Séance du
mardi 29 avril 2008 à
17h
56e
législature -
3e
année -
7e
session -
39e
séance
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.
Assistent à la séance: MM. David Hiler, Robert Cramer, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Caroline Bartl-Winterhalter, Christophe Berdat, Gabrielle Falquet, Jacques Follonier, Renaud Gautier, Mariane Grobet-Wellner, Janine Hagmann, Michel Halpérin, Georges Letellier, Yves Nidegger, Jean Rossiaud, René Stalder et Daniel Zaugg, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
M. Guy Mettan (PDC). C'était juste pour demander la discussion immédiate du PL 10222, dont le rapport est contenu dans le sujet qui nous occupera tout à l'heure, à savoir l'IN 135 D et le contreprojet qui porte le numéro PL 10221. Comme ce sont deux sujets qui vont ensemble, il faudrait que nous puissions en discuter en même temps.
La présidente. Il s'agit du point 109 de notre ordre du jour, que nous allons traiter sous peu. A la page 13 de ce rapport, il y a donc le PL 10221 qui est le contreprojet à l'IN 135 et le PL 10222, qui est la modification de la LGAF.
Mise aux voix, la discussion immédiate du projet de loi 10222 est adoptée par 38 oui contre 5 non.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
La présidente. J'appelle à la table le rapporteur de majorité qui doit remplacer M. Pierre Kunz. C'est M. Odier. Merci beaucoup, Monsieur le député ! Et le rapporteur de minorité qui remplace Mme Mariane Grobet-Wellner: c'est M. Alberto Velasco.
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur de majorité ad interim. Le 15 juin 2007, le Grand Conseil rejetait l'initiative 135 et décidait de lui opposer un contreprojet. Aujourd'hui, notre Conseil doit voter ce dernier. Je ne vais pas refaire son historique ni vous le présenter à nouveau, vous avez l'excellent rapport de M. Pierre Kunz sous les yeux. Vous l'avez certainement tous lu en détail, donc je me contenterai de revenir sur les principaux objectifs. Il y en a deux.
Le premier objectif est la modification d'une loi constitutionnelle qui se rapproche très clairement du texte de l'initiative. Il s'agit simplement de modifier la majorité exigée pour voter un budget déficitaire. Dans le texte de l'initiative, cette majorité était fixée au deux tiers du parlement. Dorénavant, selon le projet de loi constitutionnelle qui vous est soumis aujourd'hui, il faudra simplement la majorité absolue des membres composant le Grand Conseil, soit 51 députés.
Le deuxième objectif a été en quelque sorte demandé et proposé par le chef du département, qui souhaite que l'on puisse modifier la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, de manière à avoir, d'une part, des exigences plus contraignantes et, d'autre part, un assouplissement de certaines mesures de la LGAF actuelle. Des exigences plus contraignantes surtout dans le délai - que l'on demande de raccourcir - accordé aux autorités pour prendre des mesures en cas de déficit des comptes de fonctionnement ou de budget déficitaire.
C'est ainsi que l'article 7 de la LGAF est modifié, notamment à l'alinéa 3 qui prévoit qu'en cas de budget déficitaire l'introduction d'un plan de mesures doit assurer l'exercice suivant. Il faut rappeler que l'alinéa ancien demandait que des mesures soient prises simplement au terme des quatre ans, si l'on constatait que le plan financier n'avait pas abouti à un rééquilibre des finances publiques.
L'alinéa 4 prévoit l'introduction de mesures législatives, dès la deuxième année de comptes déficitaires, et non plus au terme d'une période maximale de quatre ans. On entend par mesures législatives le vote devant le Conseil général, devant la population, de mesures de diminution de prestations, opposées à des augmentations d'impôts.
Enfin, un certain assouplissement tout de même, toujours demandé par le département et le chef du département, figure en dernier alinéa de l'article 7. Cet alinéa prévoit que le Grand Conseil peut, sur proposition du Conseil d'Etat, déroger aux mesures législatives s'il est fort probable que, après les deux exercices déficitaires, le troisième exercice soit bénéficiaire, compte tenu de nouvelles recettes, extraordinaires par exemple.
Voilà très succinctement le résumé de nos débats à la commission des finances, qui a voté ce contreprojet formé d'une loi constitutionnelle et de la modification de la LGAF à l'unanimité moins le groupe socialiste. Ce dernier fonde notamment son opposition plutôt sur la forme, puisqu'il pense que l'on crée un précédent en introduisant une majorité qualifiée, une majorité absolue, et que ce précédent n'est pas bon.
C'est ainsi que la commission des finances vous invite à voter ce contreprojet sous la forme des deux projets de lois qui vous sont présentés ce soir.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité ad interim. Effectivement, le groupe socialiste s'est opposé à l'IN 135 et au contreprojet. Les raisons de son refus sont les suivantes, Mesdames et Messieurs les députés. L'initiative déposée par le groupe libéral prévoyait une majorité des deux tiers. C'était tellement scandaleux que le Grand Conseil, dans sa majorité, a trouvé que c'était une atteinte aux principes démocratiques pour lesquels nous avons été élus. Je crois que si nous avions adopté cette disposition, il aurait suffi que deux groupes dans cette assemblée se mettent d'accord pour qu'une majorité démocratiquement élue par le Conseil général ne puisse pas exercer ses prérogatives. Cela aurait été vraiment une démocratie à géométrie variable, selon la majorité existant au Grand Conseil.
Mais le contreprojet qui nous est proposé, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas non plus acceptable pour nous les socialistes, même si on a abaissé le taux à 51 députés. Parce que, sur le fond, le principe est le même. Effectivement, si un parlement élit une majorité dans un Grand Conseil, c'est à cette majorité d'exercer le pouvoir. Chercher par des artifices incroyables à corseter le parlement et le Conseil d'Etat, nous trouvons cela scandaleux ! Nous trouvons cela scandaleux en des périodes aussi difficiles.
Nous avons vu, par exemple lors de la présentation des comptes, que les chiffres qui étaient donnés ne correspondaient pas aux évaluations faites par le Conseil d'Etat alors même que celui-ci avait bien effectué son travail. J'insiste sur le fait qu'il avait bien effectué son travail, parce qu'il avait un outil économétrique que nous avions utilisé pendant quelques années. Des fonctionnaires nous avaient expliqué de manière très honnête comment cet outil était paramétré, comment les censeurs chargés de détecter l'évolution de la conjoncture étaient requis, faits et demandés tant aux banques qu'à la Chambre de commerce ou à d'autres instances. Malgré cela, il y a eu le résultat que nous connaissons. On n'est donc pas à l'abri de situations difficiles. Par conséquent, l'Etat doit garder les possibilités de répondre aux besoins de la population.
Mesdames et Messieurs les députés, le but d'une société n'est pas d'établir des lois au détriment de la population. Le but d'une société est d'établir des lois qui puissent aider la population à mieux vivre et à faire face aux situations difficiles. En l'occurrence, si une majorité de ce Grand Conseil, ou même le Conseil d'Etat, était dans une situation difficile qu'il n'aurait pas pu prévoir, et qu'il veuille changer la donne de son budget, il ne le pourrait pas.
Ce qui, en plus, est assez scandaleux, c'est qu'il suffirait, avec la proposition qui nous est faite, qu'une dizaine de députés soient absents de ce Grand Conseil pour qu'on ne puisse pas voter le budget, alors même qu'il y a une majorité qui le pourrait. Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas possible, nous ne pouvons pas accepter cela... (Brouhaha.) Malgré tous les dispositifs législatifs qu'on a votés pour le frein au déficit; malgré les mesures que le Conseil d'Etat a prises pendant ces dernières années pour stabiliser les charges - et il y arrive - pour améliorer les recettes - et il y arrive - en s'attaquant parfois aux prestations sociales, contrairement à ce que nous, socialistes, avions pensé mais nous l'avons accepté - eh bien, malgré cela, aujourd'hui, on nous balance un nouvel instrument, un quatrième instrument pour corseter encore plus ce Grand Conseil et le Conseil d'Etat.
Je trouve que les mesures dont disposent aujourd'hui le Conseil d'Etat, ce parlement et, par conséquent, la commission des finances, sont suffisamment contraignantes pour assurer le contrôle que les libéraux, qui sont à l'origine de ces propositions, veulent. Il suffirait, Mesdames et Messieurs les députés, de les appliquer pour limiter ce qu'ils veulent limiter.
Mais il y a aussi le projet de loi de modification de la LGAF. On passe cette période d'observation après laquelle le Conseil d'Etat doit intervenir de quatre ans à deux ans. Là aussi, nous trouvons, nous les socialistes, qu'effectivement on corsète encore plus la liberté qui est donnée à l'exécutif d'exercer ses fonctions.
C'est un peu contradictoire: tout à l'heure MM. Weiss et Cuendet me critiquaient parce que je prétendais accepter un projet de loi qui corsetait le Conseil d'Etat, qui ne laissait pas au Conseil d'Etat la liberté d'exercer ses fonctions, et qu'il fallait laisser à l'exécutif cette liberté. Tout à coup, changement de paramètres ! Cela n'a rien à voir; ce qu'on a dit tout à l'heure, on l'oublie: il faut corseter l'Etat ! On ne comprend plus rien ! Quand il s'agit de certaines dispositions, on nous dit qu'il ne faut pas les voter parce que l'Etat est souverain dans sa politique d'exécutif, et là on nous dit: «Non, non, il n'est pas souverain dans sa fonction d'exécutif en matière de budget, il ne l'est que quand nous le désirons !» On est vraiment dans une politique à géométrie variable et, je dirai, à météorologie indescriptible et illisible. C'est pire que la météo de ces derniers jours ! On ne comprend plus rien.
Vous comprenez, Mesdames et Messieurs, que, face à une telle incohérence, le groupe socialiste ne puisse pas souscrire à de tels projets de lois et surtout - surtout, Mesdames et Messieurs - à une disposition qui restreint - je dis bien: «qui restreint» - les prérogatives démocratiques que le peuple nous a données.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste ne votera ni l'IN 135, ni le contreprojet, ni le PL 10222.
M. Guy Mettan (PDC). C'est un plaisir de prendre la parole ce soir pour défendre ce que j'appelle une très bonne solution. En effet, ce qui nous est proposé, c'est l'exemple d'un bon compromis. Les compromis ont souvent mauvaise presse en politique, parce qu'on les juge jamais adaptés, mais je crois que les deux propositions qui nous sont faites, à savoir celle du contreprojet et celle de la modification de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, sont le résultat d'un bon compromis politique. Il faut le reconnaître et s'en féliciter.
