Séance du
mardi 29 avril 2008 à
17h
56e
législature -
3e
année -
7e
session -
39e
séance
PL 9926-A
Premier débat
La présidente. La rapporteure est Mme Emilie Flamand. Avant de lui passer la parole, Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que cet objet est en catégorie II, comme cela a été décidé par la commission. Le temps de parole est donc de trois minutes par groupe et trois minutes pour Mme la rapporteure.
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse. Pour étudier ce projet de loi, qui propose que les abandons de créances, actuellement préavisés par la commission de contrôle de la Fondation de valorisation, soient traités par la plénière de notre Conseil, la commission des droits politiques a auditionné l'auteur du projet de loi et le président du conseil de la Fondation de valorisation. Il est vite apparu que la mesure proposée par les auteurs du PL 9926 était disproportionnée pour plusieurs raisons.
Premièrement, les activités de la Fondation de valorisation vont bientôt s'arrêter, nous l'avons voté tout à l'heure, donc d'ici fin 2009 la Fondation de valorisation va stopper ses activités.
La deuxième raison, c'est un besoin de souplesse par rapport aux abandons de créances, parce que ces derniers permettent en fait à la Fondation de réaliser les gages, c'est-à-dire les immeubles qui sont liés aux créances. Parfois, selon les offres du marché, il faut pouvoir agir assez rapidement.
La troisième raison, c'est un besoin de confidentialité, puisque les dossiers d'abandon de créance contiennent de nombreuses informations, liées à la fiscalité par exemple, et le fait d'en discuter en séance plénière pourrait compromettre les procédures de négociation.
Enfin, la commission de contrôle de la Fondation de valorisation, qui s'occupe actuellement de ces abandons de créances, est composée de représentants de tous les partis - proportionnellement à la représentation des partis en plénière - et, donc, prend ses décisions de manière tout à fait légitime.
Pour toutes ces raisons, le changement de la loi ne se justifie pas, et la majorité de la commission vous invite à refuser ce projet de loi.
M. Eric Stauffer (MCG). De quoi s'agit-il ? Il s'agit de donner un contrôle plus large et plus démocratique aux abandons de créances. Nous savons qu'à ce jour trente dossiers, pour un montant de 138 millions, ont été abandonnés - précisément par abandon de créance - à des gens aussi divers que multiples. On peut penser que pour traiter des abandons de créances, il y a un membre par parti, etc. Mais nous, nous n'avons pas arrêté de dire que la commission de contrôle n'était ni plus ni moins qu'un office d'oblitération, et très rarement la Fondation n'a pas été suivie.
En effet, la plupart des projets de lois qui nous sont soumis ici pour des objets d'une certaine valeur et qui seraient vendus en dessous des prix du marché, puisqu'il n'y a eu qu'une seule offre... Je me souviens d'un rapport de minorité dont j'étais chargé qui concernait quatre appartements à Versoix; deux appartements de deux pièces et deux appartements de cinq pièces, vendus pour la bagatelle de 960 000 F les quatre appartements... Et il n'y avait eu qu'une seule offre à la Fondation de valorisation ! C'est bien la preuve que personne ne lit en plénière ce qui est fait en commission, et notamment les rapports de minorité du MCG.
Aujourd'hui, on peut s'étonner de ce montant, Mesdames et Messieurs: 138 millions de francs ! Abandonnés au profit de ceux que nous avons surnommés les goldenboys de l'immobilier. Vous savez, ceux qui se la jouaient en Ferrari à Rive, et qui ont failli dans leurs remboursements de crédits auprès de la BCGe... Ceux-là mêmes qui ont contribué à plomber les comptes de la Banque cantonale et, par corollaire, les comptes de la République et canton de Genève. Tout cela au détriment des contribuables qui, eux, devront payer la facture coûte que coûte ! Facture qui s'élèvera, comme nous l'avons vu précédemment, à un petit peu plus de 2 milliards.
