Séance du jeudi 28 juin 2007 à 17h
56e législature - 2e année - 10e session - 46e séance

M 1727
Proposition de motion de Mmes et MM. Loly Bolay, Laurence Fehlmann Rielle, François Thion, Virginie Keller Lopez, Véronique Pürro, Elisabeth Chatelain, Christian Brunier, Alain Etienne, Alberto Velasco pour des mesures interdisant toute forme de prostitution forcée

Débat

Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais brièvement présenter cette motion du groupe socialiste. Dans un récent mémoire de deux étudiants de l'Université de Genève, les auteurs tirent la sonnette d'alarme en attestant, preuves à l'appui, que, depuis l'entrée en vigueur des bilatérales, la prostitution à Genève n'a cessé d'augmenter.

Il faut relever que, jusqu'à présent, la situation à Genève était assez maîtrisée. Toutefois, on sait qu'il y a des dérives, notamment dans certains salons de massage et cabarets. Les victimes ont un statut de travailleuses indépendantes, mais en réalité leur contrat cache des conditions de travail de salariées dépendantes, sujettes à de nombreuses pressions, comme le racket, la contrainte voire la violence. Tout dernièrement, on l'a vu, la justice a condamné très sévèrement un Valaisan qui avait de telles pratiques, indignes d'un Etat de droit.

Cette proposition de motion, Mesdames et Messieurs les députés, demande que les victimes de prostitution forcée puissent être protégées, notamment dans le cadre de la LAVI. Car souvent, ces personnes - et je ne parle pas de celles venant de pays de la Communauté européenne, parce que là, il n'y a pas de problème - surtout celles qui sont issues de pays extra-européens, arrivent à Genève avec des contrats bidon de danseuses et se voient totalement contraintes à la prostitution, puisque leur passeport leur est confisqués.

Pour conclure, je rappelle que Genève, contrairement à d'autres cantons romands, qui se sont eux dotés par voie législative d'une loi sur la prostitution, n'a qu'un règlement qui date de 1994.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de faire bon accueil à cette proposition de motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Sébastien Brunny (MCG). Je ne peux que féliciter les auteurs de la proposition de motion 1727, qui désirent interdire toute forme de prostitution forcée.

Par contre, en lisant ce texte, j'ai été interloqué par la teneur de l'exposé des motifs. En effet, il est écrit: «Car les grands événements sportifs - comme l'Eurofoot 2008 - avec une proportion élevée de supporters masculins, conduisent inévitablement à une demande accrue de prestations sexuelles.» Ces propos tendancieux qualifient une grande partie de la gent masculine comme étant composée d'êtres lubriques et dénués de sentiments. (Brouhaha.) La coordinatrice de l'Association genevoise défendant les droits des prostituées, Mme Glardon, a indiqué au journal «Le Matin», en novembre 2006, que l'Eurofoot 2008 ne serait pas synonyme de prostitution forcée. De plus, elle a dit que les contrôles de police étaient très importants lors des grands rendez-vous et qu'elle ne croyait donc pas en une traite des blanches.

En résumé, bien que je trouve louable de vouloir combattre fermement la prostitution forcée, je ne comprends pas les invites des motionnaires. En effet, ces invites demandent de renforcer les contrôles dans les cabarets et salons de massage, ainsi que de doter la brigade des moeurs des moyens nécessaires; nous savons tous pertinemment que ces deux mesures ne pourront être appliquées que si la police dispose d'effectifs suffisants.

Au vu de la situation actuelle, nous savons tous, vous comme moi, que la police manque cruellement de personnel, et depuis de nombreuses années. Malgré cela, le groupe MCG soutient quand même le bien-fondé de l'intitulé de la motion 1727 visant à interdire toute forme de prostitution forcée.

Une voix. Bravo !

M. Frédéric Hohl (R). Le groupe radical tient à saluer l'inquiétude du parti socialiste concernant la lutte contre la prostitution forcée. Bien évidemment, ce n'est pas nouveau, cela a toujours existé et je crois que dans ce parlement on est tous extrêmement sensibles à ce travail de lutte contre la prostitution forcée. Toutefois, dans votre proposition de motion, vous faites allusion, cela a été dit tout à l'heure, à la grande manifestation qui aura lieu l'année prochaine - l'Eurofoot 2008 - alors permettez-moi de donner deux exemples très marquants pour vous montrer que c'est en quelque sorte un faux problème que de craindre une hausse de la prostitution forcée lors de grandes manifestations.

