Séance du
mardi 29 avril 2008 à
20h30
56e
législature -
3e
année -
7e
session -
40e
séance
M 1703-A
Débat
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le plaisir, pour la troisième fois aujourd'hui, de débattre avec mon collègue et ami Velasco, qui va probablement être surpris - et d'autres aussi - par la façon dont je vais aborder cette proposition de motion.
Au fond, la question mise en évidence par les motionnaires est celle de l'incohérence. Une incohérence dans la façon dont les salaires du petit et du grand Etat sont établis dans le cadre d'un carcan qui semble extrêmement strict. Pour illustrer cette incohérence, je vais vous présenter trois types d'inégalités, non pas individuelles, mais collectives.
Il y a d'abord des inégalités collectives internes au petit Etat en matière d'évolution salariale. J'en veux pour preuve les éléments que nous a fournis le Conseil d'Etat lorsqu'il nous a montré comment ont évolué les salaires de la majorité de la fonction publique du petit Etat et ceux de certaines catégories, probablement fort syndiquées, ou qui ont trouvé des rhéteurs habiles pour les défendre.
Prenons l'évolution de l'indice des prix à la consommation à Genève entre 1991 et 2006, qui est de 26%: la fonction d'inspecteur de police, par exemple, a évolué jusqu'à 147% par rapport aux 126% de l'indice des prix à la consommation. Probablement a-t-elle trouvé de meilleurs défenseurs que les maîtres du secondaire, dont les salaires n'ont évolué «que», si j'ose dire, de 100 à 118% par rapport à 1991. Voilà deux exemples qui montrent combien le petit Etat favorise les uns, désavantage les autres, collectivement, sans prendre en considération les prestations individuelles.
A l'intérieur du grand Etat se trouve un deuxième exemple d'inégalité collective entre les entreprises bénéficiaires, qui n'ont pas besoin de subventions de l'Etat, et celles qui sont déficitaires et qui ont, elles, besoin de l'Etat, c'est-à-dire de nous, contribuables, pour réussir à faire évoluer leurs salaires. Il y a par exemple - certains d'entre nous le savent pertinemment - une évolution des salaires, voire des bonus, à l'intérieur des SIG, alors qu'il n'en va pas de même aux HUG. Je relève au passage que les SIG sont, pour la majeure partie de leurs activités, dans une situation de monopole mais, pour une autre partie, dans une situation concurrentielle et, s'ils ont un public captif, ils ne bénéficient en tout cas pas de subventions de l'Etat. Les HUG, en revanche, sont dans une situation qui les oblige à recevoir une subvention de l'Etat et des assurés, des assurances-maladie, et cet établissement fait donc évoluer différemment ses salaires.
Prenons à présent le troisième exemple, celui qui nous vaut cette proposition de motion: les TPG. Ils sont quant à eux dans une situation déficitaire et, néanmoins, l'évolution des salaires y est supérieure à celle de l'Etat. Bien entendu, les salaires des conducteurs de TPG augmentent nettement plus que ceux des enseignants du secondaire, mais vous me direz que l'utilité des transports est plus grande que celle de la culture, ce qui n'est pas nécessairement mon avis ! Si vous prenez une même classe de fonction, à savoir celle d'un mécanicien, vous voyez qu'à l'Etat de Genève, pour la période 1991-2006, un mécanicien perçoit 80 650 F, lorsqu'il est au maximum - en annuité 13 de la classe 10 - et que, si ce dernier est transposé aux TPG, au lieu de toucher ces 80 650 F, il en perçoit tout à coup 87 871 F et 63 centimes - il ne faut jamais négliger les centimes ! Pour quelle raison les TPG peuvent-ils offrir 7 000 F de plus pour la même fonction, dans la même classe que l'Etat de Genève, alors qu'ils sont subventionnés ?
Cette situation met en évidence les limites de l'autonomie dans la gestion des entités publiques autonomes, mais également la nécessité d'un contrat de prestations pour l'évolution desdits salaires.
J'ajouterai qu'il existe une troisième inégalité collective, celle entre les subventionnés, mais je ne développerai pas davantage ce point.
Pour ces raisons d'incohérence et d'insuffisant regard sur ce qui se passe au sein du petit Etat, entre le petit et le grand Etat, et au sein du grand Etat, il est nécessaire d'adopter cette proposition de motion, bien que les commissaires aux finances n'aient pas tous approuvé les considérants des motionnaires, par exemple celui mentionnant leur souci d'éviter toute disparité. Ce n'est pas le point de vue de certains commissaires, notamment des libéraux. Ils considèrent néanmoins qu'il y a des explications à donner et que celles qui ont été fournies par le Conseil d'Etat en commission méritent d'être développées, ce qui est une façon de dire qu'elles sont insuffisantes. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en reparler avec le conseiller d'Etat lors de son arrivée prochaine, j'imagine, Madame la présidente ! Pour ces raisons, il est nécessaire, puisqu'il ne nous entend pas aujourd'hui, qu'il nous réponde demain et que nous lui renvoyions donc ce texte qui a bénéficié en commission d'un large soutien des partis de l'Entente et de la majorité parlementaire de droite. Je vous remercie, Madame la présidente, d'avoir accueilli l'annonce de cette proposition de motion avec le sourire !
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité, vous êtes donc contre les disparités... (Commentaires de M. Pierre Weiss.) Attendez ! Vous avez relevé de manière critique les disparités collectives qui existent, mais vous ne voulez pas les limiter. Comprenne qui pourra ! En réalité, je peux vous suivre: il existe déjà des disparités entre toutes ces entreprises autonomes, mais qu'il y en ait en plus par rapport à l'Etat, je ne peux que vous l'accorder, cela pose problème ! Mais cela provient de l'autonomie, du type d'autonomie que nous avons accordé. Lorsque nous leur avons octroyé l'autonomie, nous n'avons pas créé des entreprises totalement autonomes, nous avons fait des «indépendances autonomes», qui avaient donc quand même besoin de l'Etat - c'est-à-dire que les risques et les financements appartiennent à ce dernier - mais qui étaient, en revanche, autonomes et indépendantes en ce qui concerne de nombreux autres éléments, comme les salaires, les bonus, etc.
