Séance du
jeudi 22 mai 2008 à
20h30
56e
législature -
3e
année -
8e
session -
43e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.
Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, Charles Beer, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, David Hiler et Robert Cramer, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Mariane Grobet-Wellner, Philippe Guénat, Georges Letellier, Claude Marcet, Yves Nidegger, Henry Rappaz, Ivan Slatkine et Louis Serex, députés.
Prestations de serment
La présidente. L'ordre du jour appelle la prestation de serment de M. Fabiano Forte. Je prie Mme le sautier de bien vouloir le faire entrer et l'assistance de se lever. (Mme le sautier fait entrer M. Fabiano Forte dans la salle. Brouhaha.)
Des voix. Ah! Oh! (Exclamations.)
La présidente. S'il vous plaît, Messieurs, du silence ! Je donne lecture de la formule du serment.
M. Fabiano Forte est assermenté. (Applaudissements.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de Mme Donatella Amaducci, élue juge suppléante à la Cour de justice, de M. Didier Brosset, élu juge suppléant à la Cour de cassation et juge assesseur à la Commission de surveillance des offices des poursuites et faillites, et de M. Thierry Zehnder, élu juge assesseur au Tribunal des baux et loyers, représentant les locataires.
Mme Donatella Amaducci, M. Didier Brosset et M. Thierry Zehnder sont assermentés. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Néant.
La présidente. Nous pouvons ainsi passer au traitement de deux initiatives.
La présidente. En application de l'article 119 de notre loi portant règlement du Grand Conseil, le rapport du Conseil d'Etat sur cette initiative est renvoyé à la commission législative qui statuera sur sa recevabilité.
Le rapport du Conseil d'Etat IN 141-A est renvoyé à la commission législative.
Débat
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur. Cette initiative populaire propose l'instauration de dix mesures divisées en quatre chapitres qu'il faut, je pense, citer ici. Il s'agit: de la lutte contre la spéculation et de la priorité à la construction de logements à bas loyers; de la construction de logements sociaux d'utilité publique par des institutions sans but lucratif; de l'acquisition de terrains pour la construction de logements et l'octroi de droits de superficie; de l'utilisation rationnelle des terrains et construction d'immeubles économiques à taille humaine.
Je vous épargnerai ici le détail de ces mesures parce que ça prendrait jusqu'à demain, tellement le texte de l'initiative est long, compliqué et technique ! On se trouve là face à un véritable inventaire à la Prévert, comme on dit de manière usuelle... En fait, il ne manque que la traversée de la rade et le CEVA pour être véritablement complet en matière d'investissements et de construction. Je me référerai principalement à l'excellent rapport du Conseil d'Etat, dont les conclusions - à savoir l'irrecevabilité totale de l'initiative - ont été suivies unanimement par la commission.
Je reviendrai quand même brièvement sur l'audition des initiants en commission, édifiante à plus d'un titre. Le représentant des initiants a en effet clairement indiqué que l'avis de la commission législative lui importait assez peu puisque, de toute façon, c'est le Tribunal fédéral qui trancherait, sur la question de la recevabilité. Le passage obligé en commission législative n'avait donc, en fin de compte, aucun intérêt. En matière d'initiatives, c'est d'ailleurs un problème récurrent, que la Constituante sera peut-être amenée à traiter.
Un autre point intéressant qui ressort de l'audition du représentant des initiants est un aveu qu'il a fait en disant que la voie de l'initiative avait été choisie par facilité, parce que cela évitait de devoir déposer plusieurs lois: il en aurait fallu au moins cinq pour atteindre les mêmes buts. Par souci d'économie, on s'est donc dit qu'on pouvait présenter une initiative ! Ce procédé paraît plus que contestable, puisqu'il contrevient à la nécessaire généralité de la constitution, qui doit être concrétisée par des lois d'application. Cette initiative contrevient donc à ce principe.
Un point qui a été largement débattu en commission est la notion de clarté. Cette exigence ne figure pas en tant que telle dans la constitution, mais elle a suscité une jurisprudence abondante de la part du Tribunal fédéral. Le Conseil d'Etat s'est référé à cette jurisprudence dans son excellent rapport: la notion de clarté y fait l'objet d'un paragraphe. Cette exigence de clarté est importante et le texte de l'initiative ne s'y conforme pas: il contient de très nombreuses questions techniques et il est très long. Je serais très surpris que la plupart des signataires de cette initiative aient seulement lu ne serait-ce que le premier paragraphe du texte, tellement il est complexe ! Les propositions contenues dans l'initiative sont très nombreuses, éclatées et touchent tous les domaines de l'aménagement, du logement, même des investissements, du bail à loyer, de la construction... La formulation n'est pas très claire, c'est le moins que l'on puisse dire !
De plus, l'initiative contient de très nombreux termes juridiques indéterminés, de sorte que, sans être présomptueux, on peut dire - et même affirmer - que beaucoup de personnes qui ont signé cette initiative ne l'ont pas fait en pleine connaissance de cause. (Commentaires.)
Je pense qu'en termes démocratiques, c'est un problème majeur et c'est une des raisons qui a poussé la commission législative à déclarer irrecevable l'entier de l'initiative. Compte tenu de sa complexité, de sa technicité et de son manque de clarté, il paraissait impossible de scinder l'initiative, voire de l'amender sur certains points.
C'est pour cela que je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à déclarer l'initiative 140-B totalement irrecevable.
M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, je tiens à dire au rapporteur de majorité...
Une voix. Le rapporteur d'unanimité !
M. Alberto Velasco. Au rapporteur tout court ! J'aimerais lui dire que la personne auditionnée n'a pas dit qu'elle s'en fichait des députés ! Ce qu'elle a dit, c'est que toutes les initiatives de l'ASLOCA sont systématiquement rejetées par ce Grand Conseil. L'ASLOCA recourt au Tribunal fédéral et, systématiquement, le Tribunal fédéral lui donne raison, en tout cas partiellement. Enfin, systématiquement, le peuple vote ces initiatives ! C'est cela que voulait dire le représentant de l'ASLOCA auditionné ! De fait, les représentants de l'ASLOCA peuvent se demander si le Grand Conseil étudie vraiment les propositions qui lui sont soumises ! Ce n'est pas seulement de cette initiative qu'il s'agit: toutes les initiatives ont été rejetées. C'était ça le propos de l'auditionné. Il a lui-même a été député et conseiller national et il a un profond respect pour les institutions.
Moi je m'étonne aujourd'hui de voir les libéraux caracoler ici, parce qu'il y a quelques semaines, pour la CEVA... (Commentaires.) Ou «le» CEVA... (Brouhaha.) C'est égal, qu'il s'agisse de «le» ou de «la» ! Il y a quelques jours, avec beaucoup de rhétorique, les libéraux avaient démontré ici que «vox populi, vox Dei». C'est M. Luscher qui avait dit cela au Conseil national et M. Jornot l'avait repris ici avec brio, disant qu'on ne pouvait pas rejeter une initiative ou la déclarer irrecevable dans la mesure où le peuple l'avait soutenue avec 15 000 ou 20 000 signatures déposées. Aujourd'hui, Monsieur Jornot, je vois que ce principe est oublié et que vous ne voyez pas de problème à rejeter cette initiative ! Ce qui était vrai pour le CEVA ne le serait pas pour l'ASLOCA ? (Brouhaha.) Il y a là un petit problème !
Alors, je vais proposer un «deal» aux libéraux. (Commentaires.) Ecoutez-moi: à l'époque, vous aviez voté en faveur de la recevabilité de l'initiative sur le CEVA pour faire en sorte que le peuple puisse se prononcer. Avec la cohérence intellectuelle que l'on vous connaît - vous êtes des gens très cohérents politiquement ! - je pense que ce soir vous voterez favorablement la recevabilité de cette initiative, pour que le peuple puisse ensuite se prononcer. «Vox populi, vox Dei», dixit Luscher ! Si vous votez cela, dans ce cas, pour être cohérent, moi-même je voterai non ! (Rires. Commentaires.) Si vous votez en faveur de la recevabilité, le parti socialiste se retrouve délié de l'obligation de cohérence, parce que cela voudra dire que l'on se situe à un niveau politique, et non plus seulement dans un débat sur la cohérence juridique de l'initiative. Notre groupe pourra donc aussi se nantir de l'argument politique et dire que nous allons juger l'initiative sur le fond, et non pas seulement d'après les arguments présentés par le rapporteur unique. (Commentaires.) Alors voilà, au moment du vote, j'attendrai patiemment de voir si vous appuyez sur le bouton vert ou sur le bouton rouge, et je déciderai ensuite quel sera mon vote. On fait comme ça ? (Rires.) La cohérence sera donc éliminée de la question.
Maintenant, pour ce qui est de l'initiative, vous connaissez très bien l'ampleur de la crise du logement qui sévit à Genève. Vous savez très bien qu'aujourd'hui un quatre-pièces qu'on vous louait pour 1200 F autrefois, se loue maintenant à 2000 F, 2200 F voire 2400 F ! Or, qui habite dans des quatre-pièces ? Ce sont les membres de la fameuse classe moyenne dont nous avons parlé tout à l'heure: son revenu est attaqué et cette classe est en voie de paupérisation ! Qui sera encore en mesure de payer des loyers aussi élevés ? Comment peut-on payer de telles sommes pour un appartement ? Oui, l'initiative s'attaque à cela ! Vous pouvez bien avancer vos arguties juridiques pour dire que l'initiative n'est pas cohérente dans sa matière... Vous pouvez avancer tout ce que vous voulez, mais, sur le fond, l'argument de l'initiative est valable.
Ce que veut l'initiative, c'est donner des moyens financiers au Conseil d'Etat pour lui permettre de mener une politique foncière, pour qu'il puisse, le cas échéant, acheter les terrains agricoles déclassés, non pas à 500 F ou 600 F le mètre carré, mais à 100 F le mètre carré ! Oui, on peut le faire en déclarant un projet d'utilité publique, puisqu'il s'agit de créer des logements ! Et que demande l'initiative ? Que l'on construise des immeubles locatifs sur les terrains achetés par l'Etat et que 80% au moins des appartements créés soient proposés à la location et 20% proposés à la vente en propriété par étage - PPE. Sur les 80% de l'ensemble des logements, il faut qu'au moins 50% des appartements mis en location soient affectés à du logement social ! C'est ça, l'idée de fond de l'initiative !
