Séance du
jeudi 9 octobre 2008 à
17h
56e
législature -
3e
année -
12e
session -
67e
séance
PL 10092-A
Premier débat
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Cet objet, qui se trouve à Versoix, a également été refusé par la commune, bien que l'Etat lui ait fait une offre à un prix assez bas. Cela est dû notamment au fait que l'immeuble en question, certes situé au bord du lac, est assez petit et se trouve coincé au bord de la route Suisse, entre deux parcelles privées. La commune a donc bien vu qu'il n'était pas possible de réaliser un plan financier intéressant pour un tel bien. En outre, l'immeuble en question est en bien mauvais état et nécessiterait des travaux très importants. A cela s'ajoute que la commune de Versoix a décidé d'acquérir un terrain peu intéressant - mais quand même plus intéressant ! - qui faisait l'objet du projet de loi qui vient d'être retiré par le Conseil d'Etat. On voit donc que la commune sait bien calculer et que c'est à juste titre qu'elle a refusé l'achat de ce bien.
M. Charbonnier nous a dit que le Conseil d'Etat n'aimait pas le logement social: j'aimerais lui rappeler que, en application de la loi sur les LUP, le Grand Conseil a voté des montants très importants pour acquérir des biens qui appartenaient à la Fondation de valorisation; l'argument de M. Charbonnier me paraît donc un peu déplacé. C'est ce que vous dites dans votre rapport, Monsieur le rapporteur de minorité !
Pour toutes ces raisons, je vous invite à nouveau, Mesdames et Messieurs les députés, à voter pour l'aliénation de ce bien, en soulignant une fois de plus que les Verts avaient voté en faveur de ce projet, mais les explications de M. Bavarel sur la diversité d'opinions au sein de son groupe sont évidemment tout à fait louables.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Je n'ai pas dit que le Conseil d'Etat n'aimait pas le logement social, je constate simplement que cet immeuble comporte quatre appartements à un loyer relativement bas, puisqu'il s'élève environ à 1000 F par appartement, si l'on divise par quatre le prix de location. En outre, il faut voir que cette parcelle est située directement en bordure du lac, du bon côté de la route Suisse; posséder un logement à cet endroit et à ce prix-là est donc une chance, et je pense par conséquent que l'on doit sauvegarder les appartements bon marché de ce lieu et en faire des logements sociaux - on a du reste demandé en commission si l'opportunité de réaliser des LUP avait été étudiée - même si, comme l'a dit le représentant du département, le logement social est peu rentable lorsque l'immeuble est petit. Mais alors, j'aimerais savoir si le logement social est rentable en général, puisque, habituellement, c'est quand même l'Etat qui doit subventionner afin de pouvoir offrir des prix abordables aux gens qui en ont besoin !
Alors pourquoi ne pas, pour une fois, faire profiter une toute petite partie de la population d'un immeuble loué à un prix abordable et si bien situé ?
D'autre part, je rappelle qu'il y a également un petit terrain avec un bout de jardin, alors pourquoi ne pas en faire un accès public au lac, appartenant à l'Etat, contrairement à ce qui a été fait avec la parcelle de Bellerive, un peu plus loin du côté du Vengeron, par la vente de laquelle votre majorité a privé la population genevoise d'un bien d'intérêt général ? Je sais que la vente rencontre de gros problèmes, mais ce n'est pas le sujet de la discussion de ce soir. Une fois de plus, on constate la volonté de l'Etat de se séparer de parcelles intéressantes et à des prix... Je m'excuse, mais lorsque j'entends le représentant du département nous dire que des particuliers avaient spontanément exprimé de l'intérêt pour la parcelle qui nous occupe ce soir et avaient articulé un montant d'un million de francs... Un million pour 350 mètres carrés directement les pieds dans l'eau, au bord du lac ! Je crois que cela se passe de tout commentaire, car je n'ai jamais vu à Genève de tels prix pour une parcelle semblable.
M. Olivier Wasmer (UDC). Je suis étonné lorsque j'entends les socialistes parler d'aliénation. Parce que chaque fois qu'il est question d'aliéner à des privés, c'est la même rengaine qui revient: il faut un intérêt public, etc. Cela gêne le rapporteur de minorité de voir que ce sont des privés qui achètent cette propriété à un million mais, Mesdames et Messieurs les députés, il faut vous souvenir de ceci: lors de l'aliénation, les communes ont bien évidemment un droit de préemption ! On a donc proposé cette parcelle à la commune concernée - en l'occurrence, Versoix - comme c'est le cas pour les mille projets de lois déposés jusqu'à ce jour. On a souvent proposé à des communes d'acheter des biens afin d'y créer des logements d'utilité publique, or certaines communes ne veulent pas de certains objets ! Cela ne sert à rien d'y revenir, ni de renvoyer les projets, en voulant à tout prix faire du forcing afin que les communes s'intéressent à un bien qu'elles ne souhaitent pas ! Laissez faire la loi du marché une fois pour toutes !
