Séance du
vendredi 21 septembre 2007 à
15h
56e
législature -
2e
année -
11e
session -
56e
séance
M 1723-A
Débat
M. Eric Stauffer (MCG). Qu'est-ce le pire ? La vie ? La mort ? Non, c'est l'agonie, Mesdames et Messieurs les députés, et c'est ce qui arrive à bon nombre de nos PME genevoises ! C'est l'agonie: voir les carnets de commande qui se vident; constater, chaque fois qu'un devis est établi, qu'il est trop cher par rapport à la concurrence que nous avons engendrée le 1er juin 2002 par le biais de l'accord sur la libre circulation... Voilà le pire, Mesdames et Messieurs, c'est cette agonie des PME dont les dirigeants doivent un jour regarder leurs employés droit dans les yeux et leur dire qu'ils ferment, qu'ils mettent la clé sous le paillasson et qu'ils doivent les licencier. Et, derrière ces employés, ce sont des familles qui souffrent.
Il vous appartient donc, Mesdames et Messieurs les députés, et Messieurs du Conseil d'Etat, de protéger ces PME genevoises ! Or je trouve que le rapport de votre gouvernement sur la motion MCG - qui avait été votée à l'unanimité par ce Grand Conseil - n'est pas respectueux vis-à-vis du peuple qui vous a élus. Vous ne faites que constater qu'il n'y a pas de discrimination, puisque les lois françaises s'appliquent aussi bien aux entreprises tricolores que genevoises ! Et alors ?! Mais c'était justement l'essence de la motion. Vous n'avez pas inventé la poudre !
En revanche, il vous incombe d'avoir l'esprit d'initiative afin de légiférer et de restituer un l'équilibre, parce que vous avez créé un déséquilibre. Je vais m'expliquer. C'est relativement simple - et vous pouvez être étonné, Monsieur le conseiller d'Etat Pierre-François Unger - il n'en demeure pas moins que la réalité quotidienne des PME genevoises n'est pas reluisante compte tenu du nombre de faillites et de licenciements. (Brouhaha.)
Si l'Etat français, sur une habitude deux fois centenaire comme on le sait, a des principes administratifs qui font qu'il n'est pas simple d'y travailler - en effet, il nous demande d'avoir un représentant fiscal domicilié en France - eh bien, moi je prétends que c'est discriminatoire pour les entreprises genevoises ! Parce qu'une société française est, elle, par nature, domiciliée fiscalement en France; elle peut donc travailler librement, sans avoir besoin de chercher un tiers pour pouvoir justifier du paiement de la TVA ! En revanche, si une entreprise genevoise veut aller travailler en France, on va lui demander de payer un tiers afin qu'il soit garant pour la TVA. Et inversement, quand une entreprise française vient exercer en Suisse, elle s'acquitte de la TVA directement à la douane et il n'y a plus aucun contrôle sur les prestations qui sont faites et sur la TVA que nous aurions peut-être dû percevoir. Nous avons d'ailleurs un éminent représentant des douanes suisses qui pourra certainement confirmer ce que je viens de dire. (Brouhaha.)
Il appartient donc à ce parlement ou au gouvernement de prendre l'initiative de légiférer ! A vous, Messieurs du Conseil d'Etat, de trouver une solution ! C'est ce que demandait cette motion. Peut-être que l'invite selon laquelle il faut respecter les accords bilatéraux et de libre circulation n'était pas parfaitement en adéquation avec le principe que vous avez évoqué, il n'en demeure pas moins que vous pourriez, par exemple, instaurer des contrôles beaucoup plus sévères sur les problèmes de dumping salariaux ! Parce que les employés français qui sont détachés en Suisse sont payés moins cher, on le sait - d'ailleurs, la Télévision suisse romande a diffusé récemment une émission très peu reluisante pour Genève et pour la Suisse romande en particulier. C'est là où ça commence et c'est là où il faut que vous défendiez les PME genevoises ! Et je ne peux pas me résoudre à accepter votre réponse. Je répète qu'il vous appartient de protéger les habitants et les PME de ce canton ! Si la France a - et tant pis pour elle - des principes administratifs trop lourds et que nous en avons de trop simples, et cela donne un déséquilibre. Or dans tout accord il doit y avoir une réciprocité sur l'équilibre. On ne peut pas tout offrir et tout dilapider sous le saint prétexte que, dans le pays voisin, tout le monde est soumis à la même règle ! Il y a une discordance dans l'équilibre. Et c'est cela, et rien de plus, que cette motion vous demandait de rétablir, Monsieur le conseiller d'Etat !
