Séance du
vendredi 13 juin 2008 à
20h30
56e
législature -
3e
année -
9e
session -
50e
séance
RD 707
Débat
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur, de bien vouloir prendre place. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, merci de faire silence, même si quelques-uns partent voir le match. A ce propos, nous ne savons pas du tout quel est le score - ici, nous ne savons rien ! Si quelqu'un pouvait nous informer, ce serait bien. (Commentaires.) Un à zéro ? Pour qui ? (Commentaires. Brouhaha.) Non, deux à zéro... Pour la Hollande, c'était à prévoir ! (Rires. Exclamations.) Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
M. Renaud Gautier (L), rapporteur. Vous me voyez tout à fait fâché, Madame la présidente, de revenir à des sujets beaucoup plus terre à terre... L'Eurofoot a un avantage, c'est qu'il permet de temps à autres de croiser de belles âmes. Cela été mon cas, mercredi soir sur la Fan Zone. J'en profite donc pour remercier Frédéric Hohl du travail extraordinaire qu'il a effectué et qui m'a amené à réfléchir, peut-être plus intensément, au silence assourdissant de désintérêt qui a accompagné la sortie de ce rapport...
Alors, pourquoi ce désintérêt ? (Brouhaha.) On pourrait, évidemment, se demander si les experts étaient des personnes compétentes... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Vraisemblablement pas ! Chacun de ces trois experts ayant une réputation indiscutable sur le plan international, ce n'est pas la bonne raison, parce que l'on ne peut supposer qu'ils pourraient être mauvais à Genève s'ils sont bons ailleurs.
Etait-ce la bonne méthode ? Peut-être ! Encore eût-il fallu qu'on la change ou que l'on effectue une autre étude ayant la même portée avec une autre méthode. Cela aurait peut-être permis de déterminer ce qui était faux dans celle qui a été adoptée.
Enfin, le tout était-il si mauvais que cela ? Je n'en sais rien ! Je constate simplement qu'un grand nombre des hypothèses développées dans ce rapport sont reprises dans les observations préliminaires formulées par la délégation du Comité européen contre la torture, ce qui tendrait à valider les qualités de ce rapport.
Faut-il, au contraire, chercher la réponse dans le fait que nous étions dans une démarche somme toute originale ? Pour une fois, c'est le pouvoir législatif qui s'est saisi d'un problème, qui a décidé de le traiter et qui a eu une certaine difficulté à trouver une collaboration de qualité tant avec le pouvoir exécutif qu'avec le judiciaire. (Brouhaha.) Mais j'ai peine à penser que ces batailles, finalement assez traditionnelles, soient la raison de ce silence - qui ne règne pas dans cette salle, soit dit en passant !
Il faut donc réfléchir à la problématique du silence... Qu'est-ce que le silence ? Ou, quels sont les silences ? Il y a, bien évidemment, le silence du politique, et l'histoire de l'humanité est faite de ces silences pesants du politique qui n'a pas su, à un moment donné ou à un autre, élever la voix pour défendre tel ou tel projet ou telle ou telle infamie. L'Histoire du XXe siècle en est douloureusement marquée.
S'agit-il du silence des médias ? Concept relativement curieux par les temps qui courent, je vous l'avoue, mais qui, effectivement, pourrait inciter, du moment que les médias ne s'intéressent pas à quelque chose, à dire que cela n'est pas intéressant...
S'agit-il du silence des intellectuels ? Là aussi, l'histoire contemporaine est marquée de ces silences qui, après un certain temps, ont été reprochés aux uns et aux autres. Vous n'avez pas pris la parole quand il le fallait !
Alors, parallèlement ou en contradiction avec le silence, il nous faut réfléchir à la parole ou au sens de la parole. Euripide, Platon, Kant - qui sont, soit dit en passant, non pas des joueurs bataves, mais des philosophes - parlent de la démocratie comme du droit de la parole donné à tous... Pas dans le sens d'une condition formelle, telle que Habermas l'avait décrite, mais bien comme un exercice de vérité: l'exercice concret de la démocratie à travers la parole. Car il y a, Mesdames et Messieurs, deux types de parole: celle du flatteur et celle du «paresiaste»...
Qu'est-ce que le «paresiaste» ? Pour celles et ceux d'entre vous qui n'ont pas étudié le grec ancien à l'université, «paresia» vient du grec, qui signifie «la vérité». L'éducation à la vérité était tellement délicate à Athènes que le jeune homme qui désirait pratiquer l'honnêteté avait recours au «paresiaste». Ce n'était ni un ami ni un subalterne, dont l'affection ou l'intérêt aurait pu brouiller son jugement, mais quelqu'un qui était là pour l'aider et le guider dans la «paresia», à savoir le courage de dire vrai.
Comme certains, qui ont perdu la vie - à commencer par Socrate - créaient des habitudes de «paresia» dans la société en encourageant la pratique de la vérité ou du dialogue, plutôt qu'en punissant occasionnellement un menteur, bouc émissaire, on pourrait obtenir les mêmes effets en s'habituant à résoudre pacifiquement les conflits, au lieu de faire la guerre pour gagner la paix.
La parole qui flatte contre la parole de celui qui recherche la vérité à tout prix: le dire vrai ! En fait, ce rapport ne représente-t-il pas, justement, le combat du dire vrai contre le silence ? Le mensonge et la vérité, comme la guerre et la paix, sont des pratiques sociales qu'aucun machiavélisme ne peut gérer au nom d'une vérité absolue ou d'un pouvoir tout puissant.