Et vous savez très bien, Monsieur le rapporteur de majorité, que je me suis moi-même élevé contre cela. En effet, je considère qu'il existe une loi, la LGAF, qui cadre très bien cela et stipule clairement que, pour les entreprises autonomes, notamment subventionnées par l'Etat, les niveaux salariaux doivent être compris entre les maxima et les minima de la loi. Ils ne peuvent pas les dépasser. Or, pour pouvoir excéder cette fourchette, on s'arrange pour qu'il y ait des compléments, sous forme de bonus et de prestations autres, qui ne font pas partie du salaire mais des dédommagements, et qui permettent ainsi d'atteindre les salaires qu'on connaît.
Les motionnaires nous disent, je cite: «Cette motion n'a pas pour but de démotiver les employés des TPG, ni de toucher à la qualité et à l'efficience des transports publics genevois. Mais il convient aujourd'hui de mettre fin à une disparité de traitement qui touche les fonctionnaires.» Jusque-là, nous sommes tous d'accord ! Mais alors, cher collègue, que fait-on de la disparité ? Devons-nous niveler par le bas ou par le haut ? Là est la question ! En d'autres termes, doit-on aligner les salaires des TPG sur ceux de la fonction publique, par exemple des enseignants, ou alors relever les salaires des enseignants pour les aligner sur ceux des TPG ? Que fait-on ? Je comprends ce que vous voulez ! Vous souhaitez aligner les TPG sur le dénominateur le plus petit !
M. Pierre Weiss. Non !
M. Alberto Velasco. Vous le direz tout à l'heure, mais j'ai cru comprendre que c'était votre désir.
M. Pierre Weiss. Vous avez mal compris !
M. Alberto Velasco. Peut-être ! Madame la présidente, M. le rapporteur de majorité me dit que j'ai mal compris et qu'il ne veut pas aligner les salaires sur le dénominateur le plus petit. Moi je pense qu'il faut créer un dénominateur commun pour que, à fonction égale et responsabilités égales, il y ait le même salaire. Un fonctionnaire doit avoir droit au même traitement qu'il soit dans le petit ou le grand Etat. C'est extrêmement important ! Sinon, on assiste à ce qu'on a pu voir dernièrement.
En outre, je considère que ces entreprises publiques sont dans des marchés qu'on peut appeler «monopolistiques» - pour moi, ce ne sont pas des marchés, mais certains le croient et ils sont intervenus. Ces entreprises sont des monopoles et fournissent des prestations, elles ne sont, la plupart du temps, pas en concurrence. Si c'est le cas, l'Etat est derrière et se porte garant en cas de déficit ou de situation difficile financièrement. On l'a vu tout à l'heure avec la Banque cantonale de Genève, l'Etat était là: pas de problème !
Par conséquent, je ne pense pas que, dans ces établissements, on puisse parler de risques. Je ne pense pas non plus que les personnes soient obligées de parcourir des milliers de kilomètres - mettant ainsi en cause leur famille - pour attaquer des marchés. On ne leur demande pas non plus d'augmenter la sphère du marché ou des prestations au-delà de la République et canton de Genève... Je veux dire par là que toutes ces entreprises autonomes ont un périmètre d'action entièrement limité à notre république et, par conséquent, on sait très bien quels sont les risques. Et je considère que le moment est arrivé que cette république ait une politique salariale juste et équitable pour tous les fonctionnaires. Toutefois, les TPG, comme vous le savez, ont des CCT - des contrats collectifs de travail.
M. Pierre Weiss. Ils ont aussi des subventions !
M. Alberto Velasco. Oui ! Et ces contrats collectifs de travail ont été négociés entre les syndicats et la direction. Et j'imagine mal que l'on puisse dire aux TPG: «Vous allez devoir vous aligner sur les enseignants; par conséquent, on va baisser vos salaires de 20%.» Cela ne me paraît pas envisageable ! Et c'est l'une des raisons pour lesquelles, nous, socialistes, ne pouvons pas adhérer à cette proposition de motion, parce qu'elle est en réalité très perfide. Elle indique qu'il y a une disparité et qu'il faut arranger les choses, mais elle n'explique pas comment ! Elle ne spécifie pas s'il faut aligner les salaires du bas sur ceux du haut ou l'inverse ! Rien n'est dit à ce propos, Monsieur le rapporteur de majorité ! J'en conclus que, de manière très perfide, on est en réalité en train d'attaquer le pouvoir d'achat d'un certain nombre de personnes. Pas forcément celles des classes du haut, de la direction, non ! On s'attaque précisément au pouvoir d'achat de ceux que j'appelle «les fonctionnaires», qui sont les plus affectés par les non-indexations successives.
M. Pierre Weiss. Le PDC n'est jamais perfide !
M. Alberto Velasco. C'est vous qui le dites ! Vous connaissez ce parti mieux que moi ! Moi je ne côtoie pas ses membres dans le cadre de l'Entente comme vous ! C'est peut-être pour cela que j'ai une vision différente !
