Séance du
vendredi 23 mai 2008 à
20h30
56e
législature -
3e
année -
8e
session -
46e
séance
R 543
Débat
La présidente. Nous sommes au point 25 de notre ordre du jour. Je vous rappelle que cette proposition de résolution est classée en catégorie II, c'est-à-dire trois minutes de parole par groupe, auxquelles s'ajoutent les trois minutes dévolues au premier signataire du texte. Je passe d'abord la parole à M. Weiss, puis ce sera au tour de Mme Künzler, qui a déposé un amendement. Ainsi, tout le monde pourra également s'exprimer sur cet amendement.
M. Pierre Weiss (L). Vous savez combien certains d'entre nous sont attachés à l'histoire de Genève. Je le rappelais hier soir au sujet d'un musicien, je le mentionne ce soir à propos d'un homme qui a fait la réputation de Genève, non seulement en Europe mais probablement dans le monde, et qui a eu en matière de valeurs, notamment spirituelles, une grande importance, également pour l'art de gouverner.
Cet anniversaire, qui se fêtera l'an prochain, mérite d'être soutenu par notre Grand Conseil. J'avais imaginé une solution modeste mais symbolique, qui mériterait certainement d'être développée, consistant à se féliciter des efforts déployés par une institution. Pourquoi une plus que l'autre ? Parce que cette institution est proche de nous et qu'elle a le grand avantage, dans cette séparation de l'Eglise et de l'Etat qui nous est chère et, pour certains, particulièrement sacrée, de ne pas mélanger les soutiens avec d'autres institutions de notre république. Néanmoins, et sans ambiguïté, elle exprimait la reconnaissance de Genève et de notre Grand Conseil pour les efforts fournis par le Musée international de la Réforme en vue du 500e anniversaire de Calvin.
Voilà la raison pour laquelle, d'une façon qui est peu coûteuse, sinon en reconnaissance, et qui n'enfreint pas le dogme de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, cette proposition de résolution a été déposée. Je voulais d'ores et déjà remercier non seulement ceux qui l'ont signée, mais également ceux qui se proposeraient de l'améliorer ce soir.
Mme Michèle Künzler (Ve). En lisant cette proposition de résolution, on se dit qu'elle ne mange pas de pain. Or je n'aime pas tellement les objets qui ne servent qu'à se féliciter, à dire: «Bravo les gars, c'est bien, continuez !» Car, au fond, c'est un peu se faire des amis à bon marché, et je pense que ce n'est pas du tout le but de la proposition de résolution qui est présentée ce soir.
Cette année, c'est la fête du football et l'année prochaine sera celle de Calvin. J'espère que nous ne mettrons pas sa tête sur le jet d'eau ! (Rires.)
J'estime qu'il y a un gros problème dans cette proposition de résolution, dans le sens où on laisse croire que c'est le Musée international de la Réforme qui va organiser les festivités, ce qui est évidemment totalement erroné, car il ne préparera qu'une petite partie de celles-ci. Du reste, ces festivités auront une importance internationale, même si à Genève - et c'est justement le trait du calvinisme - on ne se rend pas compte de l'aura qu'a notre cité de ce point de vue. En effet, toutes les universités américaines sont associées, ainsi que celles d'Afrique ou de Corée - de nombreux Coréens sont calvinistes, on ne le sait pas assez.
En outre, des pièces de théâtre sont prévues ainsi que d'innombrables activités culturelles, et c'est précisément en faveur de ces dernières qu'il est important, selon moi, que notre Grand Conseil agisse afin de les soutenir. Il y aura normalement une pièce de Beretti, mise en scène par François Rochais. Ce sont donc des événements importants, et nous aurons par conséquent besoin de financements.
J'aimerais rappeler à ceux qui s'inquiètent de la séparation entre l'Eglise et l'Etat que c'est pratiquement jour pour jour il y a 472 ans, le 21 mai 1536, qu'a été adoptée la réforme par le Conseil général, donc les ancêtres de ce Grand Conseil. Et en même temps qu'il adoptait cette réforme, il approuvait - cela rejoint le sujet précédent - l'instruction publique obligatoire. Nous avons donc une trace historique de Calvin et de son importance à Genève, extrêmement forte, et je pense que ce Grand Conseil doit aussi participer à ces festivités qui seront marquantes pour l'année prochaine.