Il s'agit donc maintenant, Madame la présidente, de tirer le constat suivant: le silence, la parole, puis l'écoute, voilà le trajet de ce rapport ! La parole et l'écoute: c'est effectivement ce qu'on peut lui souhaiter pour le futur ! (Quelques instants s'écoulent.)
La présidente. Vous avez terminé, Monsieur le rapporteur ?
M. Renaud Gautier. Momentanément ! (Rires.)
La présidente. «Momentanément» ! (Rires.) Très bien, nous en prenons bonne note ! Je donne la parole à Mme Esther Alder.
Mme Esther Alder (Ve). Depuis des années, la commission des visiteurs officiels tire la sonnette d'alarme en ce qui concerne la détérioration des conditions de détention provoquée par l'augmentation exponentielle du nombre des détenus à Champ-Dollon.
Tout le monde s'accordera sur le fait que tout délit mérite sanction. Il n'en demeure pas moins qu'actuellement la situation de la personne arrêtée ou en détention préventive n'est pas acceptable. L'avis d'experts: Mme Barbara Bernath, MM. Jean-pierre Restellini et Christian-Nils Robert - dont je tiens à saluer l'excellence - a apporté un éclairage particulier sur la complexité et les défaillances du système policier, judiciaire et pénitentiaire.
J'aimerais saisir l'opportunité de cette prise de parole pour appuyer un certain nombre de recommandations. En premier lieu, en ce qui concerne la personne arrêtée, une chose est importante... (Hors salle du Grand Conseil, exclamations relatives à l'Eurofoot 2008. L'oratrice s'interrompt. Commentaires.) Oui, je crois qu'un but a été marqué ! (Commentaires. Rires.)
Plus sérieusement. Pour la personne arrêtée, disais-je, il est impératif que des traducteurs assermentés puissent être au service de la procédure. Etant donné la pluralité culturelle de la population genevoise, il faut s'assurer que les propos des uns et des autres soient transmis avec précision, or ce qui se passe actuellement relève du bricolage. Cette situation est inacceptable eu égard aux conséquences qu'une mauvaise interprétation peut entraîner.
L'anticipation du code de procédure pénale, qui permet à une personne d'être assistée dès son arrestation par un avocat, est une recommandation importante, et les Verts souhaitent vivement que le département des institutions oeuvre dans ce sens.
Enfin, il est urgent - et M. le conseiller d'Etat Moutinot s'y était engagé - de créer une instance de contrôle unique pour tous les fonctionnaires qui exercent une autorité. Trop de plaintes, notamment en cas d'allégations de mauvais traitement, passent à travers les mailles du filet et restent sans suite.
A présent, j'aimerais passer au volet judiciaire. On a réellement l'impression que c'est le domaine des «intouchables»... Pourtant, les experts ont mis le doigt sur des dysfonctionnements réels. Le pouvoir judiciaire porte une grande responsabilité dans la situation de surpopulation pénitentiaire extrême, soit, par moment, plus de 500 détenus pour - je le rappelle - 260 places ! A Genève, la période de détention avant jugement est la plus élevée de Suisse et les pratiques judiciaires en sont manifestement la cause.
Pour exemple - je cite des chiffres de l'Office fédéral de la statistique de septembre 2007 - la moyenne suisse de détention avant jugement est de 25 personnes pour 100 000. A Genève, on arrive à 67 pour le même nombre de personnes ! C'est donc vraiment disproportionné. On peut affirmer qu'à Genève la présomption d'innocence n'est pas de mise... Le risque de fuite est trop souvent invoqué et interprété abusivement pour justifier la détention. Les prolongations des mandats d'arrêts sont plus souvent utilisées pour le confort des magistrats que par nécessité de l'enquête. Par conséquent, il faudrait limiter la durée de ces mandats d'arrêts à huit jours maximum, comme le recommandent les experts.
Quant aux juges d'instruction - sans vouloir généraliser, parce que, j'en suis sûre, certains effectuent leur travail consciencieusement - on a l'impression qu'ils ne font qu'empiler des dossiers - et font davantage penser à une caisse d'enregistrement - alors que leur rôle est véritablement de vérifier les motifs de la détention.
Et pour finir, «en bout de chaîne»... Champ-Dollon. Avec la construction de La Brenaz, on avait beaucoup espéré que la population pénitentiaire diminuerait. Or il n'en est rien, comme cela a été relevé à plusieurs reprises. Malgré les places dégagées par La Brenaz, la prison de Champ-Dollon est toujours aussi surpeuplée.
Nous trouvons que les conditions de détention à Champ-Dollon sont catastrophiques. Comme je l'avais signalé il y a peu de temps, le droit des détenus n'est pas respecté: on mélange les primaires avec les condamnés. Et, parfois, six personnes partagent la même cellule et couchent sur des matelas à même le sol.
Par ailleurs, les conditions de travail des gardiens s'en trouvent affectées, elles sont même déplorables. J'ai entendu dire qu'à un certain moment, le soir, ils n'étaient plus que six gardiens, compte tenu du grand nombre d'heures supplémentaires que les uns et les autres doivent récupérer. C'est tout à fait inacceptable ! Il est du reste étonnant qu'une explosion de violence n'ait pas encore eu lieu dans cet établissement. Et je ne parle pas de la démission récente de M. Beausoleil, faute d'appui au niveau de l'exécutif... A mon avis, Champ-Dollon est une véritable poudrière: un rien pourrait enflammer la situation.