Alors, au nom de toutes les PME genevoises et de tous les gens qui y travaillent, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat, afin qu'il trouve une équation qui protège les PME genevoises, cela par respect des gens qui nous ont élus. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). Ça, c'est vraiment du populisme... (Rires.) Je le dis très clairement ! Vous avez commencé votre intervention, cher collègue, en parlant de vie, de mort, d'agonie... Alors, je vous rappelle qu'au Plateau des Glières sont morts des jeunes qui avaient pour devise «Vivre libre ou mourir». Donc, si vous voulez vous placer à ce niveau-là, je crois que vous trouverez à qui parler.
La réponse du Conseil d'Etat à cette motion est statique, c'est vrai. Elle est factuelle et ne donne pas la pleine mesure des négociations, des travaux et des contacts qui existent en permanence entre les autorités genevoises et les autorités françaises. Et j'ajoute: entre les associations professionnelles de France et de Suisse, pour aplanir les difficultés nées des accords bilatéraux.
C'est vrai qu'il y a des difficultés et qu'on a beaucoup de peine - je prends l'exemple de la construction - à obtenir l'assurance décennale, comme en France, ou à faire reconnaître les diplômes de nos employés. Mais il y a deux façons d'aborder cette problématique: il y a la vôtre, qui consiste à mettre de l'huile sur le feu et à faire du populisme, et il y a la deuxième, que je vais tenter d'illustrer afin de montrer que c'est la bonne.
Prenons le cas du très grand chantier de la Migros, qui s'ouvre ces jours à Neydens. Vous avez dû le lire dans la presse, on a engagé plusieurs centaines de millions de francs pour construire un centre de loisirs. Eh bien, ce sont des entreprises suisses et genevoises qui sont adjudicataires ! Parce qu'elles étaient les meilleures et qu'elles ont fait une offre beaucoup plus intéressante. Qui plus est, elles ont obtenu des assurances décennales - c'est une sorte de casco dans le domaine de la construction, je ne vais pas rentrer dans les détails. Et ces sociétés ont reçu les autorisations des autorités françaises responsables du marché du travail ! C'est vrai que cela ne s'est pas fait facilement ! Ces sociétés ont été accompagnées par les services de l'Etat et par leurs associations professionnelles, notamment la fédération dont je suis le secrétaire général. Et moi je suis pour cette méthode de conviction, de négociation, et non pas pour laisser accroire que les entreprises sont écrasées. Au contraire, elles ont leurs chances !
Mais j'aimerais dire au Conseil d'Etat que vous ne devez pas vous endormir dans les négociations avec les autorités françaises, vous devez travailler beaucoup plus avec le Conseil fédéral, avec le département et le SECO, parce qu'il est vrai qu'à Paris - et là je donne mon avis sur le centralisme français - on a tendance à se «ficher», si vous me passez ce terme, de l'existence des autres pays et notamment de la région franco-genevoise. Qui plus est, les préfets et les autorités voisines changent malheureusement très souvent, donc il faut chaque fois recommencer les explications et renouer des contacts pour obtenir des résultats probants et que cette réciprocité existe réellement.
Pour toutes ces raisons, je suis prêt en ce qui me concerne à prendre acte de ce rapport, mais du bout des lèvres, et en vous disant d'être beaucoup plus activistes et attentifs, pour qu'on ait l'assurance qu'à terme cette réciprocité fonctionne normalement. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Je tiens tout d'abord à remercier le Conseil d'Etat pour son rapport. Cette réponse, sur un sujet utilisé par certains de façon diversement appréciable, montre la complexité du dossier et ce qu'il convient d'éviter, à savoir de confondre les conséquences de l'accord de libre circulation avec la législation d'un pays souverain au sein de l'Union européenne, qui a le droit de conserver sous l'empire de cet accord ses propres dispositions. Des dispositions qui compliquent certes la vie des entreprises suisses ou étrangères qui aimeraient être actives en France - et on imagine qu'elles sont toutes de qualité - mais qui compliquent aussi parfois la vie des entreprises françaises. J'aimerais insister sur ce point et vous remercier encore une fois, au nom de mon groupe, de votre réponse, Monsieur le conseiller d'Etat.