En l'occurrence, Mesdames et Messieurs les députés, je pense que le personnel des TPG, notamment le personnel roulant, a un travail très difficile et très stressant. Du reste, il y a presque eu une grève l'année passée, parce que ces gens n'en pouvaient plus. Il a fallu réévaluer leur situation, et j'imagine mal qu'on puisse maintenant dire à ce personnel, qui en plus est celui de production: «Ecoutez, vous avez négocié avec les syndicats, vous avez obtenu de nombreuses choses, c'est très bien, mais il faut revenir en arrière, parce que vous devez maintenant gagner le même montant que la classe salariale du petit Etat.» Si vous agissez ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, ce sera la révolution dans cette république ! Il y aura des grèves aux TPG ! Et savez-vous, Monsieur le rapporteur de majorité, pourquoi, lorsqu'il y a eu les grèves du petit Etat, le personnel des TPG ne s'y est pas rallié ? Parce qu'il avait des conditions financières telles qu'il n'avait pas besoin de se joindre à cette grève et d'imiter les mouvements de la fonction publique du petit Etat ! Alors si vous alignez les salaires des TPG sur ceux de l'Etat, c'est bien pour nous, mais vous allez créer une masse critique telle qu'elle va impulser des mouvements sociaux assez intéressants...
Par conséquent, telle que cette proposition de motion nous est présentée, je pense qu'on ne peut pas l'accepter. En effet, je le répète, il n'y a rien qui indique que les traitements ne seront pas péjorés.
M. Pierre Weiss. On pourrait alors l'amender ?
M. Alberto Velasco. Oui, c'est une possibilité. Nous verrons d'ici à la fin de la séance si mes collègues socialistes ont des propositions à faire à ce sujet. En tous les cas, en l'état, je pense qu'on ne peut pas accepter une proposition de motion qui laisse des portes ouvertes, dans la mesure où l'on ne sait même pas qui va s'aligner sur qui.
M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, bien que j'aie voté non à cette proposition de motion, j'en ai apprécié la question de fond, qui est celle de savoir si une entité publique autonome, largement financée par l'Etat, pouvait avoir la liberté de mener une politique salariale propre à l'établissement, qui tienne compte de son esprit d'entreprise et respecte rigoureusement son contrat de prestations ainsi qu'un plan financier accepté par ce parlement. Pour moi, la réponse est oui, même si la disparité de salaires entre les TPG et ce qu'on appelle communément le petit Etat peut sembler de premier abord quelque peu choquante. Et encore faut-il tempérer cette fameuse différence salariale, car il est difficile de comparer deux salaires pour deux fonctions différentes, qui plus est lorsque des employés des TPG n'ont pas de statut de fonctionnaires.
L'UDC est d'avis qu'il ne faut rien changer, tant la question est complexe et même risquée. Considérez par exemple les comptes 2007 des TPG, qui dégagent un résultat net positif exceptionnel, dont une partie revient à l'Etat, au titre de contribution au renouvellement des infrastructures de transport aériennes et de sol !
En revanche, l'UDC estime que l'on peut régler ce problème par le contrat de prestations, raison pour laquelle elle refusera la proposition de motion 1703.
M. Pierre Losio (Ve). Il a été dit tout à l'heure, à propos d'un autre projet qui nous était soumis, qu'il ne convenait pas que le parlement se mêlât des rapports entre l'employeur et l'employé. En outre, nous avons entendu, lors d'une précédente session du Grand Conseil, de grands discours sur la gouvernance, sur la nécessité de dépolitiser les conseils d'administration et sur le fait qu'il fallait laisser l'entreprise gérer sa politique, dans le cadre notamment des contrats de prestations.
Nous sommes effectivement d'avis qu'il convient de respecter l'autonomie des établissements publics autonomes et voyons d'un très mauvais oeil cette tentative de normaliser et de s'insérer subrepticement dans la politique de l'entreprise. Cette dernière a une culture, une tradition de négociations parfois difficiles entre l'employeur et les employés, et nous pensons ne pas devoir nous en mêler. Si des modifications devaient être apportées, il faudrait d'abord passer par des propositions qui figureraient dans un contrat de prestations et négocier auparavant avec la direction au sein du conseil d'administration et avec les organisations représentatives du personnel.
Nous sommes donc résolument opposés à cette proposition de motion et nous inquiétons en outre de ce qu'une telle entreprise de normalisation pourrait créer un conflit social dont les TPG n'ont vraiment pas la nécessité actuellement, puisqu'ils sont en pleine phase de développement et que la politique de transports publics se dirige vers toujours plus d'offres. Nous y voyons donc également un danger de remise en question de la paix sociale dans cette entreprise.
Pour toutes ces raisons, nous refuserons cette proposition de motion.
M. Ivan Slatkine (L). J'ai été très attentif aux propos de mes préopinants, tant Vert que UDC, voire socialiste. Pour le parti libéral, l'autonomie des établissements publics autonomes est primordiale et il faut pouvoir conserver au sein de ces établissements une politique qui soit détachée du Grand Conseil.
Si on lit cette proposition de motion au premier niveau, on peut approuver les propos qui viennent d'être tenus. Mais qui établit le contrat de prestations ? C'est le Conseil d'Etat ! Il faut donc bien, à un moment, lancer un message politique ! D'ailleurs, cette proposition de motion constitue un tel message, qui consiste à demander au Conseil d'Etat, lors de l'établissement du prochain contrat de prestations, d'étudier et d'insister sur ce problème de la rémunération au niveau des transports publics, rien de plus.
D'autre part, on peut regretter que l'invite n'ait pas été amendée mais, personnellement, n'étant pas un spécialiste des propositions de motions, je ne sais pas si on aurait pu le faire. Il y a là effectivement matière à discussion mais, ce qui compte pour le parti libéral, c'est le message politique.
J'ai moi-même participé à l'établissement de deux contrats de prestations en tant que député au sein de la commission des transports, et à chaque fois la direction des transports publics nous a expliqué que les mécanismes salariaux posaient des difficultés, qui n'étaient pas uniques, mais qui font partie d'un problème au niveau des TPG. Il s'agit donc aujourd'hui d'adresser un message politique. Le parti libéral soutient par conséquent le renvoi de ce texte au Conseil d'Etat, parce que nous souhaitons que ce dernier fasse passer dans son prochain contrat de prestations un message politique concernant la rémunération des employés des TPG. Pour ces raisons, je vous remercie de soutenir le rapport de majorité.