Le premier concerne l'exposition nationale suisse, Expo 02, qui a eu lieu dans quatre cantons. Les quatre villes organisatrices ont aussi reçu ce genre de motions, et même des textes un peu plus poussés, puisque de nombreux ouvriers, qui venaient de Suisse et de l'étranger, y ont travaillé pendant presque une année, et qu'il y avait donc beaucoup d'inquiétude tant de la part des villes que des organisateurs. Or, je puis vous dire que ni les unes ni les autres n'ont observé une augmentation de la prostitution habituelle ou forcée.

Le deuxième exemple, beaucoup plus proche et qui va tout à fait dans le sens de vos préoccupations, est celui du Mondial qui a eu lieu l'an passé en Allemagne, au sujet duquel de nombreux observateurs, y compris les organisateurs, se sont rendu compte que, somme toute, l'immense flux de visiteurs qui déambulaient dans les rues faisait plutôt fuir la clientèle des prostituées que d'en attirer une nouvelle.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous incitons à ne pas suivre le groupe socialiste et à refuser cette proposition de motion.

Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la prostitution a fortement augmenté ces dernières années avec l'ouverture des frontières, ce qui rend plus compliqué le droit d'exercer ce commerce, et, par ailleurs, les cas inacceptables de prostitution forcée se sont eux aussi multipliés.

Comme le disait Grisélidis Réal, la fameuse courtisane révolutionnaire des Pâquis: «Le travail, qu'on se le dise, c'est fait pour gagner sa vie, un point c'est tout. Ce qu'on veut, nous, c'est de l'argent pour salaire de notre travail, pour payer nos factures, les loyers, le gaz, l'électricité, le téléphone, la blanchisserie. Il faut manger aussi, sous peine de crever. Et encore nous soigner quand ces messieurs nous rendent malades. Et les impôts, j'oubliais l'essentiel...».

La proposition de motion n'étant pas très claire sur les points concernant les artistes de cabarets et les prostituées, je voudrais donc revenir sur ces questions.

S'agissant d'abord des artistes de cabarets, ils ou elles ne sont pas supposés se prostituer, d'après le contrat standard d'artiste de cabaret. Or, il est connu de tous que cette activité, la plupart du temps, inclut la prostitution, sans quoi ces artistes ne pourraient pas vivre. C'est d'ailleurs un secteur où les abus sont nombreux: le salaire minimum pratiqué s'élève environ à 2300 francs suisses. Il y a donc là quelque chose à faire. En outre, les artistes y travaillent en majorité avec un permis L, dont découle l'obligation de ne pas rester plus d'un mois dans le même cabaret, ce qui conduit à un maintien dans la précarité inhérent à la loi, et c'est inacceptable. D'ailleurs, ce problème de compétence fédérale a justement été relevé par la Conférence suisse des délégués à l'égalité.

S'agissant maintenant des prostituées de salons de massage, l'arrivée de clandestins rend plus difficile l'exercice du libre droit de se prostituer et, surtout, d'en vivre. Les propriétaires peuvent pourtant percevoir jusqu'à 50% des gains des cabarets par le biais du loyer, la justice n'agissant que dans le cas où cette proportion est dépassée. Or, la brigade des moeurs ne peut intervenir que sur le contrôle de l'usure, d'après le code pénal. Il s'agirait donc de renforcer et d'élargir le champ d'action de cette brigade.

Pour ces raisons, les Verts vous proposent d'accepter le renvoi de ce texte en commission judiciaire et de police.

M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, sous le titre racoleur «Esclavage moderne à Genève, prostituées cloîtrées et rackettées», le site altermedia.info, citant «Le Matin» du 24 mai, nous rappelle qu'une mère maquerelle de 26 ans a maintenu enfermées cinq femmes pour qu'elles se prostituent dans des salons de massage, à un rythme de douze heures par jour non-stop.

Ce n'est pas nouveau, mais cela démontre que le problème est grave, puisque cette mère maquerelle avait confisqué les permis de travail de ces cinq jeunes filles, pour éviter qu'elles partent et les forcer à travailler. Qui plus est, elle les rançonnait de 400 francs par jour.

Ce problème est donc manifestement grave, à tel point que certains des signataires de ce texte avaient déjà déposé une motion allant dans ce sens en 1996.

