Séance du
vendredi 19 septembre 2008 à
20h45
56e
législature -
3e
année -
11e
session -
66e
séance
M 1831
Débat
M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour étant extrêmement chargé, il nous tenait à coeur de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'énergie pour y ouvrir le débat. Nous vous encourageons à faire de même.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il est important d'avoir un débat en commission, et cela non sans vous faire part de quelques inquiétudes quant à cette proposition de motion. Pourquoi ? Parce que les Services industriels sont en train d'édifier, dans le cadre de la construction du tram, tout un réseau de chauffage à distance qui permettra à la ville de Meyrin- sans compter d'autres quartiers - d'être desservie par ce type chauffage et d'être à la fois productrice d'électricité.
Dès lors, j'attire votre attention: je souhaite vous sensibiliser, Mesdames et Messieurs les députés, au fait qu'il faudra, en commission, traiter de ce problème avec vigilance. Car il est extrêmement important de ne pas faire capoter la création, avec la volonté des autorités de Meyrin et celle des habitants des Vergers, d'un quartier qui sera exemplaire en termes d'économies d'énergie ! Par ailleurs, l'ensemble des immeubles de la cité, tant communaux que privés, sont intéressés par un raccordement à ce chauffage à distance. C'est pourquoi il faudra prendre en compte tous ces éléments. J'ajoute que pour la simple ville de Meyrin, plus de 6000 tonnes de CO2 seraient économisées par année. C'est dire la plus-value de ce chauffage à distance !
Et, de manière à étudier cette motion de façon approfondie, nous ne sommes pas opposés à ce que toute la transparence règne à la commission de l'énergie et des services industriels.
M. Roger Deneys (S). Les socialistes ont lu avec un certain intérêt cette proposition de motion, tout en étant dubitatifs quant aux motivations profondes des motionnaires radicaux pour un approvisionnement électrique propre et sûr. De plus, un certain nombre de considérants ne nous semblent pas forcément exacts. Ici, il est bien question de la centrale à gaz du Lignon comme moyen de production d'énergie et de chaleur pour du chauffage à distance sur le territoire de la République et canton de Genève. Aux yeux des socialistes, c'est un enjeu important. «Faut-il réaliser cette centrale à gaz ?» est une vraie question. Pourquoi ne pas renvoyer cette motion à la commission de l'énergie ?
Il faut cependant faire très attention à une chose, et c'est là, Mesdames et Messieurs les radicaux, que je vous attends au tournant: j'aimerais être sûr que le fait de s'opposer à cette centrale à gaz, qui a comme objectif de fournir une source de production pendant une durée relativement courte, c'est-à-dire une vingtaine d'années, n'est pas un prétexte pour construire, à la prochaine crise - qui se profile d'ores et déjà - une centrale nucléaire supplémentaire en Suisse. A cela, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ne peuvent adhérer ! Pour nous, la priorité est de ne pas construire de centrales nucléaires supplémentaires. Les réflexions sur les économies d'énergie sont certes louables, mais je vous rappelle que nous avons une loi sur l'énergie actuellement en discussion dans deux commissions: celle du logement et celle - précisément - de l'énergie. Et il s'agirait de trouver des réponses pour diminuer la consommation d'énergie ! C'est la priorité numéro un.
D'autre part, et surtout, l'autre problématique - que vous n'évoquez pas, Mesdames et Messieurs les radicaux - est celle de la voiture... On sait très bien que l'électricité est une chose; mais l'énergie en est une autre. En l'occurrence, la consommation d'énergie la plus importante aujourd'hui dans nos sociétés, c'est quand même le trafic automobile individuel, et l'on ne peut pas prétendre résoudre les problèmes d'énergie sans parler de la voiture ! Nous disons donc «oui» à un renvoi en commission, mais nous regarderons avec attention si cela vaut la peine de renoncer à cette centrale.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je rappelle que nous sommes en débat de catégorie II, c'est-à-dire trois minutes par groupe, plus le groupe auteur de la motion, qui a droit à trois minutes supplémentaires. La parole est à M. Andreas Meister.
M. Andreas Meister (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les SIG parlent depuis quelque temps déjà de leur nouvelle centrale chaleur force, qui permet d'une part de centraliser la production de chaleur pour de nombreux foyers et, d'autre part, de produire une certaine quantité d'électricité. L'électricité ainsi produite le sera grâce à la combustion de gaz et émettra d'importantes quantités de CO2, ce qui, dans le contexte actuel de changement climatique, a le mérite d'être un sujet hautement politique.