Pour qu'il y ait vraiment transparence, nous traitons ici, en plénière, des demandes de grâce, les noms sont caviardés et ne sont connus que des députés. Donc, il n'y aurait aucun problème de confidentialité à traiter des abandons de créances en plénière ! Si ce n'est pour ceux qui veulent couvrir leurs petits copains qui opéraient dans l'immobilier et qui ont pu s'en sortir à bon compte. J'ai vu personnellement des abandons de créances pour quelque chose comme 50 millions de francs, et cela concernant quelqu'un qui, par ailleurs, vit très richement dans un autre pays... Mais évidemment, à ce niveau-là, on ne va pas le poursuivre. Je trouve cela fort regrettable ! Personnellement, je m'étais opposé à cet abandon de créance. Mais, quand il s'agit de Mme X., je veux bien: elle a suivi son mari - qui était un de ces goldenboys et qui est décédé - et elle se retrouve maintenant endettée parce qu'elle était codébitrice solidaire. Alors oui, là un abandon de créance se justifie, parce que cette pauvre dame n'y peut rien. En revanche, tous ceux qui ont contribué à plomber la Banque - et pas pour des petites sommes, mais pour des dizaines et des dizaines de millions - je refuse que ces cas soient examinés en petit comité: la population a le droit de connaître la vérité ! Elle a le droit de suivre les débats, elle a le droit de savoir à qui, individu ou société - tout en conservant leur anonymat - elle accorde des abandons de créances avec les deniers publics !
C'est pourquoi, dans un souci de transparence et pour faire connaître la vérité, nous vous encourageons à soutenir ce projet de loi, pour que tout abandon de créance, avec la confidentialité et le respect de la sphère privée qui s'imposent, soit traité en plénière. Cela s'appelle du courage politique ! Mais c'est vrai qu'en ce qui concerne la BCGe le courage politique n'est pas l'apanage de ce parlement.
M. Olivier Wasmer (UDC). J'entendais ma voisine qui disait à M. Stauffer: «Tu en remets une couche !» C'est effectivement le cas. Il en remet une couche. Chaque fois qu'on parle de la Fondation de valorisation ou de la BCGe, M. Stauffer en remet une couche, parce que c'est son dada. Il en remet une couche, parce qu'il fait parler de lui...
M. Eric Stauffer. Article 24 !
M. Olivier Wasmer. Je n'ai aucun conflit d'intérêt, Madame la présidente, c'est d'ailleurs pour cela que j'ai été élu à la présidence, les autres membres de la commission ayant constaté que je n'avais aucun conflit d'intérêt dans le cadre de la Fondation de valorisation. Cela étant... (L'orateur est interpellé.) Monsieur Deneys, la majorité l'a voté et j'ai été élu, donc je n'ai aucun conflit d'intérêt. Voilà ! Je vous remercie.
La chose étant réglée, je rappelle que, dans l'urgence, la Fondation de valorisation a dû vendre passablement d'immeubles, comme on l'a évoqué non seulement il y a une heure, mais en de nombreuses séances plénières. Je le rappelle pour ceux qui ne le savent pas encore: la BCGe a transféré à peu près 5 milliards de créances à la Fondation de valorisation, pour éviter la faillite de la Banque. Il y en a peut-être qui ne l'ont pas compris aujourd'hui, heureusement, c'est une petite minorité, mais il faut savoir qu'effectivement, la Banque cantonale n'étant pas la Fondation de valorisation, cette dernière a tout mis en oeuvre, je le répète, pour vendre au mieux les immeubles, pour céder des créances, pour faire rembourser toutes les créances, qu'elles soient garanties par des immeubles ou pas. Et malheureusement, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, certains débiteurs n'avaient plus rien du tout. A tel point que, leur immeuble ayant été vendu, on les a retrouvés avec des actes de défaut de biens, pas pour des centaines de milliers de francs, mais, pour certains débiteurs, pour des dizaines, voire des centaines de millions.
Cela étant, il est évident que la Fondation devait tout mettre en oeuvre pour essayer de trouver de l'argent, puisqu'effectivement ces débiteurs n'avaient plus rien, en tout cas en matière immobilière. Non seulement on a vendu tous leurs immeubles, mais en plus on leur a dit: «Ecoutez, on va trouver un arrangement avec vous. Vous avez des créances de plusieurs dizaines de millions qu'on ne retrouvera jamais: est-ce que vous êtes prêts à passer des conventions avec la Fondation, de façon à nous céder vos créances ? Et, si vous avez d'autres actifs qui peuvent vous échoir, à les céder à la Fondation ? En contrepartie, nous vous garantirons que nous effacerons votre solde de créance.»
Il faut le savoir - je le rappelle aussi à certains députés - la Fondation de valorisation a repris des créances bancaires, provenant de la Banque cantonale de Genève. Or, comme vous le savez, toutes les banques de Suisse sont liées par le secret bancaire. C'est dire que les créances qui ont été cédées à la Fondation de valorisation sont également soumises à ce secret bancaire. Aujourd'hui, on ne vous propose rien de moins...
