Séance du
jeudi 13 décembre 2007 à
17h
56e
législature -
3e
année -
3e
session -
12e
séance
PL 10065-A
Premier débat
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je sais que ce projet de loi suscite quelques échauffements - je me sens d'ailleurs légèrement observée, voire protégée ! - mais permettez-moi de vous dire que les membres de la commission des finances ont, dans leur large majorité, adopté ce projet de loi, étant donné que ce texte ne change rien pour les pompiers actifs, retraités ou futurs. Du reste, je suis quelque peu étonnée qu'on laisse entendre que cette loi démotiverait de nouvelles vocations ! Je pense que c'est exagéré car, nous le savons tous, les pompiers ne s'engagent jamais par attrait du gain.
Alors oui, les pompiers sont des gens tout à fait extraordinaires, indispensables, et on peut comprendre qu'ils soient les chouchous des communes ! A ce propos, il est vrai que, si certaines petites communes sont plus sollicitées et se sentent peut-être mises sous pression, elles ont pourtant été entendues par l'Association des communes genevoises, dans le cadre du travail de préavis accompli par la commission fiscale. Il y a du reste eu des subtilités et des nuances, et les travaux de la commission ont abouti à ce que ce projet de loi ne soit valable que pour une année. (Brouhaha.)
Nous avons donc été, je crois, tout à fait raisonnables, et ce n'est pas faire offense aux pompiers que de proposer ce projet de loi qui s'inscrit dans un train de mesures visant à mieux répartir les charges entre l'Etat et les communes. Et il est mensonger de faire croire que ce projet de loi conduirait à un bal des vampires ! Mais non, Madame la présidente, il s'agit juste peut-être du bal des pompiers ! Nous nous en réjouissons et vous remercions de voter ce projet de loi qui correspond à une démarche tout à fait raisonnable. (Brouhaha.)
La présidente. Merci, Madame la rapporteure de majorité. Je prie les personnes qui discutent de bien vouloir le faire ailleurs, parce que cela fait du bruit et que nous sommes en train de traiter un projet de loi important.
M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de minorité. L'Etat a déclaré en début de législature qu'il n'entendait ni diminuer ses prestations, ni augmenter les impôts. Avec une fiscalité déjà très lourde, il ne reste à vrai dire que peu de solutions, et l'une d'entre elles consiste à trouver auprès des entités publiques des suppléments financiers. Les communes sont pour cela les poires toutes trouvées, d'autant plus que, contrairement à l'Etat ou à la Ville de Genève notamment, elles dégagent des comptes positifs. Le mouvement est lancé, et les projets de lois qui suivent sont là pour le prouver.
Mais jusqu'où allons-nous puiser dans les poches communales ou dans celles de l'Association des communes genevoises, bien servile au demeurant ? Irons-nous jusqu'à confisquer de l'argent provenant de fonds privés ? La réponse est oui, avec le projet de loi 10065, car c'est bel et bien une somme prise sur la participation financière des assurances privées aux frais de lutte contre les incendies qui est ainsi confisquée, et plus particulièrement la part destinée à alimenter le fonds de secours des sapeurs-pompiers de notre canton.
Libéraux, radicaux et UDC ne veulent, par conséquent, pas suivre le Conseil d'Etat et trouvent que cette proposition manque singulièrement de classe vis-à-vis de personnes qui s'investissent pour la population. Les changements incessants qu'impose notre société moderne ne doivent pas nous empêcher de conserver d'anciennes habitudes, comme celle d'assurer une petite retraite à nos pompiers, étant précisé une nouvelle fois que ces dépenses ne sont pas à la charge de l'Etat. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à refuser ce projet de loi.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Sans pour autant approuver les propos qui viennent d'être tenus par M. Bertinat, les socialistes ont refusé ce projet de loi en commission fiscale, estimant que non pas le transfert lui-même mais le processus de transfert proposé par ce texte n'était pas abouti. Puis, en commission des finances, sont apparus d'autres éléments, qui ont poussé nos commissaires à accepter ce projet de loi.
Or nous avons reçu depuis lors encore d'autres informations venant de l'extérieur - en particulier de la Fédération genevoise des corps de sapeurs-pompiers et des caisses de secours de ces derniers - et nous sommes donc revenus sur notre première position, qui consistait à dire que l'aboutissement du processus d'application de ce projet de loi n'est pas satisfaisant et qu'il nécessite d'être encore examiné.
Par conséquent, nous vous demandons de renvoyer ce texte en commission des finances, afin que l'on puisse le réétudier plus précisément.
La présidente. Merci, Madame la députée. Une demande de renvoi en commission vient d'être formulée, je vais donc la mettre aux voix mais, au préalable, chaque groupe dispose de trois minutes pour se prononcer sur cette demande. Je vous demanderai à tous de ne vous exprimer que sur cette proposition. En cas de refus de votre part, nous reprendrons le débat normalement.
M. Pierre Losio (Ve). Non, les Verts ne souhaitent pas un retour en commission.
Mme Patricia Läser (R). Les radicaux ne veulent pas non plus de renvoi en commission !
Mme Janine Hagmann (L). Le groupe libéral refuse le renvoi en commission, parce que ce projet de loi a une incidence sur le budget que nous devons voter demain.
