Séance du
jeudi 28 août 2008 à
17h
56e
législature -
3e
année -
10e
session -
61e
séance
M 1526-A
Débat
Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, les Verts sont satisfaits que cette motion ait enfin été traitée par la commission judiciaire. Son traitement a d'ailleurs amené la commission à débattre au-delà de son contenu. La motion soulève en effet deux questions importantes. D'une part, une question de principe: quelle conception de la police avons-nous ? D'autre part, une question pratique: comment sortir de la pénurie de policiers ?
Sur la question de principe, quasiment tous les partis se sont exprimés en faveur d'une police aujourd'hui plus représentative de la multiculturalité genevoise, qui comprend des étrangers tout comme des Suisses dans ses troupes, et c'est une très bonne chose ! Il y a seulement eu la position pour le moins étrange des socialistes qui, visiblement, ont une vision passéiste de la police. Ils voudraient qu'elle soit la garante du cadre légal de notre pays. Soit, comme nous tous ! Mais ils pensent apparemment que les résidents non suisses seraient moins à même de garantir les droits et les devoirs de chacun. Là, il faudra qu'ils m'expliquent, car j'ai peur d'avoir perçu dans leur point de vue une belle expression de xénophobie.
Les libéraux, eux, au contraire, ne voient pas pourquoi la motion concerne les bénéficiaires d'un permis C seulement. Ils se sont positionnés en faveur de l'engagement d'Européens, ceux concernés par les accords bilatéraux, par exemple.
Il est donc temps de sortir de la situation actuelle, ambiguë, qui veut que l'on accepte à l'école de la police des candidats détenteurs du permis C, tout en les obligeant à se naturaliser. Il y a une majorité politique qui est d'avis qu'il faut une police davantage représentative de la population cosmopolite de Genève, ce qui aurait l'avantage de favoriser le dialogue et la proximité. C'est donc le moment d'ouvrir les portes de l'école de la police à toute personne qui s'y intéresse, indépendamment de sa nationalité et sans l'obliger pour autant à devenir suisse.
Au sujet de la deuxième question, l'effet que cela pourrait avoir sur la pénurie de recrutement que connaît la police depuis plusieurs années, les groupes étaient plus partagés. Les Verts, le PDC et les libéraux estiment qu'autoriser l'engagement d'étrangers au sein de la police pourrait avoir un effet positif sur le recrutement, alors que le MCG et les socialistes pensent qu'il faudrait abaisser les exigences des examens d'entrée à l'école de police, ainsi que les critères d'engagement qu'ils jugent trop sévères. Une chose est sûre, tout le monde s'est accordé pour dire qu'il fallait agir contre cette pénurie en multipliant les mesures d'encouragement.
La conclusion des travaux de la commission judiciaire va finalement plus loin que l'invite unique de cette motion qui demande de prévoir et de faciliter l'engagement de détenteurs de permis C dans la police genevoise. La grande majorité de la commission demande donc le renvoi de ce texte au Conseil d'Etat.
M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, je tiens à rendre hommage à la rapporteure de la commission parce qu'elle a effectivement retracé très bien la position des socialistes. Par contre, nous taxer de xénophobes, nous, socialistes, c'est quand même un peu fort ! Voyez-vous, la proposition vient essentiellement de moi et de Mme Pürro. Je suis d'origine étrangère - espagnole, comme mon nom l'indique - et Mme Pürro est également d'origine étrangère. Vous savez, bien avant même que les Verts n'existent, je me battais déjà pour l'intégration des étrangers et j'ai donné, dans des caves, des heures et des heures de cours à des étrangers ! Donc voyez-vous, ni moi ni le parti socialiste ne sommes xénophobes ! Lisez l'histoire du parti socialiste, cela vous montrera que c'est un parti qui n'est pas du tout xénophobe, Madame ! Et je pense que vous pourriez retirer ce terme d'ici à la fin de la séance.
Maintenant, il y a de drôles de façons d'intégrer les étrangers. Les Verts nous disent que, pour intégrer les étrangers, il faudrait créer un corps expéditionnaire dans le canton. C'est quoi, un corps expéditionnaire ? Ces gens seront supposés exercer une tâche régalienne, mais sans aucun droit politique ! Je vous le dis, Madame, je m'en fous que le policier soit suisse ou espagnol ! Je m'en fiche, ce que je veux, c'est qu'il ait les droits politiques ! Je m'explique: dans les communes où les droits politiques des étrangers existent, je ne vois pas de problème à l'engagement de policiers municipaux étrangers ! Ce que je ne veux pas, c'est qu'on utilise les étrangers pour des engagements très durs, comme les manifestations dont nous avons parlé tout à l'heure - avec la sale ambiance qu'il peut y avoir dans notre pays... Car la xénophobie existe dans notre pays ! Et elle ne vient pas des socialistes. Nous ne sommes pas xénophobes et nous avons le courage de dire les raisons pour lesquelles nous ne sommes pas d'accord.