J'ajouterai un deuxième élément: vous précisez très clairement dans votre rapport - mais comme il n'est pas lu par l'ensemble de la population ou des PME, il convient de le rappeler explicitement aujourd'hui - que toute entreprise qui aurait des difficultés dans son accès au marché français est invitée à s'adresser au Service des affaires extérieures de votre département, qui agirait en tant qu'intermédiaire pour lui faciliter les démarches ou lui expliciter les difficultés éventuelles de la législation française. Cet appel que vous adressez aux entreprises, cette perche que vous leur tendez doit être saisie précisément par les plus petites ou les plus démunies d'entre elles, notamment en ressources juridiques, celles pour lesquelles ce défi de l'accès à un nouveau marché est le plus difficile. C'est une raison supplémentaire qui nous amène à penser que la réponse que vous donnez est de qualité.
J'aimerais encore dire que, si tel ou tel groupe n'était pas satisfait de la réponse du Conseil d'Etat, il lui était tout à fait loisible, à l'heure de la discussion sur l'ordre du jour, de demander que ce point soit sorti des extraits. Mais il est évidemment plus difficile d'y penser à l'avance quand on a déjà de la peine à anticiper pour soi-même ce que l'on est en train de faire, mais je n'insisterai pas sur ce point...
Monsieur le conseiller d'Etat, je tiens à dire combien il convient dans cette affaire - comme dans d'autres, d'ailleurs - de sortir des excès et de se rendre compte que les entreprises genevoises ne sont pas à l'agonie ! Les récents comptes provisoires de l'Etat pour 2007 montrent, au contraire, la santé éclatante de la grande majorité des entreprises de notre canton et combien celles-ci contribuent à notre bien-être et apportent des recettes fiscales utiles aux tâches essentielles de l'Etat, notamment dans le domaine social.
Par conséquent, je voudrais dire qu'ici, si certains n'ont pas inventé la poudre, d'autres contribuent à produire des recettes qui peuvent rendre Genève prospère ! Je vous remercie.
M. Roger Deneys (S). Une fois n'est pas coutume, j'approuve les propos de mes collègues Weiss et Barrillier, parce que je partage leur analyse de ce document, notamment le fait qu'il existe une structure qui permette de signaler d'éventuels problèmes.
C'est vrai que c'est une réponse de qualité, mais il serait peut-être possible d'aller un peu plus loin et le Conseil d'Etat pourrait certainement formuler des propositions d'ordre financier. Par exemple, s'il y a des démarches administratives importantes qui sont de nature à pénaliser les PME de notre canton, on peut imaginer que la collectivité publique genevoise prenne à sa charge une partie de ces frais supplémentaires, car ce serait une manière de rééquilibrer l'égalité de traitement entre les entreprises françaises qui viennent en Suisse et les entreprises suisses qui vont en France. Mais cela pourrait, selon moi, faire l'objet d'une autre proposition de motion.
De plus, Monsieur Stauffer, quand on lit l'invite suivante: «à saisir le Conseil fédéral - c'est d'ailleurs une formulation audacieuse - afin qu'il fasse respecter la réciprocité des accords bilatéraux...», on se dit que, décidément, l'autorité genevoise est bien grande si elle peut saisir le Conseil fédéral pour lui demander de faire respecter les accords bilatéraux ! Mais c'est un objectif souhaitable.