M. Christian Brunier (S). Je crois que, lorsque le parlement décide de jouer à l'employeur, cela constitue une dérive et, souvent, cela sème plus de désordre que cela n'amène de solutions. La gauche comme la droite - je le reconnais - nous avons joué à ce jeu de temps en temps car, dans plusieurs situations, le parlement a voulu interférer dans les relations de partenaires sociaux qui doivent avoir lieu entre l'Etat patron - pour l'Etat central, il s'agit du Conseil d'Etat et, pour les entreprises publiques, ce sont les conseils d'administration - et les syndicats. Or, lorsque le parlement interfère, je crois qu'il abuse de son pouvoir, parce qu'il est facile en tant que parlementaire - et je le redis, de gauche comme de droite - de donner des leçons au patron Etat sans en assumer les conséquences. Oui, c'est facile ! Car quelles conséquences un parlementaire va-t-il assumer ? Ce n'est pas lui qui va gérer les conflits sociaux, les négociations et toutes les contraintes liées à la rémunération et aux conditions de travail ! Non, ce seront les conseils d'administration, les directions générales et le Conseil d'Etat selon les cas. Restons donc dans notre rôle, car je pense que nous n'avons pas à jouer celui d'employeur; c'est un abus de pouvoir du parlement ! Aujourd'hui, c'est la droite, de temps en temps c'est la gauche qui l'a fait, et je pense qu'à chaque fois cela a été un échec et que la situation ne s'en est en tout cas pas trouvée améliorée.
Aligner les salaires des TPG sur ceux de l'Etat, je crois que c'est vraiment l'antithèse de la création d'un établissement public. A la rigueur, comme on le fait pour l'Hospice général, on peut se poser des questions et se demander s'il est bien que tel établissement ou tel service soit à l'extérieur ou à l'intérieur de l'Etat; c'est sain et, à mon avis, un signe de bonne gouvernance, car le parlement doit se poser de temps en temps ces questions.
Concernant l'Hospice général, nous avons déposé un projet de loi rappelant que cette institution fournit des prestations sociales de base, et nous pensons donc qu'elles doivent être assumées par un service de l'Etat. En revanche, nous estimons que les transports publics doivent être régis par une certaine autonomie, or cette proposition de motion aurait comme conséquence de couper cette autonomie, alors allez jusqu'au bout ! Dites: «Nous voulons que les TPG deviennent un service de l'Etat.» Ce serait un choix de société, un choix de fonctionnement de l'Etat. Personnellement, je pense que ce serait une mauvaise décision, mais au moins il y aurait davantage de cohérence.
C'est également une violation des bonnes règles de gouvernance. On parle souvent de ces règles, parce que c'est à la mode, mais aussi parce que cela peut vraiment améliorer les choses, alors il faut qu'on y réfléchisse.
Lorsqu'un parlement décide d'établir des contrats de prestations, qui sont des contrats dans la durée, il fixe des objectifs politiques et les évalue de temps en temps. Cela peut éventuellement avoir des conséquences budgétaires, si on le désire. On peut également, bien sûr, amender ces objectifs. Voilà le rôle de la politique. Ensuite, il y a la gestion, et nous avons décidé - je crois que ce fut à une large majorité - de dire que les TPG sont gérés par un conseil d'administration. Or aujourd'hui cette proposition de motion constitue une ingérence dans les affaires du conseil d'administration; c'est une dérive de la bonne gouvernance et nous avons pourtant tous des représentants dans ce conseil d'administration ! Vous n'arrêtez pas de demander à ce conseil d'être efficace, vous avez présenté un projet de loi qui doit prétendument améliorer l'efficacité de ces conseils d'administration, alors laissez-les agir ! Laissez-les assumer leurs responsabilités et gérer l'entreprise, et ensuite vous pourrez les sanctionner ! Si vos administrateurs ou les nôtres font mal leur travail, on peut les changer, mais arrêtons de vouloir déléguer un certain nombre de compétences au conseil d'administration puis, ensuite, de temps en temps, d'interférer dans ces affaires lorsque cela nous arrange ou nous amuse. D'autant plus que la commission n'a pas auditionné les TPG ! D'ailleurs, je pense que c'est aussi une erreur, parce qu'on aurait pu demander à des représentants de tous les partis, de gauche comme de droite, de venir nous raconter ce qui se passe dans le conseil d'administration des TPG. J'y ai siégé à un certain moment et je peux vous dire que c'est un conseil d'administration qui fonctionne bien et dans lequel les différences politiques s'effacent pour que l'avenir de cette entreprise publique soit géré au mieux. Je pense donc que l'audition des TPG n'aurait pas été un luxe.
Finalement, on parle de souplesse, et je pense qu'on doit en faire preuve au niveau de la gestion des salaires. Je vous rappelle que si, lors de l'ouverture du concours pour la gestion des transports publics à Annemasse - vous savez que les TPG gèrent avec la RATP les transports publics de la région d'Annemasse - on avait mis en pratique aux TPG cette proposition de motion, c'est-à-dire appliqué la grille salariale de l'Etat à l'ensemble des employés des TPG, ces derniers n'auraient pas pu gagner ce marché. En effet, ils l'ont obtenu parce qu'ils avaient une souplesse des salaires pouvant s'adapter à la concurrence française. Alors, s'il vous plaît, laissez les TPG agir ! Je crois que c'est important ! En effet, là c'est Genève qui a gagné un marché en France mais, demain, ce sont peut-être les Français qui en obtiendront chez nous. Il faut donc laisser les moyens à cette entreprise publique d'avoir un minimum de souplesse pour gérer convenablement ses affaires.
