Séance du
jeudi 21 février 2008 à
20h30
56e
législature -
3e
année -
5e
session -
24e
séance
M 1641-A
Débat
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Madame la présidente, je reviendrai brièvement sur cette motion, qui a pris une nouvelle actualité grâce à votre courrier du 7 février 2008, que tous les députés ont reçu. Dans ce courrier, le Bureau invite vivement les auteurs de propositions de motions et de propositions de résolutions qui, du fait de l'écoulement du temps, ne seraient plus d'actualité, à bien vouloir les retirer. La motion 1641 est un exemple concret d'un objet qui aurait dû, vu la réaction de la commission des finances, être retiré par ses auteurs. Cela n'a pas été le cas. Nous avons donc consacré plusieurs séances à l'étude de cette motion, qui est une fausse bonne idée et qui, on l'a vu dans les travaux, n'a pas donné lieu, au moment de son dépôt, à une analyse assez fouillée de la situation.
Point important, cette motion a été déposée le 29 juin 2005, donc bien avant que l'excellent projet de loi du Conseil d'Etat sur le chômage, adopté à une très large majorité par notre Grand Conseil, n'ait même été présenté. On peut donc soulever la question de l'obsolescence de cette motion, qui, je le démontrerai par la suite, est évidente.
Tout d'abord, on a remarqué que ce que la motion propose est d'alléger les cotisations sociales à la charge des employeurs pour les chômeurs âgés. Or tout le monde sait que cette question de la LPP, donc de la prévoyance professionnelle, est une question de compétence fédérale, cela a été relevé par les experts durant les débats. Déjà pour cette raison, une non-entrée en matière s'impose. De plus, on arriverait à nouveau à une situation genevoise particulière, ce qui poserait des problèmes aux entreprises actives dans plusieurs cantons, puisqu'elles devraient avoir des régimes différents selon le canton dans lequel elles seraient présentes.
Un des points qui a été soulevé par plusieurs intervenants lors des auditions est le fait qu'une telle mesure entraînerait des coûts administratifs importants, puisqu'elle imposerait des solutions ad hoc dans chaque entreprise suivant le type de collaborateurs.
En plus - la liste devient longue - cette motion ne prend pas en compte la disparité et la variété des plans de retraites qui existent dans les différentes entreprises. A nouveau, les experts interrogés par la commission de l'économie ont tous souligné le fait que chaque plan de retraite pouvait avoir des variations substantielles, ce qui rend l'allègement des cotisations sociales LPP difficile.
On arrive à un autre point très important: la plupart des personnes auditionnées ont bien souligné que le problème pour les chômeurs âgés, qui est bien réel, n'est pas lié au... (Brouhaha.) ...coût de la LPP, qui paraît absolument marginal, mais bien à un problème d'adéquation entre la formation des chômeurs âgés et les postes ouverts sur le marché du travail genevois. Or justement, ce problème d'adéquation entre la formation des chômeurs et les postes ouverts sur le marché genevois a été abordé de manière tout à fait sérieuse dans l'excellente loi que nous avons votée récemment. Cette dernière prévoit en matière de formation des mises à jour et des programmes tout à fait poussés. Il serait donc tout à fait erroné de dire que la nouvelle loi ne prend pas en considération cette problématique particulière et grave des chômeurs âgés.
Tous ces motifs nous ont conduits, à la commission de l'économie, après un examen sérieux de cette motion, à la rejeter avec une majorité écrasante, puisque seuls nos collègues du groupe PDC l'ont acceptée. Je vous recommande donc de ne pas renvoyer cette motion au Conseil d'Etat et de la refuser, parce qu'elle est inapplicable, qu'elle n'est pas de la compétence du canton et, surtout, parce que la nouvelle loi sur le chômage répond à cette préoccupation, dont le sérieux ne peut pas être mis en doute, d'ailleurs.