Je ne vais pas prolonger mon intervention, mais relèverai que les recommandations retenues par la commission dans ce texte sont importantes et j'invite ce Conseil à soutenir le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat. Je tiens encore à dire que nous osons espérer que ces recommandations seront suivies d'effets. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, je vous informe que se sont inscrits: M. Alberto Velasco, M. Eric Ischi, M. Jean-Claude Ducrot, M. Eric Stauffer, M. Olivier Jornot, M. Michel Halpérin et, enfin, le président du Conseil d'Etat, M. Laurent Moutinot. Le Bureau, dans sa composition minimale, prend la décision de clore la liste des intervenants. Monsieur Velasco, je vous donne la parole.
M. Alberto Velasco (S). J'aimerais tout d'abord rendre hommage aux détenus de la prison de Champ-Dollon, dans la mesure où le travail des experts a pour origine la fameuse émeute qui a été relayée par les médias, comme vous l'avez tous su.
Quand la commission s'est rendue sur place, j'ai pu observer que les détenus travaillaient avec un grand sens de la démocratie: ils avaient en effet constitué une commission et s'étaient partagé les sujets; ils avaient nommé un président qui passait la parole, ce que j'ai trouvé tout à fait extraordinaire. Et ils nous ont reçus avec beaucoup de respect. Par ailleurs, leurs doléances nous ont semblé totalement pertinentes, à tel point que notre commission - qui a été requise, de même que la Ligue des droits de l'Homme, ainsi que des journalistes, pour, précisément, visiter la prison - s'est demandé quelle suite il fallait donner à leurs requêtes. La question était là ! Etant donné que les membres de la commission des visiteurs ne pouvaient pas se transformer en enquêteurs, nous avons pensé qu'il fallait, pour ce faire, nommer des personnes neutres. C'est ainsi qu'est venue l'idée des experts. Et je tenais à rendre hommage à ces détenus, parce qu'ils sont à l'origine de cette démarche.
Ensuite, je voudrais tout de même relever la participation des trois pouvoirs. Il est important de souligner que, malgré les vicissitudes et les difficultés rencontrées, les trois pouvoirs ont quand même collaboré, à la fin, pour que cette enquête, ce travail d'expertise, voie le jour. En tant qu'ancien président de cette commission je dois rendre hommage tant au pouvoir judiciaire qu'au pouvoir exécutif - le Conseil d'Etat - d'avoir mis des moyens à disposition pour que cette enquête aboutisse. Tous les pouvoirs sortent plus ou moins critiqués de cette étude, y compris le Grand Conseil, du reste. Je suis d'accord avec le rapporteur, les manquements dans ce domaine sont trop nombreux, et depuis trop longtemps.
Vous le savez, les recommandations de la commission des visiteurs officiels sont malheureusement, année après année, restées lettre morte... Il faut bien dire que notre Grand Conseil ne s'en est jamais préoccupé, il n'a guère insisté pour demander au Conseil d'Etat si ces recommandations étaient appliquées. Nous avons donc, nous aussi, une responsabilité, tout comme le pouvoir judiciaire peut en avoir une dans la manière dont il pratique les détentions, et tout comme le pouvoir exécutif, qui a peut-être manqué parfois de diligence.
Je dois tout de même relever que, dans le rapport, il est rendu hommage aux gardiens de Champ-Dollon pour l'excellent travail qu'ils effectuent. C'est un élément important, parce que la plupart des détenus interrogés ont mis en exergue la qualité des relations entre détenus et gardiens et celle du travail réalisé par ces derniers. C'est très important, je le répète, parce qu'en général des problèmes se posent à ce niveau-là dans les prisons.
Des recommandations ont été faites... Vous avez pu le constater, la commission a pris en considération certaines d'entre elles, et pas d'autres - c'est vrai, nombre d'entre elles devraient l'être par la commission judiciaire, par le Conseil d'Etat, éventuellement par d'autres commissions. Quoi qu'il en soit, il très important que ce rapport fasse l'objet d'un suivi. Je ne sais pas quelle forme il faut lui donner, je ne sais pas qui aura les compétences d'effectuer ce travail de suivi - et cela prendra peut-être une année, deux ans - mais il serait tout de même intéressant, Mesdames et Messieurs les députés, que les trois pouvoirs nous précisent quelles recommandations peuvent être suivies et quelles sont celles qui ne le peuvent pas ! Soit parce qu'elles coûtent trop cher, soit parce qu'elles ne peuvent pas être mises en oeuvre même si on en avait les moyens, ou tout simplement parce que l'on ne veut pas les mettre en place étant donné qu'elles ne sont pas convaincantes. Mais ce serait une bonne chose que l'on nous dise, une fois pour toutes, quelles sont les recommandations que l'on veut appliquer et celles que l'on ne veut pas ! Je le répète: c'est un travail important.
Comme je le disais au début de mon intervention, c'est la première fois que les trois pouvoirs se retrouvent autour d'une table pour mener une étude sur ce sujet, qui est extrêmement sensible. Eh bien, je peux dire aujourd'hui que cette approche a été réussie. Et j'espère que les recommandations retenues dans ce rapport seront prises en compte et que notre message sera écouté.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je rappelle que six personnes doivent encore s'exprimer et que j'interromprai les débats à 23h. Je prie donc les orateurs d'être brefs. Monsieur Ischi, je vous donne la parole.
