Séance du
vendredi 23 mai 2008 à
17h
56e
législature -
3e
année -
8e
session -
45e
séance
PL 8353-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
La présidente. La rapporteure de ce projet était l'ancienne députée et présidente du Grand Conseil, Mme Françoise de Tassigny, remplacée au pied levé par le chef de groupe radical, M. Gabriel Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, tout à l'heure, notre excellent collègue Jornot parlait d'archéologie législative. Effectivement, il s'agit de deux projets de lois très anciens qui ont été traités par la commission des affaires sociales - ils sont tellement anciens que, comme vous l'avez rappelé, la rapporteure a malheureusement disparu de notre Grand Conseil !
Plus sérieusement, il s'agit de deux propositions de modifications de la loi sur la formation professionnelle et sur l'aide aux études qui visent à augmenter les limites de revenus qui donnent droit à ces allocations et à réintroduire un système d'indexation pour l'adaptation de ces dernières.
La commission a refusé d'entrer en matière, mais pas parce qu'elle se désintéressait du sujet - il s'agit d'un sujet extrêmement important, permettant aux étudiants et aux apprentis de poursuivre des études, d'acquérir une formation sérieuse. Toutefois, on a expliqué très clairement dans cette commission que toute la problématique des bourses et des prêts allait être refondue par un groupe de travail et par le département. Par ailleurs, l'harmonisation de ces prêts et de ces bourses sur le plan national est également à l'étude. Dès lors, la majorité de la commission a estimé qu'il était inutile d'entrer en matière et de poursuivre les travaux, en laissant le soin au département et au Conseil d'Etat de déposer un nouveau projet de loi qui est annoncé pour 2008.
Dès lors, au nom de la majorité de la commission, je vous invite à suivre cette commission et à refuser ces deux projets de lois.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, deux autres choses doivent être modifiées dans ce rapport ou, plutôt, deux changements sont survenus quant à son contenu. Non seulement notre excellente collègue, Mme Marie-Françoise de Tassigny, est remplacée aujourd'hui, mais les auteurs du projet de loi ne siègent plus dans ce Grand Conseil - en tout cas en ce qui concerne leur groupe - et un adverbe mériterait d'être adapté. Il est écrit à la deuxième page du rapport qu'un projet de loi sera vraisemblablement déposé en 2008: «probablement» sinon «certainement» seraient des mots plus adaptés. Si je me permets de le dire ici, c'est parce que, par mes activités professionnelles extérieures, je fais partie d'un groupe de travail institué par le Conseil d'Etat pour préparer un avant-projet sur les prêts et bourses d'études. Une commission travaille depuis plus d'une année et elle est sur le point de rendre au Conseil d'Etat le résultat de ses travaux. Selon le président de cette commission, M. Evéquoz, directeur de l'office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue, le Conseil d'Etat a l'intention ferme de déposer un projet de loi d'ici à l'automne. J'imagine que M. Beer pourra nous en dire beaucoup plus sur les intentions du Conseil d'Etat.
Ce qu'il est aussi important de dire, et cela vous l'avez tous vu, c'est que, consulté par l'autorité fédérale, le Conseil d'Etat a communiqué sa position sur l'accord intercantonal concernant les prêts et bourses d'études. Cet accord intercantonal prévoit en particulier une harmonisation avec des montants minimaux qui seront accordés aux personnes bénéficiant de prêts et bourses et qui entendent faire des études.
Raisons - au pluriel - pour lesquelles il convient aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre les conclusions de la commission, de refuser ce projet de loi et d'attendre ce que le Conseil d'Etat ne manquera pas de nous proposer très prochainement. Je n'ose me prononcer sur la qualité du groupe de travail qui a été actif jusqu'à présent !
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts auraient souhaité étudié le projet de loi plus à fond et accepter l'entrée en matière. Néanmoins, nous nous réjouissons du nouveau projet de loi qui sera présenté sur ce sujet, crucial malgré tout.
J'aimerais quand même relever que le projet de loi proposé évoque la situation des apprentis et que, si l'on veut favoriser aujourd'hui des jeunes qui ne sont pas à l'aise sur des bancs d'école, mais qui le sont davantage en entreprise, le fait est que l'apprentissage reste quelque chose d'attractif. Je pense que c'est une excellente manière de former les employés.