Malheureusement, la prostitution - comme la violence qui y est liée - ne date pas d'aujourd'hui, mais de plusieurs millénaires, comme tout le monde le sait, et est universelle.

Cela étant, cette proposition de motion est particulièrement hypocrite venant des socialistes, car d'abord elle ne règle aucun problème et, de plus, elle fait abstraction des réelles difficultés liées à la prostitution, notamment la drogue. Et on voit que les socialistes, comme d'habitude, essaient par des projets de lois, tant au niveau fédéral que cantonal, de libéraliser la consommation de haschich ou, en créant des locaux d'injection, de méthadone voire d'héroïne. Et aujourd'hui, on vient crier au loup, en prétendant que la prostitution crée de nouvelles violences, alors même que celle-ci est liée à toutes les situations induites par le trafic de stupéfiants, car drogue et prostitution vont généralement de pair.

Ce soir, l'UDC ne soutiendra absolument pas cette proposition de motion, dans la mesure où les invites sont totalement inapplicables, quand bien même les instruments juridiques existent. On sait effectivement que le code pénal réprime le chantage, la contrainte, la violence et que le règlement genevois sur la prostitution de 1994 est entré en vigueur et appliqué.

Encore une fois, comme l'a dit mon collègue Brunny tout à l'heure, ce texte est inapplicable et me fait penser qu'il y a quand même un malaise entre les motionnaires et le Conseil d'Etat, puisque dans «La Tribune de Genève», début juin, on pouvait lire dans les statistiques du département des institutions qu'en fait il n'y avait pas de problèmes majeurs concernant la prostitution, alors même que le commandant de la gendarmerie signalait quelques jours plus tard dans «Le Matin» qu'il y en avait énormément, et qu'à l'époque M. Ramseyer, entendu par les motionnaires de 1996, nous disait que la mafia russe était omniprésente.

Peut-être que les députés socialistes signataires de cette motion doutent de l'efficacité des services de police et surtout de leur conseiller d'Etat. A ce sujet, j'aimerais rappeler qu'il faudrait définir une fois pour toutes les priorités. Quand on voit que deux gendarmes se trouvent en permanence dans la Vieille-Ville, à «coller» les habitants, alors qu'il y a du trafic de drogue sur les quais, dont nous connaissons tous l'existence...

Je pense donc que cette proposition de motion ne sera pas soutenue, mais que le Conseil d'Etat doit changer sa politique en matière criminelle, notamment par rapport à la prévention et à la punition de la prostitution ainsi que du trafic de drogue.

Une voix. Bravo !

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour les démocrates-chrétiens, cette proposition de motion doit être en partie soutenue en regard des problèmes qui peuvent découler des manifestations comme l'Euro 2008 - je crois volontiers ce qu'a dit M. Frédéric Hohl à ce sujet - ou par rapport à l'exploitation des femmes dans les salons de massage ou les cabarets, car de cela, nous sommes conscients et savons qu'il est toujours très important de le dénoncer. Et chaque fois qu'on le fait, il faut mettre les moyens à la hauteur de l'ambition que nous poursuivons.

Si nous souhaitons surtout soutenir cet objet, c'est pour dénoncer le risque qui a été évoqué par les socialistes, à savoir le trafic d'êtres humains. Et vous le savez, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, en ce moment, à Genève, il y a lieu d'être très inquiet quant au développement des réseaux de traite des êtres humains. Notre canton risque d'ailleurs de devenir une plaque tournante pour les mafias des quatre coins du monde, mafias qui abusent de la crédulité de jeunes filles ou femmes qui pensent venir dans notre canton pour travailler, peut-être dans des cabarets, mais pas seulement, parce qu'on leur fait croire qu'elles pourront aussi exercer un métier honorable ou faire des études. Or, ces mêmes jeunes femmes se retrouvent séquestrées dans des appartements, ici à Genève, qu'on pourrait appeler des appartements d'abattage. Ce sont par conséquent de réelles victimes dont les consommateurs genevois - il n'y a pas besoin d'avoir de grandes manifestations pour que des hommes viennent d'ailleurs - peuvent abuser en toute impunité. Et ils font vivre des horreurs à ces jeunes femmes, à qui on a évidemment confisqué les papiers et leur permis, si elles en ont un.