La commune de Versoix n'a pas voulu de ce bien, des privés achètent cette propriété 200 000 F plus cher que la valeur d'estimation, je pense donc que c'est un bon projet de loi. Du reste, l'argumentation des socialistes qui consiste à dire que, si l'on ne leur garantit pas que cela ne va pas contre l'intérêt général ou public, ils ne voteront pas, me gêne beaucoup. En effet, que dit l'article 2 du projet de loi ? Que «le produit de la vente est affecté à l'acquisition de terrains de réserve à inscrire au patrimoine financier de l'Etat.» L'argent de cet immeuble va donc à l'Etat, je ne vois pas où est le problème, et je vous recommande d'accepter ce projet de loi.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Au nom du pragmatisme légendaire du parti démocrate-chrétien... (Exclamations.) Cela ne vient pas de moi, ce sont les propos de M. Barrillier, qui s'y connaît, cela doit donc être vrai !
Nous pouvons soutenir ce projet de loi, parce qu'à l'heure où l'on se soucie de l'intérêt général, de l'intérêt public, vendre un objet qui est si peu intéressant pour cet intérêt public en termes de constructions est en revanche très avantageux en termes de remboursement de la dette, et ça, c'est de l'intérêt public, et c'est ce que nous défendons.
M. Alberto Velasco (S). Mon collègue de parti, M. Charbonnier, a mentionné Bellerive, et il faut y revenir parce que c'est une superbe parcelle qui va jusqu'au lac, et dont le Conseil...
Une voix. Rive Belle !
M. Alberto Velasco. Pardon ? D'accord, Rive Belle, mais on sait de quoi il s'agit !
A l'époque, le Conseil d'Etat l'avait acquise pour une mission de bien public, c'est-à-dire qu'il voulait mettre à disposition des citoyens et des citoyennes une plage, comme M. Cramer entend le faire bientôt à Genève, au moyen d'un remblaiement. Là, il n'y a même pas besoin de remblayer, on pourrait simplement réaliser une plage.
Et ce qui est intéressant, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'on avait des droits de préemption à droite et à gauche de cette parcelle, comme c'est le cas aujourd'hui. Mais si l'Etat avait vraiment un projet de bien public, Madame von Arx - et le bien public, ce n'est pas forcément le pognon ! - alors il n'aliénerait pas ces parcelles, parce qu'il aurait la possibilité d'étendre son emprise sur le bord du lac et de l'offrir aux citoyens, car nous possédons l'un des seuls lacs de ce pays auquel les citoyens n'ont pas accès.
Ensuite, j'ai entendu M. Wasmer dire: «Laissons faire le marché.» C'est magnifique, c'est poétique même, votre histoire ! Par les temps qui courent, certains vont trembler dans cette salle ! En effet, cela fait dix, voire vingt ans qu'on laisse faire le marché, et regardez ce qui nous arrive ! L'Etat est obligé d'aller combler les défections de ce marché, alors ne dites pas cela aujourd'hui ! Attendez deux, trois ou six mois, puis vous reviendrez avec votre rengaine, mais pas maintenant ! Actuellement, c'est catastrophique, la situation du marché est catastrophique ! Et cela nous met dans un sale pétrin. Et c'est le marché immobilier, Monsieur Wasmer, qui a mis les citoyens dans la merde, et j'utilise volontairement le terme «merde» ! Parce que c'est terrible ce qui nous arrive ! Même Genève sera touché ! Et vous venez nous dire aujourd'hui, en matière d'emprise foncière, qu'il faut laisser faire le marché ? Mais regardez ce qui arrive aux Etats-Unis ! Non, Monsieur, on ne peut pas laisser faire le marché, on ne peut pas ! Et je regrette que l'Etat soit impliqué dans cette histoire parce que, à l'époque où l'on a présenté ce projet de loi, on ne savait pas ce qui arriverait. Aujourd'hui, on le sait !