Preuve en est que le «mode apprentissage» a été repris pour les futurs médecins et avocats qui vont tous se former auprès de «maîtres», soit des gens qui pratiquent déjà le métier. Pour certains jeunes, se retrouver en entreprise avec des professionnels est bénéfique. Le regard du maître d'apprentissage est particulier et pourrait se résumer par la formule suivante: «On m'a vu être ce que vous êtes, vous serez ce que je suis», ce qui crée un rapport très différent. Le maître d'apprentissage sait ce que c'est d'être apprenti, il comprend exactement la réalité de son apprenti; l'apprenti peut se projeter et se dire que, plus tard, il travaillera comme son maître et qu'il occupera le même type de fonction.
Il me semble que cette dimension est essentielle aujourd'hui dans un contexte changeant. Il est plus difficile d'adapter ces conditions pour l'apprenti qui a un petit revenu. S'il a l'impression que l'Etat lui confisque son petit bout de revenu, il ne comprendra pas très bien comment les choses fonctionnent. Je pense donc que nous devons mieux favoriser les filières d'apprentissages et, en même temps, travailler sur des perspectives qui ne fassent pas de ces filières des voies de garage.
Ce sont des sujets que nous pourrons aborder avec le prochain projet de loi. Néanmoins le temps passe, et depuis le rapport sur ce projet de loi - et plus encore depuis le dépôt de ce dernier - nous aurions souhaité pouvoir mieux l'étudier. C'est pourquoi nous avions accepté d'entrer en matière. Aujourd'hui, nous nous abstiendrons peut-être.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Même si ces projets datent un peu et que leurs auteurs et la rapporteuse ne siègent plus dans cette enceinte, il a néanmoins été admis - y compris par M. Evéquoz, qui avait été auditionné en commission à cette occasion - que les problèmes soulevés par ces deux projets étaient tout à fait pertinents et qu'ils auraient mérité que l'on s'y attarde un peu. C'est la raison pour laquelle nous avions souhaité que l'on gèle l'étude de ces deux projets dans l'attente de celui du Conseil d'Etat, qui est censé harmoniser les pratiques et les conditions d'octroi des allocations familiales, tant pour les étudiants que pour les apprentis. Je trouve donc quand même regrettable de refuser, comme ça, l'entrée en matière sur ces deux projets.
C'est pourquoi le groupe socialiste vous proposera de les renvoyer à la commission des affaires sociales et nous attendrons le projet de loi du Conseil d'Etat pour les étudier tous ensemble !
M. Gilbert Catelain (UDC). Hier, ce parlement a reconnu les difficultés de la classe moyenne dont l'étude Flückiger, citée hier, disait qu'elle était en voie de paupérisation. Ensuite, ce parlement a refusé de renvoyer cette motion à la commission fiscale, respectivement à la commission des affaires sociales, en arguant que d'autres projets étaient en cours et qu'il suffisait de voter le projet de loi de l'Entente qui vise principalement à obtenir une réduction fiscale sur les revenus des plus aisés.
Finalement, nous apercevons aujourd'hui que nous sommes au coeur du problème, à savoir que des allocations de l'Etat engendrent des disparités de revenus. Vous vous souvenez peut-être que le magazine «L'Hebdo» avait mené il y a deux ans une étude sur les effets de seuil et il avait distribué un certain nombre d'oscars. Le canton de Genève avait reçu l'oscar pour l'effet de seuil engendré par les allocations d'études. L'Hebdo avait comparé deux familles: une famille avec trois enfants aux études disposant d'un revenu d'environ 70 000 F et une famille avec trois enfants dont le revenu du travail était de 120 000 F. La première famille touchait d'importantes allocations dans le cadre des études de ses enfants et se retrouvait avec un revenu supérieur à 120 000 F, soit supérieur au revenu de la deuxième famille avec trois enfants qui ne touchait rien en termes d'allocations. On voyait donc très bien l'impact des effets de seuil et les conséquences pour la classe moyenne de ce type d'allocations.
