Séance du
jeudi 9 octobre 2008 à
20h30
56e
législature -
3e
année -
12e
session -
68e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.
Assistent à la séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, David Hiler, Robert Cramer, Charles Beer, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat, ainsi que Mme et MM. Mariane Grobet-Wellner, Philippe Guénat, Michel Halpérin, Jacques Jeannerat, Claude Marcet, Yves Nidegger, Jean Rossiaud et Louis Serex, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous devons nous prononcer sur la validité de l'initiative populaire 141 intitulée «Accueil continu des élèves.» La commission législative a examiné ce texte sous cet angle exclusivement. Elle est arrivée très rapidement à la conclusion que cette initiative pouvait être reçue formellement d'après les critères habituels: unité de la matière, unité de la forme, unité du genre. En revanche, l'examen de notre commission a porté essentiellement sur la recevabilité matérielle: soit sa conformité au droit supérieur, plus précisément sur la problématique de l'égalité de traitement entre les bénéficiaires de l'accueil continu des élèves fréquentant l'école publique.
En effet, l'alinéa premier de l'article 10A, Accueil à journée continue (nouveau), stipule que les prestations d'encadrement ne bénéficieraient qu'aux parents qui exercent une activité lucrative ou suivent une formation professionnelle intensive. Or, s'agissant d'un encadrement sous la forme d'une prestation de droit public, elle doit être égale pour tous les élèves et ne pas faire de distinction entre les familles. Dès lors, c'est tout naturellement que la commission, unanime, a, dans un premier vote, refusé la conformité au droit supérieur - qui garantit précisément, Mesdames et Messieurs les députés, l'égalité de traitement - et a déclaré l'initiative partiellement nulle.
Dans un deuxième temps, la commission a voté la suppression de la partie de phrase «et dont les parents exercent une activité lucrative ou suivent une formation professionnelle intensive», partie génératrice de l'inégalité de traitement Puis, le texte de l'initiative ainsi amendé a été déclaré conforme au droit supérieur, exécutable et, enfin, partiellement recevable.
Donc, nous devrons voter sur ce cheminement, assez complexe mais qui nous garantit - enfin, nous l'espérons - que le texte que la commission vous propose ne sera pas combattu par un recours au Tribunal fédéral pour non-conformité au droit supérieur. Dès lors, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à suivre les conclusions unanimes de la commission législative. Je vous remercie.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant plus demandée, nous allons procéder aux différents votes.
Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 141 est adoptée par 49 oui (unanimité des votants).
Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 141 est adoptée par 52 oui (unanimité des votants).
Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 141 est adoptée par 52 oui (unanimité des votants).
Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 141 est rejetée par 55 non et 1 abstention.
La présidente. Ainsi que le rapporteur vous l'a signalé, la question est maintenant celle-ci: «L'initiative doit-elle être déclarée partiellement valide, en supprimant la partie de phrase "et dont les parents exercent une activité lucrative ou suivent une formation professionnelle intensive"?»
Mise aux voix, la validité partielle de l'initiative 141 est adoptée par 57 oui (unanimité des votants).
Le Grand Conseil a donc déclaré partiellement valide l'initiative populaire 141 «Accueil continu des élèves». Il a amendé la phrase de l'article 10A, alinéa 1, en supprimant après «...l'enseignement public» les termes «et dont les parents exercent une activité lucrative ou suivent une formation professionnelle intensive».
Pour information, voici le texte de l'article ainsi amendé:
Art. 10A, al. 1 Accueil à journée continue (nouveau)
1 Pendant toute la durée de la scolarité obligatoire, tous les enfants suivant leur scolarité dans l'enseignement public peuvent bénéficier d'un accueil continu garanti, du lundi au vendredi, de 7h30 à 18h.
L'initiative 141 ainsi amendée est renvoyée à la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture pour l'examen de sa prise en considération.
L'initiative 141-A est renvoyée à la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 141-B.
Premier débat
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, à la fin des années 1970, le canton de Genève était très en avance en matière de protection des données. Il avait adopté à l'époque une loi sur le traitement des informations par ordinateur. C'était révolutionnaire. Nous étions des pionniers. Puis, le temps a passé et nous avons cessé d'être des pionniers. Nous avons été rattrapés par la Confédération, qui a édicté une loi sur la protection des données dans le cours des années 90, s'appliquant non seulement à la Confédération elle-même mais également à toutes les personnes de droit privé de Suisse, aux entreprises par exemple. Les autres cantons ont modernisé leur loi; nous n'avons pas modernisé la nôtre et nous nous retrouvons donc aujourd'hui avec une loi obsolète. Elle l'est d'autant plus que, en adhérant à l'accord de Schengen, la Suisse a pris l'engagement de se doter de lois, non seulement au niveau fédéral, mais aussi dans les cantons, qui respectent certains standards internationaux. C'est précisément la raison pour laquelle c'est maintenant le moment qu'a choisi le Conseil d'Etat pour nous proposer une nouvelle loi sur la protection des données. C'est ce rapport avec Schengen qui justifie le fait que cette loi soit traitée aujourd'hui en urgence, puisque l'accord de Schengen entre en vigueur de façon imminente dans notre pays.
Lorsque la commission judiciaire a étudié ce projet de loi sur la protection des données personnelles, elle s'est rapidement aperçue qu'il y avait un problème: cette loi instaurait un préposé cantonal à la protection des données, et simultanément elle faisait de ce préposé celui qui est chargé d'assurer la transparence des activités de l'Etat dans la fameuse LIPAD, la loi sur l'information du public et l'accès aux documents. En quelque sorte, on demandait à la même personne d'appliquer de façon schizophrénique deux législations dont les objectifs sont totalement opposés, ou en tout cas assez largement opposés, puisque dans un cas il s'agit d'assurer la transparence de l'Etat et que, dans l'autre cas, il s'agit au contraire de garantir le secret des informations que l'Etat traite. C'est la raison pour laquelle la commission judiciaire et de la police a très rapidement décidé, au début de l'examen du texte, de demander au Conseil d'Etat de proposer une fusion de ces deux lois: de l'actuelle LIPAD et de cette nouvelle loi sur la protection des données personnelles. Pour cette raison, le traitement de cette loi a pris un temps relativement important et le texte qui vous est proposé aujourd'hui n'est pas d'une lecture particulièrement aisée, puisqu'il s'intercale en quelque sorte dans l'actuelle LIPAD.
Pour traiter ce texte trapu, la commission judiciaire a créé une sous-commission; j'aimerais ici rendre hommage aux membres de cette dernière, qui ont travaillé pendant une année sur ce texte pour l'améliorer - assez largement, je dois le dire - sur plusieurs points, non pas qu'il fût mauvais. A ce sujet, j'aimerais également rendre hommage aux collaborateurs de l'administration, et en particulier de la chancellerie, qui ont fait un travail extrêmement important dans l'élaboration de ce projet de loi.
Cette loi, Mesdames et Messieurs les députés, est extrêmement importante. J'aimerais le dire sans que cela minimise pour autant l'importance du rapport de minorité qui vous sera présenté tout à l'heure: ce n'est pas une loi sur la vidéosurveillance, c'est d'abord une loi sur la protection des données. A ce titre, elle est extrêmement importante pour améliorer la protection des données personnelles dans ce canton. Plus précisément, elle apporte un certain nombre de révolutions. L'article 39, par exemple, qui concerne la transmission des données à l'intérieur de l'administration ou d'une administration à l'autre, va fondamentalement modifier le mode de travail de l'administration en l'obligeant à tenir compte, chaque fois que des données sont échangées, de la nécessité d'assurer la protection de ces données personnelles.
Le coeur de la loi, c'est précisément cette norme sur le transfert des données, mais c'est aussi l'instauration du préposé. Aujourd'hui, nous avons un préposé chargé de l'application de la LIPAD, qui exerce cette tâche à titre tout à fait accessoire. Demain, nous aurons un préposé cantonal, professionnel, chargé, comme je l'ai dit, aussi bien de l'aspect «transparence» que de l'aspect «protection des données.» Il aura la tâche de veiller à l'application uniforme de cette loi dans toute l'administration et dans les établissements publics autonomes. Il sera élu par ce Grand Conseil sur proposition du Conseil d'Etat, ce qui est une façon de garantir son indépendance exigée par les textes internationaux. (Brouhaha.)
Cette loi apporte aussi plusieurs améliorations à des législations annexes. Je pense par exemple à la question des naturalisations. Dans ce Grand Conseil, nous nous sommes souvent émus de la problématique des communes qui, sur la base d'un dossier de police, ont de la peine à apprécier la nature des infractions qui sont commises par un candidat à la naturalisation. Il est vrai que les débats de naturalisation ne peuvent se dérouler dans un brouhaha tel que celui de ce soir, puisque nous sommes sans micro... (Le brouhaha cesse.) Je vous remercie. Néanmoins, ces débats de naturalisation posent quelques problèmes liés à l'appréciation des données de police. La commission et surtout la sous-commission se sont demandé: «Comment pouvons-nous améliorer cette question des dossiers de police ?» Nous avons auditionné la police judiciaire et nous vous proposons dans le texte tel qu'il a été voté une norme qui permettra, demain, aux autorités chargées de la naturalisation, et en particuliers aux communes chargées d'émettre des préavis, d'exiger des informations complètes sur les personnes dont elles reçoivent les dossiers.
La commission a dû trancher un certain nombre de questions politiques disputées. J'ai évoqué tout à l'heure celle de la transmission des données entre administrations: la commission a décidé de ne pas accorder au Conseil d'Etat le pouvoir exorbitant que celui-ci demandait, la possibilité de déroger à la loi par simple décision. Nous avons également tranché la question de la vidéosurveillance, que nous reprendrons ce soir, de même que celle du coût des procédures, que nous reprendrons également ce soir. Nous avons enfin tranché la question politique de l'élection du préposé, question qui n'est plus disputée aujourd'hui, car elle a fait l'objet d'un consensus.
Nous avons donc au final, Mesdames et Messieurs les députés, un projet de loi d'une grande importance qui va conditionner de façon considérable la protection des données personnelles des citoyens dans notre canton au cours des prochaines années. Dès lors, je vous recommande chaudement d'entrer en matière sur ce projet de loi. Bien entendu, il y a des points qui restent disputés. Je les aborderai ultérieurement, en particulier celui de la vidéosurveillance.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Tout d'abord, je tiens à m'associer à l'hommage que le rapporteur de majorité a rendu aux fonctionnaires qui ont travaillé avec nous. Je tiens aussi à rendre un grand hommage à la présidente de cette sous-commission, Mme Captyn, qui, tambour battant, a mené les travaux - bien difficiles, il faut le dire. Je salue son efficacité.
Cela dit, Mesdames et Messieurs les députés, comme le rapporteur de majorité l'a relevé et comme je l'ai écrit dans mon texte, cette loi est une avancée, si l'on parle de cette prémisse. Mais deux principes sont pour nous fondamentaux: le premier concerne les libertés individuelles, et à travers celui-ci l'utilisation de la vidéosurveillance dans les lieux publics; le second est la gratuité des procédures, donc l'accès à la justice de manière gratuite. Malheureusement, ces deux principes qui, pour nous, sont importants dans le cadre de la loi qui nous est soumise, nous semblent avoir été enfreints; c'est la raison pour laquelle nous avons présenté ce rapport de minorité. Je reviendrai aussi sur certains aspects concernant le préposé.
Mesdames et Messieurs les députés, nous vivons aujourd'hui dans une société basée sur une évolution technologique qui, parfois, nous déconcerte: le «temps technologique» dépasse le «temps institutionnel.» Comme vous le savez, soit par l'informatique, soit par le téléphone portable, soit même par les contrôles biologiques de notre corps, etc., nous sommes aujourd'hui extrêmement observés. Mais il nous semble qu'il est un lieu important pour tout citoyen, c'est le domaine public ! Et tout citoyen, lorsqu'il se trouve sur ce dernier et qu'il n'a rien à se reprocher, doit échapper au contrôle.
Je relève que les libéraux, à l'époque, en commission des finances, ont été extrêmement conscients et précis à l'heure de voter un projet de loi sur l'installation de caméras de contrôle... Je m'en souviens très bien. Parmi les nombreuses rues où le Conseil d'Etat voulait placer une vidéosurveillance, l'une d'entre elles avait particulièrement attiré l'intérêt des libéraux: la Corraterie. Ils ont demandé quelles étaient les raisons pour lesquelles le Conseil d'Etat voulait à tout prix installer des caméras dans cette rue; le Conseil d'Etat a invoqué les manifestants qui y passent. Mais je pense que mes collègues libéraux avaient à l'esprit qu'il s'agit d'une rue d'affaires importantes - d'affaires de très haut niveau - et que certains citoyens - ou certains «affaireux», comme on les nomme - pourraient êtres filmés. Les libéraux se sont donc opposés à ce projet, à moins d'enlever les caméras de cet endroit.
Je vous dis une chose, chers collègues: sur le domaine public, la liberté individuelle qui prévaut pour la rue de la Corraterie doit être exactement la même pour toute autre rue ! Quel que soit le niveau financier, quelle que soit la situation économique des citoyens, le principe doit être égal pour tout le monde ! Ce n'est pas parce que les uns ont des moyens importants à défendre qu'ils doivent être assurés de ne pas subir une surveillance de caméras, tandis que les autres, par manque de moyens, ne pourrons assurer leur liberté individuelle de se promener sur le domaine public !
