Séance du
vendredi 23 mai 2008 à
20h30
56e
législature -
3e
année -
8e
session -
46e
séance
P 1556-A
Débat
La présidente. Nous passons maintenant au point 27 de notre ordre du jour. Messieurs les rapporteurs, je vous remercie de prendre place rapidement, nous avons un horaire à respecter !
M. Claude Aubert (L), rapporteur de majorité. Comme vous avez tous lu les rapports, nous pouvons être brefs, d'autant plus que, comme il s'agit d'une pétition déposée en 2005, traitée en commission en 2007 et que nous abordons en 2008, le fait que ce texte soit finalement déposé sur le bureau du Grand Conseil ou renvoyé au Conseil d'Etat est une question à la limite du dérisoire.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Voilà qui était bref ! La parole est au rapporteur de minorité, M. François Thion.
M. François Thion (S), rapporteur de minorité. Cette pétition n'est pas complètement dépassée, bien qu'elle date de 2005. Je rappelle qu'il s'agit d'une pétition émanant des étudiantes et étudiants de l'Ecole d'ingénieurs et qu'elle contient 220 signatures. Certes, la demande principale des pétitionnaires est dépassée, car il n'est plus possible de rouvrir la filière de génie chimique, mais, si l'on examine l'autre demande, celle qui vise à assurer le maintien des filières professionnelles à Genève, je crois que cet objet reste d'actualité.
Je rappelle qu'en 2001 il y avait onze filières à l'Ecole d'ingénieurs et qu'il n'en reste plus que six à l'heure actuelle. La situation est donc inquiétante pour l'avenir de cette école, d'autant plus qu'on nous a appris que les effectifs ne cessaient de baisser ces dernières années et que cette école ne fait plus recette auprès des jeunes, et en particulier des jeunes filles.
Les représentants de l'association des étudiants nous ont clairement indiqué que l'ambiance à l'école était mauvaise et l'ancien directeur de l'Ecole d'ingénieurs, qui a démissionné depuis lors - je ne sais pas si on lui a trouvé un successeur, mais je crois que ce fut assez difficile - nous a déclaré lors de son audition qu'il faudrait «mettre le paquet» en matière de communication pour faire revenir les jeunes dans cette école. J'ignore si cela a été fait depuis.
Pour le groupe socialiste, il est important de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, afin que la volonté des pétitionnaires d'assurer le maintien des filières professionnelles à l'Ecole d'ingénieurs soit prise en compte. Notre groupe souhaite également être rassuré par notre gouvernement sur l'avenir de cette école, au moment où elle fusionne avec celle de Lullier et où les pressions et les impatiences de la Confédération se font entendre.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Plusieurs personnes se sont encore inscrites: je leur demande d'être brèves, parce que nous devons terminer notre séance à 23h. Vous le savez, la télévision Léman Bleu ne diffuse plus nos débats après cette heure... Enfin, si l'on dépasse, on dépasse !
Mme Catherine Baud (Ve). La commission de l'enseignement supérieur a effectivement étudié très tardivement cette pétition. L'Ecole d'ingénieurs comprenait, à l'époque du dépôt de ce texte, à la fois les niveaux secondaires et supérieurs; en outre, elle était en pleine mutation, et cela déjà depuis plusieurs années. C'est à ce moment-là qu'elle a dû accepter des normes venant de la HES-SO, ce qui représentait un complet changement culturel. La commission a néanmoins souhaité traiter ce texte avec attention et a auditionné tant les pétitionnaires que les représentants des enseignants.
Il est alors apparu clairement, en écoutant ces différentes personnes, que les divers acteurs étaient passablement démotivés, en raison essentiellement d'une perte de repères au sein de leur école. Il ne s'agit évidemment pas de revenir au système antérieur ou de s'agripper au passé, comme il l'a été dit dans le rapport de majorité, mais bien d'être clair et d'informer correctement les étudiants et les membres du corps enseignant, afin de créer et de maintenir une dynamique dans cette école.
