Séance du vendredi 25 avril 2008 à 20h30
56e législature - 3e année - 7e session - 37e séance

R 538
Proposition de résolution de MM. Eric Stauffer, Thierry Cerutti Assurance-maladie obligatoire et le scandale des réserves: remboursez aux Genevois le demi-milliard escroqué, au profit des autres cantons et de certaines caisses!
R 552
Proposition de résolution de Mmes et MM. Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle, Alain Charbonnier, Brigitte Schneider-Bidaux, Ariane Wisard-Blum, Alain Etienne pour une diminution juste des cotisations de caisses maladie des Genevoises et Genevois

Débat

La présidente. Nous sommes aux points 19 et 20. Vous avez accepté que ces deux projets soient traités ensemble. Le Bureau vous propose cinq minutes par groupe pour les deux points, auxquelles s'ajoutent trois minutes pour l'auteur de chaque résolution: respectivement MM. Eric Stauffer et Christian Brunier. La parole est à M. Stauffer, pour la proposition de résolution 538.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci ! Vous m'arrêterez à trois minutes, s'il vous plaît! Mesdames et Messieurs les députés, nous savons que les primes d'assurance-maladie que paient les Genevois sont absolument disproportionnées. On se moque - je n'ai pas peur de le dire - on se moque des assurés genevois depuis bien trop longtemps ! Aujourd'hui, il faut tordre le cou à tous ceux et à toutes celles qui diraient le contraire !

Une voix. Il est gonflé ! (Commentaires.)

M. Eric Stauffer. Mesdames et Messieurs les députés, les caisses d'assurance-maladie se moquent du Conseil d'Etat ! Elles ne lui donnent pas les bons chiffres dans le bon ordre et lui demandent d'établir en en vingt-quatre heures les primes d'assurance-maladie pour l'année suivante. D'autre part, il apparaît que la moitié des membres de la commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats appartiennent à des conseils d'administration d'assurances, ce qui pose de toute évidence un sérieux problème d'indépendance... (Brouhaha.) On se moque de la population genevoise ! Les caisses maladie ont constitué des réserves à raison de plus de 35% sur le dos des assurés genevois !

Aujourd'hui, il faut dépasser les clivages politiques; c'est tous ensemble que nous devons donner le signal, le signal et encore le signal à notre Conseil d'Etat, afin qu'il ait la puissance de tir auprès de M. Couchepin, qui de toute évidence devrait aller consulter, tant ses chiffres sont mauvais et ses promesses du vent ! (Commentaires. Rires.) Oui, oui ! Je vous enjoins, Mesdames et Messieurs les députés, de ne plus vous laisser faire ! Ne renvoyez pas cette proposition de résolution et celle du parti socialiste en commission: cela ne sert strictement à rien ! La puissance de tir doit revenir à notre conseiller d'Etat Pierre-François Unger, afin que Berne et l'OFAS comprennent une fois pour toutes que la population genevoise en a assez d'être tondue comme un troupeau de moutons sans jamais pouvoir s'exprimer ! J'en ai terminé pour l'instant.

M. Christian Brunier (S). C'est certain, les Genevoises et les Genevois sont volés par les caisses maladie. Ce n'est pas une attaque politique: ce sont les chiffres officiels, le département de la santé les a sortis. Le 1er janvier 2008, les cotisations des caisses maladie auraient dû diminuer de 10% en moyenne pour les Genevoises et les Genevois. Or cela n'a pas été le cas et je vous rappelle qu'une négociation était ouverte. M. Unger nous avait d'ailleurs priés, lorsqu'il nous avait donné l'étude, d'être relativement calmes et de ne pas gâcher la négociation. Nous avons respecté sa demande, et je pense qu'il avait raison. Ce n'est pas une attaque contre M. Unger: il a privilégié la négociation dans la sérénité. Parfois, cela marche. Il avait été prudent en disant que nous devions faire la politique des petits pas et demander 3,5% de diminution. On en méritait 10, mais on a fait la négociation. Et les partis politiques de gauche comme de droite se sont tus, alors que nous étions unanimes.

A nouveau, ce n'est pas une attaque contre le gouvernement, je crois qu'il a fait le maximum, mais la technique de négocier sereinement et calmement avec les caisses maladie ne fonctionne pas. Elle ne marche pas ! En effet, on devait diminuer de 10%. On a demandé 3,5% et le résultat, c'est moins 0,9% en moyenne pour les adultes et moins 0,6% pour les jeunes. En revanche, les enfants ont eu droit à une diminution de 4,9% en moyenne, mais on sait que cela ne coûte pas très cher aux caisses maladie.