Alors, unicité de la matière et clarté: d'accord ! Toutefois, le principal, c'est de répondre aux nécessités de notre canton ! Il faut répondre à la demande de logements à bon marché d'une population de plus en plus demandeuse. C'est ça le fond de l'initiative ! Comment peut-on être contre le fond de l'initiative ? C'est impossible !
C'est pour cela que j'ai dit tout à l'heure aux libéraux de changer de comportement par rapport à cette initiative. Pour le CEVA, vous avez dit que le peuple devait se prononcer. Si vous changez ce soir de comportement, ne demandez pas aux socialistes d'avoir la même attitude rationnelle que celle qui a prévalu en commission.
Je pense que le peuple doit se prononcer sur l'initiative et sur le fond. De toute façon, comme toujours, l'ASLOCA ira au Tribunal fédéral et, comme toujours, une partie au moins de l'initiative sera sauvée ! Parallèlement à cela, des discussions entre l'ASLOCA et le Conseil d'Etat sont menées ...
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Alberto Velasco. ...et il s'agit de voir dans quelle mesure on pourrait arriver à un accord. Mais il est évident que, sur le fond, cette initiative est défendable parce qu'elle part d'un bon sentiment ! Voilà pourquoi je ne peux suivre la proposition du rapporteur de majorité, non pas seulement pour être cohérent, mais surtout en raison de l'incohérence de ceux qui s'opposent à cette initiative !
M. Gabriel Barrillier (R). Chers collègues, j'affabule ! Qui est le porte-parole du parti socialiste ?
Une voix. Tu hallucines !
M. Gabriel Barrillier. J'hallucine... A la commission législative, je constate que les représentants du parti socialiste ont voté l'irrecevabilité de l'initiative... Ils se sont peut-être abstenus à propos de l'un ou l'autre critère...
Une voix. Non !
M. Gabriel Barrillier. Même pas ! Pour moi, c'est un problème de crédibilité. Je ne prends à parti ni les uns ni les autres, mais il y a quand même un problème ! Je ne sais pas si un autre porte-parole de votre parti s'exprimera là-dessus, mais ça me paraît important.
On traite ce soir de la recevabilité, la présidente l'a rappelé à plusieurs reprises: de la recevabilité, et uniquement de la recevabilité, pas du fond ! On a constaté à l'unanimité que quasiment toutes les conditions qui devraient conduire à la recevabilité de l'initiative n'étaient pas respectées. Je ne parle pas des autres initiatives, je ne veux pas allumer les feux ce soir, mais permettez que je m'étonne quand même de la position prise par votre porte-parole.
Cela dit, Mesdames et Messieurs les députés, suite à la décision prise par la commission législative, je crois que le rapporteur de majorité a démontré dans son excellent rapport que quasiment aucun des critères n'était rempli et que cette initiative devait donc être invalidée.
Je ne vais pas aborder le fond, cela a été fait à plusieurs reprises. Moi j'aimerais saisir cette occasion pour constater qu'à Genève le système de traitement des initiatives - l'institution de l'initiative populaire - est complètement dévoyé ! Cette initiative illustre la dérive de notre canton en matière d'utilisation de ce droit pourtant fondamental. (Commentaires.) Le canton de Genève est le meilleur pourvoyeur du Tribunal fédéral et des juges de Mon Repos, en matière de traitement des initiatives... Je crois que neuf initiatives sur dix finissent au Tribunal fédéral !
Je pense donc qu'il faut maintenant que nous ayons le courage de revoir cette procédure. C'est une illusion de penser qu'un organe législatif comme le Grand Conseil, qui fait de la politique, puisse traiter d'un problème de conformité au droit et examiner un certain nombre de critères juridiques. Il faut vraiment qu'on revoie cette situation, et je crois que la Constituante que nous élirons cet automne devra s'en occuper vraiment sérieusement, parce que cela devient vraiment un exercice complètement ridicule ! Je ne parlerai pas des autres initiatives que nous avons traitées au début du printemps.
Que se passe-t-il ici ? Vous avez des initiants qui sont des avocats, des connaisseurs du droit, qui proposent au citoyen lambda des textes proposant dix objectifs: dix principes qui promettent monts et merveilles ! C'est facile de signer tout ça, les gens se font prendre et ils signent ! C'est vraiment un miroir aux alouettes ! Ce système proposant divers objectifs n'est pourtant ni correct ni logique.
Ensuite, on l'a fait remarquer lors des auditions, les initiants avaient une possibilité, que le chef du département des constructions et technologies de l'information va sans doute rappeler. La problématique des logements sociaux a fait l'objet d'un projet de loi 10008 qui traite de presque toutes les mêmes questions et y apporte des réponses pour la paix du logement. Au lieu de contester ce projet de loi par référendum, les initiants lancent une initiative, après le délai référendaire ou en même temps, pour obtenir satisfaction, comme l'ont fait des opposants à d'autres projets dans cette république. Ils attendent que tout soit terminé pour déposer des initiatives... Ça, c'est un dévoiement des instruments de démocratie directe: un vrai dévoiement ! Il est utilisé à gauche comme à droite, il faut le dire et le répéter, et ça suffit !
Donc, ces avocats, grands spécialistes du droit, ne lancent pas de référendum et viennent la bouche en coeur avec une initiative. Or, tenez-vous bien, Messieurs les grands spécialistes, vous avez dans la constitution un article 10A qui garantit le droit au logement ! A l'université, j'ai appris qu'il y a un principe constitutionnel. Quant à son application, il existe des lois au niveau législatif... Eh bien non ! On nous propose, au niveau constitutionnel, un article 10B pour préciser et appliquer l'article 10 A ! Pour des constitutionnalistes, des avocats ou fin juristes... C'est quand même prendre les députés pour des imbéciles.
Je pense que la ficelle est vraiment un peu grosse et que, comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut d'urgence s'attaquer à cette problématique, parce que l'instrument qu'est l'initiative populaire devient complètement dévoyé et que les gens n'y croient plus. Cela est vraiment grave car, finalement, les signataires sont des citoyennes et des citoyens qui font confiance aux élus; ils font confiance à la classe politique et aux institutions ! En fin de compte, ces citoyens auront été floués, parce que cette initiative ne correspond pas aux critères et aux exigences nécessaires à son acceptation.
Pour toutes ces raisons, le groupe radical conclut à l'irrecevabilité totale de l'initiative et il vous lance un appel pour rétablir la crédibilité de cette institution.
Mme Emilie Flamand (Ve). Ce n'est jamais le coeur léger que l'on invalide une initiative, puisque c'est un instrument de la démocratie directe extrêmement important. Or, avec cette initiative, ainsi que l'ont relevé certaines personnes avant moi, il y a deux problèmes principaux. Premièrement, à propos de l'unité de la matière, même s'il est vrai que la loi prévoit qu'on puisse scinder une initiative lorsqu'elle pose un problème d'unité de matière.
Là intervient un deuxième problème, celui de la clarté. Les dix mesures proposées par cette initiative sont extrêmement précises. On introduit des chiffres dans la constitution, chiffres extrêmement précis, mais il s'agit de mesures dont les conséquences sont difficilement évaluables. Le principe de clarté, comme M. Cuendet l'a dit, est compris dans le droit supérieur. Et cette initiative insuffisamment claire est non conforme au droit supérieur. Pour cette raison, nous allons voter l'irrecevabilité de cette dernière.
Je rejoins M. Barrillier quand il demande si c'est vraiment à notre parlement de valider ou d'invalider ces initiatives qui aboutissent au Tribunal fédéral chaque fois qu'elles sont invalidées. Je pense que la Constituante se penchera sur ce sujet. En attendant, nous vous invitons à déclarer cette initiative irrecevable.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, moi je vous écoute avec beaucoup d'attention. Le débat sur le logement et les prix des loyers dans le canton de Genève revient bien de manière récurrente, et force est de constater que ce sujet est débattu de plus en plus souvent dans cet hémicycle. Toutefois, je suis quand même surpris par certains propos.
Il est vrai que cette initiative ne respecte pas le principe d'unité de la matière et le principe de clarté. Toutefois, Mesdames et Messieurs les députés, et représentants de la population genevoise, quel est le message qu'ont voulu vous faire passer à tout le moins 10 000 citoyens en demandant une votation populaire ? Eh bien, c'est que les Genevois en ont assez de ces loyers exorbitants ! Ils en ont assez de voir leur pouvoir d'achat partir dans les limbes...
La présidente. Monsieur le député, nous nous prononçons juste sur la recevabilité, pas sur le fond ! Je vous prie de bien vouloir vous exprimer sur la recevabilité, et uniquement sur cette dernière.
Une voix. Et le CEVA ?
M. Eric Stauffer. Madame la présidente, je sais que vous avez quelques griefs à mon encontre, mais je crois qu'il y a quelques minutes quelqu'un a parlé du CEVA... Par ailleurs, lorsque M. Cuendet, rapporteur de majorité, s'est exprimé, c'est tout juste s'il n'a pas mentionné qu'une machine à café était prévue dans cette initiative, tellement cette dernière est détaillée et complexe ! Je vous prierai donc de bien peser vos mots avant de m'interrompre dans l'exercice démocratique des fonctions que j'exerce ! (Brouhaha.) Ça s'appelle du respect ! (Exclamations. Rires.) Vous pouvez toujours rigoler, Mesdames et Messieurs, peu importe, nous continuerons à nous battre de la même manière: comme nous nous sommes battus pendant ces trois années, quasiment, de législature ! Ne vous en déplaise, le MCG continue sa progression, et ce ne sont pas vos sarcasmes qui entraveront celle-ci.
J'en reviens aux loyers et à ce qui concerne tous les citoyens genevois, c'est-à-dire l'effet des loyers extrêmement élevés et leurs conséquences sur les budgets des citoyens. Monsieur Cuendet, comme vous l'avez dit, je ne sais pas si les signataires de cette initiative en ont lu le premier paragraphe, mais une chose est sûre: les loyers que payent les citoyens sont, eux, conformes à l'unité de la vie chère ! Ça, c'est une réalité !