Concernant la rémunération aux TPG, elle a été un levier de motivation du personnel. Dans le conseil d'administration, la droite comme la gauche étaient d'avis qu'il devait y avoir une rémunération adaptée à chaque métier des TPG, parce qu'il existe des professions particulières. Du reste, vous faites des comparaisons qui n'ont rien à voir ! Car vous en faites avec des gens qui travaillent huit heures par jour mais, aux TPG, le travail s'effectue 24h/24, 7j/7 ! De plus, il y a des métiers très spécifiques et des conditions de marché... Vous n'arrêtez pas de parler de l'économie de marché, mais aujourd'hui - et ce n'est pas nous qui l'avons voulu - le marché des transports publics est ouvert ! Il est en concurrence et peut être remis en concession ! D'ailleurs, vous avez dû voir qu'il y a des multinationales qui se sont établies à Genève et qui essaient de piquer des transports dits publics, notamment ceux du Salon de l'auto. A ce propos, je vous rappelle que, certaines années, ce sont des privés qui ont gagné le marché, qui ont battu les TPG !
M. Pierre Weiss. Une fois !
M. Christian Brunier. Une fois, peut-être, parce que les TPG se sont bien battus, Monsieur Weiss ! Et ils ont bien lutté parce qu'ils avaient la liberté de pouvoir agir. Mais si vous leur coupez cette liberté, ils perdront plus qu'une fois ! Alors, de grâce !
On a l'impression qu'il s'agit d'un projet qui viendrait presque de l'Alliance de gauche, où l'on souhaite tout étatiser ! Moi je pense que vous avez été pris dans une dynamique qui n'est pas très naturelle, et la sagesse voudrait que l'on renvoie ce texte en commission - j'en fais la demande officielle ! - parce que, si on le vote ce soir, les députés ne vont pas se déjuger par rapport à ce qu'ils avaient décidé en commission et il va donc y avoir une majorité pour. En conséquence, je pense que, pour le bien des TPG, pour le bien de la bonne gouvernance de cette république, il faut renvoyer ce projet en commission, auditionner tranquillement les TPG, essayer de bien comprendre les problématiques et analyser ce qui se passerait si cette proposition de motion était appliquée à la lettre. Car je suis sûr que nous pouvons nous retrouver, droite comme gauche, unis pour défendre l'avenir des TPG. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. Nous voterons tout à l'heure votre demande de renvoi en commission.
M. Jean-Marc Odier (R). Ingérence, oui, Monsieur Brunier, bien entendu ! Le Grand Conseil s'ingère dans une politique salariale qui devrait être conduite par les TPG. D'ailleurs, je constate que cette séance diffère un peu des autres, où c'est plutôt nous qui parlons d'ingérence. Alors nous sommes à peu près tous d'accord, mais pas au même moment !
Nous allons renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat, parce qu'elle constitue un signe politique par rapport à une entité dite autonome. Mais l'est-elle vraiment ? Une entité publique, subventionnée à plus de 50%, est-elle réellement autonome ! En effet, je vous rappelle que nous subventionnons à raison de 150 à 160 millions les TPG et que ces derniers ont une politique salariale qui, d'année en année, fait augmenter la masse salariale de 5 millions. Cela péjorera d'ailleurs leurs possibilités de concurrence vis-à-vis de l'ouverture des marchés, lorsque les entreprises d'autres pays pourront venir à Genève soumissionner pour des lignes. Cela a du reste déjà été le cas notamment pour les transports du Salon de l'auto, qui ont été confiés à d'autres entreprises. Je le répète, et l'ex-directrice des TPG nous l'a confirmé à la commission des transports, la masse salariale et le niveau des salaires péjorent donc la capacité à soumissionner. Voilà pourquoi nous allons renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat, car il s'agit d'un signal politique.
Concernant les salaires, si l'on regarde le tableau de la page 14 du rapport, on peut lire que, en 2006, un collaborateur des TPG exerçant la fonction de conducteur gagnait 91 987 F. C'est juste 50% de plus que les salaires dans le privé, qui s'élèvent à environ 5 000 F par mois, soit 60 000 F par année ! Alors qu'aux TPG, c'est 90 000 F !
Voilà pourquoi nous nous permettons, contrairement à d'autres soirs, de dire que, même s'il y a ingérence, il faut donner un signal politique au Conseil d'Etat, pour qu'il soit attentif à ce sujet lorsqu'il renégociera le contrat de prestations, car le Grand Conseil ne suivra plus longtemps à ce rythme-là.
Une voix. Très bien ! Bravo !
M. Guy Mettan (PDC). Si le parti démocrate-chrétien a déposé cette proposition de motion, c'est pour toutes les raisons qui ont été soulignées tout à l'heure par nombre d'entre vous, à savoir qu'il était important à nos yeux et à ceux des personnes qui soutiennent ce texte de donner un signal politique afin d'éviter les dérives salariales, même dans les établissements publics autonomes. En effet, il nous est apparu qu'il existait aux TPG un certain risque de surchauffe salariale et qu'il était dès lors bon que nous exercions notre simple autorité de surveillance.
J'ai bien écouté les propos de M. Brunier, et il a raison de dire que cette proposition de motion est exactement à l'intersection de la problématique de l'autonomie et de notre devoir de surveillance. Mais nous y avons réfléchi d'un autre point de vue, comme d'ailleurs lorsque nous avons rédigé avec MM. Weiss et Hiltpold un préprojet de loi sur la gouvernance des établissements publics visant à renforcer l'autonomie de ces derniers: si on en renforce l'autonomie, il faut également que l'autorité de surveillance remplisse pleinement son rôle. Or, selon nous, en surveillant cette politique salariale au moment où elle menace de surchauffer, nous sommes en plein dans ce rôle de surveillance, je dirai même dans ce devoir.
