Séance du
jeudi 20 septembre 2007 à
17h
56e
législature -
2e
année -
11e
session -
54e
séance
PL 9916-A
Premier débat
M. Damien Sidler (Ve), rapporteur. Il s'agit d'un projet de loi qui faisait partie d'un train de bouclements de crédits. Les projets de lois de ce train étaient au nombre de neuf. Au total, il était restitué une somme d'environ 20 millions de crédits non dépensés. Cependant, ce PL 9916 était le seul qui présentait un résultat négatif et la commission des travaux a souhaité le sortir de ce train de bouclements pour en faire un rapport séparé et l'étudier plus dans le détail. C'est pour cela que ce rapport arrive un peu plus tard que le train de bouclements qui a été voté il y a quelques mois.
Le dépassement en question est de 2,5 millions, soit environ 4,6%. Il s'agit principalement de modifications qui ont eu lieu en cours de travaux. Des éléments imprévus, surtout des modifications, ont été ajoutés à mesure que le chantier se déroulait.
A l'époque, le département des travaux publics, puisque le chantier s'est étalé de 1991 à 1993, n'était pas tenu de repasser devant le Grand Conseil pour demander ce complément de crédit - ce n'était pas jugé comme un changement important pour ce crédit. Depuis, il y a eu la LGAF, entrée en vigueur le 7 octobre 1993 - c'est donc la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat - et l'on voit que tout dépassement de crédit doit faire l'objet d'une demande. Donc, la situation antérieure n'est plus possible. En 1997, il a même été introduit une compétence supplémentaire qui permet à la commission des travaux de voter ce genre de complément de crédit sans passer par le Grand Conseil. Il faut bien vous imaginer qu'avec les dépassements qui sont mentionnés là, de quelques centaines de milliers de francs par année, le chantier aurait été bloqué pour pouvoir être examiné devant le Grand Conseil, ce qui aurait occasionné des frais de retard très importants. Ainsi, depuis 1997, la situation était parfaitement claire: ce genre de demande complémentaire est traitée en commission des travaux, le Grand Conseil en est informé mais le chantier ne prend pas de retard.
Pourquoi peut-on boucler ce projet de loi en 2007 seulement ? Parce qu'une subvention fédérale était attendue et que Berne a mis beaucoup de temps à établir le décompte final et à nous livrer le montant exact de la subvention.
La commission des travaux dans sa majorité vous recommande de voter le bouclement avec un solde négatif de 2,5 millions, sachant bien que les pratiques qui ont occasionné ce dépassement n'ont plus cours depuis de nombreuses années.
M. David Amsler (L). Pour compléter ce qu'a dit M. Sidler au sujet de ce projet de loi, je voudrais remercier le Conseil d'Etat d'avoir amené à la commission des travaux toute une série de projets de bouclements de crédits. Il y en avait neuf. Il y avait un crédit complémentaire qui dépassait le budget octroyé au projet. Ce dernier date de 1989. Ce que l'on peut regretter, c'est que ce bâtiment a été mis à disposition pour la rentrée 1998, cela fait donc bientôt neuf ans qu'il est en fonction.
On ne peut que demander au Conseil d'Etat de continuer à procéder de la sorte pour boucler au plus vite ces différents crédits. On sait aujourd'hui que la procédure mise en place est beaucoup plus stricte, puisque ces dépassements ne peuvent aujourd'hui plus avoir lieu: au-delà d'un million, le crédit concerné fait l'objet d'un crédit complémentaire obligatoire.
Je voulais surtout souligner le fait que ces bouclements de crédits étaient maintenant soumis régulièrement à la commission des travaux.
M. Olivier Wasmer (UDC). L'UDC entend aujourd'hui stigmatiser une pratique trop souvent acceptée par le Conseil d'Etat, à savoir les dépassements de crédits. Comme l'a dit le rapporteur, il semblerait qu'aujourd'hui cette pratique s'estompe effectivement. On constate malheureusement trop souvent à la commission des travaux que le Conseil d'Etat effectue des dépassements de crédits ou des non-entrées en matière sur des crédits, sans même passer par la commission afin qu'elle puisse faire valoir son droit de veto ou, le cas échéant, accepter ces demandes ou ces dépassements de crédits.