Pour cette raison, je vous remercie d'accepter de transformer cette proposition de résolution en proposition de motion, pour qu'elle ait un effet et qu'elle demande qu'on participe au financement des activités culturelles.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je dois vous dire, Mesdames et Messieurs les députés que, lorsque le groupe socialiste a pris connaissance de cette proposition de résolution, il a été un peu interloqué. En effet, lorsqu'on lit les considérants, on s'attend non pas à une invite, mais à plusieurs et, je dirai, avec un contenu réel ! Or que trouve-t-on ? Des auteurs qui se félicitent de voir une commémoration organisée bénévolement et sans soutien de l'Etat. Nous avons donc été un peu interloqués et nous sommes demandé, dans la mesure où notre ordre du jour contient plus de 150 points, s'il valait vraiment la peine de se féliciter de tout ce qui se fait de bien dans notre cité.
Puis, dans un deuxième temps, nous nous sommes dit: «Mais pourquoi pas ?» Et aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais qu'on se félicite tous ensemble de tous les bénévoles qui, dans ce canton, donnent régulièrement de leur temps pour pallier les manques, notamment dus au fait que, souvent, vous ne votez pas des budgets sociaux suffisants. Récemment, à la commission des affaires sociales, nous avons appris que 70 000 heures étaient offertes chaque année à Caritas par des bénévoles afin de s'occuper des plus démunis. Dans l'association que je préside en faveur des personnes handicapées, ce sont 10 000 heures chaque année, et ces bénévoles sortent, par exemple, des personnes handicapées de Belle-Idée, les promènent, leur permettent d'avoir des loisirs, etc.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, oui, félicitons-nous de temps à autre, mais cessons de perdre du temps avec des propositions de résolutions formulées de cette manière ! (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). Nous n'avons pas osé, chers collègues, nous n'avons pas osé ! Nous avons rédigé cette proposition de résolution, puis, pris d'un calvinisme aigu, nous n'avons pas osé conclure en demandant quelque chose. Mais c'est par modestie, par timidité ! Et je remercie Michèle Künzler... (Commentaires.) ...je ne sais pas ! Je la remercie d'abord d'avoir suggéré de transformer ce texte en proposition de motion, car c'est beaucoup plus clair, et d'avoir proposé une invite demandant à la République de faire un petit effort financier en faveur des activités culturelles. Culturelles, c'est très important ! Parce que nous devons vraiment observer très strictement la séparation entre l'Eglise et l'Etat, l'Etat laïc, ainsi que l'égalité de traitement. Il y a donc des principes que cette république applique, et je pense que la proposition de Michèle Künzler est tout à fait intéressante et juste.
Je ne voudrais pas tomber dans le pathos, mais il est vrai que cette réforme de 1536 a été l'élément générateur du rayonnement actuel de Genève, et futur, je le souhaite ! Alors quelles que soient nos convictions religieuses, je pense qu'on doit reconnaître cet événement dans sa dimension historique et ce messianisme qui fait que cette république est connue dans le monde entier.
Le groupe radical soutient donc cette proposition de motion et accepte les amendements proposés par Mme Künzler.
Mme Janine Hagmann (L). Il est vrai qu'il y a eu un enthousiasme de la part des signataires de cette proposition de résolution qui, après coup, a peut-être créé quelques remous au sein des parties agissantes qui s'occupent de la préparation de ce 500e anniversaire, si bien que nous nous sommes dit que le mieux est souvent l'ennemi du bien.
J'aimerais rappeler que Jean Calvin est né très précisément le 10 juillet 1509, c'est donc un jubilé d'importance que Genève fêtera l'année prochaine au sein de ses murs, parce que les 500 ans d'une personnalité d'exception, c'est un événement majeur ! Il faut également savoir qu'une gamme très variée d'événements académiques, culturels, festifs est d'ores et déjà prévue, qui permettra, non seulement à la cité de Calvin mais au monde entier, de se remémorer tout ce que l'on doit au grand réformateur et à l'ensemble de son oeuvre. Or je pense que, pour qu'il y ait un rayonnement universel, il faut que tout le monde y mette du sien. Mme Künzler l'a dit, cette année, c'est la fête du foot, et cette dernière s'est préparée de longue date ! Alors si l'on veut que ce jubilé soit un rayonnement pour la cité, il faut également lui donner les moyens d'exister !