Finalement, le sujet traité par les auteurs de ce projet de loi est important. Il ne répond en tout cas pas aux inquiétudes de l'UDC par rapport aux inégalités de traitement qu'il implique au niveau du revenu disponible. Il conviendrait précisément que le Conseil d'Etat nous présente, le plus rapidement possible, un projet de loi qui permette de corriger enfin ces effets de seuil et n'incite pas une partie de cette population à travailler moins pour gagner plus - au contraire: pour qu'elle soit moins à la charge de la société.
Pour ces motifs, le groupe UDC n'entrera pas en matière sur ce projet de loi mais il attend, avec impatience, je le répète, le projet de loi du Conseil d'Etat.
Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le fond de ces projets de lois est bon. La problématique existe, cela a été dit à moultes reprises par mes préopinants. Toutefois, le groupe démocrate-chrétien s'opposera à l'entrée en matière: plutôt que de travailler sur les deux projets de lois qui ont été déposés en octobre 2000, on aimerait pouvoir le faire sur ceux qui vont être déposés prochainement par le Conseil d'Etat. Donc, pour une fois, essayez d'être rationnels !
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG soutiendra le renvoi en commission proposé par le parti socialiste. En effet, nous sommes très sensibles à la question du revenu minimum des familles. A ce titre, nous soutiendrons le renvoi en commission.
Maintenant, juste pour conclure, je voudrais répondre au député Wasmer qui m'a ouvertement attaqué auparavant. Monsieur Wasmer, si vous ne voulez pas vous faire voir, il ne faut pas prendre la parole après moi ! (Chahut.) Il est vrai que, quand on défend les revenus des groupes familiaux...
La présidente. Monsieur le député, vous êtes totalement hors sujet !
M. Eric Stauffer. Et quand on défend, en fait, les finances...
La présidente. Monsieur Stauffer, soit vous arrêtez, soit je coupe votre micro !
M. Eric Stauffer (hors micro). Coupez ! Coupez seulement !
La présidente. La parole est à M. Charles Beer, conseiller d'Etat.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je me prononcerai très rapidement au nom du Conseil d'Etat par rapport à ces deux projets de lois. Finalement, un consensus se dégage de cette assemblée: ces projets de lois ne sont plus d'actualité ! Ils ne sont plus d'actualité dans la mesure où ils ne font que perpétuer un système binaire où l'on oppose des allocations d'apprentissage aux allocations d'études.
Une refonte est en cours et je remercie la commission d'experts qui est aujourd'hui au travail pour rédiger et préciser les derniers articles qui concernent la refonte de ces deux lois en une loi, en y apportant un certain nombre de modifications et de modernisations dans le but d'effacer les quelques effets pervers directement liés à ce système.
Ce qui vous oppose, en fin de compte, est rapidement résumé: d'un côté, on souhaite un renvoi en commission en attendant le dépôt du projet de loi du Conseil d'Etat, pour le vérifier et voir si l'on ne va pas ressortir les deux autres projets - alors qu'on sait bien que ce système est dépassé; de l'autre côté, on souhaite simplement mettre fin à un système de toute manière reconnu comme étant dépassé.
Face à cette situation, le Conseil d'Etat pense qu'il est urgent d'aboutir et de vous présenter ce projet de loi. Le Conseil d'Etat travaillera rapidement, dès la remise de l'avant-projet de loi, et il y aura une consultation et un dépôt devant ce parlement. Il est temps de s'attaquer aux fondements du problème, et non pas à un reliquat qui concerne des articles et des lois qui ne sont plus d'actualité.
Je vous remercie donc de prendre note de la position du Conseil d'Etat qui est de ne pas entrer en matière sur les deux projets de lois.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La demande a été faite de renvoyer ces deux projets de lois en commission. Je mets aux voix cette proposition.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur les projets de lois 8353 et 8354 à la commission des affaires sociales est rejeté par 46 non contre 18 oui et 4 abstentions.
Mis aux voix, le projet de loi 8353 est rejeté en premier débat par 37 non contre 3 oui et 26 abstentions.
Mis aux voix, le projet de loi 8354 est rejeté en premier débat par 39 non contre 12 oui et 19 abstentions.