Séance du
vendredi 19 septembre 2008 à
20h45
56e
législature -
3e
année -
11e
session -
66e
séance
M 1784
Débat
M. Renaud Gautier (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, vous m'excuserez de revenir avec un sujet un petit peu plus sérieux que les préalables de tout à l'heure, pour vous dire la chose suivante. La mort n'est pas un acte politique; elle n'est ni de droite, ni de gauche, pas plus qu'elle n'est du centre. La mort atteint les gens et remplit de chagrin les personnes proches de celle ou de celui qui vient de disparaître. La mort est le moment de la confrontation entre une réalité administrative, d'une part, et la force des sentiments, de l'autre. Cette confrontation se passe rarement bien.
Pour une fois, Mesdames et Messieurs les députés, je vous suggère que ce Conseil, à travers le dépôt de cette motion sur le bureau du Conseil d'Etat, fasse oeuvre de facilitateur; c'est-à-dire qu'il mette en place une structure qui permette, à celles et ceux qui sont - ce qui arrivera à chacun d'entre nous, malheureusement - touchés par le décès d'un proche, d'avoir dans l'administration quelqu'un qui aide plutôt que quelqu'un qui, souvent bloqué dans une logique administrative, est un élément de complexification. C'est donc un appel non pas à légiférer une fois de plus, mais à mettre en place une structure qui soit effectivement une aide pour celles et ceux qui, à un moment donné, en ont particulièrement besoin.
Mme Véronique Pürro (S). Mesdames et Messieurs les députés, il y a des propositions que nous souhaitons déposer, parce que nous avons la chance de pouvoir le faire et parce que nous avons été confrontés à des situations nous poussant à vouloir améliorer le système et, dans ce but, à utiliser nos diverses fonctions. C'est le cas avec la proposition que M. Gautier et moi vous soumettons, puisqu'il y a quelques années nous avons tous deux, à bref intervalle, été touchés par le décès d'un être cher.
En effet, nous avons été confrontés à la situation que nous avons essayé de décrire dans l'exposé des motifs de cette motion. Comme tous ceux qui ont été concernés par les suites qu'un décès implique, nous avons vécu les différentes étapes que nous avons exposées ici, et il y a, dès le début de ces dernières, des décisions peu faciles à prendre, d'autant moins qu'on se retrouve souvent seul pour cela. Ensuite, lorsque ces décisions sont prises - je parle des pompes funèbres - il faut ensuite effectuer toute une série de démarches administratives, puis en faire diffuser l'information dans les différents services, les banques, les assurances, etc.
Quand nous sommes - et c'est notre cas - bien «armés», c'est-à-dire lorsque nous comprenons la langue, quand nous comprenons le fonctionnement de l'administration, et que nous avons ainsi des accès facilités, il est vrai qu'on y arrive, même si la situation n'est pas facile. Aussi avons-nous pensé à toutes les personnes qui n'ont pas notre chance: soit parce qu'elles sont de langue étrangère; soit parce qu'étant âgées elles n'ont plus les ressources suffisantes; soit parce que, dans leur peine, elles n'ont tout simplement plus l'énergie de faire face aux tâches administratives qui leur incombent, relatives au défunt. Nous nous sommes dit qu'il fallait que l'Etat fasse quelque chose pour faciliter la tâche des personnes se trouvant dans cette situation, d'où l'idée du guichet unique.
La personne ayant perdu un être cher pourra ainsi s'adresser à un seul endroit à partir duquel tout sera organisé: les tâches seront accompagnées et facilitées. Voilà ce que demande cette motion à travers le guichet unique.
De même que mon collègue vient de le dire, nous - au parti socialiste - vous suggérons, vu l'évidence de la demande, de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat, afin qu'il la prenne en compte et fasse le nécessaire. Je vous remercie.
M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts approuveront cette motion et son renvoi direct au Conseil d'Etat pour une raison bien simple: nous pensons que l'administration doit aussi être là pour faciliter la vie des citoyens. En effet, dans des situations spécialement douloureuses et difficiles, il est important que l'Etat apporte aussi son soutien, cela nous semble logique. Merci aux deux motionnaires de nous avoir soumis cette proposition qui, si l'on arrive à faire la faire aboutir, facilitera passablement les choses pour nos concitoyens.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Sandra Borgeaud. Vous avez une minute et demie, Madame la députée.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je soutiens bien évidemment cette motion: elle est très pertinente et soulagera d'un grand poids les futurs utilisateurs du guichet unique.
Il est vrai qu'à notre époque il n'est plus tolérable de nous envoyer dans tout le canton pour chaque document - il y en a toujours un qui manque... Lors d'un deuil, nous sommes dans un état psychologique très pénible: nous sommes fatigués, tristes, voire un peu agressifs par moments, parce que l'Etat rend difficile cette période à traverser, d'autant plus s'il s'agit de la perte d'un être très cher - un enfant, un conjoint.
Cette idée de guichet unique devrait donc être concrétisée le plus rapidement possible. Pensons aux personnes âgées: souvent, elles se retrouvent complètement perdues, complètement seules, complètement abandonnées, et doivent pourtant faire face aux problèmes administratifs - il y a des gens qui ne sont pas forcément aidés par leurs enfants, par des amis ou par qui que ce soit, même si cela devrait être le cas. Eh bien, avec un guichet unique, il y aurait une personne, professionnelle, connaissant parfaitement la marche à suivre, qui pourrait, en un seul rendez-vous, fournir toutes les explications nécessaires, apporter un soulagement certain face aux démarches administratives à effectuer et, ainsi, aider à passer ce mauvais cap.