M. Roger Golay (MCG). Le Mouvement Citoyens Genevois soutient le renvoi en commission, suite aux derniers éléments qui ont été mentionnés dans la lettre de la Fédération genevoise des corps des sapeurs-pompiers datant du 1er décembre 2007.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je ne soutiendrai pas le renvoi en commission, car je refuse ce projet de loi. C'est purement et simplement manquer de respect vis-à-vis des gens qui passent leur temps à sauver nos vies et dont nous avons bien besoin.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Je crois qu'il faut qu'on prenne nos responsabilités, eu égard au vote du budget, car ce projet de loi y est intimement lié.
Je reviendrai tout à l'heure sur l'amendement du PDC proposé en commission: il vise à ce que, précisément, cette situation ne soit que provisoire, car on ne peut pas admettre que l'Etat capte une somme versée par les assurances et qui a été clairement dévolue.
M. Eric Ischi (UDC). L'UDC partage cette position. Nous refusons donc le renvoi en commission des finances.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC), rapporteuse de majorité. Je crois que cela a été clairement évoqué par M. Ducrot: il faut que nous assumions nos responsabilités. Il est donc important que nous puissions continuer à travailler maintenant, raison pour laquelle nous refusons ce renvoi en commission.
M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de minorité. Je suis du même avis.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10065 à la commission des finances est rejeté par 57 non contre 20 oui.
La présidente. Nous poursuivons le débat.
M. René Stalder (L). En tant que sapeur-pompier, je m'abstiendrai de voter ce projet de loi.
M. Pierre Losio (Ve). Je vais tout d'abord répéter ce que nous disons à chaque fois qu'il nous arrive un wagon supplémentaire du train des transferts de charges entre l'Etat et les communes. C'est le deuxième convoi, et il contient plusieurs wagons. Or nous voyons passer les trains, nous comptons les wagons, nous votons des projets de lois, mais nous ne percevons toujours pas de manière globale et précise où l'on veut aller !
On nous dit que le terminus sera la péréquation intercommunale en 2010. Voilà ce qui nous intéresse ! C'est de savoir véritablement comment va s'articuler le report des charges et des compétences Etat-communes dans le cadre de cette péréquation financière !
Nous prenons donc acte que, tous les deux ans, un train passe. On constate que certains wagons sont plus ou moins remplis de pompiers ou d'argent pour alimenter un fonds - qui alimente un stade... Enfin, nous voyons passer un certain nombre de choses, mais sans avoir une vision globale de ce que va être cette répartition des charges entre les communes et l'Etat. Et cela, d'autant moins que, lorsqu'une des répartitions importantes - celle qui concerne la culture - a fait l'objet de discussions, on n'a plus vu passer de trains du tout ! Le convoi s'est arrêté et on est resté dans une gare, avec un résultat bien en-deçà de ce que nous aurions pu attendre. Mais le débat reprendra peut-être !
La deuxième observation que je souhaiterais faire, et qui s'adresse plutôt aux présidences de commissions et au Bureau, c'est qu'il faut qu'on se mette véritablement et une fois pour toutes d'accord sur ce que signifie le fait qu'une commission demande un préavis à une autre. Je l'avais déjà dit lors de la dernière session et je le répète, trois cas de figure se sont produits. Il y a eu d'une part une demande de préavis à la commission législative, avec un rapport de majorité et de minorité; d'autre part, quand il s'est agi de la signalisation lumineuse verticale, nous avons eu droit à quelques lignes laconiques et très claires d'un président de la commission des transports; et, enfin, sur deux autres projets, c'est un rapporteur qui est venu à la commission des finances nous expliquer la problématique. Je pense par conséquent qu'il faut qu'on se mette d'accord sur les modalités que doit suivre une commission lorsqu'elle doit donner un préavis à la commission des finances.
Maintenant, en ce qui concerne le PL 10065, il n'est nullement question de porter atteinte à cette fameuse caisse de secours, mais de donner aux communes la possibilité de choisir elles-mêmes de quelle manière elles vont remplir ce devoir. En effet, j'estime que c'est un devoir, lorsqu'on a eu recours à des pompiers pendant un certain nombre d'années dans une commune, d'avoir ce qu'on appelle des caisses de retraite. Il n'est donc pas question de porter atteinte à leur existence même, ce sont simplement les communes qui les financeront et qui pourront en choisir les modalités.
En tous les cas, les Verts se retrouvent tout à fait dans la conclusion de la lettre que M. le conseiller d'Etat Mark Muller a adressée au président et au secrétaire général de l'Association des communes genevoises, parce qu'il y a quand même un élément que je n'arrive pas à saisir et qu'il faudrait que nous comprenions: l'ACG est-elle un interlocuteur valable, oui ou non ? Est-ce qu'elle organise des discussions constructives à l'intérieur de son organisation ? Est-ce qu'elle communique avec les maires des différentes communes ? Est-ce qu'elle convoque des assemblées particulières et forme des groupes de travail pour étudier tel ou tel sujet ? Parce que, en fin de compte, il s'agit de cela !