Par ailleurs, chers collègues, puisque nous parlons de la vidéosurveillance, je vous signale que l'Angleterre a installé un nombre absolument incroyable de caméras, et aucune étude - je dis bien: «aucune» ! - ne démontre l'efficacité de cet instrument. Ainsi, pour neuf cents surveillances qui avaient été ciblées, la police n'est intervenue que quarante-cinq fois, soit 5% des surveillances ciblées, pour un total de douze arrestations, soit 1,4%. Cela veut dire que le système est très peu efficace ! J'ajoute que le moment de l'intervention que l'on qualifie de «réelle» pose un problème, parce que, entre la détection de l'acte et l'intervention de la police, il se passe un délai conséquent... C'est-à-dire que les choses se sont déjà produites quand la police arrive et qu'elle n'y peut plus rien. L'efficacité du système est donc mise en question.
Par ailleurs, l'installation de caméras de vidéosurveillance représente un coût extrêmement important qui grève le budget de la police, puisqu'elle devra assumer ce coût-là. Je considère, Mesdames et Messieurs les députés, que ce dispositif de sécurité, à l'aune des chiffres que je vous ai donnés... (Commentaires.) Oui, mais cela ne fait rien ! C'est vrai, j'y viens... Donc, je disais que ce dispositif peut très bien être remplacé par une police citoyenne. Par conséquent, j'estime que, dans le texte de la loi, nous aurions dû prévoir que, sur le domaine public, la surveillance par caméras doit être bannie. C'est pourquoi nous soutiendrons l'amendement du groupe des Verts.
En outre, Mesdames et Messieurs les députés, puisqu'on donne aux citoyennes et citoyens le droit de recours et l'accès à la procédure, j'estime qu'il est éminemment important que ce droit soit préservé et demeure indépendant de toute condition sociale. Comme l'a stipulé le Conseil d'Etat, la gratuité doit être préservée et garantie. Aussi, Mesdames et Messieurs, nous nous opposons au fait qu'elle ne le soit pas ! Pour les motifs que je viens d'évoquer, le principe de la gratuité de la procédure semble - comme je l'ai indiqué dans mon rapport - le seul qui garantisse aux personnes une protection efficace de la sphère privée au sens constitutionnel du terme, peu importent leur statut social et/ou leur situation économique. Pour nous, il est essentiel que ce principe soit garanti ! Il existe aujourd'hui des procédures comme celles concernant les baux et loyers, pour lesquelles la gratuité est assurée: nous estimons qu'il s'agit d'une loi éminemment importante qui concerne les libertés individuelles des citoyens et, à ce titre, aucune entrave, serait-ce économique, ne doit être mise en place. Cela, afin que les citoyens puissent se défendre !
Mesdames et Messieurs, voilà les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à cette loi, et parce que les deux principes que j'ai évoqués sont fondamentaux. Nous présenterons un amendement socialiste pour restituer...
La présidente. Monsieur le rapporteur, il vous faut conclure, vous avez dépassé votre temps de parole qui est de sept minutes. Vous pourrez intervenir toutes les fois que vous le voudrez, mais en étant soumis à la règle des sept minutes.
M. Alberto Velasco. Je terminerai, Madame la présidente, en ajoutant que nous déposerons un amendement pour rétablir la gratuité de la procédure.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Je salue à la tribune notre ancienne collègue, Mme Liliane Charrière Debelle. (Applaudissements.)
M. Roger Golay (MCG). D'emblée, je tiens à féliciter et à remercier le rapporteur de majorité, M. Olivier Jornot, de son excellent rapport. Je tiens également à saluer le bon état d'esprit qui a régné tout au long des onze séances de travail, cela malgré la complexité du sujet et les dizaines d'amendements déposés par les participants.
Le groupe MCG soutiendra entièrement ce projet, lequel réunit en une les lois sur la protection des données personnelles et la LIPAD. Cette fusion de lois permettra une meilleure lisibilité pour les citoyens.
Nous prenons note que la gauche s'oppose à certaines dispositions sur la vidéosurveillance; nous le regrettons, mais nous en prenons acte. Le groupe MCG soutiendra donc le projet de loi 9870 et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à faire de même.
M. Pierre Losio (Ve). Le groupe des Verts s'associe aux remerciements qui viennent d'être exprimés. Je remercie aussi le rapporteur du travail de fourmi qu'il a effectué pour renuméroter tout ce qui concerne ces articles de loi. Je remercie aussi le collaborateur du département des institutions, M. Waelti, qui a mis en forme la loi proposée, de façon que nous puissions considérer que le projet de loi LPDP était en fait une modification, pour partie, de la LIPAD.
Cette loi comporte deux volets: un volet d'information relative aux activités des institutions et l'accès à cette information, c'est donc le volet LIPAD; de l'autre côté, au titre III, c'est le volet de protection des données personnelles. En ce qui concerne le volet de la LIPAD, entrée en vigueur en 2002, on avait accordé à l'administration et aux institutions un délai de deux ans pour que soient désignés des responsables LIPAD dans chaque institution, pour qu'on puisse établir des normes, des procédures, des directives, et mettre sur pied des systèmes de classement de l'information et des documents. Il aurait fallu que ce fût mis en place pour le 2 mars 2004.
Nous avons appris diverses choses durant les auditions que nous avons réalisées lors d'une étude de faisabilité de la CEPP, qui date de décembre 2007 et qui visait à une évaluation de la LIPAD. Cette étude de faisabilité mettait en évidence que la mise en oeuvre de la LIPAD était, selon les départements, les administrations et les institutions, très variable, incomplète voire inachevée; que personne, au niveau du canton, n'avait de vision d'ensemble sur la mise en oeuvre de cette LIPAD; que plusieurs institutions n'avaient pas encore de procédure; qu'en ce qui concerne les communes, par exemple, l'ACG ne possédait pas de liste de répondants de la LIPAD; et, enfin, que la CEPP avait adressé un questionnaire aux sept départements, ainsi qu'au secrétariat général du Grand Conseil, au pouvoir judiciaire et à la chancellerie, et que, sur dix questionnaires, seuls trois avaient été retournés.
Il s'est avéré également, toujours selon cette étude de faisabilité, que, d'après le groupe de travail RMSigDoc, peu de systèmes de classement dans les services de l'administration permettaient de répondre aux exigences de la LIPAD en matière de diffusion active de documents. On relevait aussi que la médiatrice n'avait que quelques exemplaires de directives qui n'étaient pas forcément à jour. (Brouhaha.) On nous a également cité un exemple de contradiction qui concernait le département des finances, plus particulièrement les impôts pour les indépendants: un document était déclaré accessible à chacun qui en faisait la demande par le secrétariat général du département, mais l'AFC considérait ces documents comme étant confidentiels.
Donc, sur un plan plus général, on voit que l'application n'était pas véritablement conforme au voeu du législateur en ce qui concerne la LIPAD et que se posait le problème du «dedans» et du «dehors». C'est-à-dire que les prestations offertes par l'Etat à l'extérieur sont en général bien accomplies, elles sont accompagnées d'instructions et de directives ou de procédures assez claires, mais que, lorsqu'il s'agit de revenir à l'interne et que l'administration, l'Etat, les services, les institutions sont sollicités, on était plutôt dans une... une culture, que je ne dirai pas du secret, mais dans une culture de la discrétion.
En ce qui concerne la LIPAD, l'article 24 de notre nouvelle loi stipule que toute personne physique ou morale a accès aux documents en possession des institutions, sauf en cas d'exception prévue par la loi, et il y a douze exceptions. Mesdames et Messieurs, je crois qu'il faut prendre véritablement conscience que nous sommes non pas dans le cas d'une entreprise - on parlerait alors de culture d'entreprise - mais qu'il s'agit d'insuffler dans l'administration une culture de l'administration et une culture de la transparence. Et qui peut insuffler cette culture de la transparence ? Ce sont bien évidemment les chefs de département, les secrétaires généraux, les chefs de service et le préposé. Il s'agira donc de faire une remise à plat et un état des lieux afin que nous puissions avoir véritablement, en tant que citoyens, accès à ces données.
Quant au titre III, Protection des données personnelles (nouveau), qui concerne les articles 35 à 41, nous n'avons pas d'observation particulière à formuler. La base légale nous semble tout à fait conforme à ce qu'on peut en attendre au sujet de la qualité, la sécurité, la collecte, la communication, la destruction et le traitement des données.
Il y a cependant un petit bémol à l'alinéa 6 de l'article 39, relatif à la communication de données personnelles à une corporation ou à un établissement de droit public étranger. Nous ne sommes pas certains que, dans tous les pays, on puisse avoir les mêmes garanties de sécurité qui sont offertes par la loi proposée ce soir.
On aura un préposé pour remplacer la médiatrice ou le médiateur, il sera élu pour quatre ans. Le projet de loi proposait six ans, le groupe libéral deux. On est finalement arrivé à la solution des quatre ans, qui est parfaitement acceptable. Ce préposé n'a pas véritablement de pouvoir de sanction. En revanche, un peu à l'exemple de la Cour des comptes, il a une grande latitude d'investigation, puisqu'il peut exiger des responsables désignés au sein des institutions publiques tout renseignement utile sur le traitement des données qui y sont enregistrées. C'est donc un pouvoir d'investigation qui n'est pas à négliger. Mais, en fait, ce préposé, qu'est-il est censé faire ? (Brouhaha.) Il est censé traiter les requêtes, informer sur les modalités d'accès, centraliser des normes, collecter des données, exprimer son avis, émettre des préavis, conseiller les instances, assister les responsables désignés, mettre à jour et rendre accessibles au public les catalogues des fichiers, renseigner d'office ou sur demande les personnes concernées. Pour que le préposé puisse avoir un impact véritable sur la mise en pratique de cette loi, il est indéniable que nous devrons recruter et «caster» une personne d'une certaine envergure, d'un charisme éthique incontestable...
La présidente. Monsieur le député, excusez-moi de vous interrompre, mais il vous faut conclure, vous venez de dépasser le temps qui vous était imparti. Si vous souhaitez reprendre la parole, n'ayez aucun souci, vous le pourrez ultérieurement.
M. Pierre Losio. Je vais conclure, Madame la présidente, si vous me laissez encore une minute et demie. Nous souhaitons que la mise en application de cette loi soit la plus rapide possible et que le législateur ait établi un cadre assez précis nous permettant de nous mettre au travail.
Nous reviendrons en soutenant l'amendement socialiste sur la gratuité du recours et nous déposerons un amendement sur la vidéosurveillance. Et, à ce sujet... Mesdames et Messieurs de la droite ! Mesdames et Messieurs de la droite de la droite du parlement ! Mesdames et Messieurs des partis du centre ! (L'orateur hausse le ton.) Nous pourrons mesurer dans le débat sur la vidéosurveillance qui défend véritablement la liberté des citoyens ! Et qui prend véritablement en charge le souci des citoyens !
La présidente. Il vous faut conclure !
M. Pierre Losio. Excusez-moi, je me suis pris pour quelqu'un d'autre. (Rires. Applaudissements.)
La présidente. C'était excellent, Monsieur le député ! Or il vous faut conclure, même si vous devez reprendre par la suite.
M. Pierre Losio. Madame la présidente, en ce qui concerne la vidéosurveillance, nous ne voulons être ni regardés, ni observés, guettés, remarqués, épiés, lorgnés, reluqués, surveillés, examinés, toisés, espionnés, enregistrés, filmés; et, dans un deuxième temps: visionnés, dévisagés, isolés, distingués, identifiés, triés, catalogués, et peut-être fichés ! Mesdames et Messieurs, c'est ce qui, dans cette salle, différencie les républicains de tendance autoritaire de ce que nous sommes, nous: des démocrates libertaires ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Avant de passer la parole à l'intervenant suivant, je rappelle le règlement. Nous sommes dans un débat libre: trois fois sept minutes par orateur. Je vous demanderai, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir respecter ce temps, quitte à ce que vous redemandiez la parole - vous en avez le droit. La parole est à M. Jean-Claude Ducrot.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, après le déferlement-fleuve de M. Losio, permettez-moi de revenir à un débat un peu plus serein, relatif à ce projet de loi. J'aimerais dire combien la commission a travaillé avec assiduité, réflexion, pesée d'intérêts, en prenant bien évidemment en compte la liberté des citoyens, quoi qu'en pense M. Losio.
Je crois que la pesée d'intérêts entre la sécurité publique au travers de la vidéosurveillance et la liberté des citoyens a été mûrement réfléchie dans le cadre de la commission. Je peux comprendre que l'on ne veuille pas qu'il y ait une caméra à chaque coin de rue; je peux comprendre également que des citoyens se sentent épiés par la caméra, mais je crois que tout est question de pesée d'intérêts. Tout est à prendre en compte sur le plan de la prévention. C'est simplement un moyen supplémentaire donné à l'autorité, avec des contraintes qui figurent précisément à l'article 42 sur la vidéosurveillance, contraintes qui mettent en demeure l'autorité compétente de ne pas transgresser cette loi.