M. François Gillet (PDC), rapporteur de minorité. Le groupe démocrate chrétien a effectivement refusé de mettre ce point aux extraits. Pour notre groupe, ce serait faire injure aux milliers de chômeurs âgés de ce canton, qui souffrent de ne pas pouvoir retrouver d'emploi, notamment - et j'insiste sur ce «notamment» - en raison du facteur pénalisant que représente pour eux le poids des charges LPP à assumer par les entreprises qui pourraient les engager.
J'insiste sur ce fait: l'ensemble des personnes que nous avons auditionnées, et également les milieux patronaux, ont reconnu que ce facteur pénalisant est bien réel. Certes, ce facteur pénalisant ne concerne pas toutes les entreprises. Il concerne plus particulièrement les PME et les PMI qui sont dans un système de primauté des cotisations, mais cela représente quand même les deux tiers des entreprises de ce canton.
Dieu sait si notre parti s'est engagé en faveur de la nouvelle loi sur le chômage. Loin de nous l'idée de remettre en question les avantages de cette loi, notamment pour les chômeurs de plus de cinquante-cinq ans. Mais cela n'enlève rien au fait que ce facteur pénalisant demeure. Bien que le parti démocrate-chrétien n'ait pas sur ce point une solution clé en main, il serait à notre avis essentiel que le Conseil d'Etat puisse se pencher sur cette question particulière du facteur handicapant des cotisations LPP pour les chômeurs les plus âgés de notre canton.
Notre motion est très souple sur les solutions qui pourraient être trouvées par le Conseil d'Etat. Ces dernières pourraient tout à fait être ciblées sur les entreprises qui, véritablement, renoncent à engager des chômeurs de plus de cinquante ou cinquante-cinq ans pour ces raisons-là. Les pistes sont tout à fait ouvertes. On nous dit que ce serait une genevoiserie de plus... Il faut vous rappeler que l'assurance maternité était aussi une genevoiserie, qui a fait des émules dans d'autres cantons, et qui a fini par être généralisée à tous le pays ! (Brouhaha.)
Nous pensons que, dans sa formulation très ouverte, cette motion doit être acceptée. Nous vous invitons donc, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre les conclusions du rapport de minorité et le point de vue du parti démocrate-chrétien afin de trouver une réponse à cet important problème.
Mme Fabienne Gautier (L). Il est vrai que, pour un employeur, les charges LPP des collaboratrices et collaborateurs plus âgés génèrent une augmentation des charges qui peut les défavoriser lorsqu'il y a recherche d'emploi. Je reste toutefois convaincue que l'expérience et la formation professionnelle prévalent sur la charge LPP, qui n'est pas une entrave à l'engagement, lorsque les conditions sont remplies. Ce qui me dérange particulièrement dans cette motion, c'est que, une fois de plus, on veut créer une genevoiserie. Je vous rappelle que c'est déjà le cas pour l'assurance maternité, pour ne citer qu'elle.
Est-il nécessaire de rappeler que les taux fixés pour la LPP relèvent de la compétence fédérale ? Je cite d'ailleurs les propos du professeur Yves Flückiger, qui se demande si cette problématique ne devrait pas être résolue sur le plan fédéral par le biais d'un lissage de taux en fonction. Pour confirmer, les libéraux, au niveau fédéral, n'ont pas attendu les PDC pour le faire, puisque déjà en avril 2002 la conseillère nationale Barbara Polla déposa un postulat. Le Conseil fédéral s'était d'ailleurs déclaré prêt à accepter ce postulat, mais il n'a encore rien entrepris. Fort de cela, le conseiller national Serge Beck, libéral également, déposa en mars 2007 une initiative parlementaire proposant un taux de prévoyance unique. Cette initiative se trouve à la commission de la sécurité sociale et de la santé publique, étant donné que ce taux LPP relève de la compétence fédérale, comme cela a déjà été indiqué. Laissons donc nos parlementaires fédéraux faire leur travail !
