce cas, les revenus de cette participation ne seront imposés que dans une proportion réduite. La Confédération a fixé l'impôt fédéral à 60% si les droits de participation sont détenus dans la fortune privée et à 50% s'ils sont détenus dans la fortune commerciale.
Avant même que la réforme ne soit votée sur le plan fédéral, les cantons se sont livrés à une âpre concurrence fiscale sur ce taux de réduction. Un certain nombre de cantons, essentiellement alémaniques, ont adopté des taux beaucoup plus bas. D'autres ont été plus raisonnables, c'est le cas par exemple du canton du Valais qui a néanmoins adopté un taux uniforme de 50%, plus favorable que celui de la Confédération. D'autres encore, comme nos voisins vaudois - vous avez pu en prendre connaissance puisqu'il s'agit d'un vote récent - ont adopté des taux un peu plus élevés que le taux de la Confédération, mais ils ont imputé totalement l'impôt sur le capital, ce qui est une autre question dont nous aurons l'occasion de débattre ultérieurement.
Le Conseil d'Etat, lui, nous a proposé de reprendre purement et simplement les taux de la Confédération, respectivement 60% et 50%. Cela correspondait d'ailleurs aux taux qui étaient demandés dans un projet de loi déposé par un certain nombre de députés de l'Entente.
En commission, les débats ont assez rapidement révélé un clivage entre ceux qui estiment qu'il est juste de trouver la solution la plus adéquate qui soit pour les entrepreneurs des petites et moyennes entreprises et ceux qui estiment que toute mesure d'ordre fiscal, quelle qu'elle soit, est un démantèlement de l'Etat social visant à favoriser les plus riches d'entre nous, et caetera, et caetera ! Or, on ne vise pas ici celui qui détient une toute petite part d'une gigantesque multinationale ! C'est donc ce même débat que nous allons en quelque sorte reproduire aujourd'hui et j'espère que cette assemblée se rendra compte que cette réforme n'est pas un cadeau fait à un certain nombre de contribuables, mais la correction d'une injustice dont souffrent un certain nombre de contribuables depuis bien des années.
Cela fait longtemps que tous les pays d'Europe - même la France - ont pris des mesures pour atténuer la double imposition économique. Il est temps que la Suisse le fasse aussi et il est temps, puisque c'est de cela qu'il s'agit maintenant, que le canton de Genève le fasse aussi ! Je vous recommande donc d'entrer en matière sur ce projet de loi.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas refaire tout un laïus sur les mesures qui ont été préconisées dans ce projet de loi et que M. Jornot a décrites tout à l'heure. Les socialistes sont d'accord de réadapter les lois cantonales, compte tenu de ce qui a d'une part été voté par les Chambres fédérales et par le peuple genevois, cette année encore.
Il est vrai que la transmission d'entreprises et le transfert d'immeubles sont contraignants et je crois que nous n'avons pas d'autre choix que de réadapter nos lois dans ce domaine. Par contre, ce à quoi nous nous sommes effectivement opposés, c'est à l'adaptation de la double imposition. C'est, fondamentalement, ce qui nous divise dans cette enclave.
La droite et le Conseil d'Etat vont dans un sens, avec l'adaptation proposée dans ce projet de loi qui prévoit des mesures d'allégements supplémentaires de l'imposition: sont concernés les revenus des participations de la fortune commerciale, les revenus privés provenant des possessions de titres, que ce soit des actions, des parts de sociétés, des bons de participation dans des sociétés. M. Jornot parle de petites et moyennes entreprises, mais ce projet de loi n'exclut pas les grandes entreprises et donc les grandes fortunes ! Ce n'est dit nulle part dans le texte et c'est peut-être un détail pour vous !
M. Jornot l'a aussi dit, mais j'aimerais revenir là-dessus. Cette double imposition n'est pas juridique. Je crois qu'il est bon de le rappeler, on est toujours en présence de deux contribuables. Il y a un contribuable moral - une société - et un contribuable physique - une ou des personnes physiques. On est donc bien dans une vue de mesures économiques et je crois que le discours droite-gauche a sa place dans ce cadre-là !
Vous avez listé les avantages qui résulteraient de ce projet de loi pour les PME et pour certaines personnes physiques à Genève, toutefois vous n'avez pas cité les désavantages de ce projet de loi, et je crois qu'il faut pourtant les rappeler !
Premièrement, ces mesures entraîneront 28 millions de francs de pertes effectives directes dans les revenus de l'Etat. Cela entraînera aussi des diminutions des revenus des communes, diminutions qui n'ont pas été chiffrées. Il y aura aussi des répercussions au niveau de l'AVS, qui perdra des prélèvements qu'elle peut faire actuellement sur certaines parts et certains bénéfices liés aux titres et d'autres éléments cités.
Le credo de la majorité actuelle, c'est de dire que cette diminution de l'imposition des PME et de ces contribuables apportera très rapidement plus de revenus avec l'arrivée d'entreprises et de gros contribuables. Avec ce qui se passe dans le monde boursier et financier depuis environ trois semaines, il faut convenir que ce credo est tout de même aléatoire !
D'autre part, je l'ai relevé hier soir, quand il s'agit de ventes d'immeubles, quand il s'agit de diminuer ou de mettre en cause des prestations publiques et associatives, vous faites tout ce que vous pouvez. Parce que votre priorité, c'est le remboursement de la dette publique, qui devrait selon vous passer avant tout ! Par contre, aujourd'hui, avec ce projet de loi - parce qu'il est question de défiscalisation et d'exonérer des dividendes - vous trouvez que c'est normal ! Vous applaudissez, et la dette n'existe soudainement plus, ou alors on peut l'oublier ! C'est comme ce rêve de la croissance économique éternelle qui est vraiment la base de tout pour vous. Tout ce qui compte pour vous, vos seules vraies valeurs, c'est le flux des capitaux, le regroupement des fortunes et la croissance des entreprises et des privés ! Avec de telles valeurs, dans le système ultralibéral que vous prônez, l'Etat ne parviendra bientôt même plus à égaler une PME ! L'histoire en train de s'écrire montre pourtant que si les entreprises rechignent envers et contre tout à payer des impôts, elles sont bien contente que l'Etat puisse leur venir en aide, sitôt que le système économique est en difficulté ! On est alors bien content que l'Etat ait des revenus pour venir à l'aide!
Alors oui, notre vision est différente. Quand les entreprises apportent des revenus en payant des impôts, c'est aussi ça qui rend possible les prestations publiques. Nous, nous disons que moins l'Etat aura de revenus, moins grande seront la qualité de vie et la sécurité publique, moins il y aura de télécommunications et de prestations sociales. Or c'est ce que prône cette loi ! Les choses qui attirent quand même les entreprises dans ce canton - elles le disent elles-mêmes - sont la qualité de vie et tout ce qu'offre la communauté genevoise.
Alléger la double imposition, c'est aussi privilégier le flux de l'argent au détriment de l'entreprise locale qui est distributive de richesses pour tous. Alléger la double imposition, c'est aussi privilégier l'argent au détriment du travail produit par les employés des entreprises. Voilà votre vision politique... Elle est ce qu'elle est, mais nous considérons qu'elle est rétrograde quand on considère que, dans d'autres pays, les entreprises participent de plus en plus à une redistribution de leurs bénéfices via leurs employés, plutôt que de revendiquer absolument la suppression des impôts.
Nous refusons ce projet de loi tel qu'il est présenté parce qu'il ne veut qu'augmenter les fortunes individuelles et le pouvoir des grandes entreprises... Je ne suis pas sûre que les PME y gagnent quoi que ce soit. Cela se fera au détriment de ce qui est garanti actuellement, c'est-à-dire une qualité de vie, qui est selon nous la meilleure manière d'attirer des richesses dans notre canton. Nous avons donc proposé des amendements et nous en reparlerons tout à l'heure.
La présidente. Tout à fait, nous reparlerons tout à l'heure de vos amendements qui se trouvent à la page 45. La parole est demandée par M. Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je remercie M. Jornot de son excellent rapport. Il y a quelques séances, je ne lui avais pas conseillé de poursuivre une carrière de cuisinier... Avec ce projet de loi, je ne lui conseillerai pas de poursuivre sa carrière en tant que statisticien ! Parce qu'à la page 10 de son rapport, qu'il a mentionné tout à l'heure, il indique que, parmi les trente pays membre de l'OCDE, la Suisse est classée au troisième rang des pays qui taxent les dividendes les plus lourdement... Alors ça, c'est de la déformation visuelle et statistique ! C'est un petit peu comme si un téléspectateur qui aurait regardé la télévision et la retransmission des débats du Grand Conseil sur Léman Bleu hier soir affirmait que les 100% du temps de parole sont accaparés par MM. Jornot et Velasco... C'est ponctuellement exact, mais, si l'on considère cela sur une échelle de temps plus grande, on voit bien que ce n'est pas la réalité ! Et heureusement ! Avec ce projet de loi, c'est la même chose: on se focalise sur la taxation des dividendes, alors qu'en réalité la fiscalité est un ensemble qui regroupe des taxes sur différents revenus et sur différents éléments de fortune. Cela forme un ensemble qui ne situe en tout cas pas la Suisse à une mauvaise place dans un classement sur la fiscalité, ni au niveau européen, ni évidemment au niveau mondial ! A nouveau, il faut se méfier des illusions d'optique ! (Commentaires.)
Sur le même principe, une autre illusion d'optique est utilisée dans cette discussion quand on veut parler de double imposition. On prétend qu'il s'agit d'une double imposition, alors qu'en réalité les propositions qui sont optionnelles dans le cadre de la réforme fédérale de diminution de l'imposition des dividendes visent simplement à encourager les entreprises qui versent des dividendes. Ces mesures visent à monétariser davantage l'économie, cela au détriment de l'économie réelle. Donc, et je parle vraiment en tant que patron de PME, je pense que ce genre de réforme vise simplement à aboutir à une économie basée encore plus sur le fric et non pas sur la réalité économique des entreprises ! C'est fortement dommageable et l'on voit bien où ce genre d'excès nous conduit aujourd'hui.
En plus, avec le fait de posséder 10% d'actions dans une entreprise - et là, on essaie de faire pleurer Margot en évoquant le sort du pauvre patron actionnaire qui verrait ses revenus baisser à cause de la taxation excessive ! - eh bien, en réalité, cette baisse de taxation s'applique à tous les actionnaires ! Pas seulement à ceux qui sont actifs dans l'entreprise ! Donc, on fait simplement ici un cadeau supplémentaire aux actionnaires, prétendument par principe d'égalité, mais cela ne serait pas juste. Comme par hasard, pour les salariés, on ne parle pas de double imposition, on ne leur dit pas que, là, on ne va prendre en compte que 60% de leur revenu pour définir leur imposition. Par contre, pour les actionnaires, on ne prendrait en compte que 60% de leur revenu... C'est assez particulier, comme raisonnement ! C'est en tout cas quelque chose qui est fondamentalement injuste et inéquitable pour les contribuables ! A nouveau, on fait des cadeaux aux plus riches dans notre société... On sait très bien que, de toute façon, de nombreuses PME n'ont même pas les moyens de payer des dividendes, ni d'en verser, ni de faire des bénéfices, même si elles tournent !
En l'occurrence, et c'est même ça qui me dérange le plus, ces 28 millions de francs de recettes fiscales en moins, quelque part ce sont aussi 28 millions de francs en moins pour aider les entreprises genevoises, qui en auraient pourtant besoin ! On donne de l'argent à tout le monde: plus on est riche, plus on reçoit de l'argent en retour - puisque c'est proportionnel au capital et aux dividendes - or ceux qui font très peu de bénéfices n'obtiendront que quelques dizaines de francs, et ce n'est pas ça qui va les aider dans leur entreprise ! Mais surtout, ensuite, les moyens manqueront à l'Etat pour mener des politiques plus actives qui aideront vraiment celles et ceux qui en ont besoin !