Nous n'avons pas l'intention de nous immiscer entre deux contractants d'un accord, à savoir le Conseil d'Etat et l'ACG. Ils se sont mis d'accord et ont signé un arrangement sur un projet concernant particulièrement les pompiers, et je ne vois pas en vertu de quoi le parlement serait appelé à trancher entre ces deux parties ! Mais si chaque fois qu'un accord est signé dans un train global, qui contient plusieurs projets de lois, on ne sait pas si la personne avec qui on conclut cet engagement est fiable, parce qu'elle risque de revenir sur sa décision et d'avoir d'autres exigences, en exerçant des pressions légitimes - et c'est compréhensible - par l'intermédiaire des corps de pompiers ou par l'ACG elle-même, eh bien, on ne sait plus avec qui on va travailler ! Il faut au moins que les deux contractants soient crédibles, l'un et l'autre !
On s'engage, on signe, et si le contrat est valable, nous allons pour notre part l'accepter. Nous nous étonnons d'ailleurs que le Conseil d'Etat ne dépose pas un amendement pour revenir à la version originelle.
Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons donc ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
Mme Patricia Läser (R). Que les choses soient claires: loin de nous l'idée de remettre en cause les transferts de charges Etat-communes. Mais ce projet de loi 10065 n'est justement pas un transfert de charges. L'argent dont il est question provient des assurances incendie, à raison de 5 centimes par 1000 F assurés. C'est donc bien d'une recette qu'il s'agit. Et l'Etat se l'approprie, mais sans se décharger d'une dépense.
Si l'ACG a accepté le paquet transfert de charges, dont ce projet de loi 10065 fait partie, elle aurait dû le voir. Mais le Conseil d'Etat a une grande part de responsabilité, puisqu'il a introduit dans ce paquet transfert de charges un projet de loi qui n'en était pas un. Tout le monde a droit à l'erreur, l'ACG comme le Conseil d'Etat, et il appartient donc à notre Grand Conseil de réparer cette faute. Mais en votant ce projet de loi pour un an, comme il est proposé, nous repoussons le problème et appliquons simplement un emplâtre sur une jambe de bois. Ayons donc le courage de refuser ce soir ce projet de loi !
Permettez-moi maintenant de vous parler des pompiers volontaires. Nous avons entendu beaucoup d'éléments à leur sujet ces derniers jours et il me semble que nombre d'entre vous ne réalisent pas l'impact social essentiel que peut avoir ce corps volontaire sur la population. Savez-vous pourquoi les petites communes disposent d'autant de pompiers ? Eh bien, figurez-vous que le nombre minimal est dicté par la sécurité civile et que toutes les communes ont l'obligation d'avoir une compagnie.
Vous vous êtes par ailleurs sans doute posé la question de savoir ce que font ces pompiers. J'ai pris deux communes en exemple: Presinge et Satigny. On compte 25 à 30 interventions par an pour l'une, 70 à 80 pour l'autre, ce qui représente 1400 à 1500 heures de travail pour la première, et 3200 à 3500 pour la seconde. Ceci, sans parler des piquets sur lesquels je reviendrai plus tard. Ce sont des compagnies de proximité, au service de la collectivité. Elles sont souvent, pour ne pas dire toujours, sur les lieux du sinistre avant le SIS, prenant les dispositions d'urgence et faisant gagner un temps précieux aux professionnels. Mais elles interviennent aussi en cas d'inondations, s'il y a des arbres arrachés qui sont tombés sur les axes de circulation, s'il y a des nids de guêpes ou encore des chats dans les arbres. Les pompiers sont en outre présents pour les gardes de salles pendant les spectacles, pour la circulation lors des manifestations communales ou cantonales, et pour prendre en charge les parkings de ces manifestations. Pour citer un exemple, ce sont eux qui s'occupent du parking lors des portes ouvertes du Centre horticole de Lullier - les courses à travers le canton, ce sont aussi eux, et j'en passe.
Je citerai encore deux exemples récents. A Vandoeuvres, où des travaux au centre du village rendaient périlleuse la traversée des enfants pour se rendre à l'école, ce sont des pompiers qui, pendant des semaines, les ont fait traverser quatre fois par jour. Plus récemment, ces derniers étaient à nouveau présents pour sécuriser, dans les communes, les manifestations lors des cortèges aux flambeaux de l'Escalade.
On le voit, les compagnies de pompiers volontaires ont une mission sociale, d'intégration, de services de proximité, et cela, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons tous tendance à l'oublier. Or aujourd'hui, le SIS se décharge de plus en plus sur les pompiers volontaires. Les nouvelles directives obligent les compagnies à organiser des piquets toutes les nuits de 19h à 7h, et 24h sur 24h les jours fériés, les samedis et les dimanches. Durant ces périodes, le SIS ne se déplace plus pour des interventions mineures; ce sont donc aux compagnies villageoises d'assumer.
En outre, ces hommes et ces femmes sont astreints à des cours obligatoires. On leur en demande toujours davantage, leur travail est de plus en plus important, et ils donnent sans compter leur temps à la population: ils passent de nombreux samedis dans l'année à s'entraîner et à vérifier leur matériel afin d'être toujours prêts. Ils n'effectuent pas moins de six entraînements les samedis, en plus des exercices de l'appareil respiratoire et des exercices-surprises pour être toujours au top.
Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, après vingt-cinq ans de service, ils touchent la modique somme de 2100 F par an. Sachez également que l'engagement est volontaire à Genève, contrairement à beaucoup d'autres cantons, où il est obligatoire. Tout cela, pour laisser intacte la motivation de servir la collectivité ! Sachez aussi que, si certaines interventions ou services sont rémunérés, les sommes sont dérisoires, allant de 5 à 25 F de l'heure, alors que dans des cantons comme Zurich ils touchent déjà 80 F.
Nous ne demandons rien d'autre que de maintenir la loi actuelle. C'est un signe fort de reconnaissance envers nos compagnies de pompiers. Si ce que font nos volontaires devait être assuré par le SIS, je n'ose imaginer l'explosion du budget que cela entraînerait. Cela représenterait en tout cas bien plus que le maintien du statu quo que l'on vous demande aujourd'hui.
En outre, le renouvellement des compagnies dans les petits villages va devenir problématique, car les pompiers n'attendent plus les vingt-cinq ans de service réglementaires pour partir. Il faudra donc les remplacer beaucoup plus souvent, ce qui va poser le problème du recrutement et de la formation, soit entraîner des coûts plus élevés pour tous.
Ce n'est pas aux communes d'assumer cela, car un fonds a été prévu par le législateur. Ce fonds, je vous le rappelle, provient d'un versement, par les compagnies d'assurances privées contre les incendies, de 5 centimes par 1000 F assurés. Le législateur d'hier avait bien compris que ces hommes et ces femmes avaient droit à une reconnaissance pour les vingt-cinq années qu'ils ont passées au service de la collectivité, sans compter leur temps, toujours prêts à secourir, puisque les 40% de ce fonds leur reviennent, le reste étant réparti entre la Ville, les communes et l'Etat, pour la prévention des incendies.
Encore une fois, cet argent ne faisait que transiter par les caisses de l'Etat, celui-ci prenant au passage 2% pour frais administratifs relatifs à la redistribution. C'est pourquoi nous vous demandons aujourd'hui de refuser ce projet de loi, de garder le statu quo, de vous rendre compte que ce transfert de charges n'en est pas un, et de montrer à nos pompiers que nous avons conscience du travail qu'ils accomplissent pour la population. Le parti radical vous invite donc à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, hier, on commémorait l'Escalade. Savez-vous qu'on pourrait évoquer un événement qui a, lui aussi, marqué la Genève de l'époque et qui s'est déroulé soixante-huit ans après l'Escalade, «pè onna nai asse naire que d'ancro»: par une nuit aussi noire que l'encre ? Je veux parler de l'incendie du pont sur le Rhône, le fameux «Pont Bâti». Car figurez-vous que, par une nuit pratiquement identique à celle de l'Escalade, soixante-huit ans plus tôt, il y a eu une étincelle sur ce pont, qui était le coeur de la cité, avec ses 220 artisans qui l'habitaient et ses 70 maisonnettes en bois, construites par d'astucieux architectes qui les faisaient avancer sur le Rhône pour permettre à de nombreuses familles de se loger - il y avait déjà une crise du logement ! Cette étincelle a enflammé une des masures et, comme tout était en bois, le pont a été anéanti en quelques heures, malgré l'intervention des pompiers de l'époque, qui se passaient de main en main les sceaux qu'on peut voir à Saint-Gervais. Le Pont Bâti a donc cessé d'exister et on a même déploré plusieurs morts.
Pourquoi est-ce que je vous raconte cette histoire ? Parce que les chroniqueurs de l'époque ont vanté le courage et la solidarité des pompiers. Depuis près de trois-cent-cinquante années, des hommes - et maintenant, d'ailleurs, aussi quelques femmes - rejoignent volontairement, en donnant de leur temps à la collectivité, des compagnies qui deviennent le pilier des communes. Avec l'école, le choeur paroissial, les dames paysannes, les sauveteurs auxiliaires et les sociétés locales, les pompiers forment les liens qui permettent aux communes d'avoir une âme. J'ai personnellement, en ma qualité de magistrate, participé à des dizaines d'exercices de pompiers, et je vous assure que lorsque le capitaine vous remet sa compagnie, à qui vous ordonnez «repos !», votre coeur bat !
Venons-en maintenant au projet de loi qui a valu une mobilisation à grande échelle des pompiers du canton. Quel incendie faut-il donc éteindre aujourd'hui ? Le transfert des charges est à la mode, et la Confédération a imposé aux cantons sa RPT, sans demander si cela leur convenait. Le canton, lui, après s'être brûlé les ailes par manque de négociations avec les communes - c'était il y a quelque temps, M. Cramer s'en souvient - a compris le message et a négocié. Mais on peut s'interroger sur le fait d'aller quémander de l'argent auprès de collectivités qui gèrent bien leur pactole, alors que l'Etat, comme la cigale... qui «se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue.» Personnellement, je suis opposée à tout type de transferts de charges aux communes, sauf s'ils sont réellement accompagnés de transferts de compétences. Parce que si ce n'est pas le cas, cela rassemble à une punition pour bonne gestion. Mais, en l'occurrence, les communes ont accepté par deux fois ce paquet proposé par l'Etat et qui représente tout de même 60 millions. C'est en quelque sorte un cadeau, qui contient également ce PL 10065. Mais alors, que s'est-il passé avec ce projet de loi ?