D'autre part, cette motion aurait pour conséquences non seulement de créer une spécificité genevoise de plus, mais encore de donner du travail administratif aux employeurs. Ils devraient séparer sur les formulaires les moins de cinquante ans des plus de cinquante ans dans le but d'obtenir la prise en charge par l'Etat d'une partie des charges sociales de ces derniers. Je lis le rapport de minorité dans lequel notre collègue François Gillet a écrit: «[...] ce ne serait pas la première fois que Genève serait précurseur.» Mesdames et Messieurs les députés, un canton qui a déjà 13 milliards de dette peut-il vraiment se permettre d'être précurseur en créant une genevoiserie qui prendrait à charge une partie des cotisations LPP pour alléger les charges sociales des PME ?! Notre canton a bien mieux à faire en prenant exemple sur d'autres cantons qui ont déjà diminué leur dette.
Pour conclure, je suis convaincue que l'excellente loi sur le chômage que le peuple a votée au mois de décembre apporte déjà et apportera des solutions pour les chômeurs âgés de plus de cinquante ans. Cette excellente loi favorise la formation pour une meilleure réinsertion.
Pour toutes ces raisons, le groupe libéral refusera le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat et en refusera la prise en considération.
M. Philippe Guénat (UDC). Suite aux très nombreuses auditions auxquelles la commission de l'économie a pu procéder, nous avons réalisé qu'il n'y avait pas vraiment de problème spécifique aux gens de cinquante ans. Nous avons appris que la plus grande partie des demandeurs d'emploi se situaient parmi les jeunes, qui souvent ont un niveau de formation un peu trop faible... (Remarque.) Monsieur Charbonnier, si vous avez un problème, vous me le dites directement ! En fait, un collaborateur ou une collaboratrice de plus de cinquante ans peut souvent, pour une entreprise, représenter un avantage certain: une longue expérience du travail, de solides connaissances de la matière, ainsi que la routine du travail. Moi-même entrepreneur, j'ai souvent essayé d'engager des collaborateurs de cette tranche d'âge, tout en réalisant que cette démarche allait entraîner des coûts supplémentaires, dus à une légère augmentation de la LPP et, aussi, au fait non négligeable de l'augmentation du temps de vacances, qui donne donc une différence de traitement au sein de mon équipe. Mais, trop souvent, je me suis heurté à divers obstacles: des prétentions salariales pour débuter le travail, des contraintes d'horaires devant tenir compte, justement, de leur dit âge, ou même un certain désintérêt pour l'apprentissage des nouvelles technologies, avec lesquelles nous vivons actuellement et dont nous ne pouvons plus nous passer. Quand je parle de nouvelles technologies, je pense à l'internet et à l'utilisation de programmes Word ou Excel. C'est bien souvent là que le bât blesse. Pour finir, devant un tel choix ou devant un tel manque de flexibilité, l'entrepreneur ou l'employeur fait sa sélection finale et opte pour un candidat plus jeune et plus flexible. C'est pour cela que le groupe UDC refusera cette mention...
Une voix. Cette motion !
M. Philippe Guénat. ...parce que, comme l'a dit ma collègue, Mme Gautier, nous avons maintenant, avec la nouvelle loi sur le chômage, de meilleurs outils et ce qu'il nous faut, c'est de la formation.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je suis d'accord de favoriser l'emploi, mais pour tout le monde: les jeunes et les âgés. Je prends un exemple - je n'en citerai qu'un seul. Il faut être bien assis. L'OCE, qui est l'office cantonal de l'emploi, avait un poste parfait pour un candidat âgé de cinquante ans. Il l'appelle pour lui donner la bonne nouvelle, lui dire qu'un poste lui correspond, qu'il faut prendre contact immédiatement - car souvent, pour les postes, cela peut se jouer dans les heures qui suivent. A sa grande surprise, le candidat lui répond qu'il veut un courrier écrit de l'OCE pour lui proposer le poste et qu'il réfléchira ! Non mais, de qui se fiche-t-on ?! C'est inadmissible ! Je vous rassure: cette personne a été sanctionnée, son chômage lui a été supprimé.