En revanche, Monsieur Stauffer, ce que je trouve totalement inadmissible, je tiens à le préciser, c'est que vous fassiez des théories générales sur les PME genevoises, qui seraient en train de mourir à cause de ces accords bilatéraux. D'une part, c'est totalement faux et... (Brouhaha. Remarques.) ... d'autre part, Monsieur Stauffer, si les entreprises genevoises commençaient par employer des collaborateurs genevois, ce serait bien plus simple ! D'ailleurs, vous faites partie d'un mouvement qui s'en prend systématiquement aux frontaliers, or il n'y a pas si longtemps j'ai lu dans le «Courrier» que le président de votre parti a été condamné pour avoir employé une frontalière sans la payer selon les barèmes prévus par la convention collective ! C'est totalement scandaleux et c'est la preuve de votre démagogie permanente dans ce genre de débats. (Applaudissements.)
Une voix. Très bien !
M. Gilbert Catelain (UDC). Je ne pense pas que ce débat doive être l'occasion de jeter la pierre à l'un ou à l'autre. La motion a été renvoyée au Conseil d'Etat avec l'assentiment de l'ensemble de ce parlement, c'est donc qu'elle a soulevé un problème qui existe.
Concernant le rapport du Conseil d'Etat, on peut ou non en être satisfait, en tous les cas il apporte un certain nombre de réponses et nous indique notamment que le gouvernement reconnaît le problème, mais qu'il est en cours de traitement.
Il nous signale également - contrairement à ce que dit M. Stauffer, qui pense que le Conseil d'Etat ne fait rien - qu'il y a eu le 23 février 2005 - c'est une date lointaine, me direz-vous ! - une réunion avec le Ministère français de l'économie, des finances et de l'industrie, à laquelle a participé le délégué cantonal aux marchés publics du canton de Genève. Il est écrit dans le rapport que «cette réunion a été l'occasion de faire part aux autorités françaises des difficultés rencontrées par les entreprises suisses et genevoises pour effectuer les démarches liées aux appels d'offres publics, notamment en matière de garantie décennale, de reconnaissance des qualifications professionnelles et de représentation fiscale.»
Sur ce point-là, le parlement et le Conseil d'Etat sont d'accord. Ce qui nous intéresse, c'est l'évolution de ce dossier depuis février 2005, soit au cours des trente derniers mois. Et là, effectivement, on peut être un peu sceptique par rapport à la réponse du Conseil d'Etat, qui est en réalité plutôt administrative et qui vise davantage à préserver les bonnes relations entre Genève et la France voisine. (Brouhaha.) Reste que la proposition que nous fait le MCG est contradictoire ! En effet, il demande d'un côté au Conseil d'Etat - à juste titre - de défendre les entreprises genevoises et, d'un autre, il conteste les mesures protectionnistes administratives adoptées par la France, qu'il aimerait pourtant que Genève prenne aussi... On ne peut pas demander l'inverse et son contraire !
Nous devons arriver, dans ces réunions avec la France, à une harmonisation la plus large possible des conditions d'exercice des activités économiques, car il n'est pas acceptable que des clients potentiels doivent renoncer à engager une entreprise suisse, même si elle fournit une prestation moins chère qu'une firme française, sous le seul prétexte que les conditions administratives requises sont trop lourdes ou ne peuvent tout simplement pas être réalisées à un coût supportable.
On en vient, dans ces accords bilatéraux, comme pour le marché unique au niveau de l'Union européenne, à une contradiction entre des normes supranationales et des normes nationales qui empêchent les premières de s'appliquer. On arrive au même phénomène qu'avec la directive Bolkestein qu'on a finalement retirée, qui visait à imposer les charges sociales dans le pays d'origine de l'entreprise et non pas dans celui où la prestation est fournie.
Nous avons donc du pain sur la planche: nous devons passer les terrains à nos voisins et défendre nos entreprises, mais cela doit se faire dans un climat de travail harmonieux. De plus, d'autres problèmes surgissent qui n'ont pas été relevés dans la motion MCG, par exemple le fait qu'une entreprise européenne qui vient installer des cuisines à Genève, faire des travaux de terrassement ou poser du carrelage peut très bien engager des ressortissants non européens - pakistanais, indiens, érythréens - c'est monnaie courante, et il est fort possible qu'une partie des citoyens se soit laissé tromper en pensant que ces accords bilatéraux ne s'appliquaient qu'à des ressortissants européens alors que ce n'est pas le cas. En effet, il leur suffit de disposer d'un permis de séjour de six mois en Italie pour qu'ils puissent exercer avec l'entreprise italienne qui les engage une activité lucrative en Suisse.