Pour le parti démocrate-chrétien, cette proposition de motion doit être renvoyée à la commission judiciaire pour qu'il y ait un travail en profondeur avec des partenaires comme un centre de consultation LAVI, service d'aide aux victimes, parce que, très souvent, les jeunes femmes qui se trouvent séquestrées dans des appartements à Genève - j'en rencontre tous les jours dans mon cadre professionnel - sont victimes de la traite des êtres humains, et ce commerce épouvantable devient extrêmement florissant dans notre canton.

C'est pourquoi le parti démocrate-chrétien est particulièrement sensible à ce texte et souhaite le renvoyer à la commission judiciaire et de police.

M. Christian Luscher (L). Je serais tout à fait prêt ce soir à signer une proposition de motion visant à éviter d'enfoncer des portes ouvertes, parce que c'est un peu ce que nous propose ce texte. Il n'y a qu'à lire son titre: il s'agit d'une proposition de motion pour des mesures interdisant toute forme de prostitution forcée. Mais la prostitution forcée, Mesdames et Messieurs, elle est déjà interdite depuis fort longtemps ! Il ne faut pas confondre la prostitution ordinaire, qui est une activité lucrative tout à fait autorisée, et la prostitution forcée qui, elle, est réprimée, notamment par le code pénal.

De plus, pour essayer de faire un peu mousser cette proposition de motion, on énonce plusieurs faits, mais force est d'admettre qu'il y a une certaine indigence dans cette présentation. Parce qu'il est écrit: «Pourtant, des cas d'abus existent...», «On sait qu'un certain nombre de ces personnes arrivent sur le marché du sexe de manière furtive...», mais il n'y a pas la moindre référence ! On n'est même pas allé demander à la police, à la brigade des moeurs quelles étaient les statistiques en la matière ! Il n'y a strictement aucun support à propos des faits qui nous sont rapportés, et pour cause, puisque, dans leur ensemble, ils sont totalement faux.

Quelle est la réalité ? La réalité, c'est que les milieux des cabarets et de la prostitution sont vraisemblablement les plus surveillés et les plus scrutés par la police dans notre république. Toutes les danseuses sont contrôlées, elles ont toutes des permis; les prostituées sont fichées et répertoriées, en général, d'ailleurs, pour leur propre sécurité, et elles sont encouragées à aller s'annoncer en tant que telles, précisément pour pouvoir bénéficier, en cas d'agression, de la protection de la police. En outre, le code pénal réprime déjà tous les actes qui peuvent être commis à l'encontre des prostituées. Si elles sont victimes d'un maquereau, ce même code fera en sorte que cette personne-là, ce souteneur, soit condamné, et c'est tout à fait juste ! Si elles sont - pour reprendre les termes de votre texte - violées ou si elles font l'objet de menaces, de contraintes ou de lésions corporelles, le code pénal prévoit déjà toutes sortes de mesures de protection.

Vous demandez aussi à ce que la LAVI soit appliquée, mais on n'a pas besoin de votre proposition de motion pour qu'elle le soit ! Cette loi est déjà appliquée à Genève, et de façon tout à fait satisfaisante.

Bref, cet objet est totalement inutile, et je dirai même que, d'une certaine façon, ce genre de propositions polluent notre ordre du jour, parce qu'elles ne peuvent mener strictement à rien ! Et il ne sert à rien non plus de renvoyer ce genre de textes en commission judiciaire, parce que tout ce qu'on pourra y constater, c'est que les mesures que vous préconisez existent déjà ! Elles relèvent du droit fédéral ou cantonal, l'arsenal est déjà complet, donc ne perdons pas notre temps avec ce genre de motions.

Une fois encore, il ne s'agit pas du tout de dire que la prostitution forcée doit être acceptée, elle ne l'est pas, et, en conséquence, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, sur la base du constat que ce domaine-là est déjà entièrement régi par la loi, de rejeter cette proposition de motion.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, je soutiendrai le renvoi de cette proposition de motion en commission judiciaire et de police pour la raison suivante: il est clair que le problème de la prostitution ne date pas d'aujourd'hui - nous disons même que c'est le plus vieux métier du monde; il est inutile de lire les articles dans la presse, tout le monde en parle un peu partout, mais personne n'agit vraiment ! J'aimerais que les invites qui figurent dans ce texte soient revues en profondeur. Surtout, je souhaiterais qu'on ne s'arrête pas à l'organisation de l'Eurofoot, mais qu'on voie bien au-delà de cet événement.