Je rappelle que Genève avait pourtant fait un effort. On dit toujours que les patients exagèrent, mais l'année précédente les Genevoises et les Genevois avaient diminué les coûts médicaux de 2,2%. Il y avait donc eu un vrai effort, qui n'a pourtant pas été payant. Les caisses maladie ont vraiment exagéré !

Je rappelle en outre que - M. Couchepin le dit enfin, mais il a couvert cela pendant des années - les réserves des caisses maladie à Genève dépassent de 69% le niveau de recommandation de l'Office fédéral de la santé. De plus, il y a des dépenses complètement surestimées - en effet, les caisses maladie estiment leurs dépenses pour fixer les cotisations. Mais, entre l'estimation et le réel, il y a des différenciels immenses ! En 2006, Helsana projetait que, pour l'année à venir, le coût par patient serait de 5902 F. Or, en réalité, ce fut 3973 F. Estimation: 5900; réalité: 3900 ! Néanmoins, les Genevoises et les Genevois ont payé des cotisations comme s'ils allaient dépenser durant l'année quasiment 6000 F, or ils ne les ont pas dépensés. C'est donc un scandale !

Les charges administratives sont aussi scandaleuses. Elles ont progressé de 9% l'année dernière dans les caisses maladie, ce qui est énorme. Et il y a des estimations de caisse à caisse qui sont totalement inéquitables. Certaines caisses estiment que le coût de la gestion d'un patient au niveau administratif est relativement faible. La CSS, entre autres, avait évalué ce coût à 102 F. Dans le même temps, SUPRA - pour le même travail, puisqu'on parle de l'assurance de base - l'estimait à 315 F. Trois fois plus: 102 F pour CSS, 315 F pour SUPRA ! C'est un vol autorisé !

Ce n'est pas acceptable et, pour une fois, je vais être d'accord avec M. Stauffer. Je crois que l'ensemble des députés, quelle que soit leur couleur politique, doivent se mobiliser aujourd'hui derrière le Conseil d'Etat. Je sais que ce dernier est prêt à agir, non pas pour faire la politique des petits pas, mais pour demander ce qui est dû aux Genevois, c'est-à-dire 5 à 10% de moins pour l'année prochaine. Je crois que c'est raisonnable et que cela ne constitue pas une exagération de notre part. S'il y a des gens qui exagèrent, ce sont les caisses maladie ! (Applaudissements.)

M. Pascal Pétroz (PDC). Ce qui vient d'être dit tant par M. Brunier que par M. Stauffer est parfaitement exact. Les caisses maladie nous font payer trop cher les primes d'assurance-maladie. Les réserves sont trop hautes, les frais administratifs le sont également, et j'ajoute en complément à ce que vient de dire M. Brunier qu'il y a de sérieux doutes à avoir quant à la ventilation des frais administratifs entre l'assurance de base et l'activité d'assurance privée... Très franchement, rien ne nous démontre qu'une partie des coûts de l'assurance privée n'est pas payée en réalité par l'assurance de base dont nous nous acquittons toutes et tous, nous Genevois.

Quand on nous dit qu'il faut nous mobiliser: oui. Quand on nous dit que nous payons trop cher nos primes d'assurance-maladie: également. Quand on nous dit que les coûts administratifs sont trop élevés: c'est exact aussi. Quand on nous dit que les réserves sont trop hautes, c'est vrai également. Nous sommes en face de deux résolutions qui prévoient des mesures intéressantes, destinées à régler les problèmes dont on vient de parler. Cependant, renvoyer deux résolutions à Berne comme cela, sans examen, me semble être une mauvaise idée puisque, lorsqu'on renvoie déjà une seule proposition de résolution, même bien charpentée et étudiée, Berne nous traite souvent avec beaucoup de condescendance.