Alors, nous vous l'avons déjà dit, Mesdames et Messieurs les députés, pour baisser les loyers, il faut augmenter l'offre en appartements ! C'est mathématique ! Et pour augmenter l'offre, il faut construire ! Et pour construire, il faut déclasser ! Et le fait de déclasser, Mesdames et Messieurs les députés, appartient à ce Grand Conseil... Mais oui, Monsieur le député socialiste, vous pouvez faire le geste du violoniste si ça vous chante ! En attendant, les citoyens genevois doivent s'expatrier dans le canton de Vaud et en France voisine pour trouver des logements décents à des prix abordables !
Nous constatons finalement, comme une grande partie des citoyens de ce canton, que tout le monde se complaît dans cette situation: la droite, pour enrichir quelques «golden boys» de l'immobilier, et la gauche, qui prône l'ASLOCA et demande aux gens de voter pour cette association en promettant de faire baisser les loyers ! Mais il ne s'agit que de leurres ! Or vous pouvez régler ici la crise du logement en un temps record, parce que nous en avons le pouvoir, Mesdames et Messieurs les députés ! Il faut construire aujourd'hui 15 000 logements à Genève...
Une voix. Par jour !
M. Eric Stauffer. ...des logements qui correspondront aux nouvelles normes de construction «Minergie» ou de mobilité douce, ou tout ce que vous voulez d'autre ! C'est ça que les Genevois attendent de ce parlement ! Et ce n'est pas de s'entendre dire que tel article de cette initiative ne respecte pas l'unité de la matière ou que l'initiative manque de clarté... Une chose est claire: c'est le prix des loyers et le manque d'appartements qui sont une réalité. Alors vous pouvez vous gausser, vous pouvez bien critiquer le MCG...
Moi, tout ce que j'espère, c'est qu'un jour, avant la fin de cette législature, tous partis confondus, nous parvenions à trouver une solution pour déclasser des terrains à propos desquels il n'y aura pas les cinquante mille oppositions habituelles - de la gauche ou de la droite - qui paralyseront à nouveau le processus. Il faut que l'on puisse enfin construire des logements de qualité pour nos citoyens, qui en ont besoin ! Et construire à un prix abordable ! Plus il y aura d'offres, plus les prix des loyers baisseront, vous le savez très bien ! C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant.
Nous ne soutiendrons pas la recevabilité cette initiative, puisque certains points légaux tels que l'unité ne sont pas respectés alors que nous sommes là pour faire observer les lois. (Exclamations. Rires.) Nous ne pourrions donc pas voter quelque chose qui serait contraire à la loi - et sur cet aspect il y a effectivement une certaine unanimité. La seule chose que nous voulions souligner, c'est le message que la population veut vous faire passer et, avec tout le respect qui vous est dû, nous vous demandons de l'entendre et de lui donner une suite favorable.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai écouté avec beaucoup d'attention la prise de position de M. Velasco. Je crois comprendre, vu l'absence de lumignons supplémentaires, c'est-à-dire d'autres demandes de prise de parole, que la position de M. Velasco est également celle du groupe socialiste. J'ai compris qu'en commission le représentant socialiste a déclaré avec tous les autres membres de la commission cette initiative irrecevable et je comprends aujourd'hui que, pour des raisons X ou Y qui tiennent probablement à des remontées de bretelles survenues entre-temps, le groupe socialiste a changé son fusil d'épaule. (Rires.)
Je comprends également que - c'est en tout cas ce que j'ai saisis de vos propos, Monsieur Velasco - si néanmoins les libéraux votaient maintenant la recevabilité, pour nous faire plaisir vous voteriez l'irrecevabilité. En revanche, si nous votions l'irrecevabilité, pour vous venger vous vous sentiriez libre de voter la recevabilité ! Il va bientôt falloir que l'on demande des avis de droit pour comprendre les prises de position du groupe socialiste dans cette assemblée ! (Rires.)
Monsieur Velasco, vous avez tout à l'heure évoqué l'un des initiants. Cet initiant a dit en commission - j'y étais ! - qu'il considérait cette prise de position du Grand Conseil comme un préavis, voire comme un pronostic sur ce que le Tribunal fédéral allait déclarer. Ça apparaît même dans le rapport d'unanimité de M. Cuendet; un commissaire vert s'en étonnait. Oui, c'est ainsi, en effet, que les initiants considèrent cette assemblée, comme une bande de bookmakers qui vont faire des paris sur le résultat des courses au Tribunal fédéral !
Sur le fond, c'est-à-dire sur la question de la recevabilité, il n'y a pas de débat à avoir: après une brève discussion, la commission unanime est arrivée à la conclusion qu'il n'y avait rien à sauver dans cette initiative, pour toute une série de raisons juridiques qui sont exposées aussi bien dans le rapport du Conseil d'Etat que dans le rapport de la commission. Je m'étonne par conséquent que l'on vienne aujourd'hui dire que tout cela n'était qu'une prise de position politique destinée à ennuyer les initiants et que, donc, on invaliderait les initiatives par habitude.
Puis, sur la question de la cohérence des libéraux, dont je comprends qu'elle vous passionne, Monsieur Velasco, eh bien, je vais vous dévoiler notre recette. Cette dernière, Monsieur Velasco, c'est que nous déclarons recevables les initiatives recevables, et irrecevables celles qui sont irrecevables ! (Brouhaha.) C'est notre cohérence, et elle est fondée sur une analyse des textes et des conditions juridiques. (Commentaires.) Eh oui ! Parce que l'initiative du CEVA montrait des caractéristiques très différentes de la présente initiative: des caractéristiques que vous refusez de voir ! (Exclamations.) Par exemple, l'initiative sur le CEVA n'est pas un catalogue sans fin, fait de bric et de broc que l'on ajoute sur des pages et des pages, en espérant que les citoyens voteront spontanément oui, parce qu'il s'agit d'une initiative de l'ASLOCA et que cela suffit, par conséquent, à justifier le tout !
Cette initiative ne respecte pas l'unité de matière, elle ne respecte pas l'exigence de clarté, preuve en est que la personne auditionnée en commission n'arrivait elle-même plus à expliquer le contenu de son initiative au moment où le conseiller d'Etat Mark Muller lui demandait des précisions. Enfin, cette initiative viole la garantie de la propriété ! Je sais que c'est une garantie qui ne vous passionne pas beaucoup sur vos bancs, Monsieur Velasco ! Mais les libéraux, eux, sont passionnés par cette liberté-là, et en l'occurrence la garantie de la propriété est violée par cette initiative.
Pour terminer, j'aimerais dire un mot à M. Barrillier. J'aimerais lui dire que même si j'ai bu ses propos avec beaucoup d'intérêt et qu'ils ont sonné comme du miel à mes oreilles, je dois malheureusement apporter une note dissonante par rapport à la question du référendum et de l'initiative. J'ai eu l'occasion de le dire, nous n'avons pas, dans notre ordre juridique, de norme qui interdit de lancer une initiative sur un sujet qui n'a pas fait l'objet d'un référendum. Si vous souhaitez y ajouter une disposition de ce type, faites-le dans le cadre des débats de la Constituante, mais aujourd'hui cette disposition n'existe pas !
Je terminerai sur la question de la procédure de validation, parce que ce n'est pas la Constituante qui se prononcera là-dessus, mais directement ce Grand Conseil puisque, dans le cadre de la réforme du droit administratif, le Conseil d'Etat nous propose d'ajouter un échelon supplémentaire: il y aurait non seulement le Conseil d'Etat puis le Grand Conseil, mais il y aurait encore le Tribunal administratif, puis le Tribunal fédéral. Inutile de dire qu'on ne voterait sur les initiatives populaires qu'une fois qu'elles auraient complètement perdu de leur actualité ! La commission ad hoc justice 2010 devra donc probablement trouver une solution meilleure que celle-là ! En attendant, de manière totalement cohérente, je vous propose de voter l'irrecevabilité de cette initiative.
M. Olivier Wasmer (UDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, comme mon collègue Jornot, je m'étonne que cette initiative soit devant nous aujourd'hui. Quand je lis que la commission déclare l'initiative 140 totalement irrecevable à l'unanimité de ses membres - à l'unanimité ! - je m'étonne qu'on ait un débat aujourd'hui. Tous les partis étaient d'accord pour déclarer cette initiative irrecevable - et pour cause ! Elle est totalement extrémiste comme sait si bien l'être l'ASLOCA. Elle demande des choses totalement impossibles !
Je vous relis certaines des invites de cette initiative qui est plutôt marxiste-léniniste que libérale - c'est peut-être excessif, mais elle est d'une tendance marxiste-léniniste qu'on a un peu perdue de vue au XXIe siècle. Je vous rappelle certains termes de cette initiative: «Lutte contre la spéculation et priorité à la construction de logements à bas loyers». Bien entendu, on rase gratis ! «Construction de logements sociaux d'utilité publique par des institutions sans buts lucratifs»... Ben voyons ! Il est certain que des promoteurs construiront des immeubles à titre bénévole, sans vouloir en tirer de rendement, sachant que la crise du logement est grande dans le canton de Genève ! Pourquoi donc encore vouloir rentabiliser des immeubles aujourd'hui ? On nous parle encore d'«Acquisition de terrains pour la construction de logements et octrois de droits de superficie» et d'«Utilisation rationnelle des terrains et construction d'immeubles économiques et à taille humaine»... Mais qu'est ce que ça veut dire ? Comment voulez-vous admettre une initiative pareille ?! On demande en fait de raser gratis, de construire des immeubles gratuitement ! En lisant attentivement cette initiative on voit qu'elle fixe le prix du mètre carré. Toutefois, comme l'a déjà dit excellemment mon collègue Jornot, il y a malheureusement dans ce pays une Constitution fédérale, que l'ASLOCA ignore bien évidemment très souvent - je le vois d'ailleurs dans toutes les oppositions qu'elle formule en permanence. La garantie de la propriété est inscrite dans notre Constitution fédérale, mais aujourd'hui on demande ni plus ni moins d'exproprier les propriétaires de leurs terrains, de les forcer à vendre, alors que la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons dhabitation - LDTR - fait déjà beaucoup de mal au canton de Genève ! Tout cela, aujourd'hui, pour promettre, comme d'habitude, monts et merveilles à des locataires qui, malheureusement, n'y croient plus !