Le seul élément qui a peut-être été un peu mal vu par les signataires de cette proposition de résolution, c'est que, pour qu'une fête soit réussie, il faut que ce soit un ensemble d'acteurs qui y participe. Les personnes figurant dans l'organigramme du jubilé représentent un ensemble beaucoup plus vaste que le Musée international de la Réforme ! Il comprend notamment l'Alliance réformée mondiale, la Fédération des églises protestantes de Suisse, le Musée international de la Réforme, mais aussi l'Université de Genève, la Société du musée historique, et ces acteurs vont former un tout grâce auquel une impulsion à ce 500e anniversaire verra le jour et lui permettra de rayonner.
Par conséquent, Madame Künzler, nous acceptons très volontiers votre amendement. En outre, cette proposition de résolution respecte la pluralité à laquelle nous nous sommes toujours attachés dans cette enceinte, c'est aussi pour cela que des députés de différentes religions ont voulu la signer.
Je termine par une petite citation, afin de vous laisser une pensée pour la nuit. Il est important de se souvenir que Calvin disait: «La foi est une vision des choses qui ne se voient pas.» Pensez-y !
M. Eric Leyvraz (UDC). Genève a été profondément et durablement marquée par l'extraordinaire personnalité de Calvin. Même si l'on ne considère qu'un seul des domaines où il a excellé, il a déjà laissé une trace indélébile à Genève. Le sujet religieux a déterminé l'importance mondiale de notre petite ville et la fondation du Collège, phare de l'éducation de notre cité depuis quatre cent cinquante ans - en effet, l'année prochaine, en 2009, nous célébrerons également le 450e anniversaire de notre collège, qui sera une magnifique fête, je l'espère - ainsi que de l'Académie, ancêtre de l'Université, a donné un élan décisif à l'éducation et au rayonnement de Genève. Dès lors, saisit-on vraiment la chance qu'on a eue d'avoir un tel citoyen en nos murs ?
Nous devons donc véritablement célébrer avec reconnaissance, quelles que soient nos sensibilités religieuses ou politiques, le 500e anniversaire de ce grand homme, avec des moyens adéquats et dignes de l'événement ! Parce que si ce n'est pas le cas, autant ne rien faire ! Pour ces raisons, nous soutenons l'amendement de Mme Künzler et espérons qu'il passera haut la main.
M. Guy Mettan (PDC). Je ne sais pas si c'est vrai, mais il se trouve que, à première vue, je suis le seul catholique à avoir signé cette proposition de résolution... Avec M. Walpen ! Alors je vais parler en notre nom ! En tous les cas, pour ma part, je reconnais que, lorsqu'on m'a proposé ce texte, j'ai eu dans un premier temps une petite seconde d'hésitation en pensant que, quand même, Calvin n'était pas le premier ami des papistes et qu'il fallait donc que je réfléchisse ! Mais, toute réflexion faite, j'ai signé cette proposition de résolution - et sans doute Francis Walpen l'a fait aussi - parce que je trouve qu'il est très important que des députés d'origine catholique, c'est-à-dire d'une autre tradition religieuse que Calvin, soutiennent un texte tel que celui-ci, et pour deux raisons.
La première, c'est que, depuis quelques décennies, notre monde se déchire pour des raisons d'intégrisme et de fondamentalisme religieux. Par conséquent, je trouve qu'il est important que, dans une ville comme Genève, des catholiques s'associent au 500e anniversaire d'un homme qui a remis en cause cette religion, et ce fut donc pour nous un motif suffisant de le faire.
La deuxième raison, c'est que Genève est quand même - on l'oublie trop souvent - la capitale de l'oecuménisme ! Elle accueille du reste le Conseil oecuménique des églises. Il est donc important que d'autres religions s'associent à l'anniversaire de Calvin.
Pour toutes ces raisons, le parti démocrate-chrétien soutiendra cette proposition de résolution, ainsi que l'amendement déposé par Mme Künzler.