Il me semble qu'il appartient à notre Conseil de renvoyer ces deux projets de résolutions en commission de la santé pour pouvoir les étudier et, le cas échéant, les fondre en un seul projet qui, lui, reprendrait l'ensemble de la problématique avec des invites bien rédigées, pertinentes et percutantes, de manière à pouvoir aider le Conseil d'Etat dans sa charge. Je tiens du reste ici à lui rendre hommage puisque, comme indiqué dans la proposition de résolution que M. Brunier vient de présenter, grâce au gros travail qu'il a fourni, les coûts de la santé ont été maîtrisés à Genève. Raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien demande formellement le renvoi de ces deux objets en commission de la santé.

La présidente. Merci, Monsieur le député, nous mettrons ces propositions aux voix tout à l'heure.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). C'est vrai qu'on pourrait penser que la commission de la santé ne s'est jamais penchée sur le sujet, puisque nous avons ces deux propositions de résolutions. Mais ce n'est absolument pas vrai: nous avons obtenu de la part de M. Unger des documents extrêmement intéressants à la fin de l'année 2007. Cela donne en tout cas la base de la résolution qui a été signée par le parti socialiste et les Verts. Dans ce sens-là, je pense que le travail en commission a déjà été grandement effectué et qu'il s'agit de soutenir le travail de lobbying de M. Unger à deux niveaux: à la Conférence des départements de la santé - je crois que c'est ainsi que cela s'appelle - et au niveau de Berne, soit de M. Pascal Couchepin. Nous ne pouvons donc que soutenir ce en renvoyant ces résolutions - et pour une fois, Monsieur Stauffer, ce seront peut-être les deux: la vôtre et, en tout cas, la nôtre - à M. Pierre-François Unger afin qu'il puisse poursuivre ses démarches.

M. Gilbert Catelain (UDC). Nous sommes saisis de deux propositions de résolutions, donc je m'exprimerai sur les deux ! Le débat sur les primes d'assurance-maladie a eu lieu à la commission de la santé à fin 2007. Le département a eu l'occasion de fournir toute une série de chiffres et a informé les commissaires de l'ensemble des mesures qu'il a prises pour se faire entendre de Berne. Il nous a également expliqué quelle était la difficulté d'être entendu sous la Coupole, puisque les problèmes genevois n'avaient pas l'air de réellement intéresser les services du département de M. Couchepin. C'était la situation à fin 2007. Donc, finalement, nous avons deux groupes qui récupèrent la balle au bond. Le groupe MCG, ... (Bruit de larsen.) ...qui profite de la situation... (Rires.) ...pour se mettre en avant et se faire le défenseur des Genevois. Il n'est pas le seul, puisque les socialistes déposent une proposition de résolution similaire. Mais elles se justifient toutes les deux, le débat n'est donc pas clos.

Il nous intéresserait de savoir quelle a été l'évolution de ce dossier entre les démarches entreprises par le département, le dépôt de ces deux résolutions et les déclarations faites dernièrement par M. Couchepin, puisque lui-même a aujourd'hui clairement mesuré l'ampleur du problème. A ma connaissance, il a invité les caisses maladie à réduire leurs réserves et va peut-être les obliger à le faire. La question est de savoir ce qui va advenir de la réduction de ces réserves. Est-ce que l'argent sera rendu aux assurés ? La somme en jeu, selon le MCG, est de 300 millions de francs. En divisant par 450 000, nous arrivons donc à 55 F par mois et par assuré pour l'année 2007, soit, grosso modo, à 600 F pour une famille de cinq personnes. Respectivement, pas grand-chose pour une personne seule. (L'orateur est interpellé.) Je vous laisserai faire la règle de trois, Monsieur Velasco, vous êtes assez bon dans ce domaine, puisque vous siégez à la commission des finances...

Je vous invite donc à débattre de ces deux résolutions en commission de la santé. L'idée serait finalement d'entendre éventuellement un représentant de l'Office fédéral des assurances sociales. Sur la base de ses déclarations, nous verrons s'il s'agit d'accepter ces projets tels quels ou de les amender. Mais le mieux serait de rédiger une proposition de résolution en commission, qui aurait nettement plus de poids et permettrait aussi d'éluder les éléments un peu populistes de la motion MCG, qui vise chaque fois à mettre les coûts de la santé (Protestations.) sur le dos des frontaliers.

