Séance du
vendredi 23 mai 2008 à
17h
56e
législature -
3e
année -
8e
session -
45e
séance
M 1816
Débat
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes au point 97 de notre ordre du jour, dernier objet que vous avez décidé de traiter en urgence: proposition de motion 1816. Avant de donner la parole à l'auteure de cette motion, Mme Sylvia Leuenberger, je demande à Mme la secrétaire... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) La pause est finie, nous avons repris nos travaux ! Merci !
Je demande à Mme la secrétaire de bien vouloir nous lire la lettre C 2605 adressée au Grand Conseil par des habitants de Thônex, Chêne-Bourg, Chêne-Bougeries et Conches.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je voudrais d'abord dire de cette motion qu'elle est multipartite. Comme nous avons pu l'entendre à la lecture de la lettre, il y a une grande préoccupation et un mécontentement grandissant de la population genevoise face à l'explosion du nombre de vols privés d'hélicoptères au cours de ces dernières années. Les raisons de ce mécontentement sont évidentes. Ces vols sont polluants et bruyants et le survol des agglomérations pose des problèmes de sécurité. Au mois de février 2008, à peu près 1000 vols ont été effectués, ce qui est énorme.
Le département de M. Longchamp est conscient du problème et s'est déjà exprimé à ce sujet. Aussi, il s'agit, par cette motion multipartite, d'appuyer la politique du département et de marquer notre volonté de faire appliquer les procédures mises en place par l'aéroport et, surtout, de faire diminuer le nombre de ces vols. Je voudrais quand même dire que certaines entreprises respectent les normes en vigueur.
Il faut bien le dire, ce moyen de transport va complètement à l'encontre des accords du protocole de Kyoto. Un hélicoptère brûle 100 litres d'essence par heure de vol ! C'est comme si une famille partait avec quatre «Hummers» pour aller skier ! Ça va aussi à l'encontre de la conception de l'énergie que ce parlement a votée à l'unanimité, il y a moins d'un mois.
Pour appuyer la politique du département - du Conseil d'Etat qui, dans sa majorité je crois, est tout à fait conscient du problème - nous vous proposons de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.
La présidente. Merci, Madame la députée. Je rappelle que ce débat est classé en catégorie II, qui prévoit trois minutes de temps de parole par groupe.
M. Alain Meylan (L). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion fait quelques constats dont il faut prendre connaissance, et le problème est à considérer dans toute sa globalité.
Il ne faut pas négliger l'importance, pour notre aéroport, d'une activité économique utile, qu'elle soit liée à des déplacements commerciaux ou privés. Cette activité est extrêmement importante. On en veut pour preuve l'activité qui règne ces jours-ci autour du Salon de l'aviation d'affaires qui se déroule actuellement à Genève et suscite un engouement commercial mondial pour notre ville.
Il s'agira de ne pas confondre les considérants et les invites de cette motion et de bien se focaliser sur les problématiques constatées, qui sont réellement là et dont il faut tenir compte ! Et il faut en tenir compte dans le respect des règles édictées par l'aéroport - que le Conseil d'Etat se fera fort de faire appliquer, j'en suis sûr - de même qu'en respectant tous les partenaires du canton impliqués.
Le groupe libéral rejoint les Verts dans leur volonté de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Pour terminer sur une petite note ironique - et peut-être au deuxième degré: les hélicos, c'est un peu comme les députés, ça brasse beaucoup d'air et ça ne vole pas très haut ! C'est pour cela qu'il faut prendre un peu de hauteur et renvoyer cette motion à M. Longchamp. (Rires.)
La présidente. Monsieur Desbaillets, vous n'avez qu'une minute trente pour intervenir, car votre collègue Mme de Candolle souhaite aussi s'exprimer.
M. René Desbaillets (L). Puisqu'on parle d'aviation, je serai extrêmement rapide. Je ferai simplement part de quelques considérations, celles d'un habitant de la rive droite qui comprend tout à fait la raison du dépôt de cette proposition de motion. Toutefois, je vous rappelle qu'il n'y a pas que les hélicoptères qui ne respectent pas les dispositions en vigueur: il y a aussi des avions qui, pour gagner du temps, soit volent trop bas, soit tournent de manière trop serrée !