Alors aider les âgés, oui, pour autant qu'ils le souhaitent. Mais n'oubliez pas les jeunes, qui, eux, se démènent depuis des années pour avoir un travail décent. Nous ne devons pas privilégier les aînés ou les jeunes, nous devons privilégier toute personne qui, dans cette République, est un demandeur d'emploi. Sinon ce serait de la ségrégation, et dans notre République ce n'est pas tolérable. Je refuserai cette motion.
M. Jacques Follonier (R). Cette motion traite de la prise en charge de la LPP pour les employés âgés de plus de cinquante ans. Pourquoi plus de cinquante ans ? Pourquoi pas plus de cinquante-cinq ou plus de quarante-cinq ? Ceux qui connaissent les taux de pourcentage et d'augmentation de la LPP savent que les transitions sont parfois différentes entre chaque période de cinq ans. Finalement, on a choisi cinquante ans, comme cela, dans cette motion, mais ce n'est pas forcément sérieux.
La difficulté avec cette motion, c'est qu'elle ne tient pas compte de la différence d'activité LPP des entreprises, c'est-à-dire que certaines appliquent le minimum légal mais que beaucoup d'autres ont trouvé des accords particuliers. Certaines ont même réussi à faire en sorte que les jeunes et les plus âgés paient exactement le même montant de cotisation au travers des années. Cette solidarité montre bien à quel point cette motion n'a pas de sens ! Lors des discussions avec les employeurs, à propos des engagements, la plupart ont confirmé que l'âge n'était jamais un problème.
Ce que nous pourrions faire - et c'est dommage que cette motion ne l'aborde pas - c'est de la prévention, pour examiner comment expliquer aux entreprises les coûts cachés de l'emploi et de l'employabilité. Effectivement, les jeunes ont un tournus beaucoup plus important, ils changent plus souvent d'entreprise, ce qui est moins le cas des personnes âgées; et inversement, lorsqu'une personne âgée quitte une entreprise, il y a des connaissances qui disparaissent - tout un «know how» - et c'est forcément dommage. On sait aujourd'hui que la tranche d'âge la plus touchée par le chômage est celle des vingt à quarante ans. Dès lors, on s'aperçoit bien que cette motion ne s'adresse pas aux gens qui en ont besoin.
Le premier problème que je vois par rapport au chômage, c'est qu'on nous a expliqué clairement que ce n'était pas l'âge, mais la durée du chômage qui comptait, pour permettre à quelqu'un de revenir en emploi. Le deuxième problème, c'est que, souvent, certaines formations mériteraient, parce qu'elles sont obsolètes, d'être suivies à nouveau par les personnes plus âgées, ce que la loi nous permet aujourd'hui de faire. Dernier problème - s'il fallait en citer encore un - c'est que cela ne relève pas d'une compétence cantonale.
Finalement, je dirai que les allocations de retour en emploi répondent beaucoup mieux à la préoccupation des chômeurs d'aujourd'hui et je pense que cette motion est une mauvaise idée, tirée peut-être d'une bonne intention. Le groupe radical vous conseille donc de refuser cet objet.
M. Alain Charbonnier (S). En lisant ce rapport, j'ai été un peu étonné de voir qu'il a fallu dix-neuf séances de commission pour traiter de cet objet. Mais il y a des explications à cela, j'y reviendrai plus tard.
Parmi les commissaires, l'un d'entre eux a relevé que la catégorie la plus touchée par le chômage à Genève - et cela figure ici, mais le rapporteur de majorité n'a pas pris le risque de le dire lui-même - est celle des vingt à quarante ans. M. Guénat a également souligné cela tout à l'heure. Le seul problème, c'est qu'on ne parle pas du chômage en général, on parle ici du chômage de longue durée. Toutes les statistiques le montrent, c'est à partir de cinquante ans que le problème est réel, le professeur Flückiger l'a d'ailleurs relevé devant la commission et c'est noté par le rapporteur de majorité. Donc, je le rappelle, le problème est réel à partir de cinquante ans !
