Séance du
jeudi 30 août 2007 à
10h15
56e
législature -
2e
année -
10e
session -
53e
séance
La séance est ouverte à 10h15, sous la présidence de Mme Anne Mahrer, présidente.
Assistent à la séance: MM. Laurent Moutinot, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.
Exhortation
Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Pierre-François Unger et David Hiler, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Anne-Marie von Arx-Vernon, Mme Caroline Bartl, Marcel Borloz, Beatriz de Candolle, Alain Charbonnier, Gabrielle Falquet, Jacques Follonier, Mariane Grobet-Wellner, Michel Halpérin, Georges Letellier, Ariane Reverdin, Louis Serex et Ivan Slatkine, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
La présidente. La commission législative vous demande l'ajout et la discussion immédiate pour le point suivant:
Projet de loi de Mmes et MM. Guillaume Barazzone, Anne Emery-Torracinta, Olivier Jornot, Christian Luscher, Loly Bolay, Damien Sidler, Michèle Künzler, Antoine Bertschy, Thierry Cerutti modifiant la loi approuvant les nouveaux statuts de la caisse de prévoyance du personnel des établissements publics médicaux du canton de Genève (CEH) (PA 627.00) (PL-10094)
Nous nous prononçons d'abord sur l'ajout de cet objet. Je rappelle que cette proposition doit obtenir une majorité qualifiée pour être acceptée.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour du projet de loi 10094 est adopté par 38 oui (unanimité des votants).
Mise aux voix, la discussion immédiate du projet de loi 10094 est adoptée par 41 oui (unanimité des votants).
Annonces et dépôts
Néant.
Premier débat
La présidente. J'invite M. Olivier Jornot à nous présenter son rapport oral.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons en effet accepté, le 29 juin dernier, la loi 9988 modifiant les statuts de la CEH - la caisse de prévoyance du personnel des établissements publics médicaux. Une erreur s'était glissée dans le texte voté. C'est ce texte erroné qui a été publié dans la Feuille d'avis officielle pour référendum. L'erreur a ensuite été repérée et il s'agit maintenant de la réparer.
L'article 216A de notre règlement exige que la correction soit prise en compte par le biais d'un projet de loi émanant de la commission législative. Ce dernier figure sur vos tables, il a été signé par l'ensemble des membres de la commission législative.
Ce projet de loi a également été examiné hier par la commission des finances qui, par un courrier de ce jour, confirme que le texte qui vous est proposé est bien celui qu'elle avait elle-même adopté à l'issue de ses travaux.
La commission législative a accepté ce projet de loi à l'unanimité. Je vous recommande aujourd'hui de l'adopter également.
M. Alberto Velasco (S). Ayant été rapporteur de ce projet de loi pour la commission des finances, je tiens à faire savoir que mon rapport était correct puisque les amendements y étaient mentionnés.
En tant que député de milice, j'avais expressément demandé au service du Grand Conseil de faire la transcription de la loi, qui était relativement complexe, mais celui-ci a malheureusement oublié de faire inscrire ces amendements. Il fallait bien que le précise et je tiens à ce que cela soit inscrit au Mémorial.
La présidente. Je vous remercie de ces précisions, Monsieur le député.
Mis aux voix, le projet de loi 10094 est adopté en premier débat par 44 oui (unanimité des votants).
La loi 10094 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10094 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 44 oui (unanimité des votants).
Premier débat
La présidente. La rapporteure de majorité est Mme Françoise Schenk-Gottret, absente pour l'instant, et le rapporteur de minorité est M. Christophe Aumeunier. La rapporteure de majorité est-elle remplacée ? Le parti socialiste a-t-il un ou une remplaçante ? (Commentaires. Brouhaha.) S'il n'y a pas de rapporteur de majorité, ce qui est regrettable, je donne la parole à M. Aumeunier, rapporteur de minorité.
M. Christophe Aumeunier (L), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant des principes de l'aménagement du territoire, il est prévu que les plans d'affectation soient réexaminés si les circonstances se sont sensiblement modifiées. Dans ce dossier, l'on voit mal quelles circonstances se seraient sensiblement modifiées dans le quartier qui justifieraient une modification des plans de zones.
Malheureusement, la pénurie de logements sévissait déjà lorsque ce Grand Conseil a déclassé les grands périmètres environnants qui ont permis la création du nouveau quartier de Cressy, ce grand quartier qui comporte 600 nouveaux logements avec, majoritairement, vous le savez, des logements subventionnés.
Le déclassement qui vous est proposé aujourd'hui touche une parcelle en zone villas, parcelle qui fait seulement 6800 mètres carrés, c'est-à-dire qui est, à mon sens, à peine assez grande pour faire l'objet d'un plan localisé de quartier. On n'est vraiment plus ici dans des tailles raisonnables au niveau de l'aménagement du territoire.
Alors il s'agit véritablement d'une pièce rapportée, par rapport au grand déclassement que le Grand Conseil a voté récemment. Pièce rapportée, parce qu'il y avait une logique à avoir une grande zone constituée de bâtiments de taille relativement importante et avoir une bande de terrain en zone villas. Aujourd'hui on y ajoute une pièce rapportée, et l'on péjore la clarté, la cohérence et l'harmonie du quartier.
Il y a une opposition totale de la commune au projet de déclassement. Cette opposition est forte et ne se fonde pas sur une volonté de ne pas avoir de construction. Au contraire, la commune a même proposé un projet de construction, dans lequel elle va au maximum de la densité permise en zone villas par dérogation. La commune va jusqu'à une densité de 0,4 - indice d'utilisation du sol - et elle est prête à proposer la construction de 27 logements.
Le groupe libéral prône en définitive le respect de la logique des zones. Nous devons densifier notre zone de développement. Nous avons décidé il y a trente ans que notre couronne suburbaine devait être densifiée, cela doit être fait !
Nous devons prévoir des déclassements cohérents et d'importance qui s'inscrivent dans une logique de l'aménagement du territoire. Ce respect de la logique des zones est cohérent pour limiter les oppositions. En l'espèce, le projet qui vous est proposé générera très certainement nombre d'oppositions. La commune y est farouchement opposée alors que le projet communal, qui respecte les zones, a, lui, toutes les chances d'avancer rapidement.
En conclusion, le groupe libéral demande, je le disais, le respect de la logique des zones. Il demande l'étude de projets de déclassement en conformité avec les principes de l'aménagement du territoire. Il demande un redoublement d'effort de la part des fondations immobilières pour densifier leurs terrains et pour favoriser le développement de projets d'importance conformes au zonage.
En conséquence de ce qui précède, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral vous recommande de refuser ce projet de loi.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole est à Mme Schenk-Gottret.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse de majorité. Madame la présidente, je vous demande de bien vouloir excuser mon retard. Une petite remarque liminaire: en relisant le rapport, à l'avant-dernier paragraphe de la page 2, je me suis aperçue que j'avais parlé du projet de loi 9608 au lieu du projet de loi 9806. Je pense qu'il est utile que cette rectification soit faite.
Ce projet de loi concerne un terrain situé le long de la route de Loëx et se trouve essentiellement sur la commune de Confignon, et pour une partie moindre sur la commune d'Onex. Il s'agit d'un terrain nu, actuellement occupé par les déblais du chantier de Cressy. Le Conseil municipal de la commune de Confignon avait donné un préavis défavorable à ce déclassement, même si le Conseil administratif s'était montré favorable au projet de loi lors de la demande de renseignement.
Le Conseil d'Etat a reçu les autorités de la commune, mais il leur a dit qu'il était d'accord d'entrer en matière sur l'étude que la commune proposait, à la condition que le nombre de logements et la densité soient identiques à ce qu'il prévoyait dans son projet. On a auditionné les autorités de la commune et, en fait, par les questions et réponses des commissaires entendus, il est apparu que le Conseil municipal ne s'était prononcé que sur le projet du Conseil d'Etat et non pas sur le contre-projet dit «de la commune».
Elément encore plus intéressant: nous avons auditionné M. Barro, président de la FPLC - je rappelle que M. Barro est un ancien collègue libéral - et il nous a rappelé que le but de sa fondation était de fournir des terrains pour construire des immeubles et créer du logement bon marché; il nous a rappelé qu'il y avait dans le cas d'espèce incompatibilité entre le statut de zone villas et le terrain en question. Celui-ci ne peut donc rester en zone villas et c'est pour cela que M. Barro espérait que ce déclassement se ferait rapidement - ce qui est loin d'être le cas - afin qu'il puisse remettre ensuite cette parcelle à une coopérative une fois le PLQ adopté. C'est pour cela qu'il souhaitait nous faire remarquer que le plan financier proposé par le projet communal était absolument impraticable pour sa fondation. M. Barro nous a aussi expliqué qu'il valait mieux avoir des immeubles tels que prévus, plutôt que des villas, ce qui permettrait aux villas existantes d'avoir un meilleur ensoleillement étant donné l'espacement entre les immeubles. Il y aurait aussi moins de nuisances telles que les tondeuses à gazon, piscines, etc.
Nous avons auditionné les opposants, ce qui s'est révélé intéressant et n'a pas été sans suite, parce que ceux-ci nous ont expliqué que, lorsqu'ils se sont installés dans leur quartier, le complexe Cressy Santé était destiné à devenir un centre d'accueil pour personnes handicapées et non pas un centre ouvert au public. Selon les opposants, il résulte de cette transformation de la vocation du centre des nuisances dues au parcage sauvage et des difficultés d'acheminement des enfants à l'école. Argument auquel nous avons été sensibles, puisqu'une motion a été signée par la majorité de la commission et renvoyée au Conseil d'Etat il y a quelques mois déjà. On ose espérer que le Conseil d'Etat a planché sur cette motion, parce que, si l'on donne raison à ses opposants quant à leurs récriminations, il n'y aura plus lieu de faire obstacle au déclassement de terrain. C'est pourquoi la majorité de la commission a accepté ce déclassement et je vous invite à faire de même.
M. Pascal Pétroz (PDC). Brièvement, pour vous dire qu'en application de l'article 24 je ne prendrai pas part au vote de ce projet de loi et que je quitte donc la salle. A tout à l'heure !