M. Eric Ischi (UDC). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, comptez sur moi: je serai bref ! En préambule, permettez-moi de vous dire que le groupe UDC a été très satisfait de l'excellent rapport qui nous est présenté. Nous tenons donc à remercier très vivement M. Gautier pour son travail remarquable.
A titre plus personnel - et probablement puis-je m'exprimer au nom des membres de la commission - je crois qu'il faut aussi rendre hommage à celui qui a fait preuve d'une maîtrise remarquable pendant son année de présidence, une année fort chargée, avec de très nombreuses séances, en présence d'experts - comme l'a indiqué M. Gautier - mondialement connus, et en présence aussi, dans une même salle, des représentants des trois pouvoirs. Il me semble que, sur ce point également, il faut tirer un grand coup de chapeau à ce président: M. Alberto Velasco ! (Applaudissements.) Quel succès !
Mesdames et Messieurs, je suis bien convaincu que vous avez toutes et tous lu en détail ce rapport, je ne vais donc pas énumérer les recommandations qui figurent dans ce petit bouquin ou, plutôt, ces deux bouquins que vous avez reçus.
A propos des différents intervenants - je pense au pouvoir judiciaire, à la police - des propos pas très aimables ont été échangés par les uns et les autres, qui se sont rejetés les responsabilités, et la presse s'en est largement fait l'écho à l'époque. Mesdames et Messieurs, je retiens surtout de ce rapport - car il ne s'agit pas des Communaux d'Ambilly ni de la loi sur l'Université, dont on nous a dit tout à l'heure qu'ils étaient les événements les plus importants de la législature - eh bien, je retiens surtout qu'il traite d'un véritable problème humain. Ce rapport concerne des êtres humains qui se trouvent dans une situation particulièrement difficile, et l'on ne peut pas négliger cet aspect-là.
Sans plus attendre, j'aimerais essayer de dégager de ce rapport et surtout, aussi, de l'expertise qui a été faite, la force que ces derniers représentent. Personnellement, je suis convaincu que la grande force de ce rapport et de cette expertise, c'est de provoquer - ou de permettre, si vous préférez - une autocritique, même silencieuse, des différentes institutions concernées par ce problème. Pour ma part, je ne me fais pas trop de souci: je suis persuadé que nous avons affaire à des gens normalement équilibrés, qui sauront prendre les mesures qui s'imposent face aux problèmes soulevés par cette expertise.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). De ce volumineux rapport en deux parties, j'ai surtout relevé la richesse des propos des experts. Je ne voudrais pas répéter les propos du président Gautier - l'actuel président de la commission - mais je tiens à souligner un élément déterminant de ce rapport, c'est son introduction: «Notre démocratie est-elle capable d'affronter la complexité des parcours qui conduisent à l'emprisonnement et à la diversité des significations que les détenus donnent à cette mise à l'écart ?» C'est une phrase très profonde et très juste. On pourrait dire de M. Gautier cette phrase tirée d'un livre célèbre: «J'étais prisonnier, et vous m'avez visité»... Mais je n'irai pas aussi loin que M. Velasco, qui rend hommage aux détenus. Je crois qu'il n'est pas pertinent de rendre hommage à des détenus, il faut simplement faire preuve d'humanité et de respect à leur égard.
Cependant, Mesdames et Messieurs, en lisant ce rapport, j'ai éprouvé quelques inquiétudes... Quelques inquiétudes en regard de la dernière page de la première partie, qui montre, depuis 1977 jusqu'en 2006, l'inflation galopante du nombre de détenus à Champ-Dollon. Cela doit nous interpeller, et interpelle le parti démocrate-chrétien ! La Brenaz vient d'être ouverte depuis quelques mois, et nous ne pouvons que constater que nous nous trouvons dans la même situation qu'avant ! Dès lors, la construction de nouveaux lieux de détention paraît, à l'évidence, ne pas être la solution idéale... Pour la trouver, nous devons, bien évidemment, mener une réflexion sur les changements qu'il faudrait apporter à l'emprisonnement.
Je ne vais pas m'immiscer dans le rôle de la justice, je suis trop respectueux du pouvoir judiciaire, cela étant, si l'on ressort les chiffres de Bâle en ce qui concerne la détention, on se rend compte que la justice bâloise fait preuve d'un peu plus de célérité ! Et je crois que la réflexion doit conduire non pas à augmenter les jours de détention, mais à bien cibler cette dernière, pour la rendre plus humaine à Champ-Dollon. Plus humaine pour les forces de police et plus humaine également pour les gardiens, qui sont constamment sous pression. Champ-Dollon est une véritable poudrière, qui a d'ailleurs déjà explosé, comme vous le savez, puisqu'il y a eu une mutinerie. Nous ne pouvons pas éluder le problème des détentions: nous portons une responsabilité ! Nous ne pouvons pas surfer sur la vague et ignorer la réalité !
Le président Moutinot avait mis sur pied les Assises de la sécurité. C'est une excellente démarche, mais il eût été préférable, ou nécessaire, de se demander s'il n'y avait pas lieu d'instaurer une plate-forme de la détention, avec tous les intervenants concernés, pour trouver le moyen de faire en sorte que les normes en matière de détention soient respectées. (A l'extérieur de la salle, exclamations relatives à Eurofoot 2008.)