C'est cela, Mesdames et Messieurs, la garantie pour le citoyen, au travers de ce projet de loi ! Car, quand on veut opposer liberté et sécurité, il y a bien évidemment, d'un côté comme de l'autre, une pesée d'intérêts. Or, elle ne met pas en contradiction liberté et sécurité ! Je pense que les deux ne doivent pas vous être opposés sous le prétexte d'être libertaire républicain. Je suis un démocrate. Le groupe démocrate-chrétien est démocrate ! Il revendique le fait d'être démocrate. Et il n'entend pas dire qu'il est nécessaire d'être libertaire pour être démocrate.
Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, allie trois éléments importants, mais c'est d'abord un équilibre. Un équilibre entre les nécessités d'un Etat efficace; un équilibre avec une protection, soit, pour le citoyen, des garanties que ses données personnelles sont protégées - et c'est extrêmement important; et il y a équilibre également dans la transmission des données, avec la garantie que ces dernières ne circuleront pas n'importe où. Il y a des conditions-cadres dans cette loi, puisque, dans le groupe de travail que nous avions formé, tout cela a été vérifié, contrôlé, de manière à pouvoir répondre aux attentes des citoyens.
Mesdames et Messieurs, on ne peut pas laisser dire que des abus peuvent être commis et que les caméras ne sont pas efficaces. Elles sont d'une certaine efficacité, pour autant qu'elles soient utilisées correctement et mises en main de personnes responsables.
Indépendamment de cela, Mesdames et Messieurs les députés, le rôle du préposé est extrêmement important dans la garantie que présente cette loi. Il convient de donner à ce préposé des pouvoirs importants: il doit pouvoir travailler dans une certaine indépendance, vis-à-vis du pouvoir exécutif comme du pouvoir législatif. En cela, Mesdames et Messieurs, pour des garanties de transparence, d'efficience, et pour renforcer le rôle, le contrôle du citoyen, le groupe démocrate chrétien présentera tout à l'heure une série d'amendements, qu'il souhaite bien évidemment voir adoptés.
Mesdames et Messieurs les députés, c'est important. Après les heures que nous avons passées à l'étude, fondée, de ce projet de loi, on ne peut pas le refuser. On ne peut pas le mettre à la poubelle, non ! Il s'agit ici d'un excellent projet de loi, puisqu'il garantit les libertés du citoyen. (Applaudissements.)
M. Jean-Michel Gros (L). Madame la présidente, vous n'aurez sûrement pas à m'adresser le même reproche qu'à certains de mes préopinants, parce que je serai très bref dans ce débat d'entrée en matière. J'espère simplement que vous rappellerez au rapporteur de minorité et au représentant des Verts que nous avons entendu tous leurs arguments sur la vidéosurveillance et que, lorsque nous arriverons à l'article 42, ils ne les expriment pas une nouvelle fois, parce que cela commencerait à nous fatiguer sérieusement ! (Brouhaha.) Voilà !
Je m'exprime donc sur l'entrée en matière de ce projet. Je signale que ce projet de loi mérite amplement que nous l'acceptions dans l'entrée en matière. Je remarque d'ailleurs que l'ensemble des groupes l'ont fait, en commission tout au moins. Oui, bien sûr, certaines voix se sont fait entendre sur l'opportunité de lier deux lois. En définitive, une sous-commission a mis tout ceci en musique et la liaison entre la LITAO et la LIPAD a été faite, cela dans la meilleure harmonie possible.
Ce projet de loi 9870 constitue un indéniable progrès, et dans l'accès aux documents par nos concitoyens, et pour la protection des données dont ceux-ci doivent bénéficier. Si nous ne l'avions pas fait, la loi fédérale s'appliquerait d'office, ce qui nous empêcherait de bénéficier des quelques marges de manoeuvre que la loi fédérale nous laisse. J'y ajoute, comme le rapporteur de majorité l'a fait, la prochaine entrée en vigueur des accords de Schengen et de Dublin, et ce qui importe: une protection des données efficaces ! Car le problème est là, Mesdames et Messieurs les députés: ce projet de loi porte sur la protection des données, avant tout ! Il permet à Genève de rester à la pointe de tous les cantons suisses, et probablement de tous les pays européens, dans ce domaine. C'est en cela que nous, les libéraux, qui sommes démocrates, qui ne faisons pas partie d'une soi-disant démocratie autoritaire, apprécions ce projet de loi.
Tous ces éléments, je sais que le rapporteur de majorité les a déjà évoqués, soit par oral maintenant, soit par écrit dans son excellent rapport. Je tiens à l'en remercier. Le groupe libéral tient à le féliciter d'avoir assumé ce rapport dans tout ce qu'il comporte, tant les subtilités techniques que les synthèses des positions politiques; pour cela, il mérite nos éloges. Je note d'ailleurs qu'à force d'éloges à l'égard d'Olivier Jornot, tant en matière judiciaire, fiscale ou législative, il sera probablement bientôt temps de lui donner l'occasion de servir notre république dans une fonction qui lui conviendrait encore davantage. (Commentaires. Applaudissements. Rires.) Bref, Madame la présidente, ce projet est bon, le travail de la sous-commission l'a rendu encore meilleur et le groupe libéral vous demande d'entrer en matière.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, j'entends beaucoup de choses ce soir, notamment sur les vidéosurveillances. J'aimerais simplement vous informer que la société a bien évolué ces dernières années... (Commentaires.) Oui, peut-être que cela vous surprend, mais moi pas. Si tout le monde était parfait, s'il n'y avait pas de crime, pas de délinquance, et si le respect prédominait envers les êtres humains - à commencer dans ce parlement - envers le matériel, les bâtiments, et j'en passe, il n'y aurait pas besoin de caméras de vidéosurveillance. La protection des données sera parfaitement respectée avec ce projet de loi.
Alors, s'il vous plaît, arrêtez de raconter n'importe quoi, de parler pendant des heures pour ne rien dire ! Vous avez eu largement assez de débats durant toutes les auditions en commission. Ce n'est pas ici que s'effectue le travail, mais en commission. Votez donc ce projet de loi.
Si vous n'êtes pas contents, il faut montrer que vous êtes capables de faire mieux ! Si nous examinons ce projet de loi aujourd'hui, c'est forcément parce que d'autres n'ont pas été capables de le faire. Alors, dites au moins merci à ceux qui font le travail et qui ont à coeur de véritablement répondre à l'attente des citoyens ! C'est pour des faits bien réels qu'il y a de plaintes de citoyens concernant la remise en cause de la sécurité, que les gens ont peur et qu'ils n'osent plus sortir de chez eux. Peut-être que chez certains d'entre vous, dans vos quartiers, il n'y a jamais de problème, tant mieux pour vous, mais ce n'est pas le cas pour la majorité de notre population ! Et si vous ne respectez pas les gens ici présents, respectez au moins le peuple qui vous a élus, parce que c'est grâce à lui que vous êtes dans cette salle.
M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, on l'a compris en lisant l'excellent rapport de majorité, l'objet principal de ce projet de loi n'est pas la vidéosurveillance. Mais évidemment, comme c'est un projet plus simple à comprendre, on parle tous de la vidéosurveillance... Bon, je vais également en parler. Nous examinons demain, en séance des extraits, le rapport sur les Assises de la sécurité. Notamment, nous avions reçu le directeur de la prévention et de la sécurité publique d'Annecy, qui nous faisait les éloges de la vidéosurveillance dans sa ville, où il avait observé une diminution intéressante de la criminalité au centre-ville, sans phénomène de déplacement. Voilà l'un des arguments.
Je vous rappelle qu'en commission judiciaire nous avons longuement parlé du tram, où, vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en permanence filmés; et cela ne nous pose aucun problème. Aujourd'hui, avec la technique moderne et tout le système de «floutage» de la vidéosurveillance, cela ne pose pas de problème quand un organe de contrôle est en place. Pour toutes ces raisons, le groupe radical soutient pleinement ce projet.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, la forme influe sur le fond. Tout à l'heure, M. Losio, en imitant quelqu'un d'autre, a dit beaucoup de bêtises. Il a tenté de nous faire croire qu'il s'agissait ici d'un combat entre les républicains autoritaires et les libertaires ou que sais-je... Pas du tout ! Pas du tout, Mesdames et Messieurs ! J'en veux pour preuve, parmi tant d'autres exemples, un excellent article paru en mai dernier dans un quotidien du dimanche où l'on interrogeait un spécialiste des questions de sécurité. D'après lui, la vidéosurveillance peut certes être efficace, mais à condition de se poser les bonnes questions - ce qui n'est souvent pas le cas, nous disait-on. Je cite: «Dans le débat politique gangrené par un clivage gauche/droite, dire que les caméras de surveillance sont une violation totale de la sphère privée est tout aussi incorrect que d'imaginer qu'en les multipliant tous les problèmes seront résolus.» Eh bien, Monsieur Losio, vous êtes tombé dans le panneau en essayant de nous faire croire, dans une vision totalement bornée, que les caméras de vidéosurveillance étaient à ce point une atteinte à la sphère privée qu'il fallait totalement se priver de leur utilisation. Je vais tenter, comme - je crois - la majorité de ce parlement - en tout cas, cela a été le cas en commission - de ne pas tomber dans le panneau inverse. Je ne ferai pas croire à ce parlement que les caméras de vidéosurveillance résolvent tous les problèmes et qu'elles sont la panacée pour résoudre toutes les questions de sécurité.
Il se trouve que ce que nous avons dit là, ce que la majorité a dit concernant la vidéosurveillance, elle n'est pas la seule à le dire. La Confédération, vous vous en souvenez peut-être, a commandé l'année dernière un rapport sur la vidéosurveillance qui a été accepté le 28 septembre 2007 par le Conseil fédéral. Ce rapport aboutit à la conclusion que, en combinaison avec d'autres moyens, la vidéosurveillance permet en effet d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés et la presse genevoise titrait: «Berne plébiscite la vidéosurveillance.»
Mais il n'y a pas que l'abominable Confédération manipulée par les forces de droite qui le dit ! Il y a même des gouvernements de gauche. Pas seulement notre Conseil d'Etat, qui propose d'inscrire la vidéosurveillance dans la loi, mais aussi celui du canton de Neuchâtel, qui a mis en consultation un projet de loi sur la vidéosurveillance extrêmement élogieux à l'égard de ce moyen. Je cite la mise en consultation de ce projet de loi neuchâtelois: «L'utilité de la vidéosurveillance de l'espace public et de l'espace accessible au public n'est plus à démontrer. Elle exerce notamment un effet préventif, permettant d'empêcher bon nombre de déprédations et d'incivilités, et de renforcer le sentiment de sécurité chez certains usagers des espaces concernés. Lorsque les images sont enregistrées, elles peuvent faciliter la recherche d'auteurs d'infractions.» Et c'est M. Studer lui-même qui a présenté ce projet de loi à la presse, en expliquant la position du gouvernement neuchâtelois !
Alors, de grâce, qu'on ne vienne pas nous dire que ces caméras seraient le reflet de je ne sais quel fantasme autoritaire. Il s'agit d'être mesuré. Et le meilleur moyen, Mesdames et Messieurs les députés, d'être mesuré, c'est de prévoir dans la loi des conditions strictes à l'utilisation des caméras de surveillance. C'est ce que le Conseil d'Etat a voulu; c'est ce qui figure dans la loi votée par la commission. Je me ferai un plaisir, lorsque nous reviendrons tout à l'heure sur l'amendement, de revenir aussi sur le détail de la proposition faite par le Conseil d'Etat et acceptée par notre Grand Conseil, parce qu'elle constitue le meilleur compromis pour garantir à la fois le maintien de la sécurité d'un côté, mais aussi le respect de la sphère privée et des libertés individuelles, de l'autre.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. En écoutant la plaidoirie extraordinaire de M. le rapporteur de majorité au sujet de la vidéosurveillance, je me demande toujours, même si M. Gros... (Commentaires.) Oui, Monsieur Gros, mais vous êtes intervenu tout à l'heure sur le sujet, sur la campagne de M. le rapporteur de majorité... Ce n'est pas le sujet que nous traitons aujourd'hui, mais quand il s'agit de vous, tout est possible; quand il s'agit des autres, ce n'est pas possible ! Si cela ne vous convient pas, vous pouvez allez au bistrot, comme tout le monde.
Je disais donc, Monsieur le rapporteur de majorité, qu'en écoutant votre brillant exposé je me demande ceci: pourquoi les libéraux n'ont-ils pas accepté ces caméras à la rue de la Corraterie ? Car vous avez imposé au Conseil d'Etat d'enlever ces caméras à la rue de la Corraterie ! Eh bien, au nom des libertés individuelles - qui ne sont pas atteintes - vous n'auriez pas dû demander cela. C'est ça qui me gêne ! Quand il s'agit de lieux où il faut surveiller des événements concrets, comme des manifestations, vous trouvez qu'il n'y a pas de problème; mais quand il s'agit de lieux où cela vous affecte, vous ou vos intérêts, là, vous ne voulez pas de caméra ! Voilà ce qui est gênant. Vous mettez en place deux poids, deux mesures, Monsieur Hohl... Je dis que c'est en banalisant cette pratique, comme vous le faites, que l'on arrive, petit à petit, point par point, mesure par mesure, à limiter ensuite les libertés individuelles. Je le répète: aujourd'hui, l'avancée technologique est telle que nos institutions ne sont pas armées pour la contrôler. Voilà ce que je suis en train de dire !