Ainsi, les allègements de cotisations sociales en faveur des entreprises qui engageraient ces chômeurs de longue durée âgés de plus de cinquante ans n'est pas forcément le meilleur moyen de favoriser leur retour dans le monde du travail et d'inciter les entreprises... Ce n'est peut-être pas le meilleur moyen, mais le parti socialiste ne le trouve finalement pas si mauvais, car il pourrait aider ces personnes à entrer dans le marché actuel de l'emploi. Comme le dit le directeur des ressources humaines de la Migros, cela devrait plutôt être un réflexe citoyen de la part des entreprises, réflexe qu'elles n'ont manifestement pas à Genève. Là encore, les études du professeur Flückiger l'ont bien démontré, que ce soit chez les jeunes ou chez les personnes plus âgées, le chômage de longue durée est beaucoup plus fortement stigmatisé ici, à Genève, par les employeurs. Je pense que le réflexe citoyen - oui, Monsieur Barrillier - devrait être un peu plus développé dans les entreprises de notre canton.
La deuxième chose que j'aimerais relever, c'est que le parti démocrate-chrétien a besoin - c'est fantastique ! - de dix-neuf séances de commission pour soutenir une motion indiquant qu'il faut soutenir les chômeurs à partir de cinquante ans. Parce que c'est l'âge relevé par les études, qui démontrent que c'est alors que résident les problèmes. Comme chez les jeunes, d'ailleurs. Et le PDC nous fait deux belles motions: une sur les chômeurs de plus de cinquante ans et une autre sur les jeunes, qui sera traitée au point 33. Mais que se passe-t-il lors de ces dix-neuf séances de commission ? Les propositions du parti socialiste, qui, au demeurant, allaient dans le sens du Conseil d'Etat, puisqu'au départ ce dernier stigmatisait dans son projet de loi les chômeurs à partir de cinquante ans... Eh bien, la majorité de la commission, PDC y compris, a refusé tous les amendements du parti socialiste et a fait passer l'âge de ces chômeurs en difficulté de cinquante à cinquante-cinq ans !
Nous ne serons pas revanchards vis-à-vis du PDC, parce que nous pensons que l'intérêt prépondérant est celui des chômeurs de plus de cinquante ans, et c'est donc du bout des lèvres que nous soutiendrons cette motion - comme, certainement, celle à propos de laquelle mon collègue François Thion prendra la parole tout à l'heure au point 33. Mais il faudrait quand même que le PDC, en dix-neuf séances de commission, soit plus conséquent et cohérent avec ses actes.
M. Claude Jeanneret (MCG). Il y a une chose qui me consterne un peu, c'est de vouloir faire une espèce de segrégation d'âges parmi les chômeurs. Et être chômeur, que l'on ait dix-huit ans ou soixante ans, c'est dramatique ! Quant à dire qu'il faut favoriser ceux de cinquante ans, ceux de vingt, ceux de trente, ceux de trente-cinq... Si l'on veut faire de l'électoralisme en visant une tranche d'âge, c'est une chose, or soyons honnêtes, le chômage est un mal de notre société, contre lequel il faut lutter, mais il faut arrêter de faire de la ségrégation.
Nous avons voté dernièrement une loi qui, je pense, est excellente, et qui a été mise en place par notre Conseil d'Etat. Cette loi doit, à première vue, résoudre une bonne partie du problème. Je ne dis pas qu'on va résoudre tout le problème, mais on va déjà aller dans ce sens. Et prétendre que, parce qu'on a cinquante ans, on paie trop de charges... Je vais vous dire une chose. Concernant quelqu'un âgé de cinquante ans, eh bien, de deux choses l'une, soit il a un métier manuel, et dans la plupart des conventions collectives la cotisation est paritaire et n'évolue pas avec l'âge... (L'orateur est interpellé.) ... soit, s'il s'agit de professions plus proches de la mienne - comme la fiduciaire, comme la gestion - eh bien, une personne de cinquante ans, avec son expérience, ce ne sont pas 2 ou 3% de plus sur une caisse de pension qui vont faire la différence au moment de son engagement: c'est sa compétence. Je crois que, contrairement à ce qui est dit, il n'y a pas plus de personnes qui restent sur le carreau à cinquante ans qu'à vingt. Ce que je trouve scandaleux, c'est qu'on ne fasse rien pour intégrer les gens. Et ce n'est pas de dire qu'il faut faire plus pour celui-ci ou pour celui-là.