Le groupe des Verts se réjouit que le parlement puisse se saisir de ce sujet brûlant et soutient ainsi le renvoi de cette motion à la commission de l'énergie et des services industriels.
M. René Desbaillets (L). Evidemment qu'en lisant le titre de cette motion, «Pour un approvisionnement électrique propre et sûr», personne dans cette assemblée ne va être contre ! Mais, quand on examine le contenu des considérants, on s'aperçoit qu'ils sont assez faibles. C'est-à-dire, Mesdames et Messieurs les radicaux, que vous enfoncez quelque peu des portes ouvertes, puisque quasiment tout est déjà enregistré, réglé ou voté, ou que beaucoup de points se trouveront dans la nouvelle loi sur l'énergie.
Le seul qui diverge - et cela, personnellement, je le regrette - c'est que, indirectement, vous attaquez la nouvelle centrale à gaz chaleur force au travers d'une motion dont le titre ne dit pas directement ce qu'elle veut. Voilà pourquoi je n'aime pas beaucoup ces déviances consistant à essayer de planter à gauche pour arriver à droite.
Il s'ensuit que l'on va parler de cette centrale chaleur force, puisque le but de votre motion est de s'opposer à sa construction, or je vous rappelle que le canton de Genève est malheureusement à moins de 30% d'autoapprovisionnement en l'électricité et que l'on aimerait bien produire beaucoup plus d'électricité hydraulique à Genève. Mais le cours du Rhône sur le canton de Genève n'est long que d'une vingtaine de kilomètres: il n'y a pas moyen de faire trois barrages sur le parcours du Rhône à Genève.
Ensuite, vous prônez - et moi aussi - la société à 2000 watts... Je pense que c'est un objectif à l'horizon 2050. Donc, entre 2010 et 2050, il faut trouver une béquille énergétique et, quand même, produire de l'énergie pendant cette période.
Au niveau de la pollution, je crois que vous vous trompez, car vous émettez des réserves quant à la pollution d'une centrale à gaz. On peut dire que les rejets de matières toxiques, à l'heure actuelle, sont filtrés à 99,9%. Concernant les émissions de CO2, sachez que le gaz carbonique se répartit de toute façon uniformément sur la planète... Si l'on n'a pas une centrale à gaz à Genève, on achètera notre électricité en Allemagne, et ce sera du charbon brûlé en Allemagne qui produira le même CO2. Par contre, une centrale à gaz à Genève procure l'avantage de la chaleur force, c'est-à-dire que l'on double le rendement de l'usine; en effet, on prend d'abord l'énergie, puis la chaleur, avec un rendement de 60 à 70%. C'est donc tout à fait favorable. Ce n'est pas l'idéal, mais c'est un moindre mal par rapport l'achat d'électricité dont on ne sait pas d'où elle vient et qui pourrait polluer davantage.
Voilà pourquoi le groupe libéral accepte cette motion. Mais nous ne nous laisserons pas tromper par rapport à la construction de cette centrale. Le groupe libéral rappelle aussi que ce sont les SIG qui construisent cette dernière, et il n'aimerait pas voir les deniers publics participer à cela.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le Mouvement Citoyens Genevois soutiendra le renvoi de cette motion à la commission de l'énergie. Le débat mérite d'être posé, même si les conclusions du Mouvement Citoyens Genevois ne seront peut-être pas celles des radicaux. Quoique ! Le MCG n'a pas encore pris formellement position sur cette centrale à gaz: il attend quelques éléments afin de conclure son analyse et prendre position.
Néanmoins, j'aimerais vous faire une proposition, Mesdames et Messieurs les députés - pour laquelle les trois quarts des voix sont nécessaires - c'est de joindre à l'objet qui nous occupe le point 170 de notre ordre du jour. Il s'agit d'une motion du MCG demandant une étude pour une usine de géothermie - cela en parallèle, évidemment, avec l'augmentation de 30% des tarifs de l'électricité en une année. Ainsi, je vous propose de joindre ce point - je ne sais pas si le règlement l'autorise, car je n'ai pas eu le temps de le consulter, mais je sais que l'on peut modifier les choses avec 75% des votants - ce qui permettrait de renvoyer à la commission de l'énergie la motion en faveur d'une centrale de géothermie, de sorte que ces objets puissent être étudiés simultanément. Nous pourrions ainsi connaître la position des différents groupes sur la façon de favoriser l'autonomie énergétique de Genève.