La pétition demandait à l'époque le maintien de la filière de génie chimique. Il est vrai que cette demande est totalement obsolète aujourd'hui, puisque ces matières sont enseignées sous une autre forme à Fribourg. Mais il convient néanmoins de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour les raisons suivantes.
D'abord, d'une manière générale, il faut que les décisions en matière d'HES aillent en faveur du maintien et de la valorisation de filières qui existent déjà et qui sont performantes. Il faut ensuite que les informations au sujet des formations soient claires et les titres délivrés compréhensibles, notamment par les employeurs. L'Ecole d'ingénieurs de Genève a incontestablement perdu du prestige lors de cette évolution et il y a beaucoup à faire pour que les élèves aient à nouveau envie de choisir cette voie dès le niveau secondaire. Je pense là notamment aux jeunes filles, qui sont vraiment très peu présentes dans cette école. En outre, il faut bien entendu que les entreprises connaissent les formations. Par conséquent, un gros effort d'information doit être consenti en ce sens, sinon d'autres filières vont fermer elles aussi, et cette fois-ci ce sera également faute d'étudiants.
Nous demandons donc le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.
Mme Janine Hagmann (L). Lorsqu'on passe devant l'Ecole d'ingénieurs, on peut voir sur la paroi un immense panneau, sur lequel est écrit en lettres de feu: «Avec les HES, créons l'avenir !» Alors d'accord, l'intention est là, mais, pour créer l'avenir, il faut aussi le vouloir et y mettre de la bonne volonté.
Je pense que les HES - on en a souvent parlé dans cette enceinte - après avoir eu quelques maladies d'enfance, ont trouvé maintenant un rythme de croisière assez extraordinaire, qui est le suivant: «On ne peut pas faire tout partout !» Alors, du moment qu'on a voulu créer des écoles qui sont en réseau et qui ont des filières, on est obligé d'admettre que certaines choses se font dans tel endroit et certaines autres dans tel autre. La qualité est évidemment respectée, parce que les HES privilégient l'excellence. Vous le savez, ce terme d'«excellence» est important !
Malheureusement, à l'Ecole d'ingénieurs il existe un problème de mentalité. C'est du reste de cette école, vous le savez tous, qu'était partie l'initiative contre les HES. Par conséquent, pour arriver à changer cette mentalité, il faudra du temps, ce ne sera pas facile, et je pense que, si les professeurs qui sont en place veulent respecter ce qui est inscrit sur leur paroi, ils doivent également y mettre du leur.
Cette pétition n'a plus sa raison d'être, car vous savez très bien qu'on ne peut pas avoir tout partout. C'est la raison pour laquelle il faut la déposer sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement, tout en affirmant que chacun ici veut la qualité. Maintenant que l'Ecole d'ingénieurs de Lullier et celle de Genève sont regroupées, notre canton est un modèle cité dans tous les autres comme réussite de la HES. Alors soyons fiers de cela !
M. Patrick Saudan (R). Cette pétition est certes un peu dépassée, mais elle nous interpelle néanmoins à plus d'un égard.
Le groupe radical va néanmoins, lui aussi, soutenir le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. En effet, il faut se rendre compte qu'il y a eu une disparition de la masse critique d'étudiants désireux de suivre une formation d'ingénieur en génie chimique à Genève, et l'espace de formation ne peut plus être maintenant que régional. Est-ce que cela marche ? C'est la question qu'il faut se poser. Si vous téléphonez à la HES de Fribourg, vous apprendrez qu'il y a à l'heure actuelle 66 étudiants en génie chimique. Sur ces 66 étudiants, 14 proviennent de Genève. L'instruction au niveau régional est donc une réalité et les HES fonctionnent.
Cet objet nous interpelle également à un autre égard, qui est important pour notre propre fonctionnement. Cette pétition, signée par 220 personnes, a été déposée en 2005 et n'a été traitée par la commission qu'en 2007, pour arriver en plénière en 2008. Je pense que le constat est sans appel: nous traitons mal les pétitions, surtout celles qui sont importantes, et il faut donc que nous revoyions le fonctionnement de notre Grand Conseil à ce sujet.
