Séance du vendredi 14 mars 2008 à 20h30
56e législature - 3e année - 6e session - 32e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.

Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, Charles Beer et François Longchamp, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, David Hiler, Robert Cramer et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Christophe Aumeunier, Guillaume Barazzone, Didier Bonny, Michel Halpérin, Georges Letellier, Claude Marcet, Alain Meylan, Yves Nidegger, Pascal Pétroz et Véronique Pürro, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

E 1564
Prestation de serment de la/du successeur remplaçant M. KUNZ Pierre, député démissionnaire

La présidente. Mme Claudine Gachet est assermentée. (Applaudissements.)

E 1565
Tirage au sort d'un membre titulaire de la commission de grâce, en remplacement de M. Kunz Pierre, député démissionnaire

La présidente. Est tiré au sort: M. Louis Serex (R). (Rires. Exclamations.) Bravo, Loulou !

M. Louis Serex hors micro. Eric, je suis sûr que tu as triché ! (Rires.)

La présidente. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons encore un rapport de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe à traiter.

PL 10022-A
Rapport de la commission de contrôle de la fondation de valorisation des actifs de la BCGe chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève à aliéner le droit de superficie distinct et permanent grevant les parcelles 2935 et 2936, plan 87, de la commune de Genève, section Plainpalais
Rapport de majorité de M. David Amsler (L)
Rapport de minorité de M. Roger Deneys (S)

Premier débat

La présidente. Je prie respectivement M. le rapporteur de majorité, David Amsler, et M. le rapporteur de minorité, Roger Deneys, de bien vouloir prendre place à la table des rapporteurs. Monsieur Amsler, je vous cède la parole.

M. David Amsler (L), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je constate que tout le monde est de bonne humeur... J'espère que cela va durer, parce que nous allons traiter un sujet qui ressemble un peu à celui que nous venons d'examiner. Mais, vous le verrez, il y a quand même quelques différences notables.

J'espère aussi, Monsieur Deneys, que vous avez repris des forces et que vous vous êtes un peu calmé depuis tout à l'heure... Quoi qu'il en soit, ce projet ne suscitera probablement pas les mêmes commentaires de votre part que le précédent. En effet, je vais essayer de vous expliquer pourquoi la majorité de la commission a, presque à l'unanimité, voté la cession de ce droit de superficie.

Comme Mme la présidente l'a précisé tout à l'heure, il s'agit d'un droit de superficie distinct et permanent DDP grevant deux parcelles: la parcelle 2935, d'une superficie de 1561 m2, et la parcelle 2936, qui est beaucoup plus grande puisqu'elle fait 15 767 m2. Il est donc question d'une surface totale de 17 328 m2. J'ai fait bien attention d'inscrire l'adresse de cette parcelle, pour que M. Deneys puisse se repérer: il s'agit du 15, rue Eugène-Marziano. C'est un périmètre situé entre la route des Acacias et la rue Eugène-Marziano.

Ce projet propose un DDP - droit de superficie distinct et permanent - dont la durée n'est pas illimitée, puisqu'il reste aujourd'hui cinquante-six ans. C'est un élément important dans la discussion, car l'acquéreur de ce droit de superficie ne pourra profiter de son bien que pendant cinquante-six ans et il devra, probablement aussi, l'amortir pendant cinquante-six ans. Ce n'est donc pas une pleine propriété, ce qui est une des premières différences notables par rapport au projet de tout à l'heure.

Que trouve-t-on sur ces deux parcelles ? Un petit bâtiment administratif, une halle industrielle, qui fait l'objet aujourd'hui d'un commerce, et, également, un petit bâtiment en bois préfabriqué. Par conséquent, contrairement à ce que dit M. Deneys, à tort, dans son rapport, il n'y a ni artisans ni petits commerces sur cette parcelle. Il s'agit donc d'une grande parcelle avec deux bâtiments et un grand parking.

A l'époque, l'office des poursuites avait fixé un prix de 17 millions. Ce bâtiment est actuellement loué, d'où une contrainte supplémentaire, la résiliation des baux pouvant être longue. De plus, cet objet est inscrit au cadastre des sites pollués, ce qui impliquera probablement une dépollution si un projet se concrétise sur cette parcelle. Et puis, comme l'indique également M. Deneys dans son rapport, les bâtiments en question ont probablement de l'amiante, ce qui représente également une contrainte supplémentaire.

Le prix obtenu par la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe se monte à 22 millions, c'est-à-dire 5 millions de plus que l'estimation de l'office des poursuites. Si vous divisez ces 22 millions par 17 328 m2, vous arrivez à un prix de 1270 F le mètre carré pour ce droit de superficie, et je crois que le résultat obtenu par la Fondation de valorisation lors de cette vente est inespéré. C'est pour cette raison que la commission, dans sa grande majorité - à part une voix contre, celle de M. Deneys - a accepté la cession de ce droit de superficie.

J'aimerais encore souligner que cette vente représente une perte de 17,7%, ce qui est largement inférieur à la moyenne des pertes dans ce type de dossiers qui se monte aujourd'hui - Mme Gauthier l'a évoqué tout à l'heure - à environ 40%. Voilà pour les arguments de la majorité.

Maintenant, deux ou trois choses m'ont tout de même fortement surpris en lisant votre rapport, Monsieur Deneys. Tout d'abord, vous parlez d'activités du secteur tertiaire ou de logements d'utilité publique... Je vous rappelle, Monsieur Deneys, que l'on se trouve ici en zone artisanale et industrielle. Or, hier soir, nous avons justement parlé de mixité des zones, et vous avez combattu avec force le fait de rendre mixtes ces zones, et, là, vous nous suggérez d'y faire des logements d'utilité publique... C'est à ne plus rien y comprendre !

Et puis, vous demandez où iront s'installer les petites entreprises, les artisans indépendants, et comment le nouveau propriétaire du droit de superficie pourra valoriser son acquisition. Je vous le répète, il n'y a ni petits artisans ni petits commerçants sur cette parcelle: il y a un centre commercial de bureautique, une station-service et un grand parking. Les enjeux que vous évoquez ne sont pas pertinents.

Vous fustigez également la politique qui est menée aujourd'hui par le conseiller d'Etat Mark Muller au sujet du développement du secteur Praille - Acacias... Vos propos à ce sujet sont purement et simplement inadmissibles ! Je vous rappelle les objectifs qui sont fixés dans le projet Praille-Acacias - ils pourront être répétés tout à l'heure par le Conseil d'Etat : il s'agit tout d'abord de créer des emplois dans cette zone; il s'agit également de créer des logements; il s'agit encore de valoriser au mieux les parcelles de l'Etat; il s'agit enfin de créer une cité administrative pour les services de l'Etat. Par conséquent, quand vous écrivez que la politique menée par le Conseil d'Etat consiste à ne faire des efforts que pour les personnes qui en ont les moyens, vous vous trompez de cible. Je trouve vos propos tout à fait inadmissibles !

Par contre, on pourrait retenir de vos propos qu'il faut garder des zones pour les artisans et des commerçants dans ce grand périmètre. Alors, gardons les zones où ces commerçants et ces artisans sont déjà installés, car, en l'occurrence, cette parcelle ne s'y prête pas.

Voilà, Madame la présidente, pour toutes ces raisons, la majorité de la commission vous recommande d'accepter ce projet de loi et de vendre ce droit de superficie.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Je tiens à remercier M. Amsler d'avoir lu aussi attentivement mon rapport. Encore que, il me semble qu'il ne l'a lu que partiellement... Je vais vous donner la note de trois sur six ! C'est une petite moyenne, vous n'allez peut-être pas passer l'année, mais c'est déjà pas mal ! Je pense que tous les téléspectateurs et téléspectatrices auront retenu le fait que, pour comprendre ce dossier, il faut lire le rapport de minorité, parce que c'est là que sont expliqués les véritables enjeux de cette parcelle.

Une fois de plus, il s'agit de la disparition de deux parcelles, qui sont actuellement en zone industrielle et artisanale, au profit d'un acteur du secteur tertiaire - sans dévoiler son nom, je peux dire que c'est le même acquéreur que pour la parcelle précédente, dont nous avons débattu tout à l'heure - et une fois de plus, il s'agit de la mainmise du secteur bancaire - pour créer des emplois dans le secteur tertiaire - sur une parcelle située dans une zone industrielle et artisanale. Je suis désolé, mais ce n'est pas acceptable !

Vous citez un extrait de mon rapport disant qu'il faut une mixité dans la zone Praille-Acacias... Bien entendu, ce n'est pas sur cette parcelle en particulier qu'il faut de la mixité, mais pour l'ensemble de la zone ! Quoi qu'il en soit, je ne vois pas comment le Conseil d'Etat va arriver à mettre sur pied le plan directeur, alors qu'il brade tous les biens de cette zone les uns après les autres ! J'ai envie de vous citer un exemple: je lis «Le Canard enchaîné» depuis bientôt trente ans... (Exclamations.) ...et j'ai lu avec intérêt que l'Etat français avait eu le même genre de lubie... C'est peut-être une tendance néolibérale: ce n'est pas étonnant, en fait, il faut de l'argent, alors on vend le patrimoine immobilier qui serait mal placé, mal conçu, etc. Mais quand on vend du patrimoine immobilier, après - manque de bol - il faut louer des locaux à des prix exorbitants pour remplir les mêmes tâches. Et que se passe-t-il ? L'Etat, après quelques années de location, se ravise et rachète les immeubles en question, mais, chaque fois, il perd des millions d'euros sur le rachat des biens qu'il avait bradés trop vite, sans réfléchir, parce qu'il n'a pas de vision à long terme.

Eh bien, là, c'est exactement la même chose ! Le Conseil d'Etat indique que Praille-Acacias est un secteur prioritaire, qu'il va y développer du logement, construire des buildings, créer des activités tertiaires, réaliser un projet intéressant et essayer de mettre tout le monde d'accord. Mais que se passe-t-il ? Au lieu de garder la propriété de ces biens, il vend, il brade - oui, c'est la journée des soldes, aujourd'hui - aux banquiers privés. Et ces derniers ne sont pas fous: ils achètent dans un secteur intéressant ! Monsieur Cuendet, vous pouvez transmettre à qui de droit: je pense - comme c'est votre cas - que les banquiers privés sont des gens raisonnables: ils ont le sens des affaires, ce qui n'est manifestement pas le cas de ce Grand Conseil ou de la majorité de ce Grand Conseil ! Ce que nous, socialistes, voulons préserver, ce ne sont pas les intérêts des banquiers privés, mais ceux de la collectivité publique ! (Exclamations.) Et pour cela, il faut attendre ! Je suis désolé, mais ce n'est pas le moment de vendre cette parcelle ! Peut-être pourrait-elle faire l'objet d'un troc, dans le cadre du développement du masterplan Praille-Acacias ? Peut-être pourrait-on envisager que les banques privées utilisent cette parcelle, mais en échange d'autre chose ? Si nous ne les gardons pas, nous n'aurons plus rien à négocier ! C'est ça, le problème !

Il faut demander au Conseil d'Etat ce qu'il fait dans ce dossier: peut-être écoute-t-il M. Mark Muller, qui tient des théories complètement étrangères aux intérêts de la collectivité publique ? Il veut traiter avec les plus riches - c'est évidemment plus facile, parce qu'ils ont les moyens - et il ignore les besoins élémentaires des plus pauvres, des petits artisans, des petits commerçants, qui ne peuvent pas, Monsieur Amsler, acquérir des locaux à 400 F le mètre carré par an ! Ça leur est impossible ! Il faut donc trouver des locaux plus vétustes - je parle en connaissance de cause - et moins chers. C'est déjà une dérogation d'avoir autorisé Office World à s'installer sur cette parcelle; cela n'aurait pas dû être possible. D'ailleurs, hier soir, nous avons évoqué les limites des zones mixtes... Qu'est-ce qu'une zone mixte où il y a une activité de centre commercial d'une chaîne internationale - ou, en tout cas, nationale ? Ce n'est tout simplement pas sérieux pour les petits commerçants ! Eh bien voilà, le résultat c'est qu'aujourd'hui vous dites que l'on peut laisser une banque s'installer, puisqu'il y a déjà une grande surface, que cela revient au même... Je suis désolé, mais c'est pousser les petits commerçants et les petits artisans en dehors du centre-ville ! Et c'est tuer le tissu économique de la zone d'habitation ! C'est un modèle de développement archaïque ! Nous, socialistes, ne pouvons pas accepter cela !

Le processus est effectivement un peu différent, parce que l'Etat n'occupe pas la parcelle aujourd'hui et la perte est moins grande que dans le dossier précédent... Mais, tout de même, comment l'Etat peut-il brader ses biens, alors qu'il a l'ambition de jouer un rôle moteur dans l'application du plan directeur ? C'est tout simplement incompréhensible !

Je vous invite par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). M. le rapporteur de majorité indique dans son rapport, parlant des objets qui sont en vente, je cite: «La procédure de résiliation des baux peut être longue. De plus, cet objet est inscrit au cadastre des sites pollués.» Vous dites donc qu'il est risqué d'acheter cet objet dans ces conditions... (L'orateur est interpellé.) Si c'est un banquier, pourquoi a-t-il acheté ce bien ? Un banquier serait-il assez bête pour acheter un bien qui n'en vaut pas la peine ?! S'il s'agit d'un banquier, je suis sûr qu'il a bien évalué les risques potentiels liés à cet objet. Et si un banquier a su le faire, cela veut dire que ni l'Etat ni la fondation ne le pouvaient ! Je suis d'accord avec mon collègue: ce qui est bon pour un banquier doit aussi l'être pour l'Etat, notamment en ce qui concerne ces parcelles !

Le Conseil d'Etat nous a indiqué, par la bouche de M. Mark Muller, que le secteur de la Praille-Acacias était important et que l'Etat devait, justement, exercer un certain contrôle foncier pour permettre le développement du plan Acacias. Et que constate-t-on ? Que quand il peut exercer un contrôle foncier, il ne le fait pas ! Il a la possibilité de le faire, mais il ne le fait pas ! Comme il ne l'a fait pas pour les objets dont nous avons discuté ce soir. L'Etat aurait pu exercer un contrôle foncier sur plusieurs objets ou les acquérir, ne serait-ce que pour affirmer sa politique sociale, affirmer sa politique industrielle ou affirmer sa politique en faveur des petites et moyennes entreprises: mais il ne le fait pas, même lorsqu'il en a l'occasion.

Alors, permettez-nous, Mesdames et Messieurs les députés, de douter du bien-fondé de la politique de l'Etat et, surtout, de sa volonté de mener à bien la politique annoncée. En tout cas, pour les quatre objets que nous venons de voter, nous constatons que le Conseil d'Etat démissionne, que ce soit dans le domaine du social, en matière de politique d'aide aux petites et moyennes entreprises s'agissant de locaux, et aux associations: c'est patent ! Je ne tiens même pas à rejeter la faute aux députés d'en face - les députés de droite - qui font très bien leur travail et défendent au mieux leurs intérêts, mais nous avions la naïveté de croire que le Conseil d'Etat allait réagir de temps à autre afin de respecter un certain équilibre. Mais non, rien de tout cela ! C'est bien dommage.

J'aimerais dire ceci à M. Stauffer - il n'est pas là, ce qui est regrettable car cette réflexion lui est destinée - qui, tout à l'heure, a mis en cause Mme Calmy-Rey... Contrairement à lui, Mme Calmy-Rey a été blanchie de tout soupçon - de tout soupçon ! Il serait donc malvenu aujourd'hui que ce monsieur vienne donner des leçons à une ancienne conseillère d'Etat qui n'a rien à se reprocher, tout comme les conseillers d'Etat qui étaient, à l'époque, impliqués dans ces conseils d'administration et qui ont été blanchis. Je trouve pour le moins très peu élégant de sa part de profiter d'une tribune comme celle-ci pour mettre en cause des personnes de cette manière, alors qu'il ne connaît pas les dossiers ! Et quand M. Stauffer affirme que, nous, socialistes, sommes la cause des spéculations de ce canton, c'est délibéré. Il fait une espèce d'amalgame et lance une accusation gratuite, car, aujourd'hui, aucun de nous n'est régisseur, ni ne travaille dans l'immobilier. Et, que je sache, M. Moutinot a essayé d'impulser le logement social et tenté de mettre à disposition des terrains en changeant leur affectation. Il n'y est pas arrivé, non pas parce qu'il ne le voulait pas, mais parce qu'il n'a jamais trouvé une majorité au sein de ce Grand Conseil pour pouvoir concrétiser cette politique foncière ! Et M. Stauffer se permet de lancer, comme cela, des accusations gratuites au groupe socialiste ?! C'est très regrettable et insultant !

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je voulais exprimer. Cela va clôturer quatre objets de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe qui, pour nous, les socialistes, étaient importants, ne serait-ce que pour le symbole qu'ils représentaient dans les domaines que j'ai évoqués. Quoi qu'il en soit, nous nous réservons la possibilité de lancer un référendum. Nous en discuterons... Il n'est pas dit que nous en lancerons un, mais nous allons bien y réfléchir, parce qu'un ou deux de ces objets le mériteraient.