Le projet de loi dont il est question ce soir est un exemple de très mauvaise gestion de la part de l'Etat puisque, sur un crédit de 54 millions, il y a 2,5 millions de dépassement, ce qui représente environ 5%. C'est énorme ! Il faut que les citoyens, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, sachent que, malheureusement, on ne gère pas leur argent convenablement et que, très souvent, le Conseil d'Etat, comme je l'ai dit, prend des libertés et traite l'avis du Grand Conseil par-dessus la jambe.
En l'espèce, il s'agit d'un établissement scolaire, comme le nouveau cycle de Chêne-Bourg, dont on parlait aujourd'hui dans «La Tribune». Effectivement, le coût a presque atteint les 100 millions. On voit que dans toutes ces écoles qui ont été construites - je ne parle pas d'édifices comme les bâtiments hospitaliers - des montants faramineux sont en jeu et on ne maîtrise pas les coûts de ces crédits. Les 2,5 millions de dépassement proviennent, vous l'avez lu dans le rapport, de hausses légales payées pour presque un million et d'un dépassement justifié - j'ai bien dit «justifié», et non «injustifié» - de 1 627 000 francs.
J'ai posé des questions en commission pour savoir quelles étaient ces hausses légales - on peut effectivement se demander pourquoi il y aurait des hausses légales. La réponse que M. de Senarclens m'a donnée pour le département est qu'en fait il ne s'agissait pas de hausses légales, mais de hausses contractuelles, qui résultaient du contrat signé entre l'Etat et l'entrepreneur qui avait soumissionné. Or, dans cette sorte de situation, Mesdames et Messieurs les députés, on pourrait facilement remédier à ces dépassements de crédit. En effet, partout en Europe les maîtres de l'ouvrage recourent à des sociétés de surveillance, comme la SGS - qui, faut-il le rappeler, est une société genevoise - pour éviter les surcoûts des travaux.
Dans le cas présent, le mode de faire du Conseil d'Etat de l'époque ne semble pas adéquat au groupe UDC: M. de Senarclens a dit que ces contrats n'étaient pas des contrats à forfait, or des contrats dans lesquels le Conseil d'Etat s'engageait bien entendu à payer toutes les hausses résultant non seulement des modifications des conventions collectives de travail mais aussi du prix des matériaux.
A ce sujet, Mesdames et Messieurs les députés, je dois vous rappeler que le Conseil d'Etat pourrait parfaitement passer des contrats à forfait. Je vois déjà notre collègue député Barrillier hocher la tête... Evidemment, les contrats à forfait permettraient de cadrer très précisément le crédit et d'éviter tout dépassement... (L'orateur est interpellé.) Il est clair que, dans ce cadre-là, ce seraient les entrepreneurs qui prendraient le risque, bien évidemment, Monsieur Barrillier, vous avez tout à fait raison, et nous y avons pensé ! (Remarque. Brouhaha.) Mais il convient de savoir que l'Etat doit défendre l'intérêt des contribuables et des citoyens, et non pas celui des entrepreneurs.
Aujourd'hui, nous savons qu'il y a beaucoup d'entrepreneurs qui cherchent du travail; dans le cadre de soumissions, il appartiendrait aux entrepreneurs de faire le prix le plus bas lors d'une négociation pour la construction d'un ouvrage sur demande du Conseil d'Etat.
Je pense que le Conseil d'Etat doit aujourd'hui modifier sa manière de voir les choses pour qu'il n'y ait plus de dépassements, quand bien même le rapporteur nous a dit, sans qu'on n'en ait aucune preuve ni aucune assurance, qu'il l'a fait. Le député Amsler a dit tout à l'heure que nous avions cinq ou six projets de lois dont les crédits n'étaient pas dépassés; je ne peux que féliciter le Conseil d'Etat d'avoir respecté les projets de lois de crédits. Mais il faut que le cas présent soit un exemple, pour que le Conseil d'Etat choisisse à l'avenir une autre manière de faire pour éviter ces gros dépassements.
Pour cette raison, l'UDC ne soutiendra pas ce projet de loi.
M. Pascal Pétroz (PDC). Il ne s'agit pas ici de faire un débat sur les contrats d'entreprise à forfait ou les contrats d'entreprise qui n'ont pas été conclus à forfait. Si tel était le cas, je répondrais à mon préopinant qu'il a raison. Il est vrai que le mécanisme des contrats à forfait permet de se prémunir de toute hausse ultérieure. Cela, c'est la vision que nous pouvons avoir aujourd'hui en tant que députés, mais n'oublions pas que nous parlons d'un bâtiment qui est issu d'une loi de crédit de 1989. Autres temps, autres moeurs, Monsieur Wasmer !