Je vais vous donner un exemple. A Genève, on a une excellente école qui s'appelle le CEPTA. Il y a quelques années - cela ne fait pas longtemps, c'était il y a trois ans - le CEPTA a formé une dizaine de jeunes après quatre ans de travaux intéressants. Cela nous a coûté, à la République, entre 50 000 F et 60 000 F de formation; et cela a aussi coûté pour les parents. Quand ces jeunes sont arrivés au bout de leur formation, eh bien, personne ne connaissait cette dernière et l'Etat n'a pas engagé ces jeunes ! Cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'on se fiche de nous ! Cela veut dire que, en lançant des jeunes dans un truc sans débouchés, on n'a aucune conscience !
On nous parle de cinquante ans, on nous parle de vingt ans... Je dis non ! Le MCG ne votera pas pour cette motion. Parce que ce n'est pas ceux qui ont vingt ans ou ceux qui ont cinquante ans, mais ce sont tous les chômeurs qui doivent être soutenus !
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). C'est la première fois que j'entends, notamment sur les bancs libéraux, refuser un allègement des charges sociales. C'est quand même étonnant !
D'autre part, j'aimerais relever les contradictions de M. Guénat, qui passe la brosse à reluire aux plus de cinquante ans, ayant de solides connaissances, et qui, après, dit tout le contraire, parce qu'ils ne sont pas assez flexibles... Je ne sais pas si j'ai mal compris, j'ai entendu: «...solides connaissances...» et, ensuite: «...pas suffisamment flexibles eu égard aux nouvelles technologies.» On nage en pleine contradiction !
Mesdames et Messieurs, les chômeurs de plus de cinquante ans sont ceux qui, précisément, ont le plus de difficulté à trouver des places ! Bien évidemment, il y en a qui ont suivi un certain nombre de formations pointues et qui pourront être replacés. Mais il y a aussi ceux qui ont acquis des formations qui ne sont plus d'actualité et qui ont même disparu. Ces personnes auront certes des difficultés d'intégration, mais elles seront capables de s'intégrer. En effet, j'ai eu, en ma qualité de magistrat communal, l'occasion de proposer au conseil administratif de nombreux engagements de chômeurs de plus de cinquante ans - même jusqu'à plus de soixante ans: ces chômeurs ont fait preuve d'une grande volonté et ont pu s'intégrer, quand bien même ils avaient des âges proches de la retraite.
Je crois que de donner un coup de pouce par un allègement n'est pas contraire à la nouvelle loi sur le chômage. Aussi, je vous invite, dans le cadre du groupe PDC, à accepter cette motion.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je prends la parole pour rappeler que cet objet fait partie d'un train de motions qui avaient été proposées par différents partis - principalement par le PDC - parce qu'ils voulaient que l'on avance dans le traitement du problème qu'est chômage. Depuis lors, on a travaillé longuement sur une loi concernant le chômage, loi ayant fait l'objet d'un référendum et qui a été acceptée par le peuple au mois de décembre - ce qui, je pense, est une très bonne chose. Il faut donc attendre de savoir ce qu'il adviendra après le dépôt du premier rapport, dans un an à peu près. On saura alors qui est employé, ce qui se passe avec les personnes ayant retrouvé un emploi ou avec celles qui travaillent dans l'économie sociale et solidaire.
Compte tenu de cela, je pense que cette motion doit être refusée - comme elle l'a été par les Verts - car, pour le moment, elle n'a pas lieu d'être.
Autre chose: entamer maintenant une discussion sur la LPP, c'est ouvrir une boîte de Pandore. Ce débat se situe actuellement au niveau fédéral, je pense qu'on va en entendre parler dans les prochains mois, et ce n'est donc pas le lieu d'en discuter ici.