En résumé, le groupe UDC acceptera du bout des lèvres ce rapport du Conseil d'Etat et l'invite à régler sous forme de négociations avec la France et l'Etat fédéral les problèmes d'application de ces accords bilatéraux.
Une voix. Bravo !
M. François Gillet (PDC). Le parti démocrate-chrétien, comme le MCG, est soucieux de l'avenir des entreprises genevoises, en particulier des PME. On peut être d'accord avec le constat de la motion MCG - et nous le sommes - qu'il est difficile aujourd'hui pour les entreprises genevoises de travailler sur le territoire français, et c'est une réalité. Mais de là à conclure, comme M. Stauffer, que le rapport du Conseil d'Etat est vide, à accuser ce dernier d'inaction et à souhaiter qu'il légifère ! Jusqu'à preuve du contraire, il me semble que ni le Conseil d'Etat ni notre parlement ne peuvent légiférer concernant les lois françaises, donc cette vision me paraît pour le moins idéaliste de la part de M. Stauffer.
En revanche, il est juste de rappeler, comme le fait le rapport, que nous devons être attentifs à l'évolution de la situation et que nous devons, dans les futures négociations, faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que cette disparité réelle s'atténue. Il est également judicieux de relever, ainsi que l'a fait M. Barrillier, que les associations professionnelles ont elles aussi leur rôle à jouer pour que cette situation s'améliore.
Maintenant, nous ne pouvons pas aller beaucoup plus loin. La préoccupation du MCG est légitime, mais M. Stauffer ne peut pas demander à notre parlement ni au Conseil d'Etat de changer les lois françaises. Merci.
La présidente. Monsieur Stauffer, vous avez demandé la parole mais, que je sache, vous n'avez pas été personnellement mis en cause. C'est donc au tour de M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger de s'exprimer.
M. Eric Stauffer. Franchement, Madame la présidente, j'ai entendu... Mais ce n'est pas grave, je répondrai plus tard.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je ferai le maximum pour me retenir, de manière que personne ne se sente mis en cause. Mais enfin, il y a tout de même un certain nombre de choses que l'on ne peut pas laisser dire.
Je remercie d'abord le député Barrillier, parce que notre rapport, on ne l'a pas rendu la fleur au fusil, mais bien pour dire où on en est. Et ce que l'on a fait depuis 2005 - je vous l'avais signalé au cours du débat antérieur - c'est notamment, dix jours après votre motion, de donner votre texte lors de la rencontre ayant lieu dans le cadre de nos relations bilatérales qui comprennent l'Etat fédéral, l'Etat français et les pouvoirs régionaux de part et d'autre. A vrai dire, j'en avais enlevé l'exposé des motifs parce qu'autrement on n'aurait probablement pas terminé le repas, tant celui-ci était injurieux.
Et j'ai insisté sur le fait que nos relations de bon voisinage sont indispensables à la création de la région, notamment à travers le projet d'agglomération, mais surtout parce que nous sommes dans un bassin de vie et qu'il doit peu à peu transcender les administrations de part et d'autre pour que, à terme, il y ait un équilibre des règles. Or cela ne se fait pas en s'injuriant mais en travaillant !
Cette commission mixte franco-suisse se réunit une à deux fois par année. On a proposé de se retrouver un peu plus souvent maintenant mais, élection présidentielle oblige, les choses ont temporairement été suspendues pour permettre au nouveau président français de se déterminer sur l'ampleur qu'il entendait donner à cette collaboration. J'ai d'ailleurs pour celle-ci des espoirs très particuliers, puisque le nouveau préfet de région, que je rencontre mardi prochain, est l'ancien directeur de cabinet du ministre Sarkozy de l'époque. C'est donc dire qu'en tout cas on aura une vraie ligne directe pour savoir sur quel terrain nous pourrons avancer.