Mme Michèle Künzler (Ve). Comme l'a relevé M. Amsler, la situation que traite ce projet de loi est un peu différente de celle qui concerne l'autre objet, lui aussi situé dans le périmètre de la Praille. On peut en effet se demander s'il est très intelligent de vendre un droit de superficie au coeur même du futur projet Praille-Acacias... On aurait pu imaginer, dans le cadre du masterplan, faire tout de suite quelque chose d'une parcelle située au coeur du développement.

Ce qui m'a convaincue dans ce dossier, c'est que l'Etat garde la maîtrise du sol, dans le sens où l'on ne vend ici que le droit de superficie, ce qui n'était pas le cas pour l'objet précédent, où l'immeuble et le sol étaient vendus ensemble.

Dans le cas qui nous occupe, le Conseil d'Etat devra revoir le prix du droit de superficie. Parce que c'est la même banque que précédemment qui achète ! Et la vocation d'une banque n'a rien à voir avec les activités qui ont lieu à cet endroit... Acheter ou vendre des actions n'a rien à voir avec la construction de hangars, la réparation d'objets ou la vente de boulons ! C'est pourquoi je pense que le prix du droit de superficie doit être révisé.

Dans ce contexte, il faut mener une réflexion d'ensemble sur ce périmètre, et je crains que le Conseil d'Etat, malgré sa volonté de réaliser ce plan magnifique - avec les tours - n'ait pas examiné à fond ce projet, soit le droit de superficie, les propriétés au sol, etc. Rien n'a été fait à ce niveau ! Et la Banque Pictet pourra s'étendre d'un côté et de l'autre... (Commentaire.) Les noms sont publics ! Puisqu'ils sont publiés dans la FAO, ce n'est un secret pour personne !

Parce que l'Etat reste propriétaire du sol, nous acceptons cette vente. Et tout ce que nous voulons, c'est que l'Etat adapte le prix du droit de superficie dans ce périmètre.

M. Renaud Gautier (L). L'article 70 de la loi portant règlement du Grand Conseil, en son alinéa 2, stipule: «L'orateur ne doit adresser la parole qu'au président - à la présidente - à l'assemblée ou au Conseil d'Etat.» J'entends donc, Madame la présidente, m'adresser à vous, pour vous faire part d'un problème, qui, je crois, prend de l'ampleur dans ce parlement - par analogie avec un article qui a paru dans la «Tribune de Genève», ce matin - à savoir les violences parlementaires...

Notre parlement, Madame la présidente, est en train de déraper ! Que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur, vous avez rappelé tout à l'heure à une députée qui prêtait serment qu'il fallait «maintenir l'honneur»... Voilà bien quelque chose qui se perd, et j'entends vous le démontrer à travers ce projet de loi !

Permettez-moi, dans un premier temps, de relever une faute que je qualifierai de «vénielle» par rapport à la dernière, je veux parler de cette espèce de diatribe anti-bancaire si prisée par les députés de certains bancs... Je vais rappeler deux ou trois éléments. Le premier, c'est que la Banque Pictet - puisqu'elle a été nommée - a construit un bâtiment de 400 millions. Et l'entier de cette somme a servi à payer des entreprises genevoises. Le deuxième: le bâtiment qui a été construit est un bâtiment, qui, en termes de préservation de l'énergie, etc., est un bâtiment de référence... Même les Verts le reconnaissent. Le troisième: le monde bancaire économique à Genève représente 30 000 personnes... Si M. Deneys veut créer du logement, il n'a qu'à continuer à pousser les banques à s'établir ailleurs: au moins 30 000 personnes seront licenciées. Cela fera de la place, et M. Deneys pourra ainsi y loger l'ensemble de ses camarades de jeu !

Il est vraiment très lassant d'entendre toujours les mêmes arguments, sans qu'ils soient étayés, toujours faux, dans le but de diaboliser un secteur économique important. Et on en arrive, comme la préopinante le disait tout à l'heure, à penser qu'un objet doit avoir un prix différent selon qui l'achète. Si ce sont des banquiers qui l'achètent, évidemment, il faut le vendre plus cher... Vous ne manquez pas - à gauche - de critiquer la spéculation quand d'autres la pratiquent, mais, dans le cas qui nous occupe, vous vous sentez autorisés à en faire, parce qu'il s'agit d'une banque !

Enfin, Madame la présidente, j'aimerais en venir à un point que je trouve absolument inacceptable: je veux parler des propos que M. Deneys attribue à M. Muller... Alors de deux choses l'une, Madame la présidente - et je vous le dis très clairement ici - ou M. Deneys est un fabulateur ou M. Deneys est un menteur ! Je le répète: ou M. Deneys est un fabulateur ou M. Deneys est un menteur ! En effet, il cite M. Muller dans son rapport de minorité, en lui prêtant ces mots: «pourquoi faire des efforts pour des personnes qui n'ont pas les moyens alors que c'est beaucoup plus simple de travailler pour et avec les plus riches ?»... Cela entraîne la conséquence suivante, Madame la présidente: soit, d'ici la fin de cette séance, M. Deneys nous indique où il a trouvé cette phrase et quand elle aurait été dite, soit il se rétracte. Je l'exige, car je trouve cela absolument intolérable et inacceptable ! Et je m'étonne, d'ailleurs, que le Conseil d'Etat n'ait pas lu ce rapport de plus près - lui qui aime à dire qu'il parle d'une seule voix - et qu'il laisse passer de tels propos. J'insiste, il est tout à fait inacceptable, dans cette enceinte, de prêter des propos à un conseiller d'Etat sans les citer dans leur contexte !

J'entends donc, Madame la présidente, que vous appliquiez avec la plus grande fermeté l'article 90, alinéa b), à savoir que: «Le président rappelle à l'ordre le député, le conseiller d'Etat ou le fonctionnaire qui, en séance: b) prononce des paroles portant atteinte à l'honneur ou à la considération;...». C'est un cas manifeste qui relève du règlement et qui n'aurait jamais dû se produire dans ce parlement ! Je le répète, il est inacceptable qu'un député se permette de citer des propos sans qu'ils soient inscrits dans un contexte, et j'attends, Madame la présidente, que vous exigiez de M. Deneys qu'il se rétracte ou qu'il indique très clairement où et quand cette phrase a été dite ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. M. Deneys s'est déjà inscrit pour prendre la parole. Il pourra vous répondre tout à l'heure... (M. Renaud Gautier interpelle la présidente.) Tout à fait, Monsieur le député ! C'est vrai, vous avez raison, il y a beaucoup de dérives en ce moment et il faudra effectivement examiner ce problème sérieusement. Quoi qu'il en soit, il y en a eu d'autres dans certains textes et, même, dans des interpellations urgentes écrites. Voilà ce que je peux dire à ce sujet pour le moment. Monsieur Frédéric Hohl, vous avez la parole.

M. Frédéric Hohl (R). Merci, Madame la présidente. On parle aujourd'hui d'un droit de superficie - cela a été rappelé par plusieurs de mes collègues... Malheureusement - on en a la démonstration, ce soir - chaque fois qu'une vente se fera dans le secteur de la Praille-Acacias, les mêmes discussions reviendront, car il y a un net clivage gauche/droite à ce sujet. Comme cela a été évoqué, le projet Praille-Acacias laisse aussi de la place pour les artisans. Le projet que nous traitons concerne une banque - vous l'avez tous nommée - et nous n'avons pas du tout envie que celle-ci quitte notre canton. Alors, profitons de l'occasion pour la garder !

Le parti radical, bien évidemment, va soutenir ce projet.

M. Eric Stauffer (MCG). Je constate que depuis tout à l'heure le débat n'a pas beaucoup évolué... (L'orateur est interpellé.) Non, non ! Nous, au MCG, nous avons une qualité: nous ne sommes pas des girouettes comme les députés de certains partis de gauche ! Mais ce n'est rien, Monsieur Deneys ! (Commentaires.)

Je ne voulais pas citer le nom de la banque, mais je vois que cela a été fait trois fois... Je voudrais tout de même dire que cette banque, typiquement genevoise, a construit un immeuble qui a coûté 400 millions, qui ont servi à payer les entreprises genevoises - vous savez, celles-là même qui payent des impôts pour que vous puissiez mieux les dépenser ! Eh bien, il faut que vous sachiez que cette banque genevoise n'a engagé que des résidents genevois ! Alors, moi je me permets d'applaudir... (L'orateur applaudit en disant ces mots.) ...parce que c'est extrêmement rare ! En effet, si tout le monde jouait ce jeu, il y aurait beaucoup moins de chômeurs à Genève !

Mme Michèle Künzler (Ve). Il ne s'agit pas du tout de faire le procès de la banque, absolument pas ! Elle fait une bonne affaire: tant mieux pour elle !

En l'occurrence, il ne s'agit pas de spéculation, c'est ce qu'applique la FTI en toute occasion ! Le prix est différent selon que vous êtes un artisan, un commercial ou autre ! Et c'est logique, parce que les personnes qui font de l'artisanat ne gagnent pas beaucoup d'argent. Il est donc normal que le prix au mètre carré soit beaucoup plus bas: cela leur permet de survivre et cela nous arrange, car nous en avons besoin. En effet, certaines activités sont utiles à la collectivité, mais les personnes qui les exercent ne gagnent pas grand-chose. C'est dans ce sens-là que j'invitais le Conseil d'Etat à réviser le prix du droit de superficie, parce que, finalement, l'activité exercée sera totalement différente de celle qui était prévue.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Les propos de Mme Künzler sont empreints d'une grande sagesse: les socialistes partagent aussi cette analyse. C'est une très bonne chose que les banques privées puissent se développer à Genève et c'est bien aussi une bonne chose qu'elles puissent agrandir leur parc immobilier, si c'est nécessaire pour leurs activités. Il n'empêche que, lorsque cela se fait au détriment d'autres activités du secteur secondaire ou des artisans, ou dans des zones qui ont actuellement un statut ambivalent, il me paraît très délicat de dire aux petites entreprises de partir - parce qu'elles n'ont pas les moyens de payer, d'aller plus loin, là où c'est moins cher - et de mettre des banques à la place. Cela pose un problème au niveau du tissu social. Mon intention n'est pas de critiquer les banques. Elles sont nécessaires, je l'ai déjà dit tout à l'heure !

D'ailleurs, Monsieur Gautier, votre argument selon lequel la Banque Pictet a construit un immeuble qui a coûté 400 millions est très pertinent, mais c'est bien la preuve qu'elle n'a pas besoin d'un financement public pour acquérir des terrains ! Elle a les moyens d'acheter des terrains sans que l'Etat dilapide ses biens ! (L'orateur est interpellé.) Eh bien oui, mais qui paie les pertes ?! C'est nous ! C'est vous ! Ce sont les contribuables ! Eh bien oui ! Et non seulement cela génère une perte de 4 millions, mais l'Etat perd la maîtrise de cette parcelle à la veille d'un plan essentiel pour le développement de Genève. Et c'est cela qui pose problème ! Comme je l'ai dit tout à l'heure, si l'Etat décide un jour d'abandonner son droit de superficie pour une banque privée à cet endroit, pourquoi pas ? Mais cela doit se faire dans une vision globale, en tenant compte également des besoins des petits artisans, des indépendants, qui ne peuvent pas payer le même prix. Je le répète, c'est cela qui nous pose problème !

J'aimerais tout de même insister sur un point: la Fondation de valorisation effectue toujours très bien son travail, c'est-à-dire qu'elle propose les biens immobiliers aux collectivités publiques... A ce sujet, vous trouverez, en annexe de mon rapport de minorité - j'espère, Monsieur Gautier, que vous avez tourné la page pour voir ces documents - la lettre adressée par la fondation au Conseil d'Etat ainsi que la lettre adressée par la fondation à la Ville de Genève. Le courrier au Conseil d'Etat dit: «Monsieur le président, Messieurs les conseillers d'Etat, la mise en vente des objets susmentionnés, dont nous sommes propriétaires, a été décidée au prix de: 22 millions. Nous vous prions de nous faire connaître une éventuelle marque d'intérêt de votre part pour son acquisition dans les meilleurs délais.» Je suis désolé, mais est-ce une base de négociation convenable entre la Fondation de valorisation - qui est payée par les contribuables et qui, de ce fait, appartient à la collectivité publique - et le Conseil d'Etat, qui est le gestionnaire de l'Etat ? Comment peut-on négocier sur des bases pareilles ? En ce qui me concerne, je déplore ce manque de collaboration entre ces deux entités: si la Fondation de valorisation fait bien son travail, elle fournit peu d'efforts pour arriver à des compromis avec le Conseil d'Etat, qui, par ailleurs, ne marque aucun intérêt. En relisant le rapport de minorité sur l'objet précédent - Alexandre-Gavard - on voit très bien que le Conseil d'Etat hésite à acquérir des immeubles pour des bureaux, et puis, finalement, il décide de ne faire que du logement... Soyons sérieux ! Ces biens ont été payés par les contribuables genevois; ils pourraient encore servir de monnaie d'échange, alors pourquoi les abandonner à un banquier privé, qui a, précisément, les moyens d'acheter une autre parcelle ! Cela ne tient pas la route !

Monsieur Gautier, je ne suis pas étonné que vous portiez une attaque personnelle: c'est en général ce que font les gens qui n'ont pas d'arguments... Et je vais vous expliquer pourquoi c'est une attaque personnelle, Monsieur Gautier. C'est parce que vous ne citez pas ma phrase en son entier; vous prétendez que je cite Mark Muller, alors que ce n'est pas le cas. Je vous lis ma phrase: «Cette vente est aussi une démonstration des théories inquiétantes défendues récemment par le conseiller d'Etat libéral Mark Muller - sans que cela ne semble déranger le reste du collège gouvernemental - et qui pourraient se résumer ainsi: ...». Je fais donc un résumé des propos tenus par Mark Muller, notamment concernant le logement social et le fait que les pauvres locataires qui n'ont pas les moyens ne devraient plus avoir de balcons, devraient avoir des plafonds plus bas, etc. Je suis navré, Monsieur Gautier, mais je l'ai lu dans la presse ! (Exclamations. L'orateur est interpellé.) Ce devait être la «Tribune de Genève» ! Monsieur Gautier, je vous l'accorde, j'y suis peut-être allé un peu fort, mais il n'empêche que cela reflète bien la réalité de ce qui se passe aujourd'hui dans ce secteur ! Et c'est bien cela qui n'est pas acceptable pour les socialistes !

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, pour l'intérêt public, pour l'intérêt de toutes les genevoises et tous les genevois, pour l'intérêt de tous les contribuables, je vous demande de refuser ce projet de loi, de ne pas accepter la tertiarisation d'une parcelle supplémentaire dans ce secteur, et d'accepter de garder cette parcelle comme monnaie d'échange pour la suite du développement du secteur Praille-Acacias. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Eh bien, puisqu'il le faut, continuons ! Monsieur Deneys, il me semble vous avoir expliqué, plus tôt dans la soirée, que deux choses ne sont pas négociables en Suisse: le secret bancaire et la fiscalité... (Exclamations.) C'est ce qui a fait le succès et la prospérité de notre pays depuis le début du XIXe siècle, car, je vous le rappelle, la Suisse n'a pas de matières premières: c'est un pays de services.

Et puis, je vous le demande - nous verrons bien si vous avez la franchise de répondre - si c'était l'Association des fumeurs de joints du secteur Nord qui achetait cette parcelle 22 millions, tiendriez-vous le même discours aujourd'hui ? En effet, la gauche veut faire respecter la loi, mais il me semble qu'elle est la première à la violer lorsqu'il s'agit de RHINO ! (Exclamations.) Vous êtes allés manifester pour empêcher l'évacuation de RHINO et prôner les secteurs alternatifs: là, nous ne pouvons pas vous suivre ! La loi doit s'appliquer de la même manière pour tout le monde !

Alors, afin d'être cohérents, vous devez aussi défendre le développement économique pour la prospérité de notre canton. Et quand une banque - genevoise, de surcroît - veut s'étendre, créer des emplois et établir son siège mondial à Genève, un seul mot devrait vous venir à la bouche, à vous, les socialistes ! C'est: «Merci ! Merci de rester à Genève !» Parce que, je vous le répète - puisqu'il le faut: à force de convoiter l'argent des riches, on finit par voler celui des pauvres ! (Exclamations.) Et quand je vois certains d'entre vous qui se permettent, alors qu'ils réalisent des business d'Etat qui ne sauraient être relevants dans ce débat, de jouer les Zorros pour les personnes qui ont de faibles revenus... Eh bien, Monsieur Deneys, avant de donner des leçons de morale à la droite et au MCG, balayez devant votre porte, parce qu'il y a fort à faire !

M. Renaud Gautier (L). Je ne peux pas me satisfaire des pseudo-explications de M. Deneys... Tout d'abord, je suis sûr que le Conseil d'Etat en charge de l'instruction publique vous rappellera volontiers la règle de ponctuation qui s'applique lorsque l'on cite un texte. (L'orateur est interpellé.) J'ai eu la politesse, même si cela a été difficile, de vous laisser parler: alors, ayez au moins cette courtoisie !

Lorsque l'on fait une citation entre des guillemets et après deux points, à moins que vous ne mettiez des points de suspension juste après les guillemets pour faire une citation partielle... (L'orateur est interpellé par Mme Virginie Keller Lopez.) Vous avez été professeur d'école, Madame, vous devriez le savoir ! ...cela sous-entend que vous citez, mot pour mot, les propos tenus par quelqu'un.

Une voix. Bien sûr !