Vous vous rappelez qu'il y a trois ans l'établissement d'un frein au déficit avait donné lieu à un combat assez chaud dans la population et que le principe de ce frein au déficit avait mis plusieurs années pour être admis et, ensuite, voté. Je me souviens d'avoir à l'époque croisé le fer avec M. Hiler dans la «Tribune de Genève». M. Hiler était alors opposé au principe du frein au déficit. Mais je crois que nous avons eu là l'occasion d'échanger des arguments, il y avait des craintes légitimes qui avaient pu être soulevées. Je tiens maintenant à me féliciter non seulement du fait que M. Hiler soit devenu ministre des finances, mais aussi qu'il se soit tellement bien convaincu de l'utilité de ce mécanisme que lui-même nous propose de le renforcer avec cette modification de la fameuse loi sur la gestion administrative et financière. C'est dire qu'en trois ans les esprits ont beaucoup mûri, et c'est tant mieux !
Parce que ce qui nous est proposé ce soir, au fond, c'est deux choses. La première, c'est de rendre l'adoption d'un budget déficitaire plus difficile. Je pense que la majorité absolue, qui a été retenue comme un bon compromis par la commission des finances et adoptée par tous les partis à l'exception du parti socialiste, est une bonne chose. Quand on a une décision importante à prendre, comme c'est le cas lorsqu'il s'agit de voter un budget déficitaire, il est tout à fait normal que cette décision puisse être prise à une majorité qualifiée et non pas par une minorité de circonstance.
La deuxième modification, et le rapporteur de majorité l'a bien souligné, consiste à renforcer le mécanisme de frein au déficit en raccourcissant la période d'entrée en phase d'assainissement d'une année, comme le département des finances nous l'a proposé.
Je crois que nous pouvons refuser l'initiative, puisqu'elle n'a plus d'objet, et adopter ce contreprojet et cette modification de la loi sans hésitation.
M. Jacques Jeannerat (R). Je vais être relativement bref. Beaucoup de choses ont été dites lors des précédents débats sur le contenu et les principes de cette initiative 135. Les radicaux, comme presque toutes les formations politiques de ce parlement, sont, bien sûr, très soucieux de la question relative aux dépenses publiques et notamment à la dette.
Les radicaux soutiendront le premier projet de loi, qui répond d'une part à la volonté des initiants en conditionnant l'adoption d'un budget déficitaire, et je crois que c'est un élément qui est important. D'autre part, le compromis sorti de la commission des finances nous permet de respecter les principes démocratiques de façon raisonnable, avec le principe de l'adoption à la majorité absolue d'un budget déficitaire. Donc un principe démocratique raisonnable ! Et il plaît aux radicaux, ce principe.
Le deuxième projet de loi, comme vient de le dire M. Mettan, permettra un renforcement de la LGAF, comme l'a demandé le chef du département des finances, et il lui donnera un outil mieux adapté pour gérer les finances de l'Etat.
Le groupe radical vous recommande donc d'adopter ces deux projets de lois pour le contreprojet à cette initiative.
M. Christian Bavarel (Ve). Aujourd'hui, que devons-nous faire ? Le parlement a voulu que la commission des finances vous présente un contreprojet à une initiative que ce parlement a jugé non acceptable, ou non désirable. Ce contreprojet est issu d'une négociation difficile... J'ai moins d'enthousiasme que M. Mettan à son sujet, mais c'est peut-être bien la preuve que c'est une bonne négociation: nous avons fini par accepter ce contreprojet, certes avec énormément de réticence.
Effectivement, il eût été possible d'envisager que le déficit soit interdit. On le voit dans des communes - c'est ainsi que cela marche, en tout cas pour les communes. Nous avons pensé qu'il valait mieux dans certaines circonstances avoir un budget déficitaire qui permette d'améliorer la situation. Je vous promets que cela existe ! Partir simplement en douzièmes provisoires, ce n'est pas une bonne chose, cela peut être pire qu'un bon budget, qui permet de renoncer à certaines choses et d'investir là où il est nécessaire de le faire pour arriver à une solution.
Ce contreprojet, la commission l'a voulu. Vous verrez, si vous regardez les votes, que les Verts se sont assez souvent abstenus et ont aussi refusé certains amendements. Mais nous avons fini par accepter ce contreprojet en pensant que c'était un compromis acceptable, même s'il présentait certaines difficultés, et que, dans notre travail politique, il était de notre devoir de faire aboutir une solution pour pouvoir la présenter au peuple. C'est pourquoi nous vous demandons d'accepter ce contreprojet. In fine, ce sera au peuple de se prononcer.
M. Claude Jeanneret (MCG). Le MCG va soutenir les deux projets de lois présentés. Je crois qu'il faut rappeler une chose: l'initiative populaire, qui était peut-être un peu excessive, a été pensée à un moment où l'on voyait l'Etat s'endetter d'une manière irresponsable - on est arrivés à 13 milliards, c'est quand même dramatique - et il était temps de mettre un frein à l'irresponsabilité qui régnait dans cette république. Il me semble que les deux projets de lois, sans être totalement satisfaisants, sont en tout cas un début de réflexion raisonnable. Dans le sens qu'un budget déficitaire, en principe, ne devrait pas être acceptable. On a modéré un petit peu tout cela en lui laissant une chance de survie sur une petite période, mais je crois qu'il est absolument nécessaire que, au niveau du parlement, au niveau des représentants des citoyens, on puisse quand même freiner l'endettement de l'Etat. Si cela va mieux maintenant, c'est une question conjoncturelle. Je crois que, au niveau de la conception même de l'acceptation des comptes, il faut pouvoir avoir une responsabilité vis-à-vis du futur. On parle toujours de pérennité... Lorsqu'on arrive à l'endettement général d'un Etat je ne pense pas que l'on soit dans une politique de pérennité.
La deuxième chose est qu'il est clair que ces mesures sont satisfaisantes momentanément. Je crois que, véritablement, elles prendront toute leur valeur le jour où l'Etat nous présentera un budget par prestation. On a eu une très bonne étude qui s'appelait GE-Pilote; il semble qu'elle soit un petit peu occultée en ce moment, c'est dommage. Parce que, lorsque nous aurons un budget par prestation, le parlement pourra véritablement prendre sa responsabilité en disant: «Ces prestations sont prioritaires, celles-ci le sont un tout petit peu moins et, si le budget n'est pas équilibré, taillons dans ce qui n'est pas vraiment nécessaire.»
Lorsque l'on n'a pas cela, toute décision est relativement politique. On l'a vu à plusieurs niveaux, on a demandé une stabilisation des salaires, on a demandé une diminution... Cela débouche sur quoi ? On change les classes de salaire et on donne des augmentations sur des procédés fictifs du type «Vous n'avez pas d'augmentation par rapport à votre travail, mais vous en avez par rapport à votre situation, on change votre classe...» C'est facile ! C'est facile et ce n'est pas sain. En plus de cela, les mesures qui ont été prises momentanément pour améliorer la situation sont tout à fait honorables, mais elles ne sont pas des mesures pérennes. On ne peut pas demander aux fonctionnaires d'être les éternelles victimes, de ne pas avoir des réajustements de salaire, de ne pas avoir des réajustements de classe... Non ! Il faut que nous ayons une politique saine, de bonne gestion, qui soit basée sur une priorité des prestations que l'on doit offrir.
C'est dans cet état d'esprit que le MCG dit: «La première chose à faire, c'est d'empêcher l'Etat de continuer à s'endetter.» Nous sommes donc pour ces deux premiers projets de lois, mais nous espérons que les décisions et du gouvernement et du parlement iront vers une gestion par prestation. De cette manière, nous aurons véritablement un bon budget, de bonne gestion et de bonne gouvernance.
M. Eric Bertinat (UDC). Le rapporteur de la majorité, notre collègue Pierre Kunz, a utilisé le terme suivant: il parle de «périlleuse culture des déficits», qui sont à l'honneur, on doit le dire, depuis vingt ans au sein de ce parlement. Il est donc tout à fait intéressant de voir que la commission des finances - par conséquent des commissaires appartenant à des partis, qui votent des budgets déficitaires - s'est penchée sur ce problème et est arrivée à se mettre d'accord pour présenter ces deux projets de lois. Comme l'a dit M. le député Mettan, ils sont une très bonne solution et un bon compromis.
L'UDC va soutenir ce contreprojet, non sans dire qu'elle a apprécié la proposition des libéraux. Les libéraux, dans leur initiative, ont véritablement empoigné le problème. Le contreprojet propose la majorité absolue de 51 députés; le groupe UDC était, quant à lui, plutôt favorable à une majorité exigée des deux tiers, tout simplement parce qu'elle était plus contraignante, donc plus adaptée à calmer les appétits du Conseil d'Etat lorsqu'il nous présente des budgets trop lourds à supporter pour l'Etat. Ce sont les raisons qui nous conduisent à accepter ce contreprojet. Mais nous accepterons aussi l'initiative des libéraux s'ils la maintiennent, car, comme je viens de vous le dire, nous la jugeons tout à fait adaptée à la situation actuelle.
Présidence de M. Eric Leyvraz, premier vice-président
M. Pierre Weiss (L). Il est toujours agréable, quand on arrive au terme d'un processus, de voir que celui-ci peut se dérouler de façon harmonieuse, sans les invectives qui sont la spécialité de certains dans ce Grand Conseil. Je remercie d'ailleurs en particulier non seulement les intervenants qui se sont exprimés, par exemple M. Mettan, M. Bavarel et M. Bertinat pour les propos qu'ils ont tenus, mais je remercie aussi, pour la qualité de leurs rapports, les deux rapporteurs: M. Pierre Kunz, in absentia définitive, puisqu'il aspire à d'autres destinées, et notre estimée et excellente collègue, Mme Grobet-Wellner, à qui je présente tous nos voeux pour qu'elle se rétablisse au plus vite.
Cela étant dit, Mesdames et Messieurs les députés, face à ce rapport, face à la solution trouvée, les libéraux tiennent à rappeler leur attachement à la diminution de la dette. Ce ne sont pas les bonis auxquels nous avons pu assister ces deux dernières années qui peuvent nous permettre d'avoir des espoirs inconsidérés. On a quelque peu amorti cette dette, mais avec 12 milliards, selon la comptabilité cantonale, 19 milliards, selon la comptabilité fédérale, nous sommes encore loin de l'objectif de 5 à 6 milliards énoncé récemment par le Conseil d'Etat, à raison d'un milliard par législature, ce qui nous repousse en gros de 25 ans pour arriver à l'objectif.
La deuxième chose, c'est que nous constatons avec une grande satisfaction qu'un principe cardinal pour nous, face à l'importance de la dette genevoise, à savoir l'introduction du système de la majorité qualifiée, a été accepté par la commission des finances...