Mme Michèle Künzler (Ve). Si nous avons demandé l'urgence pour ce projet de loi, c'est pour dire que, depuis quinze ans ou plus, l'Etat est propriétaire de ce terrain. Maintenant, par le biais de la FPLC, il y a un projet de logement qui est en voie d'autorisation; c'est le moment de déclasser et de réaliser ces 40 logements. Quant à l'argument selon lequel les zones d'aménagement ne sont pas respectées, il ne tient pas, c'est justement pour cela qu'on déclasse ! Ce projet s'inscrit simplement dans la continuité et il faut bien mettre une frontière à un moment donné. On pourrait aussi bien argumenter en disant qu'on n'est pas en conformité avec la zone et déclasser en zone de verdure, puisqu'on est à proximité de la zone de verdure... on, soyons sérieux ! Nous avons besoin de logements !
Ces immeubles seront de deux étages sur rez et ils seront bien plus favorables aux villas situées à proximité qu'une éventuelle bande de villas en continu. Et là, nous aurons 40 logements coopératifs ! Franchement, je ne vois pas de raisons de s'y opposer. Je pense qu'il est nécessaire de voter immédiatement ce déclassement pour que l'on puisse construire, car tout est prêt !
M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en présence d'un cas typique où se collisionnent des intérêts divergents. Il y a la crise du logement, il y a l'autonomie communale, il y a le droit de propriété, il y a la crédibilité de la planification, de l'aménagement du territoire. Mais nous avons un élément à défendre et à mettre en avant, c'est l'intérêt général ! Je crois que cela a été rappelé tout à fait clairement, il ne s'agit pas de passer le rouleau compresseur sur l'autonomie communale ou sur je ne sais quoi ! Il s'agit de permettre de construire 40 logements de qualité, dans des bâtiments qui sont en cohérence avec leur environnement. Ces travaux sont prêts à démarrer. Il s'agit d'une fondation de droit public, présidée, on l'a dit, par Florian Barro. Il pourrait être de n'importe quelle couleur politique, il a quand même défendu ce principe d'intérêt général ! Nous avons également demandé au Conseil d'Etat de régler le problème de la circulation et de la mobilité dans ce secteur. A côté, à Cressy, il y a également un secteur situé en zone de développement 4B.
Donc, toutes les conditions sont réunies et je crois que le rôle du Grand Conseil et d'un député d'un parti politique qui défend l'intérêt général est de voter ce projet de loi, ce que le groupe radical va faire unanimement !
M. Jean-Michel Gros (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral partage les conclusions du rapport de minorité de M. Aumeunier. Premièrement, parce qu'il se pose la question de savoir pourquoi cette parcelle a été, et je mets des guillemets, «oubliée» lors du vaste déclassement de Cressy qui a permis la construction de 600 logements et d'un centre de santé, et ceci tout récemment. Etait-ce volontaire de la part du Conseil d'Etat, pour mieux faire passer la pilule auprès des habitants de cette région ? Avait-on alors pris en compte une liaison plus harmonieuse entre la zone densifiée de Cressy et la zone villas qui entoure complètement ce secteur ? Aucun élément, Mesdames et Messieurs, n'a fondamentalement changé jusqu'à aujourd'hui ! Cressy vient d'être achevé et la zone villas continue à longer ce quartier. Il n'y a donc aucune raison de revenir maintenant avec un tel projet de loi ! C'est faire fi d'une politique cohérente d'aménagement du territoire. A preuve même que le déclassement proposé est ce qu'on appelle un timbre poste, tant décrié par les autorités fédérales dans d'autres secteurs.
Deuxièmement, le groupe libéral est respectueux des préavis émis par les communes. Or celui de Confignon est clair, c'est non ! Et tant du côté de l'exécutif que du côté du Conseil municipal, Madame le rapporteur de majorité ! Et il ne s'agit pas pour cette commune de refuser toute construction de logements, non, elle a même fait des propositions pour accepter la construction de 26 logements au lieu des 40 induits par le projet de loi, permettant ainsi une liaison harmonieuse entre le quartier de Cressy et la zone villas. Cette solution aura en outre l'avantage de permettre d'éviter des futurs recours et autres oppositions et, ainsi, accélérer la mise à disposition de logements supplémentaires.
Troisième élément enfin, le groupe libéral partage les soupçons émis par le rapporteur de minorité, que ce projet de loi pourrait poursuivre d'autres intérêts que le simple aménagement du territoire et qui seraient une forme sournoise de mainmise de l'Etat sur des terrains par l'intermédiaire de fondations de droit public. C'est pour toutes ces raisons que le groupe libéral refusera ce projet ! (Applaudissements.)
M. Olivier Wasmer (UDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, vous savez que l'UDC a toujours été très sensible aux problèmes de logements, comme beaucoup de partis ici, et elle avait un choix cornélien à faire concernant ce projet de loi. En effet, nous savions que, d'un côté, les autorités communales - que nous respectons énormément - s'opposaient à ce projet de construction d'immeubles et que, de l'autre, le besoin de logements, que tout le monde connaît ici, était un paramètre à prendre en considération.
Cela étant, aujourd'hui je me rallie à ce qu'a dit tout à l'heure mon collègue Barrillier: il est clair que nous sommes devant un enjeu d'intérêt public majeur. En effet, on pourrait construire des villas, zone à laquelle l'UDC est également favorable, par contre ces dernières n'apportent pas la moitié des logements qui pourraient être construits.
Pour tous ces motifs, l'UDC, après avoir hésité longtemps, s'est déclarée également d'accord avec ce projet de loi, dans la mesure où l'on pourra édifier beaucoup plus de logements, ce qui est une véritable nécessité dans ce canton.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Pendant cet été, surtout vers la fin, on a beaucoup parlé de squats illégaux... Je pense que, dans cette situation, on est dans le squat légal. Est-ce profitable pour les gens ? Est-ce que cela ne l'est pas ? Je vous laisse répondre à la question.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous allons être d'accord avec nos voisins d'en face pour soutenir ce texte. Je dirai simplement que je suis assez étonné par le parti libéral qui est d'habitude favorable à une construction à outrance. Normalement, c'est la gauche qui s'y oppose, et là on est dans le cas inverse.
Nous estimons que 40 logements, c'est bien ! Ce n'est de loin pas suffisant, on connaît les problèmes actuels de Genève, mais si l'on met dans la balance 27 logements contre 40, on choisira 40 !
Nous allons donc soutenir Mme Künzler.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je crois que le parti libéral se démasque vraiment ! Qui protège-t-il ? Le droit public ?! Non, vous protégez les propriétaires de villas, vous protégez en fait des prés carrés ! Vous appelez «timbre poste» 7000 mètres carrés et vous empêchez la réalisation de logements sociaux ! Le projet de la commune ne peut pas être exécuté par une fondation de droit public puisqu'il s'agit d'un projet de villas ! En l'occurrence, j'invite tout le monde à voter ce projet de déclassement. Il s'agit d'un terrain nu. La zone en question n'est pas entourée de villas, puisqu'elle est contiguë aux Evaux.
Je crois qu'il faut être sérieux, il faut avancer dans un projet d'intérêt public, en cessant de toujours favoriser les propriétaires de villas et accorder des privilèges. Donc à cet endroit-là, il faut construire !
M. Alberto Velasco (S). Vu l'importance de ce projet de loi et eu égard à la situation du logement dans le canton, je demanderai qu'on procède à un vote nominal sur ce projet.
La présidente. Etes-vous soutenu, Monsieur le député ? (Remarques.) Oui, vous l'êtes. La parole est à M. le conseiller d'Etat.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vois avec satisfaction ce projet de loi figurer dans votre ordre du jour, puisque sa genèse remonte à une époque où je m'occupais de l'aménagement. Si le Conseil d'Etat, législature après législature, tente sans discontinuer de répondre à la pénurie de logements, les projets à Genève se trouvent toujours en butte à un nombre considérable de difficultés qui, comme l'a rappelé M. Stauffer, ne viennent pas toujours du même côté.
En l'occurrence, lors des premiers débats, les problèmes de circulation avaient été évoqués et la commission de l'aménagement avait adressé une motion au Conseil d'Etat. La réponse à cette motion vous a été apportée ainsi que les moyens de résoudre les problèmes liés à la circulation. Alors aujourd'hui, pour les excellentes raisons rappelées notamment par M. Barrillier et par Mme la rapporteure de majorité, le Conseil d'Etat vous invite à voter ce projet de loi.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 9806 est adopté en premier débat par 60 oui contre 12 non.
La loi 9806 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9806 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui contre 9 non et 3 abstentions.
Débat
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Les remarques du groupe socialiste s'adressent en fait à M. le conseiller d'Etat Longchamp et nous regrettons qu'il ne soit pas là. (Remarque.) Vous êtes moins concerné, Monsieur Moutinot. Le groupe socialiste est consterné par le contenu du rapport du Conseil d'Etat sur ces deux pétitions. En outre, que le Conseil d'Etat aille jusqu'à dire qu'en matière de politique d'asile tout se fasse en conformité avec la tradition humanitaire de Genève est d'une désinvolture révoltante !
Etant donné le temps de parole qui nous est imparti, je ne mentionnerai en exemple que quelques points de ce rapport. En effet, en ce qui concerne la pétition contre l'interdiction de travailler, affirmer que certaines personnes percevraient de manière indue des prestations de chômage est une façon que le Conseil d'Etat croit habile pour désigner de nouveaux abus, comme aime à le faire l'UDC. Les suppressions de l'autorisation de travailler ont également frappé des personnes qui n'étaient pas au chômage. Quant à celles qui touchaient des prestations de leur caisse de chômage pour avoir dûment cotisé avant de perdre leur emploi, leur situation n'avait rien d'indue. Faire allusion au fait que le conseil d'Etat a accédé à la demande de la Coordination asile Genève de renoncer à prolonger au-delà des trois mois l'interdiction générale de travailler imposée aux nouveaux arrivants n'a rien à voir avec la question du travail des déboutés ! Genève est d'ailleurs le seul canton romand à se montrer aussi restrictif.
Au final, aucune mesure propre à favoriser l'activité professionnelle plutôt que le désoeuvrement et l'assistance n'est envisagée. C'est une option qui n'est pas à la hauteur des problèmes qui se posent et qui iront en s'aggravant.