Je peux vous dire que sur la place de Genève - je prendrai un exemple personnel - il y a beaucoup d'internationaux qui vivent ici et qui paient des assurances-maladie très bon marché. J'ai personnellement des parents qui paient à eux deux 250 F par mois et qui sont assurés tout à fait convenablement dans le système LAMal. On voit donc finalement que les bénéficiaires ne paient pas forcément les mêmes prix mais jouissent des mêmes prestations.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à renvoyer ces deux résolutions en commission afin de les étudier et, si nous arrivons à nous mettre d'accord, de rédiger une résolution de commission, si les réponses du département, respectivement de la Confédération, ne nous donnent pas satisfaction.

M. Charles Selleger (R). Ces deux objets soulèvent de véritables problèmes. Avant d'en arriver au fond, j'aimerais également rectifier l'un des considérants de la proposition de résolution du MCG: celui qui fustige les frontaliers. Il est dit que ces derniers ne contribueraient pas équitablement aux structures médico-hospitalières dont ils profitent. C'est oublier que, lorsqu'ils sont hospitalisés, on leur fait payer le double de ce qui est facturé aux résidents de Genève. C'est oublier également que, par leur impôt anticipé, ils contribuent largement au système social genevois et que cela se fait vraisemblablement au détriment de leur contribution française.

Maintenant, quant au fond des choses, il est évident que les caisses maladie, de par la loi, ne devraient pas réaliser de bénéfices, elles devraient calculer leurs primes compte tenu des réserves et des frais généraux, en fonction des dépenses qu'elles ont pour leurs assurés. Or on voit bien que ce n'est pas le cas, cela a été déjà dit dans cette enceinte.

L'équation est simple, en théorie; le contrôle institutionnel devrait l'être plus encore. Mais que voit-on ? On voit des caisses maladie qui cachent leur comptabilité sous prétexte du secret des affaires. Mais quelles affaires, puisqu'elles sont censées ne pas en faire ? On voit des assurés et des gouvernements cantonaux dans l'incapacité de contrôler les comptes de ces assurances. On voit l'Office fédéral de la santé publique également incapable d'avoir une influence correcte sur ces caisses maladie. Et l'on voit, ce qui est scandaleux, les caisses maladie se constituer des réserves outrancières... (Brouhaha.) On l'a souvent relevé, ces réserves en pourcentage sont tout à fait excessives à Genève. Il faudrait pour le moins les réduire aux pourcentages légaux.

Mais on oublie toujours un élément, c'est qu'on encourage les assurés à changer d'assurance pour favoriser celles qui sont bon marché. Ce faisant, les assurés perdent la réserve qui a été constituée pour eux dans l'assurance qu'ils quittent, et celle à laquelle ils souscrivent doit à nouveau constituer ces réserves. Mais si ces réserves sont perdues pour l'assuré, rassurez-vous, elles ne le sont certainement pas pour l'assureur ! Ce qui est tout simplement scandaleux, je le répète.

Cet objet réclame vraisemblablement qu'on le peaufine, c'est pourquoi le groupe radical vous propose de la renvoyer en commission de la santé.

M. Claude Aubert (L). Le 1er juin, nous allons voter, notamment sur un article constitutionnel d'importance concernant la santé. Il ne faudra donc pas se tromper ! Parce qu'on peut dire qu'il faut aboyer ou bêler - puisqu'on parlait de moutons - mais il faut aussi tenir compte de la réalité. La réalité, actuellement, en Suisse, c'est que le pouvoir politique ne peut exercer aucune influence sur les caisses maladie. Et, sauf erreur de ma part, la seule influence que le département de M. Couchepin peut exercer légalement, c'est d'accepter les comptes, mais il n'a pas de pouvoir réel ! Par conséquent, dire qu'on ne se fait pas entendre à Berne... Oui, peut-être qu'on n'est pas entendus, mais s'il n'y a pas de contrôle politique sur les caisses, on a beau se faire entendre, le problème est encore de changer les textes de loi. Par conséquent, plutôt que d'aboyer ou de bêler, les libéraux vous proposent de voter futé !

La présidente. La parole est à M. Roger Golay, à qui il reste cinq minutes.

M. Roger Golay (MCG). Les Genevois sont désavantagés depuis des années, car ils paient des primes d'assurance-maladie nettement excessives. Au moment où nous déposions la présente proposition de résolution, nous tirions déjà la sonnette d'alarme. Les Genevois, outre le fait que le niveau de primes est excessif, subventionnent par le biais des réserves certains cantons qui, grâce à cette astuce comptable, reçoivent en cadeau des centaines de millions de francs. Ce système permet aux caisses maladie, avec la complicité du pouvoir politique, de matraquer des cantons comme Genève et Vaud au profit de Bâle ou de Berne. La conférence de presse du conseiller fédéral Pascal Couchepin, le 18 avril, était consacrée à ce sujet. Cela prouve bien que le MCG avait vu juste. Pascal Couchepin a reconnu que le taux de réserve dépasse largement les 30% sur Genève et Vaud, alors qu'il est proche de zéro à Obwald et Nidwald.