On est obligé d'admettre que la prostitution forcée existe et que, malgré l'application de la LAVI et les lois prévues, force est de constater malheureusement que toutes les victimes n'ont pas la possibilité d'aller déposer plainte. Et encore faudrait-il qu'on les croie.

On parle également de la police... Aujourd'hui, tout ce qu'elle fait est relaté dans les journaux, on ne la soutient absolument pas et on lui enlève même des prérogatives jour après jour. J'aimerais donc que, là aussi, des solutions soient trouvées, de façon que tout le monde puisse faire son travail dans les meilleures conditions, pour pouvoir assurer la sécurité des victimes. Il faudrait aussi donner des prérogatives aux inspecteurs et aux policiers pour qu'ils puissent vraiment agir, et la justice aussi.

Pour ces raisons, je vous engage à renvoyer cette proposition de motion en commission.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Après tout ce que j'ai entendu, je souhaite relever quelques éléments. Il y a quelques années encore, le travail de la police au niveau des contrôles et du fichage représentait une possibilité d'aide et de suivi des péripatéticiennes et était satisfaisant à Genève. Mais il y a eu une évolution dans ce milieu-là, quoi qu'on en dise, et je remercie Mme Von Arx-Vernon de l'avoir relevé.

Ce que l'on voit soit aux Pâquis, soit dans certaines rues, c'est la tradition. Mais il y a aussi internet, les cabarets et les appartements au noir, et c'est pourquoi nous devons, en tant que pouvoir législatif, réfléchir à l'adaptation des outils se trouvant à disposition de la police, des travailleurs sociaux et de la LAVI, cela afin d'acquérir la souplesse nécessaire pour aider ces femmes et peut-être aussi ces hommes.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. La prostitution en tant que telle, comme vous l'avez rappelé, est évidemment licite. A l'inverse, la prostitution forcée, la traite des êtres humains, est un crime, et un crime grave. Par conséquent, la brigade des moeurs - le cas échéant, la gendarmerie - est extrêmement présente pour surveiller tout ce qui peut se passer dans le monde du sexe.

L'action de la police est à ce jour tout à fait efficace, puisque, contrairement à ce qu'on peut voir dans un certain nombre d'endroits, nous n'avons pas de réseaux mafieux, russes ou d'ailleurs, qui contrôlent le milieu nocturne.

En revanche, nous avons, il est vrai, des inquiétudes que cela puisse se produire, dès lors qu'il y a manifestement une augmentation du nombre de femmes venant de différents pays et qui se livrent à la prostitution occasionnelle ou professionnelle. Le risque existe donc, il faut être extrêmement attentif à cela, et vous n'imaginez évidemment pas un ministre de la police refuser une invite qui lui offre des moyens supplémentaires pour lutter contre le crime ! Pour ma part, en tout cas, je l'accepte très volontiers.

Je ne dis pas qu'à Genève il n'y ait rien qui soit illégal dans le monde de la nuit et du sexe, mais on n'est pas dans cette description un peu apocalyptique qui a été faite. De plus, le fait qu'un certain nombre de femmes exploitées aient de la peine à quitter la prostitution ne tient pas forcément tellement à l'action de la police mais aux difficultés objectives qu'il y a à s'en sortir, malgré l'excellent travail d'Aspasie et d'autres associations.

Mesdames et Messieurs les députés, le sujet est donc délicat et compliqué, mais, par rapport à d'autres situations de délinquance à Genève, il n'est de loin pas celui qui est le moins sous contrôle ! Dans le sens où, si nous pouvions avoir autant de succès dans la lutte contre la drogue que dans celle contre la prostitution forcée, j'en serais très heureux. Nous n'en sommes pas là, malheureusement.

Cela pour dire que nous prenons cette question au sérieux et que tout ce qui peut être fait pour améliorer la situation doit l'être ! Parce que la traite d'êtres humains est l'un des crimes les plus graves possibles. J'ajouterai que plus de moyens encore seraient fort bienvenus, mais qu'aujourd'hui, dans ce domaine-là, la police assure les tâches qui sont les siennes.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1727 à la commission judiciaire et de la police recueille 35 oui, 35 non et 3 abstentions.

La présidente. Je dois donc trancher: je vote oui.

La proposition de motion 1727 est donc renvoyée à la commission judiciaire et de la police par 36 oui contre 35 non et 3 abstentions.