M. Michel Forni (PDC). Je serai bref, car je crois que tout a été dit ce soir: cette pétition contient 220 signatures, on déplore un retard de deux ans dans le traitement de cet objet et le système HES est en plein développement, avec ses processus décisionnaires et ses filières. Nous avons également parlé de masse critique et savons que 14 sur 60 étudiants à Fribourg viennent de Genève.
Dans ces conditions, soyons francs, la décision est déjà prise ! Le système fonctionne, la HES remplit son rôle, nous devons donc nous habituer à une nouvelle forme et également adapter nos étudiants au processus qui est celui des HES.
Le PDC privilégie l'idée que Genève peut s'adapter à cette évolution et à cette trajectoire des HES. Il approuve donc le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
M. Philippe Guénat (UDC). Pour terminer, je dirai que beaucoup ont vu dans l'appellation HES quelque chose de grand ainsi que de futures améliorations de l'instruction, mais cette appellation entraîne également de nouvelles règles et de nouveaux standards. Et je dirai qu'on ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs !
Ce titre si convoité, «HES», nous a obligés entre autres à remplir certains critères. C'est pour cela que, entre des classes moribondes à Genève et resplendissantes de santé à Fribourg, nous avons décidé de concentrer la filière de génie chimique à Fribourg. Et c'est bien ainsi !
Le groupe UDC recommande donc le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Je souhaite m'exprimer rapidement. Encore une fois, beaucoup de choses ont été dites. Les travaux parlementaires sont sérieux, mettent en évidence les enjeux et font le rappel des faits, ce qui est très éclairant pour nos débats.
Si je me permets de prendre la parole, c'est pour insister d'abord sur l'avenir. Mesdames et Messieurs les députés, évoquer le génie chimique et mécanique, ainsi que les tentatives de le transformer en génie du vivant est, bien sûr, important, mais c'est complètement hors du champ de nos préoccupations directes. Ce qui nous concerne en revanche de très près, c'est la réunion des deux écoles d'ingénieurs, celle de Lullier et celle de la rue de la Prairie. En effet, ces deux écoles rassemblent des filières prestigieuses qui, si elles sont mises en position de pouvoir développer des synergies, sont capables de nous amener bien des formations futures, de nous faire rayonner et d'agir de manière que le génie civil, l'architecture ou les techniques de l'information soient mieux développés en phase avec la gestion de la nature, l'agronomie ou encore l'architecture du paysage.
Genève a tout à gagner à devenir une capitale de l'ingénierie verte, du développement durable, des sciences de l'environnement, et à relier le devenir de cette école à l'université, au futur Institut des sciences de l'environnement et du développement durable et à HEID, spécialisé dans le développement. Parce que Genève a aujourd'hui tout à gagner à développer son savoir, ses hautes écoles, ses filières, la collaboration interinstitutionnelle et, surtout, à développer des savoir-faire directement en lien avec les grandes questions qui se posent à notre planète aujourd'hui. Si nous laissons passer l'opportunité qui se trouve devant nous pour considérer une fois de plus ce qu'il y a derrière et qu'il est douloureux de lâcher, je crains que nous ne regardions passer les trains en restant finalement en gare.
Mesdames et Messieurs les députés, sachons nous concentrer - et j'aurai l'occasion de le faire au cours des prochaines semaines - sur le devenir des HES, sur ce qu'elles peuvent offrir, notamment dans le domaine des réunions d'écoles d'ingénieurs, parce que c'est le garant du développement à Genève, d'un développement durable de l'enseignement, mais également des collaborations interinstitutionnelles, entre autres avec les organisations gouvernementales et internationales que Genève accueille. Nous avons une chance extraordinaire, et le débat parlementaire permettra, au niveau de la commission de l'enseignement supérieur, de la mettre en évidence.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission de l'enseignement supérieur (dépôt de la pétition 1556 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 39 oui contre 28 non.