Cette motion pourrait même exacerber le sentiment de xénophobie. Vous savez très bien qu'il arrive que la police aille chercher les personnes qui ne veulent pas faire leur service militaire... Je suis très gêné d'imaginer les réactions que pourrait susciter le fait que des étrangers interviennent dans la limitation de liberté de personnes qui, elles, sont citoyennes ! C'est très délicat ! Ce sera autre chose si, demain, un scrutin accorde aux étrangers le droit de vote au niveau cantonal, droit pour lequel nous, socialistes, militons. S'il advient que les étrangers obtiennent le droit de vote, le droit d'exercer leurs droits politiques, ils pourront alors faire partie d'une police citoyenne, exerçant une fonction régalienne et, en même temps, des droits politiques !
La présidente. Excusez-moi, Monsieur le député ! Je voulais vous le dire tout à l'heure, nous sommes dans un débat «par catégorie», suite à la requête en ce sens de la commission, d'ailleurs. Le temps de parole est de trois minutes par groupe et vous êtes en train de le dépasser.
M. Alberto Velasco. Alors, laissez-moi au moins le temps de finir. (Commentaires.)
La présidente. Bien, mais il vous faut conclure, et je ferai la même chose pour les autres personnes qui vont encore s'exprimer, par souci d'équité.
M. Alberto Velasco. Par conséquent, nous avons aussi pris langue avec le Conseil d'Etat qui nous a dit que les détenteurs de permis C peuvent aujourd'hui se présenter aux examens de l'école de la police et y être admis. A la sortie de l'école, ils bénéficient quasiment immédiatement de la nationalité suisse et, donc, des droits politiques qui vont avec.
Je crois qu'aujourd'hui rien n'empêche quelqu'un qui a un permis C d'entrer dans la police, s'il nous garantit qu'il exercera ses droits politiques. L'intégration, c'est ça, Madame la rapporteure ! On intègre les gens en leur donnant des droits politiques ! C'est ça l'intégration: des droits politiques !
M. Frédéric Hohl (R). Tout d'abord, je tiens à remercier Mme Captyn. Votre rapport était excellent et votre présentation tout à fait claire. On est pleinement dans l'actualité, aujourd'hui, avec le manque d'effectifs dans la police, malgré une ligne budgétaire disponible qui permettrait d'engager des nouveaux policiers.
Alors, mis à part pour une dizaine ou une quinzaine de policiers spécifiquement voués au renseignement, la cheffe de la police a plutôt bien accueilli cette proposition de motion. On le sait, il y a près de 40% d'étrangers à Genève. Nous pensons donc que c'est une très bonne idée que des détenteurs de permis C entrent dans la police; cela a beaucoup de sens !
Il me semble également que la police devrait peut-être travailler un peu mieux son image. Je crois qu'il est temps de revaloriser cette profession pour que des jeunes s'y intéressent. Ça, je crois que c'est un point qui est très important et que vous devez peut-être inclure dans vos discussions. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical vous encourage à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Gilbert Catelain et je rappelle que le temps de parole accordé est de trois minutes par groupe.
M. Gilbert Catelain (UDC). La commission judiciaire ne s'est pas posé la question de savoir pourquoi il fallait être suisse pour accomplir une mission de maintien de la paix à l'étranger ou une mission de sauvegarde des moyens d'existence en Suisse et s'il y avait la possibilité d'être étranger pour accomplir une mission de sécurité intérieure en Suisse.
Je rappelle que cette motion est actuellement inapplicable, parce qu'aujourd'hui un ressortissant serbe au bénéfice d'un permis C ne pourrait pas patrouiller avec un gendarme français en France ! Il serait donc limité dans son champ d'activité. Ce sera possible après l'entrée en vigueur des accords de Schengen, mais actuellement ce n'est pas possible et ces questions juridiques n'ont pas été étudiées par la commission.