Pour revenir sur le fond de cette initiative, le Tribunal fédéral a effectivement jugé à de nombreuses reprises qu'il faut une clarté dans l'initiative. Or, s'il y a quelque chose dans cette initiative qui n'est pas clair, c'est bien son tout ! Tous les termes de cette initiative sont en effet totalement généraux et totalement impossibles à mettre en application, comme l'a relevé le Conseil d'Etat.
En ce qui concerne l'unité de la forme et de la matière, j'admets avec le Conseil d'Etat qu'elle puisse être respectée par cette initiative; toujours est-il que cette initiative est totalement inapplicable et, bien plus, totalement extrémiste ! Donc, bien évidemment, l'UDC ne la soutiendra pas !
M. Pascal Pétroz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vous cacherai pas un léger agacement, dans la mesure où, comme d'habitude, quand il s'agit de traiter de la recevabilité des initiatives, on parle de tout sauf de la recevabilité ! J'ai entendu des députés nous dire: «Les loyers sont trop chers !»... Oui, c'est vrai, mais là n'est pas l'objet du débat ! Etant précisé que le député qui a avancé cela s'est bien évidemment gardé de proposer la moindre mesure pour avoir des loyers à prix abordables. J'ai entendu des slogans déclamés par un membre du comité de l'ASLOCA - à «l'initiative de cette initiative», si j'ose dire - et qui nous expliquait à quel point cette dernière était correcte et intéressante. J'ai vu qu'étaient inscrits deux autres représentants du parti socialiste, dont une éminente membre de la commission législative, et je me réjouis de l'entendre, parce qu'elle expliquera très bien et beaucoup mieux que moi la raison pour laquelle cette initiative est totalement irrecevable.
Cela étant, pour rester dans le cadre du débat, je crois qu'il faut être extrêmement clair et expliquer de quoi nous devons parler: nous devons voir si la constitution genevoise est respectée par cette initiative. La constitution genevoise fixe un certain nombre de principes et, dans le cas d'espèce, deux d'entre eux ont été violés. Le premier de ces principes, c'est l'unité de la matière, ce qui signifie en d'autres termes qu'on ne doit pas faire d'une initiative un fourre-tout, mais que celle-ci doit former un tout cohérent.
Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de rappeler ce principe à propos de l'initiative 105 - vous l'avez dans le rapport: «Il est manifeste que la réunion dans une seule initiative d'une multitude de propositions en matière économique et sociale, sous un titre avantageux, a facilité la récolte de signatures, tout en dissuadant certains électeurs, en raison de la longueur du texte, d'en l'étudier sérieusement le contenu lorsqu'ils étaient invités à apposer leur signature.» En d'autres termes, quel est le but visé avec l'exigence du respect du principe de l'unité de la matière ? Il s'agit d'obtenir dix signatures si dix mesures sont proposées; une personne doit signer à chaque fois pour une mesure précise, parce qu'on estime que l'initiative doit former un tout cohérent.
En l'occurrence, dix mesures sont proposées par l'initiative, et ces mesures sont regroupées autour de deux objectifs qui n'ont absolument rien à voir ensemble, à savoir la lutte contre les loyers abusifs et contre la pénurie de logements. Elles ont effectivement à voir avec le sujet du logement, mais il s'agit de deux choses totalement différentes. A cet égard, cette façon de faire est totalement contraire au principe d'unité de la matière. Rien que ceci justifierait une décision d'irrecevabilité de cette initiative, Mesdames et Messieurs les députés !
Mais il y a plus ! Il y a plus, parce que cette initiative est clairement contraire au droit supérieur. On est dans un Etat fédéral et les cantons ne décident pas ce qu'ils veulent: il y a des lois fédérales que nous devons respecter, c'est notre histoire, c'est notre Constitution fédérale qui nous l'impose. Nous devons respecter cela.
Trois problèmes ont été mis en évidence. S'y ajoute un quatrième, c'est le caractère contraire de cette initiative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. En présence d'un texte aussi clairement contraire à tous les principes juridiques élémentaires applicables en matière d'initiative, il n'est pas d'autre choix, indépendamment de la sympathie ou de l'antipathie que l'on peut avoir pour cette initiative sur le fond, que de respecter la loi et de déclarer cette initiative irrecevable. C'est ce que le groupe démocrate-chrétien vous demande de faire par ma voix.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Comme j'ai été interpellée en tant que présidente de la commission législative et membre du parti socialiste qui avait à l'époque déclaré cette initiative totalement irrecevable, je vais vous donner quelques explications sur la position du groupe.
Avant cela, j'aimerais toutefois préciser deux ou trois choses. Aujourd'hui, plusieurs personnes ont évoqué le fond de l'initiative. Pourquoi ? Mesdames et Messieurs, rappelez-vous qu'il n'y a pas si longtemps que ça nous menions dans cette enceinte des débats de préconsultation concernant les initiatives. Théoriquement, lorsque l'initiative 141 est arrivée ici tout à l'heure, nous aurions dû pouvoir en discuter sur le fond: ça n'est plus possible, parce que la majorité de ce parlement a souhaité, pour gagner du temps, renvoyer directement les initiatives en commission ! C'est à mon avis une erreur. Cela fait que, en revenant de la commission législative, si l'on veut quand même s'exprimer sur le fond d'une initiative lorsqu'on sait qu'elle sera refusée pour des questions de recevabilité, le seul moyen qu'on a est de le faire au moment du débat sur la recevabilité. Je crois que cela explique pourquoi certains députés - M. Velasco, M. Stauffer et d'autres ici présents - ont souhaité parler maintenant sur le fond de cette initiative.
Deuxième remarque, elle concerne la cohérence. Je crois que nous n'avons pas de leçons à recevoir du parti libéral en la matière, puisque, très régulièrement - et je ne vais pas vous refaire mon petit laïus à propos de l'initiative sur le CEVA - le parti libéral, une bonne majorité des représentants de l'Entente et de l'UDC ont effectué des votes qui étaient purement politiques. (Commentaires.) Je crois que nous n'avons pas besoin d'entendre de leçon de leur part aujourd'hui !
Je reviens à l'initiative 140. Oui, Mesdames et Messieurs les députés, elle est irrecevable ! Elle n'est effectivement pas claire et il y a des problèmes concernant l'unité de la matière - je ne vais pas répéter ce que d'autres personnes ont dit avant moi. Seulement, la majorité du groupe socialiste a estimé qu'au vu de la situation actuelle du logement on ne pouvait pas déclarer cette initiative irrecevable, et les socialistes préfèrent donc s'abstenir. Toutefois, ce soir, nous n'allons en aucun cas déclarer cette initiative recevable, sachez-le ! (Exclamations.)
M. Roger Deneys (S). Pour compléter les propos de ma collègue cheffe de groupe, j'aimerais quand même revenir sur la recette libérale en étant plus précis. Mesdames et Messieurs les libéraux, lors des discussions sur d'autres initiatives - il y en a deux exemples récents - vous n'avez pas appliqué la recette proposée par le chef de cuisine Jornot ! D'ailleurs, ce n'est pas une carrière en cuisine que je lui conseillerais pour la suite ! (Rires.)
Ensuite, si vous voulez déclarer cette initiative irrecevable, je rappellerai à votre souvenir deux initiatives, celle sur la fumée passive et celle intitulée «Energie-Eau: notre affaire !». Ce Grand Conseil, dans sa majorité, les a déclarées recevables. Que s'est-il alors passé ? Vous avez voté contre et, ensuite, on a encore eu droit à des recours au Tribunal fédéral déposés par des représentants des avocats membres de ce Grand Conseil, députés libéraux ou membres d'autres partis - des démocrates-chrétiens généralement... Et ce sont toujours les mêmes qui viennent nous faire des théories ! Mais quand il s'agit de les appliquer, notamment dans le cas des initiatives, ce sont les mêmes qui lancent des procédures pour les déclarer irrecevables !
En ce qui me concerne, je pense que les buts poursuivis par cette initiative sont souhaitables, louables et nécessaires pour la politique du logement à Genève. Je ne me prononcerai pas sur le fond, mais je constaterai simplement qu'il est très difficile de demander à un parlement politique d'avoir une prise de position juridique ! Il y a peut-être une incohérence à ce niveau-là. Dans ce sens, toute décision prise ce soir reste politique, qu'on le veuille ou non. On peut le regretter, mais, en ce qui nous concerne, je vous invite à ne pas polémiquer ou faire des théories vaseuses concernant la recevabilité ou non d'une initiative !
Des voix. Bravo !
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref. Simplement, j'aimerais répondre à quelques phrases prononcées tout à l'heure. Monsieur Pétroz, quand vous dites que je parle des loyers chers et que ça n'a rien à voir avec l'initiative, j'aimerais quand même vous renvoyer au titre de cette initiative: «Stop aux loyers abusifs et à la pénurie de logements: 10 mesures urgentes.» Je ne pense donc pas avoir été à côté du débat. Par contre, vous, vous étiez à côté de votre propos !
Ensuite, et sur ce point je rejoins mon collègue Deneys qui vient de prendre la parole, il est vrai que certains avocats s'évertuent à utiliser tous les artifices légaux imaginables quand certains groupes qu'ils représentent décident que telle initiative va à l'encontre des intérêts qu'ils défendent. Ils sont très forts pour utiliser des artifices et bloquer des initiatives en disant qu'elles ne sont pas recevables, j'en passe et des meilleures ! Nous savons très bien - et nous l'avons déjà dit - que, dans l'avocat, la seule chose qui est dure, c'est son noyau. Et dans ce parlement, c'est justement le noyau dur qui pèche !
Cela étant, il faut quand même remettre les choses à leur juste place et je conclurai par cette phrase: le message que la population vous a adressé ce soir est important, c'est un message qui concerne les citoyens dans leur vie quotidienne. Je ne parle pas des personnes qui ont la chance d'être nanties et vivent dans de superbes logements dont elles sont propriétaires, je parle de cette masse de gens qui doit payer des loyers beaucoup trop élevés, dans des immeubles et des quartiers qui mériteraient d'être refaits, et qui ne peuvent pas déménager !
