Séance du
vendredi 30 novembre 2007 à
20h30
56e
législature -
3e
année -
2e
session -
10e
séance
M 1764
Débat
La présidente. Je passe la parole à M. Thion pour la présentation de cette proposition de motion.
M. François Thion (S). En réalité, je remplace M. Brunier qui est en déplacement pour son travail.
Ce texte présente dix-sept mesures concrètes pour que l'Etat, les entreprises publiques, les institutions subventionnées et les communes adoptent rapidement des modèles de mobilité plus responsable et plus durable. Cette proposition de motion est aussi à mettre dans le cadre de la lutte contre les émissions de CO2.
Rappelez-vous, on a décerné il n'y a pas si longtemps le prix Nobel de la paix à M. Al Gore et au groupement intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat. Si tout le monde connaît le premier, on n'a en revanche moins entendu parler de ce groupement intergouvernemental. Ce dernier est composé de gens extrêmement sérieux qui ont rendu en janvier un rapport disant que la concentration de gaz à effet de serre ne cesse de croître et que la responsabilité de l'homme est désormais reconnue unanimement.
De plus, les experts nous indiquent que, d'ici 2100, la température moyenne sur terre va augmenter de 1,8 à 4 degrés. Les conséquences, rien que pour la Suisse, sont connues, et nous sommes directement touchés. Le réchauffement du climat entraîne la fonte des glaciers, des canicules, des inondations, des éboulements dramatiques, comme on en a déjà souvent connu, avec toutes les répercussions que cela peut avoir pour l'économie suisse, et en particulier pour le tourisme.
A l'échelle planétaire, j'attire votre attention sur le fait qu'en raison du réchauffement climatique, d'après ces experts, on pourrait devoir envisager un déplacement forcé de peut-être 200 millions d'individus, c'est-à-dire que, dans les prochaines années, on va avoir ce qu'on appelle des «réfugiés de l'environnement».
Sachant que l'une des principales causes de rejet de CO2 provient des déplacements automobiles - 40% - et aériens, la proposition de motion demande concrètement à l'Etat d'agir. On sait que quelques-unes de ces dix-sept mesures ont déjà été étudiées au niveau de l'Etat, mais je pense qu'il en reste d'autres encore qu'il faudra examiner.
M. Pierre Kunz (R). Comme nous l'avons annoncé, les radicaux tiennent désormais à apporter une contribution active dans le débat relatif au réchauffement climatique et à la protection de l'environnement. (Applaudissements. Commentaires.)
Nous n'avons pourtant pas l'intention de participer aux chorales du catastrophisme, ni aux choeurs culpabilisants. Ni davantage avons-nous l'intention de nous associer aux faiseurs de ce que les socialistes appellent avec raison «les belles promesses», ni, enfin, de nous contenter de ces grands programmes, utopiques, genre société à 2000 watts. Ce sont de belles promesses, Mesdames et Messieurs, et de grands programmes qui visent surtout, nous le savons tous, à donner bonne conscience à certains politiciens et à trouver des électeurs pour d'autres partis.
Nous, les radicaux, nous voulons et allons essayer d'être concrets et pratiques en cette matière, comme nous souhaitons l'être dans les autres domaines, et c'est pourquoi nous soutenons dans son principe la démarche de nos collègues socialistes. Il y a certes, comme on dit au Café du Commerce, «à boire et à manger» dans la liste des mesures proposées par la motion 1764, certaines propositions sont d'ailleurs illusoires, et d'autres franchement inacceptables, mais il n'empêche que c'est bien dans la direction indiquée par ce texte, à savoir celle du concret et du pratique, que nous devons aller.
Pour toutes ces raisons, les radicaux soutiendront son renvoi en commission...
Mme Anne-Marie von Arx Vernon. Eh bien il va neiger...
M. Pierre Kunz. ...où effectivement nous regarderons tomber la neige avec Mme von Arx... (Rires.) ...et où nous proposerons des amendements et des compléments.