Il y a d'abord eu un préavis de la commission fiscale. Un député libéral a fait un rapport de minorité, en expliquant qu'on ne peut pas toujours avoir la même prise de position que le Conseil d'Etat. Il faut parfois passer du général au particulier, considérer chaque cas pour lui-même. Puis, ce projet de loi est allé à la commission des finances. Tous les amendements proposés, à savoir que ce projet de loi ne soit valable qu'une année et que le Fonds d'équipement communal aide les communes qui connaîtraient des difficultés à financer leurs pompiers, ont été acceptés par les trois commissaires libéraux, qui ont en revanche refusé le projet de loi, estimant, comme moi, que ce n'est pas de la bonne politique, qu'il manque une vision à long terme.
Ce matin, j'ai siégé - ainsi qu'un député de cette enceinte - au Conseil du Léman avec un membre du comité de l'ACG, maire d'une toute petite commune, sur laquelle le PL 10065 a vraisemblablement une grande incidence. Il m'a certifié que l'assemblée de l'ACG a accepté par deux fois ces négociations et que lui-même a approuvé les amendements proposés par la commission des finances, puisque ce projet de loi ne serait valable qu'une année. Alors où en est-on ? Car, en réalité, on a l'impression que c'est une pose de sparadrap et qu'on ne va pas beaucoup plus loin ! On se pose donc tous des questions, ici. Qu'est-ce que ce «magouillage» ? Parce qu'il n'y a pas d'autres termes ! Il ne s'agit pas là d'un transfert de compétences, mais d'un rapt d'argent !
Par conséquent, malgré la rigueur des libéraux et le fait que notre groupe tienne à l'équilibre des finances, nous ne pourrons pas accepter ce projet de loi. Et j'aimerais bien qu'à l'avenir le Conseil d'Etat veille à ne plus jamais nous mettre dans des situations aussi conflictuelles et émotionnelles, qui, pour finir, tournent en quelque sorte au vaudeville. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Guy Mettan (PDC). Comme mes deux préopinantes, j'aimerais clamer, au nom du parti démocrate-chrétien, tout l'amour que nous portons aux pompiers. Je crois que le dévouement dont ils font preuve, et qui a été brillamment décrit par Mmes Läser et Hagmann, mérite vraiment d'être souligné et applaudi.
Mais nous aimons tellement les pompiers que, selon nous, le dévouement ne constitue pas leur seul mérite. Pour ma part, en tout cas, la première qualité d'un pompier, c'est le courage. Le courage d'affronter l'incendie, d'aller au-devant du danger, de mettre sa vie en péril pour en sauver d'autres.
Or, ce qui manque cruellement dans cette enceinte, chers collègues, c'est votre courage ! Suivez donc l'exemple des pompiers ! Quand vous avez voté ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les libéraux, vous avez accepté les amendements - vous aussi, les radicaux. Alors, ayez le courage d'aller jusqu'au bout et suivez le bel exemple que nous montrent les sapeurs-pompiers volontaires de notre canton, au lieu de vous dégonfler comme vous êtes en train de le faire maintenant ! (Protestations.) Pourquoi ? Pour une raison très simple. En tant que président de la commission des finances, j'ai reçu deux lettres, une de l'Association des communes genevoises, et une autre du maire de Laconnex, lui-même sapeur-pompier volontaire. Il est écrit noir sur blanc dans ces courriers que le meilleur moyen de voter ce projet de loi était de proposer un amendement limitant sa portée à deux ans. Je vous lis la phrase en question: «Une solution qui pourrait satisfaire tout le monde serait d'assortir cette loi d'un article la rendant provisoire ou à l'essai, afin qu'elle soit revue dans une ou deux années.»
Nous avons maintenant satisfait à toutes les exigences, à la fois des communes et des sapeurs-pompiers volontaires. Mais que se passe-t-il ? Par manque de courage, on revient en arrière. Or cela, notre parti le refuse ! Et il suivra l'exemple de courage démontré par les personnes qui sont présentes en haut à la tribune et il vous recommande de voter ce projet de loi, sans arrière-pensée et avec détermination.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Comme d'habitude, je vais aller droit au but. Je respecte autant la police que les pompiers, ces derniers exercent un métier qui n'est pas donné à tout le monde, et je ne crois pas que soient nombreuses les personnes dans ce parlement qui seraient capables d'endosser les fonctions qu'eux assument, et ceci 24h sur 24h, 365 jours par année.
On leur manque de respect beaucoup trop souvent, pourtant on est bien content qu'ils soient là lorsque survient un accident, quel qu'il soit, un enfant bloqué dans un ascenseur, par exemple. En effet, ils n'interviennent pas qu'en cas de feu, ils se déplacent aussi lors de catastrophes naturelles, les inondations ainsi que tous les accidents domestiques. On les appelle, et ils répondent présents ! Ils ne se posent pas de questions et agissent au péril de leur vie. Certes, ils sont volontaires, mais c'est justement un beau geste ! Et il se trouve peut-être des individus suffisamment égoïstes pour ne pas rendre ce service.
Les pompiers sont des personnes réellement saines, qui font preuve d'une dignité et d'un respect humain qui ne sont absolument plus à prouver aujourd'hui. En outre, nous leur en demandons énormément. Alors, je trouve que de faire des économies au sein de l'Etat est une bonne chose, mais qu'il est en revanche totalement inadmissible de manquer de reconnaissance à l'égard de métiers comme celui-là. C'est la raison pour laquelle je refuserai ce projet de loi. (Applaudissements.)