Cette proposition est à nouveau une façon de faire du saupoudrage, en essayant de faire plaisir à son électorat ! Après, ma foi, c'est tout le monde qui trinque ! D'ailleurs, Monsieur Jornot, vous évoquez votre projet de loi 10218, et l'on voit bien, une fois de plus, ce qui s'est passé: vous avez là un projet qui coûterait plus de 100 millions de francs à l'Etat, mais, quelque part, vous vous rendez heureusement compte que cela devient tout simplement irréaliste au niveau fiscal, puisque vous revenez à un projet de loi qui, lui au moins, garde des proportions plus raisonnables !
En plus, pour les socialistes, ce qui n'est fondamentalement pas acceptable avec ce projet de loi, c'est qu'il encourage cette concurrence fiscale entre les cantons, un principe totalement invraisemblable dans un Etat comme la Suisse, aussi petit ! Comment pouvons-nous imaginer faire de la concurrence fiscale, avec des impôts moins élevés d'un côté, puis encore moins élevés de l'autre ? Evidemment, dans les autres cantons, on va dire: «Regardez, à Genève ils ont baissé l'impôt sur les entreprises, il va falloir qu'on s'aligne !» Cette concurrence est une destruction permanente de l'Etat, cela sans aucun objectif en lien avec les besoins en ressources que nous avons aujourd'hui: nous avons des investissements importants à faire, nous avons une dette importante à résorber ! Pour cela, il faut des recettes fiscales ! Baissons les impôts, peut-être, mais seulement quand notre situation financière sera assainie. Ce ne sont pas ces 28 millions de francs qui vont changer quelque chose pour l'économie genevoise !
Mesdames et Messieurs les députés, pour toutes ces raisons, je vous invite à refuser ce projet de loi. Bien entendu, le problème est qu'il y a certains éléments obligatoires, car imposés au niveau fédéral. Or, on mélange ici diverses mesures: des mesures fédérales imposées et des mesures optionnelles. Donc, quelque part, si le peuple refuse ce projet de loi, ce qu'il fera j'espère, nous serons dans une situation plus compliquée puisque la partie obligatoire ne pourra pas être mise en oeuvre. Refusons donc ce projet de loi et tentons de conserver des recettes fiscales, là où c'est possible, quand c'est possible !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je rappelle que le temps de parole prévu est de trois fois sept minutes par groupe. Et c'est un membre du Bureau, ici à ma droite, qui chronomètre ! Il n'y a donc pas de traitement de faveur, pour qui que ce soit ! La parole est à M. Alain Meylan.
M. Alain Meylan (L). Le groupe libéral se félicite du résultat des travaux de la commission fiscale qui a tout de suite su prendre ses responsabilités par rapport à une votation fédérale et, ainsi, permettre à ce parlement et au peuple d'intégrer le plus rapidement possible dans la législation cantonale ce que le peuple suisse souhaite. Nous sommes donc totalement satisfaits des travaux de cette commission, à l'exception peut-être de la question de l'imputation de l'impôt sur le capital, qui a temporairement été mise de côté pour des raisons évidentes de structure et la nécessité d'aller vite dans ce dossier.
J'ai entendu le groupe socialiste qui compte rejeter complètement ce projet de loi pour lequel, comme on l'a vu dans le débat fédéral, la discussion a essentiellement porté sur la double imposition. C'est véritablement un débat politique et nous prendrons acte de la décision politique plus tard. Pourtant, si les 95% de ce projet de loi que forment les autres mesures proposées ont une portée fiscale moindre, ce sont toutefois des mesures absolument nécessaires pour les petites et moyennes entreprises, puisqu'elles leur donneront le moyen de fonctionner, d'être transmises et d'éviter la thésaurisation de l'argent pour des raisons fiscales. A ce stade, je pense qu'il est utile de rappeler une phrase de M. le conseiller fédéral Merz, à l'époque du débat fédéral. Il disait: «La réforme de l'imposition des entreprises est conçue avant tout pour les PME. La loi crée des incitations positives pour ces entreprises quant à leurs choix en matière d'investissements, en éliminant des entraves qui gênent leur évolution et allègent leurs charges.» On est bien là dans le coeur du sujet, et cette réforme a en définitive deux buts: d'une part, elle doit réduire de manière ciblée la charge fiscale des PME et des investisseurs qui mettent du capital-risque à disposition des entreprises; d'autre part, elle doit améliorer la justice fiscale, entre les sociétés de capitaux et les sociétés de personnes.
Les trois grands axes sont faciles à résumer. Il s'agit de renforcer les PME, donc l'emploi - je vois que tout le monde n'est pas d'accord, notamment les partis de gauche. Il s'agit de supprimer des entraves, de favoriser les investissements et, par là-même, de créer des emplois. Bien sûr, et là on est peut-être aussi dans le côté polémique de ce projet de loi, le principe de la limitation de la double imposition permettra à la gauche de l'échiquier politique de reprendre son éternelle rengaine, avec les mêmes arguments, toujours et encore. Une fois de plus, la gauche agit à l'encontre des intérêts de sa propre base.
Le projet, dont ne profiteront que les PME - et non les grandes entreprises et les gros actionnaires - est aussi dans l'intérêt des travailleurs de notre canton. La réforme entraînera une augmentation des investissements, ce qui créera de la croissance et contribuera au maintien des emplois existants et à la création de nouveaux emplois. N'oublions pas que les PME occupent deux tiers des personnes actives dans notre canton; elles jouent également un rôle essentiel en matière de places d'apprentissage puisqu'elles forment 80% des apprentis du canton. Actuellement, les PME sont particulièrement défavorisées sur le plan fiscal, raison pour laquelle il est primordial que cette réforme de l'imposition dégrève les petites et moyennes entreprises.
Le désavantage fiscal qui frappe actuellement les PME est en fait assez simple: d'abord, les bénéfices réalisés sont imposés au niveau de l'entreprise, puis les bénéfices distribués - donc les mêmes francs déjà imposés ! - sont une nouvelle fois grevés au niveau du propriétaire de l'entreprise. D'où la double imposition déjà mentionnée. Donc, on taxe deux fois le même revenu ! Par ailleurs, les entreprises doivent aujourd'hui s'acquitter d'un impôt sur le capital, perçu sur les fonds propres, même lorsqu'elles subissent des pertes.
De plus, de nombreuses réglementations fiscales entravent la restructuration des petites et moyennes entreprises. Je pense en l'occurrence aux réglementations sur les liquidations, les remplois et les participations, aux questions liées à l'estimation des titres détenus dans la fortune commerciale, aux transferts d'immeubles ou encore à l'imposition des réserves latentes en cas de partage et de succession. Autant d'obstacles que la réforme supprime ou règle différemment.
Enfin, les travailleurs profiteront directement de la réforme, puisqu'elle favorise la prospérité de l'économie dont ils sont également tributaires en augmentant la sécurité de l'emploi. Au final, la prospérité de l'économie est la meilleure assurance contre le chômage. Le groupe libéral soutient dès lors ce projet de loi, véritable bol d'air pour la croissance et donc l'emploi.
La présidente. Sont encore inscrits: M. Renaud Gautier, M. Roger Golay, Mme Michèle Ducret, M. Gilbert Catelain, M. Claude Jeanneret, Mme Michèle Künzler, M. Roger Deneys, M. Michel Forni et M. Alberto Velasco. Le Bureau décide de clore la liste des intervenants. La parole est à M. Renaud Gautier.
M. Renaud Gautier (L). Madame la présidente, j'ai eu tout à l'heure l'occasion de parler du sens de l'école avec quelques membres de cette auguste assemblée. Le sens de l'école, c'est, entre autres, la problématique de la socialisation. Comment se fait la socialisation ? On raconte aux enfants de belles histoires qui leur permettent de se situer par rapport à celles-ci. L'une des plus jolies histoires qui courent maintenant depuis tellement longtemps s'appelle «L'apologie du Grand Soir». Elle postule que tout ira mieux le jour où plus personne ne gagnera de l'argent puisque l'Etat redistribuera tout ! C'est une très belle histoire, mais, comme pour la Belle au bois dormant et les autres histoires, il faut regarder ce qu'il y a derrière.
Si l'on veut fiscaliser à outrance - dans le fond, pourquoi pas ? - encore faut-il qu'il y ait quelque chose à fiscaliser. Or, on ne peut pas fiscaliser ce qui n'est pas fiscalisable ! Augmenter les impôts sans fin, les gens diront: «Je ne vais plus travailler puisque l'Etat va m'entretenir.» Va donc se poser le problème de savoir comment remplir la hotte du père Noël ou le panier du Chaperon rouge, en entretenant celui-ci et celui-là, en augmentant la fiscalité sur des objets qui n'a plus lieu d'être. Or, ce que nous avons entendu tout à l'heure de l'excellent blogueur de la «Tribune de Genève», c'est bien qu'il ne faut pas baisser la fiscalité parce qu'on a tellement de choses à faire. Augmentons-la, alors ! Mais lorsque plus personne ne paiera d'impôts, qui paiera l'entretien de celui-ci ou de celui-là ?
Je rappelle juste, indépendamment du résumé admirablement brossé par M. Jornot, que 20% de la population genevoise ne paient déjà pas d'impôts, tout en profitant des largesses que nous faisons ici ou là, qu'il s'agisse des écoles, des routes ou autre chose. Il est donc grand temps - puisque l'Etat a de considérables besoins - de favoriser les entreprises et la création de celles-ci - on aura l'occasion d'y revenir tout à l'heure. Il faut faire en sorte que ces entreprises gagnent beaucoup d'argent, comme ça nous pourrons, grâce à une fiscalité modérée, exaucer tous les souhaits de M. Deneys !
Toutefois, en l'état, comme nous ne sommes pas dans la rêverie, mais dans la réalité, le projet de loi tel qu'il nous est présenté est absolument nécessaire si vous ne voulez pas que la transmission de toutes les petites entreprises soit simplement impossible du fait d'une fiscalité dissuasive.
Mesdames et Messieurs les députés, si vous voulez que l'Etat dépense beaucoup, ayez beaucoup d'entreprises et soutenez le projet tel que défendu par M. Jornot !
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous allons refuser ce projet de loi en raison des articles 3B et 6 relatifs à ces allégements fiscaux, notamment sur les dividendes. (Brouhaha.)
Je pense que nous avons aujourd'hui une grande responsabilité, avant de continuer à toujours vouloir baisser la fiscalité dans le canton. Cette responsabilité est de réduire la dette. C'est notre principal souci. Ça a aussi été l'un des arguments que vous avez avancés dans vos textes et vos programmes électoraux. Vous avez tous, en tout cas à droite, dénoncé cette dette qui est trop importante. Cependant, je constate en tant que membre de la commission fiscale que vous ne faites absolument rien pour la réduire aujourd'hui. Et si celle-ci a déjà été réduite, c'est en partie grâce aux transferts d'actifs et à la bonne conjoncture économique. Mais rien n'est venu de votre propre initiative, vous ne faites absolument rien pour réduire cette dette !