M. Renaud Gautier. La manière employée ici...

Mme Virginie Keller Lopez. Vous ne savez pas lire !

Une voix. Elle va se taire, celle-là !

M. Renaud Gautier. Madame la présidente, pourriez-vous intervenir ? (La présidente agite la cloche.)

Une autre voix. La Lopez du cinquième !

La présidente. Je vous prie de ne pas engager un autre débat !

M. Renaud Gautier. J'entends bien, Madame, je voudrais juste essayer de terminer.

La présidente. Merci. Poursuivez, Monsieur le député !

M. Renaud Gautier. Vous attribuez donc des propos à Mark Muller, et quand je vous demande de vous excuser ou de vous expliquer, vous répondez que vous l'avez lu dans la presse... Et quand je vous demande dans quel journal, vous répondez: «Dans la Tribune de Genève»... Ce n'est pas acceptable ! La manière dont vous avez présenté la chose - vous ne maîtrisez peut-être pas toutes les subtilités du français, et je ne saurais vous en faire le reproche - laisse penser à tout un chacun qu'il s'agit d'une citation. De plus, le fait que ce texte soit passé dans différents services sans réaction - peut-être même au niveau du Conseil d'Etat - est absolument inacceptable ! Je maintiens donc, Monsieur Deneys, soit que vous êtes un menteur, soit que vous êtes un fabulateur.

Madame la présidente, j'insiste, cette citation est une atteinte à l'honneur de M. Mark Muller, et je vous demande d'appliquer l'article 90. Je ne vois pas pourquoi vous ne le feriez pas. Si vous ne le faites pas, vous risquez de voir le parlement se transformer en un champ de bataille.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je voudrais vous dire ceci: tout d'abord, M. Deneys a reconnu tout à l'heure qu'il avait probablement été trop loin; d'autre part, le conseiller d'Etat concerné n'est pas là et n'a pas réagi à ce texte. Le Bureau examinera la situation en fonction de l'article 69 et de l'article 90 de notre règlement. Il pourra ensuite procéder à un arbitrage. Nous constatons en effet qu'il y a des dérives dans ce Grand Conseil, mais il y en a eu bien d'autres, que ce soit lors d'interpellations urgentes ou dans certains rapports. Donc, je vous rassure: le Bureau examinera cette problématique dans sa globalité. Monsieur Alberto Velasco, je vous donne la parole.

M. Alberto Velasco (S). Je ne voulais pas reprendre la parole, mais certains propos qui ont été tenus m'y obligent... Monsieur Stauffer, vos paroles sur les drogués ne sont, c'est vrai, ni de gauche ni de droite: elles sont d'extrême-droite ! (Applaudissements.) Vous auriez mieux fait de vous abstenir ! Ce n'est pas possible de tenir de tels propos !

Ensuite, vous nous expliquez que, parce qu'il s'agit d'une banque qui nous offre notre pitance, il faut en somme tout accepter ! Même se prostituer ! C'est tout du moins ce que nous avons compris. Cela signifie que l'Etat de droit, l'Etat démocratique, n'existe plus !

Monsieur Stauffer, nous avons évoqué le XIXe siècle... C'est aussi l'époque de l'industrie. La richesse de notre pays, ce sont les banques, mais ce sont aussi les industries ! Voyez-vous, les banques prêtent à des personnes qui peuvent - comment dire ? - faire travailler cet argent, le faire fructifier. Alors oui, la richesse de ce pays est due aux universités, aux industriels, aux entrepreneurs, aux mécaniciens, aux bâtisseurs, aux architectes, aux paysans... Eh oui, ce sont ces gens-là qui ont fait la richesse de ce pays ! Pas seulement les banques, Monsieur ! Tout le monde y a participé.

J'aimerais signaler à M. Gautier... (M. Renaud Gautier sort de la salle.) Vous sortez de la salle, Monsieur Gautier ? Dommage ! (Rires.) Je comprends, Monsieur Gautier, que vous soyez sensible aux propos écrits par mon collègue dans son rapport... Comme je l'ai été lorsque j'ai entendu certains collègues sur vos bancs me dire un jour: «Tu sais, Alberto - Madame la présidente, je me permets d'utiliser ma personne - c'est bien de construire du logement social, mais il faut aussi construire des logements pour les gens qui apportent du pognon en Suisse.» Cela a été dit, ça ! Mon collègue a voulu faire une sorte de parabole, certes... Or c'est une réalité, il y a parmi vos bancs des députés qui pensent qu'il est important de construire suffisamment de logements pour les gens qui ont les moyens, parce qu'ils payent beaucoup d'impôts. Du reste, comme le prétend M. Stauffer, il paraît que les recettes fiscales que nous dépensons, c'est grâce à l'apport des banques... Monsieur Stauffer, nous ne dépensons pas l'argent des banques: c'est le parlement qui affecte démocratiquement la totalité des impôts que tout le monde paie non moins démocratiquement dans ce canton, ce qui n'est pas la même chose ! Mon collègue a certes utilisé une parabole un peu forte, mais il est vrai que nous entendons beaucoup de choses dans ce parlement...

Je comprends très bien votre position: la banque est un secteur économique qui a les moyens et qui paie, proportionnellement, plus d'impôts que d'autres. Mais cela ne veut pas dire que l'effort n'est pas le même ! Quand un ouvrier paye 2000 F d'impôts, Messieurs, ce n'est pas parce qu'il ne veut pas payer 20 000 F ou 50 000 F, c'est simplement qu'il ne gagne pas suffisamment d'argent pour verser plus ! Et effectivement, quand une banque s'acquitte de 30 millions d'impôts, c'est qu'elle a gagné suffisamment d'argent pour les payer. C'est ce qu'on appelle, dans un Etat démocratique, l'impôt proportionnel ! Et républicain ! Mais je pense que, dans ce parlement, on est en train de perdre l'esprit républicain. D'ailleurs, je suis sûr que M. Pictet a plus l'esprit républicain que vous ne l'avez; qu'il comprend que ce système ne tient, justement, que parce que l'impôt est républicain ! Le jour, Mesdames et Messieurs les députés - et je m'adresse plus particulièrement à vous, Monsieur Stauffer - où les banques ne seront plus républicaines, nous ferons un bond en arrière, en 1917 ! S'il n'y a pas eu de révolution depuis, comme vous le dites, c'est justement parce que les gens ont compris qu'il fallait payer l'impôt républicain proportionnel. Je le répète, la richesse est produite, dans notre pays, par tout le monde ! Par tout le monde ! Même par le petit boulanger, même par le petit maçon, comme par l'ingénieur ou le riche !

Voilà, ce que je tenais à dire, Madame la présidente, quant aux propos écrits par mon collègue. Il s'agit de paroles que nous entendons tous dans ce parlement, il ne faut donc pas en faire...

Une voix. Un fromage !

M. Alberto Velasco. ...une montagne !

La présidente. Merci, Monsieur le député. Se sont inscrits pour prendre la parole: Mme Virginie Keller Lopez, M. Roger Deneys, M. Pierre Weiss, M. Eric Stauffer, M. Mario Cavaleri et, enfin, M. le conseiller d'Etat, Pierre-François Unger. Le Bureau décide de clore la liste. Madame Virginie Keller Lopez, vous avez la parole.

Mme Virginie Keller Lopez (S). M. Renaud Gautier ayant évoqué mes compétences de maîtresse d'école au sein du Grand Conseil, je voulais lui parler de la problématique de la ponctuation, puisqu'il se présente ce soir comme «docteur es ponctuation»...

A mon avis, Mesdames et Messieurs les députés, si M. Renaud Gautier attaque si violemment M. Roger Deneys par rapport à un problème de ponctuation, c'est pour ne pas parler du fond de la question qui, elle, est bien plus problématique que l'idée que chacun peut se faire de la politique menée par M. Mark Muller. M. Renaud Gautier affirme qu'il s'agit d'une citation... Ce n'est pas du tout une citation: c'est un résumé de la position de M. Mark Muller. Malheureusement - car on dirait que le Conseil d'Etat est solidaire de cette position, et c'est bien ce qui nous inquiète, nous, les socialistes, ce soir - on résume la position des libéraux: «Mieux vaut travailler pour les riches que pour les pauvres.» C'est leur position de fond, nous le savons, chaque jour ils le démontrent. Alors, peut-être ce résumé est-il un peu simpliste, mais, au sein de ce Grand Conseil, nous tenons souvent, malheureusement, des propos simplistes.

En l'occurrence, je regrette que M. Renaud Gautier ne donne pas sa position politique sur le fait que l'Etat et les communes ne préemptent pas des terrains dans une zone dont nous savons qu'elle est l'avenir du développement de Genève, non pas seulement pour les riches, les banques et les entreprises qui s'y installeront - et nous espérons bien qu'elles s'y installeront - mais aussi pour les artisans, mais aussi pour les petits commerçants, mais aussi pour le logement social ! Et si le Conseil d'Etat ne prépare pas aujourd'hui la politique de demain, nous ne pourrons pas conduire cette politique de demain, Monsieur Renaud Gautier !

Et le sujet de ce soir n'est pas de savoir qui va acheter ces terrains, que ce soient des banques ou des entreprises - ce n'est pas mon souci, et je ne suis pas contre les banques... Nous faisons une critique au Conseil d'Etat qui n'a, dans ce cas, pas fait son travail: il aurait, en effet, dû racheter ces terrains que nous estimons nécessaires pour protéger notre population, pour protéger nos commerces, pour protéger nos artisans. Non pas pour les protéger contre les banques, mais pour leur permettre de survivre à Genève ! C'est de cela que nous parlons ce soir, Monsieur Gautier - vous transmettrez, Madame la présidente - et pas d'un problème de ponctuation ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

Et puisque M. Gautier, si cultivé qu'il se prétend - je pense qu'il a dû lire de nombreux romans dans sa vie - aurait dû savoir que la ponctuation n'est pas une science exacte ! On a le droit de l'utiliser - et c'est comme cela que je l'enseignais à mes élèves - avec une certaine liberté, qui est celle de l'interprétation... artistique.

M. Pierre Weiss (L). J'aimerais intervenir sur trois points. Le premier, c'est la campagne de dénigrement orchestrée, organisée par le parti socialiste genevois... Genevois, je le précise ! Je ne parle pas de Mme Calmy-Rey qui, lorsqu'elle était dans ce Conseil, notamment avant son élection au Conseil fédéral, avait lourdement insisté sur la nécessité de préserver le secret bancaire. Je parle d'un certain nombre de déclarations de M. Tornare sur la question du blanchiment de l'argent; je parle de Mme Roth-Bernasconi préconisant de sacrifier le secret bancaire pour conserver de bonnes relations avec l'Allemagne dans une attitude de pays soumis... (Exclamations.) Je parle de M. Deneys qui, avec ses grandes compétences d'entrepreneur dans un secteur qui se voudrait moderne, ne réussit, en réalité, qu'à recycler des antiennes d'un socialisme de lutte des classes complètement dépassée ! (Exclamations.) C'est le premier point dont je voulais vous faire part. Madame la présidente, je ne vous rappelle pas, bien sûr, qu'il serait utile... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...que ce débat puisse se dérouler dans le calme ! (Exclamations.) Et je ne rappelle pas à certains qu'ils devraient observer un minimum de politesse !

Le deuxième point, Madame la présidente est le suivant. Je passe évidemment sur le rappel pédant de ce que peut être une citation... Il est vrai que si on lit fidèlement le texte de M. Deneys, on se rend compte qu'il fait semblant de faire une citation. Parce qu'il précise bien: «...qui pourrait se résumer ainsi: "..."». Mais M. Deneys, qui est une personne que je croyais lettrée, a démontré ce soir qu'il n'était en réalité qu'un manipulateur de la technique de la citation: son honnêteté intellectuelle est à l'aune de son rapport... Il sera évidemment sanctionné par un vote qui renverra son rapport aux poubelles de l'Histoire ! (Exclamations.)

Le troisième point sera ma conclusion, et je m'adresse à vous, Madame la présidente. J'ai été pour le moins surpris - et je le dis avec toute la considération que j'ai pour vous - que vous ayez pu exciper du fait que, dans certains cas, d'autres avaient pu se comporter de façon inadmissible et qu'ils n'avaient pas reçu les sanctions qu'ils méritaient, pour ne pas appliquer à celui qui ce soir se transforme en une personne qui pratique la forfaiture la sanction réclamée par mon collègue Gautier. Il n'y a pas deux poids deux mesures: quand l'on constate qu'une personne ne respecte pas les règles, elle doit être sanctionnée ! Ce n'est pas parce que d'autres ne l'ont pas été que celle-ci mériterait, au fond, que l'on ferme les yeux. Madame la présidente, je soutiens mon collègue: je réclame une sanction claire contre M. Deneys !

Une voix. Le fouet, le fouet ! (Exclamations. La présidente agite la cloche.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Eric Stauffer. (M. Gilbert Catelain interpelle M. Eric Stauffer.)

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le député Catelain ! Effectivement, ici les règlements ne s'appliquent pas de la même manière pour tout le monde: j'en suis un exemple patent ! (Commentaires.)

Ecoutez, chers collègues, une chose m'étonne tout de même: c'est que l'on fasse un débat de fond sur le logement à Genève, alors que l'on traite de la vente d'un terrain ! C'est un dérapage complet ! (L'orateur est interpellé.) Mais si, puisque l'on parle de logements bon marché, etc. ! Le cas qui nous occupe porte sur la vente d'un terrain à une entité. Alors, moi, je veux bien parler du logement, il n'y a pas de problème... On est déjà tellement en avance dans l'ordre du jour qu'on peut bien encore perdre du temps à parler du logement... De toute façon, chaque fois qu'une partie de cet hémicycle veut construire, l'autre s'y oppose ! La preuve: souvenez-vous de Balexert ! Vous vous y étiez opposés avec beaucoup de vigueur. Nous l'avions soutenu.

M. Alain Charbonnier. On parle de logement !

M. Eric Stauffer. De logement, oui, mais il faut aussi des places de travail ! (Exclamations.)

Pour ce qui est du logement, c'est simple: cela fait bien vingt ans que nous avons un problème récurrent en matière de logement ! Aujourd'hui, il manque à peu près une dizaine de milliers de logements à Genève. Alors, Mesdames et Messieurs les députés de tous bords - et nous l'avions déjà proposé au MCG - il faut dépasser intellectuellement - mais c'est vrai qu'il faut être doté de trois neurones et demi et pas de deux seulement - les clivages politiques ! Ensuite, vous déclassez une zone, vous construisez l'équivalent d'une commune comme Onex - sans construire des tours, mais avec les nouveaux standards de construction, Minergie, etc. - et vous pourrez mettre à la disposition des citoyens genevois dix mille logements à des prix abordables ! C'est ici que ces mesures se décident, il faut le savoir ! Mais comme vous êtes enfermés dans vos clivages politiques et que vous vous crêpez le chignon comme au jardin d'enfants, eh bien, les affaires de la République n'avancent pas ! Les logements ne se construisent pas et, résultat des courses, les loyers sont inabordables pour la plupart des Genevois !

Ce soir, vous fustigez une banque, la Banque Pictet... Mais, bon sang de bonsoir, quelle image allons-nous donner aux personnes qui font de la finance internationale, qui donnent une aura internationale à Genève ?! (Exclamations.) Ce n'est en tout cas pas RHINO qui va donner une image positive de Genève à travers la planète, mais ce sont bien des institutions respectables comme la Banque Pictet ! Je le répète, je ne voulais pas la nommer, mais comme elle l'a déjà été, c'est de notoriété publique. Et ce que vous êtes en train de faire, c'est manquer de respect à l'égard de nos institutions ! Je trouve cela désolant.

Si vous voulez résoudre les problèmes, dépassez les clivages politiques et travaillez ensemble, comme nous l'avions demandé ! Demandons une suspension de séance et rédigeons un projet de loi en une demi-heure: on refait un plan directeur, on déclasse une zone et on réalise des logements pour les Genevois ! C'est au pied du mûr que l'on voit les vrais maçons: eh bien aujourd'hui, dans cette salle, je n'en vois pas beaucoup !

M. Mario Cavaleri (PDC). Ce débat est vraiment hallucinant et je souhaiterais, Madame la présidente, rappeler à M. Deneys le contexte lié à l'entité qui est intéressée par cette acquisition. La Ville de Genève, en effet, a laissé partir bêtement - passez-moi l'expression - cet énorme contribuable, ce qui a provoqué un trou assez conséquent dans les finances de la Ville de Genève. Donc, Monsieur Deneys - ainsi que certains de vos collègues - vous devriez peut-être réfléchir un peu plus que vous ne l'avez fait dans votre discours, en ce sens que, si cette banque revient en Ville de Genève, vous allez récupérer en partie ce que vous aviez perdu en n'ayant pas su la maintenir sur le territoire municipal. C'est tout de même une chose qui devrait être au centre de vos préoccupations: puisque vous souhaitez tellement aider l'artisanat en Ville de Genève, donnez-lui en les moyens ! Et l'un de ces moyens, c'est le financier: je veux parler de la taxe professionnelle municipale.