C'est en cela que cette initiative est importante. Dans ses arguments, elle propose non pas des expropriations, mais elle relève simplement que la population en a assez d'enrichir toujours les mêmes. J'aimerais aussi vous rappeler que lors des prises de parole de la droite, il y a eu celle du représentant de la Chambre de commerce et d'industrie, et celles de deux avocats qui défendent les lobbies immobiliers. De telles attitudes sont détestables, en tout cas pour la population qui nous regarde !
Alors, prenez en considération la volonté et le message du peuple: ce qu'il veut, ce sont des logements, à des prix abordables ! Il y a vingt ans, lorsqu'une famille trouvait un appartement, seul l'homme devait travailler; aujourd'hui, ce sont monsieur et madame qui le doivent les deux, notamment pour payer leur loyer de plus en plus onéreux. Et ça, ce n'est pas normal ! Le pouvoir d'achat s'effrite et il faut combattre cette situation !
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Sandra Borgeaud. (Exclamations.)
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, je ne savais pas que je suscitais autant de joie !
Il est évident que cette initiative est irrecevable si l'on veut respecter le droit fédéral. Et ce n'est pas seulement si l'on veut, mais on le doit ! Par contre, l'initiative soulève un problème très important par rapport à la crise du logement à Genève... Il va bien falloir trouver une solution pour que tout le monde puisse avoir un logement décent et à un prix correct: tout le monde ne gagne pas 10 000 F par mois ! Ne faites jamais rien contre votre conscience, même si l'Etat vous le demande ! Alors, trouvons la meilleure solution, non seulement pour construire des logements, mais aussi pour faire en sorte d'avoir des loyers modérés. Les citoyens ont le droit de vivre décemment dans cette république et il faut qu'ils puissent accéder à des appartements dont ils peuvent payer le loyer. Parce que tout le monde ne peut pas se permettre de payer un loyer à 2500 F par mois ! Cela met des gens dans des situations inadmissibles: ils peuvent se retrouver aux poursuites, ils n'arrivent plus à payer leurs impôts et leurs primes d'assurance-maladie. Cela peut causer un cercle vicieux, et l'économie y est perdante, car elle se porte nettement mieux quand tout le monde est en mesure de payer ses factures à la fin du mois. Par ailleurs, le loyer n'est pas pris en compte pour le calcul des impôts, comme vous le savez !
D'après ce que je viens d'entendre, on est là pour travailler sur la recevabilité de cette initiative et nous sommes tous d'accord pour dire que cette initiative n'est malheureusement pas recevable... Mais je compte sur vous qui avez toujours de très bonnes idées, pour faire vos preuves par la pratique en trouvant quelque chose qui sera tout à fait en règle avec le droit supérieur. Parler, c'est bien; agir, c'est mieux !
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que nous sommes dans le débat sur la recevabilité. Je le dis et je le répète ! Monsieur Alberto Velasco, vous avez la parole.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Madame la présidente. J'aimerais dire à M. Barrillier - qui vient de quitter la salle, je pense que le débat ne l'intéresse plus - que je suis effectivement d'accord que la Constituante devra un jour se pencher sur la question de savoir si c'est le Grand Conseil qui doit valider ou invalider les initiatives. A ce sujet, intellectuellement, je suis tout à fait ouvert à cela, parce qu'on constate divers problèmes et qu'il faut les résoudre. Toutefois, je voudrais dire à M. Barrillier que je n'ai, en la matière, absolument aucune leçon à recevoir du groupe radical. Quand vous avez lancé votre initiative sur les notes, eh bien, sur le fond, la portée de cette initiative a débouché sur un débat - que j'ai pu évaluer - empli d'incompréhensions ! Alors je pense que chacun d'entre nous doit balayer devant sa porte avant de blâmer l'autre.
Tout le monde ici procède par le biais de l'initiative quand bon lui semble, et parfois pour des motifs électoraux, parce que nous voulons tous gagner une campagne électorale... C'est comme ça ! Et effectivement, Monsieur Barrillier, il y avait un projet de loi du Conseil d'Etat, document élaboré par un certain nombre de groupes et par le Rassemblement pour une politique sociale du logement. Mais l'ASLOCA n'a pas lancé de référendum ! Parce qu'il nous a semblé qu'il y avait un accord assez large et qu'il fallait laisser ce projet de loi aller jusqu'au bout. Il est clair qu'il ne fallait pas en appeler au peuple, alors que ce projet n'avait même pas été mis en pratique. Or rien n'empêche une association de lancer une initiative.
Je terminerai ici en disant à M. Jornot que, la dernière fois, j'ai admiré son côté brillant et sa rhétorique pour nous démontrer que le peuple doit pouvoir se prononcer sur une initiative, alors même - alors même ! - que tous les groupes étaient d'accord que l'initiative en question était irrecevable ! J'ai vraiment admiré cela et, Monsieur Jornot, vous m'avez, à un moment donné, presque fait douter de ma position... Il est donc normal aujourd'hui que je vous renvoie l'ascenseur, n'est-ce pas ? Et je me dis, devant tant d'éclat et de logique, que les socialistes, pourquoi pas, pourraient, sur le fond et sur la possibilité pour le peuple de se prononcer, user de la même rhétorique que M. Jornot !
M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que ce débat devrait porter sur la recevabilité de l'initiative uniquement. Néanmoins, depuis le début de ce dernier, de nombreux députés se permettent de porter un jugement sur le fond. Je vais donc me le permettre aussi, et surtout, de répondre à M. Stauffer.
Celui-ci nous a dit que la plupart des gens, de droite ou de gauche, étaient en fin de compte responsables de la crise du logement... Il a qualifié les gens de droite de spéculateurs - je caricature un peu, mais ce n'est pas loin de ce qu'il a prétendu - et il a dit les gens de gauche, avec l'ASLOCA, étaient responsables des blocages. Vous devriez contrôler ce que vous avancez, parce que la plupart des blocages ne proviennent pas de l'ASLOCA: ils sont, la plupart du temps, le fait des communes et des riverains, il faut s'en souvenir ! Alors, M. Stauffer nous donne beaucoup de leçons... Je lui dirai juste, parce que ça ne fait pas longtemps qu'il est en politique, que la plupart des gens ici, de droite comme de gauche, pensent au bien commun. Il y a certainement eu des gens qui ont trempé dans des affaires de spéculation, certains ont peut-être commis des abus ou des excès, mais la plupart des personnes ici, de droite comme de gauche, sont des personnes responsables et qui se battent pour le bien de la population - avec des idées certes différentes, mais on ne peut pas arriver en dernier et prétendre donner des leçons à tout le monde ! Mais surtout, ce qu'on ne peut pas faire, Monsieur Stauffer, c'est parler au nom de la population et jouer avec le drame qu'elle vit: celui de la crise du logement ! Or jusqu'à présent, comme M. Pétroz vous l'a dit, votre mouvement, le MCG, n'a fait aucune proposition constructive - mais aucune ! - pour lutter contre la crise du logement ! Il y a donc de vrais problèmes de logement et, aussi bien la droite que la gauche, nous ne parvenons pas à lutter contre ces derniers.
Le fait est que nous avons un canton relativement restreint en kilomètres carrés. Ceci est problématique, à coup sûr, et le seul moyen de penser différemment, est d'avoir une vraie politique régionale en matière de logements, en matière économique, sociale et environnementale. Or, Monsieur Stauffer, vous vous y opposez, puisque vous luttez d'une manière primaire et dangereuse contre la politique régionale !
M. Eric Stauffer. Sur la recevabilité !
M. Christian Brunier. Finalement, il y a deux autres choses contre lesquelles on peut lutter au niveau politique, qu'on soit de droite ou de gauche. La première concerne toute l'activité liée à la surchauffe économique. Et pendant qu'ici des gens de droite et de gauche se battaient contre la surchauffe économique, il y avait un monsieur qui spéculait à fond avec des sociétés financières: c'était vous, Monsieur Stauffer ! (Commentaires.) De même que certaines régies qui ont abusé. Je rappelle juste à la population, pour qu'elle ne l'oublie pas, que vous étiez directeur de régie immobilière, il y a encore quelques semaines. Vous devriez donc vous faire discret dans ce débat ! (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). Je rejoins M. Brunier dans ses propos à l'encontre du groupe MCG qui, séance après séance, nous donne des leçons sur la manière de régler la question du logement - et cela sans même apporter un début de proposition, notamment en commission de l'aménagement où le MCG est pourtant représenté ! De plus, le MCG ment à la population en disant que le problème est récent, alors qu'il y a déjà quarante ans, lorsque mes parents sont venus à Genève et que nous avons emménagé dans un immeuble neuf de type HLM, la part du loyer dans le revenu d'une personne était de 50%. Le problème n'est pas nouveau, il est endémique !
La différence, c'est qu'à l'époque on pouvait construire. On a construit à tour de bras, on a construit de grandes cités telles que les Avanchets et Le Lignon, puis, à un moment donné, la machine s'est arrêtée, un grain de sable l'a enrayée: c'est la LDTR !
Cette initiative ne va rien résoudre ! Si vous voulez avoir un exemple concret de ce type de mesures, vous allez à Porto. En 1940, le gouvernement nationaliste portugais a voté une loi qui interdisait d'augmenter les loyers et permettait aux personnes âgées de plus de 55 ans de rester dans leur logement. Si vous visitez le centre de Porto, il est complètement vide: les objets ne sont pas rénovés et les gens ont quitté le centre-ville ! En fin de compte, c'est ce que nous propose cette initiative en demandant un blocage des prix, notamment ceux des terrains.
Et, pour contredire M. Stauffer, vous savez très bien que la loi interdit aux promoteurs de faire des bénéfices monstrueux sur une construction.
Une voix. Ah bon ?