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Olivier Wasmer. Tout de suite, Madame la présidente - ...que de remettre ces cessions de créances et ces renonciations de créances sur la place publique avec le nom des débiteurs, le nom de leur famille, etc. (L'orateur est interpellé.) La Fondation a fait un très bon travail. Elle a pu effacer certaines créances, parce qu'il y avait des débiteurs qui se sont prêtés à des transactions tout à fait contrôlées par tous les députés de la commission. Toutes les commissions du Grand Conseil, comme cela a été rappelé dans ce rapport, ont pleine compétence pour trancher sur les projets de lois qui leur sont soumis. Je vous demanderai donc, au nom de l'UDC, de rejeter ce projet de loi.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Les socialistes soutiendront le rapport de majorité. Ils ne soutiendront donc pas le projet de loi du grand redresseur de torts, M. Stauffer. En fait, l'auteur reconnaissait lui-même que ce projet de loi venait un peu tardivement, puisque la Fondation de valorisation va bientôt arriver à son terme. Nous avons eu l'occasion d'en discuter très largement tout à l'heure.
Sur le fond, l'audition des personnes concernées, notamment des représentants du conseil, nous a convaincus que le travail fait était sérieux, en particulier s'agissant des procédures aboutissant à des abandons de créances. Il est dit qu'effectivement ces procédures sont très intrusives, et c'est bien normal étant donné les enjeux. Il est bien normal aussi que tout soit contrôlé avec une extrême rigueur.
Mais nous avons quand même une cautèle, c'est que les partis sont représentés dans le conseil de la Fondation de valorisation. Pour nous, c'est une garantie démocratique. C'est bien pour cela que les socialistes soutiennent le fait que les représentants des partis politiques doivent, d'une façon générale, siéger dans les différents conseils, notamment dans les conseils d'administration de tous les établissements autonomes. (Commentaires.)
Dans ce sens-là, nous estimons que le contrôle est fait et qu'il n'y a pas de raison d'accepter ce projet de loi, qui alourdirait encore les travaux du Grand Conseil et qui n'apporterait rien. Nous vous demandons de ne pas soutenir ce projet de loi.
Mme Michèle Ducret (R). Je crois que Mme Fehlmann Rielle voulait parler de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation, où tous les partis de ce Grand Conseil sont représentés. Nous considérons effectivement que cette commission a très bien fait son travail. Nous avons examiné cette question en commission des droits politiques. Il s'avère que les questions d'abandon de créance sont extrêmement rares. Ils l'ont été pendant toutes ces années, et nous considérons donc qu'il ne convient pas d'entrer en matière sur ce projet de loi.
D'ailleurs, l'institution du Grand Conseil, la construction du Grand Conseil est faite de telle manière que l'on confie le travail aux commissions, qui le rapportent en plénière. Il n'est absolument pas question de venir déballer ici en plénière, devant tout le monde et peut-être aussi devant les caméras de la télévision, des choses qui n'ont pas à y être dites.
J'ajouterai, Madame la présidente, et vous me permettrez cette petite saillie... (Commentaires.) Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, désolée, je leur expliquerai... (Rires.) Je voudrais dire que le canton de Genève et toutes ses institutions ne sont pas des écuries d'Augias qui sont à nettoyer par un quelconque Hercule de foire ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mme Michèle Künzler (Ve). Je pense que ces abandons de créances sont finalement assez rares, contrairement à ce qui a été soulevé ici... (L'oratrice est interpellée.) En réalité, Monsieur Stauffer, il n'y a pas d'abandon de créance pour des sociétés. La plupart des gros abandons de créances, mais ce n'étaient pas vraiment des abandons; c'était au moment des sociétés de portage, parce qu'en fait on ne peut pas poursuivre ces sociétés. Les abandons de créances qui ont été donnés, et qui sont partiels, répondent à des règles extrêmement claires et définies dans le rapport de la commission.
Il s'agit de personnes qui ont reconnu l'intégralité de leur dette et qui collaborent avec la Fondation, pas comme certains débiteurs qui obligent à toutes les procédures. Je signale au passage qu'il y a encore des procédures en cours depuis l'an 2000, parce que les gens n'ont pas encore cédé leurs créances. Ces débiteurs récalcitrants, c'est normal, n'auront pas la possibilité d'avoir un abandon de créance. Et, surtout, il n'y a pas d'abandon de créance pour des gens qui sont solvables. Cela tombe simplement sous le sens ! En plus, il est clair que si les débiteurs revenaient à meilleure fortune, ce qu'on peut leur souhaiter, ou s'ils avaient caché leurs avoirs... Vous soupçonniez quelqu'un d'avoir une fortune importante, mais il fallait le dénoncer en commission, si vous aviez des éléments ! C'est cela, votre job ! (L'oratrice est interpellée.) Mais vous ne l'avez pas fait !