Je crois que l'on pourrait mettre un terme à ce débat en replaçant simplement cette transaction dans le contexte et en relevant, de surcroît, que le Conseil administratif n'a pas voulu utiliser son droit de préemption, alors qu'il en avait la possibilité. Si la majorité de gauche de la Ville de Genève trouve que ce n'est pas intéressant, M. Deneys devrait se rendre à l'évidence et abandonner sa demande.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. J'aimerais tout d'abord apporter une précision: ce rapport a été remis ce matin même au service du Grand Conseil. Il est donc évident que le délai imparti, pour que ce document figure ce soir à 17h à l'ordre du jour, n'a pas forcément permis un suivi administratif pointilleux. Ce qui explique qu'il aurait été difficile d'enlever la phrase que vous mettez en cause, dans la mesure où elle n'aurait pas dû y figurer. Je voudrais donc mettre hors de cause le service du Grand Conseil et tous les services qui pourraient être concernés, de même que le conseiller d'Etat. Je ne pense pas qu'il faille faire porter le chapeau à quelqu'un d'autre qu'à moi-même - pour autant qu'il y ait chapeau à porter...

Pour le reste, j'ai bien entendu les propos de M. Weiss - le commissaire politique des libéraux - et j'ai été heureux, c'est vrai, de l'entendre mettre en cause M. Tornare et Mme Maria Roth-Bernasconi, en résumant aussi leurs propos dans de drôles de citations sans guillemets... (L'orateur est interpellé.) Enfin, ce n'était pas très clair: vous avez parlé de l'Allemagne, du secret bancaire ! Quoi qu'il en soit, tout cela n'est pas très important !

Je voulais surtout dire qu'en ce qui me concerne, s'il y a un problème de ponctuation dans la rédaction de mon rapport, je suis bien entendu prêt à le corriger. Et je vous suggère - puisque nous avons reçu depuis hier sur nos tables de la documentation à ce sujet - d'adhérer à la Société de lecture. Je suppose que ce sont des personnes éminemment lettrées - nettement plus que moi, certainement aussi plus que M. Gautier, même s'il l'est sûrement plus que moi - et je suggère qu'ils arbitrent ce litige pour savoir comment il faut présenter une citation qui n'en est pas, puisque j'ai voulu résumer une position. Donc, je le répète, je suis prêt à corriger cette erreur de forme. Je n'aurais peut-être pas dû mettre des guillemets, j'aurais peut-être dû tourner ma phrase autrement, mais cela ne me pose aucun problème d'apporter une modification, si cela s'avère nécessaire. J'ai cru de bonne foi qu'il était correct de résumer la position d'un conseiller d'Etat de cette manière, laquelle n'est, quoi qu'il en soit, pas très éloignée de ce que j'ai écrit.

Pour le reste, il est tout à fait hors de propos de prétendre que nous attaquons les banques, le secret bancaire... Dans le cas qui nous occupe, nous nous intéressons seulement au maintien d'une parcelle en zone artisanale et industrielle, quel que soit son usage actuel, Monsieur Amsler ! En outre, la banque en question a déjà acquis une parcelle quelques heures auparavant dans le même secteur. Mais ce qui nous dérange vraiment, c'est de réaliser cette opération aujourd'hui, à la veille du masterplan Praille-Acacias ! Sur le fond, je le répète, cette opération ne nous dérange pas; ce qui dérange, c'est qu'elle se fasse à un moment où il faudrait pouvoir prendre des décisions en matière d'aménagement et, qui plus est, elle nous bloque pendant plus de cinquante ans ! Donner ce droit de superficie est tout simplement irrationnel ! N'importe quel acteur qui veut maîtriser un objet en garde le contrôle: c'est tout !

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. J'ai cru comprendre, dans ce vaste débat, que l'on parlait d'assurance-maladie, un peu de pistes cyclables et, accessoirement, du sujet des textes qui vous sont proposés par le Conseil d'Etat unanime... Et il va sans dire que ces textes ont été lus par le Conseil d'Etat avant qu'il ne vous les transmette.

Ces projets de lois correspondent à une volonté de valoriser, en minimisant les pertes, les 5 milliards potentiels perdus dans les opérations bizarres de la Banque cantonale de Genève. Et tous les partis politiques étaient représentés au conseil d'administration. (L'orateur est interpellé.) Non, mais ce n'était pas un parti ! (Rires.) Ces considérations devraient d'ailleurs, puisque la digression semble de règle dans ce débat, vous aider à réfléchir pour soutenir le projet que vous proposera le Conseil d'Etat afin de dépolitiser les conseils des différents établissements autonomes, ce qui a déjà été fait pour la Banque et pour l'Hospice, à satisfaction des uns et des autres.

Ce projet représente la valorisation, à un bon prix, d'une parcelle - vous avez raison de le dire, Monsieur Deneys - intéressante. Et tout le monde l'a dit, si intéressante qu'on en tire un bon prix ! Car, quand un bien n'intéresse personne - comme dans le cas de la rue de Berne - les choses sont plus compliquées. Et cela n'intéresse pas l'Etat non plus. Il ne veut ni faire de la spéculation ni de mauvaises affaires: ce n'est pas son rôle !

Mme Künzler, dès la deuxième intervention, a dit l'essentiel: ce projet est différent du précédent. Ce projet propose l'acquisition par une banque - la Banque Pictet, puisqu'on l'a citée - d'un droit de superficie qui comprend des immeubles. Mais elle n'acquiert que les immeubles et un droit de superficie qui échoit en 2064, à un prix correspondant à l'activité qui se déroule dans les immeubles qu'elle a acquis. Il est évident que la Fondation des terrains industriels, si par impossible on devait demander que les activités changent à l'intérieur de ces immeubles, serait amenée à revoir, de manière extrêmement considérable, les tarifs de ce droit de superficie.

Il faut tout de même rappeler à ce propos que la FTI est une fondation de droit public, dont la gouvernance répondra bientôt aux mêmes principes que les établissements autonomes. C'est une fondation dont l'Etat est l'actionnaire majoritaire, pour ne pas dire l'assemblée générale des actionnaires à elle toute seule. C'est comme cela qu'il faut concevoir l'Etat de Genève, lorsqu'il délègue sa puissance à travers des établissements dont la compétence métier n'appartient pas à l'Etat, mais dont l'activité est définie, dans la mission, par l'Etat.

Alors, nous entendrons certainement encore beaucoup parler ces prochains jours du projet la Praille-Acacias-Vernets, mais personne n'a encore décidé si ce secteur serait affecté à une zone industrielle ou à une zone de logements. Il a toujours été prévu que la Praille-Acacias-Vernets serait une immense zone mixte comprenant du logement, des immeubles à prédominance logements mais présence d'activités, à prédominance d'activités et/ou présence de logements ou d'activités seules. Et il a été admis que ces activités pourraient être celles des deux grands secteurs de l'économie: le secondaire et le tertiaire. Un autre secteur apparaît: le secteur quaternaire. Le seul domaine que l'on n'a pas pensé à y mettre, j'en conviens, c'est l'agriculture.

Pour le reste, il faudra effectivement définir le masterplan et effectuer un travail d'une extrême patience. Et il faudra mener à bien ce travail pour convaincre les uns et les autres de participer à ce fantastique projet, qui représente un second souffle pour Genève: c'est un acte majeur, en ce début de troisième millénaire, pour cette cité à laquelle, les uns et les autres, vous êtes tous attachés. Vous imaginez bien que, parcelle par parcelle, des discussions se tiendront sur la participation de chaque entreprise à l'intérieur du périmètre ou à l'extérieur du périmètre, à l'intérieur d'un type de bâtiment ou d'un autre type de bâtiment. Mais il n'est pas encore possible aujourd'hui, dans le cadre du masterplan, de décider à quel endroit se situera un petit parc public - comme vous avez voulu le faire - par rapport à l'usine qui y est déjà. En revanche, je ne vois pas très bien comment il serait possible de décider de réaliser un petit parc à l'intérieur de l'usine Rolex, qui a 10 ans et dont chacun - je le souhaite - espère qu'elle continuera à produire de l'industrie, parce qu'il n'est pas discutable qu'il en soit ainsi, en zone industrielle, à la Praille-Acacias-Vernets.

Alors, sachons raison garder ! Ce projet est un projet modeste: il permet de réaliser une relativement bonne opération sur le plan financier par rapport à certains grands désastres qui ont eu lieu; il permet à une banque de s'afficher comme étant l'un des participants du développement de la Praille-Acacias-Vernets, et l'Etat ne s'en désintéresse pas puisqu'il reste propriétaire du terrain. Je ne sais pas si vous êtes tous bien conscients que plus de 60% des terrains à cet endroit sont en mains publiques. Il n'y a en effet pas un endroit au monde - même dans les pays communistes - dans une zone de ce type où sont prévus des projets de cette ampleur et, au début du projet, où 60% des terrains reposent en mains publiques !

Alors, faites confiance au développement qui va être réalisé ! Accueillez, cet automne, de manière à la fois critique et utilement critique et bienveillante, le projet - ou les projets - de déclassement pour la zone qui vous sera proposée et essayons tous ensemble de résoudre les problèmes, plutôt que d'en soulever de nouveaux à chaque parcelle que l'on traite ! Car cela pourrait laisser penser - ce que je n'ose moi-même imaginer - que, déjà maintenant, des personnes seraient favorables et d'autres défavorables au projet la Praille-Acacias-Vernets ! C'est comme cela que l'on a fait reculer Genève dans la seconde moitié du XXe siècle ! J'espère que le début du XXIe siècle permettra de trouver des consensus d'une autre nature ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la prise en considération de ce projet de loi. (La présidente est interpellée.) Vous demandez le vote nominal ? Etes-vous appuyé ? Vous l'êtes.

Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10022 est adopté en premier débat par 60 oui contre 18 non et 3 abstentions.

Appel nominal

La loi 10022 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10022 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 17 non et 4 abstentions.

Loi 10022

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons notre ordre du jour bleu. Nous en sommes au point 23. Je vous rappelle que vous avez souhaité qu'il soit traité conjointement avec le point 32.

M 1770
Proposition de motion de Mmes et MM. Alain Charbonnier, Alain Etienne, Lydia Schneider Hausser, Brigitte Schneider-Bidaux, Loly Bolay, Laurence Fehlmann Rielle, Françoise Schenk-Gottret, Ariane Wisard-Blum, Christian Brunier pour un moratoire du transfert des activités du Petit Beaulieu à Belle-Idée
P 1624-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la pétition pour le maintien du Petit Beaulieu en l'état actuel
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (L)
Rapport de minorité de Mme Laurence Fehlmann Rielle (S)

Débat

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous précise que ces deux objets sont en catégorie II. Le Bureau a décidé de vous octroyer six minutes par groupe pour les deux projets, plus six minutes pour les auteurs de la motion 1770 et six minutes, respectivement, pour les rapporteurs de majorité et de minorité de la pétition 1624.

Nous commençons d'abord par le point 23 de l'ordre du jour, c'est-à-dire la proposition de motion 1770. Monsieur Alain Charbonnier, je vous donne la parole.

M. Alain Charbonnier (S). Merci, Madame la présidente. Le Petit Beaulieu, je le rappelle, était - puisqu'il a été fermé le 1er juillet 2007 - le centre d'alcoologie, qui prenait en charge les personnes victimes d'alcoolisme à Genève. Ce centre de soins a été créé en 1991 par un médecin des HUG, le Dr Bernard Krahenbühl, qui disait, parlant de la maladie de l'alcoolisme, je cite: «Bien qu'elle atteigne toutes les couches économiques et sociales de la population, cette maladie est encore souvent stigmatisée et n'est toujours pas acceptée, d'où la nécessité d'une confidentialité absolue.»

Les HUG, dans leur souci de répondre aux directives du Conseil d'Etat de réaliser des économies, ont mis au point un plan intitulé «plan Victoria». Ce plan exige plus d'efficience pour parvenir à économiser environ 30 millions par année, ce qui représente, grosso modo, 150  à 160 postes de travail. Les HUG, en très bons élèves, y sont parvenus puisqu'ils ont atteint ces objectifs.

Pour atteindre ces résultats - c'est l'exemple du Petit Beaulieu - sans toucher aux prestations, il faut être plus efficients. Le centre d'alcoologie a donc été rapatrié en psychiatrie, puisque, auparavant, il était rattaché à la psychiatrie, les personnes souffrant d'alcoolisme étant traitées comme des malades psychiatriques. Or - et la phrase du Dr Krahenbühl le montre bien - la prise en charge de ces personnes a changé ici - à Genève, mais, aussi, dans le canton de Vaud - depuis les années 90. Cela ne date pas de la préhistoire, c'est assez récent ! En effet, les personnes souffrant d'alcoolisme sont prises en charge par des équipes multi-pluridisciplinaires: des psychologues, des assistants sociaux, des infirmières, des médecins. Cela permet de répondre aux besoins personnalisés de chaque malade et d'adapter le traitement à chaque patient en lui prescrivant soit une cure courte, soit une cure longue, même si l'on constate que les cures de longue durée sont moins utilisées que par le passé. C'était aussi le cas au Petit Beaulieu, ce qui fait que les lits à disposition n'étaient pas tous utilisés.

Je le rappelle, le Petit Beaulieu est une magnifique petite maison au début de l'avenue Beau-Séjour, implantée en plein centre-ville. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard que ce lieu avait été choisi, c'était pour permettre aux proches, aux familles des personnes souffrant d'alcoolisme qui y séjournaient, de participer aux travaux de thérapie, dont, entre autres, des groupes de soutien, très importants aux yeux de ces patients. Malheureusement et malgré les promesses qui nous ont été faites, ces travaux de thérapie ont quasiment disparu - si ce n'est complètement - depuis le transfert à Belle-Idée en psychiatrie. Un patient m'a indiqué - c'est le dernier écho que j'ai entendu - qu'ils avaient disparu...

On nous avait promis que cette exigence d'efficience ne diminuerait pas les prestations; on se rend compte que ce n'est pas vrai: on le voit aujourd'hui avec ce qui s'est passé avec le Petit Beaulieu !

Et puis, vous - la majorité de droite de ce parlement - vous avez refusé de traiter cette motion en urgence. Elle avait pourtant été déposée le 13 juin 2007 - dans l'urgence, précisément. Mais les HUG, il faut le dire, agissent, dans le cadre du plan Victoria, en donnant peu d'informations - nous le verrons plus tard, lorsque nous traiterons une autre motion que nous avons déposée à ce sujet. Du reste, le directeur de l'hôpital, M. Gruson, a reconnu les erreurs, s'agissant du manque d'informations fournies aux patients en 2007.

Mais cela nous fait un peu sourire, parce que j'ai moi-même déposé une interpellation urgente en décembre 2006, au sujet du Petit Beaulieu: le Conseil d'Etat nous avait alors répondu qu'il ne fallait pas nous faire de souci, que ce n'était pas pour des raisons économiques que cet établissement avait été fermé pendant les fêtes de fin d'année 2006/2007... Nous constatons, en fait, que nos craintes à ce sujet étaient tout à fait justifiées. Nous avions été alertés par des patients et des anciens patients du Petit Beaulieu sur les risques de fermeture de cet établissement, celui-ci est fermé aujourd'hui et cela représente une diminution des prestations.

Nous pourrions, bien sûr, retirer cette motion, mais nous pourrions aussi la renvoyer en commission, pour demander que soit effectué un bilan de la situation une année après. Finalement, nous vous remercions presque d'avoir refusé de traiter cette motion en urgence à l'époque, parce que cela va nous permettre de demander qu'un bilan exact de la situation en matière de prise en charge des patients soit effectué. Selon la tournure du débat, nous verrons s'il vaut mieux retirer cette motion ou s'il vaut mieux la renvoyer en commission. Pour l'instant - je le précise - je ne demande pas formellement son renvoi en commission.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité, Edouard Cuendet, sur la pétition.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Je parlerai aussi de la motion, Madame la présidente, sinon, cela n'a pas de sens.

La motion 1770, donc, aurait logiquement dû être retirée par ses auteurs, puisqu'elle est devenue totalement obsolète depuis le transfert de la structure du Petit Beaulieu, en juillet 2007. Mais, si les auteurs n'ont pas procédé à ce retrait, c'est que cette motion s'inscrit dans une stratégie tout à fait claire de torpillage de l'opération Victoria, lancée par les HUG en vue d'améliorer l'efficience de leurs activités sans diminuer les prestations - et j'insiste sur ce point, car de nombreuses garanties ont été données à cet égard.

Je citerai tout de même quelques principes de l'opération Victoria... Et je m'étonne, une fois de plus... (L'orateur est interpellé par Mme Virginie Keller Lopez.) Mme Keller Lopez, du cinquième, pourrait-elle se taire ? (Exclamations. Rires.) Je citerai, disais-je, quelques principes de l'opération Victoria. Il y a d'abord la diminution des journées inappropriées; la diminution de la durée moyenne de séjour; l'examen des pratiques et procédures de prise en charge des patients; l'organisation optimale de la trajectoire du patient; l'itinéraire clinique; la recherche de bassin de population nouveau, afin d'atteindre les masses critiques des patients; l'augmentation de l'efficience du secteur privé de l'hospitalisation; l'optimisation de la gestion des secteurs hôteliers, administratifs et techniques... Il s'agit donc de toute une série d'améliorations sensibles auxquelles, à mon avis, même les tenants de l'immobilisme qui se trouvent en face de moi, pourraient adhérer.