Et j'ai également relevé ceci: l'efficacité de ce système n'est pas prouvée, contrairement à ce que dit le rapporteur de majorité. La disproportion entre l'investissement et la sauvegarde de la «sécurité» est beaucoup trop importante: le prix à payer en matière de liberté individuelle est beaucoup trop élevé pour que nous allions dans ce sens-là. Rien n'est prouvé, je le répète. Aucune étude universitaire ne l'a prouvé, aucune étude des politiques ou du parlement ne l'a prouvé, et c'est pour cela que nous ne pouvons pas accepter l'intrusion de la vidéosurveillance dans le domaine public. J'y reviendrai quand on débattra de l'amendement.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord vous remercier du soin très attentif que vous avez pris à la problématique de la transparence des activités de l'Etat et à la problématique de la protection des données. Nous avions choisi un seul objet, celui de la protection des données. Vous avez, à juste titre et non sans difficulté - parce que la tâche était grande - voulu joindre dans un seul texte le droit à la transparence et le droit à protection des données personnelles, puisque, de toute évidence, ces deux droits ont une limite commune et que la limite est l'objet de notre débat politique de ce soir.
Je dois dire aussi que les travaux de votre sous-commission et de votre commission aboutissent à un excellent texte que le Conseil d'Etat vous invite à accepter. En effet, il est essentiel, dans une démocratie, que l'Etat, les collectivités publiques, soient transparents. Il est tout aussi essentiel dans une démocratie que les droits individuels et la sphère privée soient protégés. Vous avez, je crois, trouvé un bon équilibre entre ces deux valeurs fondamentales.
En ce qui concerne les différents amendements qui vous sont présentés, je dirai brièvement ceci: au sujet de la vidéosurveillance, elle n'est pas une panacée, mais nous ne pouvons pas nous en priver. Nous avons besoin d'une vidéosurveillance. Elle doit, en revanche, être strictement conditionnée, contrôlée. C'est précisément l'objet de l'article 42 de la loi, qui décrit toutes les mesures que l'on peut raisonnablement prendre pour cadrer la vidéosurveillance et, néanmoins, l'utiliser à chaque fois que cela peut s'avérer nécessaire.
Je vous rappelle que, dans le rapport que je vous avais proposé le 26 février 2007, je vous annonçais mon intention d'aller vers la vidéosurveillance. Vous n'avez pas encore traité de ce rapport, mais j'ai déjà fait ce que j'avais promis. Vous avez eu la bonté de me soutenir dans le projet POLYCOM, dans le projet «Cyclope» et, aujourd'hui, dans ce projet de loi sur la protection des données personnelles.
Le deuxième amendement proposé concerne la gratuité de la procédure. Le Conseil d'Etat avait proposé la gratuité de la procédure et nous considérons qu'il est normal que cet amendement puisse être accepté.
En revanche, je dois vous mettre en garde contre le fait que les trois amendements du parti démocrate-chrétien sont complètement étrangers à l'esprit de la loi ! En commission, vous avez voulu, à juste titre, placer le préposé en position d'arbitre, en position d'indépendance; vous avez choisi de l'élire vous-mêmes, de le choisir vous-mêmes. Mais on ne peut pas, en même temps, lui demander cette indépendance d'esprit, cette autorité naturelle, et le charger de faire le ménage ! Car les trois amendements que vous proposez ont ceci de commun: ils ramènent le préposé au niveau d'un brave chef de service qui fait son travail consciencieusement. Ce n'est pas ce qu'on attend du préposé ! On attend de lui, comme de la Cour des comptes, à certains égards, la capacité d'être en dessus de la mêlée et de préserver le fonctionnement du système et les droits des citoyens à la protection des données.
Enfin, en ce qui concerne l'amendement sur l'extension de la compétence de la commission consultative, à la lecture de l'article actuel et de l'amendement, je ne suis pas convaincu que l'amendement apporte grand-chose - il a plutôt tendance à synthétiser l'ensemble des compétences. Je n'aurais pas d'objection à ce que ce qu'il soit accepté si telle était votre volonté.
Mesdames et Messieurs les députés, je crois que nous faisons un pas important sur un sujet stratégique dans une démocratie et qu'il n'y a pas lieu, compte tenu des précautions prises, de craindre pour nos libertés, bien au contraire !
Mis aux voix, le projet de loi 9870 est adopté en premier débat par 70 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 (nouvelle teneur) à 3, al. 1 phr. 1, lettres b et c, al. 2 (nouvelle teneur), al. 3 et 4 (nouveaux).
La présidente. A l'article 4, nous sommes saisis d'un amendement du rapporteur de minorité, lequel figure à la page 208 du rapport: article 4, al. 1, lettre i (nouveau). Afin que vous commentiez cet amendement, Monsieur le rapporteur de minorité, je vous cède le micro.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Le groupe socialiste retire cet amendement, de même que celui de l'article 42, au bénéfice de l'amendement présenté par les Verts et que nous soutiendrons - parce que l'article 4 allait avec l'article 42.
La présidente. Page 208, il y a effectivement les amendements des articles 4 et 42, amendements que vous retirez maintenant. En revanche, maintenez-vous celui de l'article 63, même page ?
M. Alberto Velasco. Nous maintenons tout ce qui concerne la gratuité, Madame la présidente.
La présidente. D'accord, vous maintenez l'article 63, nouveaux alinéas 2 et 3.
M. Alberto Velasco. Oui. Quant à l'article 42, alinéa 2, figurant à la page 209, il reste en suspens, Madame la présidente, en attendant la possible acceptation de l'amendement des Verts.
La présidente. Très bien ! Nous y reviendrons au moment opportun.
Mis aux voix, l'article 4 (nouveau, les anciens articles 3 à 16 devenant 5 à 18) est adopté, de même que les articles 6, al. 2 (nouvelle teneur), à 41 (nouveau).
La présidente. A l'article 42, intitulé «Vidéosurveillance», nous avons un amendement présenté par Mme Captyn et signé par une grande majorité des Verts et des socialistes. Madame Captyn, je vous cède la parole.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, si les Verts et les socialistes ont déposé un amendement sur la vidéosurveillance, c'est bien parce qu'ils estiment que le cadre légal que lui réserve cette loi est pour le moins léger ! Permettez-moi, dans un premier temps, de vous donner des éléments factuels, puis je vous présenterai notre position et, enfin, l'amendement.
La première question pragmatique que tous les députés doivent se poser vis-à-vis de la vidéosurveillance a trait à la règle de l'aptitude, c'est-à-dire que la mesure choisie doit être propre à atteindre l'intérêt public visé. La première question est donc: quel est l'intérêt public visé ? En relisant le rapport du projet de loi 10027, qui a ouvert un crédit d'investissement de 5 millions de francs pour installer de nouvelles caméras dans les rues, je relève que les objectifs visés par la vidéosurveillance sont les suivants: la prévention, la visualisation des événements, l'aide à la décision, l'aide à l'enquête, la constitution de moyens de preuve.
Parallèlement, et pour information, vous savez sans doute que la Grande-Bretagne est fort expérimentée en vidéosurveillance; elle détient une caméra pour quatorze habitants. J'ai trouvé un récent rapport de l'Office des statistiques nationales anglais sur une évaluation de treize systèmes de vidéosurveillance. Le rapport s'appelle «Assessing the impact of CCTV»; il se trouve sur internet, je vous le recommande vivement.
Revenons aux objets fixés par le Conseil d'Etat. Le premier est la prévention. Le rapport démontre que la grande majorité des gens ne change pas de comportement lorsqu'un environnement fait l'objet d'une vidéosurveillance. De plus, l'étude anglaise démontre de plus que la présence de caméras de surveillance n'augmente pas le sentiment de sécurité des gens. Pour revenir plus près de chez nous, l'expérience de la vidéosurveillance dans les TPG est intéressante: dans un premier temps, les déprédations ont en effet diminué, et fortement, dans les bus et les trams. En revanche, pendant la même période d'analyse, les vols et les agressions contre le personnel et les clients ont augmenté. Conclusion: la vidéosurveillance est bien peu efficace.
Les deux autres objectifs que le Conseil d'Etat cherche à atteindre par le développement la vidéosurveillance sont la visualisation d'événements et l'aide à la décision. Ces deux objectifs ne peuvent être atteints que si et seulement si des policiers ou agents se trouvent derrière des écrans pour contrôler en direct les lieux filmés. Or, l'étude démontre encore que, en moyenne, il y a six incidents toutes les quarante-huit heures de surveillance. Cela a amené les auteurs de l'étude à constater que le temps de pause, le café, la lecture des journaux, l'observation des femmes étaient plus importants que le temps de concentration réel des agents sur les écrans. De plus, l'étude ajoute qu'il faut une excellente réactivité des services de police pour rendre efficace la vidéosurveillance en direct. Mais la réactivité des forces est fonction des priorités budgétaires de l'Etat que précisément la vidéosurveillance péjore. Eh oui, Mesdames et Messieurs les députés, la vidéosurveillance coûte très cher ! A lui seul, l'entretien des caméras prévues dans le projet de loi 10027 représente vingt policiers qui ne sont pas engagés. (Commentaires.) Si, c'est vrai ! Autre constat de l'étude: moins de 5% des incidents réalisés dans les zones filmés ont débouché sur une arrestation. Vous l'aurez compris: à nouveau, la vidéosurveillance, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas efficace !
Les derniers objectifs du Conseil d'Etat relatifs à la vidéosurveillance sont l'aide à l'enquête et la constitution de moyens de preuve. A ce sujet, l'étude explique que, pour les treize systèmes étudiés, la moitié des images sont inutilisables, soit parce qu'elles sont trop sombres ou, au contraire, surexposées à la lumière. Mis à part cet aspect de pure technique, dans la constitution de preuves, les images peuvent effectivement, je dois l'avouer, être fort utiles. On a d'ailleurs souvent utilisé l'argument des attentats de Londres en 2005 pour défendre la vidéosurveillance. Mais je suis désolée de vous dire que, même dans ce cas, les auteurs ont été retrouvés seulement parce que la police britannique avait été informée de l'identité potentielle des suspects. On a pu les arrêter, car des centaines d'enquêteurs ont été mobilisés pour visionner quinze mille vidéos. Quinze mille vidéos ! Eric Heilmann, professeur à l'Université de Strasbourg, a dit très justement à ce sujet: «Penser que l'on pourrait mobiliser de telles ressources humaines pour des actes criminels de moindre ampleur serait se moquer du monde.» En effet, Mesdames et Messieurs les députés, à moins de déployer d'énormes moyens policiers, la vidéosurveillance, c'est, encore une fois: inefficace !
Venons maintenant à notre position de principe. La vidéosurveillance, d'accord, ce n'est pas ou tout ou rien. On accepte la vidéosurveillance, mais seulement là où elle est efficace ! Or, dans la rue, vous l'aurez compris par mes précédents arguments, elle ne l'est tout simplement pas. Pas du tout. C'est au contraire l'outil symbolique d'un Etat sécuritaire, oui, dont le message est clair: «Attention, vous êtes filmés !» La vidéosurveillance atteint les droits fondamentaux, et ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est le Tribunal fédéral. C'est un outil liberticide, qui tue la spontanéité. La vidéosurveillance culpabilise le citoyen, qui se sent sous contrôle, et renforce ainsi l'instinct grégaire. Elle entache l'Etat de droit par un effet de menace et atténue par là même la responsabilité des citoyens - si chère à certains.
La vidéosurveillance dans la rue est dangereuse: elle augmente le sentiment d'insécurité en transmettant le message que les lieux publics où il y a des caméras sont dangereux. En ce sens, j'approuve complètement ce courrier de lecteur qui dit, au sujet de la vidéosurveillance: «Comment peut-on se sentir rassuré par la présence de caméras ? Tout ce qu'elle veut dire, c'est que quelqu'un pourra vous regarder en train de vous faire soit agresser, tabasser, violer, ou assassiner.» Super...
Venons-en enfin à la présentation de notre amendement. Nous vous proposons des modifications proportionnées de la loi qui permettent la vidéosurveillance dans les lieux publics fermés, les lieux clos comme les parkings ou les TPG. Concrètement, cela passe par une interdiction de la vidéosurveillance sur les voies publiques, les routes, la rue. Par ailleurs, nous suggérons que le préposé cantonal à la protection des données et à la transparence des informations de l'Etat donne un préavis pour tout nouveau projet de système de vidéosurveillance, comme l'ont déjà prévu le canton de Neuchâtel et d'autres cantons quand ils ont eu leur débat sur le même sujet.
Enfin, nous vous proposons de revenir au délai maximal de nonante-six heures de conservation des données personnelles, pour respecter davantage les libertés individuelles, comme l'avait voulu le Conseil d'Etat à l'origine du projet.
Au vu de ces longues explications, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à faire preuve de proportionnalité et de bien vouloir accepter notre amendement. Et puis, souriez, parce que vous êtes filmés ! (Rires. Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Frédéric Hohl (R). Au sujet de l'article 42, je reviens une fois de plus sur la problématique du tram. Personnellement, me faire filmer dans le tram ne me pose absolument aucun problème. Certes, la vidéosurveillance ne résout pas tout... Alors, on va vivre avec notre temps. Avec la technique moderne, on privilégie la rapidité d'utilisation, l'efficacité, la sécurité. Vous vous souvenez peut-être de ce fait divers: il y a deux semaines, à l'école de Confignon, un cas de racket a été découvert grâce à la vidéosurveillance. Là, ce n'est pas de la répression, cela devient de la prévention ! Donc, c'est de toute manière fort utile. Et nous allons, bien évidemment, refuser cet amendement.