C'est la démonstration chiffrée de ce que nous avons toujours prétendu, à savoir un subventionnement de ces cantons par les Genevois. Comme seule réponse, le conseiller fédéral Couchepin a prétendu que les caisses maladie auraient fait une erreur d'appréciation. Ce genre d'explication est tout simplement pitoyable de la part d'un gouvernant, dont l'omniprésence affaiblit manifestement l'indépendance. Tous les milieux qui ont fermé les yeux, notamment les partis qui reçoivent de juteux mandats des caisses maladie à Berne, sont eux aussi complices de ce fric-frac financier. Pour conclure, M. Couchepin doit comprendre qu'il appartient aux assureurs de faire de la santé avec notre argent et non pas de l'argent avec notre santé !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

La présidente. La parole est à M. Charbonnier. Je rappelle qu'il reste quatre minutes au groupe socialiste.

M. Alain Charbonnier (S). M. Aubert disait tout à l'heure qu'il n'y a pas de pouvoir politique en Suisse sur les assurances... Quand j'entends cela, les bras m'en tombent ! (Brouhaha.) Les bras m'en tombent, Monsieur Aubert, parce que, il n'y a pas très longtemps, nous sommes allés à Berne avec M. Unger et Mme Schneider-Bidaux au sujet du tarif des ambulances. Cela n'avait pas grand-chose à voir avec ce que l'on traite ce soir, mais en face de nous il y avait la commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil national. Qui avions-nous ? Vos représentants, les représentants des partis de droite, mais aussi et surtout les représentants des conseils d'administration de toutes les grandes assurances de ce pays.

Alors quand on vient nous dire qu'on n'a pas de pouvoir politique: mon oeil ! Mon oeil ! Le pouvoir politique, vous l'avez ! Les conseils d'administration des grandes assurances l'ont! Et ce sont eux qui dirigent la commission de la santé, laquelle influence tous les débats qui ont lieu au niveau national sur la LAMal. Voilà le résultat aujourd'hui ! Alors nous dire qu'il n'y a pas de pouvoir politique, non ! Il n'y a pas de volonté politique, mais le pouvoir politique, il est là ! La loi est faite par le législateur, voire par le peuple, dont on peut aussi un peu parler, parce qu'il a quand même voté l'année passée sur la LAMal et refusé la caisse unique.

Peut-être qu'il commence à réfléchir et que le vote serait différent aujourd'hui. Parce que les chiffres, on les a eus relativement tard lors de nos travaux en commission, au mois de novembre, sauf erreur. Monsieur Pétroz, on a reçu des chiffres en commission, on les a tous eus quasiment, pour une fois, noir sur blanc ! Ils indiquaient les réserves, les parts administratives prises par les assurances et tout ce qu'elles peuvent utiliser en plus par-derrière, certainement dans des campagnes comme sur la caisse unique.

Et puis, sur ce qu'il va y avoir le 1er juin... Maintenant, tout le monde s'offusque: «Quelle horreur, ces assurances, mais qu'est-ce qu'elles croient ?»... Tous les partis se réveillent, mais c'est un peu tard ! Le 1er juin, tout le monde - en tout cas dans ce canton - va se mobiliser et voter contre ce contreprojet - c'est un contreprojet, Monsieur Aubert - à une initiative. De qui ? De l'UDC ! Nous ne sommes pas unanimes dans le canton, il faut le rappeler. Il y a quand même un parti dans ce parlement, qui va certainement voter et inciter la population à voter en faveur de cet article de loi constitutionnelle. Cet article donne aux caisses maladie les pleins pouvoirs - mais alors, cette fois, les pleins pouvoirs non seulement politiques ou directionnels, mais aussi et surtout financiers, sur la santé en général, sur nos hôpitaux, et cela, c'est totalement intolérable !