Mais, bien évidemment, qui veut noyer son chien l'accuse de la rage, comme le dit très justement l'adage... Par conséquent, saisissant tous les prétextes possibles, ceux qui veulent absolument torpiller l'opération Victoria ont, malheureusement, abusé du désarroi tout à fait compréhensible des personnes qui séjournaient au Petit Beaulieu pour les instrumentaliser, afin de mettre à mal cette opération. Je trouve cela absolument lamentable, parce que, bien sûr, ce que M. Charbonnier n'a pas encore dit et ce que Mme la rapporteuse de minorité ne dit jamais, c'est que, d'un point de vue thérapeutique - et les auditions à la commission de la santé, dans le cadre de la pétition 1624, l'ont montré de manière incontestable - le transfert des activités du Petit Beaulieu à Belle-Idée était tout à fait justifié. Et les personnes qui s'opposent à ce transfert n'ont pu présenter aucune audition crédible et scientifiquement établie pour prouver qu'il n'était pas justifié.

En résumé et pour finir, il ressort de cette affaire que le seul reproche - à la limite - que l'on pourrait faire aux HUG dans ce dossier serait d'avoir mal communiqué. C'est regrettable, certes, mais prétendre que c'est un élément suffisant pour stopper l'opération Victoria me paraît toutefois un peu exagéré !

S'agissant de communication, je citerai tout de même le directeur général des HUG, Bernard Gruson, qui s'est exprimé comme suit: «...il est classique pour ceux qui s'opposent à un processus de changement de commencer par affirmer qu'ils n'ont pas reçu l'information relative à ce changement, même si ce fut le cas.» Et il a insisté sur le fait que, en interne, cette information avait été diffusée de manière tout à fait correcte, répétée et suffisamment à l'avance, mais il a reconnu, c'est vrai, qu'il y a eu des lacunes s'agissant de l'information vers l'extérieur. Mais, de là à se saisir de ce seul argument regrettable - d'ailleurs, tous les groupes de la commission de la santé ont regretté ce manque de communication vers l'extérieur - et à utiliser ce prétexte fallacieux pour mettre à mal tout un processus vital pour les HUG, il y a un pas ! Je trouve cela absolument lamentable, surtout que l'opération Victoria n'a pas été lancée, comme cela, sans une profonde réflexion et sans concertation: loin s'en faut ! En commission de la santé, toutes les informations nécessaires nous ont été fournies sur ce processus, qui a été initié et supporté par le conseil d'administration, par la direction générale des HUG et par les différents services qui prennent une part active à cette initiative. Et, évidemment, seuls certains s'y opposent... On peut donc véritablement regretter que certains fassent feu de tout bois et utilisent tous les prétextes pour mettre à mal cette opération.

Certes, c'est pour moi un plaisir de me trouver en face de Mme Fehlmann Rielle, qui est rapporteuse de minorité, mais cela me pose tout de même un problème que je me permets de vous soumettre ce soir. En effet, Mme Fehlmann Rielle est l'animatrice d'une entité entièrement subventionnée, active dans la prévention de l'alcoolisme... Pour moi, il est pour le moins étrange qu'elle s'oppose aussi frontalement, en tant que rapporteuse de minorité, à une option scientifiquement étayée, choisie par son principal pourvoyeur de fonds ! Pour rester dans la métaphore canine, que j'avais utilisée au début de mon intervention: le principe voudrait que l'on ne morde pas la main qui nous nourrit... (Exclamations.) En tout cas, il faudra se pencher très sérieusement sur l'activité de cette association, pour contrôler son adéquation avec la stratégie du canton en matière de prévention et de lutte contre l'alcoolisme. Et, bien sûr, l'étude du contrat de prestations nous permettra de procéder à cet examen approfondi.

En tout état, je vous invite à ne pas entrer en matière sur la motion 1770 et à déposer la pétition 1624-A sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de minorité. Je relève, en préambule, que M. Cuendet lance des menaces à peine voilées sur les fonctions que j'occupe dans cette association, qui n'oeuvre d'ailleurs pas dans le domaine du traitement, mais dans celui de la prévention. Par ailleurs, il n'y a aucun flux financier entre l'association que «j'anime» - comme il le dit - et les différentes institutions, qui s'occupent, justement, de traiter l'alcoolisme... Paradoxalement, il ne semble pas gêné que des banquiers parlent de leurs problè mes, comme tout à l'heure, que des entrepreneurs parlent de problèmes d'aménagement... Enfin, bon, n'en parlons plus !

Ensuite, M. Cuendet sort un peu du sujet en parlant de l'opération Victoria - je vous rappelle qu'une motion socialiste traite de cette dernière - et il nous accorde beaucoup de pouvoirs en laissant entendre que nous serions en train de la torpiller en soulevant des questions sérieuses au sujet du transfert du Petit Beaulieu à Belle-Idée.

J'en viens maintenant à la pétition, qui est l'objet principal de ce point. Vous nous accusez également d'instrumentaliser les pétitionnaires... C'est une contrevérité: nous n'avons eu aucun impact et aucune influence sur ces derniers ! Ils sont assez grands pour se rendre compte de ce qui s'est passé, et ils se sont inquiétés, de façon légitime, du devenir de ce lieu de traitement qui avait fait ses preuves. On a même essayé d'accuser un des médecins responsables du Petit Beaulieu d'avoir tenté de les instrumentaliser. Je peux vous garantir qu'il n'en est rien: c'est un écran de fumée pour essayer de justifier une opération technocratique !

J'aimerais rappeler quelques éléments. S'agissant de la forme, on peut effectivement tout à fait déplorer la façon dont s'est passé ce transfert, mais, étant donné que cela a été reconnu, je ne m'étendrai pas trop. Je tiens tout de même à dire que le personnel a été averti très tard: au courant du printemps, il ne savait encore pas vraiment comment ce transfert allait être effectué, alors qu'il devait se faire au début du mois de juillet.

Et puis, en externe, il y a aussi eu un manque total de transparence. Même si on peut admettre que les HUG ont une certaine logique d'entreprise et leurs objectifs propres, on a pu constater qu'aucune information n'a été donnée, qu'aucune concertation n'a eu lieu avec ce que l'on appelle «le Réseau genevois d'alcoologie», qui est composé de toutes les institutions d'aide et de soutien aux personnes qui sont dépendantes de l'alcool. De plus, l'un des responsables de ce transfert a fustigé le Réseau d'alcoologie en le qualifiant de «peu optimal». Mais comment obtenir un réseau cohérent si chacun travaille dans son coin sans aucune concertation ? Ce réseau n'est peut-être pas formalisé, mais il existe, et les professionnels doivent se réunir régulièrement, pour réfléchir aux différents modèles de traitement et pour essayer d'adapter leurs prestations aux besoins des patients.

Deux types d'arguments ont été avancés pour essayer de justifier ce transfert. Les arguments de type scientifique, selon lesquels aucune preuve n'a été apportée que les traitements longs seraient plus efficaces que les traitements courts... Alors, je ne sais pas si les traitements qui étaient prodigués au Petit Beaulieu pouvaient être considérés comme des traitements longs, puisqu'il était possible de faire une semaine de sevrage avec contrôle médicalisé ou de faire un suivi thérapeutique de trois semaines. S'il s'agit de traitements longs, il faudra m'expliquer ce que sont les traitements courts ! Et c'est aussi négliger le fait que le problème de l'alcoolisme est une maladie complexe, au long cours, et qu'il faut bénéficier d'un dispositif diversifié pour pouvoir réellement répondre aux besoins de la population concernée.

Il nous a été dit également que le fait de critiquer ce transfert et de reprocher le déplacement des activités de cet établissement à la psychiatrie était une façon de stigmatiser la psychiatrie, que c'étaient des remarques d'un autre temps... Il faut tout de même se rappeler que toutes les personnes dépendantes de l'alcool n'ont pas forcément ce que l'on appelle une «comorbidité psychiatrique» et ne se tournent pas automatiquement vers un traitement psychiatrique ! Et le problème de l'alcoolisme recouvre aussi une problématique sociale: c'est aussi le reflet d'une très grande permissivité de la société vis-à-vis de ce problème. Par conséquent, un certain nombre de patients ont besoin de traitements prodigués par des généralistes qui ont une formation en alcoologie: ils n'ont pas forcément besoin d'un traitement psychiatrique. Il est donc nécessaire que le dispositif soit diversifié, tant public que privé, pour permettre de proposer des traitements aussi bien ambulatoires que résidentiels, de façon à vraiment observer cette approche dite «biopsychosociale» qui, je crois, fait l'objet d'un consensus parmi les professionnels.

Deuxième type d'arguments: les arguments de type managérial... On a tout simplement dit que cette structure coûtait trop cher, qu'il fallait faire des économies et que, notamment, le loyer du Petit Beaulieu représentait environ 140 000 F d'économies par an pour l'Etat ! Mais qu'est-ce qu'une économie de 140 000 F en regard de toute l'expérience qui a été accumulée par le Petit Beaulieu, en regard des différentes activités menées dans le traitement direct des patients, dans le suivi des patients après leur traitement et, également, pour les proches qui souffrent énormément du problème d'alcool d'un membre de leur famille ou d'un ami ?

Pour justifier ce transfert à Belle-Idée, on a tout simplement décrété que le dispositif d'alcoologie et que les activités du Petit Beaulieu étaient éclatées et qu'il fallait les concentrer vers la psychiatrie.

Tous ces arguments sont assez faibles, parce qu'ils n'ont pas du tout été étayés de façon scientifique. On a eu l'impression qu'ils étaient avancés pour pouvoir coller à une sorte de plan, pour correspondre à certains objectifs du plan Victoria. C'est pour cela que j'ai demandé, dans mon rapport, qu'une évaluation sérieuse et externe soit effectuée sur les résultats de ce transfert. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Malheureusement, on a déjà entendu dire qu'il y avait un certain tournus: les patients hésitent à se faire soigner à Belle-Idée. Il ne s'agit pas de mettre en doute la capacité des professionnels qui y travaillent, mais, plutôt, de montrer le déficit qui résulte de ce transfert. Cela dit, il faudra effectivement l'évaluer sérieusement. J'ai pensé qu'il fallait faire cette évaluation sur une période de deux ans, mais peut-être qu'une période d'un an suffira pour pouvoir tirer un certain nombre de constatations.

Quoi qu'il en soit, nous demandons le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, pour que cette problématique soit sérieusement prise en considération.

La présidente. Merci, Madame la députée. Je rappelle aux deux rapporteurs que leur temps de parole, de six minutes chacun, est maintenant écoulé. Madame Schneider-Bidaux, vous avez la parole.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je ne vais pas m'attarder, puisque ce débat sur les maladies liées à l'alcool suscite beaucoup d'intérêt. C'est effectivement un véritable phénomène de société, comme tous les problèmes de dépendance. Il faut le dire, la prohibition n'aide pas à résoudre les problèmes de dépendance, il y a probablement d'autres moyens pour y arriver. La prévention est extrêmement importante et je pense que le travail réalisé par la FEGPA dans ce sens est très constructif, de même que celui qui est effectué dans les écoles. Et il y a différentes façons de faire ce travail.

On a évoqué ce qui se passait au Petit Beaulieu - je le dis à l'imparfait, puisque cet établissement, en tant que tel, n'existe plus. Il y a en effet à redire sur la façon dont les choses se sont passées, qu'il s'agisse du manque d'information et du transfert d'activités effectué par rapport au plan Victoria. Mais nous aurons largement le temps de revenir sur ce plan lors d'une prochaine intervention, puisque ce sujet figure parmi les points de notre ordre du jour.

Actuellement, on traite comme les autres les personnes malades de l'alcool, mais, dans le même temps, on les envoie à Belle-Idée, ce qui est paradoxal. En fait, on les stigmatise par rapport au commun des mortels, puisque Belle-Idée a une connotation d'hôpital psychiatrique du canton. Et les personnes à qui l'on propose une hospitalisation à Belle-Idée pour suivre un traitement peuvent se montrer réticentes, parce que, dans leur esprit, elles ne sont pas folles... Il est extrêmement important de se rendre compte de cela. En effet, on ne saura jamais combien de personnes malades de l'alcool peuvent être traitées de la meilleure façon - à Belle-Idée, mais peut- être ailleurs - dans la mesure où elles ne voudront pas se faire soigner dans un établissement de ce type, que ce soit en médecine, en chirurgie, etc. Et c'est bien dommage !

Cela me fait aussi dire qu'en fait le nombre des hospitalisations à Belle-Idée sera forcément faux, dans la mesure où les personnes qui devraient être soignées n'entreront pas dans les statistiques - ou elles entreront dans les statistiques de Belle-Idée, mais on ne sait pas à quel titre. Tout cela est un peu regrettable et, aussi, un peu abscons, je vous le concède...

Pour ce qui est du sort réservé à cette motion, nous pensons quelle aurait dû être traitée il y a une année, comme nous l'avions proposé. Nous vous avions demandé l'urgence, vous l'avez refusée... Eh bien maintenant, on ne peut que s'abstenir ou la refuser !

Par contre, je pense qu'il faut renvoyer le rapport de minorité au Conseil d'Etat pour savoir, même avec toutes les réserves que j'ai émises, ce que sont devenus tous ces patients qui étaient soignés au Petit Beaulieu il y encore une année. Cela en vaudrait la peine. A vous, Monsieur Unger, de nous le dire - ou à la direction des HUG !

La présidente. Merci, Madame la députée. Sont inscrits: M. Selleger, M. Aubert, Mme Schneider Hausser, Mme Gautier, M. Brunier, M. Forni, M. Ischi et M. Charbonnier. Je vous indique que le Bureau a décidé de clore la liste des intervenants.

M. Charles Selleger (R). Il n'est jamais bon, dans une stratégie de décision thérapeutique ou d'organisation hospitalière, de virer dans l'émotionnel plutôt que dans le factuel.

J'aimerais rappeler que la motion 1770, qui demande un moratoire du transfert des activités du Petit Beaulieu à Belle-Idée, ne concerne qu'une partie de ces dernières, à savoir l'activité de type stationnaire. La partie ambulatoire de l'activité du Petit Beaulieu, elle, n'est pas concernée par un déplacement à Belle-Idée. Elle est transférée au département de médecine communautaire, c'est-à-dire à l'ancienne policlinique de médecine, à l'Hôpital cantonal, et à la consultation des Acacias.

Cette nouvelle organisation de la prise en charge des problèmes d'addiction à l'alcool s'intègre, comme cela a été dit, dans l'opération Victoria. Celle-ci vise à améliorer l'efficience de la prise en charge des personnes, dans le cas présent des personnes souffrant d'alcoolisme, en privilégiant le traitement ambulatoire qui doit s'affirmer comme la règle dans ce genre de traitement.

Seule une minorité des prises en charge pour l'alcool nécessite une phase stationnaire, et c'est pour cette minorité que le transfert sur le site de Belle-Idée a eu lieu. J'aimerais rappeler que le Petit Beaulieu, en ce qui concerne son activité stationnaire, n'arrivait pas à remplir plus de la moitié des lits.

Alors, certes, on peut regretter qu'une unité de dimension familiale disparaisse du paysage médical genevois. Mais, cette disparition se fait réellement au bénéfice d'une rationalisation de la prise en charge des cas lourds, qui ne peuvent être immédiatement suivis en ambulatoire: ils sont une minorité, je le rappelle.

Il faut savoir que le visage de l'alcoolisme en 2007 n'est plus celui qu'il était en 1991, à l'époque de la création du Petit Beaulieu. En effet, on a beaucoup plus souvent affaire à des cas qui sont lourds et qui associent d'autres pathologies psychiatriques ou d'autres toxicomanies - je parle donc des patients qui doivent être hospitalisés.

C'est pourquoi les mesures de rationalisation que la direction des HUG a prises sont pleinement justifiées. Elles apporteront les synergies indispensables à la prise en charge des cas lourds en leur offrant un encadrement hospitalier, psychiatrique, adéquat et bien rôdé.

Les structures mises en place à Belle-Idée et, respectivement, en médecine communautaire pour ces cas stationnaires et les cas ambulatoires, répondent à cette logique d'efficience et de rationalisation, qui est à la base de l'esprit Victoria.

Il faut relever, par ailleurs, que le transfert à Belle-Idée, objet du moratoire - comme cela a été dit - est déjà effectif depuis le mois de juillet dernier.

Pour ces raisons, le groupe radical vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de rejeter cette motion. Quant à la pétition 1624, qui traite du même sujet, le groupe radical demande son dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

M. Claude Aubert (L). J'aimerais vous dire, Madame la présidente, à quel point j'aime le Grand Conseil... Nous pénétrons dans le Grand Conseil, et le temps s'arrête... «Ô temps, suspends ton vol, et vous, heures propices, suspendez votre cours !»...

Nous sommes en train de parler de quelque chose qui n'existe plus... En étant quelque peu réalistes, nous devons nous rendre compte qu'il y a une dizaine d'objets à traiter pour épuiser - si je peux m'exprimer ainsi - le département de l'économie et de la santé, et que dix personnes interviennent à chaque fois, ce qui représente au moins dix heures ! Encore dix heures, et tout cela pour des sujets qui ne sont même plus d'actualité !

Par conséquent, ou bien nous continuons à prendre tout notre temps ou bien vous faites comme moi: je cesse de parler ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci beaucoup, Monsieur le député. La parole est à Mme Schneider Hausser pour le groupe socialiste, auquel il reste sept minutes et trente-cinq secondes.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Madame la présidente. Effectivement, nous retournons un peu en arrière avec cette motion, mais il me paraît important de prendre le temps de faire un bilan.