Aujourd'hui, on parle de 28 millions de francs. C'est clair que ce n'est pas grand-chose, mais c'est toujours ça. Si l'on regarde ce qui s'est passé avec les transferts d'actifs, cette diminution de la dette de quasiment 2 milliards de francs depuis le début de la législature représente une économie par jour de 100 000 francs d'intérêts à payer ! Nous devons persévérer pour réduire cette dette et tenter de la ramener à 6 ou 7 milliards de francs pour être plus ou moins conforme à la situation des autres cantons.
Nous ne soutiendrons donc pas ce projet de loi, nous sommes opposés à cette diminution des recettes fiscales de 28 millions de francs. Nous avons précisément la responsabilité de réduire la dette, c'est le voeu du Mouvement Citoyens Genevois, et il respecte ses engagements électoraux.
Mme Michèle Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, moi je ne vois qu'une chose dans ce débat, c'est que le peuple suisse a largement, par son vote, approuvé cette loi sur la réforme II de l'imposition des entreprises et le peuple genevois l'a aussi votée très largement. Par conséquent, quand le peuple se prononce, eh bien on suit sa volonté ! Et tous ceux qui ici chérissent la démocratie m'approuveront. La volonté du peuple était de favoriser les transmissions d'entreprises, que ce soit à la suite de successions ou simplement pour aider les entrepreneurs à céder leur entreprise, et il y avait toute une série de facilitation pour eux, de façon qu'ils puissent transmettre leur entreprise sans y laisser trop de plumes. Par conséquent, nous estimons que ces allégements qui leur sont proposés sont tout à fait acceptables et nous les approuverons, bien entendu.
En ce qui concerne la double imposition, je crois que ceux qui sont encore à parler de double imposition et à discuter de la nature exacte de la double imposition, moi je ne vois qu'une seule chose: c'est toujours le même argent qui est imposé deux fois. Que ce soit pour des personnes morales ou pour des personnes physique, c'est quand même le même argent. Par conséquent, il y a double imposition et je crois que ce phénomène est combattu dans la plupart des pays du monde et également dans les cantons suisses.
Alors, nous acceptons volontiers aussi cet allégement de la double imposition économique. Et puis, naturellement, nous voterons contre les amendements proposés par Mme le rapporteur de minorité, parce que ces derniers reviendraient à vider totalement le projet de loi de sa substance. C'est leur but, naturellement ! Nous les refuserons par conséquent !
M. Gilbert Catelain (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi du Conseil d'Etat entre parfaitement dans la cible de la politique économique de l'UDC qui prévoit notamment de baisser les impôts et les taxes pour laisser respirer l'économie, de réhabiliter l'apprentissage, de renforcer les HES, de sauver le secret bancaire, de défendre la Genève internationale, respectivement de vendre Genève efficacement.
A ce jour, les entreprises genevoises subissent la fiscalité la plus lourde de Suisse, à l'exception peut-être des Grisons: elle pratique en outre un taux d'imposition fortement progressif, pénalisant les entreprises performantes; les entreprises participent aux recettes de l'Etat à raison de plus d'un milliard de francs. Elles n'ont jamais été aussi performantes en matière de production fiscale et nous devons, dans un premier temps, les féliciter pour leurs contributions à ces recettes fiscales et les inciter à poursuivre cet effort.
Donc, les 28 millions de francs de perte fiscale brandis par la gauche pour refuser ce projet de loi comparés au milliard de francs de recettes fiscales générés par les entreprises... Vous faites une petite règle de trois, cela représente 0,3% ! Franchement, l'enjeu du débat, il est là ! Est-ce que nous sommes prêts à perdre quelque chose, peut-être temporairement, voire pas du tout, parce que la perte n'est qu'hypothétique, et gagner un milliard de francs ? C'est ça l'enjeu de ce projet de loi !
Ce projet de loi du Conseil d'Etat présente l'avantage de rétablir davantage d'équité fiscale, ce qui devrait plaire à l'ensemble de nos collègues de gauche... Il permet aussi d'accroître la confiance des entrepreneurs, ce qui n'est pas pour déplaire, dans les circonstances de crise financière que nous vivons aujourd'hui. Et ça permet surtout de vendre efficacement Genève à l'extérieur et, partant, d'accroître les recettes fiscales liées aux entreprises.
Ce projet de loi, on peut le dire, a peu d'incidence sur les comptes de l'Etat de Genève, mais beaucoup pour les PME. Ce projet de loi est bon pour l'économie, il est bon pour l'emploi: le groupe UDC le soutiendra sans réserve.
M. Claude Jeanneret (MCG). On a là une nouvelle loi qui nous propose une diminution d'impôts. C'est un peu gênant. Bon, il y a une diminution d'imposition qui vient de la votation fédérale, mais on n'avait pas besoin d'aller jusqu'à y inclure les dividendes. Ce n'était pas nécessaire et je vous assure que la question des dividendes n'intéresse absolument pas les PME; on ne va faire bénéficier de ces mesures que les très grosses entreprises.
Je vous dirai que ce qui est beaucoup plus important pour Genève, c'est d'avoir du travail. J'en parle en connaissance de cause, parce que j'ai quand même des clients dans la branche ! Alors, bien sûr, on a des très grosses entreprises multinationales qui - tant mieux pour notre grand argentier - paient de gros impôts à Genève, mais on devrait avant tout faire travailler Genève.
Alors, on en revient toujours à ce problème, l'éternel problème, celui de ne pas être à même de loger les gens qui travaillent chez nous. Si demain, on construit 10 000 ou 20 000 appartements à Genève, au lieu d'avoir 20 000 frontaliers on aura 20 000 résidents de plus. Cela rapporterait beaucoup plus que ces quelques millions que l'on veut supprimer sur les recettes fiscales et ça nous permettrait peut-être de reconsidérer certaines impositions ! Parmi les PME, il y en a beaucoup qui travaillent dans le bâtiment, et quand ces entreprises ont du travail ça ne les gêne pas du tout de payer des impôts ! Ce ne sont pas les impôts qui gênent les petits entrepreneurs ! Ce qui les gêne, c'est de ne pas avoir de travail et de ne pas pouvoir être payés !
Je suis navré, mais cette loi devrait être renvoyée en commission. Parce que, d'avoir parlé des dividendes alors que jamais il n'en a été question dans la loi fédérale, je trouve que c'est une attaque contre la petite entreprise. Ça ne bénéficie qu'aux grosses entreprises ! Je demande donc que cette loi soit renvoyée à la commission fiscale pour qu'on révise cette loi dans le sens obligatoire uniquement, sans étendre aux dividendes les mesures à prendre ! (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. Vous venez de demander très formellement que cet objet soit renvoyé en commission. Nous allons donc ouvrir la discussion sur ce renvoi, ce qui signifie une intervention de trois minutes par groupe. Uniquement sur le renvoi en commission !
Auparavant, nous devons prélever une copie de la liste - close - des personnes qui étaient inscrites pour le premier débat. Donnez-nous juste un instant, afin que M. Thorens puisse effectuer cette copie... Voilà, c'est fait. Vous pouvez maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, vous inscrire - à raison d'un intervenant par groupe, plus les rapporteurs, évidemment - pour vous exprimer sur le renvoi en commission. Je donne la parole au rapporteur de majorité.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur Jeanneret, on n'est pas dans le même film ! Tout le débat de la loi fédérale - tout le débat ! - a porté exclusivement, lors du référendum, sur la question de l'atténuation de la double imposition économique. Les partis qui ont lancé le référendum n'attaquaient que ce point, et si vous reprenez les médias, on n'a parlé que de ça !
Venir nous dire aujourd'hui que ce n'était pas l'objet du débat, que ce n'était pas dans la loi fédérale, c'est tout simplement faux. Au contraire, c'est précisément sur cette base que le peuple suisse a voté et qu'il a accepté cette loi, le peuple genevois aussi.
Cela signifie que toute personne respectueuse de la volonté populaire doit au moins accepter d'offrir au peuple la possibilité de confirmer ou d'infirmer son vote, en lui proposant une loi qui atténue la double imposition économique. Nous avons le référendum obligatoire en matière fiscale, nous n'avons donc aucun scrupule. Même vous qui êtes opposés à cette mesure, vous devez accepter d'offrir à la population la possibilité de confirmer ou d'infirmer son choix !
Faut-il renvoyer en commission ? Monsieur Jeanneret, si vous aviez lu le rapport attentivement, vous auriez constaté que Mme Schneider Hausser a proposé trois fois - trois fois ! - à la commission de voter sur un amendement visant à supprimer l'atténuation de la double imposition économique. Je ne dis pas que nous avons fait trois fois le débat, peut-être deux fois, mais ça signifie en tout cas que nous avons largement débattu de cet objet. M. Deneys a longuement pu nous tenir le discours qu'il nous a tenu tout à l'heure et ça signifie que la commission, si elle devait revoter, revoterait très probablement exactement la même chose !
Alors, je vous propose de ne pas renvoyer cet objet en commission. Poursuivons le débat, votons, décidons ce que nous faisons de l'amendement de la minorité et, in fine, c'est le peuple qui tranchera, dans le cadre du référendum obligatoire.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. La parole est à Mme la rapporteure de minorité.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Pour contredire M. Jornot, s'il est vrai que lors du vote une partie du débat portait sur la double imposition économique, il y avait quand même beaucoup d'autres points. Les gens y ont été sensibles aussi. Je pense à la liquidation partielle indirecte, sans entrer dans les détails. Beaucoup d'autres mesures relatives aux entreprises faisaient partie de ce train de mesures et ont pesé de leur poids dans la votation. Je crois qu'on ne peut pas attribuer uniquement à la question de la double imposition l'acceptation à 52% de l'objet soumis lors de la dernière votation.
Cela dit, nous avons eu l'occasion de discuter plusieurs fois de cette double imposition en commission. Il est vrai qu'encore aujourd'hui, ici, dans cette assemblée, il sera possible de voter sur les amendements proposés au sujet de la double imposition. J'estime, pour l'instant, au stade où nous en sommes, qu'il n'est pas nécessaire de renvoyer en commission.
Il me semble que le vote d'aujourd'hui sera éminemment politique et portera sur une conception de l'économie et de la communauté au niveau cantonal. Il s'agit d'une communauté dont les intérêts ne sont pas seulement financiers, d'une communauté qui repose aussi sur l'entraide. Il faut se demander ce qui, au niveau cantonal, fait la richesse de ce canton et, pour ma part, je pense que la richesse de ce dernier n'est pas uniquement financière et liée aux bénéfices que réalisent et accumulent des individus.
M. Michel Forni (PDC). Le groupe démocrate-chrétien n'interviendra pas en faveur de ce renvoi en commission. Nous avons ce soir lourdement disséqué ce projet qui est, il faut le dire, l'objet et la résultante d'une votation populaire. Nous avons compris qu'il y a une neutralité et, dans ce contexte, il ne faut pas réanimer des idées fallacieuses ou qui reposent sur des principes économiques insuffisants. Nous entendons ouvertement dire non à cette stratégie qui bloque quelque chose dont l'application, pour nous, est importante, puisque sa résultante est d'offrir du travail, de la compétitivité, c'est-à-dire de participer à une forme qui permet aux familles de travailler et de survivre correctement à Genève.
D'autre part, dans le même sens de cette compétitivité économique, cette loi permet à Genève de se manifester. Aussi, nous n'accepterons pas cette stratégie du renvoi en commission.
M. Roger Deneys (S). Comme l'a dit la rapporteure de minorité, le débat a déjà eu lieu en commission. Les deux éléments principaux qui font que l'on pourrait éventuellement s'opposer à ces lois sont la double imposition et la concurrence fiscale entre les cantons, point sur lequel nous n'avons pas une totale liberté de manoeuvre puisqu'il dépend aussi des autres cantons. Toutefois, fondamentalement, le débat a déjà eu lieu et les amendements ont été déposés par le groupe socialiste.