En l'occurrence, les gens qui bénéficient d'abandons de créances, et il y en a eu plusieurs cas - ne parlons pas de goldenboys - ce sont des personnes âgées qui se sont «plantées» dans l'achat de leur villa ! Elles ont acheté une villa beaucoup trop cher et n'ont pas pu assumer leurs charges ! Et on abandonne une créance de 200 ou 300 000 F. De toute façon, ces personnes sont maintenant à l'assistance, elles sont ratiboisées, quand il n'y a pas en plus un conjoint qui est mort... Bref, ce sont vraiment des situations dramatiques où, de toute façon, soyons clairs, il n'y a pas de quoi récupérer des fonds.
Ces abandons de créances doivent être traités par la commission - observés seulement, parce que c'est la Fondation de valorisation qui doit prendre ces décisions; la commission de contrôle donne un préavis. Si l'on commençait à parler d'abandons de créances ici, est-ce qu'il faudrait traiter aussi les abandons de créances pour la fiscalité, les caisses maladie, tout cela ? (Brouhaha.) On ne s'en sortirait plus ! Les choses doivent être gérées au bon endroit. Ici, les règles sont claires, et c'est celles-là qu'il faut suivre. Je crois que la personne qui aurait un abandon de créance malhonnête serait poursuivie, et c'est cela qui compte. Je vous invite vraiment à voter ce rapport.
M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien n'entrera pas en matière sur ce projet de loi. D'une part, parce que, comme il a été dit, l'esprit du projet de loi contredit la mission même de la Fondation de valorisation, qui est très bien expliquée dans l'annexe au rapport. Le but de la Fondation de valorisation, c'est précisément de ne pas abandonner les créances, mais de les réaliser au mieux. D'autre part - cela a été dit par plusieurs personnes - parce que la commission de contrôle de notre Grand Conseil agit avec toute la vigilance nécessaire et tous les moyens de contrôle à sa disposition pour éviter toute dérive.
Comme Mme Künzler l'a dit, ces abandons de créances sont extrêmement rares. Quand j'ai eu l'occasion de présider la commission de contrôle avant M. Wasmer, nous n'avons procédé qu'à deux abandons de créances, en tout et pour tout. Cela concernait des petits débiteurs qui avaient montré toute leur bonne volonté dans le dossier pour coopérer avec la Fondation et réaliser leur bien afin de s'acquitter au mieux de leur dette. Malheureusement, une fois que leur bien avait été vendu, il restait encore une certaine créance. Et ces gens demeuraient encore débiteurs de la Fondation pour un certain montant. Souvent, il s'agissait de personnes âgées ou sans moyens, qui n'avaient plus aucune possibilité de rembourser le reste de leur créance. Dans ces cas-là, la commission a été avertie et elle a voté en toute connaissance de cause en faveur de l'abandon. Malheureusement, mais ce n'est que justice pour ces personnes-là. Pour tous les autres cas, il n'y a jamais eu d'abandon de créance qui nous a été demandé; pour tous les cas importants, il n'y a jamais eu de telle demande.
Il faut aussi préciser que, du point de vue du droit, toutes les précautions sont prises. Si, par hasard, la Fondation avait abandonné une créance, en étant trompée par le débiteur qui aurait caché sciemment des informations, eh bien, dès que cela aurait été découvert, la Fondation aurait tout loisir d'agir en justice, la loi le permet, pour récupérer une partie des Fonds et obliger le débiteur malhonnête à rendre sa créance.
Je crois donc qu'il n'y a pas de problème à refuser ce projet de loi. En revanche, je voudrais juste conclure en disant que le problème soulevé par M. Stauffer est important, en particulier dès le moment où, comme on l'a fait tout à l'heure, on vient de décider la dissolution de la Fondation. Pourquoi ? Parce que les créances qui restent portent sur des montants importants et doivent être gérées et liquidées au mieux. Notre parti avait déposé une motion pour demander, par exemple, à des institutions privées de gérer ces créances, en partant de l'idée que ces institutions professionnelles pourraient peut-être réaliser ces créances au mieux. Je ne sais pas si c'est la solution idéale. Tout cela pour dire qu'il est particulièrement important de veiller à ce que les créances qui subsistent puissent être liquidées au mieux pour l'Etat de Genève et pour les contribuables genevois.