Nous demandons que notre résolution soit renvoyée d'urgence au Conseil d'Etat et ensuite à la Berne fédérale, de façon à donner un signe aujourd'hui, et pas au mois de septembre, d'octobre ou de novembre, une fois qu'on aura voté sur cet article de loi constitutionnelle. Nous souhaitons qu'aujourd'hui notre résolution soit renvoyée au Conseil d'Etat.

La présidente. La parole est à M. Christian Brunier, à qui il reste une minute.

M. Christian Brunier (S). J'insiste: le but n'est pas de porter la couverture à nous. A la rigueur, on s'en fout que la proposition de résolution porte la couleur socialiste ou Verte. Certains partis veulent renvoyer ces projets en commission, mais il y a quand même urgence. La résolution des Verts et du PS réclame peu de choses: elle demande seulement d'appuyer la négociation du Conseil d'Etat pour une diminution, l'année prochaine, d'au moins 5%. C'est modeste ! Et en commission, on ne va rien y gagner, on a déjà travaillé sur ces sujets.

Dans l'autre proposition de résolution, il y a des dispositions qui vous gênent, à première vue pour des questions de frontaliers. Je ne joue pas votre résolution contre la nôtre, mais celle du parti socialiste est beaucoup plus simple et provoque moins d'oppositions. Soutenons au moins la dynamique du Conseil d'Etat ! Il y a urgence, la négociation va arriver rapidement, et si nous voulons diminuer les cotisations des caisses maladie pour l'année prochaine il faut qu'on vote aujourd'hui très majoritairement cette résolution.

La présidente. La parole est à M. Claude Jeanneret, à qui il reste deux minutes.

M. Claude Jeanneret (MCG). Deux ou une, Madame la présidente ?

La présidente. Deux minutes ! Vous voyez...

M. Claude Jeanneret. Quelle chance ! Merci, Madame la présidente, je suis gâté ! Je crois que ce soir le débat doit devenir totalement apolitique. Il s'agit de défendre Genève et non pas des motionnaires ou d'autres. Je pense que dans les assurances-maladie comme dans la péréquation, Genève est un peu la vache à lait de la Confédération. Il faut qu'on se réveille ! Qu'on se mette derrière un conseiller d'Etat qui nous a prouvé depuis de nombreuses années qu'il a toutes les capacités pour nous défendre. C'est un homme brillant, qui connaît bien la santé et qui peut faire quelque chose !

Alors arrêtons de renvoyer des propositions à des commissions pour retarder les effets ! Il faut que ce soir le parlement soit uni pour envoyer le mot à notre conseiller d'Etat M. Unger: il faut monter au front, il faut que Genève soit défendu et que l'on arrête de nous exploiter sur toutes ces primes et sur tout ce qui n'est pas logique ! Je ne comprends pas que le parti démocrate-chrétien, dont M. Unger est issu, désire avoir encore une commission supplémentaire, alors que le message est donné à son élu. Je pense que si l'on réussit quelque chose ce soir, la victoire leur reviendra un peu aussi, et cela ne sert à rien de renvoyer ces résolutions en commission pour rédiger un nouveau projet ou pour obtenir plus de signatures. Comme disait mon collègue...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Claude Jeanneret. Comme le disait très bien mon collègue Brunier: il ne s'agit pas d'indiquer qui a fait quoi, mais de dire: «Aujourd'hui, Genève est derrière son conseiller d'Etat pour que cette injustice cesse !»

La présidente. La parole est à M. Gilbert Catelain, à qui il reste une minute et vingt-cinq secondes.

M. Gilbert Catelain (UDC). Je crois qu'il nous faut rester sereins et crédibles dans ce débat. Nous avons deux propositions de résolutions: une du MCG, signée par deux membres de ce groupe, et une du parti socialiste, signée par huit membres, dont au moins un fait partie du système de la santé, ce qui porte atteinte à la crédibilité de cette résolution. On ne peut pas, d'un côté, attaquer les assureurs et, de l'autre, se dire que, comme prestataire du système de santé et comme bénéficiaire - parce qu'on est rémunéré par ce système - on doit forcément casser du sucre sur l'un ou l'autre des membres de ce réseau. Il serait donc beaucoup plus intelligent de renvoyer ces deux résolutions en commission, afin qu'elles soient signées par une majorité de cette dernière qui, si possible, n'est pas concernée par l'article 24 et n'a pas d'intérêts dans ce système. C'est ce que vous avez évoqué tout à l'heure. Certains d'entre vous font partie d'un lobby, que vous soyez médecins ou non, et ce ne serait pas très crédible pour le Conseil d'Etat de s'appuyer sur ce type de signatures pour faire pression sur le Conseil fédéral.