M. Alberto Velasco. Par la majorité de la commission !
M. Pierre Weiss. Par la commission des finances...
M. Alberto Velasco. La majorité !
M. Pierre Weiss. Il s'agit par conséquent de relever combien cette commission, dans son «extra-grande» majorité, a su faire preuve du sens des responsabilités pour montrer que face à ce qui est probablement l'acte le plus essentiel de notre vie parlementaire, à savoir l'adoption du budget, il convenait de réunir des forces significatives. Cette réunion de forces significatives, c'est précisément la majorité qualifiée. On peut, après, diverger sur le sens à donner à la majorité qualifiée, mais le fait que l'on se départe du système de la majorité simple pour aller vers celui de la majorité qualifiée, cela représente, je crois, une victoire. En tout cas une victoire d'étape dont nous sommes reconnaissants aux groupes qui nous ont appuyés pour la proposer aujourd'hui à ce Grand Conseil.
Bien sûr, on peut regretter que certains aient eu peur de se retrouver tout à coup minoritaires lors d'un vote au système de majorité qualifiée que nous proposions, qui était celui des deux tiers. On peut regretter que certains aient eu peur de blocages, de réunions de «minorités qualifiantes» de circonstance qui auraient fait en tout cas 34 voix et auraient empêché l'adoption du budget, obligeant le Grand Conseil à prolonger la vie de notre Etat par le système des douzièmes provisoires. Je n'en veux pas trop à ces peurs-là, à ces aveux de faiblesse. Passons à plus important.
Une voix. Tu es magnanime !
M. Pierre Weiss. Passons, par exemple, à une chose nettement plus importante, à savoir le fait que, lorsqu'on se trouve face à des difficultés concrètes dans l'application des lois, il y a un Conseil d'Etat qui vient dans la commission avec des propositions constructives. Nous avons voté il y a quelques années des articles de la LGAF, la loi sur la gestion et l'administration des finances de notre canton, qui était, il faut le dire, inopérante, exagérément compliquée, et peut-être même peu compréhensible.
M. Hiler, et je lui en sais gré, a su venir devant la commission en proposant... (Brouhaha.) ...une solution plus simple, une solution qui permet, après deux ans déjà de déficit, de prendre des mesures pour le rétablissement de l'équilibre. Bien entendu, il y a un article qui prévoit que si, après deux ans de déficit, l'on peut imaginer qu'il y aura un rétablissement, alors on ne prend pas tout de suite la mesure ! Le Conseil d'Etat s'est donné une porte de sortie, ou, en tout cas, il s'est donné une clé pour ouvrir la porte de sortie, mais, sur le fond, la proposition qu'il nous fait est bonne. J'aimerais terminer, Madame... Monsieur le président - je vois que vous avez changé de sexe, si j'ose dire (Rires.) - ...avec l'annonce de ce que pourrait être le futur de ce débat, vu du côté des initiants.
Les initiants vont pondérer le vote qui va avoir lieu aujourd'hui, l'attitude des différents groupes, par un point évidemment important: la teneur du projet tel qu'il va être adopté par nous, probablement, mais aussi par la prise en considération d'éléments extérieurs. Je pense en particulier au fait que, dans le canton de Berne, le principe d'une majorité qualifiée extrêmement forte a été plébiscité par le peuple. Le peuple bernois qui, précisément, voulait sortir le canton de façon responsable de la situation pénible qui était la sienne. Vous me direz: «Est-ce que cela veut dire que le contreprojet est destiné à se voir opposer une initiative dans le vote populaire ?» Je vous répondrai: on verra ! On verra notamment si les initiants considèrent que les Genevois se comportent de façon aussi responsable que les Bernois, et de quelle façon ils apprécient cette probabilité que les Genevois soient aussi responsables que les Bernois. A titre personnel, j'ai quelques doutes...
Le président. Monsieur le député, il vous reste quinze secondes.
M. Pierre Weiss. ...mais je veux laisser quelque espoir au fait que l'initiative soit retirée.
Le président. Merci Monsieur, mâle député, mon semblable. Je passe la parole à M. Gilbert Catelain.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je n'ai pas beaucoup d'observations à porter sur le projet de loi constitutionnelle 10221, qui est relativement limpide et aisé à comprendre. Je me dispenserai aussi de vous donner la citation de François Fillon, premier ministre du gouvernement français, sur la qualification morale d'une classe politique qui a l'habitude de dépenser beaucoup plus que ce qu'elle a en caisse, mais elle pourrait très bien s'appliquer à la nôtre.
Par contre, j'ai une question de fond sur le PL 10222. L'exposé des motifs et le rapport ne le précisent pas: que permettrait de faire ce projet de loi ? Puisque l'alinéa 2 indique: «Toutefois, le budget de fonctionnement de l'Etat de Genève peut présenter un excédent de charges à concurrence maximale de la somme des amortissements du patrimoine administratif et de la variation nette des provisions.» (Brouhaha.) Prenons un exemple pratique: le budget 2008. Ce projet de loi nous permet de faire quoi ? Est-il moral de financer un déficit budgétaire par des amortissements ? Est-ce que le voeu de ce parlement, qui est d'assainir ce canton, est un voeu, seulement un voeu, ou est-ce une volonté ? Est-ce que le Conseil d'Etat peut nous indiquer concrètement ce que cela représentera pour les années à venir, en particulier pour l'année 2008 ?
Présidence de Mme Loly Bolay, présidente
M. Pierre Losio (Ve). Je voulais attirer l'attention de notre parlement sur l'importance de notre vote. En introduisant dans le texte constitutionnel la notion de majorité absolue, nous prenons une responsabilité. Cette responsabilité est très lourde. Nous les Verts, nous l'assumons et nous voterons ce texte. Lors des débats budgétaires, nous voulons croire que tous les groupes politiques respecteront les institutions, c'est-à-dire qu'ils ne pratiqueront pas - pour des raisons préélectorales, postélectorales ou politiciennes - la politique de la chaise vide, qui pourrait condamner le vote d'un budget. Le vote que nous faisons ce soir sur un article qui concerne la constitution est lourd de conséquences et il en appelle à notre vraie responsabilité et à notre respect des institutions. (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Les socialistes sont évidemment contre cette initiative et son contreprojet, simplement parce que la question de la responsabilité, quand on est au Grand Conseil, ce n'est pas seulement de dire: «On va faire un budget qui n'est pas déficitaire pour faire joli dans la galerie !» C'est parce que nous sommes, quelle que soit notre opinion politique, très concernés par les finances du canton de Genève, de la République, et par le bien-être de nos concitoyens. Il ne s'agit pas de voter des budgets à la légère, il ne s'agit pas de prendre des décisions pour faire plaisir à tel ou tel électorat, il s'agit vraiment de gérer notre république au mieux pour le bien de toutes et tous.
Pour cela, je trouve particulièrement étonnant que le Grand Conseil se dote d'une camisole de force, quelque part, comme s'il n'était pas capable de lui-même de considérer que, dans certaines circonstances, parce que la conjoncture l'exige peut-être, nous sommes, ma foi, bien obligés d'avoir un budget déficitaire. Je crois que, dans ce Grand Conseil, personne ne le souhaite comme principe de gouvernement. Je pense que la responsabilité, et c'est un souci majeur des socialistes, est de dire que, dans certaines circonstances, un budget peut être déficitaire.
De plus, j'ai entendu dans les propos du MCG tout à l'heure que ce n'est pas possible, que l'Etat ne peut pas être déficitaire. J'aimerais quand même vous rappeler qu'une entreprise privée peut se retrouver plusieurs années de suite dans une situation déficitaire. Cela ne veut pas dire pour autant qu'elle arrête ses activités, cela veut simplement dire qu'à un moment il s'agit de corriger le tir, de prendre des mesures, et c'est cela la responsabilité. Ce n'est pas, par doctrine, de déclarer que nous ne serons pas déficitaires l'année suivante, c'est de dire: «Nous prenons des mesures pour ne plus l'être.» C'est cela qui préoccupe les socialistes, c'est de prendre des mesures, et non pas décréter par dogme que nous ne serons plus déficitaires, ce qui est particulièrement délicat pour un budget comme celui de l'Etat de Genève, où nous sommes tributaires de recettes fiscales qui peuvent varier énormément d'une année à l'autre !
Pour moi - j'exagère un petit peu, on le sait très bien - cela s'apparente parfois à de la science fiction de venir dire dans ce parlement qu'on va faire des coupes sur tel ou tel poste pour se retrouver, l'année suivante, avec des résultats de 800 millions d'excédents. Je suis désolé, ce n'est pas très sérieux ! Une fois qu'on aura voté le budget en coupant telle ou telle prestation, les personnes qui n'auront plus ces prestations ne vont pas les récupérer. Ce sera trop tard ! Et les enfants qui n'ont plus d'appui scolaire, et les enfants qui se retrouvent plus nombreux dans les classes, et les coûts économisés dans le domaine de la santé... Eh bien c'est trop tard, nos concitoyennes et concitoyens en ont subi les conséquences, mais on ne revient pas en arrière ! Et cela, ce n'est pas acceptable pour les socialistes.
Pour le reste, j'aimerais encore dire que, si l'on veut être responsables, soyons responsables jusqu'au bout ! Et si la dette est une priorité, Mesdames et Messieurs de l'Entente, je ne comprends pas comment aujourd'hui vous pouvez déposer un projet de loi qui vise à diminuer d'un milliard de francs par année les recettes fiscales de la République et canton de Genève ! Ce n'est tout simplement pas possible ! Il faut prendre des mesures cohérentes ! Diminuons la dette, et pour cela c'est très simple: il ne faut pas baisser les impôts aujourd'hui ! Il faut d'abord diminuer la dette. Quand la dette sera diminuée dans des limites raisonnables, alors là, peut-être, on envisagera des baisses d'impôts. Mais ne mettons pas la charrue avant les boeufs ! Ici, une fois de plus, c'est une mesure qui n'est pas raisonnable du tout et nous vous invitons donc à la refuser.
M. Claude Jeanneret (MCG). J'aimerais juste apporter un petit complément à ce que je viens d'entendre. Je comprends très bien qu'on ne puisse pas toujours être d'accord sur tous les termes, mais je n'aimerais pas que l'on puisse confondre l'entreprise privée avec l'Etat. L'entreprise privée est une entreprise qui génère des profits, qui peut être déficitaire quelques années parce qu'elle a un plan d'action qui prévoit d'être ensuite bénéficiaire; le cas de l'Etat n'est pas le même. L'Etat est une entreprise de services, qui rend des services tout au long de l'année, et il est inadmissible que ces derniers aient un coût déficitaire par rapport à notre budget. C'est totalement différent ! Il ne faut pas confondre les choses. L'Etat ne peut être géré que sur ses coûts. J'irai même plus loin: je crois que le jour où Genève fera une bonne Genferei en disant qu'un budget de dépenses doit être en corollaire avec un budget de recettes, c'est-à-dire que les recettes 2006 vont couvrir les dépenses 2008, ce jour-là on n'aura plus jamais d'endettement !