C'est également pour cette raison que nous avons déposé une proposition de motion. Ce n'est donc pas un projet de loi, ce n'est pas un acte législatif intrusif dans la politique des TPG, mais simplement un avertissement délivrant le message suivant: «Attention ! L'autorité de surveillance vous demande de surveiller votre politique salariale !» Et là, nous sommes en plein dans notre rôle. En effet, il est important d'éviter de trop grandes disparités entre établissements publics autonomes, alors si nous voulons remplir ce devoir de surveillance, nous devons veiller, en tant qu'autorité - soit le Conseil d'Etat, soit le Grand Conseil - à ce qu'il n'y ait précisément pas de trop grandes disparités entre les établissements dont nous avons la responsabilité, et cela par la mise en place de contrats de prestations.
Dès lors que nous voyons qu'aux TPG il existe un risque, nous nous devons de le signaler. C'est la raison pour laquelle nous avons rédigé cette proposition de motion et que nous vous demandons de la renvoyer au Conseil d'Etat. Ce n'est pas une ingérence, c'est simplement notre devoir que d'agir ainsi.
M. Ivan Slatkine (L). Je vais être très bref. Après avoir entendu M. Brunier appeler à un renvoi en commission, je voudrais vous indiquer que le groupe libéral s'y oppose. Je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit: le but est de donner un message politique afin que, lors de l'établissement du prochain contrat de prestations, la problématique des salaires aux TPG soit mieux contrôlée. En outre, j'ajoute que j'ai pris bonne note de l'éloge du parti socialiste sur l'autonomie des établissements publics autonomes, et qu'on aura tout loisir d'en débattre encore à l'avenir, plus particulièrement le 1er juin, lors de la votation populaire sur la bonne gouvernance.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Un seul conseiller d'Etat nous manquait et ce parlement était dépeuplé ! Par bonheur, M. Hiler est arrivé, nous pouvons donc... (Commentaires.) Accompagné de deux assesseurs de qualité, s'il en est ! Il serait difficile de faire mieux !
La proposition de motion qui est soumise à ce Grand Conseil et pour laquelle une majorité propose le renvoi au Conseil d'Etat est un texte dont j'ai dit tout à l'heure qu'il posait le problème de l'incohérence dans les évolutions collectives salariales au sein du petit Etat, entre le petit et le grand Etat, et au sein même du grand Etat. Pour ces raisons, une clarification est nécessaire de la part du Conseil d'Etat, étant entendu que le dogme de l'autonomie doit être préservé. Encore faut-il que, lorsqu'il y a subventions, et subventions aussi fortes que celles qui sont accordées aux TPG par exemple, des précautions soient prises dans le contrat de prestations - et là je rejoins certains orateurs qui se sont exprimés sur ce point, tel M. Losio - pour éviter des dérives. Il y a manifestement eu dérive salariale par faiblesse face aux syndicats dans le cas de cette entreprise.
Il est vrai que nous ne sommes pas dans une situation de statuts individualisés, que j'appelle de mes voeux, mais je relèverai néanmoins que, lorsque nous avons examiné en commission ad hoc un projet de loi de l'Entente sur le statut de la fonction publique - dont je vous signale qu'il est toujours suspendu à l'ordre du jour de ce Grand Conseil - il avait été dit que rien n'était jamais acquis. Un avis de droit avait d'ailleurs été fourni, selon lequel le principe même des droits acquis salariaux avait été considéré comme nul et non avenu.
On peut donc très bien entendre les menaces qui sont faites sur le risque de conflits sociaux mais, en ce qui concerne les conditions juridiques, on ne peut pas exciper de la situation actuelle pour empêcher son évolution dans un sens qui serait défavorable aux intérêts de tel ou tel. Je rappelle cela parce que nous aurons probablement l'occasion d'y revenir, s'agissant du treizième salaire.
En conclusion, je relève simplement qu'il y a eu, dans le cas de l'entreprise ici considérée, dérive de la gouvernance; il y a eu abandon de la bonne gouvernance et il s'agit de faire en sorte qu'à l'avenir le contrat de prestations évite ce genre de problèmes et les exagérations qui ont été rappelées par notre collègue Odier. Lorsque l'on compare les salaires qui sont ceux d'un chauffeur de bus dans le secteur privé, la surprime ou le bonus - peu importe la façon dont vous voudrez l'appeler - qu'offrent les TPG est de 50% et, en tant que gardienne respectueuse des intérêts des contribuables de ce canton, la majorité de la commission - et les libéraux notamment - ne peut accepter pareille situation, raison pour laquelle il nous semble nécessaire non plus de tergiverser, mais de renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat plutôt qu'en commission.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Tout d'abord, j'aimerais dire que ce sont les libéraux qui président les TPG, par conséquent... (Remarque.) C'est un président libéral qui dirige les TPG ! Il faudra donc que vous vous réunissiez entre vous et que vous mettiez les choses au point, parce qu'il y a un problème !
Par ailleurs, je constate que ce que vous voulez, Mesdames et Messieurs, et surtout les libéraux, c'est que, s'il y a détérioration des salaires dans le privé, notamment dans une entreprise de transport privée, on aligne les transports publics sur cette détérioration. En d'autres termes, vous voulez que, chaque fois qu'on baisse les salaires dans le privé - par concurrence, etc. - les TPG s'alignent sur les rémunérations du privé, ce qui oblige cet établissement à les diminuer. Or, s'il existe des CCT entre syndicats et directions, c'est pour fixer des conditions de travail adéquates; je ne sais pas si elles le sont dans le privé, mais je considère que c'est le cas dans le public.
D'autre part, j'aimerais savoir si M. Mettan aurait déposé la même proposition de motion si les employés des TPG avaient gagné beaucoup moins que les fonctionnaires du petit Etat. Supposons qu'il ait fait le constat que les travailleurs des TPG étaient à un niveau salarial inférieur à celui de l'Etat: est-ce qu'il aurait... (Remarque de M. Pierre Weiss.) Oh, mais ils sont subventionnés bien plus que cela ! Est-ce qu'on aurait vu tomber sur ce Grand Conseil une proposition de motion demandant que les salaires des travailleurs des TPG soient alignés sur ceux de l'Etat ? J'en doute ! On aurait vu un texte réclamant que les fonctionnaires de l'Etat s'alignent à la baisse sur les TPG !