En effet, nous sommes aujourd'hui, sauf erreur, à 23% de notre capacité énergétique; il nous faudrait l'augmenter de manière assez conséquente, surtout par des énergies renouvelables. La géothermie en fait partie. Donc, nous pourrions étudier... (Remarque.) C'est le point 170 de l'ordre du jour, motion 1835. Donc, ma proposition... (Commentaires.) Ce n'est pas celle-là ?! Veuillez m'excuser, je n'ai pas eu le temps de chercher, pris de court par le traitement en urgence de cette motion-ci. Madame la présidente, je me permettrai d'intervenir juste pour vous dire exactement sous quel point de l'ordre du jour figure la motion MCG déposée pour une usine de géothermie... (Commentaires.) C'est le 170... C'est juste ? (Remarque.) C'est juste ! Merci.
La présidente. Un instant ! Je vais lire l'article 97 de notre règlement: «Exceptionnellement - c'est le cas - le Grand Conseil peut, sur proposition d'un député, décider, à la majorité des deux tiers des députés...
M. Eric Stauffer. C'est cela: les deux tiers !
La présidente. ...présents, de modifier en tout temps l'ordre du jour ou de traiter en urgence un objet qui n'y figure pas.» Donc, Monsieur Stauffer, vous proposez de traiter ces deux motions ensemble, de reprendre celle-ci maintenant et de la renvoyer en commission. Je mettrai cette proposition aux voix tout à l'heure...
M. Eric Stauffer. Voilà, et c'est traité en même temps !
La présidente. ...si tout le monde est d'accord avec cela. Ainsi, la démocratie s'exprimera. Monsieur Hohl, je vous donne la parole.
M. Frédéric Hohl (R). La demande, au départ, était de ne pas perdre de temps dans cette salle et de réellement travailler en commission. Je tiens seulement à rappeler qu'il ne s'agit pas d'une opposition. Je vous suggère de lire les invites au Conseil d'Etat. Nous n'avons bien évidemment pas parlé de nucléaire: nous avons, dans l'invite, demandé de présenter un rapport au Grand Conseil, d'intensifier les efforts fournis sur la réduction de la consommation et d'envisager à renoncer à la construction de la centrale. Je me réjouis donc que l'on traite de cela à la commission de l'énergie et vous en remercie.
M. Gilbert Catelain (UDC). Au départ, je croyais que c'était une motion du PDC, mais en fait, non, c'est une motion des radicaux. Je relève que nous avons deux cent vingt-et-un points à l'ordre du jour et que ce Grand Conseil, qui n'arrive pas à s'autogérer, devrait se fixer des priorités. L'une d'entre elles est de savoir s'il vaut la peine de renvoyer cette motion en commission, sachant que tout ce qui est prévu ou envisagé dans ses invites peut être discuté soit lors de l'examen du rapport divers sur les SIG, soit lors de celui sur les comptes des SIG. (Brouhaha.) Sachant que ce Grand Conseil a une influence déterminante sur le financement des SIG, c'est dans ce cadre-là que nous devrions discuter de cette fameuse centrale à gaz chaleur force, et non pas lors d'un débat supplémentaire qui prolongera les travaux de ce Grand Conseil, nous fera perdre du temps en commission et rallongera ainsi l'ordre du jour.
C'est pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas renvoyer cette motion en commission. Elle n'a pas de raison de l'être, nous pouvons en débattre autrement sans problème ! En revanche, je suis favorable à ce que l'on traite cette proposition de motion en même temps que celle du MCG, puisqu'elles portent sur le même thème.
La présidente. Merci, Monsieur Catelain. La parole n'étant plus demandée, Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur le renvoi des propositions de motions 1831 et 1835 à la commission de l'énergie et des services industriels. (Brouhaha.) Tout d'abord, que celles et ceux qui acceptent de joindre le point 170 de l'ordre du jour, proposition de motion 1831, au point 91, proposition de motion 1835 que nous étudions actuellement... (Brouhaha.) Je rappelle qu'il faut la majorité des deux tiers. C'est vous qui décidez... (Remarque de M. Eric Stauffer.) Monsieur Stauffer, vous ne pouvez pas, vous avez déjà parlé trois minutes. (M. Eric Stauffer répond hors micro.) Mais vous avez dit ce que vous vouliez et j'ai déjà tout proposé ! Nous passons aux votes.
Mis aux voix, le traitement de la proposition de motion 1835 avec la proposition de motion 1831 est rejeté par 44 non contre 27 oui.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1831 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est adopté par 55 oui contre 14 non et 4 abstentions.
La présidente. Nous reprenons maintenant notre ordre du jour bleu: point 38.