Les candidats à la profession de gendarme ne manquent pas. A l'instar d'autres secteurs économiques, il existe un décalage entre les besoins du marché de l'emploi, ici la police, et les qualifications du demandeur d'emploi. Les premières expériences menées par la police démontrent que ce décalage est encore plus marqué avec les détenteurs de permis C: seul un candidat sur dix a pu être engagé ! Il y a donc peu de chances que la mise en oeuvre de cette motion, de l'invite de cette motion, ait des effets tangibles sur les effectifs de la police genevoise.
Nous devrons certainement imaginer d'autres solutions. En particulier, passer d'un système de recrutement qui disqualifie de bons candidats suisses, respectivement genevois, à un système qui permette, en concertation avec l'école de police et l'office cantonal de l'emploi, de remettre en selle les candidats dont les seules lacunes résident dans un déficit d'acquis scolaires. Au vu des exigences de la profession de gendarme, de l'évolution de cette profession, de son profil de carrière, il est risqué d'assouplir les conditions d'engagement au niveau des exigences scolaires. L'UDC estime qu'accepter cette motion reviendrait à ignorer le problème de fond, à savoir les lacunes graves de nombreux candidats, en particulier genevois, dans des domaines importants tels que la maîtrise de l'orthographe ou de l'algèbre. Avant de se prononcer sur un problème aussi grave que celui du recrutement de la police, il conviendrait que le DIP analyse et nous présente les résultats des examens de recrutement, d'admission à la police genevoise.
Dans l'intervalle, l'UDC estime qu'il serait beaucoup plus efficace d'élargir le bassin de recrutement de la police genevoise et des gardiens de prison en assouplissant les conditions d'âge, comme le prévoit le projet de loi 10274 que l'UDC a déposé. Pour ces motifs, l'UDC ne soutiendra pas le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Monsieur le président, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, il y a encore dix ans, vraisemblablement personne ne pensait que Genève s'ouvrirait sur l'Europe. Or ce sera d'autant plus vrai avec Schengen et la coopération du Centre de police et de coopération transfrontalière qui se trouve à l'aéroport. Notre frontière n'est qu'un fil ! Les échanges entre les nations qui nous entourent sont devenues monnaie courante, nous ne pouvons pas dire que nous sommes les meilleurs chez nous et que nous pouvons tout régler tout seul. Non, Mesdames et Messieurs ! Je pense qu'il est nécessaire de faire preuve d'esprit d'ouverture en faveur des personnes, des jeunes qui sont assimilés et travaillent chez nous, qui sont intéressés par la profession de policier mais qui ne peuvent pas y accéder parce qu'ils ne sont pas citoyens suisses. Pourtant, beaucoup d'entre eux ne connaissent même plus leur pays d'origine et se disent genevois. Je crois donc qu'il est important de donner une chance à ces jeunes de s'engager chez nous.
Quant à abaisser les exigences pour entrer dans la police, cela me semble une mauvaise chose. Il ne convient pas d'abaisser les exigences, mais de les maintenir. Pour critiquer l'école genevoise, je pense qu'il est vrai qu'il y a eu des cas où, manifestement, les Confédérés étaient mieux préparés pour les examens de police. Or il y a toujours des possibilités ! M. Catelain a dit qu'il n'en existait pas, or il y des possibilités de repasser les examens, pour ceux qui ne les ont pas réussis. Il est possible de se présenter à d'autres examens !
Nous vivons à l'époque de Schengen ! Nous vivons avec Schengen, qui sonne à notre porte ! C'est le moment de dire oui, d'oser dire que nous voulons une ouverture envers les personnes de notre canton qui sont intéressées à entrer dans la police mais qui ne sont pas citoyens suisses. Avec 38% d'étrangers à Genève, il y a du potentiel, quand bien même il soit minime. Il y a des potentialités de pouvoir engager des étrangers qui sont chez nous et je ne pense pas que la sécurité de notre canton sera mise en cause. Dans le recrutement, il convient d'être attentif, d'approfondir plus précisément la sélection des personnes qui seront candidates et, comme pour un Suisse, de faire en sorte d'accepter ces gens, car ils seront certainement de bons policiers qui sauront servir notre république.