La présidente. Je prie les personnes qui se trouvent à la tribune de ne pas se manifester à chaque intervention, cela nous fait perdre beaucoup de temps. Je vous remercie.
M. Roger Golay (MCG). Comme vous l'avez compris, il ne s'agit pas d'un véritable transfert de charges. Et afin que les sapeurs-pompiers volontaires puissent reprendre en toute sérénité leur mission, le Mouvement Citoyens Genevois va refuser ce projet de loi.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Je n'ai toujours pas compris - peut-être suis-je bête ! - qui d'entre nous oserait remettre en cause les actions des sapeurs-pompiers. Il ne s'agit pas de cela, Mesdames et Messieurs ! Il est question d'un élément du budget de notre république, au même titre que le vote du budget ayant trait au financement des hôpitaux cantonaux, à la sécurité - eh oui, à la sécurité ! - ou aux EMS, dont on aura l'occasion de reparler. Cet élément est donc lié au fonctionnement même de l'Etat ! Nous ne pouvons pas commencer maintenant à retrancher des bribes, ici ou là, en raison de l'émotion que peut susciter ce sujet. Tout le monde est sensible à l'action des pompiers, personne ne la remet en cause !
La proposition démocrate-chrétienne consistait, comme l'a dit mon collègue Guy Mettan, à ne pas remettre en cause notre budget et à voter ce projet de loi, sur lequel nous reviendrons dans le cadre de l'examen du transfert de charges aux communes genevoises.
Mme Hagmann a utilisé le terme fort de «rapt» pour désigner le fait que l'Etat prend ce qui est dévolu aux communes. Il est vrai que c'est une forme de rapt, et il faudra leur restituer leur dû, mais ces communes, comme on le voit dans le projet de loi, n'ont pas dit qu'elles ne feraient pas en sorte de payer ce qui revient aux sapeurs-pompiers ! Les sommes seront versées ! Des garanties ont été données ! Si cela n'avait pas été le cas, il est clair que nous comprendrions que votre Conseil refuse ce projet de loi. Il y va de notre responsabilité cantonale, Mesdames et Messieurs, raison pour laquelle je voterai ce texte, en m'assurant que les sommes seront bien versées aux sapeurs-pompiers.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). J'aimerais revenir sur mes propos de tout à l'heure. Je ne redirai pas que nous avons besoin des pompiers ou que nous estimons qu'ils sont essentiels, je crois que c'est évident pour tout le monde et pour nous aussi.
Il est également clair que le transfert des charges est nécessaire, à un moment donné, mais il faut reconnaître que, dans ce cas-là, le transfert n'a pas été étudié et mené jusqu'au bout. On se retrouve donc avec la notion de devoir transférer les charges, mais sans avoir fait tout ce qu'il fallait pour arriver à un principe très suisse, à savoir un consensus, et à un projet acceptable pour tous les partis.
Alors, que ce soient les communes qui doivent payer, que certaines aient les moyens et d'autres moins, certes. Mais je crois qu'on ne peut pas toutes les mettre dans la même escarcelle.
Nous maintenons donc que ce projet de loi n'a pas été élaboré correctement en termes de processus, raison pour laquelle nous nous abstiendrons de le voter.
Présidence de M. Eric Leyvraz, premier vice-président
M. Pierre Losio (Ve). Je voudrais tout d'abord rassurer mes préopinants qui ont tissé des éloges aux corps des pompiers en leur disant que la position que nous, les Verts, défendons n'a strictement rien à voir avec l'activité des pompiers.
J'ai eu un jour le privilège, en tant que président du Conseil municipal, de participer in situ, et équipé de pied en cap, à une opération de sauvetage dans laquelle étaient impliqués le SIS et les corps des sapeurs-pompiers volontaires de la Ville de Genève, c'était lors de l'explosion qui s'est produite à la rue Sismondi. A cette occasion, j'ai pu mesurer la maîtrise et le calme avec lesquels l'intervention s'est déroulée.
Mais tout ce qui a été dit sur le tissu social des pompiers n'a strictement rien à voir avec ce dont nous parlons aujourd'hui ! Absolument rien ! Pas plus que les dames paysannes, la jeunesse, ou encore la chorale ! On connaît bien le rôle que jouent les pompiers dans les villages genevois et l'importance des corps de sapeurs-pompiers volontaires.