Mesdames et Messieurs les députés, les experts ont livré un certain nombre de conclusions intéressantes, cependant le rapport évoque des réticences, des méfiances. Ce n'est pas en encourageant de telles attitudes que l'on va pouvoir avancer ! Je crois qu'il faut travailler dans le dialogue, dans le respect de tous les intervenants, et faire en sorte qu'on puisse s'assoir autour d'une table pour examiner ensemble les suites à donner à ce rapport, d'autant plus que bien du temps a passé pour pouvoir l'obtenir - il a fallu du temps avant que la commission des visiteurs ne le mette en route, du temps pour les experts, du temps pour le rédacteur... Alors, ce rapport ne doit pas finir sous une pile de dossiers et être oublié, car, je le répète, l'explosion menace !
Mesdames et Messieurs les députés, ce dossier doit absolument être traité en priorité, il faut le prendre à bras le corps ! C'est dans ce sens que le parti démocrate-chrétien acceptera ce rapport, en encourageant le Conseil d'Etat à prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer rapidement la situation.
La présidente. Merci, Monsieur Ducrot. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que j'interromprai nos travaux à 23h. A nouveau, je prie les orateurs d'être brefs. Monsieur Stauffer, je vous donne la parole.
M. Eric Stauffer (MCG). Je ferai tout d'abord quelques remarques. M. Velasco a rendu hommage aux détenus... Bien ! Moi, je tiens ici à rendre hommage aux gardiens de Champ-Dollon, qui ont fait un extraordinaire travail de temporisation. Je tiens également à rendre hommage à M. Laurent Beausoleil, qui a su juguler toutes les crises dues à la surpopulation carcérale à Champ-Dollon. Je pense qu'il ne faut pas oublier ces personnes, car c'est leur travail au quotidien, et, grâce à leur savoir-faire, grâce à leur sens du devoir vis-à-vis des détenus, nous avons évité bien des catastrophes.
Cela étant, je voudrais relever un autre élément. Nous comparons souvent Bâle à Genève... C'est vrai que c'est le seul élément de comparaison valable, puisque Bâle est une ville frontière avec la France, comme Genève. A une différence près, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'à côté de Bâle il y a une grande ville, Mulhouse, et une police française beaucoup plus efficace ! En revanche, à Genève, qui est aussi une grande ville, la situation est différente puisque nous sommes entourés - malheureusement ou heureusement - de petites villes françaises où la police est beaucoup moins efficace, ce qui fait que la criminalité est souvent concentrée sur Genève. Nous le voyons bien, avec les vagues de cambriolages et tout ce qui s'ensuit ! (Brouhaha.)
Il faut que nous soyons clairs: le rapport des experts est très bon; les recommandations qu'ils ont faites, avalisées par la commission, sont de bonnes recommandations.
Mais il faut tout de même mettre quelques bémols, principalement à l'endroit du Conseil d'Etat, qui ne suit pas, ou très peu, ou très lentement, voire pas du tout, les recommandations de la commission des visiteurs officiels. Notamment - M. Laurent Moutinot le sait bien, et il pourra s'en expliquer après - il y a, au sein même du Palais de justice, des cellules de détention qui ne respectent pas les normes en vigueur. La commission des visiteurs officiels s'y est rendue pas moins de six fois en l'espace d'une année et demie. Elle a demandé, exigé, que ces cellules soient mises aux normes, mais cela n'a jamais été fait par le Conseil d'Etat !
Il a fallu, Mesdames et Messieurs les députés, que nous votions une résolution - ou une motion, je ne m'en souviens plus exactement - en séance plénière, il y a quelques mois de cela, pour que le Conseil d'Etat applique les normes légales sur les lieux de détention. Eh bien, figurez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, qu'à ce jour, bien des mois après, rien n'a encore été entrepris ! Alors, Monsieur le conseiller d'Etat, avec tout le respect que je vous dois, vous méritez un carton rouge, parce que vous avez fauté !
Maintenant, il faut aussi savoir ce que nous voulons. Genève a connu une explosion démographique constante depuis les années 70, date où la prison de Champ-Dollon a été construite. Actuellement, cette prison accueille en moyenne 460 à 500 détenus, alors qu'elle était prévue initialement pour 270 personnes. Cela pose évidemment une multitude de problèmes, notamment en matière de travaux. Je pense par exemple à la rénovation des cuisines, qui sont dans un état catastrophique. Je puis vous assurer que si Champ-Dollon était une pension privée, le service d'hygiène aurait déjà depuis bien longtemps fermé les cuisines, car il y a des cafards de plus d'un centimètre qui s'y promènent librement ! Cela n'est pas tolérable ! Eh bien, Monsieur le conseiller d'Etat, cela mérite un deuxième carton rouge, parce que vous le savez, la commission vous l'ayant signalé depuis des mois et des mois !
C'est vrai qu'il est beaucoup moins populaire de construire et de rénover des prisons que de construire des écoles... Soit ! (Brouhaha.) Mais cela a un effet extrêmement pervers au sein de la population: c'est que nous avons dépassé le stade du sentiment d'insécurité pour entrer dans la phase de l'insécurité ! Nous devons être cohérents ! Les députés de gauche peuvent bien s'offusquer de mes propos, mais la situation ne s'est pas améliorée: nous en avons la preuve par A+B ! La construction de La Brenaz, avec ses soixante places disponibles pour des exécutions de peine, aurait dû diminuer la population carcérale de Champ-Dollon. Eh bien, il n'en est rien: Champ-Dollon compte toujours 460 à 500 détenus en permanence, alors que La Brenaz est complètement occupée !