J'inviterai le Conseil d'Etat à vérifier également que dispositions concernant les avions qui décollent et atterrissent soient observées, que ce soit du côté de Versoix ou du côté du Mandement.
M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG renverra également cette motion au Conseil d'Etat et je rejoins M. Desbaillets dans ses propos, il y a effectivement aussi des problèmes avec les avions. A ce propos, il faut aussi relever qu'il y a un aérodrome en France voisine, à Annemasse, et que, quand les avions tournent en approche finale, selon le côté de la piste - puisqu'on peut l'utiliser par les deux bouts - ils passent au dessus des communes de Chêne-Bourg et Chêne-Bougeries, ce qui provoque des nuisances sonores qui peuvent être désagréables pour nos concitoyens.
Il est aussi à signaler que cet aéroport bénéficie de dérogations de la part de l'Aéroport international de Genève. En effet, vous savez que les vols privés sont interdits à partir de 22h sur l'aéroport genevois. En revanche, sur l'aérodrome d'Annemasse, on peut se poser à 2h du matin en utilisant les balises d'approche dites «ILS» situées au-dessus de la piste d'atterrissage de Genève: les avions survolent la piste d'atterrissage ainsi que la ville de Genève pour aller atterrir à Annemasse à 2h du matin. Là aussi, il y aura peut-être lieu de revoir ces dérogations octroyées par l'Aéroport international de Genève.
Pour plusieurs bonnes raisons, cette motion doit donc être renvoyée au Conseil d'Etat.
M. Eric Bertinat (UDC). Le groupe UDC soutiendra le renvoi de ce texte au Conseil d'Etat, pour les mêmes raisons que celles avancées par tous mes collègues. Puisque nous voulons être rapides, la meilleure des solutions est de laisser le Conseil d'Etat gérer ce dossier. Il y a des enjeux environnementaux d'un côté, mais aussi des enjeux économiques de l'autre, et nous faisons confiance à M. Longchamp pour traiter au mieux ce dossier.
Mme Elisabeth Chatelain (S). Les socialistes sont évidemment favorables aux nouveaux moyens transports, mais aux nouveaux moyens de transports qui rendent la mobilité douce ! Cela n'est pas vraiment le cas des hélicoptères.
Nous demandons une réglementation très claire et une application très stricte de cette dernière par rapport à ces vols de plaisance qui dérangent la population. Nous demandons donc le renvoi de la motion au Conseil d'Etat.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Le groupe PDC souscrit à la proposition de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Cependant, permettez-moi d'émettre, comme M. Desbaillets, quelques regrets. Des regrets, parce que cette vision est un peu réductrice des problèmes découlant des nuisances provoquées par l'aviation dans notre canton.
Nous avons écouté la lecture de la lettre: bien évidemment, des relevés ont été effectués du côté de la région des Trois-Chêne et des nuisances ont été constatées, or de tels relevés pourraient être obtenus partout ailleurs sur le territoire genevois, à partir du moment où il y a des vols d'hélicoptère !
Il faut encore faire une nuance entre les compagnies basées à Genève, qui respectent les directives en vigueur, et les autres compagnies - étrangères - qui ne les respectent pas.
Indépendamment de ce problème, il faut aussi prendre en compte tous les aspects qui concernent les vols de loisirs et de l'aviation en général - l'aéroport de Zurich étudie la possibilité de réduire les vols de nuit. Il faudra bien qu'à un certain moment notre Conseil d'Etat intègre aussi la notion de développement durable dans l'évolution de cet aéroport, alors que sa volonté est de voir croître le trafic de l'aéroport de Genève jusqu'à 15 millions de passagers par an. Sans quoi, si l'on ne favorise que la croissance pour la croissance, je pense que des réticences se manifesteront contre le transport aérien, comme il y en a eu et comme il y en a encore à Zurich.
La balle est dans le camp du Conseil d'Etat et je pense que l'ensemble des nuisances générées par l'activité de l'aéroport doit être pris en compte !
M. Gabriel Barrillier (R). Le groupe radical soutiendra évidemment le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Je profite de l'occasion pour dire qu'il ne s'agit pas d'une motion dirigée contre l'aéroport: l'importance de cet instrument pour le canton et son développement a été rappelée.