En revanche, le point sur lequel nous voudrions véritablement insister, c'est que cet accord a été signé par la Ville de Genève, l'ACG et l'Etat genevois. Mais il n'a pas été débattu dix minutes au coin d'une table de bistrot: il y a eu un réel processus de discussion ! Alors si, sur ce projet de loi-là, nous ne pouvons pas avoir confiance en un interlocuteur qui s'appelle l'ACG, que va-t-on penser des deux projets suivants, soit les PL 10068 et PL 10069, qui se trouvent aux points 131 et 132 ? Sont-ils plus crédibles ? Ont-ils été mieux étudiés par l'ACG ? En quoi pourrait-on leur apporter davantage de crédit qu'à celui-ci ? Non, Mesdames et Messieurs, cet accord a été travaillé et discuté ! Si, à l'intérieur de l'Association des communes genevoises, il existe des difficultés de communication, ce n'est pas au Grand Conseil de les arbitrer ! Les communes et les magistrats se sont engagés - et j'estime que les magistrats communaux à Genève sont responsables, comme ils le sont d'ailleurs dans d'autres cantons - car le fait d'être maire d'une commune ou de participer à une décision collective de l'ACG implique véritablement cette association et ces communes. C'est pour cette raison que nous vous demandons de bien vouloir accepter ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
Présidence de Mme Loly Bolay, présidente
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC), rapporteuse de majorité. J'ai vraiment le mauvais rôle, ce soir, en étant rapporteure de majorité... (Exclamations.) Eh oui !
Chacun y est allé de son laïus émotionnel, et moi aussi je connais bien le travail des corps de pompiers et leur exemplarité. Je crois que nous sommes là dans le registre «ne touchez pas à nos pompiers !», mais il ne s'agit pas de cela, comme nous l'avons répété !
Il est vrai que les éloges à leur égard sont totalement mérités, mais reconnaissons simplement que l'Association des communes genevoises a manifesté à plusieurs reprises son accord - quoique peut-être pas suffisamment déterminant - et que, finalement, ce qui se passe est plutôt une forme de prêt - en admettant que cela puisse s'appeler ainsi - et que ce n'est valable qu'un an.
Avec mon très mauvais rôle de rapporteure de majorité, je me permets donc d'insister sur le fait que, après l'accord conclu entre le canton et les communes, nous devons simplement nous référer aux travaux de la commission, dont la majorité, même si elle était modeste, a accepté ce projet de loi. Je vous invite par conséquent à en faire de même.
M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de minorité. Permettez-moi de revenir sur les propos de mon collègue Losio, et indirectement sur ceux du courageux Guy Mettan. M. Losio a tout à fait raison de dire que, du moment que des accords ont pu être conclus entre différentes forces, ces derniers devraient être respectés sans qu'il y ait de problèmes, et que le parlement devrait se contenter de les valider.
Le hic, c'est que, dans le cas qui nous intéresse, l'une de ces forces, à savoir l'Association des communes genevoises, a clairement expliqué, notamment en commission fiscale, qu'elle ne s'était pas réellement rendu compte de l'effet qu'aurait cet accord sur certaines communes. On a en outre très bien senti au sein de cette association que la décision prise n'était pas franchement mûre. D'ailleurs, ils ont dû, sauf erreur, se réunir en assemblée générale pour rediscuter de tout cela.
Cet accord est donc boiteux, comme il l'est d'ailleurs quant au nouveau financement proposé, qui consiste à recourir, pour un temps donné, au Fonds d'équipement communal, qui est déjà constamment sollicité. On se rend bien compte que ce procédé va être appliqué sur le court terme et qu'il va nécessairement poser des problèmes à un certain nombre de communes.
Enfin, je rappellerai, pour utiliser des mots précis, qu'on ne parle pas ici de transfert de charges. En effet, l'Etat se contentant de capter de l'argent au passage, le terme de transfert de charges est inapproprié.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. En l'absence du conseiller d'Etat en charge de ce dossier, Mark Muller, retenu avec M. Charles Beer pour une raison impérieuse - ils participent actuellement, au Foron, à une assemblée destinée à débattre d'une affaire importante, l'amiante - c'est à moi qu'il revient d'essayer d'expliquer en quoi consiste cette affaire et pourquoi les craintes exprimées sont, à notre avis, totalement infondées.
Premièrement, il s'agit bel et bien d'un transfert de charges, dans le sens où de l'argent perçu pour la lutte contre les incendies va financer des activités cantonales de même nature, notamment dans le domaine de la prévention. Parallèlement, d'autres activités liées aux incendies seront reprises en charge par les communes. Celles-ci, si j'ai bien compris l'intervention de Mme Hagmann, en tirent une fierté suffisante pour qu'il ne s'agisse pas que de rhétorique et qu'elles montrent que cet amour va jusqu'à faire sortir leur porte-monnaie... On sait que les vraies histoires d'amitié ne se mesurent qu'aux questions d'argent. Je suis donc surpris, Madame Hagmann, que vous ne soyez pas heureuse de reprendre ce financement fort honorable des caisses de retraite des pompiers !
Le deuxième élément que je dois rappeler ici, c'est que cet accord a effectivement été passé avec l'ACG. Une assemblée générale des communes a été organisée, lors de laquelle il y a manifestement eu un problème de répartition de la charge. Celui-ci est apparu relativement tard, et le Conseil d'Etat comprend parfaitement la position, par exemple, de la commune de Laconnex qui, voyant la répartition, a dû faire savoir qu'il lui serait difficile de payer.
Mais cela n'empêche pas le projet de se réaliser, puisqu'il y a, d'une part, la possibilité d'agir sur la répartition et que, d'autre part, on peut bel et bien intervenir par le Fonds d'équipement communal - FEC - dans lequel le Conseil d'Etat est représenté, notamment par votre serviteur. Et il ne faut pas raconter de salades ! Car, oui, le FEC a de quoi payer pour ces deux prochaines années, et largement !