La population carcérale étant en augmentation depuis 1977, il faut que le pouvoir judiciaire évolue en conséquence et de manière proportionnée. Je conclurai donc, car je ne veux pas trop prolonger le débat, en disant que, pour évoluer, il faut des moyens. (Brouhaha.) Et c'est au parlement de donner ces moyens supplémentaires au pouvoir judiciaire, à la gendarmerie, et de décider de construire des prisons. Cela permettrait aux habitants de notre canton de retrouver le sourire, de se sentir en sécurité la nuit, et les détenus pourraient être traités avec humanité. C'est un devoir pour la Suisse et pour Genève en particulier. Parce que la surpopulation carcérale n'est pas digne d'un canton qui est dépositaire des droits de l'Homme et de la Convention de Genève !
M. Olivier Jornot (L). Il n'était sans doute pas facile pour la commission des visiteurs de produire un rapport pondéré sur un rapport controversé dressé par des experts controversés... C'est pourtant le tour de force auquel elle est parvenue, et j'aimerais ici, comme mes préopinants, rendre hommage au rapporteur, M. Renaud Gautier, qui a su, précisément, retranscrire cette distanciation et ce recul que la commission a pris en regard des recommandations des experts. Recommandations dont elle s'est écartée d'une bonne partie, parce qu'elles n'étaient en effet pas judicieuses.
La question des droits de l'Homme, la question des conditions de détention, sont des thèmes chers au coeur des libéraux, vous pouvez bien vous en douter. Et de nombreux points particulièrement importants de ces rapports nous interpellent tout spécialement.
Le premier, sur lequel je voudrais dire quelques mots, concerne l'avocat de la première heure. Une recommandation est faite - la première recommandation des experts - préconisant d'anticiper l'entrée en vigueur des dispositions fédérales au sujet de l'avocat de la première heure... Mesdames et Messieurs les députés, cette recommandation est parfaitement illusoire, en particulier dans un canton qui, à l'heure où nous nous parlons, ne connaît pas encore le dispositif qui sera mis en place pour tenir le délai normal, c'est-à-dire le délai d'entrée en vigueur au 1er janvier 2010. Nous pouvons parler du sexe des anges sur cette question de l'entrée en vigueur de l'avocat de la première heure: il serait plus judicieux de nous demander si nous serons capables, compte tenu du rythme auquel travaille le Conseil d'Etat sur ce thème, d'être prêts au 1er janvier 2010, au moment où le code de procédure pénale suisse entrera en vigueur.
Sur ce même thème, j'aimerais vous dire que je me sens beaucoup plus concerné par la quatrième recommandation des experts, qui préconise que l'on prenne, autour de cette question de l'avocat de la première heure, des mesures effectives pour que cet avocat puisse exister, que ce ne soit pas une simple chimère réglementaire, et que l'on mette sur pied, dans notre canton, un véritable système de permanence pour que tout un chacun, dès son arrestation, puisse avoir accès à cet avocat de la première heure. Et je suis au regret, pour ceux que cela choque d'entrée de cause, de dire que cela va probablement coûter quelque argent...
Le deuxième point que je voudrais aborder, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un sujet qui m'a choqué. Je suis au regret de vous le dire, Madame la députée Esther Alder, que j'ai été profondément choqué par les propos que vous venez de tenir à propos du rôle de la magistrature, par rapport au rôle de l'appareil judiciaire, dans les problématiques relevées par le rapport des experts. Je ne peux pas laisser dire que l'appareil judiciaire travaillerait jour et nuit avec la seule préoccupation de nuire aux droits des détenus, que sa seule préoccupation serait de faire en sorte que des innocents soient incarcérés et que les dossiers traîneraient des années avant que des jugements soient rendus. Non ! La magistrature est composée d'hommes et de femmes qui s'efforcent, avec les moyens dont ils disposent, de travailler au mieux ! Et quand je dis «les moyens dont ils disposent», je devrais dire «les moyens que nous consentons à leur donner» pour remplir leur tâche. Alors, en regard de ces moyens, j'aimerais, tout au contraire de ce que vous venez de faire, Madame la députée, rendre hommage à ces magistrats, qui s'efforcent de rendre la justice avec humanité, mais, aussi, dans le but de faire appliquer la loi et de faire respecter les droits des citoyens dans ce canton.
Finalement, il manque une recommandation dans ce rapport des experts... Et je serai probablement en porte-à-faux avec les interventions de certains députés, voire avec celles qui suivront, notamment celle de M. le conseiller d'Etat. J'ai en effet la conviction que le meilleur moyen d'améliorer les conditions de travail des gardiens, le meilleur moyen d'améliorer les conditions de détention, c'est tout simplement de se doter des infrastructures de détention qui correspondent à nos besoins actuels. Il est inadmissible, Mesdames et Messieurs les députés, que l'on ait pu, à un moment donné - au département des institutions - recommander aux magistrats de ne pas incarcérer sous prétexte que cela entraînait des difficultés de surpopulation à Champ-Dollon ! Ce n'est pas dans ce sens-là que les choses fonctionnent ! Le code pénal doit être appliqué; des procédures doivent être mises en oeuvre, et si l'on s'aperçoit que le nombre des détenus excède les capacités pénitentiaires, eh bien, il faut adapter les capacités pénitentiaires, au lieu de prendre le problème dans l'autre sens, en affirmant que les magistrats incarcèrent trop et qu'ils devraient libérer à tour de bras !