Cela étant dit, il ne faut pas non plus camoufler les problèmes du système de santé genevois, qui est en cours...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur Catelain.

M. Gilbert Catelain. ...de convalescence, derrière le seul problème des réserves. Je le rappelle, même si cette difficulté était résolue, cela ne changerait pas la situation: les primes genevoises resteraient encore et malgré tout les plus chères de Suisse.

La présidente. Monsieur Barrillier, vous avez demandé la parole, mais je suis très ennuyée... (Exclamations.) ...parce que votre groupe ne dispose plus de temps de parole... (Exclamations.) Je suis désolée !

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. J'aimerais vous dire que j'ai lu avec beaucoup d'attention les deux propositions de résolutions telles qu'elles sont issues du groupe MCG et de l'Alternative: ces deux projets expriment leur soutien à deux choses, et j'aimerais les en remercier. D'une part, leur soutien à la politique que nous menons depuis six ans pour alerter l'autorité fédérale sur le problème des réserves. Pendant trois ans, ce n'était pas un problème; les deux années suivantes, c'est devenu une petite difficulté et, pour la première fois, M. Couchepin a clairement dit qu'il y avait un abus sur la constitution de réserves à Genève - le plus grave de Suisse - ainsi que dans le canton de Vaud - le deuxième plus grave - et à Zurich. C'est donc un soutien que je prends de manière positive.

D'autre part, et j'aimerais que vous l'observiez, Mesdames et Messieurs les députés, ce texte soutient également la politique du canton destinée à maîtriser et à contenir l'expansion des coûts. En effet, si les réserves se sont constituées, c'est bien parce que les coûts, eux, ont arrêté d'augmenter autant qu'auparavant, grâce à l'effort de tous les partenaires et de la population. Cela mérite aussi d'être souligné ! Mais c'est précisément parce que cela mérite d'être souligné que l'on doit faire quelque chose.

Par ailleurs, il y a un petit problème de forme dans la résolution du MCG: vous avez utilisé - mais c'est normal, vous êtes là depuis peu de temps - un langage oral. Dans la mesure où la résolution est adressée au Conseil d'Etat et que nous avons l'habitude - nous connaissons votre fougue - nous accepterons les mots que vous avez employés. Mais si, par impossible, un texte de cette nature devait être envoyé à l'autorité fédérale, vous m'excuserez, mais je n'oserais pas le faire, compte tenu de la terminologie et des mots utilisés. Vous écrivez, par exemple, «escroqué»: non, cela n'a pas été escroqué, cela a été thésaurisé ! Ce n'est pas de l'escroquerie. En effet, l'escroquerie est un délit pénal, et il n'y a là, à ma connaissance, rien de pénal.

Quant à la résolution que vous proposez de renvoyer directement à l'autorité fédérale, elle me convient. Je ne vous cache pas que, si l'on avait pu débattre en commission, mais je ne suis pas sûr que ce soit nécessaire... Pour le 5%, il faut déterminer ce que l'on veut. Lorsque j'ai utilisé ce que vous avez appelé «la politique des petits pas», en demandant 3,5% il est vrai que je n'ai obtenu que 0,9%. Mais si j'en avais demandé 10, j'aurais aussi obtenu 0,9% ! Je vous expliquerai ensuite pourquoi. Lorsque j'ai demandé 3,5%, c'était pour dire qu'il conviendrait que les Genevoises et les Genevois puissent avoir une prévisibilité de dépenses à primes constantes sur cinq ans. Il est beaucoup plus facile de faire comprendre cela à la population que d'expliquer qu'on va faire le yo-yo, parce qu'une année on a beaucoup dépensé, l'autre, un peu moins, et donc que le chiffre des réserves se met lui aussi à faire le yo-yo. C'était donc un calcul économétrique qui tenait aussi compte de la bonne conjoncture.