J'aimerais à présent qu'on aille au fond des choses et qu'on dise pourquoi on n'a pas réussi à réaliser un meilleur transfert. Pourquoi n'est-t-on pas parvenu à faire un transfert de compétences ? La raison est très simple: il y a une telle inégalité entre les communes, par exemple entre Onex et Vandoeuvres, pour n'en citer aucune, qu'il est relativement difficile de confier des tâches de proximité à des communes sans tomber, si vous me permettez d'être trivial, sur celles qui ont le moins de contribuables aisés et le plus de charges à faire valoir, ce qui va de pair. L'inégalité entre les cantons suisses, c'est de la rigolade par rapport à celle qui existe entre les communes genevoises !
C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a saisi l'ACG, il y a neuf mois déjà, d'un projet de nouvelle péréquation, qui permettait d'équilibrer quelque peu les rôles. Evidemment, il arrive que ceux qui possèdent beaucoup ne veulent pas payer, et c'est peut-être ça le fond du problème, Madame Hagmann ! Mais il faudra bien aborder ces questions.
Rappelez-vous, il y a eu un certain émoi, lorsque la commune de Genthod a baissé ses impôts à 25 centimes. Mais elle aurait pu les baisser à 15 ! Ou même à zéro pendant trois ou quatre ans ! Pourquoi ? Parce qu'elle a deux contribuables immensément riches, tout simplement ! Croyez-vous que d'autres communes pourraient le faire ? Non ! Est-ce que Laconnex ou Soral pourraient en faire de même ? Non ! C'est la raison pour laquelle nous avons conclu un accord provisoire sur deux ans, pour la quasi-totalité des objets qui vous sont soumis. En effet, nous nous sommes dit que, entre-temps, nous arriverions à établir une péréquation intercommunale plus judicieuse, qui permette bel et bien que les communes reprennent des tâches de compétences liées à la proximité - celles que toutes les communes suisses prennent en charge - et que, de la sorte, nous arrivions à un système meilleur.
Mais tout le monde a admis qu'une affaire comme la péréquation intercommunale demande un ou deux ans de travail. Ce dossier à 60 millions, et non à 80 millions, comme le souhaitait le Conseil d'Etat, a entraîné des négociations qui ont duré un an et demi, précisément pour éviter ce qui s'était passé lors de la précédente législature et que j'avais, alors député, combattu. Ce n'est donc pas un ukase ! Nous avons négocié et, dans bien des cas, ce sont les communes qui nous ont indiqué quelles étaient les propositions qu'elles pourraient accepter.
On peut donc travestir - parce qu'il faut quand même être honnête - un refus d'un transfert modeste de 6 millions de charges du canton aux communes en une affaire émotionnelle, mais au fond personne ne s'est attaqué à la caisse de retraite des pompiers. La simple question est de savoir qui aura l'honneur de payer, et il nous semblait que les communes étaient les mieux placées pour le faire, dans leur immense majorité, de par leur situation financière et leur proximité.
Voilà quelles sont les intentions du Conseil d'Etat, voilà ce qu'aurait pu vous dire M. Muller s'il avait été là. Il a mené ce dossier difficile non seulement lors de la conclusion de l'accord, mais également en amont, au cours d'innombrables séances techniques. Peut-être n'avait-il pas les bons techniciens, pas les bonnes communes, mais toujours est-il que, avec la double clé de la répartition et d'un apport du FEC pendant un ou deux ans, cette affaire ne pose pas de danger pour les caisses de retraite des sapeurs-pompiers, ce que le Conseil d'Etat d'ailleurs ne tolérerait pas.
En revanche, se mettre à prendre bout par bout des éléments du budget, sous prétexte que les gens sont inquiets - et je le comprends - alors même que, sur d'autres plans, la rigueur est absolue, je trouve que ce n'est pas une bonne manière de favoriser l'acceptation du budget demain, ni un retour à l'équilibre à long terme, puisque l'équilibre à court terme est atteint, vous le savez. Il nous faut quand même pouvoir tenir des accords. L'engagement que je peux prendre et que M. Muller aurait pris à ma place, c'est que nous veillerons, si vous acceptez ce projet de loi amendé, à ce qu'aucune caisse de retraite ne soit mise en difficulté pour une raison quelconque et que, si une commune, comme celle de Laconnex, connaît des problèmes, nous interviendrons d'abord par le FEC, mais nous pourrons aussi le faire avec de l'argent de l'Etat. En effet, M. Muller a dit en commission fiscale - j'ai écouté son exposé - que, si une commune est défaillante, il nous est toujours possible, et cela fait partie de nos tâches, de venir la suppléer un ou deux ans, le temps qu'une clé de répartition ait été trouvée.
J'ai bien compris le respect que vous avez à l'égard des pompiers, et je le partage, mais j'ai un peu de peine de voir que, au fond, on a usé de tant de rhétorique et de flatteries pour ne dissimuler qu'une basse question d'argent. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Odier (R). Pour les mêmes raisons que M. Stalder, je ne m'exprimerai pas sur ce projet de loi, et je ne prendrai pas non plus part au vote. En revanche, je vous demande l'appel nominal sur l'ensemble des votes qui vont suivre. (Appuyé.)
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10065 est rejeté en premier débat par 40 non contre 33 oui et 12 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)