M. Alain Charbonnier (S). Je souhaite rebondir sur ce qui vient d'être dit. Ce qui ressort de ce débat, c'est que les personnes qui vont nous imposer - qui vont imposer à la population, même si elle aura le dernier mot là-dessus - ce corset sur nos budgets, sur nos prestations, ne s'imaginent pas que l'Etat peut être déficitaire à certains exercices, à certaines années. Or, Madame la présidente, vous communiquerez à M. Jeannerat que pour certains services de l'Etat, s'il ne voit pas, lui, d'investissement à long terme, c'est pourtant sûr qu'il y en a ! Prenons l'éducation: s'il n'y a pas d'école, notre jeunesse n'est pas formée et il n'y a pas de renouvellement dans vos entreprises privées que vous chérissez tant ! La même chose pour la santé: si on ne prévoit pas un minimum de prestations de santé, la population est en moins bonne santé et, on le sait, elle est moins active au travail et produit moins. Donc, si on veut une société qui fonctionne correctement, il faut que les services de l'Etat soient présents et ne soient pas forcément non-déficitaires. Il peut arriver qu'ils soient déficitaires, on l'a vu dans certains exercices il y a quelques années. Il y a des retournements de conjoncture. Même si c'était prévu en partie par le conseiller d'Etat qui a modifié grandement cette initiative, elle était purement scandaleuse à l'origine. Vous le transmettrez à M. Weiss, Madame la présidente !
J'ai retrouvé la petite déclaration qui était inscrite sur l'initiative à la fin de l'exposé des motifs de façon à motiver la population. C'est un résumé en quatre phrases: «L'endettement n'est pas une fatalité! Pour éviter les hausses d'impôts. Pour préserver les prestations. Pour mieux gérer l'Etat. Signez et faites signer l'initiative anti-dette.» Qu'ont proposé entretemps les gens de l'Entente ? Une cinquième phrase: «Encouragez les baisses d'impôts.» C'est complètement contradictoire avec leur petit sonnet en quatre vers !
Nous vous proposons vraiment de rejeter l'initiative, le contreprojet également. Nous nous abstiendrons certainement, mais nous encourageons vraiment la population à ne pas soutenir l'introduction de ce corset. Sur la majorité qualifiée, mes camarades se sont exprimés... (L'orateur est interpellé.) «Camarades», oui, Monsieur Unger, chez nous, on est camarades ! Cela doit vous changer un petit peu... Cette majorité qualifiée est la porte ouverte à toutes les dérives. On ne comprend pas pourquoi, sur le budget, on pourrait avoir une majorité qualifiée et pas sur les autres sujets. On vous voit venir sur d'autres thèmes...
Pour terminer, la droite dit que l'on préservera les prestations. C'est ce que les libéraux ont prévu dans l'exposé des motifs de leur initiative. Je tiens quand même à signaler que, depuis le début du travail en commission sur les contrats de prestations, les libéraux, systématiquement, proposent 5% de réduction des subventions... (L'orateur est interpellé.) Cela viendra, Monsieur Walpen ! Ce qui a été dit, c'est que 5% de baisse seront systématiquement demandés sur les subventions pour les différentes associations et institutions qui présentent des contrats de prestations. Forcément que cela a un impact de diminution des prestations. Donc, revoyez un peu vos plans et ne trompez pas la population !
M. Claude Marcet (Ind.). Juste pour répondre à ce qui vient d'être dit, je rappellerai qu'un Etat peut être déficitaire, mais, dans le cadre d'une gestion acyclique, à terme, il doit retrouver l'équilibre. Le problème, c'est que vous, à gauche, chaque fois que dans le cadre de l'acyclique on revient avec des bénéfices, vous ne trouvez rien de mieux que de vouloir dépenser davantage encore. Effectivement, à ce moment-là vous oubliez totalement que normalement on doit se trouver dans une phase de désendettement et vous continuez dans la phase de l'endettement. C'est là où se trouve le problème et c'est pourquoi l'initiative telle qu'elle a été proposée par les libéraux est tout à fait adéquate.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). C'était juste pour donner une réponse à ce qui vient d'être dit par M. Marcet. J'aimerais vraiment que vous regardiez qui sont les partis au gouvernement actuellement et quelle est la situation financière de l'Etat de Genève: tirez-en une conclusion ! Je crois que l'électorat saura aussi pour qui voter en 2009.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité ad interim. Je crois que le fondement pour lequel cette initiative voit le jour, selon les libéraux, c'est la dette. Mais moi je suis quand même étonné de voir que tout le monde parle de dette, mais personne ne donne de chiffres réels, concrets et relatifs. Je m'explique. Les mêmes qui mettent en avant l'OCDE et toutes ces instances devraient aussi parler des chiffres de Maastricht concernant l'endettement. J'ai fait un petit calcul: d'après ce que la Banque cantonale a publié, le revenu cantonal est de 33 à 35 milliards, la dette étant de 11 ou 12 milliards...
Une voix. On ne va pas chipoter !
M. Alberto Velasco. Donc, 11 ou 12 milliards - oui, cela dépend des chiffres. Nous sommes à peu près dans la norme. Le misérabilisme de certains est quand même étonnant, et je crois que cela dénote aussi une méconnaissance des mécanismes financiers. (Brouhaha.) Et tout le monde s'arroge alors professeur en finances ! En critiquant la gauche, en critiquant le Conseil d'Etat, et vas-y que je t'en donne ! Mais la réalité, c'est que ces personnes-là sont les premières à appuyer une initiative, libérale, à nouveau, qui veut un milliard de recettes en moins ! C'est quand même extraordinaire que ceux qui sont en train d'appuyer... (Brouhaha.) Madame la présidente... (La présidente agite la cloche.) ...est-ce que nos collègues qui, ici, ne foutent rien, pourraient sortir ? Parce qu'on ne s'entend pas ici !
La présidente. Je suis d'accord, Monsieur le député, mais...
M. Alberto Velasco. C'est une question de respect, c'est tout !
La présidente. Monsieur Brunier, Monsieur Bavarel, Madame Chatelain, merci de faire silence, pour qu'on puisse écouter notre rapporteur de minorité et tous les autres ! Merci beaucoup. Monsieur le rapporteur, vous pouvez poursuivre.
M. Alberto Velasco. Merci, Madame la présidente. Je reprends. Je disais qu'il est quand même extraordinaire que ceux-là même qui, peut-être de manière honnête - je ne présume pas de leur malhonnêteté - déposent un tel projet pour essayer de contenir la dette et, en faisant cela, limitent les prérogatives démocratiques de ce parlement, eh bien, les mêmes ont déposé il y a quelques jours une nouvelle initiative, ou un nouveau projet de loi, qui veut justement diminuer les recettes de l'Etat d'un milliard ! Avouez que, là, l'honnêteté est mise en cause.
Monsieur Jeannerat, vous qui avez parlé de la dette... Mais vous serez les premiers à voter cette initiative libérale ! Et Monsieur l'UDC, là, qui nous rappelle toujours la dette, vous serez aussi les premiers à voter l'initiative des libéraux ! Il y a une certaine hypocrisie parmi ces groupes. Ou peut-être sont-ils totalement asservis au groupe libéral... Et vous n'êtes que de pauvres satellites ! (Brouhaha.) Par conséquent, dans ce parlement, il vaut mieux s'intéresser au groupe libéral ! Parce que ce sont eux qui font vraiment la politique de droite. Les autres, vous n'êtes que des suiveurs ! (Protestations.) Vous n'avez même pas un minimum d'orgueil en politique ! C'est la vérité, Mesdames et Messieurs !
Reprenons la question de l'initiative. Pourquoi un budget déficitaire ? Mesdames et Messieurs les députés, quand il y a un budget déficitaire, en principe, c'est parce que l'on doit obéir à des lois qui sont au bénéfice de la population et que, de manière transitoire, les recettes ne sont pas là. Et l'Etat, devant appliquer la loi, parce que c'est une obligation, se donne un budget déficitaire, avec l'espoir que l'économie fonctionnera et que les recettes seront de nouveau là. Ce qu'il faut voir, dans un budget déficitaire, Mesdames et Messieurs les députés, c'est comment il est déficitaire ! S'il est déficitaire sur des critères de fonctionnement ou s'il est déficitaire parce qu'il redistribue une partie des sommes soit en investissements, soit en prestations sociales, soit en activités économiques ?
Toutes les études ont montré que un franc public investi dans l'économie, c'est quatre francs de retour, de création de richesse. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les économistes bien-pensants de l'Université ! Voilà, Mesdames et Messieurs, je crois que d'avoir un budget déficitaire, ce n'est pas si catastrophique, si c'est pour le bien de la population et pas pour le bien de quelques uns. Parfois, effectivement, la question doit se poser.
Je tiens à saluer l'intervention de M. Losio, qui, à mon avis, est extrêmement responsable et dont tous les députés qui vont voter cette loi constitutionnelle ce soir devraient se souvenir. Effectivement, il y a là une automutilation. Ce parlement aujourd'hui s'automutile du point de vue de ses prérogatives, et c'est très grave ! Par rapport au pouvoir que le peuple nous a donné, il y a là une tentative... (Brouhaha.) ...de s'automutiler. Je pense qu'on devrait y réfléchir à quatre fois avant de voter cela, parce que c'est un précédent très grave qui risque d'avoir des conséquences, pas seulement sur le vote du budget à la majorité absolue, mais pour d'autres lois. Peut-être que dans un proche avenir, pour des lois concernant, par exemple, la santé ou le logement, on voudra qu'on ait des majorités absolues. Je pense, Mesdames et Messieurs, qu'il y a là une dérive extrêmement grave. Il s'agit de le relever et de le répéter plusieurs fois.
Effectivement, le groupe socialiste ne votera ni le contreprojet ni l'initiative. Pour les raisons que je viens d'exposer, parce qu'ils corsètent la possibilité qu'a l'Etat de répondre à un moment donné à des lois, sociales la plupart du temps. (Brouhaha.) De toute façon, s'il y avait un déficit, l'Etat devrait passer par-dessus cette loi, parce qu'il doit obéir à des lois sociales et de prestations. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, je vous engage à ne pas voter ces projets de lois qui sont, du point de vue démocratique, iniques.
La présidente. Se sont encore inscrits, avant le rapporteur de majorité... (Remarque.) Je suis désolée, vous étiez en dernier. Monsieur Jeanneret, c'est votre dernière et ultime intervention !
M. Claude Jeanneret (MCG). Madame la présidente, je n'en demanderai pas plus, cela suffit. J'ai écouté avec attention certains propos, de M. Velasco, de Mme Torracinta, ... Je suis un tout petit peu déçu de voir que des tenants de la gauche arrivent à critiquer un gouvernement à majorité gauchiste qui a, tout compte fait, réalisé pour le moment un parcours remarquable en jugulant la hausse des frais, en étant tout à fait remarquable dans la mise en place de contrôles de gestion qui, je l'espère, seront efficaces, de bonne gouvernance, ce qui fait que l'Etat n'a pas augmenté ses frais d'une manière extraordinaire.