M. Roger Deneys (S). J'étais un peu perplexe à la lecture de cette motion. Si je relis l'invite, je suis très, très, très perplexe: «Nous invitons le Conseil d'Etat à examiner les conditions d'une prise en charge de la cotisation LPP à la charge de l'employeur, dans les cas où un chômeur difficilement plaçable de plus de 50 ans est engagé.» Donc, examiner les conditions pour des chômeurs de plus de cinquante ans difficilement plaçables... C'est déjà une hypothèse, on va dire, relativement peu fréquente, mais il n'empêche qu'elle est réelle. Et c'est pour cela que je tenais à intervenir.
J'ai entendu tout à l'heure M. Jeanneret, du MCG. En ce qui me concerne, je pense que les personnes plus âgées ont de réels handicaps sur le marché de l'emploi, et quelles que soient leurs compétences, parce que, pour un employeur, elles coûtent plus cher. C'est un fait avéré. On ne peut pas nier ce problème. On peut estimer que la proposition du PDC n'est pas opportune, que c'est un problème fédéral, mais il n'empêche que c'est un problème réel, et des personnes d'un certain âge en souffrent. Et n'importe quel employeur - j'en fais partie - va, quand il engage quelqu'un, aussi prendre en compte dans son calcul le montant des charges sociales. C'est élémentaire, il ne faut pas le nier.
Je suis extrêmement dubitatif quant à l'effet réel d'une telle motion avec sa formulation... C'est un chef-d'oeuvre PDC dont on a l'habitude dans ce parlement: on invite à discuter de quelque chose qui, peut-être, pourrait un jour se réaliser, mais peut-être pas quand même... Alors c'est quoi ? J'aimerais qu'un jour on choisisse son camp ! Que le PDC décide s'il veut soutenir les personnes âgées ! Dans ce cas, il ne formule pas sa motion comme cela, mais il écrit: «Nous invitons le Conseil d'Etat à prendre en charge les cotisations LPP des personnes de plus de 50 ans qui sont au chômage.» Cela serait un vrai signal politique en faveur de l'emploi des personnes plus âgées ! Ou alors, on ne fait rien... On va à l'église le dimanche et on prie en espérant que cela va aller mieux un jour. Franchement, je suis désolé, Monsieur Gillet, mais ce n'est pas acceptable ! Ce n'est pas sérieux et je suis donc relativement fâché avec votre proposition: elle part d'un bon sentiment, mais c'est simplement n'importe quoi au niveau de la réalisation ! Le Conseil d'Etat peut revenir dans six mois - il n'y a plus de Conseil d'Etat, de toute façon... (Commentaires.) - avec un rapport qui indique: «Avec la nouvelle loi, toutes les mesures sont prises, tout est sous contrôle et tout va très bien.» Ce n'est pas sérieux ! Si l'on veut agir sur une problématique, il faut prendre des décisions et faire des choix politiques au départ.
J'aimerais répondre à toutes celles et tous ceux qui ont évoqué le fait que c'était un problème fédéral. Genève - surtout la droite, en fait - n'arrête pas de prôner des exonérations fiscales diverses et variées, la compétitivité du canton, le fait d'être moins cher, plus performant, etc., au niveau fiscal... Là, on n'a pas de problème pour dire qu'on fait des cas particuliers pour le canton. Or dans le domaine social, c'est classique, on dit: «Oh non, ce n'est pas possible, il ne faudrait surtout pas faire des cas particuliers; c'est à la Confédération de s'en occuper.» Moi je suis très partagé... Je déplore le texte du PDC, qui, franchement, serait bien joli dans une campagne électorale, mais qui n'amène rien, même s'il touche un vrai problème qui se pose réellement pour des personnes d'un certain âge... (Brouhaha.) Ce n'est pas seulement pour les chômeurs difficilement plaçables: c'est pour tous les chômeurs de plus de cinquante ans, parce que les cotisations LPP, c'est pour toutes les personnes qui travaillent.