Je ne vois pas ce que le renvoi à la commission fiscale amènera de plus. Franchement, par souci d'efficacité, une fois n'est pas coutume dans ce parlement, allons jusqu'au bout du débat ! (Commentaires.)
Mme Michèle Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, voilà un projet qui a été traité de façon exemplaire; qui a été présenté extrêmement rapidement par le Conseil d'Etat; qui a été traité extrêmement rapidement par la commission fiscale qui l'a étudié dans tous ses détails. Franchement, je vois mal que l'on change d'avis en commission, comme cela a été dit, d'ailleurs, par les précédentes personnes qui se sont exprimées.
Cette procrastination me fait un peu peur, car je crois que, pour une fois qu'on traite rapidement un projet, nous avons à le voter maintenant et à le soumettre au peuple le plus rapidement possible. Nous refusons donc le renvoi en commission, naturellement.
M. Alain Meylan (L). Juste pour dire que le groupe libéral s'opposera évidemment à cette demande de renvoi en commission, pour les raisons qui ont déjà été évoquées longuement ici auparavant, dans la mesure où le débat a eu lieu: non seulement sur le plan fédéral, mais sur le plan cantonal aussi. C'est pratiquement du copier-coller de ce qui a été voté sur le plan fédéral ! Je dirai même plus: c'est du copier-coller de ce qui a été voté il y a deux ou trois ans sur le plan fédéral ! Il y a donc urgence à traiter ce projet de loi, de façon que les dispositions de la réforme I de l'imposition des entreprises et de la réforme II entrent effectivement en vigueur dans notre canton.
Le groupe libéral, précisément par souci de faire avancer ce qui était le coeur de ce débat et l'aspect important pour les PME, a volontairement laissé de côté la question d'une discussion ultérieure - sur un autre projet de loi, sur l'imputation de l'impôt sur le capital - de façon à avancer rapidement avec ce projet de loi. Le groupe libéral ne soutiendra pas ce renvoi en commission.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Simplement, je veux dire que le tour de la question a été effectué en commission et que les Verts s'opposeront au renvoi en commission.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC se ralliera aux explications données par le rapporteur de majorité et il entend saisir cette occasion pour dire que, finalement, la politique que mène le Conseil d'Etat pendant cette législature va dans le bon sens, les indicateurs économiques en attestent et le taux de chômage a fortement diminué. (Brouhaha.) Raison pour laquelle il n'y a aucune raison de mettre en doute l'efficacité de ce projet de loi.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10247 à la commission fiscale est rejeté par 57 non contre 7 oui.
La présidente. Nous revenons au débat. Sont encore inscrits: Mme Michèle Künzler, M. Roger Deneys, M. Michel Forni, M. Alberto Velasco, les deux rapporteurs et, enfin, M. le conseiller d'Etat David Hiler. La parole est à Mme Michèle Künzler.
Mme Michèle Künzler (Ve). Il a dans ce débat beaucoup d'aspects idéologiques et dogmatiques. En fait, on nous chante toujours la même chanson: baissons les impôts, ça fera venir les entreprises... Ce qu'il faudrait vraiment faire, c'est clarifier le système ! La dernière fois, en commission fiscale, nous avons pu nous rendre compte de certaines difficultés et complications de la loi fiscale sur les entreprises. C'est là qu'il faudrait agir !
Sur ce projet de loi, nous avons dit en commission que nous nous abstiendrions: une partie des éléments contenus dans ce projet sont tout à fait acceptables, nous en avons combattu d'autres parties au niveau fédéral. Toutefois, nous estimons qu'il est normal, puisque le peuple suisse et le peuple genevois ont accepté cette loi, qu'on puisse maintenant à Genève se prononcer sur une proposition concrète. Il faudra passer par là et il est clair que c'est à nouveau une perte fiscale supplémentaire qui est proposée.
De plus, on ne va pas vers une clarification du système: on le complique en grignotant par-ci par-là des arrangements.... Chaque fois, il s'agit de complications supplémentaires introduites dans la fiscalité. Je souhaite vraiment qu'à Genève nous abordions ce chantier, pour aboutir à une meilleure lisibilité de la fiscalité des entreprises - et celle des personnes physiques aussi d'ailleurs. Il faut que ce soit beaucoup plus lisible et plus compréhensible pour tout un chacun, parce que c'est aussi de cette manière que nous rendrons la fiscalité genevoise plus attrayante, même si elle l'est déjà - et bien plus qu'en beaucoup d'endroits de ce monde ! Simplement, à force de compliquer la fiscalité ou de la rendre moins lisible, on ne se fait pas une bonne publicité !
M. Roger Deneys (S). Je vais commencer mon intervention en reprenant les propos tenus par Mme Ducret tout à l'heure. Vous avez dit que cet objet avait été accepté largement en votation populaire au mois de février dernier. J'ai vu les chiffres: il a été accepté à 50,5% au niveau fédéral, c'est-à-dire avec une différence de 20 000 votants. Je ne sais pas si vous avez utilisé les mêmes lunettes que M. Jornot quand il fait des statistiques ! En tout cas, j'aimerais bien que vous m'expliquiez ce que vous entendez par «largement» pour un objet est accepté à 52,5% à Genève. Je ne vois pas ça de la même façon. Pour moi, c'est un objet accepté de justesse !
On peut d'ailleurs relever le fait que, dans cette campagne, le Conseil d'Etat genevois a brillé par son absence. En l'occurrence, s'il s'était engagé comme d'autres conseillers d'Etat en Suisse romande, comme certains conseillers d'Etat vaudois et neuchâtelois, qui se sont battus contre ces propositions qui amoindrissent les recettes fiscales des cantons, eh bien, peut-être aurait-on trouvé ces 20 000 voix à Genève ! Le sort de cette loi aurait alors été complètement différent, Madame Ducret. En ce qui me concerne, je ne vois aucun blanc-seing pour aller de l'avant dans cette voie, avec un tel résultat.
Pour le reste, j'aimerais rappeler - c'est aussi à M. Gautier que je m'adresse - que ce n'est pas une baisse de recettes fiscales de 28 millions de francs qui va relancer la création d'entreprises ! L'effet sur la création d'entreprises sera nul. Cette mesure améliore seulement la situation financière des entreprises qui sont déjà les plus florissantes. C'est un cadeau de plus pour celles et ceux qui sont rentiers. C'est une accentuation des bénéfices des rentiers au détriment de ceux qui travaillent ! On taxe tous les revenus de ceux qui sont salariés, mais on ne taxe pas tous les revenus de ceux qui sont rentiers, et cela est totalement inacceptable pour les socialistes !
Mesdames et Messieurs les députés, ces 28 millions de francs auront clairement des conséquences concrètes pour tous les citoyens et tous les entrepreneurs de ce canton. Parce que qui dit 28 millions de francs de recettes fiscales en moins dit diminution des prestations fournies par l'Etat ou facturation de ces prestations: c'est au quotidien que les petits entrepreneurs payeront ces 28 millions de francs, cadeau fait aux plus riches !
Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a aucune raison d'aller de l'avant aujourd'hui. En plus, le contexte fait qu'il est ici question de 28 millions de francs, dans un contexte où les libéraux ont proposé un projet de loi demandant une réduction des recettes fiscales d'un milliard de francs ! Et il y en a encore d'autres, de projets de lois qui proposent d'ôter à l'Etat 100 millions de francs par-ci et 50 millions de francs par-là !
Il faut avoir une vision d'ensemble, Mesdames et Messieurs les députés ! Car, sans vision d'ensemble, nous ne voyons pas vers quelle catastrophe nous poussons le canton de Genève, en acceptant ces réformes les unes après les autres. C'est la politique du salami et c'est une catastrophe ! Bientôt, on n'aura même plus ne serait-ce que du cervelas ! (Commentaires.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est... (Commentaires.) Que se passe-t-il ? (Remarque.) La parole est à M. Michel Forni, pour le groupe démocrate-chrétien.
M. Michel Forni (PDC). Cela semble ressortir clairement de chaque intervention ce soir: chaque groupe a sa propre politique économique dans ce contexte particulier, s'adressant à des entreprises, que ce soient des PME ou des entreprises plus grandes. Toutefois, ce soir nous parlons bien des PME ! Quels sont leurs points forts ? C'est leur attractivité, leur efficience et leur compétitivité qui courent des risques pour l'avenir, et ces éléments-là sont malheureusement indiscutables.
Le deuxième élément, c'est la fiscalité. Je rejoins parfaitement Mme Künzler: il est extrêmement difficile d'avoir une lisibilité, une traçabilité, une politique claire qui peut toucher de manière égale chaque entreprise. J'ai entendu M. Deneys qui travaille dans une PME; moi je travaille dans une autre forme de PME et les risques, la problématique que vous décrivez, sont les mêmes. Il est évident que si l'on veut maintenir une activité, à part le climat, à part l'efficience, comme je l'ai dit, il y a aussi ce qui permet d'y contribuer, c'est-à-dire les cofacteurs. Et ce projet de loi offre des cofacteurs, même si, comme vous l'avez dit, il y a 28 millions de francs en moins. Toutefois, prenons en compte qu'il y a aussi des millions qui rentrent en certains endroits. Nous ne sommes pas ici dans une politique de bonus-malus. Je le répète, nous avons là une politique qui doit permettre à des entreprises de rester dans un terrain concurrentiel et offrir directement - ou indirectement - du travail à des familles, des places d'apprentissages à des jeunes et la capacité à notre république de rester compétitive.
C'est la raison pour laquelle je maintiens qu'il est important d'aller de l'avant, grâce à ce projet de loi du Conseil d'Etat.
M. Alberto Velasco (S). J'ai participé aux travaux liés à ce projet de loi pendant quelques séances seulement, parce que je ne suis pas membre de cette commission. Le rapporteur de majorité dit que le débat porte sur la double imposition. Il a raison quant à la portée du débat, mais je trouve qu'intellectuellement cette proposition est une arnaque ! En fait, il n'y a pas de double imposition ! D'abord, en imposant une entreprise, c'est une personne morale qu'on impose. En tant que telle, une personne morale est redevable de l'impôt, comme toute personne. Ensuite, effectivement, les détenteurs des actions de l'entreprise, qu'elle soit petite ou moyenne, sont rétribués sur le capital investi et, à ce titre, il est logique, s'agissant d'un revenu, que ceux-ci paient un impôt dessus. On ne peut donc pas dire qu'il y a double ou simple imposition.
De par leur statut de personnes morales, les entreprises sont aussi protégées et soutenues par l'Etat. J'en veux pour preuve ce qui se passe ces derniers jours: vous avez vu que l'Etat est prêt à mettre la main à la poche pour aider des pans entiers de l'économie privée !
Les libéraux nous disent qu'il faut appliquer cette mesure parce que le peuple l'a votée, parce que cette mesure permettrait aux entreprises de relancer l'économie, d'être plus efficaces, d'être plus compétitives... Enfin, on peut tout de même débattre de la pertinence de cette mesure et je considère comme normal que toute personne morale, active économiquement et qui réalise des gains, participe aussi à pourvoir le trésor public !
Ensuite, ce qui est important pour ces entreprises, c'est que l'Etat puisse intervenir par des aides pour sortir celles-ci de situations problématiques, quand elles sont en difficulté. Surtout dans les périodes difficiles comme celle que nous vivons maintenant, l'Etat doit pouvoir engager des investissements importants; pour faire des travaux, par exemple. Et comment voulez-vous solliciter l'Etat aujourd'hui, dans de tels moments, quand, année après année, on restreint ses moyens d'action ? Ça, vraiment, ce n'est pas possible et c'est pourtant vers quoi votre politique tend ! D'ailleurs, le débat au niveau national portait là-dessus.