J'en remercie M. Hiler. On peut le dire, il le disait lui-même: il est très certainement vert, un peu rose dedans, mais surtout noir dans les chiffres, et il est en train de nous le prouver, ce qui est extraordinaire. Alors, quand on vient dire, comme Mme Torracinta, que le gouvernement actuel n'a rien à faire de la dette... Au contraire: il hérite d'une dette épouvantable, qui a été faite par les gouvernements antérieurs; il l'assume, il trouve des solutions de neutralisation dans la progression, et je dirais même des solutions de régression. Là, je dois dire que c'est le moment où jamais de prendre une disposition qui empêche de revenir à des situations où, parce que l'on fait un peu de bénéfice, la gauche veut augmenter les prestations et la droite, diminuer les impôts. Non, Mesdames et Messieurs les députés ! Il faut d'abord diminuer notre dette jusqu'à la hauteur raisonnable, peut-être de 6 ou 7 milliards. Mais d'ici là, il s'agit surtout d'avoir une vue d'ensemble absolument cohérente et d'interdire à l'avenir - parce qu'on ne sait pas qui sera élu la prochaine fois - qu'un gouvernement revienne à des gestions déficitaires.
Je répondrai encore à une chose: quand on parle de l'éducation, de la médecine, peut-être qu'il faut investir, soit, mais pas au-delà des capacités que l'on a ! Parce que lorsque l'on fait des plans à quatre ans, on n'a pas besoin de faire un déficit dans l'année en cours. Comme disait Fayol: «Gérer, c'est prévoir.» Ce qui a manqué aujourd'hui, c'est la prévision. Je crois qu'on a maintenant l'occasion de faire une bonne loi qui empêche des dépenses inopportunes et qui permet à un gouvernement de prendre les bonnes décisions pour l'avenir de notre république.
M. Gilbert Catelain (UDC). La position du parti socialiste est cohérente. C'est un groupe parlementaire qui vote des budgets déficitaires et l'assume. Logiquement, il renonce à entrer en matière sur un projet de loi qui vise à le corseter et à le forcer à une certaine rigueur budgétaire.
Plus incohérente est celle de groupes parlementaires comme le PDC ou le parti radical, qui votent régulièrement des budgets déficitaires, qui ne respecteraient pas les cautèles fixées dans ce projet de loi. Là, on a vraiment le sentiment que, finalement, on fait d'une main ce qu'on ne veut pas faire de l'autre.
Mais si ce parlement s'apprête aujourd'hui à voter un contreprojet et un projet de loi par rapport au désendettement de ce canton, c'est bien parce que la situation a vraiment empiré au cours de ces dernières années, notamment sous la présidence du département des finances de Mmes Calmy-Rey et Brunschwig-Graf. La différence, c'est que le parti libéral, lui, a compris qu'il avait commis des erreurs et a esquissé une solution pour remédier à ces dernières. Je rappelle qu'entre 2001 et 2005 l'endettement s'est accru de 45%. Ce n'est pas rien ! (Commentaires.) Quarante-cinq pourcent d'augmentation de la dette en cinq ans ! En 2004, nous avons enregistré un déficit budgétaire de 864 millions et finalement le bénéfice que nous faisons en 2008 n'est que la contrepartie du déficit que nous avons fait en 2004.
Donc, je le répète, le projet de loi constitutionnelle qui vous est proposé ce soir est une nécessité, parce que, contrairement aux Valaisans, nous, parlementaires, ne sommes pas en mesure de nous discipliner. Nous ne sommes pas en mesure d'assumer la principale fonction que nous avons, c'est-à-dire de voter un budget équilibré. Par conséquent, il faut nous fixer des lois que nous devrons, si possible, respecter. Les Valaisans n'ont pas eu besoin de ce type d'arsenal législatif pour retrouver l'équilibre budgétaire et, surtout, se désendetter totalement, complètement, et éponger leur dette ! Faisons aussi bien que les Valaisans et nous n'aurons pas besoin de voter ce type de projets qui, selon le rapporteur de minorité, sont à assimiler à un déni de démocratie. (Brouhaha.)
En résumé, le projet de loi qui nous est soumis est minimaliste. Le PL 10222 prévoit toute une série de possibilités de ne pas appliquer ce «frein à l'endettement» puisque, si on estime que la situation pourrait s'améliorer, on pourrait ne pas passer devant le peuple. Et la question de fond, de savoir si nous pouvons admettre encore dans notre république d'avoir un budget de fonctionnement déficitaire, eh bien, cette question reste complètement ouverte. On répond que oui et, au niveau de l'impact sur la dette publique, c'est gravissime. A titre personnel, j'estime que le projet de loi qui nous est soumis ce soir est un petit pas pour un mieux au niveau du désendettement, mais il ne faut pas s'attendre à voir de grandes avancées. C'est peut-être aussi une sorte de critique par rapport au Conseil d'Etat. Parce que si, finalement, nous votons ces projets de lois, cela veut dire que la majorité de ce parlement n'a pas intégralement confiance en l'efficacité du plan de mesures d'économies que le Conseil d'Etat nous a présenté suite au discours de Saint-Pierre.
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur de majorité ad interim. Je reviens sur la question de M. Catelain, tout à l'heure. Je ne suis pas sûr d'avoir tout à fait compris. Vous demandiez ce que représentait l'alinéa 2 de l'article 7. En fait, cela représente simplement que l'on n'intègre pas dans le calcul les opérations non monétaires. Cela se comprend dans le sens que l'on souhaite adopter le budget de fonctionnement dans les limites des recettes par rapport aux dépenses réelles. On a 1 F dans le porte-monnaie, on ne va pas dépenser 1.20 F, mais on ne considère pas là-dedans les amortissements ou la variation de provisions, ce qui toutefois n'évite pas au Conseil d'Etat, dans cette condition-là, de présenter un budget équilibré pour l'exercice suivant. (Brouhaha.)
Je m'aperçois que nous nous sommes bien éloignés des arguments principaux des opposants, tels qu'ils figurent dans le rapport de la minorité. A savoir, plutôt le problème démocratique, les règles démocratiques en vigueur. En effet, seul le rapporteur de minorité, M. Velasco, en a parlé. On est revenus, notamment avec le parti socialiste, sur le fameux débat des baisses d'impôts, or je pense que le débat est peut-être intéressant mais qu'il n'a pas lieu d'être lorsque l'on vote cet objet.
Il y a un message qui est tout à fait clair, que ce Grand Conseil doit absolument faire passer à la population: il ne s'agit pas d'un corset. Il s'agit d'un outil de gestion, d'un outil de pilotage, comme le mentionne d'ailleurs Mme Grobet-Wellner à la page 21 de son rapport de minorité. Il s'agit simplement d'un outil de pilotage, un outil qui a été modifié à la demande du département, à la demande du gouvernement. Et en ce sens, je m'étonne, Mesdames et Messieurs les représentants du groupe socialistes, que vous ne souteniez pas l'action gouvernementale.
Une voix. Bravo !
M. David Hiler, conseiller d'Etat. D'abord, je répondrai de façon tout à fait complète à une question pointue, pour M. Catelain. La clause dont on parle figure déjà dans la LGAF. Elle concerne les années où l'Etat serait en déficit et elle fixe de toute façon une limite à ce déficit. Ce dernier ne doit pas être supérieur aux amortissements, c'est-à-dire la couverture des investissements, et au différenciel de provisions, parce qu'autrement ce serait un petit peu facile ! Donc, c'est un élément restrictif qui existe déjà et concerne les deux années.
Par rapport à ce projet, deux ou trois mots, d'abord en ce qui concerne le fait qu'il faille 51 députés pour voter un budget. Finalement, mon seul regret, c'est qu'on ait ajouté «déficitaire». Parce qu'en principe, quel que soit le budget, comme a priori le peuple élit des députés au Grand Conseil pour prendre des décisions majeures, portant quand même sur 7 milliards de francs, on peut imaginer qu'aucun budget ne devrait être approuvé par moins de 51 députés. C'est la majorité des élus ! Et on espère que ces élus seront, dans leur immense majorité, présents.
Ce qui change entre les différentes propositions qui étaient contenues dans l'initiative et ce qui est dans le contreprojet, si l'on exclut la question de la majorité, c'est, au fond, le moment où l'on prend la mesure. Le Conseil d'Etat a souhaité que la mesure soit prise sur le résultat des comptes, pour les raisons que vous comprendrez facilement au vu des écarts très considérables qui existent entre les prévisions budgétaires et la réalité qui s'observe finalement.
Il nous paraît que ce qui est essentiel, c'est ce qui se passe quand on rend les comptes.
Deux années de déficit, c'est beaucoup. Une année, c'est possible, pour les raisons qui ont été expliquées par plusieurs orateurs, à savoir une chute assez rapide de la conjoncture au niveau mondial, avec un impact fort à Genève. C'est arrivé. Cela arrivera à nouveau. Maintenant, que cela puisse durer deux ans, passe encore. Trois, cela signifie qu'on est dans une situation un peu différente, et selon l'ampleur de ce déficit, si l'on ajoute la non-couverture des investissements, on peut déjà être en deux ans à 800 millions, voire 1 milliard de francs de dette supplémentaire.
C'est la raison pour laquelle... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...le Conseil d'Etat a souhaité que le dispositif entre en vigueur suffisamment tôt pour être efficace. Cela ne signifie pas, contrairement à ce qu'a dit M. Mettan, que le Conseil d'Etat soit aujourd'hui plus convaincu qu'en votation populaire des mérites d'opposer des diminutions de charges à des augmentations de recettes. Mais le peuple a tranché ! Ce n'est plus un débat ouvert, c'est un article constitutionnel. Et l'on attend quand même du Conseil d'Etat, cela a été dit avec une certaine vigueur la semaine dernière, qu'il respecte les lois - au moins la constitution, n'est-ce pas ? - de sorte que, sur un dispositif existant, voté par le peuple contre l'avis du Conseil d'Etat, nous avons simplement proposé qu'il soit appliqué.
Pourquoi souhaitons-nous qu'il soit appliqué ? Mesdames et Messieurs les députés, c'est tout simplement parce que nous avons l'impression - la plupart d'entre nous avons été parlementaires avant d'être conseillers d'Etat - que depuis la fin de la crise structurelle de l'économie genevoise, depuis 1997, on joue pour beurre ! On joue pour beurre, parce que, en réalité, on n'admet pas de limiter les charges. On veut aussi baisser les impôts en se disant que, de toute façon, demain, quelqu'un paiera pour nous. Parce que nous, nous sommes d'une génération privilégiée et nous n'entendons rien céder. Et après nous le déluge !