En ce qui concerne la pétition 1492, s'agissant des conditions d'existence des personnes frappées de non-entrée en matière - les NEM - le Conseil d'Etat mentionne curieusement l'existence d'une mission consultative qui n'a aucun pouvoir et au sein de laquelle la consultation est singulièrement limitée, afin qu'il n'y ait aucun problème qui se pose. La réalité, telle qu'elle s'est développée depuis 2004 montre pourtant que l'aide urgente comme elle est organisée est perçue comme tellement stigmatisante que 80% des intéressés se débrouillent par eux-mêmes, c'est-à-dire qu'ils se retrouvent dans la clandestinité en vivant de divers expédients. Le régime imposé aux personnes frappées de NEM reste ainsi inapproprié et il continuera de pousser la majorité des intéressés dans la clandestinité, voire dans la délinquance. Cela revient, hélas, à faire le lit du populisme xénophobe qui se nourrit de ce genre de situations et de leurs effets pervers.
C'est pourquoi le groupe socialiste refuse ce rapport du Conseil d'Etat et demande qu'il soit renvoyé à son auteur.
Mme Christiane Favre (L). Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition traite d'un sujet dont nous avons débattu en juin dernier au point 23 de notre ordre du jour, motion 1737 qui a été envoyée à la commission sociale. Contrairement à ma préopinante, je remercie le Conseil d'Etat de ses explications, qui seront fort utiles aux travaux de la commission, et nous prenons acte de ce rapport.
M. Eric Stauffer (MCG). Tout simplement, j'aimerais réagir aux propos de ma préopinante de gauche qui dit que cela fait le lit du populisme et des xénophobes. Alors là, je dois m'élever en faux avec beaucoup d'énergie ! Parce que c'est justement le fait de pouvoir imaginer et autoriser des NEM, des non-entrées en matière, qui crée en fait une discrépance totale entre nos différentes lois ! Si la loi est faite pour accueillir les vrais réfugiés politiques, ce que nous prônons et que nous soutenons, en revanche, la fermeté absolue et la tolérance zéro doivent être appliquées aux non-entrées en matière, sinon cela équivaut à dire à toute une population, qui est malheureusement défavorisée: «Venez en Suisse, vous n'aurez pas le droit d'y rester mais vous pourrez y travailler et y vivre.» Et ça, ça ne passe juste pas, dans un Etat de droit qui se respecte ! En revanche, nous soutiendrons les aides à ces pays pour que leurs ressortissants ne viennent pas échouer, dans des conditions lamentables, dans notre canton ou en Suisse en général.
Donc, nous prenons aussi acte de ce rapport, mais je ne peux pas laisser dire des contrevérités: nous, nous défendons les résidents de ce canton et de ce pays en respectant les lois, et il n'y a pas de dérogations à la loi. Nous sommes là pour voter ces lois et nous somme là pour les changer si elles ne sont pas bonnes, mais il est hors de question d'autoriser des gens à travailler alors qu'ils n'ont rien à faire sur le territoire helvétique !
M. Jean Rossiaud (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut rappeler que l'asile, c'est le refuge. Ce que nous sommes aujourd'hui et ce qui a fait la richesse et la place dans le monde de Genève, c'est l'accueil de l'étranger qui fuit la guerre et la torture. Lui offrir l'hospitalité, c'est lui offrir un minimum de sécurité personnelle. Cette sécurité personnelle est tout d'abord matérielle et c'est le rôle que remplit l'Hospice général. Toutefois, cette sécurité personnelle repose également sur un minimum d'intégration, même si cette dernière est très provisoire. Cette intégration, même très provisoire, je le répète, doit reposer sur la possibilité de travailler et d'être rémunéré pour cela. C'est une question de dignité ! Les Verts se sont toujours opposés avec vigueur à la politique des non-entrées en matière. Cette politique est indigne de la Suisse ! C'est une première chose, mais, surtout, cette politique est indigne de Genève qui se renie en la mettant en oeuvre !
Le 21 février dernier, dans sa réponse à l'excellente interpellation urgente de Mme Emery-Torracinta, le Conseil d'Etat a écrit qu'il y avait «lieu de tenir compte de la volonté des autorités fédérales de ne pas créer des conditions trop attractives et de mettre en place un dispositif suffisamment dissuasif.» Dissuader les victimes de guerres, dissuader les victimes de tortures de demander l'asile ! Voilà la politique du Conseil d'Etat ! Cette conception de l'asile est honteuse et nous ne la partageons pas ! Les générations futures nous le rappelleront, soyez-en certains !
Un dernier mot. Dans sa même réponse, le Conseil d'Etat annonce qu'il demandera à l'Hospice général de procéder à un bilan au terme des six premiers mois après l'entrée en vigueur du règlement d'application, soit le 1er juillet 2007. Ce terme est passé, nous n'avons rien reçu, et en tant que président de la commission de contrôle de gestion je vais demander à la commission de mettre à l'ordre du jour le suivi de ce dossier ! (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC prend acte du rapport du Conseil d'Etat. Il ne voit pas ce qu'il y de choquant dans ce rapport qui est purement objectif. Le Conseil d'Etat a constaté une situation qui n'était pas conforme au droit, il a rétabli la primauté du droit en la matière. Il nous rappelle que ce parlement a voté une loi sur l'aide sociale, entrée en vigueur au 1er janvier. Il nous rappelle aussi que le filet social assurant des conditions d'existence dignes également aux personnes relevant de la loi sur les étrangers ou de la loi sur l'asile est appliqué dans ce canton. Il ne s'agit pas ici d'un rapport populiste. D'ailleurs, c'est bien la première fois que j'entends dans cette enceinte un parlementaire qualifier de populiste un rapport d'un Conseil d'Etat de gauche - d'autant que je n'avais jamais entendu cela pour un Conseil d'Etat de droite. C'est donc une nouveauté et je pense que ces propos sont davantage dus à l'émotion qu'à la raison.
En conséquence, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à prendre acte des évolutions de l'application du droit dans ce domaine et des efforts qui sont faits par ce canton pour que les modifications législatives soient appliquées dans les meilleures conditions possibles.
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, si le groupe démocrate-chrétien prend acte de ce rapport, il reste sceptique quant à certains aspects évoqués dans celui-ci. Pour notre groupe, il est évident que l'inactivité de certaines communautés étrangères qui se trouvent sur notre territoire, quel que soit leur statut, incite à la clandestinité, incite à la délinquance. Nous devons réfléchir à ce contexte et tenter de trouver des solutions.
Nous sommes satisfaits que notre motion 1737, prévoyant l'attribution d'activités d'intérêt général aux NEM, ait été renvoyée en commission sociale. Nous pensons que ce débat doit se poursuivre et qu'il s'agit de trouver des solutions meilleures que celles qui prévalent dans la situation actuelle.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai fait partie, comme un certain nombre d'autres conseillers d'Etat ou d'autres députés, de ceux qui se sont opposés à la nouvelle procédure qu'a introduite à l'époque l'Assemblée fédérale pour créer cette catégorie bizarre des personnes frappées d'une décision de non-entrée en matière.
Cela dit, cette législation a été votée et, par conséquent, le gouvernement cantonal se doit de l'appliquer. La seule marge dont il dispose, c'est de l'appliquer avec la plus grande humanité possible.
Monsieur Rossiaud, je ne peux pas vous laisser dire ce que vous avez exprimé tout à l'heure à propos du Conseil d'Etat ! Vous faites un amalgame tout de même un peu court entre la politique d'asile en général et la manière dont sont traités en Suisse ou à Genève - et il y a une différence - les personnes frappées d'une décision de non-entrée en matière. Par cet amalgame, vous laissez entendre que le Conseil d'Etat s'oppose à toute politique d'asile: c'est faux et vous le savez !
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur les pétitions 1480 et 1492 est rejeté par 39 non contre 29 oui.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur les pétitions 1480 et 1492.
Débat
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, durant la législature précédente, la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) a été interpellée par certaines affaires traitées par la presse, mettant en cause la réputation de hauts fonctionnaires ou de personnalités politiques. Il est au fond question du respect de la personnalité dans les médias et c'est un problème récurrent. Durant les travaux mêmes de la commission et durant la rédaction du rapport, de nouveaux événements - des faits divers - relatés par la presse laissent à penser que des personnes peuvent avoir subi un préjudice du fait d'avoir été mises en cause médiatiquement.
Il nous faut également rendre hommage à l'ensemble de la profession - que ce soient les éditeurs ou les journalistes - qui s'est prêtée à ce jeu des questions-réponses pendant pratiquement une année et a consenti à jouer le jeu du débat. Il faut aussi rendre hommage à M. Michaël Flacks - de l'ex-département de l'intérieur, de l'aménagement et de l'équipement - qui nous a accompagnés, ainsi qu'à Mme Eliane Monin qui a fait le rapport.
Au terme de cette réflexion, les commissaires sont convaincus du fait que, dans le domaine en question, les droits de l'Homme et de la personne ne sont pas menacés, et toute la profession doit s'en féliciter. Il n'en demeure pas moins que des dérapages médiatiques ont lieu occasionnellement, qui peuvent causer des dommages inutiles ou disproportionnés, souvent irréparables pour les personnes mises en cause dans les affaires administratives ou judiciaires ou encore relevant de faits divers. A une époque où la presse connaît de profondes mutations technologiques et commerciales, et pour que la situation actuelle ne se dégrade pas - ou mieux encore, pour qu'elle s'améliore - la commission des Droits de l'Homme a le devoir de continuer à exercer sa vigilance dans le domaine.
La première question à laquelle il fallait répondre était une question-piège. On nous a demandé de répondre à la question de la présomption d'innocence... Or il n'est en aucun cas question de la présomption d'innocence. La première chose qui nous est apparue est que nous nous étions fourvoyés dans la manière d'aborder la question. La seule question importante, du point de vue du citoyen comme de celui du journaliste, est celle de la protection de la personnalité. Et cette question concerne aussi bien les coupables que les innocents, et aussi bien leurs familles et leurs proches. C'est cette norme-là qui, parfois, entre juridiquement et éthiquement en conflit avec le droit des citoyens à être informés.