En conclusion, Mesdames et Messieurs, je vous confirme que les libéraux soutiennent - cela va sans dire - le renvoi de cet excellent rapport au Conseil d'Etat. C'est un renvoi lucide. Lucide, parce qu'il faudra faire un tri, procéder à des choix parmi les diverses recommandations. C'est un renvoi lucide, en formant le voeu que le Conseil d'Etat, à son tour, soit lucide en examinant les recommandations des experts.
M. Michel Halpérin (L). La prison est probablement ce par quoi une société se donne à elle-même sa propre mesure. C'est en fonction de la manière dont nous traitons ce dernier étage de la société - de notre société - que nous donnons la mesure de ce que nous sommes, de ce que nous voulons être ou de ce que nous prétendons être. Et je ne suis pas étonné des passions qui ont été soulevées par ce triple travail, qui a été mis en oeuvre à l'occasion, je vous le rappelle, d'une pétition émanant de détenus.
La commission des visiteurs officiels - j'ouvre ici une brève parenthèse pour dire que Genève s'honore et se distingue, depuis plus d'un siècle, par l'existence-même de cette commission parlementaire, qui a précisément pour vocation de s'assurer que ce dernier étage de la vie sociale est un étage que l'on peut encore fréquenter - a souhaité qu'un rapport d'experts soit mis en oeuvre et obtenu. Le Bureau du Grand Conseil s'était rallié à cette proposition, parce qu'il partageait le sentiment que le moment était venu de procéder à un inventaire. Nous avons l'inventaire sous les yeux. Il est passionnant, mais le temps est trop court ce soir pour que je m'arrête, même quelques instants seulement, sur les thèmes qui y sont développés. C'est un peu un inventaire à la Prévert: on y trouve de tout, et c'est normal.
Quand ce rapport a été rendu public, on s'est surtout arrêté sur quelques-uns des thèmes qui focalisaient l'attention, notamment ceux des mauvais traitements, de la surpopulation. Mais ce n'en sont que deux: ils sont importants, bien sûr, ils ne sont néanmoins pas majeurs ! On a parlé du droit des détenus étrangers... Ils sont extrêmement nombreux à bénéficier d'une traduction à peu près convenable des procès-verbaux qu'ils signent, des interrogatoires auxquels ils sont soumis. On a parlé des conditions dans lesquelles la détention s'exerce, du type des promenades ou de leur durée, de la qualité de l'habitation, etc. Il était donc normal que cet inventaire débouche sur un document difficile et foisonnant. Et ce que la commission des visiteurs officiels a fait d'utile, c'est d'effectuer une première sélection en indiquant les points sur lesquels elle n'entrait pas en matière et ceux qu'elle prenait en considération.
Maintenant se pose la question des voies et des moyens. M. Jornot a eu raison de préciser tout à l'heure que certaines critiques dépassaient de très loin le cadre de la mission de ces experts. Les experts n'ont pas à juger de la politique judiciaire: ils peuvent simplement constater qu'elle aboutit à ce qu'il y a beaucoup de détenus. On peut aussi se poser la question en amont de savoir s'il n'y a pas beaucoup de détenus - plus qu'avant - parce qu'il y a plus d'infractions, et, par conséquent, plus d'auteurs de ces infractions qu'il faut mettre à l'écart pour protéger ceux qui en sont les victimes. Cela fait aussi partie de la réflexion.
Dans ce catalogue des voies et des moyens, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat doit travailler, mais, nous aussi, nous devrons assumer les responsabilités qui sont les nôtres, lorsque nous devrons donner des moyens. Les libéraux ont l'occasion, fréquemment, de répéter qu'ils sont favorables à ce que des moyens importants soient octroyés à la police et à la justice, pour que la tranquillité règne dans nos rues. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas donner de moyens à la justice et à la police, pour que la justice soit bien rendue, et aux gardiens de prison ou aux établissements pénitentiaires, pour que les choses se fassent correctement.
Mesdames et Messieurs, la responsabilité ultime à laquelle nous sommes renvoyés par les auteurs de ce rapport, c'est la responsabilité du pouvoir législatif dans le regard qu'il portera, lui, dans l'application de la politique qu'il choisira, lui, de donner à la prison républicaine. (Applaudissements.)
M. Renaud Gautier (L), rapporteur. J'ai parlé tout à l'heure du silence... Je me réjouis de constater, ce soir, que ce sujet a généré des réflexions des uns et des autres, tout en relevant le jésuitisme de certains auxiliaires de la justice...
Vous nous avez demandé d'être brefs, Madame la présidente... Je vais évidemment vous demander de transférer ce rapport sur le bureau du Conseil d'Etat. Je conclurai simplement avec cette phrase de Jankélévitch: «Il ne s'agit pas d'être sublime, il suffit d'être fidèle et sérieux.»
