Séance du vendredi 25 avril 2008 à 15h
56e législature - 3e année - 7e session - 35e séance

P 1226-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition pour améliorer la condition de vie des prisonniers à Champ-Dollon

Débat

Mme Esther Alder (Ve). Mesdames et Messieurs, en premier lieu, je suis vraiment surprise qu'il ait fallu huit ans pour qu'une réponse soit donnée à cette pétition de détenus, qui déjà à l'époque se plaignaient de certaines conditions déplorables. Je crois que si aujourd'hui une pétition devait être déposée à nouveau, ce serait encore pire ! Parce qu'en huit ans la situation est devenue dramatique: l'établissement est conçu pour environ 260 détenus, or il y en a, je crois, 460 ces derniers jours - avec la construction de La Brenaz on avait l'espoir de voir cette population carcérale diminuer, mais il n'en est rien.

Je poursuis: donc, les conditions de détention et, aussi, celles des agents de détention se dégradent. À tel point que, lorsque nous y allons avec la commission des visiteurs, nombre de détenus se plaignent bien évidemment - comme c'était déjà le cas il y a huit ans - des repas qui sont froids et du manque d'activités. Il faut savoir, à propos de ces dernières, que Champ-Dollon n'occupe que la moitié de sa population et que, pour le reste, les gens sont entassés dans des cellules, puisque les cellules de quatre sont, maintenant, il me semble, occupées par six personnes... Vous pouvez bien vous imaginer ce que cela implique au niveau de l'intimité de la personne. Champ-Dollon, je vous le rappelle, est une prison préventive, donc là des personnes en attente de jugement. Et l'on doit toujours avoir en tête l'idée que, jusqu'à ce que les gens soient inculpés, il faut les considérer comme innocents et respecter les conditions minimales au niveau des droits de l'Homme.

Je parlais de promiscuité. De nos jours, on mélange les primaires avec les récidivistes; c'est quelque chose qui va à l'encontre des principes élémentaires en matière d'incarcération. Dieu merci, les mineurs ne séjournent plus à Champ-Dollon - et, à ce propos, je salue le président du département, il a réussi cela il y a quelque temps.

Alors, cette pétition est vraiment d'actualité, laquelle est encore pire que ce qui est décrit ! Ainsi, j'attends qu'on traite au Grand Conseil le rapport de la commission des visiteurs sur les recommandations des experts. Il a été déposé depuis novembre mais donnera lieu à des discussions, notamment sur la raison de cette surpopulation... Finalement, ce qui est dramatique, c'est qu'on ne tient pas compte des recommandations. Aujourd'hui, on est dans une impasse, il faut vraiment que les uns et les autres s'attachent à rendre décentes ces conditions de détention, il en va de la bonne marche d'un établissement comme Champ-Dollon, et je crois que cela peut exploser du jour au lendemain. Et une explosion, à l'heure actuelle, serait dramatique ! Je vous remercie de votre attention.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, il y a deux éléments qui ont attiré l'attention de mon groupe. Concrètement, cela concerne la procédure de contrôle après le parloir et le service médical. Je me souviens de ce qu'à l'époque déjà la commission des visiteurs de prison s'était rendue à Champ-Dollon et avait émis une observation sur le fait que les détenus se plaignaient de ce qu'ils devaient être dénudés après avoir consulté ou après être passés au parloir. Nous avions émis, nous, la solution d'avoir des machines électroniques, comme on en voit dans certaines prisons. Par exemple, l'autre jour, nous étions à Witzwil et dans d'autres pénitenciers et nous avons vu que les détenus, après leur travail, passaient dans une sorte de couloir où il y avait des détecteurs d'objets, ce qui permettait de ne pas assister à des situations qui ressemblent bien à une atteinte à la dignité de la personne. Je pense que c'est une solution qu'on pourrait aisément envisager. Je me rappelle que le directeur, à l'époque, avait dit: «Mais, Monsieur le député, ça coûte beaucoup trop cher !», et je lui avais répondu: «Ecoutez, Monsieur le directeur de la prison, ceci est l'objet du parlement, pas le vôtre; si cela coûte trop cher, les députés ou le Conseil d'Etat en décideront, mais, en ce qui vous concerne, vous ne pouvez que nous faire la proposition.»

Maintenant, concernant le service médical. C'est vrai qu'on nous dit: «Le service médical dépend des hôpitaux universitaires et donne satisfaction»... Monsieur le président, je dois vous dire qu'effectivement la qualité elle-même donne satisfaction ! La qualité du service: oui ! Par contre, ce service est en manque de personnel et les délais d'attente sont trop longs pour les détenus. Le problème, quand on est en détention, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'on ne peut pas choisir ! Ni son médecin, ni le jour ou l'heure de la consultation. On est dépendant de l'administration ! Et les détenus se plaignent de devoir attendre beaucoup trop longtemps pour, parfois, être secourus. On nous dit qu'il y a une présélection qui se fait en fonction de la gravité et de l'urgence... On peut le comprendre ! Mais il n'est pas convenable qu'une personne ayant mal aux dents doive attendre des heures ou des jours pour être reçue !

