Séance du
jeudi 18 septembre 2008 à
17h
56e
législature -
3e
année -
11e
session -
62e
séance
GR 478-A
M. François Thion (S), rapporteur. Nous avons une demande de grâce de M. L. A., citoyen suisse, né en 1920, qui a été condamné, le 1er septembre 2006, à une peine de trois ans de prison par la Cour correctionnelle sans jury pour abus de confiance aggravé et faux dans les titres. Les faits sont assez compliqués, je vais vous les relater.
Dès 1946, M. L. A. a été employé par une société d'assurance sur la vie, dont il a été l'agent de 1951 à 1992. Après sa retraite, devenu agent général honoraire, il a continué d'exercer un mandat de courtier pour l'assureur. En cette qualité, il a longtemps disposé d'un emplacement de travail dans les locaux de la société d'assurance. Pendant une cinquantaine d'années, plus particulièrement entre 1995 et 2005, pour ce qui concerne la période non prescrite, M. L. A. a profité, à l'insu de la compagnie d'assurance, de son statut et des relations de confiance nouées avec certains anciens clients pour s'approprier des primes de prévoyance versées dans le cadre d'une police collective conclue avec une caisse de prévoyance genevoise, ainsi que de nombreux avoirs d'assurances de particuliers venues à échéance. Il faisait virer ces montants sur un compte en banque dont il avait la seule disposition. M. L. A. a ainsi encaissé au préjudice de la caisse de prévoyance et d'autres organisations associées un montant global de 2 293 516 F, plus 220 125 F représentant des cotisations supplémentaires versées à titre volontaire par des personnes affiliées à cette caisse de prévoyance, auxquels s'ajoutent encore 1 460 379 F, détournés au préjudice d'assurés et/ou d'autres personnes, généralement âgées, à qui il avait promis de faire fructifier leurs dépôts. A la fin de plusieurs exercices annuels, il a encore établi de faux documents à l'appui de l'état du compte de gestion de l'une de ses victimes. Sur un total détourné de 3 980 020 F, M. L. A. n'a opéré que quelques remboursements, à raison de 51 600 F, essentiellement avec l'aide financière de sa soeur, en faveur de cinq petits créanciers choisis par lui. Il dit avoir utilisé le reste pour payer des charges professionnelles, pour désintéresser des prêteurs plus anciens, pour aider ses enfants ou effectuer des dépenses personnelles.
Suite à la condamnation du 1er septembre 2006, M. L. A. a fait un recours auprès de la Cour de cassation le 2 février 2007, lequel a été rejeté. Il a ensuite effectué un recours au Tribunal fédéral le 9 juillet 2007, qui a également été rejeté. M. L. A. a des circonstances aggravantes, puisqu'il n'a pas participé à l'enquête et que, en outre, au moment où l'enquête avait déjà démarré, il a encore encaissé environ 30 000 F. Par conséquent, on ne lui a pas accordé de circonstances atténuantes et il a été condamné à trois ans d'emprisonnement. Il a fait quelque peu traîner les choses avant d'aller en prison - il n'a donc pas fait de prison préventive - et n'y est entré que le 5 juin 2008, à l'âge de 88 ans. D'après ce que l'on sait, il pourrait être libéré au plus tôt en mars 2010, s'il obtient une libération conditionnelle, ce qui est possible. D'après les informations qu'on a reçues sur son séjour en prison, il est visiblement en bonne santé, compte tenu de son âge, et l'on nous a même dit qu'il participe à des activités sportives.
M. L. A. a effectué une demande de grâce en s'appuyant sur trois éléments. D'abord, il indique être indisposé par la fumée dans la prison, car beaucoup de prisonniers fument, alors que lui-même est non-fumeur. Ensuite, il dit être également incommodé par les trafiquants de drogue à l'intérieur de la prison, qui cherchent parfois de l'argent et à cause desquels il n'est pas toujours en très grande tranquillité. Enfin, il se plaint du bruit, puisque plusieurs des personnes qui vivent avec lui écoutent de la musique, ce qui l'empêche de lire. Là derrière se pose la question de savoir si l'on doit laisser une personne de 88 ans en prison. Cependant, il n'y a aucune circonstance atténuante pour ce monsieur qui, visiblement, a trompé tout le monde pendant cinquante ans et a détourné de l'argent, notamment auprès de personnes âgées auxquelles il a volé l'ensemble des économies et qui se retrouvent maintenant uniquement avec l'AVS pour vivre. Par conséquent, la commission de grâce vous propose à l'unanimité de rejeter cette demande de grâce et je pense donc, Madame la présidente, qu'il faudra voter oui au rejet de la grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet de la grâce) est adopté par 61 oui (unanimité des votants).