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Dans ces matières difficiles que sont l'emprisonnement et la police, il m'appartient tout d'abord de rendre hommage à mes collaborateurs et collaboratrices de la prison et de la police, car ils effectuent leur travail consciencieusement et assurent la sécurité avec dévouement, mais font trop souvent l'objet de critiques injustifiées.
En deuxième lieu, j'aimerais remercier la commission des visiteurs officiels pour son travail, en particulier pour le rapport qu'elle soumet à votre Grand Conseil. J'ai été surpris, Monsieur Gautier, que vous estimiez que le silence entourait ces questions... Je ne parle pas du battage médiatique, qui n'est que du bruit !
Quoi qu'il en soit, je dois, quant à moi, me préoccuper de toutes les recommandations qui me parviennent, en termes de respect des droits humains dans la phase des interventions policières et en prison. Or, nous disposons du rapport des experts. Nous disposons également aujourd'hui de vos commentaires sur ce rapport, étant précisé que j'aurais tendance à prendre quand même en considération certaines des recommandations que vous excluez. Nous disposons aussi, bien entendu, des recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture, qui vient de nous envoyer un certain nombre de questions auxquelles nous avons fort opportunément pu répondre - à la plupart d'entre elles, en tout cas - et ces réponses ne sont pas tout à fait identiques à vos propres recommandations. Et puis, bien sûr, nous disposons également du rapport que le Conseil d'Etat avait demandé en son temps à M. Bernard Ziegler, ancien président du Conseil d'Etat. Par ailleurs, Amnesty International, la Ligue suisse des droits de l'Homme et d'autres milieux: l'Ordre des Avocats, l'Association des juristes progressistes, tous nous font parvenir de nombreuses remarques, critiques ou recommandations. Ou encore, au quotidien, les recommandations du Commissariat à la déontologie. Enfin, nous disposons des normes européennes en matière de prison, en matière de police. Sans parler du rapport de M. Pedrazzini, qui avait analysé les événements du G8 et qui nous a adressé toute une série de recommandations.
Ce n'est donc pas le silence qui entoure ces sujets. Au contraire, il me semble qu'ils suscitent un florilège de recommandations - convergentes, pour l'essentiel, mais pas toujours absolument identiques. Et je me suis aperçu - en relisant votre rapport, Monsieur le rapporteur - que bon nombre d'entre elles, dès lors que, malheureusement, votre rapport date d'octobre 2007 et que nous sommes en juin 2008, ont été suivies d'effets et ont été exécutées. Quelques-unes de ces recommandations ne sont pas simples à suivre: elles exigent de nous un effort constant, notamment en termes de formation. Certaines, enfin, sont discutables, disproportionnées... Je ne parle pas forcément des vôtres, mais de l'ensemble des recommandations qui nous sont faites, sur la base des mêmes principes rappelés par M. le député Halpérin: le niveau démocratique d'une société se juge à la manière dont ladite société traite les plus faibles de ses membres, à savoir, en l'occurrence, les personnes privées de liberté.
Petite correction pour M. le député Jornot: je n'ai jamais dit que l'on faisait un usage abusif de la détention, j'ai simplement constaté qu'à Genève il était fait un usage exceptionnellement important de la détention préventive, ce que prouve n'importe quelle lecture des statistiques suisses, y compris en comparaison avec Bâle.
A M. Stauffer, je dirai que je tiens ici à prendre la défense de la police française, qui travaille fort bien. La police, la gendarmerie nationale, les compagnies républicaines de sécurité, ne font pas moins bien leur travail à Annemasse ou à Saint-Julien ! Ce sont des partenaires fiables. sur lesquels nous devons compter puisque, la criminalité ne connaissant pas de frontières, l'action policière nous oblige à collaborer. Vous avez pu voir dans les rues de Genève, ces jours, la présence de la police française. Cela n'a posé aucun problème ! Il est tout de même étonnant qu'une police étrangère se promène dans les rues sans que cela ne pose de problème. Cela démontre que nous avons, non seulement au niveau institutionnel, mais aussi dans la population, le sentiment d'appartenir à un même bassin de population. J'inclus donc, dans l'hommage que je rendais au début de mon intervention à la police genevoise, la police française ! (Applaudissements.)
Vous avez demandé ce qu'allait faire le Conseil d'Etat... Si j'ai bien compris, vous souhaitez qu'il soit lucide, qu'il travaille vite, qu'il travaille bien... Tout cela est parfaitement normal ! Ce que je vous propose - et, pour tout vous dire, cela est déjà largement le cas - c'est d'établir une liste de toutes les revendications, recommandations et critiques, en insistant, bien entendu, tout particulièrement sur celles de votre commission, mais en incluant aussi les autres. Ensuite, nous inscrirons, dans des colonnes prévues à cet effet, les mesures déjà en vigueur, celles qui sont en train d'être mises en oeuvre, celles qui sont envisagées à long terme, celles qui ne sont pas envisagées du tout. Ainsi, systématiquement, à intervalles réguliers, votre commission et, par conséquent, votre Grand Conseil, pourront suivre l'évolution de la situation en matière de droits humains dans les interventions policières et de droits humains dans le milieu pénitentiaire.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets le rapport divers 707 et son renvoi au Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le rapport divers 707 est adopté et renvoyé au Conseil d'Etat par 63 oui et 3 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Et merci, Mesdames et Messieurs les députés ! Nous terminons ici nos travaux. Je vous souhaite la plus agréable des nuits. A bientôt !