M. Gilbert Catelain. Ça ne dépasse pas 4 à 6% ! Certains grands groupes ne s'en tirent pas avec plus de 2% de gains sur les objets qu'ils construisent. Il n'y a pas trente-six mille solutions à la crise du logement: il faut soutenir le Conseil d'Etat par rapport à l'accord qu'il a signé avec ses partenaires, il faut abroger la LDTR et encourager l'accès à la propriété privée. Cette initiative est un leurre ! Elle trompe le peuple, elle ne respecte pas le droit supérieur et nous vous invitons à la refuser !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Sont encore inscrits: MM. Eric Stauffer, Pascal Pétroz, Claude Jeanneret et le conseiller d'Etat Mark Muller. Le Bureau décide de clore la liste.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur Brunier, vos propos sont une fois de plus déplacés et vous m'obligez à vous répondre. C'est vrai qu'il y a quelques semaines j'étais encore directeur de régie. Au moins, moi je parle en connaissance de cause et, quand je dis qu'il y a des loyers abusifs, je sais de quoi je parle ! (Exclamations.) Mais oui ! Ça sert aussi à ça les expériences de vie ! Pourquoi croyez-vous que j'ai démissionné de cette régie ? Je suis écoeuré, Monsieur Brunier ! (Chahut.) Et sur ce point-là, je vous donne raison !
En revanche, quand vous prétendez que nous ne proposons aucune solution, ça fait juste la quatrième fois que je vous dis - comme à l'ensemble des députés - que nous pouvons demander une suspension de séance et rédiger un projet de loi pour déclasser des terrains et construire. Et c'est là que nos opinions divergent des vôtres, parce que personne ne le fait - on vous a soumis cette proposition quatre fois ! Pour faire baisser le prix des loyers, il faut augmenter l'offre; et pour augmenter l'offre, il faut construire; et finalement, pour construire, il faut déclasser !
Monsieur Brunier, vous qui êtes grand directeur dans une régie publique et n'avez pas de problèmes pour payer votre loyer à la fin de mois, ce que vous prônez, c'est la régionalisation... Ici, c'est la République et canton de Genève ! Ce n'est pas la République française ! Nous, députés MCG, sommes des citoyens genevois, mais ni du département de l'Ain, ni de celui de la Haute-Savoie ! Genève restera le chef-lieu, et non pas le contraire ! C'est là où nos avis divergent, encore une fois.
Quand vous dites que l'ASLOCA et les partis de gauche ne s'opposent pas à la construction, c'est vrai dans peut-être pas dans tous les cas. Toutefois, dans une grande majorité des cas vous bloquez tous les types de construction ! Et je tiens à vous rappeler un débat mené ici sur l'extension du centre commercial de Balexert - je me souviens de ce que vous y étiez opposés... (Commentaires.) Peu importe qu'il ne s'agisse pas de logements, c'est de la construction et cela entraîne la création d'emplois ! C'est bon pour le tissu économique ! Mais vous n'êtes pas cohérents avec votre politique... (Commentaires.) C'est vrai que vous n'êtes plus une gauche socialiste: vous êtes une gauche caviar de petits veinards, vous avez tous des belles maisons et de beaux appartements ! (Chahut.)
La présidente. S'il vous plaît ! Quelqu'un a demandé à parler sur le fond, et on s'exprime sur le fond ! La parole est à M. Pascal Pétroz.
M. Pascal Pétroz (PDC). Merci, Madame la présidente. Tout à l'heure j'appelai le parlement à s'en tenir strictement à la question de la recevabilité. Dans la mesure où je n'ai pas été entendu et où le débat a porté sur d'autres aspects, il convient de répondre - brièvement, bien évidemment - à ce qui s'est dit.
Tout d'abord, à propos de M. Stauffer qui prétend savoir de quoi il parle parce qu'il a été directeur de régie, je vous rapporte une petite anecdote amusante. Je me suis amusé à aller sur le site internet de l'Etat de Genève pour consulter le registre du commerce au sujet de la régie dont il prétend avoir été directeur: M. Stauffer n'a jamais figuré au registre du commerce, d'une manière ou d'une autre ! Hum... Enfin bref ! (Brouhaha.)
Cela étant, il convient de répondre à ceux qui ignorent - ce qui est grave - ce qui se passe dans ce parlement et à ceux qui trompent le peuple en feignant de d'ignorer de qui s'y passe - ce qui est encore plus grave. Parce que le message qui a été délivré ce soir à la population, au gentil peuple, c'est de dire que, finalement, on ne fait rien... Non, on ne fait pas rien ! On n'a peut-être pas fait tout juste, on n'a peut-être pas fait suffisamment, mais un certain nombre de choses ont été effectuées.
J'imagine que M. le conseiller d'Etat Muller ne manquera pas de le faire tout à l'heure, mais je rappellerai tout de même que nous avons voté la loi sur les logements d'utilité publique, qui prévoit d'investir 300 millions de francs sur dix ans pour créer des logements sociaux. Ce projet de loi est le fruit d'un accord entre les différents partenaires sociaux, il va dans le bon sens et permet de créer des logements à des loyers abordables.
Je rappelle par ailleurs que le parti démocrate-chrétien avait déposé en son temps, en 2004, un projet de loi qui a été gelé - il concernait les services d'aide à la personne - et que le MCG avait blackboulé en commission. Alors, venir nous dire aujourd'hui qu'il faut permettre aux personnes qui n'ont pas de sous d'être logés à des conditions abordables et refuser l'aide personnalisée au logement ne me paraît pas très cohérent ! Encore une fois, il y a visiblement une différence totale entre ce qui se dit dans le secret des commissions et ce qui se clame en plénière devant les télévisions !
Relevez encore que ce parlement a voté un projet de loi sur les surélévations d'immeubles en ville de Genève, qui permettra d'y construire nombre de logements. De même, une motion figure à l'ordre du jour de notre Grand Conseil: elle demande la révision du plan directeur cantonal, de manière à pouvoir déclasser plus de terrains pour construire plus. Relevez enfin que notre parlement a voté, il y a quelque temps, une motion demandant de déclasser une petite partie de la zone agricole ayant perdu sa vocation agricole - nous sommes toujours dans l'attente du rapport de M. Cramer à ce propos.
Voilà ce que le parlement a fait, Mesdames et Messieurs les députés ! Il aurait peut-être pu en faire plus, il fera encore plus à l'avenir, mais il est absolument scandaleux de dire ici que ce parlement ne fait rien pour aider les Genevoises et les Genevois. Il est scandaleux d'accréditer la thèse du complot des politiciens, une thèse qui consiste à dire qu'il n'y a qu'un parti qui se préoccupe des citoyens !
Ce n'est pas dans mes habitudes de défendre le parti socialiste ou d'autres partis, mais j'aimerais vous exprimer ma sympathie, Monsieur Brunier, pour vous dire que vous gagnez votre argent honnêtement. (Brouhaha.) Et l'attaque à votre encontre que nous avons entendue tout à l'heure était totalement inadmissible ! (Applaudissements.)
M. Claude Jeanneret (MCG). Messieurs, Mesdames, chers collègues, nous avions jusqu'à présent, je crois, à nous prononcer sur la recevabilité d'une initiative et je vois que le débat a lamentablement dérapé. On en a pour exemple les propos de mes collègues Brunier ou Pétroz. C'est triste d'en arriver là. Ça donne une image lamentable du parlement !
M. Christian Brunier. La faute à qui ?
M. Claude Jeanneret. Pas du tout ! Je dois dire une chose quand on parle de responsabilité: ça fait douze ans que Genève ne construit rien ! Heureusement, nous avons aujourd'hui un conseiller d'Etat qui essaie de faire quelque chose, et j'espère que ça va déboucher sur une solution. Et si nous connaissons une crise, avec un manque de 20 000 appartements sur Genève, on doit quand même en remercier les parlementaires et certains partis - que M. Pétroz représente - et qui n'ont rien fait jusqu'à présent pour qu'on ait assez d'appartements ! Il faut quand même le dire clairement !
Quant à l'initiative, même si elle a un bon fond, nous devrons malheureusement la refuser, parce qu'elle n'a pas un caractère acceptable légalement. Et j'aimerais quand même dire que le MCG est respectueux des lois; il est respectueux de ce qu'il faut faire. Nous refuserons donc cette initiative, pas sur le fond, mais sur la forme.
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, dans son rapport du début de l'année, le Conseil d'Etat vous a expliqué pour quelle raison il considérait que cette initiative était irrecevable. Vous avez suivi l'avis du Conseil d'Etat en commission et cela nous réjouit.
Il s'agit d'un débat essentiellement juridique et on sent ce soir la frustration que cela provoque puisqu'on a envie de parler politique, que ce soit au Conseil d'Etat ou au Grand Conseil. Dans ces débats sur la recevabilité des initiatives, on dévie très régulièrement sur le fond et, quelque part, c'est naturel puisque nous ne sommes pas élus pour faire du droit. Or, à l'occasion de l'examen des initiatives, nous faisons appel à des juristes pour qu'ils nous rendent un avis de droit afin de fonder notre prise de position sur la validité des initiatives. Quelques doutes ont été exprimés tout à l'heure sur la légitimité du rôle que l'on nous confie, s'agissant de se prononcer sur la validité des initiatives. Peut-être que la Constituante pourra se prononcer utilement sur cet aspect des choses.
Lors des débats du Conseil d'Etat sur la validité des initiatives, nous avons toutefois, très régulièrement, un débat politique fondé sur une discussion relative au principe bien connu que l'on intitule en latin «in dubio pro populo». Cela signifie que, lorsqu'il y a un doute sur la validité d'une initiative, on essaie de se prononcer en faveur de la validité, de manière que le peuple puisse se prononcer.
Dans le cas de cette initiative, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons évalué sa portée et nous avons constaté à quel point elle était contraire au droit fédéral, à quel point elle violait l'unité de la matière et à quel point elle était peu lisible et peu claire. Nous n'avons même pas été, en application du principe «in dubio pro populo», en mesure de faire pencher la balance du côté de la validité. C'est vous dire à quel point cette initiative est irrecevable ! Nous recommandons ainsi de la déclarer irrecevable, et in fine c'est le Tribunal fédéral qui tranchera.
Pour terminer, Mesdames et Messieurs, un petit point sur le fond, sans vouloir entrer dans le débat. J'aimerais effectivement reconnaître que le MCG a proposé à plusieurs reprises dans cette enceinte de voter une sorte de plan Marshall pour la construction de logements. Il a été suggéré que nous interrompions la séance, que nous nous mettions autour d'une table et que nous dessinions de grands périmètres dans le canton, que nous déclasserions séance tenante - sur le champ - pour y construire des logements dans les mois qui suivent... L'idée est séduisante, c'est très sympathique, mais c'est tout simplement totalement contraire à nos lois, puisque celles-ci nous imposent de consulter les communes et de procéder à des enquêtes publiques. Nos lois nous imposent de soumettre nos décisions à des préavis divers et variés, et cette proposition, certes séduisantes d'un point de vue idéal, n'est tout simplement pas praticable ! Je vous invite donc à poursuivre vos réflexions allant dans le sens de solutions concrètes, mais en vous fondant sur nos lois pour que vos propositions tiennent la route.