Sans doute n'ignorez-vous pas que les 25% des réserves des caisses peuvent être placés en bourse et que la valeur à fin 2007 était donc de 17% supérieure pour la partie des 25% à la valeur à ce jour. Et les 3,5% tenaient aussi compte d'une certaine prudence conjoncturelle, tant il n'y avait pas besoin d'être devin pour imaginer que la crise des subprimes aurait tôt ou tard un effet ricochet sur la bourse, ce qui n'a hélas pas manqué de se produire. Mais enfin, si c'était 5%, et que l'autorité fédérale nous expliquait pourquoi ce n'était que 3,5%, je suis sûr que vous le comprendriez aussi.

J'aimerais également vous dire pourquoi l'autorité fédérale, contrairement à ce que j'ai entendu, a la possibilité d'agir. M. Couchepin a indiqué lors de sa conférence de presse, si j'ai bien lu ce qui était relayé dans les médias, qu'il allait donner des injonctions. Soyons honnêtes: quand il en a donné pour le coût des médicaments, cela a marché. Il y a eu 500 millions d'économies sur les médicaments la première année. Là, très honnêtement, je n'ai pas du tout le même espoir ! Parce qu'une injonction aux assureurs... c'est de l'urine dans un instrument de musique. Je ne vois pas que cela puisse avoir la moindre des influences sur le comportement des assureurs.

En revanche, l'Office fédéral de la santé publique peut intervenir à travers un article de l'ordonnance d'application de la LAMal, puisqu'il est dit que cet office approuve les primes. Cela signifie de facto qu'il peut les désapprouver. Et cet office, que nous avons rencontré à deux reprises avec mon collègue Maillard... Et je renseignerai Mme Schneider-Bidaux: c'est vrai que je suis membre du comité de la Conférence des directeurs sanitaires suisses et président de la Conférence latine. Voilà ! C'est cela sans doute que vous aviez un peu de peine à verbaliser. Entre ces deux conférences, nous avons rencontré à deux reprises des représentants de l'Office fédéral de la santé publique et leur avons dit: «Vous avez le droit de désavouer les primes, faites-le une fois et vous verrez que cela aura un effet considérable à titre pédagogique !» Pour le moment, ils n'ont pas suivi notre conseil, mais j'espère qu'ils le feront cet été. Et nous leur avons indiqué clairement, extrêmement clairement - ce n'est donc pas une menace - qu'une initiative cantonale à destination des Chambres fédérales serait lancée sous notre impulsion dans plusieurs cantons, si rien ne se passe pour modifier la LAMal de telle manière que ce soient les cantons qui soient amenés à approuver les primes et non plus l'OFSP, si lui n'est pas capable de les désapprouver... (Applaudissements.)

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, malgré les quelques imperfections auxquelles j'ai fait référence dans la première partie de mon intervention, le Conseil d'Etat acceptera la proposition de résolution du MCG et votre Conseil transmettra aux autorités fédérales la résolution de l'Alternative. Je m'y référerai pour montrer l'importance de votre soutien. A cet égard, il serait utile qu'il fût unanime pour dire que le peuple genevois et ses représentants en ont tout simplement soupé de ce «Dîner de cons» !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements. Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

M. Christian Brunier (S). J'aimerais juste demander l'appel nominal, pas sur le renvoi en commission, mais sur le vote des deux résolutions, si elles ne sont pas renvoyées en commission. (Appuyé.)

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 538 à la commission de la santé est rejeté par 40 non contre 35 oui et 3 abstentions.

La présidente. Je vais maintenant vous faire voter sur la résolution... (Brouhaha.)

Une voix. C'est laquelle ?

La présidente. Nous sommes toujours, Mesdames et Messieurs, au point 19 de notre ordre du jour... (La présidente est interpellée.) J'ai dit tout à l'heure que j'allais vous faire voter objet par objet: nous sommes toujours au point 19. Vous venez de refuser le renvoi à la commission de la santé, je vous fais donc voter sur cette proposition de résolution.

Mise aux voix à l'appel nominal, la résolution 538 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 66 oui contre 18 non.

Résolution 538 Appel nominal

La présidente. Nous sommes au point 20 de notre ordre du jour: proposition de résolution 552. Le renvoi de ce texte à la commission de la santé a été demandé tout à l'heure. Nous procédons dans la même disposition de vote.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 552 à la commission de la santé est rejeté par 51 non contre 32 oui et 3 abstentions.

Mise aux voix à l'appel nominal, la résolution 552 est adoptée et renvoyée aux autorités fédérales (Conseil fédéral et Assemblée fédérale) par 83 oui et 3 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 552 Appel nominal