Or, Mesdames et Messieurs les députés, nous savons très bien que ceux qui viendront après nous connaîtront quelques particularités qui ne les aideront pas à équilibrer les budgets. D'abord, la population âgée sera très importante, ce qui signifie des coûts directs liés aux prestations complémentaires et des coûts de santé qui ne seront pas négligeables. Ensuite, nous avons un déficit de couverture sur des caisses de pension. Ces prochaines années - comme dans la police déjà aujourd'hui, mais pour l'ensemble de la fonction publique - on va arriver à un rapport de un cotisant pour un pensionné. Il y aura certainement une part des dépenses qui seront le fait des collectivités publiques, mais aussi de ceux qui, demain, paieront les impôts et devront travailler à l'Etat de Genève.
En outre, nous savons que nous avons des menaces assez fortes sur le volume de ce que nous pourrons prélever sur les personnes morales, du fait des pressions de l'Union européenne. Si elle nous obligeait à changer de système - bien que nous ne faisions, paraît-il, que discuter, mais enfin, bon, on sait bien qu'il va se passer quelque chose - nous pourrions demain avoir moins de ressources qu'aujourd'hui.
Dans ces conditions, si un canton comme le canton de Berne, qui perdait des habitants, a réussi pendant sept ans à ne pas avoir de déficit tout en maintenant des services publics qui ne sont pas la honte de la Suisse, avec les ressources qui sont les nôtres, nous devons y arriver. (Brouhaha.)
Mais alors, évidemment, Mesdames et Messieurs les députés, c'est l'appel du Conseil d'Etat: c'est incompatible avec un retour à la croissance des charges à 4 ou 5% par année. Et c'est totalement incompatible également avec des baisses massives d'impôts de l'ordre d'un milliard de francs ! Le canton de Berne, Mesdames et Messieurs les députés, quoique gouverné ailleurs qu'à gauche, a très longtemps repoussé toute idée de baisse d'impôts, tout simplement parce qu'il voulait diminuer sa dette.
Quant aux comparaisons avec le Valais, moi je suis un petit peu dubitatif, parce que la différence du Valais avec Genève, c'est que lorsqu'ils commencent à établir le budget, il y a une partie tout de même importante qui est couverte par les subventions fédérales et la péréquation des ressources... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Mais le canton de Bâle-Ville, par exemple, arrive aujourd'hui, bien qu'il ait une incapacité de développement démographique qui est avérée, à de bons résultats. Nous avons connu une renaissance économique du canton de Genève depuis 1998. Celle-ci nous donne la chance de nous profiler comme un lieu - pas de tous les secteurs... Je vois des personnes hocher la tête. Un jour, vous saurez ce que c'est qu'une économie stagnante, et ce jour-là vous sortirez les mouchoirs ! Aujourd'hui, l'économie genevoise, globalement, connaît un taux de croissance simplement ahurissant et il faut s'en féliciter ! Il faut s'en féliciter, parce que nous avons trouvé un nouvel espace pour ce développement et que nous le mènerons.
Il est donc normal qu'en période de haute croissance il y ait des résultats spectaculaires au niveau du fonctionnement. Il devrait être normal, de la même manière, que, même en période moyenne à basse, nous ayons 150 millions de marge.
Mesdames et Messieurs, en votant ce projet, vous vous condamnez à quelque chose. Si, pour une élection, pour d'autres raisons ou par goût du pari ou du bluff, vous entendez soit relancer une machine à dépenser - mais pour satisfaire quels besoins, en réalité ?! - soit baisser massivement les impôts, dans les deux ans, vous vous retrouverez à poser la même question au peuple, qui risque de ne pas trouver la plaisanterie très drôle... C'est la raison, Mesdames et Messieurs les députés, pour laquelle le Conseil d'Etat est entièrement acquis à ce contreprojet. Il lui paraît qu'en l'occurrence l'Etat de Genève peut, comme l'Etat de Berne, ne pas avoir de déficit ces prochaines années, à condition de rester un tant soit peu raisonnable. Il faut se rappeler que, bien, nous avons été jeunes dans les années soixante, septante ou quatre-vingt, où tout était possible, tout était permis, en particulier de gaspiller... Mais les conditions ont changé, nos enfants n'ont pas autant de facilité que nous en avions à trouver un emploi, et dans ces conditions, Mesdames et Messieurs, une gestion saine, sur un pied de vie élevé, est tout de même un objectif que toutes les forces politiques ici peuvent mener à bien ! Les uns voulant moins d'Etat, c'est leur droit; les autres, j'en fais partie, voulant améliorer cet Etat. Nous verrons bien ce que le peuple veut. Si le peuple veut moins d'Etat et vote moins de ressources, alors il faudra qu'il y ait moins d'Etat et pas simplement que nos enfants ou nos petits-enfants soient demain, dans des périodes où Genève ne sera peut-être pas aussi favorisée par le destin qu'aujourd'hui, dans l'incapacité d'avoir des conditions de base, celles que l'Etat doit amener si l'on entend renouveler les conditions qui sont celles d'une économie prospère.
La présidente. Je mets aux voix le PL 10221, qui est le contreprojet à l'IN 135.
Mis aux voix, le projet de loi 10221 est adopté en premier débat par 64 oui contre 13 non.
La loi 10221 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10221 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 64 oui contre 13 non.
Mis aux voix, le projet de loi 10222 est adopté en premier débat par 64 oui contre 12 non.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité ad interim. Comme vous pouvez le constatez, notre groupe s'est abstenu en commission, donc dans les différents articles. Par conséquent, pour ne pas rallonger le débat, nous vous prions de considérer que ce n'est pas une opposition, mais une abstention que notre groupe présentera aux différents articles.
La loi 10222 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
M. Pierre Weiss (L). Afin de mieux compter encore cet immense soutien libéral à ce projet de loi, je vous demande le vote nominal.
La présidente. Etes-vous appuyé ? Vous l'êtes. Il en sera fait ainsi.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 10222 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 64 oui contre 12 non.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 135-D.
La présidente. Je remercie les rapporteurs. Nous sommes au point 26 de notre ordre du jour.
Premier débat
La présidente. La rapporteure est Mme Emilie Flamand. Avant de lui passer la parole, Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que cet objet est en catégorie II, comme cela a été décidé par la commission. Le temps de parole est donc de trois minutes par groupe et trois minutes pour Mme la rapporteure.
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse. Pour étudier ce projet de loi, qui propose que les abandons de créances, actuellement préavisés par la commission de contrôle de la Fondation de valorisation, soient traités par la plénière de notre Conseil, la commission des droits politiques a auditionné l'auteur du projet de loi et le président du conseil de la Fondation de valorisation. Il est vite apparu que la mesure proposée par les auteurs du PL 9926 était disproportionnée pour plusieurs raisons.
Premièrement, les activités de la Fondation de valorisation vont bientôt s'arrêter, nous l'avons voté tout à l'heure, donc d'ici fin 2009 la Fondation de valorisation va stopper ses activités.
La deuxième raison, c'est un besoin de souplesse par rapport aux abandons de créances, parce que ces derniers permettent en fait à la Fondation de réaliser les gages, c'est-à-dire les immeubles qui sont liés aux créances. Parfois, selon les offres du marché, il faut pouvoir agir assez rapidement.
La troisième raison, c'est un besoin de confidentialité, puisque les dossiers d'abandon de créance contiennent de nombreuses informations, liées à la fiscalité par exemple, et le fait d'en discuter en séance plénière pourrait compromettre les procédures de négociation.
Enfin, la commission de contrôle de la Fondation de valorisation, qui s'occupe actuellement de ces abandons de créances, est composée de représentants de tous les partis - proportionnellement à la représentation des partis en plénière - et, donc, prend ses décisions de manière tout à fait légitime.
Pour toutes ces raisons, le changement de la loi ne se justifie pas, et la majorité de la commission vous invite à refuser ce projet de loi.
M. Eric Stauffer (MCG). De quoi s'agit-il ? Il s'agit de donner un contrôle plus large et plus démocratique aux abandons de créances. Nous savons qu'à ce jour trente dossiers, pour un montant de 138 millions, ont été abandonnés - précisément par abandon de créance - à des gens aussi divers que multiples. On peut penser que pour traiter des abandons de créances, il y a un membre par parti, etc. Mais nous, nous n'avons pas arrêté de dire que la commission de contrôle n'était ni plus ni moins qu'un office d'oblitération, et très rarement la Fondation n'a pas été suivie.
En effet, la plupart des projets de lois qui nous sont soumis ici pour des objets d'une certaine valeur et qui seraient vendus en dessous des prix du marché, puisqu'il n'y a eu qu'une seule offre... Je me souviens d'un rapport de minorité dont j'étais chargé qui concernait quatre appartements à Versoix; deux appartements de deux pièces et deux appartements de cinq pièces, vendus pour la bagatelle de 960 000 F les quatre appartements... Et il n'y avait eu qu'une seule offre à la Fondation de valorisation ! C'est bien la preuve que personne ne lit en plénière ce qui est fait en commission, et notamment les rapports de minorité du MCG.
Aujourd'hui, on peut s'étonner de ce montant, Mesdames et Messieurs: 138 millions de francs ! Abandonnés au profit de ceux que nous avons surnommés les goldenboys de l'immobilier. Vous savez, ceux qui se la jouaient en Ferrari à Rive, et qui ont failli dans leurs remboursements de crédits auprès de la BCGe... Ceux-là mêmes qui ont contribué à plomber les comptes de la Banque cantonale et, par corollaire, les comptes de la République et canton de Genève. Tout cela au détriment des contribuables qui, eux, devront payer la facture coûte que coûte ! Facture qui s'élèvera, comme nous l'avons vu précédemment, à un petit peu plus de 2 milliards.
Pour qu'il y ait vraiment transparence, nous traitons ici, en plénière, des demandes de grâce, les noms sont caviardés et ne sont connus que des députés. Donc, il n'y aurait aucun problème de confidentialité à traiter des abandons de créances en plénière ! Si ce n'est pour ceux qui veulent couvrir leurs petits copains qui opéraient dans l'immobilier et qui ont pu s'en sortir à bon compte. J'ai vu personnellement des abandons de créances pour quelque chose comme 50 millions de francs, et cela concernant quelqu'un qui, par ailleurs, vit très richement dans un autre pays... Mais évidemment, à ce niveau-là, on ne va pas le poursuivre. Je trouve cela fort regrettable ! Personnellement, je m'étais opposé à cet abandon de créance. Mais, quand il s'agit de Mme X., je veux bien: elle a suivi son mari - qui était un de ces goldenboys et qui est décédé - et elle se retrouve maintenant endettée parce qu'elle était codébitrice solidaire. Alors oui, là un abandon de créance se justifie, parce que cette pauvre dame n'y peut rien. En revanche, tous ceux qui ont contribué à plomber la Banque - et pas pour des petites sommes, mais pour des dizaines et des dizaines de millions - je refuse que ces cas soient examinés en petit comité: la population a le droit de connaître la vérité ! Elle a le droit de suivre les débats, elle a le droit de savoir à qui, individu ou société - tout en conservant leur anonymat - elle accorde des abandons de créances avec les deniers publics !