Le Conseil d'Etat travaille d'arrache-pied, Mesdames et Messieurs, tous départements confondus, pour répondre à la crise du logement qui sévit aujourd'hui. Nous avons fait de nombreuses propositions, des lois ont été votées par vous dans cette enceinte, des déclassements ont eu lieu, des déclassements auront encore lieu tout prochainement, étant donné que vous voterez - le mois prochain, je l'espère - le déclassement des Communaux d'Ambilly qui est le plus gros déclassement que le canton aura voté depuis plusieurs dizaines d'années. Alors, je ne crois pas que l'on puisse dire qu'on ne fait rien pour résoudre la pénurie de logements, que ce soit au Grand Conseil ou au Conseil d'Etat. Toujours est-il que la population croît à la vitesse grand «V», que notre canton est exigu et qu'il est difficile de relever ce défi de la lutte contre la pénurie de logements. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur cette initiative. Je vous demande d'être attentifs, il y a un certain nombre de questions sur lesquelles il faut prendre position... (Remarque.) Monsieur Velasco ?
M. Alberto Velasco (S). Madame la présidente, eu égard au fait que je ne tiens pas à voter la recevabilité de cette initiative et que, pour des raisons qu'on peut comprendre, je ne peux pas m'abstenir comme le fera le groupe socialiste, je vous informe qu'avec ma collègue Schenk-Gottret nous ne participerons pas au vote. Je tiens à ce que cela figure au Mémorial.
Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 140 est adoptée par 87 oui (unanimité des votants).
Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 140 est adoptée par 86 oui (unanimité des votants).
Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 140 est rejetée par 71 non et 13 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de scinder l'initiative 140 est rejetée par 71 non contre 13 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 140 est rejetée par 70 non et 13 abstentions.
Mise aux voix, l'invalidation partielle de l'initiative 140 est rejetée par 70 non contre 2 oui et 11 abstentions.
Mise aux voix, l'exécutabilité de l'initiative 140 est adoptée par 74 oui contre 6 non et 3 abstentions.
Mise aux voix, la recevabilité de l'initiative 140 est rejetée par 69 non et 10 abstentions.
L'initiative 140 est donc déclarée invalide.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat IN 140-A (sur la validité et la prise en considération de l'initiative).
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 140-B.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous soumettre cette résolution concernant la sauvegarde des emplois de préparateurs en pharmacie... (Remarque. Brouhaha.) Monsieur le député, personne n'ayant demandé la parole, les signataires ont dit qu'il n'y aurait pas de débat. (Brouhaha.) Je suis désolée, Monsieur Velasco, mais personne ne demande la parole ! (Brouhaha.) Nous allons donc nous prononcer sur le renvoi de cet objet au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la résolution 559 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 85 oui et 2 abstentions. (Applaudissements à la tribune à l'annonce du résultat.)
Premier débat
La présidente. L'urgence a été demandée par le Conseil d'Etat. La rapporteure est Mme Janine Hagmann, que je prie de prendre place à la table des rapporteurs. Madame la rapporteure, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ? (Brouhaha.) Je vous donne la parole.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Je voulais juste attendre un peu de silence, Madame la présidente. Pour une fois que nous parlons formation, autant le faire dans de bonnes conditions ! (Brouhaha.)
La présidente. Vous avez tout à fait raison, Madame la rapporteure. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, il y a trop de bruit... Je vous demande de faire silence et vous rappelle qu'à 22h30 nous avons encore un huis clos concernant des naturalisations, donc...
Mme Janine Hagmann. On peut changer de sujet. Je vous remercie, Madame la présidente. Vous savez combien j'ai toujours plaisir à vous parler des HES - les Hautes écoles spécialisées. Chacun a ses chouchous !
En l'occurrence, après des hauts et des bas, le domaine «Musique» entre dans la grande famille des HES. La HES-SO Genève est heureuse d'accueillir une septième école de niveau HES en son sein. Genève est évidemment fière d'avoir obtenu la reconnaissance de la Confédération pour les filières professionnelles, et du Conservatoire de musique de Genève et pour la filière professionnelle de l'Institut Jaques-Dalcroze. Je tiens à souligner entre parenthèses que l'Institut Jaques-Dalcroze et le Conservatoire n'offriront désormais que des filières non professionnelles, alors que la nouvelle école, la Haute école de musique - HEM - ne proposera que des formations musicales professionnelles.
La date butoir pour la mise en oeuvre de ce changement, c'est le 1er janvier 2009. Si vous votez cette loi ce soir, ce que j'espère, le département de l'instruction publique pourra préparer les changements importants qui sont induits par cette loi, tant pour le personnel qu'en termes de structures.
Certains le savent, mais j'aimerais souligner ici combien il est difficile de mettre en place ce qui doit aboutir à une formation exigeante et excellente, une formation des métiers reconnue par l'Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie - OFFT - et dans laquelle chaque canton retrouve la qualité des diplômes proposées à ses étudiants.
Les membres de la commission intercantonale qui m'accompagnent à Lausanne savent que pour faire aboutir une idée généreuse comme celle des HES, il faut beaucoup de concertations, beaucoup de discussions et pas trop de cantonalisme !
Le département de l'instruction publique va vous présenter deux amendements qui n'ont pas pu être traités en commission, car ils dépendaient d'une décision du canton de Neuchâtel, décision intervenue entre le moment où la commission a traité cette loi et ce soir. (Brouhaha.) Sachez toutefois que la commission s'est brièvement réunie ce soir à 19h et a accepté à l'unanimité les amendements que le département de l'instruction publique va vous soumettre.
J'aimerais aussi que vous sachiez que les deux écoles genevoises concernées ont exprimé leur satisfaction sans aucune restriction. Genève a la chance d'avoir, entre autres, deux écoles d'une qualité exceptionnelle. L'Institut Jaques-Dalcroze est reconnu loin à la ronde. D'ailleurs, je ne peux m'empêcher de vous raconter une anecdote ! Il y a quelques années, nous avions déjà débattu de Jaques-Dalcroze ici et notre ancienne présidente, Mme Christine Sayegh, toujours active à Jaques-Dalcroze, avait fait le pari avec moi que nous arriverions à parler de «Nix Nax Nox», le fameux spectacle commémoratif de l'Institut Jaques-Dalcroze. Cette évocation nous a liées au point que chaque fois que nous nous rencontrons, nous parlons de Jaques-Dalcroze et de son «Nix Nax Nox». Quant au Conservatoire de musique de la place-Neuve, le grand conservatoire, tout le monde reconnaît la qualité de ses diplômes.
C'est pourquoi, afin que cette nouvelle école de musique puisse entrer en fonction d'une façon optimale dès le 1er janvier prochain, je vous recommande d'accepter ce projet de loi, comme la commission l'a fait à l'unanimité. Et je demanderai ensuite au département de l'instruction publique de nous présenter les amendements intervenus entre les travaux de la commission et ce soir.
Mme Virginie Keller (S). On devait normalement examiner ce projet de loi lors des extraits, il me semble. Deux amendements sont présentés ce soir à la dernière minute, ce qui a pour conséquence qu'on peut dire quelques mots sur ce projet de loi, ce n'est finalement pas plus mal.
Evidemment, le groupe socialiste a voté ce projet de loi, comme la commission de l'enseignement supérieur, à l'unanimité. Il a salué la création de la Haute école de musique de Genève. C'est un pas très important, du point de vue de la reconnaissance des diplômes genevois et de la qualité de l'enseignement de la musique à Genève. Nous sommes évidemment très fiers de cela.
Ce changement n'est pas anodin pour les institutions, comme l'a dit Mme Hagmann. Cela signifie pour ces deux écoles qu'elles vont devoir scinder l'enseignement de base et l'enseignement professionnel. C'est une énorme réforme: cinq années de transition seront nécessaires pour que les enseignants passent d'un statut à l'autre et qu'ils puissent être au clair en ce qui concerne leurs taux d'activité, etc. Ce sera donc un sacré bouleversement.
C'est l'occasion de dire quelques mots sur une réforme attendue, celle de l'enseignement musical de base. Si l'on veut des écoles professionnelles de qualité, dans lesquelles arrivent des enfants et des jeunes qui soient bien formés, cela nécessitera aussi une réforme de l'enseignement musical de base.
L'autre avantage pour Genève, avec cette Haute école de musique, c'est que cette création entraînera une augmentation des subventions fédérales. On peut déjà s'en rendre compte dans les scénarios de budgets des prochaines années. Et le souhait que les socialistes aimeraient formuler ce soir au sein de ce Grand Conseil, c'est que les quelques millions de francs obtenus de la Confédération ne servent pas de prétexte au canton pour faire des économies sur le dos de la musique. Pour que le Conseil d'Etat puisse mener à bien la réforme de l'enseignement musical de base, il nous semble très important que les millions de francs économisés d'un côté par le canton puissent être réinjectés de l'autre. Parce que si l'objectif de la réforme de l'enseignement de base est bien de diversifier l'enseignement, elle a également pour but d'améliorer l'accès à l'enseignement de la musique et sa démocratisation. Voilà donc notre souhait et nous espérons que le Grand Conseil s'en souviendra lorsqu'il discutera, en commission de l'enseignement, du projet de réforme de l'enseignement de base.
Nous sommes très heureux de fêter la naissance de cette Haute école de musique et nous voterons évidemment le projet de loi et les amendements proposés.
M. Pierre Weiss (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, parfois l'on confond vitesse et précipitation. Et dans l'examen de ce projet de loi qui nous a été présenté comme urgent - il l'est - peut-être aurions-nous dû davantage écouter certaines voix qui souhaitaient des auditions supplémentaires, notamment s'agissant de l'Institut Jaques-Dalcroze.
