Séance du vendredi 12 octobre 2007 à 17h
56e législature - 2e année - 12e session - 62e séance

M 1631-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Christian Brunier, Pierre Guérini, Roger Deneys, Ariane Wisard-Blum, Loly Bolay, Jean Rossiaud, Martin-Paul Broennimann, Jacques-Eric Richard, Sami Kanaan, David Hiler, Françoise Schenk-Gottret, Salika Wenger, Laurence Fehlmann Rielle pour une rue du Rhône conviviale consacrée aux piétons, aux transports publics, aux activités commerciales et aux loisirs
Rapport de majorité de M. Ivan Slatkine (L)
Rapport de minorité de Mme Virginie Keller Lopez (S)

Débat

M. Antonio Hodgers (Ve). Excusez-moi, Madame la présidente, concernant le vote précédent, il me semble que le règlement n'a pas vraiment été respecté à la lettre. Il est juste qu'un rapport du Conseil d'Etat sur une motion peut lui être renvoyé, mais je pense que, là, on se trouvait vraiment sur le titre III, chapitre I de notre règlement, qui sont les règles générales de délibération qui s'appliquent à tous nos débats et qui, en termes de procédure de renvoi en commission, incluent l'article 78A. Cet article précise qu'une proposition de renvoi en commission peut toujours être formulée, qu'à partir de là, comme vous le savez, il y a un député par groupe et qu'à l'issue de ce tour de table, on décide du renvoi ou non en commission de l'objet à l'ordre du jour. S'il est accepté, le point est clos; si le renvoi est refusé, on continue à débattre, sur l'acceptation ou le refus de la motion, ou sur le renvoi d'un rapport au Conseil d'Etat. Il me semble que c'est vraiment l'usage habituel et je pense que, sur le vote précédent, cela aurait pu changer le destin de cette motion.

La présidente. Je comprends bien votre intervention. Simplement, ce dont vous me parlez, c'est effectivement de la règle générale sur les renvois en commission, tandis que là s'appliquait cet article 148 relatif aux rapports de motions émanant du Conseil d'Etat, d'après ce que j'ai pu comprendre de notre règlement.

M. Antonio Hodgers. Ce n'est pas très grave, Madame, mais je crois, à nouveau, que l'article 78 et tout le chapitre III que j'ai évoqués sont vraiment les règles générales qui s'appliquent en permanence, quel que soit le type d'objet que nous traitons.

La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député. Je rappelle que nous en sommes au point 23, rapport M 1631-A, et je donne la parole au rapporteur de majorité... Qui ne souhaite pas la prendre.

Mme Virginie Keller Lopez (S), rapporteuse de minorité. J'ai deux ou trois petites choses à dire au sujet de mon rapport de minorité. D'abord, je voulais prier les députés Verts de la commission de m'excuser, parce que, dans mon grand élan d'amour pour le parti socialiste, je finis mon rapport de minorité en parlant en tant que socialiste et non pas en tant que minorité. Or sur cette proposition de motion, les Verts et les socialistes faisaient ensemble partie de la minorité, donc j'aurais dû m'exprimer en tant que minorité. Ce n'est pas toujours la même chose ! (Commentaires.)