La présidente. Monsieur le député, à quelle commission voulez-vous renvoyer cette proposition de motion ?
Des voix. Aux transports !
M. Pierre Kunz. A l'environnement !
La présidente. C'est noté.
Mme Elisabeth Chatelain (S). Il ne s'agit pas, dans cette énumération d'actions, de belles promesses ! Non, nous souhaitons du concret ! Nous savons que plusieurs de ces propositions sont déjà appliquées dans certaines parties du grand Etat, mais elles ne le sont pas tout à fait suffisamment à notre goût et, surtout, il manque une vision d'ensemble.
Parmi ces dix-sept propositions d'actions, nous en voyons plusieurs qui sont très concrètes, Monsieur Kunz, et que nous pouvons appliquer d'une façon très simple, avec des moyens techniques même limités. Nous disposons de ces ressources, il nous faut donc simplement déployer un peu d'énergie et de courage pour les mettre en place. Mais nous pouvons le faire !
En commission de l'environnement, j'ai entendu récemment, dans le cadre d'une discussion sur les mesures de compensation pour les vols en avion, le conseiller d'Etat Cramer dire qu'un plan de mobilité existait pour le petit Etat. Il a ajouté qu'il nous le présenterait volontiers, mais qu'il pensait que c'était plutôt à la commission des transports d'étudier ce genre de possibilités, puisque cela touche davantage au domaine technique des transports.
Pour cette raison, Madame la présidente, je vous demande le renvoi de cette proposition de motion à la commission des transports.
Mme Fabienne Gautier (L). Le groupe libéral salue également l'initiative des motionnaires de s'inquiéter de la mobilité douce dans le cas des institutions subventionnées, des communes et des établissements publics autonomes. Je m'étonne toutefois de l'esprit de contradiction dont ces mêmes milieux font preuve en lançant des actions, voire des pétitions, contre les plans de mobilité douce mis en place par certains établissements publics autonomes. J'en veux pour preuve notre Aéroport international, qui a instauré un plan de mobilité très élaboré, il l'a même distribué en commission des pétitions. J'encourage du reste la commission des transports à en auditionner des représentants, parce que ce plan de mobilité est extrêmement bien fait et répond pratiquement à toutes les invites présentées dans cette proposition de motion. Et pourtant, ce plan de mobilité a été contesté par voie de pétition, issue des syndicats des services publics !
Je citerai encore l'exemple de l'Hôpital, dont le directeur, M. Gruson, a dû également faire face à de fortes réactions de la part des employés lorsqu'il a instauré des mesures de mobilité. Je souligne au passage que les HUG offrent à leur personnel plusieurs solutions de mobilité douce, notamment en prenant en charge une partie des abonnements TPG ou en lui mettant à disposition des vélos électriques.
Le groupe libéral suggère le renvoi de cette proposition de motion à la commission des transports, car si beaucoup de ses invites sont déjà appliquées, d'autres ne sont pas réalisables, et c'est la raison pour laquelle il faudra vraiment l'étudier. Nous soutiendrons donc son renvoi à la commission des transports.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Bravo, Monsieur Kunz, bravo ! Bravo de soutenir et de voter le renvoi de cette proposition de motion en commission, parce que vous vous étiez effectivement engagé, à la commission de l'énergie, à prendre des mesures concrètes et, là, vous le faites en votant ce texte.
Bien sûr, cette proposition de motion est excellente et il n'y a rien d'autre à ajouter. Il est également souhaitable de la renvoyer en commission car, ainsi, on verra que certaines invites sont déjà mises en place - telle la technique de conduite Eco-Drive, qui avait d'ailleurs fait l'objet de la proposition de motion 1460. Mais il reste encore des personnes à l'Etat qui n'en ont pas connaissance, comme le chauffeur de M. Muller, par exemple, qui ne doit pas du tout connaître cette méthode de conduite douce, puisqu'il laisse tourner son moteur dans la rue ! (Exclamations.)