Ce que vous voulez en réalité, et c'est la raison pour laquelle je ne suis pas d'accord avec ce texte, c'est une baisse salariale ! Vous voulez une baisse des prestations salariales de toutes ces entreprises publiques autonomes ! De la même manière que vous le faites à l'Etat, où vous vous attaquez aux charges salariales et de fonctionnement, vous vous en prenez aux prestations salariales des entreprises autonomes. C'est cohérent dans votre politique !
Il y a effectivement une dérive, je suis d'accord avec vous - je le pense, pas pour les mêmes raisons - il y a une dérive dans la conception des établissements publics autonomes, on l'a vu dernièrement ! Et l'autorité de contrôle en place à l'époque aurait dû veiller à ce qu'il y ait une cohérence salariale entre les établissements publics autonomes et l'Etat. Mais, pour les raisons que l'on connaît, c'est vous qui avez poussé - ce n'est pas la gauche ! - à encore davantage d'autonomie dans ces entreprises. Vous avez souhaité cela dernièrement avec les transferts d'actifs et vous l'avez voulu à l'époque où vous avez autonomisé ces entreprises. En effet, vous auriez pu prévoir des clauses de contrôle ! Mais vous ne l'avez pas fait et vouliez aller de l'avant. Seulement, tout système a ses côtés pervers ! En l'occurrence, le côté pervers c'est que les directions ont négocié directement avec les travailleurs, parce qu'elles ont un problème et qu'elles doivent le résoudre...
M. Pierre Weiss. Et les syndicats !
M. Alberto Velasco. Et avec les syndicats, effectivement ! Les directions ont négocié et obtenu des améliorations des conditions de travail, et c'est ce que vous remettez en question aujourd'hui avec cette proposition de motion.
Par conséquent, si le Conseil d'Etat devait donner à ce projet une réponse allant dans le sens de ce que vous souhaitez, il est vrai qu'on irait vers des conflits sociaux assez importants. Et je pense que nous avons actuellement d'autres chats à fouetter dans cette république que d'aller dans ce sens-là !
En revanche, il faudra effectivement qu'un jour il y ait une politique salariale des établissements publics autonomes. Cela, je vous l'accorde ! Mais ne commençons pas par demander d'entrée une baisse des prestations et des charges salariales de ces entreprises autonomes ! Non, demandons au Conseil d'Etat d'avoir une cohérence dans la politique salariale entre les établissements publics autonomes et la fonction publique. Sur ce point, je suis d'accord et je pense que le gouvernement devrait aller dans ce sens. Cependant, eu égard au but que vous vous êtes fixé et à l'esprit que vous avez donné à cette proposition de motion, mon groupe considère qu'il faut la rejeter.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Le problème soulevé est assez important et je crains qu'on n'en ait pas tout à fait fixé le périmètre. J'aimerais d'abord vous dire que la masse salariale déterminée par la loi concernant les fonctionnaires de l'Etat est appliquée aujourd'hui dans plusieurs établissements autonomes: les hôpitaux, l'Hospice général, l'Université de Genève, les EMS - structures pourtant privées pour la plupart d'entre elles - et les établissements pour handicapés. Cette extension a une logique, je tiens tout de suite à le dire. En effet, les professions exercées dans les EMS, les EPH et aux HUG sont voisines et il serait extrêmement complexe de gérer un réseau de soins où l'on aurait des changements spectaculaires de salaires selon qu'on travaille dans un EMS, aux HUG, à Joli-Mont ou que sais-je.
Cependant, la masse salariale se monte à 4,2 milliards de francs et, sur celle-ci, le petit Etat ne représente que 2 milliards. On doit donc d'ores et déjà considérer que, dans un certain nombre de cas, l'indexation et le déclenchement des mécanismes salariaux pour des établissements publics autonomes sont faits de façon totalement simultanée. C'est tellement vrai que le Conseil d'Etat va vous présenter des projets de contrats de prestations pour ce type d'établissements, qui sont en francs constants, dans la mesure où il nous est impossible, à vous comme à nous, de deviner ce que sera l'inflation de demain. C'est donc dans le cadre du contrat de prestations que ces questions doivent être réglées, et chacun dans sa compétence - le Conseil d'Etat pour l'indexation, le parlement pour les mécanismes salariaux, puisque c'est une modification légale - doit donner un signal de départ cohérent.
On en arrive ensuite à d'autres établissements publics autonomes. Certains ne sont pas subventionnés, d'autres le sont, comme les TPG, où il existe un mécanisme salarial adapté au métier. Or, pour autant que je m'en souvienne exactement, le problème que connaissaient les TPG, c'est que le métier qu'ils proposent est une activité que les gens faisaient volontiers pendant la période de formation et quelques années, avant de s'orienter vers d'autres professions, raison pour laquelle la pente des mécanismes salariaux doit être pensée en conséquence.
S'agissant de l'indexation, nous allons étudier le sujet, si vous votez cette proposition de motion mais, en dernière analyse, c'est bien le Grand Conseil qui devra prendre ses responsabilités. En effet, de deux choses l'une: soit le contrat est en francs constants, comme tous ceux qui sont liés par les lois et par les conventions collectives établies sur les lois, auquel cas l'indexation devra être appliquée de part et d'autre - c'est la décision du Conseil d'Etat - soit c'est un contrat tout à fait à part et il faudra en évaluer les avantages et les inconvénients.