M. Claude Jeanneret (MCG). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je regrette, mais je n'ai pas signé cette proposition de résolution. Je me suis en effet caché derrière mon chef parlementaire, qui, lui, avait déjà signé... Non, ce n'est pas vrai ! En réalité, je trouve dommage que, dans ce texte, on ne mentionne pas un élément important, à savoir que Calvin a été l'esprit d'une Genève nouvelle, d'une Genève rayonnante dans le monde entier. Et ce qu'on oublie peut-être de dire, c'est que si l'on a des institutions internationales à Genève, c'est quand même grâce aux protestants américains, qui ont voulu faire de la Rome protestante également la représentante européenne de la Société des Nations, puis de l'ONU. C'est toute une culture que cette histoire nous a apportée, et il me semble qu'on devrait non pas le rajouter, mais quand même avoir une pensée émue à cet égard.
Cette grande manifestation serait peut-être l'occasion de nous rapprocher de la communauté internationale en l'invitant à célébrer cette fête avec nous.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Deneys, à qui il reste une minute. (Commentaires.) Il vous reste une minute pourtant ! (Brouhaha.) Prenez le micro d'à côté, Monsieur le député, il y a un problème technique !
M. Roger Deneys (S). Cela tombe bien, parce que cette minute sera amplement suffisante pour répondre à mon interrogation première, qui était de savoir pourquoi toutes ces personnes avaient signé cette brillante proposition de résolution qui ne mange pas de pain. Je pense que c'est en partie lié à la date de dépôt, le 25 septembre 2007, soit en gros un mois avant les élections nationales. Ça devait bien tomber ! Mais ce n'est pas de cela que je voulais vous parler.
Fondamentalement, ce que je trouve très intéressant ce soir, c'est qu'on pourra dire dans ce Grand Conseil: «Post tenebras Künzler !» Pour ma part, je garderai toujours la devise suivante: ni dieu, ni maître.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Brièvement, j'aimerais dire que la personnalité de Calvin a effectivement marqué notre république, à tel point que nous parlons régulièrement de «la cité de Calvin» pour évoquer une république laïque, ce qui est pour le moins paradoxal, vous en conviendrez. Ce que l'illustre Jean Calvin nous aura notamment apporté, au-delà d'une tradition qui fait partie du patrimoine, à savoir le protestantisme, ce sont des éléments liés à la connaissance, car nous fêterons l'année prochaine non seulement le 500e anniversaire de Calvin, mais également les 450 ans de l'Académie, du bâtiment et, en même temps, de l'Université de Genève, puisque celle-ci était directement ancrée dans ces bâtiments.
Il est donc pour le moins souhaitable qu'une mobilisation importante se déroule. Il n'appartient pas au gouvernement de la planifier mais de la soutenir, et de faciliter et d'accompagner les initiatives privées, associatives et publiques, pour permettre un digne rayonnement qui se fera dans la diversité de l'approche et dans les débats. En effet, nous avons profondément besoin de réflexions sur des sujets aussi complexes que notre rapport à notre passé ou l'héritage de Jean Calvin, notamment eu égard à ce qu'il aura amené à la connaissance à Genève.
Je vous remercie donc, si vous nous adressez une proposition de résolution, de l'inscrire dans la diversité, dans le respect de la variété des initiatives, parce que si le Musée international de la Réforme est là pour souligner l'importance de Genève en matière de protestantisme, il n'en demeure pas moins que ce dernier n'a pas l'exclusivité de la commémoration de Calvin. Il convient donc, au contraire, de faire en sorte que celle-ci soit diversifiée et repose sur nombre d'initiatives qui ont d'ores et déjà été annoncées auprès du Conseil d'Etat, qui s'engagera financièrement en faveur de ces deux événements.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis de deux amendements. Le premier consiste à transformer cette proposition de résolution en proposition de motion.
Mis aux voix, cet amendement (transformer la proposition de résolution en proposition de motion) est adopté par 46 oui contre 8 non et 10 abstentions.
La présidente. Cette proposition de résolution devient donc la proposition de motion 1826.
Adoption de la motion 1826: Session 08 (mai 2008) - Séance 46 du 23.05.2008