M. Renaud Gautier a souligné que les 20% de la population de ce canton ne payaient pas d'impôts, et il l'a dit de manière péjorative. Excusez-moi, mais nous devrions peut-être tous avoir honte de cette situation ! Certaines personnes ne payent pas d'impôts; il s'agit peut-être de rentiers dans certains cas, mais, pour une grande partie de ces personnes, c'est parce que leur situation financière s'est dégradée, notre société se paupérisant de plus en plus ! Mesdames et Messieurs les libéraux, moi j'aimerais que tout le monde paie des impôts, que tout le monde puisse avoir les moyens et la dignité d'en payer ! Cela dit, la remarque de M. Gautier est malgré tout fausse. Car cette population qui ne paie pas d'impôts consomme; et lorsqu'elle consomme, elle paie une taxe qui s'appelle la TVA. Par le biais de cet impôt indirect, ces personnes sont aussi contribuables. Il est donc faux de dire que les 20% de la population ne contribuent pas au trésor public !
Pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, l'impôt est en réalité un moyen de redistribuer les richesses - et les entreprises s'y retrouvent !
On nous dit qu'il y a des cantons plus compétitifs que d'autres... C'est bien gentil, mais certains de ces cantons plus compétitifs reçoivent par ailleurs des dizaines de millions de francs d'aide de la part de la Confédération. Ces millions sont soutirés à des cantons comme Genève, qui doit payer 500 millions de francs par année à la Confédération au titre de la péréquation ! Des cantons comme le Valais reçoivent des dizaines de millions de francs d'aide au nom de ce qu'on peut appeler la solidarité entre les cantons, et, eux, se permettent d'abaisser les impôts ! Il y a là une injustice flagrante à laquelle il faudra un jour s'attaquer ! Ce n'est quand même pas normal que nous soyons, disons, «concurrencés» fiscalement par ces cantons qui se disent pauvres et reçoivent à ce titre une part de cet impôt de solidarité ! Il y a là un problème. N'avancez donc pas cet argument de la concurrence fiscale, il n'est pas très joli à entendre !
Le peuple a certes tranché, mais le projet de loi va au-delà de la volonté du peuple et c'est la raison pour laquelle nous avons présenté des amendements.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, on peut, je crois, gloser très longtemps sur les effets économiques d'une mesure fiscale. Je ne reviendrai pas là-dessus, notamment parce que mon collègue Alain Meylan a décrit de manière extrêmement détaillée et pertinente les effets que l'on peut attendre d'une mesure de ce type et, précisément, de cette mesure-là.
Je ne reviendrai pas non plus sur la prétendue perte fiscale, si ce n'est pour vous dire que lorsque l'Etat prélève indûment un impôt, le fait de renoncer à prélever cet impôt indu, parce qu'injuste, parce que double, eh bien, ce n'est pas une perte fiscale! C'est simplement renoncer à perpétuer une injustice.
J'aimerais vous dire qu'on retombe finalement dans une de ces situations dans laquelle nous ne sommes pas d'accord sur la question de base, c'est-à-dire sur l'approche qu'il faut avoir du monde économique, sur la vision qu'il faut avoir des entreprises. Lorsqu'on lit dans le rapport de minorité que «nous avons d'un côté le monde des personnes salariées et, de l'autre, le monde des personnes possédant un capital qui leur rapporte un revenu», j'ai envie de dire à Mme la rapporteure de minorité qu'on pouvait peut-être parler de cette manière à l'époque de Zola, mais qu'aujourd'hui c'est un peu dépassé ! Faire cette opposition entre le monde des salariés et le monde du capital, lorsqu'on parle de PME, c'est-à-dire de boulangers, de garagistes, d'informaticiens, c'est quand même un tout petit peu méprisant pour ces entrepreneurs-là, que d'imaginer qu'ils ne font strictement rien et se gargarisent du matin au soir en regardant leurs employés travailler pour eux ! Ce sont des gens qui triment dans leurs entreprises, ce sont des gens qui travaillent, et le fait qu'ils soient propriétaires de leur entreprise ne doit pas aujourd'hui, dans votre bouche, apparaître comme une forme d'injure.
Je ne suis pas d'accord non plus avec ce discours qui consiste à dire qu'il n'y aurait pas de double imposition. Tout le monde dit qu'il y a une double imposition, cela revient depuis des années dans le débat fiscal suisse ! C'est un fait acquis qu'il y a une double imposition. On peut estimer nécessaire de l'éliminer, comme nous le disons, ou on peut estimer qu'il n'est pas nécessaire de l'éliminer, parce qu'on se réjouit que la même somme soit taxée plusieurs fois, mais il est difficile de nier l'existence de cette double imposition. M. Velasco disait tout à l'heure qu'il est normal qu'une personne morale paie des impôts. Oui ! Ce projet de loi ne modifie absolument pas l'impôt payé par la personne morale: il constate simplement que l'actionnaire qui arrive derrière, lui, ne doit pas être taxé entièrement sur le dividende qu'il reçoit s'il détient une participation qualifiée dans cette entreprise.
Et je peux vous dire que ce n'est pas le régime le plus favorable. Regardez le régime qui est appliqué dans plusieurs pays européens, dans lesquels l'actionnaire peut entièrement déduire de son propre impôt, au franc près, l'impôt qui a été payé par l'entreprise ! Une imputation totale ! Alors, ici, ce n'est pas le régime le plus favorable, mais c'est un régime qui a été choisi par le législateur fédéral et qui est un régime que le peuple a ratifié.
Ça me donne l'occasion de terminer en revenant sur la question du vote populaire. Je crois qu'il n'y a pas de grand «oui» ou de petit «oui», ou encore de «oui» restreint... Ici, il y a eu un «oui» et ce «oui» signifie que cet objet a été accepté par le peuple suisse et par le peuple genevois et, ainsi que de nombreuses personnes l'ont dit dans ce débat, si l'on a confiance dans la maturité de nos concitoyens, eh bien, on doit leur donner la possibilité de confirmer le vote qu'ils ont exprimé en février dernier !
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. A vous entendre, j'en viendrai presque à sortir mon mouchoir: fiscalité la plus lourde de Suisse, difficultés pour les entreprises... Que ce soit dans la presse ou dans les statistiques, on voit que 40 000 emplois ont été créés à Genève ces dernières années et que la fiscalité est dans une conjoncture favorable. Je ne suis pas certaine qu'on soit si mal loti que ça, en tant que PME ou en tant qu'entreprise, en tout cas !
Je le répète, même si vous avez martelé le contraire à plusieurs reprises, ce projet de loi n'est pas un projet de loi libellé «PME» ! Il s'agit d'un projet de loi pour les entreprises et pour les actionnaires et les personnes ayant des parts dans les entreprises, en ce qui concerne la double imposition !
Maintenant, j'entends M. Catelain parler d'un apport des entreprises se montant à un milliard de francs. Tant mieux ! Oui, c'est bien, je crois que personne ne nie l'importance de l'apport économique des entreprises dans notre canton. C'est vrai que par rapport à un milliard, 28 millions de francs est un montant relativement modeste dans votre logique. Seulement voilà, on commence aujourd'hui avec la double imposition, mais il y a encore un projet de loi qui demande une réduction de l'impôt sur le capital; il y a aussi un projet de loi qui demande à réduire la charge fiscale, ce qui va provoquer, au bas mot, une diminution de recettes effectives d'environ un milliard de francs. Et ça continue... A un moment donné, on peut se poser la question de savoir ce que nous voulons encore faire ensemble ? Voulons-nous arrêter de parler de fiscalité et arrêter de prélever des impôts ? Alors, il vous faut proposer autre chose, mais je ne vois pas chez vous autre chose, à part le profit personnel, à part le profit de gens qui possèdent 10% du capital d'une entreprise, et pas seulement des PME !
J'aimerais encore répondre à M. Jornot, à propos de la dualité qu'il y a entre les personnes qui participent aux entreprises par leur apport d'argent et les personnes qui participent par leur apport de travail. C'est peut-être dépassé d'après vous, mais les perspectives d'avenir dans des pays qui ont plongé complètement, comme l'Argentine, sont liées à cela. Si aujourd'hui, l'Argentine remonte la pente, c'est parce qu'il y a des gens qui commencent à penser l'entreprise différemment. On n'en parle pas beaucoup, mais il y a en France tout un mouvement qui crée des coopératives et des entreprises qui sont directement aux mains des travailleurs. Il y a des mouvements qui se développent actuellement qui prônent autre chose que le capital à tout prix ! Voilà ce que je voulais dire et je continuerai avec mon groupe à m'opposer au projet de loi tel qu'il est proposé si les amendements ne sont pas acceptés !
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je veux tout d'abord faire un rappel de ce qui s'est passé dans ce débat. A l'origine, le projet du Conseil fédéral et les propositions des parlementaires allaient très au-delà de ce dont nous discutons aujourd'hui. Finalement, la politique fédérale étant ce qu'elle est, on est arrivé à une solution où la plupart des dispositions figurant dans cette loi cantonale - mais que nous n'avons pas évoquées ici et qui sont assez techniques - ont été reconnues utiles par tous. Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne ces mesures, elles appliquent le droit fédéral obligatoire, de sorte que nous n'avons à faire qu'un travail formel. Quoi que nous décidions ici, ces mesures entreront en vigueur.
A propos des dividendes, je confirme qu'il y a eu débat sur cette question des dividendes en Suisse. Je ne peux pas m'empêcher de vous rappeler ce qui s'est passé parce que ça a beaucoup surpris mes collègues de Suisse occidentale. Il y a eu une opposition à la réforme II de l'imposition des entreprises beaucoup plus forte que prévue en Suisse alémanique et dans un certain nombre de cantons romands qui l'ont rejetée. A la surprise générale, Genève a accepté cette réforme assez confortablement, contrairement à la Suisse qui a, en réalité, accepté la réforme d'extrême justesse. De sorte que si le score genevois avait été inverse, nous ne serions vraisemblablement pas ici pour discuter de ça ! Ceci est d'abord un appel aux uns et aux autres pour dire qu'il vaut peut-être mieux faire campagne au moment de la votation fédérale plutôt qu'après, au parlement. Ce serait en principe plus utile ! Ce qui a frappé tous les observateurs de Suisse romande, c'est que, au fond, la campagne a surtout été dure dans d'autres cantons qui, traditionnellement, sont considérés comme des modèles de sagesse, tels le canton de Vaud et le canton de Fribourg !
Cette petite remarque étant faite, le Conseil d'Etat a pris note du résultat de la votation fédérale. Il a pris note du résultat de la votation à Genève également. Il a enfin pris note du fait qu'une majorité des cantons connaissaient déjà cette disposition dans leur droit cantonal et il a été dit franchement par l'ensemble des responsables des finances des autres cantons romands qu'ils allaient introduire cette disposition. Au fond, l'idée était de faire quelque chose de semblable, précisément pour ne pas aller au-delà des effets de la concurrence fiscale, très marquée en Suisse orientale et en Suisse centrale, mais moins en Suisse romande, jusqu'aujourd'hui.