En ce qui concerne le contenu de cette proposition de motion, Madame la présidente, je voudrais simplement regretter un certain état d'esprit qui a prévalu lors de son traitement par la commission des transports. En effet, cette proposition de motion s'intéressait à ce qui se passe à la rue du Rhône qui, comme tout le monde le sait ici, pose des problèmes aussi bien aux automobilistes qu'aux transports publics, aux vélos ou aux piétons, qui cumulent les difficultés. Cela, toute la commission l'a reconnu. On a eu une audition très intéressante du Conseil d'Etat, qui nous a fait part d'un certain nombre de problématiques et de projets qu'il y allait avoir concernant cette rue du Rhône. M. Cramer a invité la commission à lui renvoyer cette proposition de motion... (Commentaires. La présidente agite la cloche.) ...afin qu'il puisse tout simplement nous donner des détails sur les travaux qui étaient en train d'être effectués, sur le projet d'agrandissement du parking sous-lacustre, sur l'arrivée du tram sur le pont de l'Ile... Je pense que ces projets nous concernent tous et toutes aujourd'hui et qu'il aurait été bénéfique pour l'ensemble du Grand Conseil d'avoir ces informations. Puisque l'ensemble de la commission et les services de M. Cramer ont reconnu l'intérêt de la proposition de motion - ses faiblesses aussi - nous avons été très étonnés que, lors du vote, la majorité de la commission refuse la motion, ce qui ne permettait du coup plus d'avoir simplement les informations. Aujourd'hui, à chaque fois que la question de la mobilité est discutée, c'est une guerre idéologique de tranchées, et lorsqu'on essaie tout simplement de s'intéresser à une rue... (Brouhaha.) ...qui pose des problèmes à tout le monde, pas seulement aux piétons et aux vélos, mais aussi aux conducteurs de bus et aux automobilistes... Eh bien, quand on pose des questions, on ne peut pas avoir de réponse, tellement la discussion devient idéologique ! La minorité a donc regretté cela.

Nous vous demandons aujourd'hui d'accepter cette proposition de motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat, tout simplement pour que l'on puisse avoir une réponse. C'est tout ce qu'on a demandé avec cette proposition de motion.

M. Hugo Zbinden (Ve). Je ne vais pas répéter tout ce que la rapporteure de minorité vient de dire, mais, effectivement, on constate qu'il y a toujours un problème de circulation à la rue du Rhône, même si la situation s'est améliorée depuis 1993, quand on a introduit ce concept de rue marchande. Mais aux heures de pointe, il suffit... (L'orateur est interpellé.) Merci de me faire remarquer que vous ne m'entendez pas. Donc, il y a encore trop de voitures qui circulent illicitement dans cette rue et il y a tout de suite des bouchons, qui évidemment retardent les TPG. Que faut-il faire ? Le département nous dit que le concept de rue marchande est difficile à appliquer, parce que c'est un peu compliqué pour l'automobiliste.

Nous, on aimerait aller plus loin, on suggère de fermer la rue toute la journée, sauf exception, pour quelques livraisons pendant certaines heures. Mais pas comme c'est maintenant, où l'on dit: «A priori, vous pouvez circuler, mais, entre 7h et 19h, c'est seulement pour les livraisons...», etc. On a eu des discussions en commission sur la question de savoir s'il faut vraiment un accès aux commerces et si cela entrave le commerce... Si l'on regarde les zones piétonnes étendues dans les autres villes, je ne crois pas que c'est vraiment un problème, ce n'est pas un facteur déterminant pour le succès du commerce. Ce qui compte beaucoup plus, c'est l'ambiance... Si vous allez dans un supermarché et qu'il y a de la belle musique, cela crée une bonne ambiance; si je me balade dans la rue du Rhône, avec tout ce bruit de bagnoles, je suis désolé, je ne suis pas d'humeur à acheter quoi que ce soit... Admettons que je m'achète quelque chose dans une bijouterie: franchement, je n'ai pas besoin d'une voiture pour rapporter cela chez moi... (Rires. Commentaires.)

Une voix. Si c'est une rivière de diamants !

M. Hugo Zbinden. La majorité nous dit aussi que cela ne vaut pas la peine d'étudier des solutions maintenant, parce qu'avec l'introduction du tram de Bernex, la situation va changer... Mais on sait très bien que le tram, ce n'est pas pour tout de suite ! Et j'aimerais juste vous faire remarquer la situation difficile pour les cyclistes, actuellement: si vous voulez aller de la Jonction aux Eaux-Vives à vélo, c'est très difficile de trouver un itinéraire ! Une solution est de prendre les Rues-Basses, où il y a le tram et, là justement, la circulation est interdite aux vélos... Donc, il faut absolument qu'on ait la rue du Rhône en contresens cyclable. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

Pour conclure, j'aimerais juste dire que la commission est d'accord avec le constat que la situation ne satisfait personne; j'avoue volontiers que la proposition de motion ne donne pas forcément des bonnes réponses, mais on aimerait juste entendre celle du département. C'est pourquoi je vous prie de renvoyer cet objet au Conseil d'Etat.