Il y avait donc erreur de perspective - une erreur de juristes et d'avocats. Cette erreur consiste souvent, aussi du côté des médias, à considérer que la liberté de la presse est un droit de la presse, un droit des journalistes et de ceux qui mettent la liberté de la presse en oeuvre, les éditeurs. Alors que non, Mesdames et Messieurs les députés, cette liberté de la presse est substantiellement au service des citoyens ! Qui, pour se faire une opinion, doivent pouvoir disposer d'une appréciation objective et positive des faits, à laquelle on peut adjoindre un commentaire, le cas échéant.
En conséquence, la commission a adopté une formulation différente, qui sera valable pour les législatures prochaines et qui est de savoir comment défendre ensemble le respect de la sphère privée et le droit à une information de qualité indispensable au bon fonctionnement de la démocratie.
La question qui se pose à la commission des Droits de l'Homme dans la durée, sur le long terme, est de savoir comment élaborer une politique publique qui relève à la fois de la promotion des droits démocratiques, dont font partie le droit à une information de qualité et le respect de la dignité des citoyens, la prévention des conséquences de la médiatisation des affaires judiciaires et des faits divers.
Une chose est claire: entre le droit du public à être informé, la liberté de la presse qui en découle et le respect de la sphère privée - notamment le principe de la présomption d'innocence - la tension ne pourra jamais être résolue. Ce n'est pas une question juridique qui se pose in fine, mais une question éthique à laquelle chaque journaliste est confronté, une question déontologique à laquelle chaque média doit répondre. Il serait ainsi faux de légiférer plus que nécessaire dans le domaine.
Cependant, il y a intérêt à discuter avec la profession entière pour qu'un certain nombre de règles éthiques et déontologiques soient appliquées. Tous les médias n'apportent d'ailleurs pas le même soin à cette question. On s'est entretenu avec l'ensemble de la presse écrite, orale et télévisuelle. On peut dire que les médias publics, notamment la Télévision suisse romande et la Radio suisse romande, font un travail extrêmement rigoureux en la matière, ce qui est moins le cas de certains journaux quotidiens ou hebdomadaires.
Ce qui est au coeur de notre réflexion sur le long terme, c'est la promotion d'une information de qualité et la prévention des dommages que peuvent causer la médiatisation de certaines affaires. La commission est convaincue que la démocratie et l'Etat de droit reposent sur la promotion d'une information de qualité aussi bien que sur le respect de la dignité des citoyens. Une promotion d'une information critique et une formation à l'image pourraient être systématisées. Par ailleurs, les conséquences de la médiatisation pourraient être prévenues, et c'est ce que nous avons fait dans cette commission en nous entretenant avec les journalistes, avec les rédacteurs en chef et avec des représentants d'éditeurs de journaux comme Ringier et Edipresse.
La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Rossiaud. Je vais prendre les trois minutes de temps de parole réservées aux Verts.
La présidente. Ces trois premières minutes sont largement dépassées. Vous utilisez déjà tout le temps qui vous est imparti, c'est-à-dire six minutes, et vous arrivez au bout !
M. Jean Rossiaud. Je vais donc conclure. Le volet de prévention et de promotion doit s'accompagner d'un volet pénal quand la loi est violée et d'un volet de réparation quand les personnes ont été atteintes dans leur honneur. C'est une politique permanente, et elle doit reposer sur un échange de vues régulier avec la presse.
Avec ce rapport, nous avons posé la première pierre - et je conclurai là-dessus. Nous avons posé un état des lieux en la matière et, aux prochaines législatures, il s'agira de remettre à jour et d'actualiser les données que nous avons obtenues, pour savoir si la presse respecte toujours à la fois la vie privée et le droit à l'information sans entrer dans le détail de la vie privée des gens.
Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord commencer en vous faisant remarquer la chance que nous avons que la fonction de député soit aussi variée, si l'on songe à la diversité des sujets traités par les différentes commissions. Par exemple, en commission des travaux, on s'occupe d'épaisseurs de fenêtres et de hauteurs de portes alors qu'à la commission des Droits de l'Homme, une commission relativement jeune, on s'occupe de problèmes hautement philosophiques. Je pense que nous pouvons être satisfaits de la variété des sujets abordés dans notre fonction !
Comment la commission des Droits de l'Homme en est-elle arrivée à se pencher sur le problème du droit à l'information sans qu'il y ait pour autant empiètement sur la sphère privée ? Eh bien, je crois que nous sommes tous concernés ! Parce que vous vous souvenez de ce qu'un problème réel concernant un ancien député émérite avait provoqué cette longue réflexion. Pour nous, commissaires, la question était de savoir si les textes légaux suffisaient. La liberté d'expression, quel privilège ! Mais la présomption d'innocence, quel concept inviolable ! Ces deux principes, l'un individuel, l'autre collectif, sont d'égale valeur et catalogués comme des droits de l'Homme importants - mais ils se font face et s'opposent l'un à l'autre. Il s'agit de deux principes judiciaires fondamentaux et c'est peut-être la première fois qu'une commission avait à réfléchir sur un sujet aussi philosophique.
Vous avez peut-être parcouru l'excellent et épais rapport de M. Rossiaud, que je tiens à remercier car les auditions des journalistes ont été fidèlement retranscrites; vous avez pu constater que tous sont venus - dans la limite topologique définie, évidemment - et ils ont tous accepté de collaborer à la réflexion de la commission. Peut-être aurions-nous même dû aller plus loin et entendre des journalistes spécialisés dans les questions judiciaires ? Car, souvent, les auditionnés ont essayé de définir ce qu'était un bon journaliste: est-ce celui qui permet un échange, une interaction de la pensée ou celui qui sait et qui informe, qui énonce clairement les faits en les commentant après avoir enquêté et procédé à des vérifications ? Aujourd'hui, les lecteurs veulent pouvoir exprimer ce qu'ils pensent, se sentir les égaux des journalistes, voire leurs supérieurs ! Claude Monnier écrivait dans la Tribune de Genève: «Le journaliste de déclamation du haut d'une chaire est donc mort et le temps est venu du dialogue universel où la parole de chacun vaudra celle de tous les autres, ou tout ne sera plus qu'échange, interaction, démocratie totale de la pensée.»
La présidente. Il va falloir conclure, Madame la députée.
Mme Janine Hagmann. Dans ce courant, on peut se demander si, dans les faits, la présomption d'innocence et la protection de la sphère privée sont respectées d'une façon égalitaire, c'est-à-dire dans chaque situation. Là, on constate que pour des personnes dites publiques les enjeux sont encore plus grands. Un journal nomme quelqu'un pour qu'il soit identifié, le dénommé n'a toutefois pas choisi d'être connu. Il peut lui arriver d'être pourfendu, lynché ! Ce n'est pas acceptable, c'est même amoral ! Notre société démocratique se doit d'être respectueuse des droits de l'Homme. Ce respect commence toujours par le respect de l'individu. Entre les deux droits sur lesquels portait la réflexion, je privilégierai la présomption d'innocence et le respect de la sphère privée, car un système qui privilégierait le droit à l'information serait un système qui tendrait à une dictature de l'ombre.
En conclusion, je dirai que nous avons dans ce rapport un magnifique catalogue de la philosophie des médias à ce jour. Ils se sont rendu compte de l'intérêt que les politiques leur portent, et c'est réciproque. Pour terminer, la commission des Droits de l'Homme a aussi une vocation pédagogique. Si j'appartiens au groupe libéral...
La présidente. Madame la députée, il vous faut conclure !
Mme Janine Hagmann. ... c'est que mes convictions m'incitent à préserver l'individu contre le nombre plutôt que le nombre par rapport à l'individu. C'est un choix de société qu'il a été intéressant de discuter avec les représentants des médias, dans la marge de manoeuvre qui est la leur, et je vous recommande de prendre acte de ce rapport.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai assisté aux séances de la commission des Droits de l'Homme réservées à l'étude de cet objet. Il est vrai que nous avons eu l'occasion de procéder à de nombreuses auditions d'éditeurs, de rédacteurs en chef et de spécialistes des médias.
A titre personnel, je ne peux pas dire que je considérais ce sujet comme un véritable problème de violation des droits de l'Homme dans la République et canton de Genève, mais il n'empêche qu'il est vrai que des personnes sont parfois mises en causes et qu'on peut se demander si toutes les garanties sont réunies pour que cela se passe dans le respect de règles bien délimitées.
Je pense que le rapport est excellent, parce qu'il dresse un état des lieux et comprend même une conclusion sous la forme de trois propositions qui concernent la formation des journalistes, l'adoption d'une charte et l'échange de vues entre les politiques - souvent mis en cause, à tort ou à raison, dans des affaires précisément dévoilées par la presse. Ce sont par ailleurs des pistes qui ne vont pas dans l'idée d'une norme légale supplémentaire.
Concernant le rapport, après coup, j'étais quand même un petit peu déçu sur un aspect. Mon nom a été évoqué une fois dans un article de la «Tribune de Genève»; j'étais assez perplexe parce que ce qui était relaté était faux. J'ai téléphoné au rédacteur en chef du journal, qui m'a dit qu'on me donnait la possibilité de répondre. Le problème, c'est qu'on y a mis des conditions, il fallait que cette réponse ait une certaine forme... On m'a dit que je ne pouvais pas répondre de telle façon ou de telle autre façon et que le texte que je proposais ne convenait pas. J'ai donc été un peu déçu par le rapport, bien qu'il aborde la question du traitement des personnes mises en cause et relève que les rédacteurs en chef et les éditeurs donnent beaucoup de preuves de bonne volonté pour dire qu'ils entrent en matière et qu'ils sont prêts à accorder des droits de réponse.
Mais concrètement, nous ne sommes pas suffisamment entrés dans le détail pour voir comment cela se passe en réalité. Je pense qu'il y a là quelque chose qui devrait être étudié de manière plus approfondie, pour voir comment cela se passe dans les faits. D'ailleurs, ma brillante collègue et députée Loly Bolay me faisait remarquer qu'elle avait justement évoqué ce fait et avait proposé en commission que, dans le cadre de la formation des journalistes à Lausanne, il soit fait appel à des victimes d'acharnement médiatique - appelons-les comme ça - pour que ces personnes puissent parler aux futurs journalistes et témoigner des conséquences de certains comportements médiatiques. Je dirai que c'est une bonne piste, car il est vrai que les journalistes ne mesurent peut-être pas toujours les conséquences de ce qu'ils disent et écrivent. On devrait donc les sensibiliser quant à cet aspect.