Il reste donc effectivement encore de nombreuses actions à entreprendre ! Cela signifie également que les gens ont encore des choses à apprendre, et c'est toujours bien de s'instruire ! On s'en réjouit donc et on soutiendra bien entendu le renvoi de ce texte en commission des transports.
M. Gilbert Catelain (UDC). La proposition de motion qui nous est soumise ce soir concerne une partie de la société, à savoir l'Etat et les établissements publics autonomes. Elle a le mérite d'exister et, bien qu'elle ne s'adresse pas à l'ensemble de la société de ce canton, nous devons reconnaître qu'il nous faudra la renvoyer en commission. Et ce ne sera pas à contre-coeur, parce que si certaines propositions sont effectivement intéressantes, d'autres sont plutôt du réchauffé, et j'en citerai quelques-unes. Ce parlement a déjà longuement débattu des filtres à particules pour les véhicules diesel et a même, sauf erreur, voté une motion à ce sujet. Il s'est également déjà prononcé sur les véhicules à gaz et hybrides. Concernant ces derniers, s'ils sont très performants quant à leur utilisation, le bilan écologique de leur recyclage est en revanche négatif, et ce sujet mérite donc un débat en commission. Pour ce qui est des vélos électriques, ils nécessiteront à terme un accroissement de l'offre d'électricité, et il s'agira alors de se déterminer sur la façon dont cette offre électrique sera fournie: par des énergies fossiles ou nucléaires ? Concernant les biocarburants, nous savons tous que certains présentent un bilan écologique peu favorable à l'environnement. Quant aux véhicules polluants et à la technique de conduite Eco-Drive, ce parlement s'est déjà prononcé sur une motion écologique, c'est donc que le débat a eu lieu.
Au niveau des parkings professionnels, je rappelle que la population de ce canton a déjà voté sur la liberté des modes de déplacement, et nous devrons en tenir compte. Pour ce qui est de l'interdiction du parking aux personnes habitant à proximité de leur lieu de travail, elle me semble une évidence, qui peut d'ailleurs, de mon point de vue, être mise en oeuvre sans proposition de motion.
Concernant la promotion de l'utilisation des transports publics et la participation financière, cette dernière existe déjà au niveau de l'Etat, puisque celui-ci offre à son personnel 50% du prix de l'abonnement de bus annuel.
S'agissant des voyages en train qu'il faut favoriser, il s'agira pour nos conseillers nationaux de militer en faveur de la troisième voie CFF, puisque des adeptes du mode de transport ferroviaire sont actuellement en passe de l'abandonner faute de dessertes suffisantes sur la ligne Nyon-Genève ou Lausanne-Genève.
D'autre part, ce qui m'étonne dans cette proposition de motion, c'est qu'il n'est pas fait mention des modes de transport lacustres, notamment des navibus, qui constituent pourtant une alternative intéressante au manque d'offres sur le réseau ferroviaire.
Pour finir, au sujet du système de mesures visant à connaître les effets positifs de ces dispositions sur la diminution de la charge de CO2, je rappelle que le groupe UDC a également déposé une motion adoptée par ce Grand Conseil concernant des peintures capables d'absorber le CO2.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons le renvoi de cette proposition de motion à la commission des transports.
Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC). Pour une fois, il semble que tout le monde soit d'accord: on ne peut que soutenir l'étude de cette proposition de motion. Les problèmes environnementaux sont réels, les solutions à trouver multiples, et se pencher sur des modèles de mobilité responsable et durable permettra d'avoir un plan et une vision à long terme.
Par ailleurs, il est vrai que certaines invites sont plus intéressantes que d'autres, d'où l'intérêt d'un travail en commission. A ce propos, le groupe démocrate-chrétien pense que la commission des transports est plus à même d'étudier ce plan de mobilité, et nous vous recommandons donc un renvoi à cette commission des transports.
La présidente. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Letellier, qui dispose d'une minute et demie.