Voilà donc, Monsieur le Président, les deux problèmes sur lesquels il me semble que l'administration devrait se pencher pour leur apporter une solution définitive.

M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, ayant intégré la commission des visiteurs de prison depuis quelques mois, je m'interroge sur l'évolution de Champ-Dollon, sur son taux d'occupation - je ne répéterai pas ce qui vient d'être dit par mes deux collègues. Mais je m'interroge par rapport à une éventuelle mutinerie - que je ne souhaite pas, et que personne ne souhaite - tant les conditions de détentions sont actuellement problématiques à cause de la surcharge de Champ-Dollon. Il ne s'agit pas, Mesdames et Messieurs les députés, de faire porter le chapeau au Conseil d'Etat, de faire porter le chapeau à la justice, de faire porter le chapeau au Grand Conseil, mais je crois qu'il faudra bien que toutes nos autorités s'interrogent, dans les meilleurs délais, sur ces conditions de détention ! On ne pourra pas continuer de surfer sur la vague et d'ignorer ce qui ce passe dans nos établissements de détention. Accepter un tel taux d'occupation à Champ-Dollon - cette semaine, il y a 450 détenus - ne pourra pas perdurer ! Et je m'interroge d'autant plus qu'il y a parfois, notamment avant Noël - excusez le terme - «une vidée». On relaxe une trentaine de détenus et on fait un peu le vide... Ensuite, La Brenaz reçoit un certain nombre de détenus... Mais on se rend compte qu'actuellement La Brenaz se remplit et que la prison de Champ-Dollon est toujours surpeuplée ! (Brouhaha.) On ne va pas trouver la recette cet après-midi, mais je pense qu'un jour ou l'autre il faudra bien que tous les groupes politiques, avec le Conseil d'Etat, avec la justice, arrêtent de causer et s'attaquent véritablement au problème de la surpopulation carcérale. Il ne s'agit pas de dire qu'il faut tout donner aux détenus: il s'agit simplement de pouvoir incarcérer les détenus dans des conditions assurant le minimum de dignité humaine ! Je m'arrêterai là, Madame la présidente.

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs le députés, je déplore évidemment tout comme vous que nous ayons pareillement tardé à répondre à cette pétition déposée en l'an 2000. En revanche, on peut observer qu'un certain nombre des problèmes qui étaient posés en l'an 2000 ont été réglés, ce qui démontre que cette pétition a eu son utilité, l'intervention de votre commission des visiteurs officiels aussi. Malheureusement, il y a d'autres problèmes qui, depuis lors, sont apparus. (Brouhaha.)

Je reprends les deux remarques de M. Alberto Velasco. S'agissant du service médical, je partage son souci, le Conseil d'Etat aussi, de faire en sorte que l'accessibilité soit la plus rapide possible, ce qui implique évidemment que ce service soit doté du personnel suffisant. Cela fait partie des difficultés que nous avons à résoudre.

En revanche, en ce qui concerne la fouille après les parloirs, je partage moins votre point de vue. Vous avez vu qu'il y a encore eu un problème récemment, avec un détenu célèbre. Si les portiques permettent effectivement de détecter des éléments métalliques, ils ne permettent pas de détecter certains autres produits ! Et je dois dire que, dans la poudrière dans laquelle on vit, je préfère être assez strict sur ces questions de sécurité. Si l'on était dans une situation un peu plus détendue, on pourrait peut-être faire autrement - ce serait certainement préférable, je suis d'accord avec vous au niveau des principes - mais, là, on ne peut pas trop transiger sur la question de la sécurité.

Enfin, je remercie M. le député Ducrot de son intervention. Nous avons aujourd'hui le même nombre - exactement le même nombre ! - de détenus à Champ-Dollon qu'avant l'ouverture de La Brenaz. Autrement dit, nous avons aujourd'hui 68 personnes de plus en détention que nous en avions l'année dernière. Si La Brenaz est doublée demain par un coup de baguette magique ou par une décision de votre Grand Conseil, on aura toujours exactement le même nombre de détenus à Champ-Dollon. Vous avez dit qu'il fallait y réfléchir, Monsieur le député, je partage cette position. Il faut être extrêmement attentif au fait que les prisons vides n'existent pas ! Toutes les places que l'on construit sont remplies. Je vous rappelle que si nous avions le taux de détention des Etats-Unis, nous devrions construire cinq fois la capacité actuelle de Champ-Dollon. Et si l'on avait cinq fois Champ-Dollon, ce serait plein dans les cinq Champ-Dollon. Donc là, il y a de véritables enjeux dont il conviendra de discuter autrement que dans le cadre d'une pétition qui date de huit ans.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1226.