C'est pourquoi, dans un souci de transparence et pour faire connaître la vérité, nous vous encourageons à soutenir ce projet de loi, pour que tout abandon de créance, avec la confidentialité et le respect de la sphère privée qui s'imposent, soit traité en plénière. Cela s'appelle du courage politique ! Mais c'est vrai qu'en ce qui concerne la BCGe le courage politique n'est pas l'apanage de ce parlement.
M. Olivier Wasmer (UDC). J'entendais ma voisine qui disait à M. Stauffer: «Tu en remets une couche !» C'est effectivement le cas. Il en remet une couche. Chaque fois qu'on parle de la Fondation de valorisation ou de la BCGe, M. Stauffer en remet une couche, parce que c'est son dada. Il en remet une couche, parce qu'il fait parler de lui...
M. Eric Stauffer. Article 24 !
M. Olivier Wasmer. Je n'ai aucun conflit d'intérêt, Madame la présidente, c'est d'ailleurs pour cela que j'ai été élu à la présidence, les autres membres de la commission ayant constaté que je n'avais aucun conflit d'intérêt dans le cadre de la Fondation de valorisation. Cela étant... (L'orateur est interpellé.) Monsieur Deneys, la majorité l'a voté et j'ai été élu, donc je n'ai aucun conflit d'intérêt. Voilà ! Je vous remercie.
La chose étant réglée, je rappelle que, dans l'urgence, la Fondation de valorisation a dû vendre passablement d'immeubles, comme on l'a évoqué non seulement il y a une heure, mais en de nombreuses séances plénières. Je le rappelle pour ceux qui ne le savent pas encore: la BCGe a transféré à peu près 5 milliards de créances à la Fondation de valorisation, pour éviter la faillite de la Banque. Il y en a peut-être qui ne l'ont pas compris aujourd'hui, heureusement, c'est une petite minorité, mais il faut savoir qu'effectivement, la Banque cantonale n'étant pas la Fondation de valorisation, cette dernière a tout mis en oeuvre, je le répète, pour vendre au mieux les immeubles, pour céder des créances, pour faire rembourser toutes les créances, qu'elles soient garanties par des immeubles ou pas. Et malheureusement, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, certains débiteurs n'avaient plus rien du tout. A tel point que, leur immeuble ayant été vendu, on les a retrouvés avec des actes de défaut de biens, pas pour des centaines de milliers de francs, mais, pour certains débiteurs, pour des dizaines, voire des centaines de millions.
Cela étant, il est évident que la Fondation devait tout mettre en oeuvre pour essayer de trouver de l'argent, puisqu'effectivement ces débiteurs n'avaient plus rien, en tout cas en matière immobilière. Non seulement on a vendu tous leurs immeubles, mais en plus on leur a dit: «Ecoutez, on va trouver un arrangement avec vous. Vous avez des créances de plusieurs dizaines de millions qu'on ne retrouvera jamais: est-ce que vous êtes prêts à passer des conventions avec la Fondation, de façon à nous céder vos créances ? Et, si vous avez d'autres actifs qui peuvent vous échoir, à les céder à la Fondation ? En contrepartie, nous vous garantirons que nous effacerons votre solde de créance.»
Il faut le savoir - je le rappelle aussi à certains députés - la Fondation de valorisation a repris des créances bancaires, provenant de la Banque cantonale de Genève. Or, comme vous le savez, toutes les banques de Suisse sont liées par le secret bancaire. C'est dire que les créances qui ont été cédées à la Fondation de valorisation sont également soumises à ce secret bancaire. Aujourd'hui, on ne vous propose rien de moins...
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Olivier Wasmer. Tout de suite, Madame la présidente - ...que de remettre ces cessions de créances et ces renonciations de créances sur la place publique avec le nom des débiteurs, le nom de leur famille, etc. (L'orateur est interpellé.) La Fondation a fait un très bon travail. Elle a pu effacer certaines créances, parce qu'il y avait des débiteurs qui se sont prêtés à des transactions tout à fait contrôlées par tous les députés de la commission. Toutes les commissions du Grand Conseil, comme cela a été rappelé dans ce rapport, ont pleine compétence pour trancher sur les projets de lois qui leur sont soumis. Je vous demanderai donc, au nom de l'UDC, de rejeter ce projet de loi.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Les socialistes soutiendront le rapport de majorité. Ils ne soutiendront donc pas le projet de loi du grand redresseur de torts, M. Stauffer. En fait, l'auteur reconnaissait lui-même que ce projet de loi venait un peu tardivement, puisque la Fondation de valorisation va bientôt arriver à son terme. Nous avons eu l'occasion d'en discuter très largement tout à l'heure.
Sur le fond, l'audition des personnes concernées, notamment des représentants du conseil, nous a convaincus que le travail fait était sérieux, en particulier s'agissant des procédures aboutissant à des abandons de créances. Il est dit qu'effectivement ces procédures sont très intrusives, et c'est bien normal étant donné les enjeux. Il est bien normal aussi que tout soit contrôlé avec une extrême rigueur.
Mais nous avons quand même une cautèle, c'est que les partis sont représentés dans le conseil de la Fondation de valorisation. Pour nous, c'est une garantie démocratique. C'est bien pour cela que les socialistes soutiennent le fait que les représentants des partis politiques doivent, d'une façon générale, siéger dans les différents conseils, notamment dans les conseils d'administration de tous les établissements autonomes. (Commentaires.)
Dans ce sens-là, nous estimons que le contrôle est fait et qu'il n'y a pas de raison d'accepter ce projet de loi, qui alourdirait encore les travaux du Grand Conseil et qui n'apporterait rien. Nous vous demandons de ne pas soutenir ce projet de loi.
Mme Michèle Ducret (R). Je crois que Mme Fehlmann Rielle voulait parler de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation, où tous les partis de ce Grand Conseil sont représentés. Nous considérons effectivement que cette commission a très bien fait son travail. Nous avons examiné cette question en commission des droits politiques. Il s'avère que les questions d'abandon de créance sont extrêmement rares. Ils l'ont été pendant toutes ces années, et nous considérons donc qu'il ne convient pas d'entrer en matière sur ce projet de loi.
D'ailleurs, l'institution du Grand Conseil, la construction du Grand Conseil est faite de telle manière que l'on confie le travail aux commissions, qui le rapportent en plénière. Il n'est absolument pas question de venir déballer ici en plénière, devant tout le monde et peut-être aussi devant les caméras de la télévision, des choses qui n'ont pas à y être dites.
J'ajouterai, Madame la présidente, et vous me permettrez cette petite saillie... (Commentaires.) Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, désolée, je leur expliquerai... (Rires.) Je voudrais dire que le canton de Genève et toutes ses institutions ne sont pas des écuries d'Augias qui sont à nettoyer par un quelconque Hercule de foire ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mme Michèle Künzler (Ve). Je pense que ces abandons de créances sont finalement assez rares, contrairement à ce qui a été soulevé ici... (L'oratrice est interpellée.) En réalité, Monsieur Stauffer, il n'y a pas d'abandon de créance pour des sociétés. La plupart des gros abandons de créances, mais ce n'étaient pas vraiment des abandons; c'était au moment des sociétés de portage, parce qu'en fait on ne peut pas poursuivre ces sociétés. Les abandons de créances qui ont été donnés, et qui sont partiels, répondent à des règles extrêmement claires et définies dans le rapport de la commission.
Il s'agit de personnes qui ont reconnu l'intégralité de leur dette et qui collaborent avec la Fondation, pas comme certains débiteurs qui obligent à toutes les procédures. Je signale au passage qu'il y a encore des procédures en cours depuis l'an 2000, parce que les gens n'ont pas encore cédé leurs créances. Ces débiteurs récalcitrants, c'est normal, n'auront pas la possibilité d'avoir un abandon de créance. Et, surtout, il n'y a pas d'abandon de créance pour des gens qui sont solvables. Cela tombe simplement sous le sens ! En plus, il est clair que si les débiteurs revenaient à meilleure fortune, ce qu'on peut leur souhaiter, ou s'ils avaient caché leurs avoirs... Vous soupçonniez quelqu'un d'avoir une fortune importante, mais il fallait le dénoncer en commission, si vous aviez des éléments ! C'est cela, votre job ! (L'oratrice est interpellée.) Mais vous ne l'avez pas fait !
En l'occurrence, les gens qui bénéficient d'abandons de créances, et il y en a eu plusieurs cas - ne parlons pas de goldenboys - ce sont des personnes âgées qui se sont «plantées» dans l'achat de leur villa ! Elles ont acheté une villa beaucoup trop cher et n'ont pas pu assumer leurs charges ! Et on abandonne une créance de 200 ou 300 000 F. De toute façon, ces personnes sont maintenant à l'assistance, elles sont ratiboisées, quand il n'y a pas en plus un conjoint qui est mort... Bref, ce sont vraiment des situations dramatiques où, de toute façon, soyons clairs, il n'y a pas de quoi récupérer des fonds.
Ces abandons de créances doivent être traités par la commission - observés seulement, parce que c'est la Fondation de valorisation qui doit prendre ces décisions; la commission de contrôle donne un préavis. Si l'on commençait à parler d'abandons de créances ici, est-ce qu'il faudrait traiter aussi les abandons de créances pour la fiscalité, les caisses maladie, tout cela ? (Brouhaha.) On ne s'en sortirait plus ! Les choses doivent être gérées au bon endroit. Ici, les règles sont claires, et c'est celles-là qu'il faut suivre. Je crois que la personne qui aurait un abandon de créance malhonnête serait poursuivie, et c'est cela qui compte. Je vous invite vraiment à voter ce rapport.
M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien n'entrera pas en matière sur ce projet de loi. D'une part, parce que, comme il a été dit, l'esprit du projet de loi contredit la mission même de la Fondation de valorisation, qui est très bien expliquée dans l'annexe au rapport. Le but de la Fondation de valorisation, c'est précisément de ne pas abandonner les créances, mais de les réaliser au mieux. D'autre part - cela a été dit par plusieurs personnes - parce que la commission de contrôle de notre Grand Conseil agit avec toute la vigilance nécessaire et tous les moyens de contrôle à sa disposition pour éviter toute dérive.