M. Jean-Michel Gros (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je dois vous avouer que j'aime beaucoup la première page et demie du rapport de M. Velasco... Il décrit ici une société où nous serions tous surveillés, épiés, fichés par la biométrie, l'ADN, l'empreinte de l'iris, au moyen de caméras, de webcams, de drones, de GPS... Bref, Orwell est parmi nous. Les libéraux peuvent partager ces inquiétudes, qui sont exprimées à juste titre par M. Velasco, attachés qu'ils sont à la liberté individuelle et à la protection de la sphère privée.
Là où nous ne partageons plus les vues de la minorité, c'est lorsqu'elle escamote le problème de la sécurité. Cette question se pose surtout dans une ville internationale comme Genève. Et la liberté, c'est aussi, Monsieur Velasco, de pouvoir se promener partout avec un sentiment de sécurité. La vidéosurveillance fait partie des outils actuels pour assurer cette sécurité ! Mais le groupe libéral ne veut pas assurer cette sécurité en mettant en danger la liberté. Vous étiez dans cette commission, Monsieur Velasco, et vous avez entendu les questions du groupe libéral. Je ne cite qu'un exemple: l'agrégation des données administratives d'un citoyen par l'Etat nous est imposée par la loi fédérale; nous avons dû nous y soumettre, au risque de créer un profilage du citoyen. On ne vous a guère entendus sur ce sujet, les socialistes et les Verts ! Il est pourtant éminemment important de savoir si le mélange des ordinateurs de l'Etat sur un même citoyen peut véritablement créer un problème.
Je reviens à la vidéosurveillance. Je pense qu'il faut que chacun relise l'article 42 dans la version issue des travaux de la commission ! Premièrement, il fait partie intrinsèque de la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données. Deuxièmement, cet article ne fait que limiter l'usage de la vidéosurveillance, nécessaire à garantir la sécurité des personnes et des biens: signalisation par des pictogrammes, protection du personnel, limitation du visionnement des données, destruction dans un certain délai, «floutage», et j'en passe. Nous sommes donc bel et bien en plein dans la loi sur la protection des données - même avec cet article, je vous prie de le relire.
Enfin, Monsieur le rapporteur de minorité, je vous demande de ne pas céder à la naïveté: «Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil», ce n'est pas vrai ! Je sais bien que l'amendement que vous proposez n'est pas le vôtre, mais celui des Verts ! Or interdire la vidéosurveillance sur le domaine public à l'exception des routes, c'est-à-dire uniquement pour surveiller les automobilistes, ce n'est pas sérieux ! (Rires.) Ne tombez pas dans les excès des Chambres fédérales, qui, lors du débat sur les fiches élaborées à l'époque selon des critères complètement stupides, ont tout supprimé, jetant le bébé avec l'eau du bain ! Et depuis, certains s'en mordent les doigts.
Oui, Madame Captyn, lors du G8, nous aurions préféré distinguer nettement les gentils manifestants des casseurs. Oui, nous aimerions nous donner les moyens d'accuser ou d'innocenter des citoyens impliqués dans une scène de violence ! Quant à l'utilité de ces systèmes, je crois me souvenir que les terroristes du 11 Septembre ont été identifiés grâce à des caméras dans les parkings des aéroports. (Commentaires.) Une série policière que nous voyons tous les jeudis - je peux me tromper de jour - à la télévision française nous montre combien d'enlèvements d'enfants ont été résolus simplement grâce à l'observation d'une voiture filmée aux abords d'une école.
Fort des précautions prises dans l'article 42 de cette loi, mais aussi dans l'ensemble de la loi, le groupe libéral vous demande de voter l'article 42 tel qu'issu des travaux de la commission.
M. Pascal Pétroz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien refusera également cet amendement pour toute une série de raisons. La première est que notre groupe considère que la vidéosurveillance est une mesure qui n'est certes pas la panacée, mais qui est propre à accroître la sécurité dans notre ville; je crois qu'il ne faut pas avoir fait beaucoup d'études pour se rendre compte que, si l'on n'a rien à cacher, on n'a aucune crainte à pouvoir être filmé, ce d'autant moins lorsque les données sont détruites dans un certain délai en l'absence d'infraction. C'est bien ce que la loi telle qu'elle nous est proposée prévoit.
Je n'aimerais pas, même si j'ai tellement de plaisir à l'entendre, être aussi polémique que M. Gros. Il convient toutefois de s'intéresser au texte de l'amendement, parce que c'est un amendement qui cache son nom. En effet, il nous dit en réalité que la vidéosurveillance est interdite, sauf s'il est question de gérer le flux de la circulation routière, pour autant qu'elle ne permette pas l'identification des véhicules et des personnes. Or, à l'alinéa 3, il s'agit de détruire après nonante-six heures ce dont on a parlé à l'alinéa 1, à savoir le flux de la circulation sans identification des voitures, des plaques, et sans que l'on sache qui était à l'intérieur du véhicule. J'ai de la peine à comprendre à quoi sert la «destruction de rien» après nonante-six heures. Je ne saisis pas la différence que cela fait de ne rien détruire après nonante-six heures, sept jours ou trois mois.
Mesdames et Messieurs les socialistes et le Verts, on a bien compris que vous étiez totalement opposés au principe de la vidéosurveillance - vous en avez le droit le plus strict, c'est la démocratie. Eh bien voilà, nous voterons dans un certain sens, qui ne sera peut-être pas celui-là. Vous avez bien le droit d'être opposés - à mon avis, à tort - à la vidéosurveillance, mais ne nous proposez pas un amendement qui nous dit que la vidéosurveillance est permise lorsqu'elle ne sert à rien. C'est la raison pour laquelle cet amendement qui cache son nom doit être, à notre sens, refusé.
M. Gilbert Catelain (UDC). La Convention européenne des droits de l'Homme consacre pour tous les citoyens le droit à la sécurité. La vidéosurveillance est aujourd'hui un outil indispensable à cette sécurité. Elle permet en particulier de compenser le déficit entre ressources policières et augmentation de la population, elle n'est pas une parade au sentiment d'insécurité.
La vidéosurveillance à laquelle Mme Captyn a fait allusion tout à l'heure, notamment en citant une étude qui minimisait le rôle de la vidéosurveillance, en tout cas ses effets sur la sécurité, est dépassée - Mme Captyn a fait allusion à une vidéosurveillance d'une ancienne génération, et non pas à celle que nous connaissons déjà en Suisse au niveau fédéral. Je ne voudrais pas faire peur à Mme Captyn, mais nous disposons aujourd'hui sur le territoire suisse d'une vidéosurveillance qui permet de lire les numéros de plaques des véhicules, d'enregistrer les photos de ces derniers et d'alarmer une centrale lorsque le véhicule qui passe devant la caméra vidéo correspond à un avis de recherche informatisé. Cela permet, sans occuper le moindre effectif de police, contrairement à ce qui a été dit, d'engager, si nécessaire, une patrouille de police pour intervenir sur ce véhicule, ou en tout cas d'organiser une surveillance pour pouvoir intercepter ce véhicule ultérieurement. L'efficacité finale, à savoir l'interception de l'auteur de l'infraction, est effectivement liée à la capacité d'intervention de la police. Et l'on ne peut pas dire aujourd'hui que le système de vidéosurveillance de nouvelle génération va monopoliser des ressources policières pour regarder des écrans. C'est une génération qui est périmée et nous ne discutons plus de cela.
Le système est encore plus pervers pour mes collègues des bancs d'en face, puisqu'il permet à l'autorité d'introduire dans le système des numéros de plaques de véhicules dont les propriétaires sont recherchées pour avoir commis un vol, un viol, etc. C'est donc cadré par une ordonnance fédérale. Nous avons alors une sorte d'outil qui permet, comme diraient les Américains, des «frappes chirurgicales» ne nécessitant pas l'engagement de moyens disproportionnés, mais permettant d'agir au bon moment, au bon endroit, en utilisant avec rationalité les effectifs policiers.
En résumé, la formulation de l'article 42 tel qu'il nous est proposé par la sous-commission est extrêmement prudente et restrictive. Elle est en tout cas beaucoup plus restrictive que la législation fédérale dans ses différents domaines, puisque ce sont des ordonnances qui statuent. Nous pouvons donc faire confiance au texte qui nous est proposé. Le groupe UDC ne soutiendra pas cette proposition d'amendement.
M. Olivier Wasmer (UDC). Madame la présidente, je suis obligé de prendre la parole après mon collègue, car il vous a dit que le groupe allait soutenir cet amendement... (Commentaires.) Non, qu'il ne le soutiendrait pas ! (Brouhaha.) Je dois dire tout d'abord que j'ai lu avec plaisir le rapport de majorité qui soulignait qu'un député UDC, en l'occurrence moi, indiquait à la surprise générale que son parti soutiendrait l'amendement des Verts. Comme vous l'avez entendu de la part de mon collègue, M. Catelain, ce n'est pas le cas ! Par contre, je suis moi-même étonné d'entendre mon collègue libéral, Jean-Michel Gros, parler de liberté au sein de la commission, au sein de cet hémicycle, et dire qu'il veut des caméras absolument partout... Et effectivement, pour rejoindre le député Hiltpold... (Remarque.)
Des voix. Hohl !
M. Olivier Wasmer. Pardon: le député Hohl. (Rires.) Excusez-moi ! Donc, je suis bien d'accord avec lui, des caméras dans le tram sont très utiles; des caméras autour de la gare de Cornavin sont tout aussi utiles; des caméras à l'aéroport, cas échéant pour prévenir des attentats, sont encore plus utiles ! Il est vrai que des caméras sur les quais des Eaux-Vives et des Pâquis sont aussi très utiles... En revanche, je ne partage pas cette paranoïa ambiante qui est la vôtre, parmi certains bancs de l'hémicycle, de vouloir placer des caméras absolument partout. Nous sommes à Genève, pas à New York ou à Paris. Nous ne sommes pas dans une ville où la délinquance est comparable à celle de Bogota, où il y a un meurtre toutes les heures. Genève est encore une ville provinciale, heureusement, bien qu'elle soit une très grande ville internationale.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je ne voterai pas, en l'état, l'amendement des Verts, mais je m'abstiendrai. C'est tout ce que je voulais vous dire.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai bien entendu le discours de Mme Captyn à l'appui de son amendement, discours qui tend non pas tellement à nous faire peur sous l'angle de l'atteinte aux libertés individuelles, mais à signifier que tout cela est finalement totalement inutile, parce qu'inefficace. Je trouve amusant qu'on nous tienne ce discours, alors que les spécialistes du monde entier préconisent, de manière mesurée - sans mettre des caméras partout, Monsieur Wasmer - le recours à la vidéosurveillance. Je dois dire que j'ai tendance, lorsqu'il s'agit d'évaluer l'efficacité d'un système, à faire confiance au spécialiste qui l'utilise plutôt qu'au député qui en a peur. Pardonnez-moi si je vois les choses de cette façon.
Et puisqu'on a parlé d'utilité - tout à l'heure M. Hohl prenait l'exemple de Confignon - c'est effectivement grâce à un mécanisme de vidéosurveillance, en l'occurrence privé, qu'a été identifié l'auteur de ce fameux racket avec un pistolet. Mais j'aimerais vous donner le contre-exemple. Je ne sais pas si vous vous rappelez, Mesdames et Messieurs les députés, le meurtre du Bachet-de-Pesay. La caméra de gestion du trafic, Mesdames et Messieurs du groupe des Verts, avait filmé toute la scène ! Et l'on voyait effectivement une voiture s'arrêter, un homme en sortir et abattre froidement l'occupant du véhicule qui se trouvait à côté. Evidemment, qu'ont fait les enquêteurs ? Ils se sont précipités sur la caméra pour voir si l'on pouvait procéder à des identifications. Eh bien, cette caméra correspond exactement à vos voeux ! Les images qu'elle enregistre sont floues et elle permet uniquement de gérer le trafic. Les enquêteurs n'ont jamais pu lire le numéro de plaque, et l'auteur de ce meurtre court toujours ! Votre amendement, Mesdames et Messieurs, conduit à cela, une excellente gestion du trafic et une politique pénale catastrophique. (Applaudissements. Commentaires.)
Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi ne sommes-nous pas d'accord sur la vidéosurveillance ? Nous ne sommes pas d'accord sur la vidéosurveillance parce que nous ne sommes pas d'accord sur le fond ! Nous ne sommes pas d'accord sur l'existence d'une délinquance, d'une insécurité qui mériterait que l'on mette en oeuvre des moyens supplémentaires. C'est sur ce point-là déjà que nous ne sommes pas d'accord ! J'en veux pour preuve un excellent article du professeur de criminologie, Martin Killias, paru il y a quelques jours dans «Le Temps» - l'article visait à fustiger le parti socialiste, je suis désolé. Martin Killias disait à ses camarades: «Mais ouvrez les yeux ! Oui, en Suisse, il y a, depuis dix à quinze ans, une forte augmentation des actes de violence. Oui, mais la statistique policière ne le révèle pas; or il y a une forte augmentation de la délinquance dans les villes ! Oui, il y a une forte augmentation des actes de violence commis dans la rue !» Et c'est précisément parce que vous niez l'existence de ce développement-là que, forcément, vous préférez conserver les moyens de police tranquilles et pépères ! Mais nous ne sommes plus à l'époque des Brigades du Tigre ! Il faut vous adapter à la situation et admettre qu'à l'évolution de la situation il faut répondre par un développement des moyens.