Je vous invite donc tous, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette motion, de façon qu'elle puisse figurer le plus rapidement possible dans un règlement et être appliquée.
M. Frédéric Hohl (R). Cela fait du bien d'avoir une vraie bonne idée: merci beaucoup aux motionnaires. Ce soir, nous avons la chance d'avoir une proposition qui n'a rien à voir avec la politique et qui est pleine de bon sens. Comme le parti radical, je vous encourage, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.
M. Roger Golay (MCG). Le groupe MCG soutiendra cette motion, avec un plus - je pense que c'était prévu dans les intentions de Mme Pürro - soit, pour ce guichet unique, avec une permanence durant le week-end. Parce la mort frappe aussi le vendredi, le samedi et le dimanche. Nous soutiendrons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Comme il l'a été dit, ce n'est pas un sujet politique, cela concerne la qualité des relations humaines et l'accueil d'êtres qui se trouvent désemparés à un moment de leur vie. S'il n'y a personne à même de prendre le relais pour conseiller adroitement, avec empathie, et indiquer les démarches qu'il y a lieu d'effectuer, c'est regrettable; pourtant, c'est malheureusement ce qui se passe actuellement dans nos sociétés très urbaines. Ayant vécu ce genre de situation dans ma commune, je sais qu'il est important d'avoir, dans chacune des entités communales, voire cantonales selon les nécessités, un répondant à qui l'on puisse s'adresser.
Le parti démocrate-chrétien soutient bien évidemment cette motion. En caucus, nous nous sommes demandé s'il était opportun de renvoyer éventuellement ce texte à la commission des affaires communales, précisément parce qu'il y a un certain nombre de choses à instaurer, de manière à être efficace. (Brouhaha.) Cependant, ayant vu que la majorité des groupes souhaitent le renvoi au Conseil d'Etat, je pense que nous nous rallierons à cette proposition, tout en attirant l'attention - et c'est extrêmement important - sur le fait qu'il ne s'agit pas d'avoir, dans de telles situations, un guichet ouvert de 8h à 12h et de 14h à 18h: il faut une permanence, connue et pouvant être dérangée 24h/24. C'est une nécessité !
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce qui a été dit, c'est un sujet politique. Ce n'est fort heureusement pas un sujet politicien. Mais, définir la place de la mort dans la société, la manière dont la société s'occupe des survivants, le rôle de la famille, l'attitude que doit avoir l'administration... Si ce ne sont pas des sujets politiques, alors il n'y en a pas beaucoup ! Tout le reste, ce que l'on a fait aujourd'hui, n'a pas ce degré de gravité. Cela pour vous dire que le Conseil d'Etat accepte bien évidemment cette motion.
Je préfère de loin ce qu'a dit M. le député Gautier, prônant l'idée d'un facilitateur plutôt que d'un guichet unique. Pour moi, la mort ne se règle pas dans les guichets. On peut la voir comme cela, mais je ne pense pas que ce soit une affaire administrative. Je pense en revanche que l'on est en droit de demander à l'administration de faire en sorte qu'elle ne vienne pas compliquer, perturber, allonger. Mais on doit aussi lui demander de faire son travail. C'est là où je dis qu'il y a un véritable problème de nature politique.
Vous proposez l'ouverture d'un guichet ouvert le week-end... Je peux concevoir certaines urgences. Mais l'urgence, en cas de décès le week-end, n'est pas administrative, c'est de s'occuper des survivants ! Ce n'est pas de savoir à combien d'exemplaires il faut remplir un formulaire !
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je vous le dis tout de suite: je ne donnerai pas une réponse administrative pour décharger sur l'administration un certain nombre de sujets dont nous ne nous occupons pas assez ! Nous ne nous occupons pas assez de ceux qui sont en deuil. Et je ne crois pas qu'il faille créer une administration mortuaire à Genève. En revanche, il va de soi qu'il est hors de question de laisser se poursuivre certaines situations kafkaïennes où, après trois lettres recommandées, vous expliquez que la personne est bel et bien morte, et l'on vous demande encore si c'est vrai ! Il y a un moment donné où ça suffit - on l'a tous vécu, moi aussi, et vous le savez. Alors, je suis bien évidemment prêt à promouvoir ce genre de simplifications administratives.
J'ajoute aussi - et là, ce n'est pas de la politique politicienne - qu'il n'y a pas que l'administration qui complique la vie en cas de décès: l'assurance-vie vous pose, elle aussi, un nombre de questions absolument invraisemblables ! Qui n'ont juste aucun rapport avec le contrat signé, et qui sont particulièrement douloureuses dans les moments en question.
Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, je dis oui à une simplification administrative - c'est comme cela que je comprends votre demande - et oui à une aide aux personnes en deuil, avec cette limite que je ne crois pas que nous pourrons confier cette tâche à l'administration. Je remercie Mme et M. les députés de poser une bonne question à l'administration et au Conseil d'Etat, mais surtout d'en poser une très bonne à chacun d'entre nous, à chaque fois qu'il y a un deuil dans notre proximité.
Mise aux voix, la proposition de motion 1784 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 65 oui et 2 abstentions.