Aussi, le groupe démocrate-chrétien accepte le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Eric Stauffer (MCG). Messieurs les députés, pourquoi pas engager des frontaliers dans l'armée suisse ? On est dans Schengen ! Ben alors ?! La sécurité nationale, on peut aussi la confier à tous les étrangers d'Europe... Je crois qu'il faut être un peu sérieux, Mesdames et Messieurs les députés ! Nous sommes en train de parler de la sécurité intérieure ! La sécurité intérieure n'est faite que pour les titulaires de passeports suisses ! Il est hors de question d'engager des permis C dans la police genevoise: les policiers ont accès à des informations hautement sensibles, à des bases de données, jusqu'au niveau de la Confédération. Mais je crois rêver ! Et vous, Monsieur le député Ducrot, en tant qu'ancien commissaire de la police de sûreté de la République et canton de Genève, vous osez tenir ce discours ?! Je ne comprends plus ! Enfin, vous me direz qu'on n'en est pas à une déconvenue près !
Encore une fois, je crois que c'est le début d'un exercice qui est très dangereux. Nous avons entendu notre conseiller d'Etat - pour qui j'ai beaucoup d'estime, il le sait - une petite rumeur laissait entendre qu'on pourrait engager aussi des frontaliers dans la police genevoise... La réponse est non ! Les permis C, c'est non ! Sauf s'il y a une demande de naturalisation en cours ! Et j'aimerais vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion a été déposée avant les accords qui sont intervenus entre les syndicats de la police, l'Etat et les permis C, puisque la police engage des permis C pour autant qu'une demande de naturalisation suisse ait été déposée. M. le conseiller d'Etat me corrigera si cela n'est pas exact.
Alors encore une fois, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut arrêter le délire, il faut cesser de dire que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ! On veut devenir policier ? On veut rentrer dans la gendarmerie ? On veut être inspecteur de sûreté ? On veut être commissaire ? Eh bien, on demande le passeport suisse ! C'est la moindre des choses ! Ce n'est pas une question de patriotisme ou je ne sais quoi ! C'est une question de bon sens par rapport à la République de Genève dans laquelle nous vivons. Essayez de faire l'exercice en France voisine avec un Genevois qui dirait qu'il aimerait s'engager dans la gendarmerie nationale... Eux sont plus intelligent, car cela dépend de l'armée: vous savez qu'en France la gendarmerie dépend directement de l'armée, donc de la sécurité intérieure. Ce que vous vous apprêtez à voter ici aujourd'hui reviendrait à dire que dans l'armée suisse, pour la défense du pays, nous pourrions prendre des étrangers. Mais faites une légion étrangère ! Et faites une police-légion étrangère ! Nous, nous n'adhérerons pas à cela.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous enjoins de refuser ce texte parlementaire et je vous demande de respecter les citoyens de Genève, avec les institutions telles qu'elles ont été établies depuis plusieurs siècles ! Merci.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est demandée par Mme Sandra Borgeaud - je vous rappelle, Madame, que vous ne bénéficiez que d'une minute et demie pour vous exprimer.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Merci, Madame la présidente. Je vais être brève ! Mesdames et Messieurs les députés, le problème ne se pose absolument pas avec les permis C, puisqu'ils peuvent déjà s'engager à condition de se faire naturaliser. Et cela a très bien fonctionné ainsi jusqu'à maintenant. On ne peut pas, non plus, obliger les Suisses à être genevois. Je vous rappelle quand même que la majorité des policiers sont valaisans, fribourgeois et vaudois. Ils sont confédérés, mais ils sont suisses ! S'ils n'étaient pas là, Genève n'aurait plus de police - allez me trouver encore un Genevois aujourd'hui, ça devient très difficile !
D'autre part, je dirai qu'on peut effectivement envisager d'assouplir les examens d'entrée à l'école de police. Je rappelle qu'il y a une formation: il y a une école de police qui peut très bien combler les éventuels manquements des candidats et améliorer leurs points faibles. De plus, il faudrait faire beaucoup plus de publicité - comme le fait actuellement la douane - si l'on veut améliorer l'image de la police et donner envie d'y entrer. (Brouhaha.) Hé ! Ho ! S'il vous plaît, parlez moins fort ! Merci !
Une voix. Attention !
Mme Sandra Borgeaud. J'aimerais aussi, chose très importante, que les hautes hiérarchies de la police veillent aux bonnes conditions de travail, qu'elles aient confiance en leurs hommes et qu'elles arrêtent de les suspendre systématiquement ou de leur mettre des enquêtes administratives sur le dos pour des initiatives qui, il y a quelques années encore, leur auraient valu des félicitations.
J'aimerais aussi rappeler que l'âge d'entrée actuel est fixé à 35 ans. On peut tout à fait aussi envisager d'augmenter cette limite à 38 voire 40 ans. A cet âge, les personnes sont en bonne santé, en pleine maturité, et on n'a pas affaire à des gamins de 20 ans !