Comme Mme Künzler l'a dit, ces abandons de créances sont extrêmement rares. Quand j'ai eu l'occasion de présider la commission de contrôle avant M. Wasmer, nous n'avons procédé qu'à deux abandons de créances, en tout et pour tout. Cela concernait des petits débiteurs qui avaient montré toute leur bonne volonté dans le dossier pour coopérer avec la Fondation et réaliser leur bien afin de s'acquitter au mieux de leur dette. Malheureusement, une fois que leur bien avait été vendu, il restait encore une certaine créance. Et ces gens demeuraient encore débiteurs de la Fondation pour un certain montant. Souvent, il s'agissait de personnes âgées ou sans moyens, qui n'avaient plus aucune possibilité de rembourser le reste de leur créance. Dans ces cas-là, la commission a été avertie et elle a voté en toute connaissance de cause en faveur de l'abandon. Malheureusement, mais ce n'est que justice pour ces personnes-là. Pour tous les autres cas, il n'y a jamais eu d'abandon de créance qui nous a été demandé; pour tous les cas importants, il n'y a jamais eu de telle demande.
Il faut aussi préciser que, du point de vue du droit, toutes les précautions sont prises. Si, par hasard, la Fondation avait abandonné une créance, en étant trompée par le débiteur qui aurait caché sciemment des informations, eh bien, dès que cela aurait été découvert, la Fondation aurait tout loisir d'agir en justice, la loi le permet, pour récupérer une partie des Fonds et obliger le débiteur malhonnête à rendre sa créance.
Je crois donc qu'il n'y a pas de problème à refuser ce projet de loi. En revanche, je voudrais juste conclure en disant que le problème soulevé par M. Stauffer est important, en particulier dès le moment où, comme on l'a fait tout à l'heure, on vient de décider la dissolution de la Fondation. Pourquoi ? Parce que les créances qui restent portent sur des montants importants et doivent être gérées et liquidées au mieux. Notre parti avait déposé une motion pour demander, par exemple, à des institutions privées de gérer ces créances, en partant de l'idée que ces institutions professionnelles pourraient peut-être réaliser ces créances au mieux. Je ne sais pas si c'est la solution idéale. Tout cela pour dire qu'il est particulièrement important de veiller à ce que les créances qui subsistent puissent être liquidées au mieux pour l'Etat de Genève et pour les contribuables genevois.
M. Olivier Jornot (L). Les libéraux, à l'époque de la création de la Fondation de valorisation, étaient opposés à l'idée que ce soit une fondation de droit public, parce que cela aurait pour conséquence d'obliger le Grand Conseil à se prononcer sur chacune des ventes, c'est-à-dire à voter des centaines et des centaines de fois au cours de la durée de vie de la Fondation. Ce serait bien entendu incohérent de notre part de vouloir aujourd'hui étendre encore plus les tâches du Grand Conseil en la matière, en lui donnant la compétence de statuer sur les abandons de créances.
Sur le fond, Mesdames et Messieurs, je crois qu'il y a tout simplement une méconnaissance de la part des auteurs du projet de loi de ce qu'est un mécanisme d'abandon de créance. Il y a méconnaissance, parce que l'abandon de créance est en quelque sorte considéré comme une capitulation du créancier, qui renonce à faire valoir ses droits à l'encontre du débiteur et qui, bien entendu, dans la théorie du complot qui est développée par les auteurs, le fait par connivence ou par favoritisme. En réalité, Mesdames et Messieurs, l'abandon de créance, c'est un instrument de recouvrement. C'est précisément pour pouvoir recouvrer quelque chose que l'on abandonne une partie de sa créance. Donc, lorsque l'on fait cela, c'est précisément pour sauvegarder les intérêts du créancier, c'est-à-dire de la Fondation, de l'Etat et du contribuable. Vous me pardonnerez de faire cet enchaînement qui nous est si souvent servi, mais en l'occurrence, si l'on acceptait ce projet de loi, «on nuirait aux intérêts du contribuable qui nous regarde» - vous connaissez la rengaine...
Une voix. Qui nous a élus !
M. Olivier Jornot. ...et «Qui nous a élus et qui est souverain...». Mesdames et Messieurs les députés, un acte de défaut de biens n'a jamais nourri son homme. Si le but de la manoeuvre est de faire en sorte que le conseiller d'Etat, chef du département des finances, puisse, au terme du processus de vie de la Fondation, tapisser tous les locaux de l'Etat avec des actes de défaut de biens de la cave au grenier, alors il faut voter ce projet de loi. Si l'on veut simplement sauvegarder les intérêts de l'Etat de Genève, il faut voter non !
Mme Anne Emery-Torracinta (S). M. Stauffer nous a parlé tout à l'heure du courage nécessaire en politique. J'aimerais, Mesdames et Messieurs les députés, vous citer un ou deux points qui se trouvent dans l'exposé des motifs de ce projet de loi. On nous dit ceci: «Pour justifier cette mesure, prenons 2 exemples, un ancien et un très récent [...]». Le premier exemple est le suivant: «Confédération Centre: selon les rumeurs et différents articles de presse, il apparaîtrait que [...]». Je vous passe la suite. Deuxième exemple: «Société X, active et prospère dans le bâtiment à Genève: la rumeur parle d'une société genevoise qui [...]», etc.
Mesdames et Messieurs les députés, le courage en politique, c'est de s'appuyer sur les faits et pas sur la rumeur. La rumeur, c'est désigner à la vindicte populaire des boucs émissaires. La rumeur, c'est ce qui fait le lit du fascisme, et je crois que les démocrates de ce parlement ne peuvent accepter un projet de loi fondé uniquement sur des rumeurs. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. La parole est à Mme Sandra Borgeaud. Madame la députée, vous avez une minute et demie.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Merci Madame la présidente, je le sais. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais revenir sur ce qui a été dit tout à l'heure. Il est bien mentionné que, sur l'ensemble de l'activité de la commission Fondval, 30 dossiers sur 990 se sont conclus par des abandons de créances pour un montant de 138 132 128 F. Ce qui veut dire, en moyenne, 4 600 000 F par dossier ! Je ne sais pas si vous avez appris à calculer dans la même école que moi, mais moi j'arrive à ce résultat. Donc, il ne s'agit pas d'abandons de créances de 200 000 ou 300 000 F, comme cela a été dit tout à l'heure.
Je ne pense pas non plus que les personnes âgées aient les moyens de s'offrir des palaces à 4 600 000 F, et encore moins les jeunes ! Tous n'ont pas la possibilité d'être des goldenboys ou des goldengirls. On peut ne pas être d'accord sur des questions politiques, mais cela ne nous enlève pas le droit de nous exprimer, ni celui de relayer la colère de notre population genevoise sur la débâcle de la BCGe, qui, par chance, a été sauvée par l'Etat. Ce n'a pas été le cas pour Swissair et bien d'autres entreprises...
La présidente. Il vous reste dix secondes, Madame la députée.
Mme Sandra Borgeaud. En tout cas, comme je l'ai signé, je continuerai à soutenir ce projet de loi, et même si je perds, je n'en dis pas moins ce que la population pense !
La présidente. La parole est à M. Eric Stauffer. Il vous reste une minute quarante secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer (MCG). Mais c'est largement suffisant, Madame la présidente ! Madame la députée du banc d'en face, vous dites que je me bats sur la rumeur. C'est parce que je n'ai certainement pas voulu qu'on puisse me reprocher d'avoir violé un quelconque secret de fonction. (Exclamations.)
En revanche, ce que je vais vous dire, puisque vous avez parlé de Confédération Centre, c'est que ce dossier a coûté plus de 100 millions au contribuable. Vous voulez savoir le plus inique et le plus cynique dans ce dossier ? C'est qu'un représentant de ce Grand Conseil s'est targué d'avoir réalisé la plus grosse commission de vente en ayant vendu Confédération Centre, qui avait pourtant été rachetée par le Crédit Suisse, à ces frères T. - nous ne citerons pas les noms pour la vindicte populaire... Et c'est le Crédit Suisse qui a racheté, sur introduction des anciens propriétaires, et il y a un membre de cet hémicycle qui a réalisé une petite commission - c'est un tour de passe-passe digne d'Houdini - de plusieurs millions de francs.
En ma qualité de député, j'avais déposé une interpellation urgente écrite, j'avais sollicité officiellement la commission de contrôle pour savoir quel était le montant payé par la Fondation de valorisation. A ce jour, je n'ai toujours pas reçu de réponse. Et voilà ce que vous, vous voulez protéger en faisant des plans occultes... (Brouhaha.) ...et ce n'est pas tolérable !
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Et maintenant, si cette personne veut parler de courage politique, qu'elle s'annonce publiquement pour dire qu'elle a gagné plus de six millions de francs sur le dos des contribuables genevois alors que l'acheteur avait été présenté par l'ancien propriétaire !
Mme Michèle Künzler (Ve). Je signale que ce n'est pas moi qui ai touché cette commission ! (Rires.) J'aimerais quand même réagir à ce qui vient d'être dit. D'une part, il n'y a eu aucun abandon de créance pour le cas de Confédération Centre. C'est une créance différée. Premièrement, elle est reconnue... (Remarque de M. Eric Stauffer.) Mais oui, Monsieur, chaque année il y a un remboursement ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Ce point avait été évalué à 130 millions, mais, grâce aux efforts des commissaires, qui ont demandé plus, il a été vendu à 170 millions. Le reste de la créance est reconnu et remboursé.
La seule chose qui est importante, et M. Mettan l'a souligné tout à l'heure, c'est que l'Etat devra établir un suivi de ces créances quand la Fondation de valorisation aura terminé ses travaux. Au fond, ce sont des créances qui perdurent. Il y a des quantités d'autres cas où les gens n'ont pas reconnu...
La présidente. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Michèle Künzler. Oui ! Dans ce cas, les gens ont reconnu devoir l'argent et ils paient la différence, et c'est cela qu'il faut qu'on dise.
La présidente. La parole est à Mme la rapporteure, à qui il reste une minute.
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse. J'aimerais juste rappeler l'objet de ce projet de loi et l'objet de ce débat, parce qu'on entend toujours M. Stauffer faire de grandes dénonciations sur de grandes affaires. Il s'agissait simplement, dans ce projet de loi, de modifier la procédure liée aux abandons de créances. Le projet de loi propose de ne plus traiter les abandons de créances en commission de contrôle de la Fondation de valorisation, mais en plénière. On livrerait ainsi en pâture au public des situations difficiles, qui sont aujourd'hui réglées de manière plus rapide et plus respectueuse, dans l'intérêt de tous: des débiteurs, des créanciers et, donc, des contribuables.
Il ne faut pas croire que ce débat est plus large que cela, il s'agit simplement d'une question de procédure. Et comme l'a rappelé notamment M. Jornot, les abandons de créances permettent simplement de vendre les immeubles qui sont en gage de la créance et de récupérer la valeur de l'immeuble, plutôt que d'avoir zéro franc plus des dépenses de procédures interminables. Je vous invite encore une fois à rejeter ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 9926 est rejeté en premier débat par 52 non contre 5 oui.
La présidente. Nous arrêtons-là nos travaux. Nous reprenons à 20h30 précises. A tout à l'heure !
La séance est levée à 18h55.