Pour le reste, dans les propositions, il y a aussi la question de la charte d'éthique. En ce qui me concerne, je pense que c'est un outil indispensable qui devrait s'appliquer à tous les médias, et à tous les journaux en particulier parce que ceux-ci ont une particularité: il s'agit souvent d'entreprises privées et leurs éditeurs sont des entrepreneurs commerciaux dont le but est de faire de l'argent. En l'occurrence, la charte d'éthique permettrait peut-être aussi d'éviter que les médias acceptent de diffuser des affiches honteuses telles que les affiches racistes de l'UDC !
M. Pierre Kunz (R). Mesdames et Messieurs les députés, permettez que je m'étonne. Que je m'étonne d'abord qu'une commission du Grand Conseil décide de traiter - en profondeur ! - un sujet qui n'a strictement rien à voir avec les compétences de ce Grand Conseil, sur la base de on-dit, sur la base de rumeurs et sur la base d'articles parus dans une certaine presse ! Le sujet en question relève strictement du droit fédéral !
Permettez que je m'étonne aussi que cette commission consacre à ce sujet - irrelevant, faut-il le rappeler - des dizaines de séances de travail, des dizaines d'auditions et des dizaines de milliers de francs de jetons de présence ! Permettez aussi que je m'étonne que l'on rédige à la fin de tout ça un rapport qui est illisible, excusez-moi, puisqu'il comporte 100 pages ! Un rapport d'une centaine de pages qui ne sert à rien, qui ne peut servir à rien !
Mesdames et Messieurs les députés, s'informer est une responsabilité que chacun de nous a prise lorsqu'il a accepté son élection en tant que député. Améliorer nos connaissances d'un domaine qui nous intéresse, qui nous est cher - qu'il soit de notre ressort en tant que députés dans ce parlement ou non - fait partie des responsabilités de chacun de nous. Ce n'est pas une responsabilité que peut s'arroger une commission qui s'est fait plaisir aux frais de la République, disons-le clairement !
Ce cas et ce rapport, Mesdames et Messieurs les députés, illustrent bien combien il est urgent que ce Grand Conseil réduise - les radicaux vous l'ont proposé il y a déjà bien longtemps - le nombre de commissions qui le composent et que ces dernières se mettent à centrer leurs travaux sur les sujets qui nous concernent réellement et qui sont vraiment de notre responsabilité ! Je vous remercie de votre attention et j'espère que nous en retirerons tous ensemble les conséquences qui s'imposent.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur, vous avez exactement une minute pour répondre.
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur. Je serai bref ! M. Kunz ne sait pas de quoi il parle ! La commission des Droits de l'Homme a été instituée par le Grand Conseil à l'unanimité. La commission des Droits de l'Homme a décidé à l'unanimité, radicaux compris, que la question du respect de la sphère privée était un des objets centraux pour notre commission. Ça, c'est la première chose !
Deuxièmement, ce rapport est effectivement volumineux, parce qu'il redonne la parole à chacun des représentants des médias. Si vous êtes flemmard, Monsieur Kunz, vous pouvez ne lire que les dix premières pages et les trois dernières !
Par ailleurs, le rapport pose aujourd'hui simplement les bases d'une réflexion qui doit être maintenue dans la durée. On ne peut pas, au moment où les médias sont en train de changer de figure, se permettre de laisser cette question sans réflexion. Et un Grand Conseil, un parlement, qui ne serait pas capable de mener cette réflexion, s'inscrirait dans une politique à la courte vue, que le parti radical peut promouvoir s'il le souhaite mais à laquelle nous n'adhérerons pas !
Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 640.
La présidente. Avec l'objet prochain, rapport divers 661, je rappelle que nous traiterons aussi la résolution 533.
Débat
M. Renaud Gautier (L), rapporteur. C'est, par analogie, tels les Bourgeois de Calais que je me présente devant ce Conseil, à savoir la corde au cou et la clé à la main. La corde au cou, c'est celle que chacun des membres de ce cénacle, pouvoirs législatif et exécutif compris, a dorénavant face à une situation dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle perdure, d'une part, et qu'elle s'aggrave, d'autre part. Et la clé que j'ai à la main, c'est la clé de lecture de deux événements, somme toute relativement différents, évoqués dans ce rapport, mais qui, vous allez le comprendre, ont un point commun.
Le premier aspect traite des émeutes de 2006 à Champ-Dollon - émeutes prévisibles et qui étaient annoncées par la commission des visiteurs officiels depuis de nombreuses années - et des suites qui ont été données à travers un rapport d'experts que vous aurez le plaisir de lire d'ici à la fin du mois de septembre, lorsque je l'aurai déposé.
Le deuxième élément de ce rapport consiste en un échange de correspondance entre les «juristes de la Couronne», d'une part, et le président du Grand Conseil, de l'autre. Il évoque la manière dont les juristes de l'exécutif considèrent les députés, en relatant la façon ou plutôt l'impossibilité qu'il y a de traiter des impérities parlementaires. Si, par rapport aux émeutes de Champ-Dollon, la commission vous appelle depuis longtemps à être vigilants et à prendre les décisions qui s'imposent, dans l'échange de correspondance avec les «juristes de la Couronne», on ne peut que s'étonner - et c'est probablement la raison pour laquelle la commission des visiteurs officiels et ce Grand Conseil ne sont pas toujours entendus à propos des conditions de détentions - que des juristes se permettent de qualifier les actes des députés, envisagent même des sanctions et suggèrent au Conseil d'Etat d'y réfléchir. Et enfin, ils arrivent à la conclusion qu'il n'y a rien à faire contre les impérities parlementaires.
Mesdames et Messieurs les députés, le point commun qui existe dans les deux cas c'est une situation qui n'évolue pas et à laquelle ce Grand Conseil vous rend attentif par le biais de la commission des visiteurs officiels. Je répète ici ma crainte que les conditions de détention à Genève ne changent que lorsqu'il y aura des morts. Le deuxième élément, c'est la manière dont les «juristes de la Couronne», donc le Conseil d'Etat, conçoivent le travail des députés en envisageant de leur reprocher des impérities parlementaires. Dans un cas comme dans l'autre, il y a là des attitudes qui ne sont pas acceptées, ni acceptables, et qui démontrent une volonté de ne pas traiter de problèmes dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils sont d'importance !
J'aborderai la résolution ensuite, si vous êtes d'accord.
Mme Esther Alder (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, l'actualité récente - l'émeute de plus de 200 détenus à Champ-Dollon qui dénonçaient les lenteurs de la justice - démontre, s'il le faut, à quel point la situation pénitentiaire genevoise est explosive. Il y a parfois plus de 500 détenus pour 260 places disponibles: cette situation est intolérable ! La commission des visiteurs officiels tire la sonnette d'alarme, année après année, mais on a l'impression que cela ne sert pas à grand-chose !
Prochainement, le Grand Conseil se prononcera sur le rapport de la commission des visiteurs officiels, sur l'avis des experts concernant les allégations de violences policières et, surtout, sur les dysfonctionnements judiciaires. Mais, d'ores et déjà, il est impératif que le pouvoir judiciaire repense son fonctionnement: les procédures traînent en longueur, les incarcérations préventives sont trop souvent prononcées sans vraiment se justifier; Genève se distingue en la matière, puisque c'est le canton qui reste en tête par rapport au taux d'incarcérations préventives.
De plus, les peines substitutives ne sont quasiment pas mises en oeuvre, ce qui est un vrai scandale ! Ce qui frappe, finalement, c'est le mutisme du pouvoir judiciaire et l'absence de dialogue, comme on l'a vu tout récemment encore, suite aux émeutes. Je vous le dis, cette absence de dialogue risque d'accentuer une crise déjà aiguë !
Mesdames et Messieurs les députés, je saisis l'occasion de saluer le travail du personnel pénitentiaire qui jongle, minute après minute, pour assurer les meilleures conditions possibles de détention et récolte les fruits de tous les dysfonctionnements, qu'ils soient sociaux, qu'ils soient politiques ou qu'ils soient judiciaires. Aujourd'hui, il y a vraiment urgence ! Les nouveaux établissements prévus doivent se réaliser rapidement ! Là, je lance vraiment un appel à M. Muller pour que l'on voie se concrétiser, et l'établissement spécialisé Curabilis, et le projet féminin pour l'incarcération des femmes, et le nouvel établissement dévolu au centre de sociothérapie La Pâquerette.
Au niveau concordataire, on peut se féliciter de ce que les conditions de détention en Suisse soient bonnes. Cependant, je tiens à apporter quelques éléments à la connaissance de ce parlement en ce qui concerne les lieux dévolus aux visites de détenus: hormis quelques rares établissements où des espaces familiaux ont été créés, la plupart des prisons souffrent d'un manque cruel de lieux de rencontres appropriés, surtout pour l'accueil des enfants de parents détenus. Il serait vraiment temps qu'on prenne en considération le traumatisme que constitue pour l'enfant la détention d'un proche. Il faut s'imaginer le parcours suivi par un enfant rendant visite à un de ses proches en prison. Il s'agit d'un univers malgré tout hostile, avec les fouilles, avec l'absence d'espaces chaleureux et d'équipements usuels pour les bébés, comme des table à langer et des chauffe-biberons. Tout cela fait qu'une visite à un parent détenu ressemble souvent à un calvaire pour les enfants. Cette problématique devra être sérieusement abordée au niveau concordataire, peut-être durant notre prochaine année de travail.
En ce qui concerne La Clairière, on a souvent dit que cet établissement devrait réellement évoluer dans son projet éducatif. On voit de plus en plus de jeunes délinquants incarcérés et, d'après les Verts, la prise en charge demeure faible: on laisse ces jeunes en cellule les trois quarts du temps, ce qui est inacceptable ! Beaucoup des personnes chargées de l'encadrement n'ont pas la formation d'éducateur requise. Cela ne veut pas dire que ces personnes sont incapables, mais je pense qu'il faut vraiment une grande rigueur dans l'engagement des personnes en charge. D'autant plus qu'on nous dit souvent que ces jeunes sont de plus en plus dangereux, qu'il a récemment été nécessaire de placer des surveillants de Champ-Dollon sur le site de La Clairière. Il faudrait donc être cohérent !