Mais cela ne se fera qu'en connaissant les règles que nous avons adoptées, et qui sont celles des accords bilatéraux. Personne au monde n'imagine que la Suisse a perdu quelque chose en signant ces accords. Il se peut que, dans tel ou tel domaine ou annexe - on aura l'occasion d'en parler plus tard s'agissant de l'assurance-maladie - on eût pu faire mieux. Mais quand on voit ce que l'excellence des négociateurs suisses a pu obtenir en matière d'accords bilatéraux, j'ai de la peine à dire qu'il faut tout jeter par la fenêtre !
Il est d'ailleurs difficile de ne pas se rendre compte que ces accords ont permis à la Suisse - ce n'est pas la seule conséquence, mais c'en fut une - de retrouver de manière spectaculaire le dynamisme économique auquel notre pays est habitué. Est-il utile de rappeler qu'il y a à Genève 60 000 emplois de plus que de gens en âge de travailler ? Et je dois entendre par là qu'il y aurait des entreprises à l'agonie ? Bien sûr qu'il y en a, et c'est un drame, mais toutes les entreprises - c'est la vie - naissent, grandissent et, un jour ou l'autre, certaines d'entre elles sont appelées à mourir, parce qu'elles ne peuvent pas toutes fonctionner de manière pérenne dans l'économie de marché où la concurrence fait que, à un moment donné de l'évolution d'une société, il se peut qu'elle perde son pouvoir concurrentiel.
Mais, en la matière, et notamment dans un domaine qui vous est cher, Monsieur le député Barrillier, j'ai été tout de même stupéfait d'apprendre, dans le bon sens du terme, que les chantiers de Neydens avaient été confiés à des entreprises suisses ! Qu'est-ce que cela signifie ? Fait-on la publicité de nos entreprises lorsqu'on clame haut et fort qu'elles sont toutes à l'agonie ou, au contraire, qu'elles sont si bonnes que, même dans des conditions difficiles, elles ont obtenu le marché ?
Or c'est précisément de cela qu'il s'agit, c'est exactement ce qui fait que les carreleurs genevois peuvent tous oeuvrer en France, parce qu'ils travaillent bien mieux que ceux qui exercent ce métier de l'autre côté de la frontière et que c'est reconnu de part et d'autre.
Alors, encore une fois, nous ne triomphons pas de cette réponse ! Nous disons que c'est un travail quotidien, qui doit cibler les problèmes spécifiques - dont un certain nombre ont été résolus - et je vous suggère de lire l'annexe de notre réponse qui vous donne les noms, numéros de téléphone et adresses e-mail de personnes à contacter en cas de difficultés. Par exemple, pour la garantie décennale, vous aurez peut-être vu, Monsieur Barrillier, qu'il est désormais possible de saisir le Bureau central de la tarification qui va imposer le risque à une assurance si les autres ont refusé de le faire.
On voit donc que les progrès se font. Ils sont lents, et de part et d'autre, parce que les Français ont parfois à notre égard des demandes que nous ne pouvons pas non plus satisfaire, puisque cela dépend de la Confédération et pas du seul canton. Et nous devons donc d'abord apprendre à nous connaître et à nous respecter.
Pour celui - car je crois qu'il n'y en a qu'un - qui a marqué pendant ce débat tout le mépris qu'il avait envers le Conseil d'Etat, qui respecte les accords bilatéraux et essaie d'en obtenir une amélioration de l'application au jour le jour, je dirai qu'au-delà de son dédain à notre égard - ce avec quoi nous pouvons vivre - et, au fond, c'est une petite partie de notre fonction mais que nous assumons volontiers, c'est le peuple que vous méprisez, vous qui vous réfugiez toujours derrière la volonté populaire, parce que les accords bilatéraux, tels qu'ils ont été négociés et signés, ont été votés par la population ! Alors on ne prétend pas défendre le peuple lorsque l'on méprise le choix qu'il a exprimé par le vote. (Applaudissements.)
La présidente. Nous nous prononçons d'abord sur le renvoi au Conseil d'Etat du rapport M 1723-A, puisque cela a été demandé.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 1723 est rejeté par 53 non contre 8 oui et 2 abstentions
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1723.