La fermeture du Petit Beaulieu, c'est celle d'un service public situé au centre-ville; c'est la fin d'une cure de sevrage que des personnes insérées professionnellement pouvaient suivre pendant trois semaines; c'est la fin d'un service qui, par le biais d'une équipe pluridisplinaire, offrait des prestations de qualité - cela a été dit.

Les habitants de Genève qui ont une dépendance à l'alcool et qui veulent effectuer un traitement non pas ambulatoire mais stationnaire ont deux solutions: soit ils sont assez forts pour franchir la barrière psychologique, il faut le reconnaître, qu'induit l'hospitalisation à Belle-Idée, soit ils entrent dans un établissement privé. Les établissements privés à disposition en Suisse romande - il y en a à Genève, mais aussi en Suisse romande - ne proposent pas, pour une couverture LAMal, les soins de qualité que pouvait offrir le Petit Beaulieu. Et les personnes qui ne bénéficient pas d'une couverture complémentaire à la base LAMal n'ont plus le même choix qu'avant.

Or, dans une collectivité comme celle de Genève, la prise en charge de soins liés à des problématiques lourdes doit incomber au service public qui est le seul à même d'assurer un accès aux soins pour tout le monde. Ce qui est induit dans la pétition et dans la motion, au-delà du service et la maison du Petit Beaulieu, c'est que certains soins liés à la psychiatrie, aux abus de substance, ou aux problèmes liés à l'alcool et à la dépendance - que l'on peut qualifier de «lourds» en termes thérapeutiques - ne peuvent pas être assurés ailleurs que dans le service public. Le privé peut prendre en charge ce type de cas, mais uniquement pour des soins de première ligne. Le service public, s'agissant des problèmes liés à l'alcool mentionnés par Mme Fehlmann, doit mener une politique pérenne et prévoyante en matière de soins à fournir.

La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Fabienne Gautier. Il reste cinq minutes et dix secondes au groupe libéral.

Mme Fabienne Gautier (L). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, ce soir, au travers de cette motion et de cette pétition, on se soucie beaucoup des soins prodigués aux malades souffrant d'addiction à l'alcool, notamment du transfert à la clinique de Belle-Idée de certains soins prodigués au Petit Beaulieu. Certains pensent en effet que les mêmes soins ne pourront pas y être fournis. Mais je pense qu'il est important de relever, comme cela a été confirmé à plusieurs reprises lors des auditions tant par les représentants de la direction et le président des HUG que par les professeurs de médecine communautaire et de psychiatrie, que le déplacement des activités du Petit Beaulieu a été décidé dans un souci d'efficience et de meilleure prise en charge des malades atteints d'addiction à l'alcool.

Il est ressorti des auditions qu'il n'était nullement question de baisser les prestations, il me paraît important de le souligner. Bien au contraire, le Petit Beaulieu était devenu une structure inadaptée, la médecine ayant évolué dans le traitement de l'addiction à l'alcool et ne nécessitant plus un traitement en milieu fermé mais un traitement ambulatoire. Et il me semble que ce déplacement ne change pas les traitements ambulatoires qui étaient et qui sont toujours prodigués en ville, comme cela a été dit, tant aux HUG qu'au centre des Acacias.

Pour les malades nécessitant des traitements hospitaliers prolongés, il est ressorti qu'il était plus opportun de créer une synergie plus proche avec la psychiatrie. Cela s'est fait dans tous les cantons, et je pense que les résultats sont bons. Il n'y a que Lausanne et Genève qui ne le pratiquaient pas encore, mais cela se fait à Genève depuis presque une année - ce déplacement a été effectué il y a huit ou neuf mois, cela fera donc une année au mois de juillet prochain - et nous n'avons pas, à ce jour, eu de retour négatif quant à ce transfert d'activités. Et c'est dans le souci d'une approche plus appropriée des soins prodigués aux personnes souffrant de l'addiction à l'alcool que les responsables de l'établissement du Petit Beaulieu ont fait ce choix.

C'est pourquoi je vous remercie de suivre la majorité de la commission de la santé, qui demande le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.

La présidente. Merci, Madame la députée. Je passe maintenant la parole à M. Christian Brunier. Il va vous présenter l'amendement qui est en train d'être distribué par rapport à la motion 1770.

M. Christian Brunier (S). Je vais vous situer rapidement l'amendement. Le parti libéral nous dit finalement qu'il reconnaît qu'il y a eu des problèmes d'information, mais qu'il fallait les relativiser... Il faut tout de même savoir ce qui s'est passé concrètement ! Les patients et le personnel ont été avertis deux semaines seulement avant la fermeture du Petit Beaulieu, alors que l'on avait indiqué à M. Charbonnier, un mois avant, en réponse à une interpellation, qu'il n'y avait pas de problème. Donc, en matière d'information, on peut faire mieux !

Et puis, au niveau du Grand Conseil aussi. Il a été répondu à M. Charbonnier qu'il n'y avait pas de problème... A la commission de la santé, je vous le rappelle, nous avons été informés par la presse, et s'il n'y avait pas eu de pétition on n'en aurait jamais parlé en commission. Il est donc faux de prétendre que l'information a bien passé !

D'autre part, le parti libéral nous explique également qu'en fin de compte les prestations ne seront pas diminuées avec le plan Victoria... Nous aborderons ce débat plus tard, mais je vous rappelle tout de même que le plan Victoria représente une diminution de 100 millions. Alors, si vous pouvez offrir autant de prestations avec 100 millions de moins, vous êtes plus un magicien qu'un politicien ! Ou peut-être faites-vous de fausses promesses ? Il y a bien diminution des prestations et je vous signale que, l'année dernière, il y a déjà eu une coupe de 30 millions, ce qui représente cent lits en moins et cent soixante postes en moins aux HUG. On ne peut donc pas affirmer qu'il n'y a pas de diminution des prestations !

Maintenant, parlons des économies ! On nous dit que, finalement, cela valait la peine de fermer le Petit Beaulieu, que cela ne dégradait pas trop les prestations et que cela permettait de faire des économies... Personne ne l'a relevé depuis le début du débat, mais l'économie du Petit Beaulieu a été chiffrée par le Conseil d'Etat à 140 000 F par année ! Et cela sur un budget de plus d'un milliard ! Les HUG ont un budget de plus d'un milliard, et on a réalisé, en générant de l'inquiétude pour le personnel et de la révolte pour les patients, une économie de 140 000 F par an !

En plus, c'est faux, parce que l'on sait à quoi servait cette somme ! Elle servait à quoi ?! Dites-le, Monsieur Cuendet ! Elle servait à payer un loyer à l'Etat ! C'était donc une opération totalement blanche pour l'Etat, puisque l'Etat subventionne massivement les HUG. On a donc généré de l'insatisfaction, on a certainement dégradé les prestations: pour une économie nulle ! Voilà le résultat du Petit Beaulieu. Il n'y a franchement pas de quoi être fier d'avoir pris une telle décision ! Nous ne sommes pas opposés aux économies, nous ne sommes pas opposés aux améliorations. Encore faut-il qu'elles soient réalisées de manière concertée, qu'elles soient efficaces pour l'Etat en termes d'économies et qu'elles ne débouchent pas sur une dégradation des prestations. Je crois que l'on n'est pas du tout dans ce cas de figure !

L'amendement que je propose est très simple et, normalement - si j'ai bien compris tout ce qui a été dit ce soir - il devrait être voté à l'unanimité. En ce qui nous concerne, nous avons des doutes: nous pensons que les soins ont été dégradés, et nous voulons mesurer cette dégradation. Vous, vous nous dites que cela ne pose pas de problème, que cette fermeture n'a causé aucun problème aux patients, aucun problème au personnel...

Je vous propose donc simplement de faire le point de la situation, c'est le but de cet amendement général, dont la teneur est la suivante: «Le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat à évaluer les effets du transfert des activités du Petit Beaulieu à Belle-Idée et à présenter un rapport au Grand Conseil.»

Nous verrons bien, suite à ce rapport, qui a raison. Nous - nous le répétons - nous pensons qu'il y a eu une dégradation des prestations, alors mesurons-la ! Vous, vous pensez qu'il n'y en a pas eu. Ce rapport dira si vous avez raison ou non. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, votez cet amendement !

M. Michel Forni (PDC). Nous avons entendu ce soir deux rapporteurs traiter du problème de l'alcoolisme et de sa thérapeutique avec beaucoup de précision et de sensibilité. Je rappelle que nous sommes ici dans une démarche politique.

A partir de là, je retiens qu'une motion et une pétition dénoncent la fermeture d'un centre qui répond à des demandes de patients et à leurs proches, dans le cadre de la lutte contre l'alcoolodépendance. D'autre part, certaines activités sont délocalisées de Genève vers sa campagne, dans un environnement thérapeutique mais aussi à caractère psychiatrique. Alors un nouvel élément apparaît: c'est les formes d'émotions, c'est les déficiences d'information, mal relayée, c'est la communication à fréquence variable... Et tout cela va se solder par une réaction de l'hôpital - avec une impulsion de la direction pour engager une réorganisation des pratiques médicales, en tenant compte de la mission spécifique et des intérêts qui découlent du traitement contre cette forme d'addictologie qu'est l'alcoolisme - mais aussi en privilégiant - et vous le savez bien, Monsieur Brunier - un système de gouvernance qui est établie avec une stratégie de regroupements, mais également de convergences et d'opportunités. Et ça, cela fait effectivement partie du plan Victoria ! Nous en reparlerons peut-être ce soir ou une autre fois.

Autre élément qu'il faut relever: une certaine forme de désinformation dénonçant des inadéquations financières, des divergences de stratégie thérapeutique, la reconversion d'une institution - le Petit Beaulieu - en lieu et place d'une restructuration, souhaitée par les uns mais redoutée par les autres, qui va finalement laisser place à un regroupement d'activités au sein d'une division spécialisée à Belle-Idée, tout en conservant à Genève - comme cela a été dit - deux centres ambulatoires dont la capacité dépasse largement le cadre et le nombre de patients qui étaient traités au Petit Beaulieu.

Bien sûr, des spécialistes sont intervenus - cela a été résumé - spécialistes de la médecine communautaire et spécialistes de la psychiatrie. Ils ont été entendus par la commission et ont dressé un bilan sans complaisance - sans complaisance ! - des forces et des faiblesses des centres appelés à prendre en charge la maladie de l'alcoolisme aujourd'hui. Pour ma part, je pense qu'il faut rester dans cette démarche, en mettant le passé de côté, car les traitements ont également évolué, et il faut se situer en 2008.

Leur discours est clair: avec une recomposition de l'offre hospitalière, avec une modernisation par une technique de regroupement, avec une amplification de la prise en charge thérapeutique ambulatoirement, ce scénario, Mesdames et Messieurs les députés, permet d'adhérer à des pratiques modernes de traitement de la maladie alcoolique.

Mais - et cela n'a pas été dit, ce soir - cette manoeuvre doit aussi se rapporter à des reconversions de certains secteurs hospitaliers, car certains secteurs sont vulnérables. Et cela ne dépend pas uniquement de l'offre et de la demande, cela ne dépend pas d'une éventuelle économie de 150 000 F: cela dépend des problèmes de stratégies hospitalières. Et, sur ce point, l'hôpital a dû s'adapter. C'est un exemple parmi d'autres, cela fait aussi partie du plan Victoria, nous y reviendrons plus tard.

Eh bien nous, nous avons confiance en la compétence des experts genevois qui ont été auditionnés. Et nous avons également senti une écoute - et cela est peut-être souligné aussi dans la motion du député Brunier - par rapport aux souhaits des soignants et, surtout, par rapport aux soignés. Quoi qu'il en soit, face à ce problème, et comme cela a été dit, nous ne sommes pas des thérapeutes: nous sommes des politiques, et notre démarche doit rester politique !

C'est la raison pour laquelle le PDC vous invite à soutenir la stratégie de la majorité, qui reste novatrice pour Genève, et nous proposons de refuser la motion et de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Eric Ischi (UDC). Après tout ce qui a été dit, il est bien difficile de trouver de nouveaux arguments... Vous me permettrez néanmoins faire connaître notre avis et nos intentions.

J'aimerais tout d'abord dire que personne n'est insensible à la maladie de l'alcoolisme: nous sommes tous peinés pour ceux qui en sont victimes, mais aussi pour leurs proches. Ce qui est difficile ce soir, c'est de parler pendant des heures d'une motion qui, à mon avis, aurait dû être retirée - elle n'a plus de raison d'être, les faits sont là, le Petit Beaulieu n'existe plus depuis de nombreux mois - donc, cela me paraît pour le moins bizarre.

En ce qui concerne la pétition, les personnes auditionnées, notamment des responsables - je ne parle pas des responsables administratifs, mais, plutôt des médecins, des spécialistes - nous ont donné des assurances que ces malades continueraient à être suivis normalement et totalement, et qu'il ne fallait pas s'inquiéter.

Alors, si vous le permettez, Madame la présidente, en ce qui nous concerne, nous proposons que les auteurs de la motion 1770 la retirent. Et nous proposons aussi de suivre les conclusions du rapport de majorité s'agissant de la pétition. Quant à l'évaluation de la situation dans les nouvelles structures concernant l'alcoolisme, il ne faut pas nous faire de souci: nous aurions de toute façon des échos si les choses n'allaient pas, et il n'est pas sûr que cela soit le cas.

Quant à l'amendement qui nous est proposé, il me paraît pour le moins irrecevable, dans la mesure où il ne correspond plus du tout au titre de la motion 1770. Je suggère donc aux motionnaires de préparer une nouvelle motion, qui pourrait être discutée en temps opportun.

M. Eric Stauffer (MCG). Je suis administrateur aux HUG; il paraît qu'il faut annoncer ses liens d'intérêts, alors c'est ce que je fais ! Il n'y a donc aucun conflit, puisque je représente la population qui m'a porté à la fonction de député et que c'est au titre de représentant du Mouvement Citoyens Genevois que je siège aux HUG.

Alors, je m'interroge... Nous devions absolument traiter certains dossiers, et nous ne le pourrons pas. A côté de cela, nous avons perdu des heures à parler de l'achat d'un terrain par une banque privée, et maintenant nous allons terminer cette séance... (Exclamations.) ...sur un objet qui n'a plus lieu d'être !

Je suis également très surpris du discours de M. Brunier qui, en spécialiste en électricité et en communication, vient maintenant se poser en médecin et expert des HUG, nous expliquant qu'il est absolument inadmissible de transférer... (L'orateur est interpellé.) Mais enfin, qu'êtes-vous en train de dire, Mesdames et Messieurs ? (Exclamations.) Vous êtes en train de mettre en doute la capacité des experts des hôpitaux universitaires de Genève - qui sont quand même une des fiertés des Genevois, que ce soit au niveau de l'équipement et des soins prodigués - et qui ont décidé de transférer certaines activités du Petit Beaulieu pour les regrouper dans un centre ! C'est le nom de Belle-Idée qui vous dérange ? C'est le Petit Beaulieu qui va vous manquer ? (L'orateur est interpellé par M. Alain Charbonnier.) Monsieur Charbonnier, continuez à exercer votre métier: moi je ferai ce pourquoi je suis ici !

Finalement, je trouve que mon collègue Eric Ischi a raison: vous devriez retirer cette motion avant qu'elle ne soit rejetée, comme d'autres... (L'orateur est interpellé.) Oui, votre amendement... Alors, déposons tous des motions, et puis présentons des amendements de dernière minute qui en modifient le texte ! Il me semble que ce n'est pas une manière sérieuse de travailler ! Si votre texte n'était plus d'actualité, il fallait avoir le courage de le retirer au lieu d'avoir l'outrecuidance de déposer un amendement qui le remplace !

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. C'est nouveau, Madame la présidente: un amendement général ayant été déposé, il me paraît logique que le rapporteur de majorité puisse s'exprimer à ce sujet ! (Commentaires.) Mais enfin, à chacun sa vision des choses ! (L'orateur est interpellé.) Les deux objets sont à l'ordre du jour et je peux m'exprimer sur les deux ! (Exclamations. La présidente agite la cloche.) Quoi qu'il en soit, il me semble que le parti libéral doit pouvoir s'exprimer sur un amendement général, sauf si vous pensez que vous pouvez museler les autres groupes parlementaires, ce qui ne serait pas la première fois ! (Exclamations.)

Je dirai une seule phrase: accoler une invite tout à fait nouvelle à un exposé des motifs totalement dépassé me paraît inadéquat et rend l'ensemble totalement incohérent ! Je vous invite donc à rejeter cet amendement général.

La présidente. Madame la rapporteure de minorité, vous ne voulez pas vous exprimer sur l'amendement... Non. Je vous remercie. Je donne donc la parole à M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Après ce débat si long, je ne suis pas sûr de réussir à être vraiment bref... Néanmoins, j'aimerais dire clairement - certains ont effleuré le sujet, d'autres n'en ont pas parlé du tout - que la maladie alcoolique est un drame. Elle est un drame pour celui ou celle qui la vit; elle est un drame pour les proches qui entourent la personne alcoolique. A cet égard, cette maladie - chronique, le plus souvent - va toucher la personne et ses proches sur des modes très différents au cours des années.