Oui, Mesdames et Messieurs les députés, même s'il s'agit d'une petite parcelle située au bord du lac, il est temps que les citoyens de ce canton aient une emprise sur ce lac, qu'ils aient la possibilité de se promener, de se baigner, comme pour les autres lacs, à Zurich ou ailleurs. En France, on peut encore se balader, c'est un peu sauvage; mais pas à Genève ! Et c'est une catastrophe que, pour la somme d'un million, on condamne cette possibilité. Madame von Arx, le bien public, c'est plus qu'un million ! La possibilité pour les citoyens d'aller prendre le soleil au bord du lac vaut beaucoup plus qu'un million ! Le bien public n'a pas de valeur ! On ne peut pas le calculer avec du pognon, le bien public ! Et lorsque je dis qu'il faut laisser l'emprise foncière à l'Etat, c'est dans ce sens-là que je m'exprime.
Mesdames et Messieurs les députés, il est encore temps d'arrêter ces ventes d'objets qui peuvent servir aux citoyens de demain. Et nous regretterons peut-être la décision de ce Grand Conseil. Alors, Mesdames et Messieurs, bon courage ! (Applaudissements.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je pense que l'Entente bat des records ce soir en termes de timing ! En effet, il n'y a même pas une heure, une urgence est demandée sur le point 93, concernant une baisse d'impôts qui va coûter au bas mot 28 millions au canton et, maintenant, on pleure parce qu'il y a la dette et qu'il faut aliéner un bien immobilier ! On est en train de vendre des mètres linéaires le long du lac et, le lac étant ce qu'il est, Genève étant ce qu'il est, et l'agglomération étant ce qu'elle est, je trouve cela déplorable. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Je suis un peu étonné qu'un avocat tel que M. Wasmer n'arrive pas à lire jusqu'au bout les projets de lois votés en commission. En effet, je lui signale que l'article 2, intitulé «remploi», a été supprimé par un amendement de la majorité de la commission. Revoyez donc votre jugement, Monsieur Wasmer, il n'est peut-être pas trop tard ! On va voter dans quelques instants sur ce projet de loi, vous avez encore la possibilité de changer d'avis.
Le produit de la vente de ces parcelles n'est donc pas réaffecté à l'acquisition de terrains en faveur du patrimoine, car l'article 2 des différents projets de lois portant sur ces aliénations a été à chaque fois supprimé par la majorité de la commission. Il faut bien lire ces projets de lois ! Peut-être que j'aurais dû le signaler d'emblée, mais je pensais que vous aviez pris connaissance de ces rapports, d'autant qu'ils ne contiennent pas beaucoup de pages.
Quant au pragmatisme du parti démocrate-chrétien, moi ce que j'ai vu la plupart du temps sur les affiches du PDC, c'est «Au centre: l'humain» mais, là, le pauvre humain, il est au lac et tant pis pour lui ! (Applaudissements.)
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Je me permets de prendre la parole parce que, après la grande diatribe sur le bien public que nous a faite un commissaire socialiste, je me suis dit qu'il était peut-être bon de rappeler que ce même commissaire, pour montrer son souci de l'égalité de traitement, a demandé en commission que la commission des finances ait des informations privilégiées sur la vente de l'immeuble en question, afin d'en faire profiter - comme il nous l'a dit - les milieux qui lui sont proches. Cette leçon sur le bien public me paraît donc totalement déplacée et l'égalité de traitement, notamment, doit être respectée pour tous. Ce point est d'ailleurs relevé dans mon rapport de majorité, et je tenais à le souligner ici.
Mme Virginie Keller (S). J'aimerais juste dire que les socialistes demandent l'appel nominal sur cet objet. Merci !
La présidente. Etes-vous soutenue ? (Des mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes.
M. Alberto Velasco (S). Madame la présidente, il est quand même important que j'intervienne. Quand j'ai fait cette demande lors des travaux en commission, ce n'était pas pour moi. Vous comprenez que je suis dans une misère totale à ce niveau, je n'aurais pas le capital pour acheter ce bien ! Et je vous garantis que ma famille non plus ! Nous sommes une famille extrêmement humble, nous n'avons pas de tels moyens ! Et je n'ai pas de relations ou de famille dans le milieu libéral ou de la finance. J'ai demandé cela pour des associations d'utilité publique, je le précise bien, Monsieur le rapporteur de majorité ! Les associations d'utilité publique doivent avoir, par rapport à d'autres entités privées, un droit de préemption. C'est donc pour cela que j'avais fait cette demande, et en aucun cas pour les intérêts privés de M. Velasco !
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10092 est adopté en premier débat par 49 oui contre 19 non et 1 abstention.
Le titre, le préambule et l'article unique de la loi 10092 sont adoptés en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10092 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 47 oui contre 21 non.