Dans ces conditions, le Conseil d'Etat a tenu compte du fait que les deux tiers des cantons en Suisse avaient déjà cette disposition, que les cantons voisins allaient l'introduire, sous une forme d'ailleurs plus agressive en ce qui concerne le canton de Vaud qui a recours à l'imputation de l'impôt sur le capital des personnes morales sur l'impôt sur le bénéfice, je m'empresse de le préciser, contrairement à ce qui est prévu dans ce projet de loi. Alors, le Conseil d'Etat a retenu la solution votée par le peuple, ni plus ni moins, et vous l'a proposée rapidement. A un moment donné, il faut faire de la realpolitik et choisir ce que l'on veut perdre: si tout le monde agit dans le même sens sauf nous, il y a un risque que nous ne perdions pas que 30 millions de francs, mais bien le double, c'est-à-dire tout, puisque le canton de Vaud ce n'est pas Schwyz, ce n'est pas Nidwald, c'est juste à côté !
Voilà pourquoi nous sommes venus avec ce projet, Mesdames et Messieurs les députés. Sur le fond, il y a deux positions. Les uns pensent qu'il n'y a pas double imposition, les autres pensent qu'il y a double imposition: c'est un débat du parlement. Les uns, majoritaires, pensent que l'imposition qui pose problème, c'est celle qui est perçue auprès des actionnaires. Personnellement, j'aurais tendance à penser l'inverse, c'est-à-dire qu'il m'aurait paru préférable d'alléger la fiscalité des entreprises ! Je reconnais que c'est une position assez minoritaire. Au fond, ce qui devrait être taxé, c'est ce qui est distribué, au contraire de ce qui est réinvesti, me semble-t-il. Toutefois, ce n'est pas de cela que nous avons à discuter aujourd'hui.
Je pense qu'il ne faut caricaturer ni dans un sens ni dans l'autre: on ne parle pas de rentiers, on ne parle pas de sociétés cotées en bourse, à une ou deux exceptions près en Suisse, et je vois mal lesquelles. On parle de sociétés par actions qu'un petit nombre de personnes possèdent, souvent de la même famille: l'un ou l'autre des propriétaires est effectivement à l'oeuvre, les autres ont mis des capitaux familiaux dedans. On ne parle pas du capitalisme financier, dans cette affaire ! On ne parle pas non plus que de gens qui travaillent quatre-vingts heures par jour dans leur entreprise, Monsieur Jornot ! On parle aussi de ceux qui ont bien voulu mettre un financement à disposition, un financement qui excède facilement les 10% pour des petites entreprises, nous sommes d'accord là-dessus.
Sur le fond, le Conseil d'Etat estime qu'il a fait ce qu'il devait en présentant ce projet de loi et pas un autre. Il vous invite à le voter, mais il ne peut tout de même s'empêcher de saluer l'immense confiance en l'avenir de ceux qui ont demandé l'urgence pour ce vote. Pour notre part, comme pour un autre dossier dont on parlera beaucoup ici, nous avions estimé qu'avant de voter ceci il aurait peut-être éventuellement valu la peine de savoir si le système allait sauter ou s'il avait simplement une fièvre intense puisque, depuis le dépôt du budget, le SMI est passé de 7300 à 5400 points, cela en moins d'un mois ! S'il ne s'agissait que d'une fièvre intense, il devrait commencer à remonter pas à pas ou en tout cas cesser de descendre à raison de 10% par jour, comme c'est curieusement la norme depuis l'adoption du plan Paulson !
Nous saluons cette vision de l'avenir, prodigieusement optimiste ! Nous voyons que vous voulez aller de l'avant et que vous savez que cette crise aura une fin, que cette fin viendra vite, de sorte qu'il n'y a aucune raison de reporter l'entrée en vigueur de cette loi sur l'année 2010-2011, puisqu'en 2009 tout baignera déjà ! (Rires.) J'en prends note... Je pense que, dans d'autres débats, il faudra être cohérent avec cette appréciation. Allons de l'avant avec nos réformes, l'économie est cyclique, l'Etat doit être stable. Je vous en félicite donc et vous souhaite un excellent vote ! (Applaudissements.)
Mis aux voix, le projet de loi 10247 est adopté en premier débat par 54 oui contre 15 non et 13 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 4, al. 3 (nouvelle teneur), et 3A.
La présidente. A l'article 3B, nous avons des amendements proposés par Mme la rapporteure de minorité, à qui je cède la parole.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Nous avons longuement parlé du contenu politique de ces deux amendements qui, l'un et l'autre, sont complémentaires et demandent justement la suppression de ces effets de diminution de double imposition. Nous proposons donc des amendements à l'article que vous venez de citer, l'article 3B, de même qu'à l'article 6, alinéa 2. Nous ne gagnerons rien ici à détailler ces amendements, si ce n'est d'aborder des questions fiscales techniques. Simplement, le but de ces amendements est de supprimer lesdits articles pour annuler la diminution de la double imposition.
La présidente. Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, le premier amendement demande la suppression de l'article 3B.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 47 non contre 33 oui et 3 abstentions.
Mis aux voix, l'article 3B est adopté, de même que l'article 5 (nouvelle teneur, sans modification de la note).
La présidente. A l'article 6, nous avons un amendement demandant la suppression de l'alinéa 2. La parole n'est pas demandée.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 22 oui et 12 abstentions.
Mis aux voix, l'article 6 est adopté, de même que les articles 6A, 17 (nouvelle teneur, sans modification de la note), 21, al. 1, 5, lettre b, et 6 (nouvelle teneur), et 17A (nouveau).
Mis aux voix l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 10247 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10247 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 49 oui contre 22 non et 14 abstentions.
Débat
La présidente. Il s'agit encore d'un point que vous avez décidé de traiter en urgence. Il est classé en catégorie II, avec trois minutes de temps de parole par groupe, plus les trois minutes accordées à l'auteur de cette résolution, M. Olivier Jornot.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, sans transition, comme on disait ailleurs, je vous présente en effet ce projet de résolution. Il s'agit d'entamer sur le plan cantonal le débat qui fait déjà rage sur le plan fédéral et qui est lié à la nouvelle partie générale du code pénal.
Vous savez que cette nouvelle partie générale du code pénal, entrée en vigueur en 2007, a connu une très longue gestation et que l'idéologie qui présidait à son élaboration ne fait aujourd'hui plus l'unanimité. Sur le terrain, très concrètement, que se passe-t-il ? Dans la pratique, des juges sont contraints, en présence de toutes les catégories de délinquants, d'appliquer de manière extrêmement rigide des dispositions de cette partie générale du code pénal. Par exemple, ils sont obligés d'infliger des peines pécuniaires, c'est-à-dire des jours-amende, généralement avec sursis, même lorsqu'il est acquis au départ que la personne visée se moque complètement d'une telle sanction !
Lorsque le débat s'est ouvert, un certain nombre d'intervenants se sont exprimés, l'un ou l'autre sont dans cette salle. Et je me souviens notamment avoir entendu une députée présente ici dire que, pour la délinquance de passage, cette norme véhiculait effectivement un message indiquant que la Suisse n'était dans le fond pas encline à sanctionner ces personnes de manière réaliste.
Mesdames et Messieurs les députés, une intervention parlementaire a été déposée aux Chambres fédérales et le Conseil fédéral a d'ores et déjà dit qu'il était sensible à la problématique, mais qu'il entendait l'étudier au terme d'un rapport qui serait établi en 2010. Or, la situation ne permet pas d'attendre jusque-là ! Le procureur général de notre république, M. Daniel Zappelli, a lui-même indiqué qu'il fallait urgemment agir dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle cette résolution a été déposée, pour que son acceptation la transforme en une initiative cantonale auprès des Chambres fédérales, de telle manière que nous fassions un signe, que nous montrions aux autorités de la Confédération que, pour un canton urbain, pour un canton frontière comme l'est le nôtre, la situation actuelle n'est pas vivable et qu'il faut rapidement en changer !
En changer, cela ne signifie pas abattre tout le système de la nouvelle partie générale du code pénal, cela ne signifie pas abolir la peine pécuniaire qui peut se justifier dans un grand nombre de cas. Cela signifie simplement rendre au juge la liberté de choisir la peine qu'il estime être la plus appropriée et notamment celle d'infliger une courte peine privative de liberté, le cas échéant avec sursis, le cas échéant sans sursis, lorsque c'est la seule mesure qui puisse permettre de détourner la personne visée de commettre de nouvelles infractions.
Je vous recommande donc d'adopter cette résolution, de telle manière que le plus rapidement possible, les autorités fédérales soient conscientes de l'intention exprimée par notre parlement.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). M. le député Jornot vient effectivement de soulever un vrai problème et je suis de celles et ceux qui pensent que la solution des jours-amende n'est peut-être pas la meilleure manière de répondre à une certaine délinquance de passage. Toutefois, il y a quand même un «mais» ! La question est de savoir si, au fond, la résolution qui nous est proposée ce soir est la bonne solution à ce vrai problème.
Je dois vous dire, Monsieur le député, que j'ai été légèrement surprise par quelques passages de votre exposé des motifs. Parce que, dans ce parlement, vous nous avez, en général, habitués à des interventions argumentées et chiffrées. Et là, vous surfez un petit peu sur une certaine vague que je qualifierai de sécuritaire ou de populiste et je trouve regrettable que vous n'ayez pas été plus précis en cette occasion.
Notamment, vous faites allusion aux propos du procureur général relayés dans la «Tribune de Genève». Effectivement, le procureur général nous dit qu'il y aurait impossibilité pour un juge pénal d'infliger une courte peine privative de liberté. Monsieur le député Jornot, vous savez comme moi que ce n'est pas tout à fait exact. Il y a quand même un article dans le code pénal, l'article 41, qui permet dans certains cas, pour des peines privatives de moins de six mois, de condamner à une peine ferme. Il y a donc une petite marge de manoeuvre. Elle n'est sans doute pas suffisante, mais elle existe. Cela aurait mérité d'être précisé.
Deuxièmement, toujours en paraphrasant les propos de M. Zappelli, vous nous dites dans votre résolution qu'«il en résulte [...] que la région genevoise attire la petite criminalité.» Soit ! Mais j'aurais aimé voir des chiffres ! J'aurais aimé qu'on nous prouve que c'est bien les jours-amende, l'instauration des jours-amende au 1er janvier 2007 qui a induit cette petite criminalité de passage ! Parce que, dans ce même article de la «Tribune de Genève», il y a des chiffres très intéressants: il est fait mention du nombre d'inculpés non résidents. Eh bien, en 2007, ils étaient 2222, C'est effectivement un peu plus qu'en 2006, puisqu'ils étaient alors 2166, mais c'est moins - beaucoup moins même - qu'en 2005 où l'on en dénombrait 2315 ! Moralité, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu'actuellement nous n'avons pas véritablement de données claires qui nous permettraient de faire un lien de cause à effet entre l'introduction des jours-amende et une éventuelle augmentation de la criminalité de passage.
Ce qu'il nous faut donc, Mesdames et Messieurs les députés, c'est une étude sérieuse qui mesure l'impact de l'introduction des jours-amende dans le code pénal et le lien qu'il y aurait éventuellement entre l'introduction de cette disposition et la délinquance de passage.
A ce propos, vous omettez également, dans votre proposition de résolution, de parler de l'excellent postulat d'un socialiste, Carlo Sommaruga, un postulat qui a, pour une fois, été accepté par les Chambres fédérales. Ce postulat, d'ailleurs aussi signé par un radical, un UDC, un PDC, un Vert, un POP et un membre du parti évangélique, demandait une étude sur l'impact de ces jours-amende. Eh bien, ce postulat a été accepté par le Conseil national, il y a juste quelques jours, le 3 octobre dernier !