En l'occurrence, le dépassement qui est constaté n'est certes pas enthousiasmant. On préfère toujours qu'une construction coûte moins cher que prévu... J'ai fait des travaux récemment dans mon appartement, eh bien, le dépassement était de 10% ! Donc, soit je suis très mauvais... (L'orateur est interpellé. Rires.) Peut-être, peut-être ! Mais quand on connaît un peu les milieux de la construction, il est vrai qu'il faut prévoir un dépassement d'environ 10%. Même si, sur le principe, un dépassement ne saurait être toléré, il faut tout de même convenir qu'un dépassement de 4,6% est acceptable.
Alors, pour l'avenir, oui au contrat d'entreprise à forfait. Mais, s'agissant des suites d'une loi de crédit votée en 1989, il me semble que ne pas la voter traduirait simplement une volonté de faire une mauvaise polémique et que, sans enthousiasme, nous devons voter cette loi de crédit complémentaire de bouclement pour passer à autre chose et pour faire mieux à l'avenir.
M. Alberto Velasco (S). J'aimerais dire à mon collègue Wasmer que les entreprises n'ont en l'occurrence pas grand-chose à se reprocher. Dans le rapport de notre collègue, page 4, il apparaît que les dépassements correspondent à des demandes ultérieures. Même si un contrat, bloqué comme ceux dont vous parlez, avait été fait, eh bien, les demandes supplémentaires auraient été facturées en plus. Ici, il s'agit de fenêtres coulissantes, de stores intérieurs, ce sont des travaux ultérieurs. Et les entreprises, qui ne peuvent pas travailler à perte pour nous faire des cadeaux, nous les ont facturés. La question qu'il faut se poser, c'est: ces demandes étaient-elles pertinentes ? Mais, comme l'a relevé notre collègue M. Pétroz: autres temps, autres moeurs !
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Comme vous le savez, on parle assez rarement des trains qui arrivent à l'heure, on ne parle que des trains qui ont du retard. C'est un peu l'illustration de ce principe que nous vivons en ce moment, puisque l'écrasante majorité, voire la totalité des crédits d'investissements gérés par le département des travaux publics, puis par le département des travaux publics et de l'énergie, puis par le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, et enfin, je l'espère, par l'actuel DCTI, sont tenus !
Il se trouve que nous avons ici un projet de la fin des années 1980 qui présente un déficit, permettez-moi de le dire, Monsieur Wasmer, relativement modeste, puisqu'il s'inscrit dans la limite que nous acceptons aujourd'hui au titre de divers et imprévus. Je ne crois donc pas que l'on puisse être choqué par ce cas précis.
Ce qui est intéressant, ce qui est important, c'est de dire que le Conseil d'Etat, et en particulier le département, tient à respecter les crédits qui nous sont alloués par le Grand Conseil et que, lorsqu'un dépassement est prévu et enregistré au niveau du département, nous venons devant la commission des travaux ou devant le Grand Conseil pour demander une autorisation de dépassement de crédit. C'est la loi, et nous l'appliquons, c'est tout à fait normal.
S'agissant maintenant des forfaits, il est vrai que le forfait peut présenter un certain intérêt et paraître de prime abord confortable. Cela étant, le risque, avec un contrat à prix forfaitaire, c'est que l'entrepreneur, confronté à l'obligation de respecter une enveloppe sous peine d'y aller de sa poche, néglige la qualité de l'ouvrage. Et je crois qu'en tant que collectivité publique nous devons être tout aussi attentifs à la qualité des bâtiments publics que nous réalisons qu'au respect des coûts. Donc, je crois qu'il est plus sage de faire comme jusqu'à présent, c'est-à-dire de venir devant le Grand Conseil avec une demande de dépassement, plutôt que de laisser l'entrepreneur se débrouiller avec une enveloppe, au risque de se retrouver avec des bâtiments de mauvaise qualité.
Mis aux voix, le projet de loi 9916 est adopté en premier débat par 62 oui contre 6 non et 2 abstentions.
La loi 9916 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9916 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui contre 5 non et 2 abstentions.