Probablement depuis que la médecine existe, les thérapies se suivent et s'opposent. Pendant dix ans, elles font plus de place à l'aspect somatique; après l'échec, elles sont plus basées sur la psychiatrie pendant encore dix autres; et ainsi de suite... Il faut donc impérativement pouvoir proposer - deux d'entre vous l'ont dit clairement - des soins différents et appropriés à chaque cas, et que chacun puisse y avoir accès, à chaque moment critique de sa maladie. C'est exactement ce qui se faisait, c'est exactement ce qui continue à se faire !

Toutefois, les choses ont un peu changé. Un certain nombre de traitements, réputés efficaces au moment où ils ont été mis sur pied à l'avènement du Petit Beaulieu, piloté par le Dr Krahenbühl à l'époque, sont devenus relativement désuets maintenant. Nous sommes en effet dans une société en mouvement, où les choses vont de plus en plus vite et les gens aussi. Les contacts sont donc de plus en plus espacés.

C'est la raison pour laquelle, en réponse à l'interpellation urgente reçue en décembre 2006, le Conseil d'Etat avait répondu, de manière mesurable, qu'il n'y avait plus assez de malades pendant les fêtes pour justifier de l'ouverture du Petit Beaulieu. Mais nous n'avons jamais prétendu qu'il n'y avait plus de malades souffrant d'alcoolisme ni de maladies alcooliques dans notre société ! Nous avons simplement identifié que les besoins, face à la maladie alcoolique et face à un changement du profil des malades, imposaient une prise en charge différente.

L'opération du Petit Beaulieu a été mise en relation avec l'opération Victoria - on parlera peut-être de Victoria avant les prochaines élections, au rythme où vont les choses... Toujours est-il que l'opération de fermeture du Petit Beaulieu avait pour raison principale de regrouper en un lieu - où, enfin, nous avions un spécialiste des addictologies, que nous avions recherché pendant plus de quinze ans - les thérapies proposées pour l'ensemble des addictologies, qu'il s'agisse de l'alcoolomanie, qu'il s'agisse des toxicomanies à d'autres drogues, ou qu'il s'agisse des addictions au jeu. Parce qu'en réalité l'addiction, quelle que soit la substance - si tant est que le jeu soit une substance - à laquelle on est accroché est un phénomène dont les composantes sont comparables et du même ordre lorsqu'il y a une affection psychologique associée. Et puis, pour les autres malades, qu'il s'agisse spécifiquement de la prise en charge alcoologique, réalisée à la consultation du Dr Gache ou d'une consultation de médecine communautaire plus générale, le traitement est le plus souvent ambulatoire.

Lorsque l'on change un dispositif dans une maladie aussi sinueuse, aussi complexe et aussi longue, il se trouve toujours un certain nombre de personnes pour regretter ce qui disparaît, parce qu'elles ne sont pas prêtes à comprendre le sens de ce qui apparaît. Il est ainsi facile de prendre en otage des personnes dont le traitement au Petit Beaulieu a été un succès et qui craignent, voyant qu'il est supprimé, de ne pouvoir bénéficier du même traitement. Mais c'est une erreur, et une erreur profonde ! C'est un peu comme si, pour d'autres maladies de longue durée - je pense à certains cancers - l'on regrettait, au moment de la rechute, de ne pouvoir bénéficier du même traitement qui avait permis de connaître une rémission. Mais, s'il y a rechute, c'est bel et bien que ce traitement n'était pas, à lui seul, suffisant pour garantir la guérison durable de la maladie !

Alors, est-il possible de conduire cette diversification - car c'est bien d'une diversification qu'il s'agit - en accroissant l'efficience ? Et ça, c'est le sens de l'opération Victoria. Vous l'avez dit les uns et les autres, l'économie est de faible importance... Nous ne cherchions donc pas à réaliser des économies, mais bel et bien à rationaliser, à diversifier les soins qui pouvaient être prodigués à ces malades.

Nous reviendrons, tout à l'heure peut-être, sur l'opération Victoria, qui n'a pas, Monsieur le député, fait économiser 30 millions. Le budget de l'hôpital, auquel vous avez accès, s'accroît chaque année. Et il n'a pas cessé de s'accroître ! En dépensant 30 ou 40 millions de plus chaque année, nous ne réalisons pas une économie, ou alors dites-moi comment, par économies successives de 30 millions, on arrive à 13 milliards de dettes... C'est exactement comme cela que nous y sommes parvenus ! Notre Conseil d'Etat, unanime, a décidé qu'il fallait inverser la tendance. L'efficience s'est améliorée. Nous ne disposons pas de résultats sur la durée du nouveau traitement des malades. En revanche, pour ce qui est de l'obligation de moyens, à laquelle vous faisiez référence dans votre motion, nous pouvons vous garantir certains éléments.

M. Charbonnier ayant eu la gentillesse de me spécifier une ou deux des choses dont il avait entendu qu'elles avaient disparu, je me suis permis de prendre des renseignements spécifiquement sur ces groupes. J'ai reçu aujourd'hui un rapport qui, de manière assez détaillée, permet de préciser qu'un certain nombre de thérapies sont centrées sur les addictions, soit en groupe soit individuellement. Premièrement, des groupes psycho-éducatifs, qui se réunissent quatre fois par semaine. La trame de base est restée la même qu'au Petit Beaulieu et, donc, les choses n'ont pas changé. Mais les thèmes ne sont pas fixes et émergent des besoins du groupe. Ce n'est donc pas un pull-over de la même couleur et de la même taille que l'on met à tout le monde: c'est l'habit nécessaire pour répondre à la situation du moment.

Le suivi individuel, lui, est centré sur les besoins particuliers de chacun et l'apprentissage de compétences spécifiques. Vous le savez peut-être - et, si vous vous êtes renseignés, sans doute vous l'a-t-on dit - des groupes de mobilité corporelle, dont on sait qu'ils sont particulièrement importants à certaine phases de la souffrance de la maladie alcoolique, ont lieu tous les soirs, week-ends inclus, avec des soins de physiothérapie prodigués deux fois par semaine.

Je pourrais vous lire l'ensemble de ce rapport, mais, si vous le mettez en doute, prenez la peine, je vous en prie, de vous informer auprès de ceux qui pratiquent ces traitements et qui se sentiraient probablement insultés si on leur laissait sous-entendre qu'ils ne travaillent pas. Ceux qui consacrent leurs soirées ou leurs week-ends à prodiguer ces traitements ne comprennent plus la manière dont on parle de leur travail, qui laisse à penser que ce qui se pratiquait avant était parfait et que ce qui se pratique maintenant n'a aucune valeur.

Il faut être très prudent sur la manière dont le Grand Conseil entend aborder ces problèmes. C'est, du reste, la raison pour laquelle je milite personnellement pour le classement de la pétition et pour le rejet de la motion, avec ou sans l'amendement. Il ne faut pas laisser constamment planer des doutes qui mettent le personnel soignant en ébullition: ils ont en effet l'impression que le parlement ne fait plus confiance à l'hôpital dans lequel les malades, eux, ont confiance ! Je le répète, il faut être extrêmement prudent à cet égard.

J'ai, par exemple, entendu la rapporteure de minorité expliquer qu'il fallait enfin s'occuper «sérieusement» de ces malades... Eh bien, tous ceux qui s'en occupent actuellement ne peuvent que comprendre qu'ils le font de manière peu sérieuse ! Ils se sentent insultés lorsqu'ils entendent des commentaires de cette nature, et ils pourront en témoigner ! (Applaudissements.)

Dans le cadre de l'opération Victoria, il y a eu - c'est vrai, le directeur général l'a reconnu, des problèmes d'information au moment de la mise en route. Mais je pense que vous, qui êtes un chef de la communication... (Rires. Exclamations.) ...vous savez que, dans certaines circonstances, on peut avoir des soucis de communication: c'est la vie ! (Rires.) C'est la vie, et ne le prenez ni comme une allusion désagréable ni comme une allusion ironique ! C'est la vie, c'est tout ! Communiquer dans des moments de tension ou des moments de grands changements, c'est un métier très difficile car on se trouve très exposé.

Alors ce que je vous propose, c'est de demander à M. Gruson de venir à la commission de la santé - deux fois par an, ces deux prochaines années - faire un bilan de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Ce Conseil est représenté dans le conseil d'administration des hôpitaux, puisque - en tout cas jusqu'en juin - chaque parti, au minimum, représente le parlement. Et votre parti est plutôt mieux représenté que les autres à cet égard. Ainsi, chacun de ses membres peut rapporter qu'à chaque séance de ce conseil il y a un point sur Victoria, avec des points verts pour les objectifs qui paraissaient bons et qui sont réalisés; des points oranges pour les objectifs qui paraissaient bons et qui sont en voie de réalisation; des points rouges pour les objectifs qui sont abandonnés. Car je n'ai jamais vu qui que ce soit avoir 100% de bonnes idées du premier coup !

Je m'engage volontiers à cela. Vous me donnerez simplement les dates auxquelles vous voulez que ces séances aient lieu; vous me direz si la fréquence de deux fois par an vous convient. Il faudra toutefois vous rappeler que cette information sera donnée pour montrer comment l'opération Victoria progresse et, je m'y engage aussi, pour vous informer avec transparence sur l'utilisation rationnelle des budgets en fonction des objectifs fixés. Mais certainement pas pour que chaque député puisse, à un moment ou à un autre, intervenir sur tel ou tel mode thérapeutique qu'il conviendrait d'appliquer à des malades, parce qu'il en aurait entendu parler ou parce qu'il l'aurait lu sur Wikipédia ! Notre constitution a délégué, en 1857 - ce n'est pas récent, ce n'est pas moderne, ce n'est pas ébouriffant ! - aux hôpitaux la compétence de s'occuper des soins et de la santé, parce que l'on a estimé que l'Etat n'était pas en mesure de le faire, ce qui me paraît particulièrement pertinent cent cinquante ans plus tard ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets tout d'abord la proposition d'amendement déposée par les députés Mmes et MM. Christian Brunier, Alain Charbonnier, Ariane Wisard-Blum, Laurence Fehlmann Rielle, qui consiste en une nouvelle invite dont la teneur est la suivante: «...invite le Conseil d'Etat à évaluer les effets du transfert des activités du Petit Beaulieu à Belle-Idée et à présenter un rapport au Grand Conseil.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 27 oui et 2 abstentions.

Mise aux voix, la proposition de motion 1770 est rejetée par 42 non contre 19 oui et 9 abstentions.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission de la santé (dépôt de la pétition 1624 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 41 oui contre 17 non et 11 abstentions.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons le dernier point de ce soir... (Exclamations.) ...soit le point 24 de l'ordre du jour.

M 1781
Proposition de motion de MM. Eric Ischi, Eric Bertinat, Antoine Bertschy, Gilbert Catelain, Eric Leyvraz, Yves Nidegger, Olivier Wasmer invitant le Conseil d'Etat à présenter au Grand Conseil un projet tendant à la suppression des délais d'attente ainsi qu'à l'amélioration des conditions de sécurité au service des urgences des HUG

Débat

M. Eric Bertinat (UDC). Je vais essayer d'être bref et vous recommande d'ores et déjà de renvoyer cette motion à la commission de la santé.

La motion UDC propose une invite pour améliorer d'une part les délais d'attente et, d'autre part, les conditions de sécurité au service des urgences. Cette motion a été déposée au mois de septembre 2007, c'est un mois durant lequel il y a eu de nombreux débats à ce sujet, surtout par le biais du «Courrier des lecteurs». De plus, de nombreuses personnes se sont adressées à certains responsables politiques pour faire part de leur souci. Je pense plus particulièrement à une lettre de notre ancien collègue Jacques Pagan, adressée au Courrier des lecteurs, dans laquelle il évoquait le cas d'une personne qu'il connaissait et qui avait dû attendre, je dirai, très longtemps avant d'être prise en charge, alors qu'elle était dans un état désespéré. Cette personne est décédée le lendemain matin, et ses proches de cette personne ont été très choqués de ce qu'elle ait dû attendre plusieurs heures aux urgences.

Je le rappelle, l'hôpital est évidemment responsable des personnes qu'il prend en charge et, in fine, nous sommes tous concernés, parce que, malheureusement, nous pouvons un jour être des patients potentiels.

Depuis septembre 2007, j'ai téléphoné à différents médecins que je connais, pour leur demander si la situation s'était améliorée aux urgences... A ma grande surprise, j'ai eu deux types de réponses. Certains m'ont indiqué que le service des urgences avait tout le personnel et les infrastructures nécessaires, mais que le problème d'attente au service des urgences provenait des mauvaises habitudes de la population, qui recourt presque systématiquement à ce service et ignore les permanences médicales. Je mets à part, évidemment, les familles dont les enfants sont systématiquement malades le samedi à partir de 17h. D'autres médecins, par contre, pensent que le service manque de personnel et que cela pose un problème réel. Je dois constater que ce dernier a été relevé par les principaux responsables, puisqu'il en est fait mention dans le rapport de gestion et, aussi, dans le projet Victoria, dans lequel différentes pistes ont été évoquées. Il serait intéressant de savoir, une année ou deux après ces remarques, quels ont été les effets réels et comment se comporte aujourd'hui le service des urgences.

La deuxième partie de l'invite concerne la sécurité. Peut-être vous en souvenez-vous, de graves problèmes sont apparus il y a quelques mois. On n'en entend plus parler... Je ne sais pas si le personnel se sent spécialement en sécurité, si les patients qui se rendent la nuit au service des urgences se sentent en sécurité... Quoi qu'il en soit, nous espérons que les deux problèmes évoqués dans ces invites trouveront une réponse lors des discussions au sein de la commission des finances.

C'est pourquoi nous vous proposons de renvoyer cette motion à cette commission... Non, excusez-moi, il s'agit de la commission de la santé !

La présidente. Vous êtes fatigué aussi, Monsieur le député ! Monsieur Roger Golay, vous avez la parole.

M. Roger Golay (MCG). Merci, Madame la présidente. Je vais faire vite, étant donné l'heure tardive. Le Mouvement Citoyens Genevois ne soutiendra pas la motion démagogue de l'UDC, demandant de supprimer les délais d'attente et d'améliorer les conditions de sécurité au service des urgences des HUG.

Comment le groupe UDC peut-il faire une telle proposition, sachant qu'il est le premier, chaque année, à refuser le budget et que sa principale revendication est la baisse des effectifs de la fonction publique ?! En somme, le groupe UDC propose au gouvernement de trouver des remèdes aux maux récurrents qu'il élabore lui-même, puisqu'il choisit de s'attaquer régulièrement au service public et à la qualité de ses prestations ! D'ailleurs, lors du dernier vote du budget, n'avait-il pas proposé formellement de baisser de 1%, de manière linéaire, le nombre des postes de la fonction publique, sans tenir compte des particularités de certains services.

Ce soir l'Union démocratique du centre voudrait faire croire à la population qu'elle s'inquiète de son bien-être en relation avec l'administration... Laissez-nous sourire ! Son mépris, son manque de considération à l'égard des collaborateurs de l'hôpital, particulièrement ceux du service des urgences, est manifeste dans le contenu de cette motion. Tous les dysfonctionnements sur la gestion des urgences sont relevés, et sans être étayés par une quelconque analyse en profondeur. Ce texte n'exprime aucune reconnaissance pour le personnel urgentiste: pas un mot sur son dévouement sans faille à l'égard des patients ! Rien sur la pénibilité de son travail ! (Exclamations.) Nous savons que le gouvernement est conscient que le service des urgences de l'hôpital est de plus en plus sollicité par la population; nous savons également que le gouvernement et la direction des HUG s'affairent constamment à améliorer la prise en charge des patients, et cela à tous les niveaux des HUG.

Le groupe du Mouvement Citoyens Genevois est parfaitement conscient de la surcharge de travail du personnel hospitalier, entraînant parfois des conséquences quant au confort des usagers de l'hôpital. Par conséquent, il participera à toute forme d'améliorations dans ce domaine. En revanche, les députés du MCG estiment que cette motion relève du secteur médical et qu'elle doit être euthanasiée sans délai ! (Rires.) Avant de conclure, le MCG souhaite encore rendre hommage à tout le corps médical des HUG pour son dévouement. Il doit savoir qu'une grande partie de la classe politique est consciente des difficultés qu'il rencontre et qu'elle tentera d'y remédier.

Cette motion masque les véritables intentions de l'UDC...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Roger Golay. J'arrive au bout ! Il s'agit en réalité - avec cette motion - d'un écran de fumée, qui nuit gravement à l'image de l'hôpital et à la santé de nos institutions. Je vous invite donc à rejeter cette motion.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je rappelle que trois minutes par groupe sont imparties, nous en sommes catégorie II. La parole est à Mme Wisard-Blum, pour le groupe des Verts.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). En effet, il est cocasse de voir un parti, plutôt enclin à diminuer les ressources financières de l'Etat, se rendre compte que l'austérité imposée aux HUG a des répercussions sur la prise en charge des patients... Et je me réjouis déjà d'entendre l'UDC s'exprimer sur la motion à propos du plan Victoria que nous aborderons certainement un autre soir.