L'amendement des Verts, Mesdames et Messieurs les députés, vise simplement à interdire la vidéosurveillance. Je crois que c'est aussi simple que cela. En effet, M. Pétroz ironisait tout à l'heure sur une partie de l'amendement; je vais ironiser sur une autre. Lorsque l'on garde dans le texte que la vidéosurveillance vise à garantir la sécurité des personnes et des biens se trouvant dans les lieux publics ou à leur proximité immédiate, vous m'expliquerez comment il est possible de garantir cette sécurité si, dans le même temps, on s'interdit de filmer les lieux publics. Il y a là quelque chose qui ne va pas du tout. Vous autorisez les caméras pour surveiller l'intérieur des musées, c'est très bien, mais vous n'autorisez pas celles qui sont utiles pour garantir la sécurité des personnes et des biens.
J'aimerais dire un dernier mot, si j'ai encore quelques secondes, Madame la présidente, sur la question de la durée de conservation des images. J'aimerais rappeler à ce propos que le Tribunal fédéral, examinant la situation à Saint-Gall, a considéré comme proportionnelle la conservation des images pendant cent jours. Je dis bien: «pendant cent jours» ! Et il l'a fait dans un arrêt qui prévoit ceci: «En raison du fait que le juge n'est souvent pas saisi immédiatement d'une dénonciation, surtout en cas de délit contre l'intégrité sexuelle ou contre des adolescents, il se justifie de garder les enregistrements plus de trente jours.» Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Tribunal fédéral ! Admettez donc, Mesdames et Messieurs les députés, que, lorsque la commission a prolongé de nonante-six heures à sept jours la durée de conservation, elle est restée très... conservatrice. D'autant plus que, dans le même temps, la Confédération, elle - c'était en septembre de cette année - a prolongé la durée de conservation de ses propres images d'une durée de vingt-quatre heures à une durée de quatorze jours. A Genève, nous serons à la moitié. Nous aurons une loi extrêmement restrictive - comme M. Catelain l'a dit tout à l'heure - extrêmement protectrice, extrêmement respectueuse des droits des citoyens. Je vous recommande dès lors de refuser cet amendement.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Je voudrais tout d'abord dire, Madame la présidente, que la première des sécurités pour nous tous, c'est la liberté. Sur cela, Monsieur Gros, nous pouvons être d'accord. Je ne peux pas faire un procès d'intention aux libéraux, car certaines fois, en commission, nous avons défendu ensemble ce principe - cela, je dois le dire très honnêtement. J'aimerais cependant que vous étendiez ce principe à l'ensemble des acteurs de la société; et parfois vous manquez à cela. Je m'explique. Dans le monde, ce sont les pays où il y a le plus de pauvreté qu'il y a le plus d'insécurité. Par exemple, j'ai rencontré des gens revenant d'Afrique du Sud - des avocats, des économistes, des professeurs d'université - qui disaient: «On part, parce qu'on n'arrive plus à sortir dans les rues.» Eh bien, on peut mettre toutes les caméras que l'on veut, une à chaque mètre, on ne résoudra pas le problème ! Le problème est résolu lorsqu'on assure la dignité des citoyens et citoyennes à tous les points de vue. Quand une société vit de manière correcte, quand elle n'a pas à satisfaire des besoins en enfreignant les libertés, en enfreignant la loi, on n'a pas besoin de beaucoup de caméras ! Que se passe-t-il aujourd'hui ? Et pourquoi est-ce que je m'insurge contre cela ? Parce que la plupart des méfaits que les caméras enregistrent sont précisément la conséquence de la pauvreté, de l'insécurité, que notre société entraîne. Et on ne peut résoudre ce problème avec des caméras ! Je ne dis pas qu'elles n'aident pas à résoudre certains cas, mais simplement que ce n'est pas une solution aux problèmes que l'on connaît: plus on installera de caméras, plus on augmentera l'insécurité, car les citoyens se sentiront dans une sorte de prison dorée dont ils voudront enfreindre les règles ! Et, voyez-vous, il est facile de détourner une caméra !
Monsieur Jornot, vous parlez du cas de la voiture non identifiée... Oui, vous avez raison, mais cela ne concerne pas des milliers de cas. Moi, Monsieur Jornot, j'ai complètement confiance en notre police républicaine et en ses compétences pour identifier ces voitures sans faire appel à tous les outils possibles et imaginables.
Monsieur Hohl, vous dites que cela vous est égal d'être filmé dans les bus. A moi aussi, ça m'est égal ! Or l'amendement proposé par les Verts permet de filmer dans le bus, il n'enlève pas cette possibilité, la seule chose qu'il demande, c'est de nous ficher la paix sur la voie publique... Hélas, des citoyens anglais sont tout de même filmés entre 300 et 500 fois par jour ! Est-ce que cette société est plus en sécurité que la nôtre, sachant que, en Suisse et à Genève, nous avons très peu de caméras ?! Non, Messieurs ! En Suisse, il y a moins d'insécurité pour une simple raison: le niveau de vie ! Plus la garantie d'un certain filet social que l'on parvient encore à maintenir. Le jour où ce dernier sera rompu, nous aurons deux possibilités: augmenter - encore - le nombre de caméras, c'est vrai, ou consacrer des moyens afin que les citoyens n'enfreignent pas la loi, en donnant toutes les garanties sociale et de bien-être à ceux-ci. Je crois que là est le problème. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas vous suivre... Vous prétendez résoudre le problème de la sécurité citoyenne à travers les caméras, ce qui n'est pas possible. Je vous le dis: dans le domaine privé, on est d'accord, et on contrôle quand même; dans le domaine public, laissez-nous encore ces espaces de libertés, Mesdames et Messieurs ! Voilà ce que j'avais à ajouter, Madame la présidente.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la vidéosurveillance n'est pas le pilier central de la politique de sécurité, ça n'est pas la panacée ! Mais elle est un moyen dont nous ne pouvons pas nous dispenser dans toute une série de situations. Vous l'aviez d'ailleurs reconnu lors du vote de «Cyclope», sur la surveillance des missions étrangères, des organisations internationales. Ce travail de planton, de visualisation, n'est ni agréable, ni utile pour les collaborateurs; il est parfaitement normal de le remplacer par la vidéosurveillance. Donc, il faut prendre cet instrument pour ce qu'il est.
Vous avez, Mesdames et Messieurs les députés, le total contrôle sur la vidéosurveillance publique dès lors que vous votez les budgets permettant d'installer ou pas des caméras ! Et vous avez, lorsque je vous ai demandé le crédit nécessaire, fait usage de cette faculté en modifiant, en limitant le nombre de caméras. Je vous invite d'ailleurs tout à fait officiellement à visiter ce que nous avons installé et à vous rendre compte de visu que nous respectons strictement par avance les règles de l'article 42.
Je vous indique le problème de l'aéroport, auquel s'applique la loi, puisque c'est une corporation de droit public, un établissement public autonome. La vidéosurveillance nous aide en permanence face aux colis abandonnés - dont on peut toujours craindre qu'ils ne le soient volontairement et qu'ils ne soient chargés d'explosifs - dans la lutte contre les pickpockets et, plus grave, contre la traite des êtres humains. En effet, nous sommes en train d'enquêter sur un certain nombre de disparitions à partir de l'aéroport et nous n'aurons pas d'autres moyens que de passer par la vidéosurveillance.
Vous avez dit, Monsieur Velasco, que l'on peut, avec des êtres humains, surveiller des véhicules. C'est bien gentil de placer des policiers en faction, avec des jumelles, sur un pont d'autoroute, à une heure de pointe, pour attraper une voiture ayant servi à commettre un cambriolage... L'appareil décrit par M. Catelain et dont j'ai assisté à une démonstration est tout de même plus pratique ! C'est plus respectueux du personnel et, franchement dit, il n'y a là rien de liberticide.
L'amendement des Verts m'étonne un peu pour une raison de fond. Le trafic automobile est une chose admirable - et il est d'ailleurs très cher à la droite ! Vous admettez la vidéosurveillance pour le bien-être du trafic automobile, mais pas pour les impératifs diablement plus importants que sont la sécurité publique et, le cas échéant, la vie ou l'intégrité des personnes ! Alors, j'aurais compris une interdiction totale... Mais garder la vidéosurveillance exclusivement pour les voitures, cela devrait plutôt ravir la droite. Je suis un peu surpris de cette incohérence interne.
Mesdames et Messieurs les députés, une fois encore, trop de vidéosurveillance, c'est inutile et stupide, on n'arrive pas à la maîtriser. Mais des vidéosurveillances dans des endroits bien ciblés, c'est dissuasif, c'est une aide précieuse à la décision ! Et, lorsque ces vidéosurveillances sont de bonne qualité, elles peuvent effectivement contribuer aux moyens de preuves. C'est la raison pour laquelle je vous invite à rejeter l'amendement qui vous est proposé et à voter le texte tel qu'il est issu des travaux de votre commission. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez tous reçu l'amendement présenté par Mme Captyn à l'article 42. Nous allons procéder alinéa par alinéa: «Article 42, al. 1 (nouveau, les alinéas 1 à 4 anciens devenant les alinéas 2 à 5): Sur les voies publiques cantonales et communales, telles que définies par l'article 1 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (L 1 10), la vidéosurveillance est interdite. Toutefois, la vidéosurveillance visant à gérer les flux de la circulation routière est autorisée pour autant qu'elle ne permette pas l'identification des véhicules ou des personnes.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 24 oui et 5 abstentions.
La présidente. Toujours à l'article 42, nous passons à l'amendement suivant, alinéa 2, première phrase (nouvelle teneur): «En dehors des voies publiques ou dans la mesure où elles sont dictées par l'accomplissement légal de tâches au sens de l'article 35, la création et l'exploitation d'un système de vidéosurveillance ne sont licites, après préavis du préposé, que si, cumulativement: [...]».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 25 oui et 3 abstentions.
La présidente. Je vous soumets l'amendement à l'alinéa 3 (nouvelle teneur) de ce même article: «L'éventuel enregistrement de données résultant de la surveillance doit être détruit en principe dans un délai de nonante-six heures. Ce délai peut être porté à trois mois en cas d'atteinte avérée aux personnes ou aux biens et, en cas d'ouverture d'une information pénale, jusqu'à l'issue de la procédure.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 26 oui et 1 abstention.
La présidente. Ces amendements étant refusés, l'article 42 est ainsi adopté. Nous passons à l'article 43... (Brouhaha. Remarque.) Monsieur le député ?
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Madame la présidente, vous savez que j'avais maintenu mon amendement de l'article 42, alinéa 2, au cas où l'amendement des Verts serait rejeté. C'est le cas. C'est pourquoi je vous demande de présenter mon amendement. (Commentaires.)
La présidente. Excusez-moi, Monsieur le député, je suis allée trop vite. Votre amendement figure à la page 209 du rapport et concerne effectivement l'alinéa 2 de l'article 42: «L'éventuel enregistrement de données résultant de la surveillance doit être détruit en principe dans un délai de nonante-six heures. Ce délai peut être porté à trois mois en cas d'atteinte avérée aux personnes ou aux biens et, en cas d'ouverture d'une information pénale, jusqu'à l'issue de la procédure.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 25 oui.
Mis aux voix, l'article 42 est adopté, de même que les articles 43 (nouveau) à 54 (nouveau).
La présidente. A l'article 55, Ressources (nouveau), nous sommes saisis d'un amendement à l'alinéa 2. Je cède la parole à M. Mettan.
M. Guy Mettan (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'avoue avoir été un peu estomaqué par le commentaire de M. Moutinot au sujet de mes amendements. Il a prétendu qu'ils visaient à restreindre le pouvoir du préposé, alors qu'il sait pertinemment qu'ils tendent, au contraire, à augmenter les compétences de ce préposé et son indépendance. Je vais vous le prouver maintenant.
Notre amendement demande simplement que les ressources soient également proposées par le préposé; c'est-à-dire que ce dernier n'ait pas juste à dire amen au budget qu'on lui alloue, mais qu'il ait la capacité de le suggérer. Cela me paraît assez essentiel ! Pourquoi ? Parce que le Conseil d'Etat élabore la loi budgétaire, qu'il peut décider d'inscrire zéro franc au budget du préposé et que ce dernier, d'après la loi qui nous est soumise, a seulement la capacité de gérer son budget. Il faut qu'il ait également la possibilité de le proposer ! C'est un amendement tout simple, mais qui vise à assurer son indépendance.
Le peu d'indépendance que vous lui donnez, Monsieur le conseiller d'Etat, on le trouve d'ailleurs mentionné explicitement à l'alinéa 3, puisque vous proposez que le préposé dispose d'un secrétariat permanent rattaché administrativement à la chancellerie d'Etat. Mais enfin, qu'est-ce qu'un préposé indépendant qui devient un sous-fifre à la chancellerie d'Etat ?! Si nous étions conséquents, nous bifferions également cette mention de rattachement administratif à la chancellerie.