M. Georges Letellier (Ind.). Merci, Madame la présidente, de me rappeler chaque fois le temps qui m'est imparti ! Je sais que je suis un député entre parenthèses, mais de là à me faire chaque fois cette réflexion... Ça commence à être lassant !
La présidente. Je suis obligée de vous le dire, Monsieur le député !
M. Georges Letellier. Etant donné les problèmes écologiques et climatiques auxquels nous sommes confrontés, il serait peut-être bon de fonder une commission écologique, chargée d'étudier précisément tous ces problèmes énergétiques et climatiques. Nous sommes tenus de passer de la théorie à la pratique et je propose donc, si vous le voulez bien, Madame la présidente, que nous votions sur ce principe, à savoir si nous voulons créer une commission écologique. (Commentaires.) J'ai de l'expérience dans ce domaine et puis vous assurer que la situation devient dramatique ! Je le dirai d'ailleurs dans ma prochaine proposition de motion.
Aujourd'hui, on doit saisir ces problématiques à bras-le-corps, on ne peut plus se permettre de parler... (Cri d'une députée. Rires. Chahut.)
La présidente. Mesdames et Messieurs, soyez un peu plus calmes ! Monsieur le député, je crois que votre voisine a reçu un verre d'eau. (Remarque de M. Georges Letellier.) Calmez-vous, Monsieur le député, ce n'est pas bon pour votre coeur.
M. Georges Letellier. Excusez-moi ! Mais je prends mes collègues à témoin, aujourd'hui on a fini de rire sur ce sujet: l'écologie est un problème extrêmement important pour nos enfants, pour ceux qui vont nous succéder...
La présidente. Adressez-vous à la présidence, Monsieur Letellier !
M. Georges Letellier. Il faut fournir des efforts maintenant et cesser de faire de la théorie !
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. J'aimerais tout d'abord remercier les auteurs de cette proposition de motion, ainsi que toutes celles et ceux qui sont intervenus pour demander que ce texte soit renvoyé en commission.
Ce remerciement peut sembler paradoxal, parce qu'on pourrait s'attendre à ce que le Conseil d'Etat perçoive dans cette proposition de motion une forme de critique, voire de reproche quant au fait qu'un grand plan de mobilité d'entreprise pour l'Etat n'ait pas encore été mis sur pied, et ceci de façon généralisée.
Eh bien, ce reproche est fondé, Mesdames et Messieurs les députés ! En effet, il est beaucoup plus compliqué d'appliquer un plan de mobilité d'entreprise à l'Etat de Genève, de par ses diverses sensibilités et ses différents métiers, qu'à une entreprise privée. Et je ne cacherai pas que je suis souvent admiratif et envieux, quand je vois de grandes entreprises de ce canton - qu'elles agissent dans le domaine financier, bancaire ou industriel - développer des plans de mobilité ambitieux, souvent d'ailleurs avec l'appui technique des services de l'Etat, alors que nous avons nous-mêmes des difficultés à mettre pareils plans sur pied pour nos propres collaborateurs.
C'est donc avec une certaine humilité - étant donné que je dirige un département qui sert d'expert et offre des conseils à celles et ceux qui s'intéressent à ces questions - que je viendrai devant la commission des transports, d'abord pour vous dire ce que nous avons tout de même imaginé et réussi à réaliser et, ensuite, pour vous faire part des difficultés auxquelles le Conseil d'Etat, de façon collégiale, est confronté. Sachez en effet que ces préoccupations ne sont pas celles d'un département mais d'un collège.
J'espère vivement que, avec votre appui, nous arriverons à aller un peu plus loin, parce qu'il est désolant que l'Etat de Genève, qui se veut porteur d'un projet de développement durable, soit tellement peu efficace à le faire progresser au sein de sa propre administration en ce qui concerne la mobilité. Nous en débattrons donc en commission.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1764 à la commission des transports est adopté par 73 oui contre 1 non et 3 abstentions.