Donc, Mesdames et Messieurs les députés, je suis d'accord de dire qu'il ne faut pas verser dans l'angélisme, mais je vous demande seulement d'être un petit peu sérieux, de ne pas surfer sur la vague populiste et d'attendre le résultat de cette étude pour prendre les mesures qui s'imposent ! C'est pourquoi je vous recommande de rejeter cette résolution.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je pense que rejeter cette résolution serait une erreur ! Mme Torracinta a parlé de l'étude qui a été admise et acceptée par les Chambres fédérales. Bien ! Très bien ! Je pense que cette résolution - que groupe PDC soutiendra - va dans le sens du travail des autorités fédérales. Elle permet de montrer quelle est la situation - qui est bien réelle - à Genève. Les propositions contenues dans la résolution permettent en fait de donner au juge la pleine liberté de se déterminer sur la peine qu'il convient de prononcer. Et je pense que ça n'est pas du populisme que de faire confiance à la justice dans le cas d'une application stricte du code pénal. Le groupe PDC votera donc cette résolution.
M. Olivier Wasmer (UDC). Je suis étonné que Mme Emery-Torracinta se fonde sur des statistiques pour s'opposer à cette résolution. D'autant plus que les statistiques dont elle fait état s'arrêtent en 2006, alors même que le nouveau code pénal est entré en vigueur le 1er janvier 2007 !
Mesdames et Messieurs les députés, il suffit de lire la «Tribune de Genève» et les journaux de manière générale pour apprendre tous les jours - et encore aujourd'hui - qu'un Roumain a volé 500 F dans un sac et qu'il a ensuite été arrêté. Ce n'est pas parce qu'on en veut aux Roumains, ce n'est pas parce qu'on en veut aux gangsters et aux petits brigands qui viennent de Lyon ou de la région frontalière, mais il y a en tout cas une chose notoire: la petite criminalité et le trafic de drogue ont augmenté de manière très importante dans le canton de Genève !
Ce nouveau code pénal qui est entré en vigueur a démontré - en faisant d'ailleurs l'unanimité contre lui - que ces peines pécuniaires ne servent effectivement strictement à rien, puisqu'aujourd'hui les petites sanctions en jours-amende infligées à des petits délinquants ne portent aucunement atteinte à leur fortune parce qu'ils n'en ont pas. Bien au contraire, si la justice vient à les poursuivre, de simples actes de défaut de biens sont délivrés contre ces petits délinquants ! Ce genre de justice n'a bien entendu aucun effet dissuasif, contrairement à une peine d'emprisonnement.
Mesdames et Messieurs les députés, il est évident qu'il n'est pas du ressort de la justice genevoise et de l'administration du département des institutions de modifier le code pénal suisse, mais, aujourd'hui, cette résolution pourra apporter de l'eau au moulin des conseillers nationaux. Vous le savez déjà, notre ancien collègue député Christian Luscher a, sauf erreur, déposé un projet de loi au Conseil national tout récemment; je crois que tous les partis sont unanimes à penser que ces jours-amende, qui ont malheureusement été votés il y a quelques années, sont totalement inadaptés aujourd'hui.
Un mot de plus: si être populiste, c'est s'enquérir du bien-être de la population, si Mme Emery-Torracinta considère que cette résolution est populiste, je peux dire que je soutiens cette résolution !
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous nous inscrivons parfaitement dans les propos de Mme Emery-Torracinta. Pour nous positionner par rapport à cette résolution nous avons besoin d'études, depuis l'entrée en vigueur de la réforme pénale des jours-amende, il y a plus d'un an et demi; nous avons besoin d'un bilan et, aussi, de l'avis du pouvoir judiciaire. Pas seulement de celui du procureur général, mais aussi des avis des différents acteurs du pouvoir judiciaire !
C'est la raison pour laquelle les Verts vous demandent de renvoyer cette résolution à la commission judiciaire et de la police.
M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas question pour le groupe radical de surfer sur la vague de l'insécurité. (Commentaires.) Non, du tout ! Mais il est vrai que cette problématique nous inquiète de toute façon !
Les statistiques sont une chose, on peut en demander, on peut aussi demander des bilans, on peut demander des analyses; on trouvera toujours quelqu'un pour nous fournir des statistiques qui nous diront que la situation s'améliore pour certains, qu'elle se dégrade pour d'autres... Je crois qu'il est temps d'écouter les observateurs. On a de nombreux témoins qui nous disent que ce système des jours-amende ne fonctionne pas.
C'est la raison pour laquelle le groupe radical soutient cette résolution et ne votera pas son renvoi en commission.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Gilbert Catelain, il vous reste quarante-six secondes.
M. Gilbert Catelain (UDC). Cette résolution se justifie par rapport à l'évolution du droit de nos voisins, notamment l'introduction de la peine plancher en France. Pour répondre à Mme Emery-Torracinta, j'estime qu'elle a en partie raison et je l'invite à soutenir en commission judiciaire la proposition de motion 1755 de l'UDC, qui prévoit d'attribuer à l'Observatoire statistique transfrontalier une nouvelle compétence, à savoir l'évaluation bisannuelle de la criminalité dans un périmètre étendu. Je vous remercie.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je suis très heureux que votre Grand Conseil s'associe à la critique des jours-amende, critique que je formule depuis très longtemps et que les conférences intercantonales de justice et police formulent également.
J'ai été sensible aux propos de M. le député Jornot qui a bien fait la distinction entre ce système des jours-amende qui a bon nombre de côtés positifs et les aspects de la criminalité que ce système, malheureusement, ne permet pas d'appréhender de manière adéquate. Il s'agit en particulier de la délinquance de passage, comme cela a été rappelé sur tous les bancs. Il vaut la peine, par conséquent, de critiquer ce système, et de manière assez rapide. C'est ce que vise votre résolution.
A partir de là, il y a quelques difficultés quand même. Il ne faut pas se leurrer sur l'impact d'une résolution de votre Grand Conseil... Je le dis pour éviter toute désillusion, Monsieur le député ! C'est une évidence, il y a une limite à l'exercice ! Il y a une limite aussi - un peu par définition - dans la formulation de la résolution, parce que parler du libre choix du juge est une formule assez étonnante !
Je crois qu'avec toutes ces critiques, avec l'envoi de cette résolution à Berne, le plus important sera de transmettre les débats que vous venez de mener. Les objections de Mme Emery-Torracinta sont exactes. Les limites du système ont été décrites à peu près par tous les bords et elles sont justes. Nous montrerons ainsi que ce que nous faisons là, avec cette résolution, n'est exceptionnellement pas une nouvelle petite «genevoiserie», mais bien la manifestation de la volonté de résoudre ce problème, vite si possible, ou un peu plus lentement s'il convient d'examiner les difficultés que ce genre de sujet entraîne naturellement. En toute hypothèse, je vous remercie de votre souci à soutenir les efforts du Conseil d'Etat dans la lutte contre la petite délinquance.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 565 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 48 non contre 27 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la résolution 565 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 51 oui contre 27 non.
La présidente. Il nous reste deux points urgents à aborder: 85 et 133, qui sont liés. Je doute fort qu'en un quart d'heure, nous arrivions à en faire le tour. Si vous êtes sages et ne parlez pas beaucoup, on peut y arriver. J'en appelle donc à votre sagesse !
Débat
La présidente. Les rapporteurs sont M. Jacques Jeannerat pour le point 85 et M. Gabriel Barrillier pour le point 133. Tout d'abord, pour le point 85, Monsieur Jeannerat, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ? Ce n'est pas le cas, alors je donne la parole à M. Gabriel Barrillier qui souhaite s'exprimer.
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur. Logiquement, d'après la numérotation, c'est mon collègue qui devrait prendre la parole, mais le rapport - que j'ai rendu tardivement, je m'en excuse auprès de vous - est en somme le bilan d'une discussion qui a eu lieu sur plusieurs séances en commission de l'aménagement au sujet des zones industrielles, de leur avenir. Et cet examen a eu lieu suite au renvoi devant cette commission du rapport 687 du Conseil d'Etat. Je dois dire, pour ceux qui ont eu le temps de lire mon texte, que cet exercice a été extrêmement utile et bénéfique, dans la mesure où il nous a permis d'établir un inventaire de la problématique des zones industrielles... (Remarque.) Oui, il y a une année de cela. Je sais que j'ai une année de retard, mais la situation n'a pas beaucoup évolué depuis lors !
En quelque sorte, ce rapport est le hors-d'oeuvre précédant le plat principal qui est la motion 1745-A, dont le rapporteur est mon collègue Jacques Jeannerat, puisque c'est la commission de l'économie qui, en quelque sorte, a matérialisé par des propositions concrètes l'examen effectué en commission de l'aménagement du canton.
Sans vouloir m'étendre là-dessus, j'aborderai quand même un aspect. Vous aurez compris que mon rapport est le résultat d'une discussion et du travail qui ont eu lieu en commission de l'aménagement du canton. Il s'agit donc de l'examen des zones industrielles sous l'angle de l'aménagement du territoire, tandis que le rapport de mon collègue Jeannerat est le fruit du travail de la commission de l'économie sur les zones industrielles en fonction de leur rôle économique.
Pour terminer, je dirai que nous avons eu la conviction que le département en charge de l'aménagement et celui en charge de l'économie travaillaient bien la main dans la main en ce qui concerne la problématique des zones industrielles - même si l'on peut, dans certains cas, déceler des divergences d'opinion, non pas entre les deux chefs de département, mais sur la mixité, sur la densification... Je crois que nous avons là un bon exemple de travail transversal. C'est la raison pour laquelle je demande au Grand Conseil de prendre acte de mon rapport et de passer la parole à mon collègue pour finir le travail !
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur. Effectivement, la commission de l'économie a été saisie de cette motion qui, dans sa version originale, demandait simplement de créer des nouvelles zones d'activités mixtes. Pris comme ça, de manière brute, on a rapidement constaté le clivage habituel entre la gauche et la droite, la gauche regrettant que l'on veuille encore prendre des terrains agricoles pour les transformer en zones industrielles. Puis, au fil des auditions, un travail constructif a été mené, qui a donné lieu à plusieurs amendements et à un vote final unanime sur cette motion ainsi amendée.
Différents éléments ont été analysés, d'abord sur le principe qu'il ne reste actuellement que 2% de terrains à disposition sur ceux qui sont classés en zone industrielle. Même si la promotion économique réalise un travail extraordinaire, plus elle accomplit un travail de promotion extraordinaire, moins elle a de terrains à mettre à disposition, parce qu'il y en a de moins en moins !
Alors, quand le budget de l'Etat nous a été, dans ses grandes priorités, présenté l'autre jour, un de ses points était intitulé «Consolider les instruments de promotion économique et renforcer la politique touristique cantonale». Or, pour consolider les instruments de promotion économique, il faut pouvoir mettre des bâtiments ou des surfaces à disposition des entreprises demandeuses !
Ensuite il y a un caractère d'urgence, aussi. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé l'urgence pour cette motion. Toute une réflexion est menée autour du projet Praille-Acacias-Vernets, avec une consultation des communes de Lancy, de Carouge et de la Ville de Genève, pour que le Grand Conseil soit ensuite saisi sur le principe du déclassement de l'ensemble de cette zone. En commission de l'économie, il nous paraissait important de pouvoir définir le concept de la mixité - de la mixité d'activités économiques - tout en respectant le principe, bien sûr, qu'il faudra continuer de mettre à disposition, pour le monde industriel, des surfaces à des prix permettant à l'industrie genevoise de rester concurrentielle sur le marché mondial. Donc, cela, en mettant l'accent sur une mixité de ces zones, que l'on pourrait d'ailleurs cesser d'appeler «industrielles», pour les renommer zones «d'activités économiques». Au fond, la motion amendée demande que l'on aboutisse à une vision globale du problème.