M. Olivier Jornot (L). Les libéraux, à l'époque de la création de la Fondation de valorisation, étaient opposés à l'idée que ce soit une fondation de droit public, parce que cela aurait pour conséquence d'obliger le Grand Conseil à se prononcer sur chacune des ventes, c'est-à-dire à voter des centaines et des centaines de fois au cours de la durée de vie de la Fondation. Ce serait bien entendu incohérent de notre part de vouloir aujourd'hui étendre encore plus les tâches du Grand Conseil en la matière, en lui donnant la compétence de statuer sur les abandons de créances.
Sur le fond, Mesdames et Messieurs, je crois qu'il y a tout simplement une méconnaissance de la part des auteurs du projet de loi de ce qu'est un mécanisme d'abandon de créance. Il y a méconnaissance, parce que l'abandon de créance est en quelque sorte considéré comme une capitulation du créancier, qui renonce à faire valoir ses droits à l'encontre du débiteur et qui, bien entendu, dans la théorie du complot qui est développée par les auteurs, le fait par connivence ou par favoritisme. En réalité, Mesdames et Messieurs, l'abandon de créance, c'est un instrument de recouvrement. C'est précisément pour pouvoir recouvrer quelque chose que l'on abandonne une partie de sa créance. Donc, lorsque l'on fait cela, c'est précisément pour sauvegarder les intérêts du créancier, c'est-à-dire de la Fondation, de l'Etat et du contribuable. Vous me pardonnerez de faire cet enchaînement qui nous est si souvent servi, mais en l'occurrence, si l'on acceptait ce projet de loi, «on nuirait aux intérêts du contribuable qui nous regarde» - vous connaissez la rengaine...
Une voix. Qui nous a élus !
M. Olivier Jornot. ...et «Qui nous a élus et qui est souverain...». Mesdames et Messieurs les députés, un acte de défaut de biens n'a jamais nourri son homme. Si le but de la manoeuvre est de faire en sorte que le conseiller d'Etat, chef du département des finances, puisse, au terme du processus de vie de la Fondation, tapisser tous les locaux de l'Etat avec des actes de défaut de biens de la cave au grenier, alors il faut voter ce projet de loi. Si l'on veut simplement sauvegarder les intérêts de l'Etat de Genève, il faut voter non !
Mme Anne Emery-Torracinta (S). M. Stauffer nous a parlé tout à l'heure du courage nécessaire en politique. J'aimerais, Mesdames et Messieurs les députés, vous citer un ou deux points qui se trouvent dans l'exposé des motifs de ce projet de loi. On nous dit ceci: «Pour justifier cette mesure, prenons 2 exemples, un ancien et un très récent [...]». Le premier exemple est le suivant: «Confédération Centre: selon les rumeurs et différents articles de presse, il apparaîtrait que [...]». Je vous passe la suite. Deuxième exemple: «Société X, active et prospère dans le bâtiment à Genève: la rumeur parle d'une société genevoise qui [...]», etc.
Mesdames et Messieurs les députés, le courage en politique, c'est de s'appuyer sur les faits et pas sur la rumeur. La rumeur, c'est désigner à la vindicte populaire des boucs émissaires. La rumeur, c'est ce qui fait le lit du fascisme, et je crois que les démocrates de ce parlement ne peuvent accepter un projet de loi fondé uniquement sur des rumeurs. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. La parole est à Mme Sandra Borgeaud. Madame la députée, vous avez une minute et demie.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Merci Madame la présidente, je le sais. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais revenir sur ce qui a été dit tout à l'heure. Il est bien mentionné que, sur l'ensemble de l'activité de la commission Fondval, 30 dossiers sur 990 se sont conclus par des abandons de créances pour un montant de 138 132 128 F. Ce qui veut dire, en moyenne, 4 600 000 F par dossier ! Je ne sais pas si vous avez appris à calculer dans la même école que moi, mais moi j'arrive à ce résultat. Donc, il ne s'agit pas d'abandons de créances de 200 000 ou 300 000 F, comme cela a été dit tout à l'heure.
Je ne pense pas non plus que les personnes âgées aient les moyens de s'offrir des palaces à 4 600 000 F, et encore moins les jeunes ! Tous n'ont pas la possibilité d'être des goldenboys ou des goldengirls. On peut ne pas être d'accord sur des questions politiques, mais cela ne nous enlève pas le droit de nous exprimer, ni celui de relayer la colère de notre population genevoise sur la débâcle de la BCGe, qui, par chance, a été sauvée par l'Etat. Ce n'a pas été le cas pour Swissair et bien d'autres entreprises...