Donc, je vous invite, du bout des lèvres, à soutenir cette motion, pour votre bonne conscience et pour bien dormir.
M. François Gillet (PDC), rapporteur de minorité. J'aimerais d'abord répondre à M. Deneys, qui a l'air perturbé par la formulation de la motion PDC et de son invite, que c'est précisément parce que le PDC ne propose pas des solutions extrêmes et dogmatiques qu'il fait avancer le débat politique dans ce canton et qu'il permet notamment à plusieurs projets, retravaillés dans diverses commissions, d'aboutir.
Maintenant, j'aimerais réagir à un certain nombre de remarques qui ont été faites. Evidemment, le PDC ne nie pas qu'il y ait d'autres facteurs pénalisants pour les chômeurs âgés. Nous en sommes parfaitement conscients. Nous reconnaissons que la nouvelle loi, que nous avons largement soutenue, propose un allongement bienvenu de certaines mesures pour les chômeurs les plus âgés de notre canton. Mais nous pensons que sur le point particulier du handicap que représente la lourdeur des charges LPP, nous n'avons pour le moment pas de réponse.
M. Jeanneret disait tout à l'heure que le facteur pénalisant des cotisations LPP n'était pas le premier facteur qui faisait hésiter les entrepreneurs à engager des employés âgés. Cela dépend des situations. Lorsque vous avez une entreprise avec deux ou trois employés, ce facteur joue un rôle important. Evidemment, l'impact est moindre pour les grandes entreprises, nous en sommes parfaitement conscients. Mais concernant les PME et les PMI, c'est bel et bien un facteur handicapant important, comme toutes les personnes auditionnées l'ont reconnu.
J'aimerais répondre à M. Charbonnier, qui met en évidence des supposées contradictions du groupe PDC concernant le débat sur le chômage. Si notre groupe a souhaité dissocier la question du chômage des plus de cinquante ans et des jeunes chômeurs, c'est parce que nous étions convaincus que la loi adoptée devait rester généraliste et qu'il ne fallait pas commencer à catégoriser - comme certains le souhaitaient - les chômeurs de notre canton. Nous sommes convaincus que la loi qui a été votée est bonne, mais nous sommes convaincus également que, sur certains aspects particuliers du chômage, des mesures complémentaires doivent être prises. Je suis très heureux d'entendre que plusieurs groupes se préoccupent du chômage des jeunes. Nous y reviendrons, je l'espère, au point 33. Il y a effectivement matière à améliorer... (Brouhaha.) ...la coordination entre les départements concernant le chômage de certaines catégories de population. C'est précisément parce que nous n'avons pas voulu alourdir la nouvelle loi sur le chômage que nous sommes intervenus par voie de motion. C'est donc parfaitement cohérent.
J'aimerais encore ajouter deux points. Certains critiquent la formulation très ouverte de notre motion. Mais elle permet d'envisager des possibilités très larges; des prises en charges partielles de cotisations LPP par les PME et les PMI, par exemple. Elle laisse la possibilité au Conseil d'Etat d'envisager des mesures ciblées. Toutes les possibilités sont ouvertes. C'est pourquoi nous ne voyons pas de problème à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Maintenant, quant à la question de l'âge, nous regrettons que la commission de l'économie n'ait pas accepté d'entrer en matière sur cette motion. Nous aurions pu rediscuter notamment de l'âge, nous aurions pu aligner ce dernier sur la nouvelle loi et nous aurions pu amender les invites. Nous regrettons que cela n'ait pas été possible en commission.
Pour terminer, Mesdames et Messieurs, si certains, comme j'ai cru l'entendre, sont convaincus du bien-fondé de cette motion, mais... (Commentaires.) ...remettent en question certains points particuliers, nous les invitons à proposer des amendements. Dans le cas contraire, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
La présidente. Je rappelle que la majorité de la commission refuse le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, alors que la minorité le recommande.
Mise aux voix, la proposition de motion 1641 est rejetée par 54 non contre 22 oui.