Je me permets juste de relever les éléments figurant dans les trois invites. D'abord, il faut effectivement créer quelques nouvelles petites zones. On nous a présenté des projets dans la zone de Plan-les-Ouates ou dans la zone de Bernex-Est, mais, avant tout, la motion demande de définir rapidement, par le biais d'un projet de loi, le concept de la mixité dans les zones d'activités. Parce qu'actuellement trop de demandes ou de problèmes liés à l'établissement, dans les zones industrielles, d'entreprises qui ne sont pas spécifiquement industrielles sont résolus grâce au régime des exceptions, et cela n'est plus acceptable.
Enfin, la motion demande la densification des zones industrielles. Quand on se promène dans la zone industrielle Zimeysa, on voit certes des bâtiments de quatre ou cinq étages, mais souvent, aussi, des édifices d'un seul étage...Et là, on pourrait absolument densifier, avec des bâtiments accueillant une activité industrielle au rez-de-chaussée et des activités de service aux deuxième, troisième et quatrième ou cinquième étages.
C'est pourquoi je vous invite à accepter cette motion, comme la commission l'a fait.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, je m'exprimerai plutôt sur la motion 1745. Je trouve que le rapport de M. Barrillier est extrêmement intéressant et il propose un bon état des lieux de la situation sur cette question extrêmement importante. Cette proposition de motion a effectivement été l'occasion pour tous les groupes d'exprimer à nouveau leurs préoccupations par rapport à la raréfaction des terrains en zones industrielles, en regard des besoins pour l'accueil de nouvelles entreprises, besoins qui se font sentir régulièrement.
Les auditions, en particulier celle de la Fondation pour les terrains industriels de Genève - FTI - et celle du service de la promotion économique ont mis en évidence des aspects incontournables: l'exiguïté du territoire cantonal, évidemment, contrastant avec les demandes pour l'implantation de nouvelles entreprises, mais aussi le profond changement du tissu économique genevois.
On a aussi beaucoup parlé de mixité dans cette commission, M. Jeannerat l'a dit. C'est là où il est effectivement nécessaire de clarifier les choses et c'est bien l'objectif d'une des invites de cette motion. Et c'est aussi un point d'achoppement entre nous parce que, pour certains, notamment les auteurs de la motion initiale, la mixité revient quand même à mélanger allègrement les activités industrielles, artisanales et commerciales. Or, pour les socialistes, il faut vraiment être extrêmement attentif à ne pas accepter tout et n'importe quoi sous le prétexte de la flexibilité et de la demande. On risquerait ainsi d'aboutir à des résultats qui seraient à l'inverse de ce que nous souhaitons. Les représentants de la FTI et de la promotion économique du canton - ceux de M. Cramer aussi, je l'ai lu dans le rapport de M. Barrillier - ont notamment exprimé de très grandes réserves, pour ne pas dire d'oppositions, sur le fait d'encourager la cohabitation d'activités commerciales avec des activités industrielles dans ces zones. Ce que l'on entend par «activité commerciale», ce n'est pas l'implantation d'un coiffeur ou d'un petit commerçant, c'est plutôt celle de centres commerciaux, qui sont très gourmands en terrain mais créent généralement peu d'emplois - et ce sont des emplois avec peu de valeur ajoutée, même s'il ne faut pas les dénigrer car nous en avons aussi besoin.
En tout cas, en termes de surfaces, les centres commerciaux exigent beaucoup d'espace. Je crois que nous l'avons dit et répété, notamment du côté de la gauche, il faudrait étudier avec beaucoup d'attention l'éventualité de l'implantation de nouveaux centres commerciaux, parce que je crois que le canton de Genève arrive maintenant bientôt à saturation. Avec la mixité se pose évidemment aussi la question du prix du terrain: il y a un risque de distorsion de la concurrence avec le commerce, étant donné que les prix des terrains industriels sont beaucoup moins élevés.
On a dit aussi que les solutions étaient essentiellement à rechercher dans la densification des zones industrielles existantes, ainsi que dans le projet d'agglomération, qui va prendre du temps et est confronté à certaines contraintes - notamment à cause de systèmes politiques et juridiques différents des deux côtés de la frontière. Néanmoins, nous avons réussi à nous mettre d'accord par rapport à cette motion 1745 et nous soutiendrons donc son renvoi au Conseil d'Etat ainsi que la prise en considération du rapport 685-A.
M. Guy Mettan (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien se félicite naturellement du travail qui a été accompli dans les deux commissions, d'abord la commission de l'économie, qui a traité de la motion que nous avions déposée l'année dernière, et puis, la commission de l'aménagement avec l'étude du rapport du Conseil d'Etat. Lorsque nous avons déposé cette motion, en 2007, nous, les motionnaires, étions effectivement tout à fait préoccupés par le manque d'espace qui commençait à se faire sentir dans les zones industrielles du canton.
Il faut d'abord saluer la célérité avec laquelle les commissions ont travaillé et, aussi, le résultat, le consensus qui nous est proposé ce soir. Je pense que l'on peut insister sur quelques points qui me paraissent intéressants. D'abord, la motion telle qu'elle nous est présentée permet la création de nouveaux sites et encourage la création de nouvelles zones industrielles et d'activités. On peut penser, par exemple, au site de Bernex, que nous avons déjà évoqué à de multiples reprises depuis quelques mois; on peut penser à la zone de la Pallanterie, qui serait la première à être déployée sur la rive gauche; il y encore la zone de Perly-Certoux. Ce sont de nouveaux emplacements qu'il vaudrait la peine d'étudier.
Ensuite, un autre intérêt de cette motion, c'est qu'elle met en avant la densification des zones d'activités. Je crois que c'est un concept tout à fait important ! Nous avons eu peur de densifier dans les zones d'activité et dans les zones industrielles, or je pense que c'est nécessaire. Par exemple, on préconise la construction de tours... Il faut voir la situation avec un peu de hauteur, dans tous les sens du terme ! Comment peut-on encore densifier ? Il faut densifier en développant des zones d'activités mixtes, c'est-à-dire des zones avec de l'activité industrielle, d'abord; de l'artisanat, ensuite; des services, en troisième lieu; et du commerce, tout à la fin. C'est dans cet ordre que nous devons densifier ! Et je suis tout à fait d'accord qu'il ne faut pas que les zones commerciales, même si elles peuvent aussi trouver place dans des zones industrielles et d'activités, soient prioritaires.
Enfin, troisième élément de la motion, ce développement permettra de reloger évidemment les locataires actuels de la zone Praille-Acacias-Vernets. Puisqu'on veut faire un effort particulier avec le développement de cette zone, il faut que les actuels occupants de ces terrains puissent être relogés dans les futures zones que nous allons créer.
Pour toutes ces raisons, nous appelons évidemment à soutenir cette motion et à prendre acte de ce rapport.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je salue à la tribune nos amis du Groupe Suisses-Etrangers de Moudon et région qui sont venus nous rendre visite. Bienvenue chez nous ! (Applaudissements.) Je donne la parole à M. Damien Sidler.
M. Damien Sidler (Ve). Merci, Madame la présidente. Je n'irai pas par quatre chemins, je dois concéder que les Verts ont fait une erreur de positionnement sur la motion en commission de l'économie. (Commentaires.) Effectivement, en procédure finale de vote, un amendement global a été proposé et une bonne partie de cet amendement pouvait convenir aux Verts. Seulement, à la relecture de cet amendement global, nous considérons qu'il ne va vraiment pas dans le sens que nous entendions donner à ce dossier. C'est pourquoi nous refuserons cette motion aujourd'hui. (Exclamations.)
C'est assez flagrant, aujourd'hui nous avons trois rapports dans nos mains: celui du Conseil d'Etat, celui de M. Barrillier sur ce rapport du Conseil d'Etat et celui de M. Jeannerat sur la motion. Si on lit le rapport du Conseil d'Etat, on voit qu'un inventaire assez clair de la situation a été établi et des propositions formulées, si bien que l'on comprend difficilement comment, ensuite, en commission de l'économie, le département en charge de cette dernière nous a proposé de soutenir cette motion avec autant de vigueur. On se demande si quelqu'un a perdu une écharpe blanche au passage, parce qu'il nous semble que le rapport du Conseil d'Etat propose différentes pistes, sans toutefois en privilégier une de façon aussi prononcée que le fait la motion.
Il nous paraît important de constater les erreurs du passé: il y a plus de trente ans, on a procédé à un déplacement massif des zones industrielles; aujourd'hui, quand on s'y balade, que constate-t-on ? Que ces surfaces sont effectivement pleines ! Il ne reste que deux, trois ou quatre pourcents, selon les sources et le moment. Mais pourquoi reste-t-il aussi peu de surfaces que cela ? Il reste aussi peu de place disponible parce que vous pouvez, quand vous allez vous balader dans la Zimeysa, voir des champs de voitures à n'en plus finir... Des champs de voitures neuves, qui restent là, simplement stockées, cela à moins de 4 km du centre-ville. Cette façon de faire n'est tout de même pas acceptable !
Quand on va se balader dans une zone industrielle qui est beaucoup plus récente, la Ziplo, on constate que, là aussi, il y a beaucoup d'espaces de verdure. Il y a des parcelles qui, carrément, ne sont même pas construites; elles sont prétendument «en réserve», parce que des industries ont décidé d'acheter le terrain à des privés pour construire d'ici dix ans. C'est pour cela que nous aboutissons à des taux d'occupation qui sont aussi faibles et à des surfaces qui sont totalement occupées. Donc, un trop-plein, comme dit M. Barrillier. Effectivement, il y a un trop-plein, mais, à notre sens, il s'agit d'un trop-plein de vide ! A notre avis, il faut revoir les priorités, se donner le temps de réfléchir et ne pas partir à fond de train - comme le propose M. Jeannerat avec son amendement global - dans des projets de lois qui vont permettre des déclassements en vitesse, et cela sans poser les bonnes conditions. Les bonnes conditions, nous vous l'avons dit, se trouvent dans le rapport du Conseil d'Etat, qui est validé par le président du Conseil d'Etat et signé par lui-même. Nous ne comprenons pas pourquoi nous ne privilégierions qu'un seul axe et pourquoi nous ne suivrions pas toutes les recommandations et la manière de procéder qui figurent dans ce rapport.
Il est important de densifier - je crois que tout le monde l'a dit - c'est très important, mais dans une optique différente. On voit qu'il est aussi urgent de réorganiser ces zones, notamment pour arriver à plus de mixité - ce qui nous permettra probablement d'aboutir à une densité plus importante - et pour arriver à voir comment nous pouvons réorganiser tout cela, notamment avec la région transfrontalière. Il n'est pas forcément utile que toute l'activité industrielle se développe au centre de Genève; la région peut offrir des zones tout à fait adaptées, proches d'équipements autoroutiers, ferroviaires ou autres qui sont intéressants.
Finalement, il nous semble qu'il faut, s'ils doivent avoir lieu, planifier très rigoureusement ces déclassements selon le plan directeur. Ce n'est pas en pressant le pas, comme le demande cette motion, que nous y arriverons.
C'est pour cela que nous vous proposons de refuser la motion et de s'en tenir au rapport du Conseil d'Etat qui, pour nous, est le seul à proposer une vision durable et globale sur cette problématique.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je propose que nous arrêtions là les travaux, huit ou neuf personnes sont encore inscrites. Nous nous retrouvons à 20h30 très précisément et, dans l'intervalle, je vous souhaite un bon appétit !
Fin du débat: Session 12 (octobre 2008) - Séance 71 du 10.10.2008
La séance est levée à 19h05.