Je voudrais simplement dire ici que nous aurions à cet égard pu, par exemple, présenter un amendement pour faire en sorte de pérenniser le nom de cet illustre compositeur genevois dans le nom même de la HEM: «Haute école de musique - Conservatoire de Genève Jaques-Dalcroze». On nous a expliqué que ce n'était pas possible pour des raisons d'harmonisation formelle. L'explication était probablement convaincante pour la majorité; celle-ci s'en est en tout cas convaincue. Certains ont peut-être aujourd'hui encore des doutes. Je tiens simplement à dire qu'au regard de l'histoire de la musique à Genève, au regard de cette personnalité, il est parfois dommage que les règles bureaucratiques empêchent une personnalisation des institutions. Au fond, c'est aussi un manque de respect à l'égard de ces institutions. De plus, pour cette haute école de musique, en termes de marketing, de recherche de marchés et d'attractivité pour de futurs étudiants, la disparition de ce nom est un préjudice que nous avons d'une certaine façon accepté.
Les choses sont ainsi ! Peut-être qu'un jour la réinterprétation de la législation fédérale par les bureaucrates et la volonté des politiques réussiront-elles à faire en sorte que l'on puisse procéder à cette personnalisation des noms des institutions. Après tout, qui sait, peut-être y aura-t-il d'autres compositeurs auxquels nous pourrons ainsi rendre hommage ?
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est redemandée par Mme Virginie Keller.
Mme Virginie Keller (S). Juste une remarque, Madame la présidente, parce que M. Weiss a évoqué cet aspect. Nous avons effectivement été quelques-uns au sein de la commission à nous inquiéter de la disparition du nom de l'Institut Jaques-Dalcroze. Nous nous sommes également inquiétés du fait que les statuts de la fondation créée pour gérer la haute école ne prévoient pas un siège pour un représentant de l'Institut Jaques-Dalcroze, alors qu'il y a un siège pour un représentant du Conservatoire, entre autres.
On nous a expliqué qu'on pourrait faire en sorte qu'un des enseignants qui siégera dans cette fondation provienne de l'Institut Jaques-Dalcroze. Nous espérons que cela sera le cas. La commission n'avait malheureusement pas la compétence pour s'ingérer dans la rédaction des statuts de la fondation.
Nous, commissaires socialistes, avons néanmoins exprimé nos regrets à ce sujet et nous espérons que lorsque la fondation sera instituée, on pourra laisser une bonne place à l'Institut Jaques-Dalcroze et faire en sorte que ce nom apparaisse clairement dans le programme de la Haute école de musique, en reconnaissance de tout ce que cette école a apporté à Genève, comme l'a très bien dit M. Weiss.
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, je fais voter la prise en considération du projet de loi 10172.
Mis aux voix, le projet de loi 10172 est adopté en premier débat par 53 oui et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que le 11e considérant (nouveau) et les articles 1A, lettre d (nouvelle) à 20A (nouveau).
La présidente. A l'article 20B, nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat. Je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Charles Beer.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite évoquer rapidement ce qui n'est pas un rebondissement ou un événement qui serait survenu de manière totalement imprévue. Tout simplement, le décalage entre les travaux de la HES-SO et ceux de la commission de l'enseignement supérieur n'ont pas permis de produire à temps l'amendement escompté.
Avec cet amendement, il s'agit de créer une base légale permettant une collaboration pour une reprise du Conservatoire de musique neuchâtelois - en effet, cette collaboration s'effectue avec le canton de Neuchâtel. Donc, ce que nous demandons, ce n'est pas d'imposer une restriction au canton de Neuchâtel, mais bien de permettre, cas échéant, l'exploitation d'un conservatoire dans un autre canton, puisqu'il s'agira d'un «site de formation HEM» au sens de l'alinéa 3 nouveau que je vous propose ici. Je reprendrai la parole sur le fond même lors du troisième débat.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons d'abord nous prononcer alinéa par alinéa sur l'article 20B, But de la fondation (nouveau).
Mis aux voix, l'alinéa 1 de l'article 20B est adopté par 62 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'alinéa 2 de l'article 20B est adopté par 63 oui et 1 abstention.
La présidente. Voici l'amendement proposé par le Conseil d'Etat, soit un alinéa 3 (nouveau): «Elle peut exploiter un site de formation HEM dans un autre canton de la HES-SO. Dans ce cas, le Conseil d'Etat fixe les conditions d'exploitations spécifiques, en liaison avec le canton du site.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 64 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 20B ainsi amendé est adopté par 65 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 20C (nouveau) est adopté, de même que l'article 20D (nouveau).
La présidente. A l'article 20E, Approbation de statuts (nouveau), nous sommes saisis d'un amendement concernant la composition du conseil de fondation de la HEM, telle que mentionnée aux pages 17 et 18 du rapport. Le Conseil d'Etat nous propose un nouvel alinéa 4 à l'article 5 des statuts de la fondation de la HEM-CSMG. Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. A l'article 5 des statuts, je propose l'ajout d'un nouvel alinéa 4 qui permette d'intégrer dans le conseil de fondation de la HEM un représentant des écoles en question, les sites de formation des autres cantons. Il s'agit d'une modification statutaire concrétisant l'amendement que vous venez de voter.
La présidente. Je lis cet amendement: «En cas d'exploitation d'un site de formation HEM dans un autre canton de la HES-SO, le conseil intègre en plus un représentant de ce canton, désigné par celui-ci, en tant que membre ordinaire.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 63 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 20E (nouveau) ainsi amendé est adopté par 61 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je ne souhaite pas utiliser trop de temps parce que je sais que les minutes sont comptées. Je souhaite toutefois accorder l'importance qu'il y a lieu de consacrer à un débat comme celui du développement des HES par la concrétisation des hautes écoles de musique.
Je souhaite d'abord rendre un vibrant hommage à l'ensemble des acteurs des deux institutions concernées, à savoir l'Institut Jaques-Dalcroze et le Conservatoire de musique de Genève. En effet, ces deux institutions vivent aujourd'hui une situation qui est très difficile à vivre, très douloureuse en termes de réorganisation. Ces deux entités se trouvent en effet partagées en deux dans le présent projet de loi: partagées d'une part entre la partie scolaire de l'enseignement musical de base et préprofessionnel et, d'autre part, la partie professionnelle, la Haute école de musique.
Le Conservatoire de musique de Genève ne sera donc plus ce qu'il était; l'institut Jaques-Dalcroze, qui continue à exister, ne sera plus ce qu'il était. Les parties de l'enseignement supérieur de chacune des deux entités se trouvent ainsi réunies en une partie: une Haute école de musique et un Conservatoire supérieur de musique. C'est une grande page de l'histoire de Genève qui s'écrit aujourd'hui, page sur laquelle s'inscrit l'adieu à un patrimoine tout de même important sur le plan institutionnel. Et au moment de voter une nouvelle loi, je crois qu'il faut en avoir conscience.
J'aimerais remercier l'ensemble des acteurs de cette réorganisation, très profonde parce qu'elle va dans deux sens différents. Elle va ici dans le sens de la professionnalisation, avec la création de la Haute école de musique. Elle va dans le sens d'une étatisation, il faut bien le dire, puisque la HES est dotée de statuts de droit public. En même temps, cette réorganisation va dans le sens d'une libéralisation - si j'ose employer ce terme - de l'enseignement musical de base dispensé par l'Institut Jaques-Dalcroze, mais également par le Conservatoire de musique de Genève, le Conservatoire populaire de musique et encore les autres écoles qui sont concernées.
Donc non seulement il y a partition, réorganisation, fusion, mais également, dans des sens contraires, l'étatisation pour une part et pour l'autre part la libéralisation. Ce sont très exactement les volontés qui se sont dégagées de nos travaux et des décisions populaires, notamment lorsqu'il s'est agi de proposer un contreprojet à l'initiative 106, au moment de concrétiser la HES.
J'aimerais ensuite, si vous me le permettez, évoquer la douloureuse page qu'a constituée la création de la Haute école de musique pour certains cantons. Puisque si Genève pouvait s'enorgueillir d'avoir à la fois deux écoles qui répondaient aux critères qualitatifs requis pour devenir des HES, tel n'a pas été le cas de trois autres cantons dont les conservatoires n'ont pas été reconnus. Les travaux ont donc été entamés d'abord au sein de la CDIP - Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique - puis au sein de la HES de Suisse occidentale, au sein du comité stratégique, pour trouver une solution politique qui permette d'éviter la fermeture de ces conservatoires, à Neuchâtel, à Fribourg et dans le canton du Valais.
Aujourd'hui, Genève a donc décidé, par la volonté du Conseil d'Etat et par celle du Conseil d'Etat neuchâtelois, de consacrer une collaboration dont les conséquences seront, bien entendu, présentées dans le détail à la commission de l'enseignement supérieur. J'en prends l'engagement du point de vue de la philosophie et de la concertation qui a animé nos travaux tout au long de ces séances.
J'aimerais terminer en remerciant la commission, son président notamment, puisque nous avons mené nos travaux avec l'efficacité nécessaire. J'aimerais aussi remercier Mme la rapporteure pour son travail important qui nous permet de nous prononcer en toute fiabilité sur une décision qui a une portée historique et qui, à travers ses déclarations, vos déclarations, nous a montré qu'il est toujours douloureux de tourner une page de l'histoire, même lorsqu'il s'agit d'en écrire une plus glorieuse ! (Applaudissements.)
Troisième débat
La loi 10172 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10172 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 68 oui et 9 abstentions.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la résolution 562, pour laquelle vous avez accepté le traitement en urgence.
Mise aux voix, la résolution 562 est adoptée et renvoyée à l'Association «Le Respect, ça change la vie» par 56 oui (unanimité des votants).
La présidente. Il nous reste un objet à traiter en urgence, le point 97. Nous l'examinerons demain à 17h, puisque nous devons débuter le huis clos.
En conséquence, je demande au Conseil d'Etat de bien vouloir se retirer, aux personnes qui sont à la tribune de bien vouloir la quitter, aux huissiers de fermer les portes et à Mme la mémorialiste de couper les micros et la retransmission à Léman Bleu. Je vous remercie.
La séance publique est levée à 22h15.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.
Le rapport de commission RD 736-A est renvoyé à la commission de réexamen en matière de naturalisation.
La séance est levée à 23h.