Je pense qu'en tant que députés nous devons aussi parfois relayer les soucis et les inconforts dont souffre une partie de la population. Et c'est dans cet esprit positif, pour soutenir le Conseil d'Etat, afin que soient appliquées les normes prévues, mais que celui-ci a beaucoup de peine à faire respecter, que nous avons décidé de déposer cette motion et de vous la renvoyer, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. C'est avec plaisir que le Conseil d'Etat accepte le renvoi de cette motion. Je dis «avec plaisir» parce que cela permettra au Conseil d'Etat de vous donner les informations sur les mesures qui ont déjà été prises. Ces mesures ont permis de stabiliser, pour la première fois, le nombre de vols d'hélicoptères pendant la saison d'hiver.
J'ai déjà eu l'occasion de dire ici que les nuisances causées par les hélicoptères provoquent diverses difficultés, pas seulement dans les communes des Trois-Chêne et dans le quartier des Eaux-Vives. J'ai été interpellé récemment par les maires de la rive droite qui eux aussi avaient quelques récriminations sur les problématiques liées aux hélicoptères.
Monsieur Meylan, vous avez indiqué qu'il ne fallait pas mélanger toutes les activités de l'aéroport. Il faut rappeler que l'aviation commerciale permet à Genève de bénéficier d'un nombre considérable de dessertes aériennes nécessaires à notre prospérité économique. C'est d'ailleurs la ville d'Europe qui en compte le plus par rapport à sa population. L'aviation privée est elle aussi une activité indispensable à notre prospérité économique. Ce n'est pas l'actualité de cette semaine, durant laquelle s'est tenue la manifestation Ebace, le plus grand salon d'aviation d'affaires européen, qui va me contredire.
Ensuite, il y a des activités qui sont aujourd'hui beaucoup plus discutables. Les hélicoptères constituent une activité intéressante pour Genève, quand ils sont noblement utilisés, quand ils servent notamment à des vols sanitaires et lorsqu'ils permettent de contribuer, comme l'aviation commerciale ou privée, à la prospérité de Genève. De tels vols ne sont, par contre, pas acceptables, lorsqu'ils induisent des comportements qui sont manifestement contraires à la notion de développement durable que nous devrions tous prendre en compte.
Dans un canton qui est proche des Alpes, avoir pour seule ambition de prendre un hélicoptère pour partir skier, comme nous l'avons vu durant cette saison, n'est pas quelque chose qui nous semble très rationnel. Cela ne contribue en rien à la prospérité de notre région ou des Alpes françaises qui nous sont voisines. Cette utilisation des hélicoptères provoque des nuisances peu acceptables pour nos concitoyens riverains de l'aéroport et qui supportent les conséquences des activités que j'ai décrites.
Il ne faut toutefois pas mettre toutes les compagnies d'hélicoptères sur le même plan, ni considérer toutes les utilisations d'hélicoptères de la même manière. Certaines compagnies possèdent des hélicoptères respectueux des normes de limitation du bruit. D'autres compagnies ont des hélicoptères qui sont plus anciens et qui ne respectent pas ces normes. Il y a des compagnies qui accordent beaucoup d'attention au respect des fréquences de vols et des seuils qui leur sont accordés, d'autres compagnies s'en moquent complètement ! Il s'agit maintenant de remettre de l'ordre !
Le conseil d'administration de l'aéroport a tenu séance aujourd'hui. Il a pris un certain nombre de décisions. Mardi dernier, j'ai rencontré, en compagnie du directeur de l'aéroport, le directeur de l'Office fédéral de l'aviation civile pour discuter de ces difficultés; le rapport que vous nous demandez nous permettra de vous communiquer les décisions prises et de décrire d'autres dispositions pour la prochaine saison d'hiver. Ces mesures permettront d'assurer que des activités ayant recours à des hélicoptères utiles à la prospérité économique de notre canton puissent continuer à être exercées. Toutefois, nous n'aurons aucune peine à nous passer des déplacements des personnes qui confondent hélicoptères et taxis et les utilisent à des fins qui n'ont aucune espèce d'intérêt pour le développement durable.
Mise aux voix, la motion 1816 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 64 oui contre 5 non et 3 abstentions.
La présidente. Nous avons terminé l'examen des objets à traiter en urgence et pouvons reprendre notre ordre du jour bleu. Nous poursuivons avec le point 18.