Pour terminer, j'aimerais juste parler de la résolution qui vous est proposée et que nous vous invitons à soutenir. Nous trouvons totalement indigne qu'on accepte qu'il y ait, depuis des années, au sein même du Palais de justice, des cellules d'attente indignes de ce nom, dans lesquelles les personnes, en vue de leur audition, sont parquées comme dans des cages à poule, subissant un stress lié non seulement à la procédure en cours mais aussi à la situation humiliante qu'est l'enfermement. Je vous rappelle que ces personnes sont pourtant présumées innocentes !
Il est tout aussi scandaleux - et je pèse mes mots - que, par des artifices de vocabulaire, les personnes interrogées par la police, sous prétexte d'être en «rétention» et non en «détention» - on joue vraiment sur les termes - échappent à tout contrôle ! Cela veut dire qu'il n'y a pas de main courante dans les lieux où ces personnes sont interrogées par la police, qui permette le suivi de tous les problèmes pouvant survenir à partir du moment de l'arrestation. Cela pourrait aussi être une sécurité pour la police, je pense notamment à la Task Force drogue qui est très exposée puisqu'elle est en contact quotidien avec des personnes toxicomanes. Eh bien, tous ces endroits ne disposent pas de lieux de détention conformes aux normes en vigueur. Donc, la situation ne peut pas durer et Genève, capitale des droits de l'Homme, se doit d'être un exemple en la matière !
Je vous propose donc de soutenir cette résolution et d'accepter également le rapport annuel de la commission des visiteurs officiels. (Applaudissements.)
M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, d'année en année, les rapports de la commission des visiteurs se suivent et, malheureusement, se ressemblent beaucoup. Que vous dit, une fois de plus, ce rapport de la commission des visiteurs officiels ? Premièrement, que le personnel chargé de la détention en Suisse et à Genève en particulier fait merveille dans son métier. Cela doit être dit. Cela a été relevé à chaque fois par les principaux intéressés que sont les «locataires» des établissements de détention. Je tiens à le souligner, en général les conditions de détention sont bonnes, cela sous réserve de l'exception relevée tout à l'heure par Mme Alder, de deux trois cas dont on peut encore discuter.
Deuxièmement, des efforts extraordinaires sont faits dans notre pays, en général, pour tenter de réinsérer les détenus dans la société. A tel point d'ailleurs que, personnellement, j'ai ressenti plusieurs fois un certain malaise, tant on fait des efforts pour des gens qui ont de la difficulté à vivre dans notre société ou la rejettent, alors qu'on demande tant en donnant si peu à tous ceux qui vivent normalement et se démènent tous les jours pour payer leurs loyers, leurs assurances et leurs impôts.
Troisièmement, enfin, la situation des infrastructures pénitentiaires - tant préventives que pour l'accomplissement des peines à Genève - n'est pas à la hauteur de nos besoins et des engagements concordataires pris par notre canton. Ce dernier point, Mesdames et Messieurs, est relativement grave. Les efforts à entreprendre - notamment ceux engagés maintenant dans le projet de La Brenaz - sont immenses même s'ils sont peu gratifiants. Et pour aller au-delà de l'enregistrement de ce rapport, nous tous, les députés, sommes invités à passer enfin à l'action et à pousser le Conseil d'Etat à réaliser les équipements nécessaires et promis ! Je vous rappelle, par exemple, qu'on a cité le projet Curabilis tout à l'heure ou encore l'établissement de détention pour femmes; s'ils étaient réalisés, ces deux projets qui sont des établissements concordataires - plus La Pâquerette - libéreraient de la place dans l'établissement de Champ-Dollon, en principe destiné à la seule détention préventive. Or ces établissements, qui prennent de la place à Champ-Dollon, ne sont pas des établissements de détention préventive, mais des établissements d'accomplissement des peines !
Enfin, il faut se rappeler que, depuis la construction de Champ-Dollon, la population a crû. En conséquence, il est tout à fait normal que les équipements publics - y compris les moins reluisants et les moins attractifs - soient adaptés aux besoins liés à cet accroissement de la population ! Or une fois de plus, faut-il le rappeler, nous avons négligé cet effort et plus nous tardons, plus les problèmes s'accumulent. Un jour, le personnel, notamment celui de Champ-Dollon, ne pourra plus faire face aux pressions inéluctables qu'engendre la situation inacceptable dans laquelle nous accueillons la population des détenus dans notre canton.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, il y a beaucoup à réfléchir et, surtout, beaucoup à entreprendre ! Nous attendons - dans le cadre de la commission en tout cas - que le Conseil d'Etat prenne des mesures et, surtout, concrétise les promesses que notre canton a faites aux autres cantons concordataires, avec lesquels nous devons travailler.
M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, comme vous avez pu le constater, Mesdames et Messieurs les députés, la commission se donne en principe un thème de travail annuel. Pour cette année, la commission avait décidé de travailler sur le transport des personnes privées de liberté. Toutefois, en raison des événements survenus à la prison de Champ-Dollon, la commission a dû modifier ses priorités. Au fur et à mesure des visites que nous effectuons, pas seulement à Champ-Dollon mais aussi ailleurs, ce que l'on constate, c'est que le personnel est en principe très bien qualifié et que les détenus ne s'en plaignent pas. Il faut le relever, la République remplit sa mission à ce niveau.
Le problème serait donc avant tout de logistique. Mais, même là, on peut se poser des questions. Mes collègues disent que quand ces nouveaux établissements seront mis à disposition, le problème actuel sera résolu. Personnellement, je commence à en douter... Voyez-vous, des collègues se sont rendus à Champ-Dollon la semaine passée et ils ont appris que quelqu'un avait été détenu en préventive pendant huit jours parce qu'il avait volé une montre ! Pour le vol d'une montre, une personne fait huit jours de préventive ! En multipliant le nombre de jours de détention par 300 F, on arrive à 2400 F de frais pour la collectivité publique ! Je pense qu'il y a là un problème qui nous dépasse et qui va au-delà du fait qu'on investisse des millions dans des nouveaux établissements ! On peut bien construire des nouveaux établissements, mais cela ne résoudra rien si l'on continue à incarcérer des gens avec une telle facilité, pour des motifs aussi bénins que celui-ci ! En agissant de la sorte, de tels problèmes continueront à se poser ! Je pense qu'il est aujourd'hui de la responsabilité de tous les pouvoirs - et pas seulement du nôtre parce qu'on vote les budgets de fonctionnement et de construction - mais aussi de la responsabilité des pouvoirs judiciaire et exécutif de se poser des questions et de nous ramener à la réalité !
Enfin, il est survenu un événement qui doit nous faire nous interroger, c'est ce qui s'est passé la semaine passée à Champ-Dollon ! Je tiens à vous dire que les détenus qui se sont mutinés cette fois-ci n'étaient pas les mêmes que lors de la dernière mutinerie ! Ceux qui s'étaient mutinés il y a un an n'étaient plus là ! C'en était d'autres qui se sont mutinés, mais pour les mêmes raisons que les précédents ! Et ils disent qu'ils n'ont pas de reproches à formuler en ce qui concerne leur traitement par les gardiens, leur problème c'est qu'ils passent trop de temps en prison préventivement, par rapport à la gravité de ce qui leur est reproché et par rapport aux peines auxquelles ils vont être condamnés par la suite !
Je partage l'avis du rapporteur de la commission quand il dit qu'il faut répondre à ce problème, sans quoi la situation s'aggravera et on ne pourra plus faire face. Alors, je crois que le moment est venu de tirer la sonnette d'alarme, Mesdames et Messieurs les députés !
Il y a enfin un deuxième sujet que j'aimerais aborder, c'est celui de la médecine pénitentiaire. Vous avez entendu qu'en France un fait divers relaté par les médias, ayant trait à la médecine pénitentiaire, a provoqué des discussions dans la République française pendant des semaines... Or il se trouve qu'à Genève, pendant vingt ans, la médecine pénitentiaire a été exemplaire. Par sa pratique et pour ses expériences, Genève était citée en exemple au-delà des frontières du canton.
Le Conseil d'Etat a pris la décision - je le dirai sincèrement - de saborder cette médecine pénitentiaire en se donnant une autre structure. Je croyais à l'époque - je l'ai dit ici, félicitant même le conseiller d'Etat, M. Unger - que cette décision améliorerait les conditions de pratique de la médecine pénitentiaire. Malheureusement, il n'en fut rien ! On a déstructuré une structure de médecine pénitentiaire dirigée par des médecins qui avaient fait la preuve de leurs capacités en mettant en place et en faisant fonctionner cette structure, dont on a maintenant perdu tout le savoir-faire.
Ceci est dommageable et je crois que j'engagerai le Conseil d'Etat et les services responsables à revenir à la structure de l'époque, pour profiter de cette «expérience genevoise», citée en exemple ailleurs, en matière de médecine pénitentiaire.
Alors, nous avons vu ce qui s'est passé en France et nous devons faire extrêmement attention, en accordant toute notre attention à la question de la médecine pénitentiaire, notamment, avec l'établissement Curabilis qui sera mis en place prochainement. Il faut que cet établissement bénéficie d'une structure, de personnes adéquates aux moyens qui seront mis à disposition.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous engage à voter notre rapport et, comme l'a dit M. le rapporteur, nous engagerons tout à l'heure un débat sur la résolution 533.
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, mon collègue rapporteur l'a dit tout à l'heure, la commission des visiteurs officiels tire la sonnette d'alarme à propos de la surpopulation à Champ-Dollon et des conséquences directes des conditions de détention actuelles.