M. Alain Meylan (L). Je crois que cette proposition de motion doit être refusée, puisque les principales demandes qu'elle contient sont d'ores et déjà pratiquement réalisées. Le trafic dans la rue du Rhône a passé de 15 000 véhicules dans les années 1990 à 4000 véhicules aujourd'hui, ce qui permet à cette rue de fonctionner correctement, et je ne pense pas qu'il y ait lieu de la fermer totalement...

Une voix. On est contre la motion !

M. Alain Meylan. Oui, oui, tout le monde l'aura compris ! Par rapport à cela, il n'y a pas de souci à avoir, nous sommes dans une situation qui a évolué. Peut-être trop lentement, certes, mais qui a évolué normalement, puisque, présentement, cela fonctionne relativement bien.

Sur le principe de l'idéologie des places piétonnes dans les villes, relevons quand même que nous n'avons jamais été absolument contre les places piétonnes ou les développements piétons, dans la mesure où des parkings se construisaient. Vous aviez à l'époque la magnifique possibilité d'en avoir un: le parking de la place Neuve, qui a malheureusement été combattu par référendum. Il aurait permis un développement nettement plus favorable de tout ce quartier à la mobilité douce que ce que l'on connaît actuellement. Et il n'y a pas une ville au monde, comme vous le savez, qui a des places piétonnes sans parking à proximité.

On nous a aussi expliqué, à juste titre, qu'il y avait différents projets dans le centre-ville qui allaient se développer, à savoir le parking des Eaux-Vives qui va modifier de manière assez importante la circulation et toute la mobilité dans le quartier centre-ville/Eaux-Vives, ainsi que le passage éventuel du tram de Bernex, qui devrait aussi avoir des incidences sur le trafic de cette région.

Néanmoins, il s'agit de ne pas sous-estimer l'apport économique de cette rue du Rhône, il est important de penser à son fonctionnement et au genre de commerces qui s'y trouvent: ce sont des commerces très spécialisés, qui ont une clientèle particulière, importante pour notre économie, importante pour Genève. Ils ont une manière de fonctionner qui nécessitent une accessibilité, notamment pour tout ce qui est transport de pierres précieuses, qui ne peut pas forcément avoir lieu uniquement entre 9h et 9h30, ou que sais-je. Donc, le fonctionnement de la rue du Rhône est véritablement complexe.

Je ne pense pas être un néolibéral, comme le rappelait peut-être fort mal à propos M. Deneys hier soir, dans ma façon de fonctionner et de soutenir les PME. Je respecte celles-ci dans l'apport qu'elles donnent en termes de places de travail et en termes d'économie - ces deux dernières années, je crois que la lecture des comptes du Canton est là pour le prouver - donc, un peu de respect aussi pour ces personnes-là, qui ont besoin de ce genre de mobilité pour fonctionner.

Mesdames et Messieurs, je vous prie de suivre le rapport de majorité de mon collègue Slatkine, qui dit tout ce qu'il faut et qui amène les informations nécessaires pour voter dans son sens.

La présidente. Le Bureau a décidé de clore la liste. Sont encore inscrits: M. Deneys, Mme Gautier Fabienne, M. Gillet, M. Nidegger, M. Slatkine, Mme Keller Lopez, M. Brunier et M. le conseiller d'Etat Robert Cramer. Nous garderons cette liste, parce que je souhaite arrêter les débats à 19h.