Quoi qu'il en soit, le problème de l'attente aux urgences est une réalité, et j'aimerais quand même relativiser les considérants de cette motion. Certes, l'attente aux urgences est insupportable pour les patients qui souffrent, mais on peut se demander quelles sont les raisons de cette longue attente. J'aimerais relever que l'augmentation de la fréquentation importante du service des urgences est en partie due au fait que les médecins de ville répondent de moins en moins aux demandes en la matière. Auparavant, les médecins acceptaient de recevoir des patients en urgence dans leur cabinet ou, même, se déplaçaient à domicile... Actuellement, il est bien difficile d'être reçu rapidement chez son médecin. Cette pratique du privé a une influence incontestable sur le service public. Par ailleurs, un grand nombre de personnes n'ont plus de médecin référent et la structure de premier recours est devenue, malheureusement, le service des urgences. Et il est vrai que certaines personnes ayant recours à ce service le font un peu à tort et à travers, sans réelle urgence.

Vous dites que les démarches administratives passent avant la prise en charge des patients qui sont en réelle urgence médicale... Je réfute totalement cette allégation, car, dans les cas de réelle urgence, la prise en charge des patients est toujours privilégiée par le personnel médical bien avant les contraintes administratives.

Quant aux problèmes liés à la sécurité, ils ne sont absolument pas nouveaux. Depuis toujours, le personnel médical a dû faire face à des individus violents, parfois pris de boisson... Eh oui, c'est un fait, le personnel médical est particulièrement exposé aux agressions verbales ou, même, physiques, agressions certes répréhensibles, mais souvent liées à la situation de stress, de douleur ou d'angoisse !

En conclusion, les Verts sont conscients que le service des urgences doit faire face à une demande toujours plus massive de la population, avec des moyens qui ne sont plus vraiment en adéquation avec cet afflux, or les Verts ont toujours combattu les coupes budgétaires infligées aux hôpitaux universitaires ! Ainsi, en cohérence avec la politique que nous défendons, nous acceptons le renvoi de cette motion à la commission de la santé.

Mme Nathalie Fontanet (L). Les deux questions soulevées par cette motion UDC sont très intéressantes et concernent une réalité, même si les infirmières qui accueillent les personnes aux urgences aujourd'hui sont spécialement formées à cet effet, spécialement formées à diagnostiquer les cas d'urgence. Du reste, à cet égard, les patients sont immédiatement auscultés à leur arrivée, pour pouvoir, le cas échéant, les orienter tout de suite vers les structures adéquates et pour leur épargner une longue attente, si celle-ci peut l'être.

Nous estimons que cette motion mérite d'être examinée en commission, car elle soulève des problèmes importants. Il est en effet toujours très difficile d'attendre lorsque l'on est malade, affaibli dans sa santé et que l'on souffre. Il est également très difficile d'imaginer que le personnel soignant puisse se retrouver confronté à des situations de violence et d'insécurité. Pour ces raisons, le groupe libéral renverra cette motion en commission de la santé.

M. Alain Charbonnier (S). Je reviens sur une phrase de l'exposé des motifs de cette motion: «C'est donc peu dire que d'affirmer que ce service est gravement défaillant.» Je citerai encore, dans les premiers considérants de cette motion: «...le fait que même en présentant des symptômes alarmants, la procédure reste identique, à savoir axée en premier lieu sur les démarches administratives;».

Tout à l'heure, le Conseil d'Etat a reproché à notre groupe d'avoir, prétendument, médit du personnel médical - ce qui n'était pas du tout le cas. Alors que dire de cette motion ?! Il est totalement scandaleux d'écrire une motion de ce genre !

Tout d'abord - comme Mme Fontanet l'a relevé juste avant moi - les patients qui arrivent aux urgences ne doivent pas accomplir en premier les démarches administratives ! Une infirmière s'occupe d'évaluer la gravité de la situation dès leur arrivée. Et comme l'a bien précisé Mme Wisard-Blum, les cas extrêmement graves sont tout de suite pris en charge par des médecins. Il n'est donc pas question de laisser les gens à l'agonie attendre dans les couloirs du service des urgences !

C'est vrai qu'il y a des problèmes, de nombreuses personnes se rendent aux urgences et il y a de l'attente. Mais ce n'est pas le seul endroit en Europe ou au monde où tel est le cas. Toutes les villes, tous les grands centres connaissent ce problème: il dépasse le domaine de la santé, d'accord. Bien des personnes viennent aux urgences alors qu'elles ne le devraient pas, mais cela révèle surtout un problème social qu'il faut résoudre, un problème de santé en général. Il ne suffit pas de préconiser de renvoyer les gens ailleurs pour que cela se passe mieux, ce n'est pas une solution ! Que se passerait-il si c'était le cas ?

Je vais vous donner un exemple concret, qui m'est personnel - même si je n'aime pas parler de ma vie - mais qui s'applique bien à ce problème. J'ai une fille de 9 ans, qui a traversé une porte vitrée... Nous habitons à deux pas de Balexert, où il y a un centre médical, une «permanence», comme vous les appelez - puisque vous suggérez que les personnes devraient se rendre dans les permanences médicalisées privées avant de venir aux urgences. Nous avons donc suivi votre conseil, Monsieur Catelain: nous sommes allés au Centre médical de Balexert, où nous avons été très bien reçus. Seulement, on nous a conseillé de nous rendre à l'Hôpital de la Tour, qui a un centre plus développé - toujours privé - qui pourrait mieux prendre en charge cette blessure, car il semblait que le tendon de l'extension du pouce était touché. Nous nous sommes donc rendus à l'Hôpital de la Tour, où nous avons attendu deux heures. Ma fille avait en effet déjà vu un médecin, qui a considéré que ce n'était un cas d'urgence avéré. Nous avons donc attendu deux heures, et tout cela pour m'entendre dire que cette blessure devait être prise en charge par un chirurgien de la main et que l'Hôpital de la Tour n'en avait pas à disposition pour les urgences... Résultat: où avons-nous dû nous rendre ?! Au service des urgences des HUG ! Nous nous y sommes donc rendus. Nous avons été très bien reçus par une infirmière qui a très bien fait son travail - ce n'était pas une urgence de tout premier recours puisque ma fille avait déjà été examinée par deux médecins. Et là, on m'a dit que le chirurgien de la main ne pourrait pas l'opérer cette nuit, qu'il fallait revenir le lendemain matin...

Quoi qu'il en soit, la prise en charge à l'Hôpital cantonal a été très bonne et nous avons été très satisfaits. Et la prochaine fois, Messieurs de l'UDC, nous irons directement à l'Hôpital cantonal, parce que c'est effectivement l'établissement où l'on a le plus de chances d'être le mieux pris en charge actuellement. Ce qui n'est pas le cas des services privés qui ne sont pas aussi bien pourvus, que ce soit en matériel ou en personnel. C'est du reste bien normal: l'ambulatoire n'est pas rentable ! Nous le verrons quand nous traiterons une motion déposée par le parti radical à propos des temps d'attente aux HUG, notamment dans le domaine de la chirurgie.

Et puis, il faut se demander, comme le disait Mme Wisard-Blum...

La présidente. Monsieur le député, s'il vous plaît, vous devez conclure !

M. Alain Charbonnier. Pourquoi l'attente aux HUG est-elle si longue ? A mon avis, la première raison, c'est la subvention aux HUG que l'on refuse d'augmenter à sa juste valeur ! La population augmente, les problèmes sociaux et de santé augmentent, et, si l'on décide de faire - comme c'est le cas actuellement avec le plan Victoria - des économies de 30 millions par année en diminuant le nombre de lits et de collaborateurs, on n'arrivera pas à résoudre ces problèmes d'attente, que ce soit aux urgences ou en chirurgie !

La présidente. Merci, Monsieur le député. Madame Borgeaud, vous avez la parole et disposez d'une minute et demie.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'entends bien les attentes de l'UDC, mais, pour régler le problème de manière cohérente, il faudrait commencer par engager du personnel au lieu de «virer» les employés, tel que ce fut le cas pour plusieurs d'entre eux ces derniers mois. (Brouhaha.)

Etant donné que nous n'avons pas d'argent - faut-il rappeler la dette de 13 milliards de notre canton ? - il est utopique d'espérer engager des collaborateurs, sans compter qu'il faut, chaque année, éliminer 5% du personnel dans les institutions publiques, comme cela a été décidé par le parlement. (Brouhaha. L'oratrice s'interrompt en attendant que silence se rétablisse.) Et sans personnel suffisant, il n'est franchement pas possible de réduire ces délais d'attente.

Bien évidemment, je trouve regrettable que des personnes qui souffrent doivent attendre une ou deux heures aux urgences. Comme M. Charbonnier, j'ai aussi un cas personnel qui me vient à l'esprit: une personne qui avait une blessure ouverte à la tête a dû attendre une demi-heure alors que son sang «pissait» sur la moquette... Ce sont des choses qui arrivent, on ne va pas changer le monde d'ici à demain ! Toutefois, si l'on arrêtait de licencier les collaborateurs et si l'on utilisait l'argent à meilleur escient, plutôt que de procéder à des restructurations et de diminuer les budgets comme le fait systématiquement ce parlement, il serait possible de mieux traiter la fonction publique ! Pensez qu'un jour vous pourriez avoir besoin d'être soigné et que, pour cela, il faut des médecins et des infirmières ! Alors, pour les engager, débloquez des budgets ! Il faudrait commencer par là.

M. Michel Forni (PDC). Il se fait tard... Permettez-moi donc de bientôt céder la place à notre plus éminent spécialiste de l'urgence, à savoir notre ministre de la santé, qui a été l'âme du développement de ces urgences et qui les connaît bien, par leurs bons et, aussi, leurs mauvais côtés.

Mais revenons à notre thème de ce soir ! L'attente aux urgences est un problème quotidien dans tous les pays - pour autant, bien sûr, qu'ils disposent de ce type de services. Elle est source de plaintes du public, parfois justifiées, mais elle entrave aussi parfois - il faut le dire - la motivation des urgentistes. Il est évident que l'organisation de ces services d'accueil privilégie la prise en charge - comme cela a été dit - des urgences vitales. Et il convient de savoir qu'à Genève, par exemple, les consultations dans ce service des urgences des HUG augmentent d'environ 5% par année, ce qui fait environ 30 000 à 60 000 consultations par an: 50%, disons-le, sont liées à la traumatologie et aux problèmes cardio-vasculaires et environ 7% à la psychiatrie. Donc, environ 60% sont parfaitement répertoriées et régies par des critères d'urgence.

Les urgentistes ne travaillent pas au petit bonheur la chance: ils travaillent selon un principe d'évaluation, qui aboutit généralement à une intervention et selon des degrés d'urgence. Et il n'y en a pas douze, il y en a quatre - de un à quatre - avec une moyenne qui oscille entre vingt minutes, quarante minutes, voire trois à quatre heures. et parfois plus en cas d'épidémie ou de surcharge.

Quoi qu'il en soit, demander à un gouvernement de mettre en place une politique de tolérance zéro pour les temps d'attente - qui sont parfois jugés excessifs - ne peut se résoudre ni par de l'argent, ni par des lits supplémentaires, ni par des coordinations extrahospitalières ! Et toutes les études qui ont été faites à ce sujet - il faut les reprendre, qu'elles soient anglo-saxonnes, françaises, canadiennes ou suisses - démontrent bien qu'il n'y a pas de miracle en la matière.

Alors pourquoi le délai de ce séjour varie-t-il ? Parce que les cas sont plus ou moins graves; parce que la complexité du diagnostic n'est pas affichée sur le visage du patient; parce que son traitement prend du temps, ne s'administre pas à la petite semaine et consomme du savoir-faire, avec des étapes malheureusement incontournables, qui vont de l'accueil, de l'inscription administrative aux examens complémentaires et, aussi, aux avis spécialisés. Et finalement, trois décisions sont possibles: soit le retour du patient à son domicile, soit son transfert, soit une hospitalisation. Ces mesures peuvent paraître simples, mais elles sont parfois renforcées et rendues ardues par les examens complémentaires - qui aboutissent à d'autres complications - mais aussi par l'âge du patient. Et soyons bien conscients que l'âge du patient reste l'un des facteurs qui prolonge le temps d'hospitalisation.

Alors, gérer et sécuriser, Messieurs de l'UDC... Gérer signifie que le circuit aux urgences doit être rapide: il doit être associé à la prestation d'experts et de personnes expérimentées, mais il doit aussi pouvoir réorienter les patients avant leur admission. Nous retrouvons toujours les mêmes thèmes dans tous les hôpitaux, dans tous les pays: l'amélioration de la stratégie préétablie nécessite une organisation en moyens humains, en matériel, qui est relativement suffisante. Cela permet de travailler en sécurité et, également, de communiquer avec les proches des patients.

Le deuxième problème est celui de la formation...

La présidente. Excusez-moi, Monsieur le député, vous devez conclure !

M. Michel Forni. J'ai terminé ! Le deuxième problème est une formation continue, et le troisième c'est, bien sûr, les relations entre services extrahospitaliers et intrahospitaliers dans le cadre d'un partenariat qui est déjà bien développé à Genève.

C'est la raison pour laquelle, je proposerai simplement de renvoyer cette motion à la commission de la santé.

M. Charles Selleger (R). A première vue, une motion visant à supprimer les délais d'attente aux HUG ne peut être que bonne... Pourtant et comme cela a déjà été relevé, si elle est bonne sur le fond, elle l'est moins sur la forme. En effet, affirmer que les procédures administratives préalables à la consultation causent un stress supplémentaire relève plus du larmoiement populiste que de la connaissance des réalités; surtout que ce n'est jamais la procédure qui ralentit la prise en charge des patients. En outre, prétendre qu'au service des urgences les procédures administratives sont traitées en premier, même lorsque le patient présente des symptômes alarmants, est tout simplement inexact. Toute urgence vitale est traitée sur le champ, et cela tout le monde le sait !

Si l'attente est parfois, même souvent, excessive, cela ne dépend pas tant de l'organisation interne des urgences, mais bien d'un afflux excessif et inconsidéré de patients dont les pathologies ne justifient pas de consulter en centre d'urgence d'hôpital universitaire. Et c'est conscients de ce problème que les responsables hospitaliers n'ont pas attendu le dépôt de cette motion pour se pencher sur cette problématique de l'attente.

Des solutions ont été mises en place, dès l'automne dernier. Il s'agit avant tout d'un poste de chef de clinique, chargé de l'orientation des patients en amont de leur entrée réelle à l'hôpital, ce qui permet, en fonction de la situation, de renvoyer le patient vers une structure extrahospitalière, que ce soit vers un médecin traitant ou vers le réseau des urgences genevois qui regroupe différents centres médicaux d'accueil d'urgences extrahospitaliers et de services qui se déplacent à domicile. Je rappellerai à ce propos, pour répondre à Mme Wisard-Blum, que Genève est suréquipée en matière de structures de médecine d'urgence à domicile.

Des procédures accélérées ont également été mises en place pour améliorer la prise en charge des urgences cardiaques et neurologiques, à la fois dans un souci d'efficience et dans un souci de libérer des moyens pour l'accueil des autres cas urgents. De surcroît, un passage plus rapide des cas relevant d'une hospitalisation de longue durée favorise le désengorgement du service des urgences, par lequel, je le rappelle, passent la plupart des entrées à l'hôpital.

En conclusion, les conditions d'attente au service des urgences de l'hôpital ont fait l'objet de plusieurs mesures d'amélioration, mais, certes, le travail est loin d'être terminé. C'est pourquoi le groupe radical vous propose le renvoi de cette motion à la commission de la santé.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Comme vous, nous examinerons cette motion en commission de la santé, non sans vous rappeler auparavant qu'il en va de l'embouteillage aux urgences comme des embouteillages en matière de circulation. Lorsque les voitures n'avancent plus sur l'autoroute, c'est soit parce qu'elle est trop étroite, soit parce qu'il y a trop de véhicules, soit parce qu'il n'y a pas de sortie... C'est exactement ce qui se passe pour les urgences: quand il y a trop de malades, cela peut générer une certaine désorganisation interne, d'autant plus que le reste de l'hôpital s'arrête de travailler à une heure définie, alors que tous les autres travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Je vous détaillerai tout cela avec un immense plaisir en commission, mais je tiens à vous préciser d'ores et déjà qu'au cours de ces quinze dernières années le nombre des urgences est passé de 15 000 à 120 000 par an, ce qui dénote tout de même une tendance relativement extraordinaire à considérer comme urgents tous les symptômes, fussent-ils les moins alarmants. D'ailleurs, au-delà des urgences vitales - dont on s'occupe de manière prioritaire, sans même connaître le nom des gens, pas plus d'ailleurs que leur statut assicurologique, parce qu'il convient de les sauver avant de savoir s'ils sont assurés - on peut aussi savoir s'il y a eu ou non des prolongations à un match, ce que nous pourrons le vérifier au moins de juin... En effet, les gens n'arrivent pas à la même heure. S'il y a prolongation, ils arrivent une demi-heure plus tard... Ce qui relativise tout de même la gravité d'un certain nombre d'urgences. Une étude avait été effectuée, mais on ne l'avait pas publiée, parce que l'on trouvait que c'était presque insultant pour la population. De tout cela, je me réjouis de vous parler !

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets le renvoi de cette proposition de motion à la commission de la santé, comme cela a été demandé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1781 à la commission de la santé est adopté par 39 oui contre 17 non et 1 abstention.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous interrompons nos travaux. Je vous souhaite une agréable et douce nuit. (Exclamations.)

La séance est levée à 23h10.