Il est intéressant de lire le rapport de M. Alvaro Gil-Robles, commissaire européen aux droits de l'Homme, sur sa visite en Suisse en novembre-décembre 2004. On y lit: «La Suisse est un pays qui jouit d'un grand prestige sur la scène mondiale [...]. Sa diplomatie se distingue, entre autres, par son action, ses initiatives et ses programmes en faveur des droits de l'Homme à travers le monde...». Toutefois, dans le rapport de M. Gil-Robles, on lit aussi: «J'ai noté, au cours de ma visite, un certain nombre de faits qui paraissent difficilement conciliables avec le respect des droits fondamentaux des détenus (prévenus et détenus), tels qu'ils résultent de la jurisprudence de la Cour européennes des droits de l'Homme et des normes élaborées par le Conseil de l'Europe [...]. D'une part, la surpopulation extrême de cette prison comporte le risque que l'espace dévolu aux détenus ne soit plus suffisant pour respecter leur droit à la vie privée, garantie par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme.» Plus loin dans le rapport de M. Gil-Robles, on lit encore: «...la cohabitation forcée sur un espace très réduit de personnes mentalement saines avec un ou une malade mentale - soit des détenus qui relèvent de l'ancien article 43 du code pénal suisse - comporte des risques très élevés de violences, d'agressions et d'atteintes à la santé physique et psychique des détenus concernés.» Finalement, M. Gil-Robles «recommande aux autorités compétentes de mettre rapidement en oeuvre les projets de construction et de réhabilitation existants et aux magistrats de tenir compte de la situation dans les prisons au moment de déterminer les peines.» On sait que de tous les cantons suisses, c'est à Genève que la durée de la détention préventive est la plus longue.
Pourtant, en 2004, la situation n'était pas celle d'aujourd'hui: si elle était déjà catastrophique alors, aujourd'hui c'est bien pire ! Mesdames et Messieurs les députés, la prison de Champ-Dollon a été construite il y a tout juste trente ans avec une capacité d'accueil de 270 détenus. M. Gautier et moi y sommes allés il y a quatre jours: elle atteint actuellement le seuil des 500 détenus ! Je tiens ici à m'associer aux propos de Mme Esther Alder quand elle dit que si cette prison n'est pas devenue une poudrière, c'est certainement grâce au professionnalisme de son directeur, M. Laurent Beausoleil, et de tous ses cadres et gardiens qui font un travail admirable.
Comme cette prison est prévue pour 270 détenus, il y a un dispositif qui se nomme «Risiko» qui prévoit que des mesures concrètes s'appliquent dès que les détenus dépassent le nombre de 370. Eh bien, ce dispositif n'est toujours pas en vigueur !
Mesdames et Messieurs les députés, que dire lorsque l'on sait que dans les maisons d'arrêt genevoises, parmi lesquelles Riant-Parc, le Vallon, Montfleury, les taux d'occupation sont de 52%, 89%, 38% et 79%... Même si on sait que certains détenus ne correspondent pas aux critères pour être incarcérés dans ces prisons-là, on peut se poser des questions ! On se pose des questions, parce qu'il y a quatre jours, il y avait à la prison préventive de Champ-Dollon, 104 détenus en exécutions de peine, et parmi ces 104 détenus on ne compte pas ceux qui sont en procédure de recours, comptabilisés à part.
Alors que dire, lorsque nous allons à Bellechasse - une prison du concordat - et qu'on apprend que malgré la surpopulation à Champ-Dollon, les chambres réservées pour Genève ne sont toujours pas remplies ?! Que faut-il penser de cela, lorsqu'on voit que les détenus dépassent le nombre de 100 ?!
Mesdames et Messieurs les députés, il y a des dysfonctionnements. Nous en parlerons lorsque le rapport de M. Gautier sera déposé, à propos des conclusions et des recommandations des experts mandatés par la commission des visiteurs officiels. Toutefois, que dire aussi du nouveau code de procédure pénale ? Ce nouveau code de procédure pénale prévoit que les personnes astreintes à de petites peines n'aillent plus en prison, mais qu'elles soient soumises à toute une panoplie de mesures, comme les travaux d'intérêt public ou la peine pécuniaire. Eh bien, parmi les 104 détenus évoqués, il y a des personnes qui correspondraient parfaitement à ces critères ! C'est dire que le nouveau code de procédure pénale, malgré son entrée en vigueur en janvier 2007, n'est toujours pas appliqué !
Ce parlement se doit aujourd'hui de prendre la mesure de ce fonctionnement catastrophique ! Que ce soit au niveau de la justice, du SAPEM, et, par là, de son autorité de tutelle, l'Office pénitentiaire, plus précisément.
Mesdames et Messieurs les députés, il est temps que ce parlement se préoccupe des conditions de détention et mette en oeuvre les mesures recommandées notamment par les experts mandatés par la commission des visiteurs officiels et le commissaire européen aux droits de l'Homme. Il ne suffit pas de donner des leçons aux autres en leur demandant d'appliquer ces droits ! Il faut les respecter chez nous ! De fait, aujourd'hui, ces droits de l'Homme ne sont pas respectés ! Raison pour laquelle je vous demande de voter ce rapport. Nous reviendrons tout à l'heure sur la résolution. (Applaudissements.)
M. Christian Luscher (L). Chers collègues, je ne voudrais pas être une voix dissonante dans cette concordance générale ! J'aimerais tout d'abord féliciter Renaud Gautier pour son excellent rapport. J'aimerais dire aussi que j'adhère à tout ce qui a été dit ici, notamment par Mme Alder, en termes de conditions de détention. Je crois effectivement que la commission fait un travail extraordinaire tant qu'elle se concentre sur son sujet principal: les conditions de détention qui doivent être améliorées. Et il en va de l'image de Genève, tant au niveau national qu'international.
J'émets un peu plus de réserves quant au discours de M. Alberto Velasco, notamment lorsqu'il commence à se mêler des questions relatives aux conditions de la détention préventive et à son exercice, aux conditions du mandat d'arrêt, puis aux conditions de la prolongation de la détention préventive. J'estime qu'il y a là une dérive qu'il faut absolument éviter, au même titre que le pouvoir judiciaire n'a pas à se mêler de la vitesse à laquelle nous faisons des lois ! Il vaut mieux qu'il ne s'en mêle pas, comme je crois que nous ne devons pas nous mêler de la façon dont la justice exerce le pouvoir qui est le sien. Lorsqu'un juge arrête une personne physique, il suit un certain nombre de règles, il est contrôlé par la Chambre d'accusation, puis le Tribunal fédéral contrôle encore ce que dit la Chambre d'accusation et notre pouvoir législatif n'a absolument aucune compétence pour se mêler de ce genre de sujet.
Je crois qu'il en va de la crédibilité de votre commission de se limiter au travail qui est le sien - et qu'elle effectue visiblement très bien - qui est de faire en sorte que les conditions d'une personne détenue répondent à un certain nombre de critères internationaux et constitutionnels.
Voilà, c'est la seule chose que je voulais dire, Mesdames et Messieurs les députés. Je pense que, pour le bon fonctionnement de votre commission, il faut tenir compte de ce genre de mise en garde, parce qu'une fois encore nous ne tolérerions pas que le pouvoir judiciaire se mêle de la façon dont nous exerçons notre mandat, pour autant qu'il réponde à la loi, et, inversement, nous n'avons pas à traiter des problèmes qui ne concernent que la justice et les autorités de recours.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je vous rappelle que nous traitons ensemble les deux points, c'est-à-dire le rapport 661 et la résolution 533, puisque nous avons voté leur traitement commun. La parole est à M. le député Eric Ischi.
M. Eric Ischi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne voudrais pas trop prolonger le débat, mais je voudrais simplement vous dire qu'en tant que membre de cette commission des visiteurs officiels j'adhère sans réserve à tout ce que mes collègues vous ont rapporté il y a quelques instants.
Ce que j'aimerais encore faire, c'est relever l'excellence du travail de notre rapporteur, M. Gautier, et souligner à nouveau, si c'est encore nécessaire - et parce que cela me paraît extrêmement important - l'admirable travail effectué par les collaboratrices et collaborateurs de Champ-Dollon, confrontés jour après jour à des problèmes qu'il est difficile de détailler, tellement ils sont énormes.
Encore un point. Je rejoins M. Luscher quand il dit qu'on n'a pas à se mêler du travail du pouvoir judiciaire, mais il est inévitable que ce qui se passe au Palais de justice ait des répercussions sur les conditions de détention avec la surpopulation carcérale engendrée. C'est bien pour cela qu'on s'est permis de poser des questions, mais ne croyez pas que nous voulions nous ingérer dans les affaires du Palais de justice !
Rappelez-vous, l'année dernière, ce Grand Conseil a voté avec une rapidité inhabituelle la réalisation de La Brenaz, ce bâtiment de quelque 60 places à côté de Champ-Dollon et qui sera disponible, si je ne fais erreur, à partir du printemps 2008 à peu près. Le problème, c'est qu'on ne pourra y incarcérer que des personnes de Champ-Dollon qui sont dans la phase d'exécution de peine. Le nombre de celles-ci a été communiqué par Mme Bolay. L'ouverture de ce bâtiment permettra bien un bol d'air frais, mais s'il n'y a pas une prise de conscience sur ce qui se passe aujourd'hui chez nous, on peut craindre de se retrouver à nouveau dans la même situation une année après l'ouverture de La Brenaz.
C'est la raison pour laquelle la commission insiste lourdement sur ce sujet par le biais de ce rapport, que le groupe UDC adoptera sans aucune réserve. Et, pour terminer, le groupe UDC appuiera aussi sans réserve la résolution qui vous a été présentée.
M. Renaud Gautier (L), rapporteur. L'excellent député et candidat Luscher rappelle avec justesse la problématique de la séparation des pouvoirs. Il s'agit d'une démonstration parfaitement brillante à laquelle il est habitué. Je regrette juste, à titre personnel, qu'elle se soit arrêtée aux rapports entre les pouvoir législatif et judiciaire et qu'il n'ait pas profité des impérities des «juristes de la Couronne» pour dire que, là aussi, il y avait un empiètement tout à fait inacceptable de la part du pouvoir exécutif sur les prérogatives du pouvoir législatif lorsque il nous reproche nos éventuelles impérities. La moitié de son raisonnement est donc juste et on part du principe qu'on aura bientôt droit à l'autre moitié qui dira que la séparation des pouvoirs va effectivement dans tous les sens.