Mesdames et Messieurs les députés, nous avons tous lutté pour élaborer un secrétariat général du Grand Conseil. Pourquoi l'avons-nous fait ? Parce que, en tant que deuxième pouvoir, nous avons voulu être séparés, indépendants, du Conseil d'Etat. Nous voulons que le secrétariat général du Grand Conseil dispose de son propre budget et puisse le proposer, cela pour assurer l'indépendance du pouvoir législatif. Il en va de même pour le préposé aux fiches ! Si ce préposé aux fiches n'a pas la possibilité de proposer son budget, eh bien, il se trouve dans une dépendance totale ! Et si nous sommes conséquents avec nous-mêmes, si nous avons lutté pour établir ce secrétariat général du Grand Conseil, si nous luttons pour que le pouvoir judiciaire soit indépendant et puisse lui-même proposer son budget, nous devons naturellement accepter que le préposé au contrôle des fiches et à l'Etat fouineur puisse disposer de son propre budget et le proposer. Cela, nous le ferions en étant cohérents avec toute la lutte que nous menons pour l'indépendance des pouvoirs, l'indépendance du parlement, l'indépendance du pouvoir judiciaire. C'est dans cet esprit que nous demandons simplement que les ressources du préposé puissent être proposées par lui-même.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je ne répondrai pas sur l'aspect technique de l'amendement, je laisserai M. le président du Conseil d'Etat s'exprimer à ce sujet, notamment sur l'aspect de technique budgétaire. Mais j'aimerais évoquer une discussion que nous avons eue en sous-commission de manière assez approfondie et sur plusieurs séances. C'était la question de savoir: est-ce que nous voulons faire de ce préposé un cinquième pouvoir ? Pourquoi un cinquième ? Parce que, comme vous le savez, on en a déjà trois et on a ajouté la Cour des comptes, dont on a voulu qu'elle ne soit rattachée à aucun des autres.
A un moment donné, les membres de la sous-commission, tous partis confondus, ont eu l'impression d'être en train de créer un cinquième pouvoir, qu'on allait élire un préposé sur lequel on ne pourrait exercer plus aucune surveillance, qu'on allait finalement lui donner les clés de la maison pour la durée de la législature et qu'ensuite la créature échapperait au créateur... Et cela nous a beaucoup préoccupés. Lorsque je vous entends aujourd'hui, Monsieur Mettan, dire: «Nous voulons qu'à l'instar du pouvoir judiciaire le préposé puisse faire ceci ou cela», je vous mets en garde - je mets en garde le parlement: ce n'est pas l'esprit du projet de loi que de créer un pouvoir supplémentaire. Nous avons l'obligation, en vertu des accords internationaux, de garantir l'indépendance du préposé; mais l'indépendance du préposé, ce n'est pas créer une institution totalement autonome.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. J'aimerais répondre à M. Mettan. J'ai assisté dernièrement à un débat à la commission législative concernant le pouvoir judiciaire, lequel demandait par un projet de loi son indépendance totale - pratiquement - et notamment celle que vous proposez ici. A la commission, notre parti - en tout cas les socialistes - a voulu modérer cela: nous avons obligé ceux des bancs d'en face à aller dans ce sens, au point de limiter énormément la portée du premier projet de loi qui a été déposé. Or je trouvais incohérent qu'on ait restreint le pouvoir du pouvoir judiciaire et qu'on l'accorde aujourd'hui au préposé... Il y a là un problème ! Si l'on veut cela, il faut d'abord équilibrer tous les pouvoirs de la république. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, les amendements qui nous sont proposés touchent la structure même et le concept de la loi. Cela étant, nous devrions retourner en commission judiciaire et de la police pour examiner ce qu'on nous propose aujourd'hui. Je me vois mal, en tout cas ici en plénière, accepter de tels amendements, qui ont quand même une portée fondamentale.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Sur le plan pratique, Monsieur Mettan, lorsque le Conseil d'Etat élabore son budget, il discute avec les services et les entités pour en connaître les besoins, il procède ensuite à certains arbitrages et fixe des lignes directrices pour que les demandes soient à peu près cadrées. Vous proposez ici une procédure extraordinaire pour le préposé à la protection des données, qui soumettrait lui-même son propre budget... C'est institutionnellement hors de toutes les règles que nous avons ici ! En revanche, vous avez, Mesdames et Messieurs les députés, en tant que Grand Conseil, la possibilité de modifier le budget qui vous est proposé par le Conseil d'Etat. Et nul doute que, s'il se trouvait que le préposé s'estimait maltraité, il serait susceptible de vous le faire savoir, ne serait-ce qu'au travers de la commission consultative. Par conséquent, le risque - totalement illusoire - qu'il soit maltraité par le Conseil d'Etat est pour vous facile à corriger.
A cela s'ajoute que, Mesdames et Messieurs les députés, cette demande de faire son propre budget, nous l'avons de plus en plus souvent, dans de plus en plus de services, lesquels estiment que leur tâche est à ce point importante qu'ils doivent jouir d'une forme d'autonomie budgétaire. Alors ça, c'est la fin de votre pouvoir ! Si vous déléguez par avance aux entités qui le souhaitent, parce qu'elles ont une noble tâche, le soin de faire elles-mêmes des propositions budgétaires, vous n'aurez plus un budget cohérent, vous n'arriverez plus à l'arbitrer, vous n'arriverez plus à le voter. Je vous demande fermement de rejeter cet amendement.
La présidente. Voici l'amendement sur lequel nous allons nous prononcer. A l'alinéa 2 de l'article 55, il s'agit d'ajouter avant «gérées par le préposé cantonal...» les deux mots: «proposées et».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 72 non contre 12 oui.
Mis aux voix, l'article 55 (nouveau) est adopté.
La présidente. A l'article 56 (nouveau), alinéa 3, nous sommes saisis d'un autre amendement démocrate-chrétien. Je donne la parole à M. Mettan pour le développer.
M. Guy Mettan (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je poursuis mon argumentation. Pourquoi, au fond, proposer d'élargir les compétences du préposé en supprimant la lettre b) qui stipule: «de collecter et centraliser les avis et informations que les organes des institutions publiques ou les responsables désignés [...] doivent lui fournir»? M. Moutinot m'a dit tout à l'heure que ce préposé était indépendant... Or là, nous réduisons le pauvre monsieur - ou la pauvre dame, puisqu'il peut y avoir une préposée, ce que nous souhaitons, d'ailleurs - eh bien, cette personne se trouve réduite, simplement, à collecter une à une les informations, un à un les fichiers de l'Etat. Nous, nous estimons que cela peut être effectué par n'importe qui - par son secrétariat - mais que ce n'est pas le rôle du préposé. Son rôle est d'autoriser la collecte des fichiers. En effet, si nous ne spécifions pas que le préposé doit avoir le pouvoir d'autoriser la collecte, cela veut dire que nous laissons à l'Etat la possibilité de créer n'importe quel fichier en dehors des compétences du préposé. Et cela, Mesdames et Messieurs, c'est fort préoccupant. Quand M. Moutinot sera notre ministre de la justice, je n'aurai aucun souci, l'Etat fédéral sera de ce point de vue là tout à fait sérieux. Mais on peut tout à fait imaginer que le Conseil d'Etat change ! (Rires.) On peut tout à fait imaginer qu'un conseiller d'Etat moins soucieux du citoyen soit en charge et... On l'a vu avec l'Etat fédéral, avec l'Etat fouineur, avec l'affaire des fiches... (Commentaires.) ...n'est-ce pas ?! Si le cas s'est produit au niveau fédéral, cela pourrait aussi arriver à Genève, où l'on pourrait avoir un Etat moins respectueux de la sphère privée et de ses citoyens. Eh bien, dans ce cas-là, il faut que le préposé puisse avoir la possibilité d'autoriser la création de nouveaux fichiers. C'est précisément ce que nous demandons par cet alinéa.
Puisque j'ai la parole - et je ne vais pas la reprendre - je poursuis concernant l'alinéa 4, où nous proposons de supprimer, en fin de phrase, la mention «sauf disposition légale contraire.» Pourquoi cette suppression ? Parce qu'il faut précisément que le préposé puisse avoir accès à tous les fichiers ! Sinon, il suffit au Conseil d'Etat de prendre n'importe quel arrêté pour soustraire une catégorie de fichiers à l'examen public, à l'examen des citoyens, à l'examen du préposé ! Si l'on continue à mentionner cela, on donne au Conseil d'Etat la possibilité de soustraire au préposé n'importe quel fichier. Et ce n'est pas ce que nous voulons dans cette loi ! Monsieur Moutinot, vous l'avez dit: nous souhaitons qu'il ait un équilibre entre liberté et sécurité.
Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de prendre en considération un aspect «liberté» dans ce projet de loi, en supprimant cette mention et en acceptant cette nouvelle lettre b).
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, essayons de voir les choses crûment. (Exclamations.) Crûment ! Nous sommes face à une révolte. Non pas une révolte du groupe démocrate-chrétien... (Commentaires. Rires.) Mais une révolte de la commission de contrôle de l'informatique de l'Etat, qui n'accepte pas la nouvelle loi sur la protection des données, qui l'a dit lors de son audition, tant par la bouche de sa présidente que par celle de l'un de ses membres, M. Leyvraz. Et je ne serais pas étonné que cet amendement traduise en quelque sorte l'essence de cette révolte. Cette supposition étant faite, analysons le fond.
Nous avons une loi qui prévoit un système fondamentalement différent de celui qui est proposé par l'amendement, à savoir un système dans lequel on fait confiance à l'administration et dans lequel il y a dans chaque administration des gens chargés d'appliquer la loi sur la protection des données. Et on a, non pas au-dessus, mais à côté de tout cela, un préposé qui veille à l'application uniforme de la loi et qu'on a doté de compétences extrêmement étendues, qui n'ont pas été évoquées jusqu'à présent mais qui sont des compétences de recours ! Le préposé, Mesdames et Messieurs, peut non seulement recourir contre des décisions individuelles, lorsque, par exemple, il estime qu'une donnée devrait ou ne devrait pas être transmise, mais ce préposé a même la compétence de recourir contre des décisions d'organisation de l'administration, s'il estime que la protection des données n'est pas mise en oeuvre de manière efficiente. C'est donc ce système qui a été voulu par les auteurs du projet de loi et qui a été plébiscité par la commission et par la sous-commission après audition des arguments contraires des représentants de la commission de contrôle de l'informatique de l'Etat.
Nous avons eu ce débat. Et nous avons écarté la variante centralisatrice consistant à dire que le préposé doit autoriser toute transmission de données, toute création de fichiers, toute activité dans le domaine de la protection des données personnelles. Car, si l'on avait adopté ce système - qui supposerait au passage de reformuler toute la loi, et pas uniquement une lettre dans un article - ce n'est pas un préposé qu'il nous faudrait, Mesdames et Messieurs, c'est un service de protection des données ! Qui devrait, à chaque fois que l'on transmet une adresse ou une information, statuer ! Qui devrait, à chaque fois que l'on change le libellé d'un fichier, statuer ! C'est tout simplement incompatible avec le fonctionnement normal d'une administration moderne.
C'est la raison pour laquelle, sans vouloir faire de procès d'intention, je crois qu'il est nécessaire, à moins que vous ne décidiez que cette loi est complètement mal fichue dans son essence et que vous la renvoyiez en commission, de refuser cet amendement et de garder le système tel qu'il a été proposé par le projet de loi.
M. Guy Mettan (PDC). Je serai très bref. Je réponds aux propos de M. Jornot. Premièrement, je n'aime pas du tout ses accusations; deuxièmement, on a le droit de proposer les amendements que l'on veut; et troisièmement, si M. Jornot avait raison, il devrait accepter au moins le dernier amendement qui vise à supprimer la mention «sauf disposition légale contraire.» Car celui-là, Monsieur Jornot, n'ajoute aucun travail supplémentaire pour le préposé ! Aucun ! Donc, si vous étiez cohérent et si vous prétendiez défendre les libertés - comme vous le faites d'habitude, largement, avec votre parti - vous devriez au moins accepter cette disposition-là, elle n'entraîne aucun surcroît de travail pour le préposé !
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'aurais préféré qu'on étudie ces amendements en commission, parce que cela nous aurait permis de débattre à fond de ces problèmes et, pourquoi pas, au parti démocrate-chrétien de revenir avec un projet de loi.
Je le répète également, ici, il m'est difficile de débattre en profondeur de ces amendements. Sur l'alinéa 3, je pourrais m'abstenir. En revanche, l'alinéa 4 me pose problème. Tout de même, le Grand Conseil est le premier pouvoir et, la société étant complexe, il peut arriver que ce dernier décide un jour que telle donnée, extrêmement sensible pour les citoyens, ne sera pas accessible... Il s'agit de liberté ! Et c'est dans ce sens-là, Monsieur Mettan, que je comprends le dernier élément de la phrase, «sauf disposition légale». Ce que j'entends par «légale», ce sont les dispositions du premier pouvoir que nous sommes.