M. Roger Deneys (S). Disons que je suis un peu perplexe malgré tout, Monsieur Meylan, après votre intervention. Si je lis bien le rapport de majorité, il y est fait mention que cette proposition de motion met la charrue avant les boeufs, mais vous nous dites ce soir que tout ce qui est demandé est déjà réalisé, est sur le point de l'être ou n'a plus d'objet. Je ne comprends donc pas très bien votre raisonnement. En revanche, ce que je comprends bien, c'est que certaines invites vous dérangeaient plus que d'autres. Je pense notamment à la première, qui demandait de fermer la rue du Rhône au trafic motorisé individuel de la place Bel-Air à la place du Rhône, à l'exception des véhicules de livraison et des véhicules d'urgence. Cela, je pense que cela vous gênait. Vous auriez pu amender la proposition de motion, supprimer cette invite, pourquoi pas ? Le but d'une motion, c'est de demander au Conseil d'Etat d'entreprendre certaines démarches avec les autorités municipales.

Par contre, toutes les autres demandes visent des choses que vous devriez soutenir, Monsieur Meylan, si vous êtes soucieux des entreprises ! Réaliser des aménagements afin de permettre aux piétons et aux commerces de gagner de la place pour renforcer la convivialité de cette rue, je suis désolé, Monsieur Meylan, je pense que tout le monde peut être d'accord, qu'on soit de gauche ou de droite: la rue du Rhône, ce n'est pas un modèle de convivialité ! On devrait tous chercher à l'améliorer. Améliorer la circulation des transports publics: nous avons aussi tout à y gagner si les transports publics circulent mieux à la rue du Rhône; mettre en oeuvre un programme de loisirs et de divertissements afin de rendre vivante cette rue et de la transformer en espace d'animation: je pense que si vous voulez que les commerces vivent, vous avez évidemment intérêt à ce que ces mesures soient prises. Cela ne me semble pas des choses extraordinaires ! C'est fait en partie déjà aujourd'hui à la place du Rhône, donc pourquoi ne pas demander au Conseil d'Etat d'entreprendre des démarches qui améliorent cette offre d'animation ? Améliorer l'information sur les possibilités de parking: pourquoi ne pas le faire, pourquoi ne pas vérifier que tout est adéquat ? A mon avis, vous auriez pu soutenir ces propositions, quitte à supprimer éventuellement la première invite. Alors, je regrette vraiment ce manque d'ouverture à des dispositions qui visent à rendre plus attractive une des rues passantes de Genève, du centre-ville. Mais je pense que c'est là qu'on voit les limites de votre dogmatisme en matière de mobilité ! Le fait qu'on ait évoqué la fermeture de la rue du Rhône suffit à vous braquer pour le reste du débat et c'est bien regrettable.

Mme Fabienne Gautier (L). A n'en point douter, la rue du Rhône, de par son offre commerciale, génère une clientèle d'exception, une clientèle qui a des demandes et qu'il ne faut pas négliger. Je vais simplement vous raconter l'histoire d'un petit sertisseur qui travaille avec ces grands bijoutiers et ces horlogers. Il est seul dans son entreprise et, quand il vient livrer à la rue du Rhône, il ne peut pas s'accompagner de quelqu'un qui reste au volant de sa voiture; il ne peut pas, non plus, entrer avec sa voiture dans le magasin pour ne pas se voir infliger une contravention... Chaque fois qu'il vient livrer, à la demande de son client - cela peut être à n'importe quelle heure de la journée, lorsqu'il faut livrer une bague ou une montre qui vaut plusieurs centaines de milliers de francs - il faut savoir, Monsieur Deneys, que la rue marchande lui permet de le faire ! Même s'il se voit quand même infliger une contravention. Une zone piétonne ne permettra plus de faire cette livraison au milieu de la journée... (L'oratrice est interpellée.) Elle ne lui permettra plus de le faire, parce que, quand une rue est piétonne, Monsieur, il n'y a normalement que des piétons ! (Brouhaha.) Il n'y a ni vélos ni transports publics lorsqu'on veut réellement respecter une zone piétonne.

Tout ce que je demande, c'est de savoir qu'il faut conserver à la rue du Rhône ces magasins de grande valeur qui rapportent énormément d'argent à notre canton et considérer qu'elle est une rue exceptionnelle à Genève. C'est pourquoi nous rejetterons cette proposition de motion.

Fin du débat: Session 12 (octobre 2007) - Séance 63 du 12.10.2007