Pour revenir au problème de la résolution, qui a été abordé, nous sommes là aussi dans un cas qui est franchement inadmissible ! On ne peut pas, d'un côté et à titre personnel, se réclamer de la Ligue suisse des droits de l'Homme et de son engagement pour les droits de l'Homme et, après cela, envoyer des fonctionnaires nous donner des explications justifiant le fait que l'on n'entend pas se soumettre au droit supérieur !
Cette résolution provient de l'étonnement de la commission des visiteurs officiels de découvrir un certain nombre de lieux de détentions jusqu'alors inconnus d'elle. C'est seulement par un hasard de l'histoire, ou plutôt par un hasard des élections, que nous avons eu connaissance de l'existence de ces lieux de détention supplémentaires. Après avoir visité ces lieux, nous avons demandé au département pourquoi ils n'étaient pas aux standards des autres lieux de détention et si le département entendait changer sa politique: la réponse a été négative !
Cette résolution rappelle juste la définition d'un lieu de détention, qui n'est pas liée à une durée de détention ou à la forme que prend celle-ci ni à la spécificité du lieu de détention. Il suffit que la détention, légitime ou non, soit la conséquence de la décision d'une quelconque autorité publique, civile ou militaire, pour que le lieu où est enfermée la personne faisant l'objet de cette décision entre dans le champ d'application de la Convention. La Suisse a signé cette convention, Genève se targue d'être la capitale des droits de l'Homme, et nous ne sommes même pas capables d'appliquer ici ce que nous entendons que les autres fassent ailleurs ! Il y a là une situation qui est parfaitement choquante, tant par la dissimulation de ces lieux au pouvoir législatif que par l'attitude du département, soutenant que ces lieux de détention ne font pas partie des endroits contrôlés et ne sont pas soumis aux mesures prévues par le droit supérieur.
A titre personnel, j'ai pris plaisir à écrire cette résolution, mais je trouve effarant et inacceptable qu'à Genève il faille déposer une résolution pour obliger l'Etat à respecter des engagements formels signés par la Confédération ! Et quand des fonctionnaires viennent nous dire que deux lieux de détention spécifiques doivent échapper au droit supérieur, je suis inquiet quant à l'avenir de notre démocratie !
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous suggère vivement d'accepter cette résolution.
M. Alberto Velasco (S). J'aimerais dire à M. Luscher qu'il n'est pas du tout dans mes intentions de m'immiscer dans le travail des juges ou de juger par moi-même, mais je crois que nous avons toute liberté pour émettre des critiques.
Oui, j'ai exprimé une critique par rapport à des faits qui ont été énoncés et dont je considère qu'ils ne correspondent pas à une réalité pour laquelle nous avons voté des lois et des crédits ! Maintenant, ma critique peut être juste ou fausse, je vous en laisse le libre arbitre. Enfin, le droit de critiquer d'un député, de même que celui d'un juge, doivent être respectés.
La résolution ne fait que demander l'application des conventions et des règles internationales que la Suisse a signées. Nous estimons donc que nous devons appuyer cette résolution et que nous devons demander les moyens nécessaires pour la mettre en application. Il ne s'agit pas seulement de voter une résolution, il s'agit aussi de donner à l'exécutif les moyens nécessaires pour qu'il puisse s'acquitter de cette fonction de respect des normes !
Mesdames et Messieurs les députés, je n'irai pas plus loin, puisque la chose a déjà été suffisamment développée et que la résolution est suffisamment explicite. Je vous engage donc à la voter.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, dans notre système, la commission des visiteurs officiels joue un rôle important de vérification des conditions de détention des personnes condamnées par les tribunaux genevois ou détenues à Genève. Cette institution mérite donc tout le respect de l'ensemble des pouvoirs, quels que soient par ailleurs les éventuels litiges que nous pouvons avoir. C'est un bon système qu'il convient de perpétuer.
La difficulté immédiate qui se présente à moi aujourd'hui, c'est premièrement que le rapport de votre commission - je n'en fais grief à personne - s'arrête en novembre 2006. Il date donc pratiquement d'il y a dix mois et un certain nombre de choses ont évidemment été accomplies dans l'intervalle, sur lesquelles je souhaiterais pouvoir m'exprimer.
Sur l'ensemble de ce qui a été dit, j'adhère à beaucoup de choses, en particulier à l'hommage que vous avez rendu de manière unanime à M. Beausoleil, directeur de Champ-Dollon, et à l'ensemble de ses collaborateurs. Il y a en revanche des éléments de ce rapport auxquels je n'adhère pas ou qui sont carrément des erreurs factuelles !
Ainsi, lorsqu'on dit dans le rapport que le projet Curabilis a été bloqué, je réponds non ! Il n'a jamais été bloqué ! Et je m'expliquerai là-dessus plus amplement si vous le souhaitez, puisque la construction de la nouvelle structure de détention de La Brenaz devrait être terminée entre le 15 décembre et le 15 janvier prochain. J'exclus que la fin de la construction survienne après cette date.
Le problème que nous avons, entre autres choses, Mesdames et Messieurs les députés, concerne la séparation des pouvoirs. Premièrement, la séparation des pouvoirs n'implique pas l'absence de conflits. Deuxièmement, elle n'implique pas non plus l'absence de critiques: les tribunaux eux-mêmes, dans leurs activités, critiquent et cassent des décisions que nous avons prises. C'est leur rôle ! Ils cassent quelquefois des lois votées par votre parlement. C'est aussi leur rôle ! Ce qui est inacceptable, selon le principe de la séparation des pouvoirs, c'est que l'un des pouvoirs fasse ce qui n'est pas de son ressort ou fasse pression sur les autres pouvoirs, de manière malhonnête et illégale. Toutefois, il est inévitable qu'il y ait un certain nombre de conflits, de discussions et de critiques - faute de quoi on ne s'en sortira pas ! Il y a certainement quelques faiblesses du côté du Conseil d'Etat, dans les réponses apportées sur le plan logistique. Toutefois, il faut le dire clairement, il y a aussi une conception de la détention préventive qui découle des lois que vous votez et que vous êtes en droit de modifier. De même, la conception de la détention préventive découle d'une pratique judiciaire dont il faudra bien qu'on parle tous ensemble ! Parce que cela ne sert à rien de construire des places de détention à tout va si c'est pour les remplir aussitôt ensuite ! Il y a aussi, en effet, de manière sous-jacente à cette discussion, un désaccord à ce sujet entre M. le procureur général et moi-même ! Y a-t-il trop de détentions préventives ou est-ce le nombre de places dans les prisons genevoises qui est insuffisant ? C'est un vrai problème ! Je vous signale que si nous menions ici, à Genève, la même politique d'incarcération que les Etats-Unis, nous ne serions pas en train de discuter de la création des 68 places de La Brenaz, nous serions en train de discuter de la nécessité d'une capacité carcérale quatre à cinq fois supérieure à celle de Champ-Dollon aujourd'hui ! Mais je ne pense pas que ce soit à ce type de société que vous aspiriez. Ce n'est pas mon cas, en tout cas !
Ce débat, il faut donc bien le poursuivre, sans invectives et sans empiéter sur les droits des uns et des autres, mais il faudra bien à un moment donné parvenir à stabiliser le nombre de places de détention souhaitable; les 68 places de La Brenaz ne sont pas tombées du ciel, elles ont quand même été déterminées en fonction de l'évolution de la situation entre le moment où on a décidé cette extension et aujourd'hui.
Par la même occasion, Je vous remercie aussi, Mesdames et Messieurs les députés, d'avoir traité à l'époque ce projet avec diligence. Vous avez vu que l'administration a fait de même, ainsi que les entreprises, puisque les délais promis à l'origine ont été respectés.
Je suis navré de ne pouvoir répondre à tout le monde dans le temps qui m'est imparti, mais j'aimerais le faire pour Mme Loly Bolay qui a attiré à juste titre l'attention de votre Grand Conseil sur le fait que les petits établissements de détention ont souvent des taux d'occupation faibles. Précisément, ayant réalisé cela, le Conseil d'Etat a promulgué, lors de sa séance du milieu de l'été, une nouvelle réglementation - que vous aurez vu publier dans la FAO - pour précisément faire en sorte que ces petits établissements puissent être utilisés au mieux de leur capacité. En d'autres termes, l'excessive spécialisation de chacune de ces maisons de détention faisait qu'elles avaient jusqu'à maintenant toujours des places libres. En acceptant, dans les limites du raisonnable, que des catégories de détenus un peu différentes cohabitent, nous devrions de la sorte gagner entre 15 à 20 places, guère plus. Ce sont de petites maisons et cela correspond à peu près au nombre de places vides disponibles au moment où nous avons pris cette mesure.
Que vous dire encore, Mesdames et Messieurs les députés ? Un certain nombre de choses sur lesquelles vous avez fait des observations ont été réglées, d'autres pas et c'est regrettable. Certaines ne seront pas réglées, parce que le Conseil d'Etat n'entend pas le faire; la liste exacte pourra bien entendu en être précisée.
En ce qui concerne la résolution, il va de soi que, s'il existe à Genève des lieux de privation de liberté qui ne sont pas conformes au droit supérieur, ils doivent être remis en conformité. Je dis «si» quand même, car, bien que la définition donnée par M. Gautier de ces lieux soit exacte, toute définition doit être comparée avec le cas d'espèce et il faut voir dans quelle mesure elle s'applique. Je réserve donc mon appréciation définitive sur ceux d'entre ces lieux qui devront faire l'objet de travaux et ceux d'entre ces lieux qui ne violent pas les normes supérieures. Il va de soi que même si les normes supérieures ne sont pas violées et qu'on peut améliorer ces lieux de détention, nous les améliorerons, dans les limites des budgets que vous voudrez bien nous accorder.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons d'abord nous prononcer sur l'adoption du rapport annuel de la commission des visiteurs officiels.
Mis aux voix, le rapport divers 661 est approuvé par 63 oui (unanimité des votants).
Mise aux voix, la résolution 533 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 62 oui (unanimité des votants).
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous souhaite un très bon appétit et vous retrouverai à 14h pour le séminaire sur l'agglomération franco-valdo-genevoise. Cependant, je désirerais que les membres du Bureau m'accordent encore deux minutes de leur temps. Je vous remercie.
La séance est levée à 12h.