Quant à l'arrêté, Monsieur Mettan, M. Jornot expose au début de son rapport que nous avons enlevé au Conseil d'Etat cette prérogative d'agir par arrêtés et de pouvoir légiférer ainsi - nous avons éliminé cette possibilité-là. Par contre, ce que j'ai pu comprendre de la question légale, c'est que notre pouvoir - du Grand Conseil - est, le cas échéant, de limiter ceux-ci. C'est vrai que se pose la question d'un cinquième pouvoir, ce qui n'est pas une mince affaire. Par conséquent, si je peux dire que je vais m'abstenir sur le deuxième amendement, eh bien, concernant le troisième, nous le rejetterons.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le système que vous avez voulu attribue au préposé la surveillance de tout le processus. Si vous le chargez de décider, vous introduisez un système où le surveillant décide; et si le surveillant décide, qui est-ce qui le surveille ?! On est dans un système complètement différent ! Vous avez toujours réclamé, en bonne gestion, que soient distingués l'action et le contrôle, puis, par cette disposition-là, Monsieur Mettan, je suis navré de le dire, mais vous réintroduisez la confusion ! C'est par conséquent rigoureusement impossible dans le système que vous avez voulu et qui, au demeurant le plus pratique, est certainement le moins onéreux et qui, par la qualité du préposé et les pouvoirs qui sont les siens, garantit les droits des citoyens. C'est pourquoi je vous demande de refuser cet amendement.
Quant au dernier amendement - pour ne pas faire le débat trois fois - soit on met dans une loi: «sauf disposition légale» - et «légale», c'est la loi, ce n'est pas le Conseil d'Etat qui peut faire quelque chose de son côté - soit on ne le met pas. Puis, dans la loi suivante, on peut mettre: «En dérogation à l'article 56, alinéa 4, le Grand Conseil décide que...». Donc ici, il est vrai que la portée du débat est assez limitée.
La présidente. Merci, Monsieur le Conseiller d'Etat. Nous nous prononçons d'abord sur l'amendement présenté à l'article 56, alinéa 3, lettre b) (nouvelle teneur): «d'autoriser la collecte et la transmission des fichiers électroniques;».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 72 non contre 12 oui et 1 abstention.
La présidente. Nous sommes saisis d'un deuxième amendement à l'alinéa 4 du même article. Il s'agit de biffer les mots «sauf disposition légale contraire.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 72 non contre 11 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 56 (nouveau) est adopté, de même que les articles 57 et 58 (nouveaux).
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement de Mme Captyn et des groupes socialistes et Verts à l'article 59, lettre f) (nouvelle). La parole est à Mme Captyn.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, vous avez refusé de restreindre la portée de la vidéosurveillance: je vous propose d'attribuer à la commission consultative le pouvoir de se saisir de la vidéosurveillance, de lui enjoindre de prendre position sur l'utilisation de cette dernière et d'évaluer ses effets. Je vous remercie.
La présidente. Voici l'amendement à l'article 59, lettre f) (nouvelle): «de prendre position sur l'utilisation de la vidéo surveillance et ses effets.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 45 non contre 39 oui.
Mis aux voix, l'article 59 (nouveau) est adopté, de même que les articles 60 (nouvelle teneur avec modification de la note) à 62 (nouveau).
La présidente. A l'article 63, nous sommes saisis d'un amendement qui se trouve à la page 208 du rapport: «Article 63, nouveaux alinéas 2 et 3: alinéa 2 La procédure est gratuite; alinéa 3 Les frais de la cause peuvent être mis à la charge du plaideur téméraire.» La parole est au rapporteur de minorité, M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Madame la présidente, deux mots pour justifier cet amendement. Si la procédure doit être payante, il est à déplorer que seules les personnes économiquement puissantes et cumulativement conscientes de leurs droits et prérogatives pourraient intenter une action en justice quand il y aurait matière à s'opposer, à introduire une procédure.
J'estime qu'il est fondamental de revenir à la proposition du Conseil d'Etat, c'est-à-dire de rendre la procédure gratuite. J'ajoute que l'argument consistant à dire qu'il y aurait des recours abusifs est réfuté par l'alinéa 3: «Les frais de la cause peuvent être mis à la charge du plaideur téméraire.» Donc, si d'aventure des gens voulaient s'amuser au-delà de ce qui est admissible, l'alinéa 3 limiterait les velléités de ce type. Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, je vous enjoins d'accepter la loi telle qu'elle a été proposée à son origine par le Conseil d'Etat, c'est-à-dire de laisser la procédure être gratuite.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, la question de la gratuité de la procédure s'est posée uniquement en raison de la fusion de la LIPAD et de la nouvelle loi sur la protection des données. Dans son projet de loi sur la protection des données, le Conseil d'Etat ne prévoyait pas la gratuité. Seulement, comme la LIPAD prévoit aujourd'hui la gratuité du recours, il fallait uniformiser: soit le contentieux était généralement gratuit, soit le contentieux obéissait aux règles usuelles. Lors des travaux de la commission, le Conseil d'Etat a proposé, il est vrai, d'étendre la gratuité au domaine de la protection des données. La commission a voté le contraire.
M. Alberto Velasco. La majorité !
M. Olivier Jornot. La majorité, bien entendu, mais c'est comme cela que cela fonctionne, Monsieur Velasco. On s'autorise presque à dire que la commission a voté de la façon que je viens de dire.
Quels sont les arguments qui, aujourd'hui, plaident contre cet amendement du rapporteur de minorité ? D'abord, dans l'ensemble du contentieux administratif, on ne voit pas de raison de faire une nuance particulière pour ce contentieux-là. Il y a toute une série de domaine dans lesquels les citoyens sont aux prises avec l'administration, par exemple avec l'administration fiscale. Et on ne voit pas pourquoi il serait plus légitime, il serait plus nécessaire d'encourager en quelque sorte le recours lorsqu'il s'agit d'obtenir un rapport sur l'office cantonal du logement que lorsqu'il s'agit de se battre contre une taxation que l'on jugerait fausse.
Deuxième élément, Mesdames et Messieurs, dans les deux lois, on a la gratuité complète du travail de l'administration. Le recours, en effet, est soumis aux règles normales. Mais, en matière aussi bien d'accès aux documents que de protection des données, les deux lois instituent la gratuité de la première instance. Lorsque l'on s'adresse à l'administration pour obtenir un document, elle n'a pas le droit de prélever un émolument, alors qu'elle en prélève un pour à peu près tout le reste des prestations qu'elle fournit. Il en ira de même demain pour l'accès aux données personnelles.
Je n'ai pas besoin d'insister sur le fait que, pour les justiciables désargentés, il existe l'assistance juridique. Un commissaire démocrate-chrétien l'a souligné avec pertinence et j'ai fait figurer cela dans mon rapport, il n'y a donc pas de problème d'ordre social à vouloir maintenir le régime ordinaire.
J'aimerais terminer, Mesdames et Messieurs les députés, en vous posant deux questions, fondées sur deux exemples pour tenter de relativiser le problème. Ce ne sont que des exemples tirés de la jurisprudence que vous pourrez voir sur internet. Lorsque les assureurs-maladie utilisent la LIPAD pour demander accès à la comptabilité analytique des Hôpitaux universitaires et que le Tribunal administratif, constatant que cela n'a rien à voir avec l'objectif de transparence voulue par la loi, mais qu'il s'agit simplement de pouvoir ensuite faire pression sur l'hôpital au niveau des coûts, est-ce que vous trouvez qu'il faut que l'acte de justice par lequel le Tribunal administratif a dit non soit gratuit ?! Moi, je ne le pense pas. Lorsqu'une compagnie aérienne demande l'accès aux procès-verbaux du conseil d'administration de l'aéroport pour savoir ce que celui-ci a l'intention de fabriquer sur le tarmac, est-ce que vous trouvez que, quand le Tribunal administratif dit non à cette compagnie aérienne, il y a un objectif social qui devrait justifier la gratuité ?! Eh bien, je ne le pense pas.
Mesdames et Messieurs les députés, l'accès aux documents, ce ne sont pas des citoyens ordinaires qui demandent tout d'un coup quelque chose. S'ils le demandent, l'Etat le leur accorde; on est en première instance et c'est gratuit. Mais lorsqu'il y a du contentieux, ce sont très souvent de gros intérêts économiques qui sont en jeu. Je vous propose donc, pour cette raison aussi, de rejeter cet amendement.
Une voix. Oui Monsieur ! (Applaudissements. Commentaires.)
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. J'aimerais dire au rapporteur de majorité que les entités dont il a fait mention ont largement les moyens de payer. Donc, que la procédure soit payante ou non, ils s'en fichent, comme on dit. Par contre, certaines catégories de la population - et c'est la plus grande partie des gens - ne sont pas dans la situation de ces grosses compagnies. Pour ces gens, la question se pose. J'ajoute que, dans les cas que vous avez cités, il y a la question de juger la témérité de ces attitudes et, ma foi, de leur faire passer la facture. Par conséquent, je continue à défendre mon amendement sur la gratuité.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, sur ce point, le Conseil d'Etat soutient le rapport de minorité, puisque c'est lui qui reprend la proposition du Conseil d'Etat de la gratuité de la procédure. Je félicite M. le rapporteur de majorité de l'extrême pertinence des cas pratiques qu'il a choisis pour vous convaincre qu'il fallait faire payer ces gens qui abusaient du droit de recours... Mais, précisément parce qu'ils en abusent, l'amendement proposé permet, par le biais de la condamnation aux frais du téméraire plaideur, de leur faire payer leur insupportable insolence...
En revanche, s'agissant de droits fondamentaux, et pour éviter que l'on puisse dire que, finalement, nous privons les citoyens de contrôler que le système est bien aussi démocratique que nous l'affirmons ce soir, il est légitime de leur accorder la gratuité de la procédure. (Applaudissements.)
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 26 oui et 4 abstentions.
Mis aux voix, l'article 63 (nouveau) est adopté, de même que les articles 64 (nouveau) à 68, al. 2 et 5.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.
Mis aux voix, l'alinéa 1 (loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève) de l'article 2 (souligné) est adopté, de même que l'alinéa 2 (loi sur les archives publiques).
La présidente. A l'article 13, alinéa 2, phrase 2 de l'alinéa 3 (loi sur la statistique publique cantonale) de l'article 2 (souligné), nous sommes saisis d'un amendement de M. le rapporteur de majorité, qui vise à biffer les mots «technique» et «cantonale». Je cède le micro à M. Olivier Jornot.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Un mot pour vous dire que c'est l'office cantonal de la statistique qui a prié le service juridique de la chancellerie d'Etat de demander au rapporteur de vous faire cet amendement, qui vise à corriger une coquille que le Grand Conseil a introduite dans la loi il y a quinze ans. Je m'exécute avec plaisir.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Voici l'amendement à l'article 13, alinéa 2, phrase 2 (nouvelle teneur) - la première phrase demeurant inchangée: «Il doit au préalable consulter le conseil de la statistique et le préposé cantonal à la protection des données et à la transparence.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 77 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 13, al. 2, phr. 2 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 14, al. 4 (abrogé, l'al. 5 devenant al. 4) est adopté.
Mis aux voix, l'alinéa 3 (loi sur la statistique publique cantonale) de l'article 2 (souligné) est adopté, de même que les alinéas 4 (loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève) à 8 (loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients).
Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté, de même que l'article 3 (souligné).
Troisième débat
M. Jean-Michel Gros (L). Madame la présidente, je souhaite attirer l'attention des gens qui auraient l'intention de refuser cette loi à cause de deux articles qui ne vont pas dans le sens qu'ils souhaitent et qui ont fait figure de débat politique animé, mais de détail, en définitive, dans la loi. Mesdames et Messieurs, si vous refusez cette loi - et je souhaiterais qu'elle soit acceptée avec la plus grande majorité possible - c'est la loi fédérale qui s'appliquera: nous n'aurons pas de loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles. Nous ne serons ainsi plus à la pointe des cantons suisses dans cette matière, surtout dans la protection des données personnelles. Je voulais attirer votre attention là-dessus.
M. Pierre Losio (Ve). Nous n'avons pas véritablement besoin de la mise en garde de mon préopinant libéral pour prendre nos responsabilités. Nous ne pensons pas que la vidéosurveillance fasse figure de détail dans cette loi. Nous considérons néanmoins que cette loi est une véritable avancée en ce qui concerne la protection des données personnelles et l'accès à l'information. Nous avons été battus démocratiquement, mais nous voterons cette loi.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien votera bien évidemment ce projet de loi, tant notre participation a été importante au niveau des travaux de la commission, quand bien même on aurait souhaité y apporter quelques modifications qui n'ont pas pu être acceptées. Cependant, ce projet de loi est une avancée certaine.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. J'ai écouté avec beaucoup d'attention l'intervention de notre collègue, M. Gros. Je dois dire que chacun de nous doit voter en son âme et conscience. Pour les uns, les deux aspects qui ont été refusés, soit la vidéosurveillance, soit la gratuité, peuvent être des questions de principes fondamentaux. Comme je l'ai dit dans mon rapport de minorité et dans mon intervention, nous estimons que cette loi est une avancée. Une grande majorité dans ce parlement s'est affichée tout au long des votes. Je doute, Monsieur Gros, que mon refus, par exemple, fasse tomber la loi, et j'en doute d'autant plus que j'ai fait des déclarations très claires pour tous les votes.
Par conséquent, certains dans notre groupe vont s'abstenir, d'autres vont refuser, et c'est ainsi que nous allons voter ! Mais cela ne veut pas dire que nous serons, par anathème, mis à ban et considérés comme des gens qui refusent catégoriquement toute avancée dans ces aspects-là.
La loi 9870 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9870 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 69 oui contre 1 non et 11 abstentions.
La présidente. Merci pour ce magnifique débat ! Et merci à vous, Monsieur le rapporteur ! Mesdames et Messieurs les députés, nous terminons ici nos travaux. Je vous souhaite une bonne nuit. A demain !
La séance est levée à 22h55.