La présidente. Il vous reste dix secondes, Madame la députée.
Mme Sandra Borgeaud. En tout cas, comme je l'ai signé, je continuerai à soutenir ce projet de loi, et même si je perds, je n'en dis pas moins ce que la population pense !
La présidente. La parole est à M. Eric Stauffer. Il vous reste une minute quarante secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer (MCG). Mais c'est largement suffisant, Madame la présidente ! Madame la députée du banc d'en face, vous dites que je me bats sur la rumeur. C'est parce que je n'ai certainement pas voulu qu'on puisse me reprocher d'avoir violé un quelconque secret de fonction. (Exclamations.)
En revanche, ce que je vais vous dire, puisque vous avez parlé de Confédération Centre, c'est que ce dossier a coûté plus de 100 millions au contribuable. Vous voulez savoir le plus inique et le plus cynique dans ce dossier ? C'est qu'un représentant de ce Grand Conseil s'est targué d'avoir réalisé la plus grosse commission de vente en ayant vendu Confédération Centre, qui avait pourtant été rachetée par le Crédit Suisse, à ces frères T. - nous ne citerons pas les noms pour la vindicte populaire... Et c'est le Crédit Suisse qui a racheté, sur introduction des anciens propriétaires, et il y a un membre de cet hémicycle qui a réalisé une petite commission - c'est un tour de passe-passe digne d'Houdini - de plusieurs millions de francs.
En ma qualité de député, j'avais déposé une interpellation urgente écrite, j'avais sollicité officiellement la commission de contrôle pour savoir quel était le montant payé par la Fondation de valorisation. A ce jour, je n'ai toujours pas reçu de réponse. Et voilà ce que vous, vous voulez protéger en faisant des plans occultes... (Brouhaha.) ...et ce n'est pas tolérable !
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Et maintenant, si cette personne veut parler de courage politique, qu'elle s'annonce publiquement pour dire qu'elle a gagné plus de six millions de francs sur le dos des contribuables genevois alors que l'acheteur avait été présenté par l'ancien propriétaire !
Mme Michèle Künzler (Ve). Je signale que ce n'est pas moi qui ai touché cette commission ! (Rires.) J'aimerais quand même réagir à ce qui vient d'être dit. D'une part, il n'y a eu aucun abandon de créance pour le cas de Confédération Centre. C'est une créance différée. Premièrement, elle est reconnue... (Remarque de M. Eric Stauffer.) Mais oui, Monsieur, chaque année il y a un remboursement ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Ce point avait été évalué à 130 millions, mais, grâce aux efforts des commissaires, qui ont demandé plus, il a été vendu à 170 millions. Le reste de la créance est reconnu et remboursé.
La seule chose qui est importante, et M. Mettan l'a souligné tout à l'heure, c'est que l'Etat devra établir un suivi de ces créances quand la Fondation de valorisation aura terminé ses travaux. Au fond, ce sont des créances qui perdurent. Il y a des quantités d'autres cas où les gens n'ont pas reconnu...
La présidente. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Michèle Künzler. Oui ! Dans ce cas, les gens ont reconnu devoir l'argent et ils paient la différence, et c'est cela qu'il faut qu'on dise.
La présidente. La parole est à Mme la rapporteure, à qui il reste une minute.
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse. J'aimerais juste rappeler l'objet de ce projet de loi et l'objet de ce débat, parce qu'on entend toujours M. Stauffer faire de grandes dénonciations sur de grandes affaires. Il s'agissait simplement, dans ce projet de loi, de modifier la procédure liée aux abandons de créances. Le projet de loi propose de ne plus traiter les abandons de créances en commission de contrôle de la Fondation de valorisation, mais en plénière. On livrerait ainsi en pâture au public des situations difficiles, qui sont aujourd'hui réglées de manière plus rapide et plus respectueuse, dans l'intérêt de tous: des débiteurs, des créanciers et, donc, des contribuables.
Il ne faut pas croire que ce débat est plus large que cela, il s'agit simplement d'une question de procédure. Et comme l'a rappelé notamment M. Jornot, les abandons de créances permettent simplement de vendre les immeubles qui sont en gage de la créance et de récupérer la valeur de l'immeuble, plutôt que d'avoir zéro franc plus des dépenses de procédures interminables. Je vous invite encore une fois à rejeter ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 9926 est rejeté en premier débat par 52 non contre 5 oui.