Je soutiendrai donc ce renvoi au Conseil d'Etat, afin que ce dernier puisse étudier toutes les pistes proposées aujourd'hui. Il y en a plusieurs, mais on doit régler ce problème, et rapidement, car nos policiers - je parle pour eux, en leur nom - en ont plus que marre de la situation actuelle !
M. Jean-Michel Gros (L). Chers collègues, un député, situé sur ma gauche maintenant, évoquait tout à l'heure la démocratie et ce que doit être un parlement. La démocratie doit être la clarté, la transparence ! Eh bien, j'aimerais bien voir ça de sa part, parce que la transparence implique aussi d'être fidèle à ses votes ! En commission, le MCG vote en faveur de cette motion et, ici, on vient se faire insulter parce qu'on propose d'engager des policiers qui ne seraient pas purement suisses, avec un passeport dûment estampillé: ça commence à bien faire, au niveau de la démocratie et des spectateurs qui nous regardent ! S'il n'y en a pas beaucoup à la tribune, peut-être sont-ils un peu plus sur Léman Bleu !
J'en viens aux faits. L'audition de la cheffe de la police était particulièrement intéressante. Elle nous a dit qu'elle était favorable, comme nous l'a rappelé Mme Captyn, à l'engagement de détenteurs de permis C et, davantage encore, à l'engagement d'autres étrangers qui ne seraient pas au bénéfice de ce permis. Elle a dit qu'il y avait certaines restrictions - et là, je fais le parallèle avec ceux qui ne veulent pas engager d'étrangers dans l'armée suisse - oui, elle voit une objection en ce qui concerne certains services sensibles de renseignement, dans lesquels ces personnes étrangères pourraient entrer en conflit étant donné leur origine. Ceci concerne une quinzaine de postes à Genève et elle ne voyait vraiment pas de problème par rapport à cela ! Et elle le gérera très bien, dans le cadre de l'affectation des personnes concernées.
Oui, nous sommes favorables à l'élargissement du recrutement - non pas pour résoudre une fois pour toute le manque d'effectifs de la police genevoise ! - et là, nous sommes également ouverts aux propositions faites par plusieurs autres groupes - je n'ai pas toutes les motions ou tous les projets de lois en mémoire. Mais, évidemment, il s'agit ici d'une motion parmi d'autres ! A l'heure actuelle, la restriction de n'engager que des permis C sous promesse d'une naturalisation future fait que les résultats ne sont pas extraordinaires au niveau de la réussite du recrutement. C'est donc un essai.
Bien sûr, Monsieur Catelain, nous n'avons pas étudié en commission toutes les implications de Schengen, des accords de libre circulation des personnes, ce n'était pas notre rôle, mais nous avons dit explicitement que nous attendions que le Conseil d'Etat, dans sa réponse, nous exprime les difficultés que pourrait, en fonction de cette motion, soulever soit l'accord de libre circulation des personnes, soit Schengen.
Il est évident que dans l'esprit de Mme Bonfanti, l'engagement d'étrangers autres que des permis C - elle l'a évoqué - concerne surtout des élèves, des gendarmes issus de l'école de gendarmerie française. Il est évident que, pour Genève, il est quand même intéressant d'avoir des gens qui parlent la langue vernaculaire ! C'est probablement plus efficace que d'engager un Islandais qui débarque ici. Autrement dit, ça se limiterait probablement à des gens qui sont déjà plus ou moins intégrés.
Je voulais toutefois dire quelque chose à M. Velasco, qui ne veut pas de policiers étrangers car ils n'ont pas le droit de vote et ne peuvent pas voter les lois qu'ils vont appliquer. Mais, Monsieur Velasco, on ne demande pas ça à un policier ! On ne demande pas qu'il vote les lois, on lui demande de les appliquer, en prêtant serment, devant le Conseil d'Etat, qu'il les appliquera en son âme et conscience, comme tout policier le fait ici. Monsieur Velasco, lorsque les Confédérés viennent nous sauver par les effectifs qu'ils fournissent, croyez-vous que, à l'issue de leur formation à l'école de police, ils ont déjà voté une loi à Genève ? Tous ces Fribourgeois, ces Valaisans, ces Jurassiens... Eh bien non, ils n'ont pas voté nos lois !
La présidente. Il vous faut conclure !