Je dois dire que, comme historien ayant une certaine mémoire, c'est un vrai délice d'écouter ce débat. En effet, lorsque la rupture a été faite entre l'indexation des TPG et celle du reste de la fonction publique, ce fut une mesure de prévention, parce qu'à l'époque l'Entente souhaitait se prémunir - c'était l'ère du gouvernement monocolore - contre la terrible puissance de frappe d'une grève des TPG, car il y a des grèves plus embêtantes que d'autres ! Bien entendu, cette dissociation avait été à l'époque une immense défaite pour le mouvement de la fonction publique, parce qu'en réalité il avait perdu son principal atout dans la négociation, ce qui s'est vérifié par la suite.
Cela dit, ce que le Conseil d'Etat comprendra de cette proposition de motion, si vous la lui renvoyez, c'est la question de l'indexation, et celle-ci seulement, bien que l'invite, il faut le reconnaître, soit un peu mystérieuse. Mais ce qui a été dit lors des débats en commission, nous l'intégrerons dans ce sens.
Mesdames et Messieurs les députés, à un certain moment, le parlement sera saisi d'un contrat de prestations, et ce n'est pas mon cher collègue, sauf erreur, qui le présentera...
M. Robert Cramer. Je le préparerai !
M. David Hiler. ...mais ce jour-là, il faudra faire une pesée de risques et il sera intéressant de voir ce qui se dit alors.
Quoi qu'il en soit, il est vrai que le problème - et, en cela, je diverge quelque peu d'opinion par rapport à certains députés qui ont soutenu la proposition de motion - c'est à l'évidence le système de l'Etat, de non-indexation en non-indexation, de blocages partiels ou totaux des mécanismes salariaux et, parfois, de rattrapages par la petite porte pour certaines fonctions par des requalifications individuelles. Je rappelle qu'il y a quelque 2000 fonctions qui ne concernent qu'un seul poste, alors que tous les autres sont couverts par 500 fonctions.
Evidemment, on peut imaginer que, d'une façon ou d'une autre, il y avait quelques raisons de privilégier ceux-ci plutôt que les autres, mais, entre les réévaluations collectives acceptées - les unes en 2000, les autres, plus récemment, en 2006 - celles qui ne sont pas acceptées et celles sur lesquelles on a transigé ou qu'on a remplacées par des indemnités, nous avons un système qui défie toutes les règles de l'établissement d'un régime salarial, ce d'autant plus qu'il a vieilli, puisque ses grandes lignes ont été fixées dans les années 70. Nous devons donc nous intéresser à cette question. Une première étape est en cours de discussion, nous en parlerons demain à la commission des finances. La deuxième consistera à établir un système d'évaluation des fonctions mais, en tout cas, il est certain que cela ne peut pas durer ainsi et qu'il faut redonner un minimum de cohérence.
J'ajouterai qu'il faut toutefois être prudent, et là je m'adresse à quelques orateurs du parti socialiste. Il existe un excellent livre écrit par un socialiste français, qui s'appelait de Closets - il s'appelle toujours, d'ailleurs, il est vivant ! - Il en a du reste rédigé d'autres... (Commentaires.) Oui, il est socialiste, de Closets ! Il avait écrit un excellent ouvrage intitulé «Toujours plus», dans lequel il essayait de comprendre ce qui créait les différences de salaires. Assez logiquement, il y avait la branche, c'est-à-dire qu'une secrétaire gagne mieux dans une banque que dans l'industrie du cuir, ce qui est concevable. Il y avait également un autre phénomène, assez fort en France, c'était la capacité de nuisance. Ainsi, la devinette est la suivante: qui, parmi toutes les catégories de salariés, avait la meilleure rémunération ? C'était la Banque de France, évidemment ! En effet, on imprimait à l'époque les billets de banque et le simple arrêt de cette activité, ne serait-ce que deux jours, était très préjudiciable.
La façon la plus simple de résoudre le problème que nous connaissons aujourd'hui, c'est d'indexer régulièrement les salaires de l'Etat et de cesser ce jeu de «stop and go» où les graphiques sont assez parlants: il y a des fonctions où les gens ont tout simplement perdu du pouvoir d'achat à l'Etat; il y en a d'autres qui en ont gagné raisonnablement, et d'autres encore qui sont au milieu. Et cela, depuis 1990. Il n'y a aucun système là-derrière, c'est donc le même appel que celui que je vous ai fait tout à l'heure: si vous voulez qu'on puisse agir comme toutes les collectivités suisses correctement gérées, y compris celles, d'ailleurs, où l'UDC et les radicaux sont assez présents, le plus simple est d'admettre - et de faire l'inverse de ce qu'on a fait à certaines périodes - qu'on indexe et qu'on applique des mécanismes salariaux, mais en calculant les effets qui baissent le coût - ce que nous n'avons pas vraiment vérifié pour les TPG, pas plus que pour l'Etat - c'est-à-dire les changements consécutifs au départ d'employés, et qu'on dimensionne exactement les prestations en fonction de cela. En tous les cas, faire plus désordonné que ce que nous avons, c'est impossible !
Le Conseil d'Etat étudiera cette proposition de motion, si vous la lui renvoyez, mais un jour, la balle sera dans votre camp et ce sera à vous de dire si vous entendez indexer les TPG en même temps que le reste de la fonction publique, c'est-à-dire faire des chiffres en francs constants, ou si vous préférez garder une spécificité. Le Conseil d'Etat, d'ici là, aura pris position sur cet intéressant objet.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Vous vous êtes exprimé pendant près de onze minutes. Nous votons à présent le renvoi en commission de cette proposition de motion, tel qu'il a été demandé tout à l'heure.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1703 à la commission des finances est rejeté par 48 non contre 22 oui et 3 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de motion 1703 est rejetée par 36 non contre 35 oui et 1 abstention. (Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat. Brouhaha.)
La présidente. Nous allons... (Le brouhaha persiste.) Nous n'avons pas terminé, Mesdames et Messieurs les députés ! Passons au point suivant !