M. Jean-Michel Gros. Je conclus. C'est pourquoi, dans un esprit d'ouverture, les libéraux soutiendront cette motion et vous demandent de la renvoyer au Conseil d'Etat, duquel nous attendons évidemment toutes les explications sur les obstacles qu'il pourrait trouver dans une telle proposition de solution.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Stauffer, vous avez la parole: il vous reste trente-cinq secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Ce sera largement suffisant, Madame la présidente ! Je demande le renvoi de cette motion en commission judiciaire, au motif que dans les accords bilatéraux que la Suisse a signés, il est fait mention de l'engagement de détenteurs permis C, donc de résidents européens dans toute l'administration, à l'exception de la police, de l'armée et des activités ayant trait à la sécurité intérieure... Enfin, il existe toute une liste qui est spécifiée. Donc, je pense que cette motion pourrait avoir une incidence contraire au droit supérieur et aux traités internationaux signés par la Suisse.
A ce titre, je demande le renvoi en commission judiciaire, afin que cette question puisse y être étudiée, pour qu'on ne fasse pas des textes «qui ne correspondent à rien», comme l'ont dit très justement les libéraux, et qu'on se fasse balayer ensuite !
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Je suis un peu surpris, parce qu'il y a une demande de renvoi en commission, mais, en toute hypothèse, il va de soi que la faisabilité des choses fera partie intégrante de la réponse du Conseil d'Etat.
Historiquement, je vous rappelle qu'au XIXe siècle, la loi sur la police prévoyait que les officiers devaient être genevois et que le corps de police pouvait compter jusqu'à 25% d'étrangers au maximum. En réalité, on était souvent un peu en dessus de cette limitation et il faut reconnaître, Monsieur Stauffer, qu'ils étaient tous frontaliers. Il n'y avait pas de policiers islandais à Genève à cette époque !
Le Conseil d'Etat attache une grande importance au vote de votre Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les députés, parce que nous sommes favorables à une ouverture. Evidemment, cette ouverture n'est possible qu'avec votre soutien. Que ce soit en faveur des personnes avec un permis C - résidentes, par exemple - ou, effectivement, en faveur des frontaliers.
Traiter du recrutement de la police genevoise en trois minutes relève un peu de la plaisanterie, mais je vais quand même vous donner une ou deux informations. La première, c'est qu'en termes de recrutement, nous sommes en train de désigner une personne qui, au sein de la police, n'aura que cette tâche ! Parce que, fondamentalement, le recrutement, on s'aperçoit que c'est une question de personne à personne, que c'est une tâche qu'on ne peut pas faire comme ça, en plus, en faisant un peu de publicité par ci, par là... Nous aurons véritablement un officier chargé du recrutement.
Deuxième remarque, sur les obstacles: je veux bien être gentil avec l'orthographe, mais il y a juste des limites qui font partie de la carte de visite de la police. On ne peut pas voir écrire des «à» n'importe où ! (Rires.)
Troisième élément: d'autres obstacles, tels que la taille, le poids et des choses de ce genre-là, je les ai d'ores et déjà supprimés, avec, je l'admets, un effet parfaitement insuffisant.
Alors, si vous voulez vraiment aider - fortement - au recrutement dans la police genevoise, ce n'est pas compliqué. Ce qui pèche aujourd'hui sur le marché de l'emploi, c'est la rémunération, et c'est là où l'on peut et où l'on doit faire un effort !
La présidente. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Une demande d'amendement présentée par M. Eric Stauffer consiste à ajouter dans l'invite de la motion les mots: «de la zone Schengen». Comme seuls les chefs de groupe ont reçu ce texte, je vous lis la phrase complétée. Il s'agirait d'inviter le Conseil d'Etat «à prévoir et faciliter l'engagement de détenteurs de permis C de la zone Schengen dans la police genevoise». Nous nous prononçons sur cet ajout. (Remarque de M. Eric Stauffer.) Vous n'avez plus le droit à la parole, Monsieur Stauffer ! (Nouvelle remarque de M. Eric Stauffer.) Non, non ! C'est ainsi dans un débat par catégories, Monsieur le député ! C'est le règlement. Mesdames et Messieurs les députés, avez-vous tous compris l'ajout ?
Des voix. Oui !
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 34 non contre 11 oui.
La présidente. Je rappelle que le renvoi de cette proposition de motion à la commission judiciaire a été demandé.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1526 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 43 non contre 12 oui et 6 abstentions.
Mise aux voix, la motion 1526 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 36 oui contre 19 non et 5 abstentions.