Séance du jeudi 14 juin 2007 à 20h30
56e législature - 2e année - 9e session - 42e séance

R 530
Proposition de résolution de Mmes et MM. Gabriel Barrillier, Françoise Schenk-Gottret, Michèle Ducret, Michel Ducret, Jacques Follonier, Hugues Hiltpold, Frédéric Hohl, Jean-Marc Odier, Louis Serex, Marie-Françoise de Tassigny, Eric Ischi, Olivier Wasmer, Philippe Guénat, Eric Bertinat, Yves Nidegger, Loly Bolay, Michel Forni, Guy Mettan, Véronique Pürro, Henry Rappaz, Béatrice Hirsch-Aellen, Alain Etienne, Roger Golay, Eric Stauffer, Maurice Clairet, Sébastien Brunny, Thierry Cerutti, André Reymond, Pierre Weiss, Laurence Fehlmann Rielle, Alain Charbonnier, René Stalder, Marcel Borloz, Edouard Cuendet, Ariane Reverdin, Jean-Michel Gros, Christian Luscher, René Desbaillets, Francis Walpen, Christophe Berdat, Fabienne Gautier, Christophe Aumeunier, Alain Meylan, Ivan Slatkine, Daniel Zaugg, Emilie Flamand, Brigitte Schneider-Bidaux, Ariane Wisard-Blum, Sylvia Leuenberger, Michèle Künzler, Pierre Losio, Catherine Baud, Jean Rossiaud, Damien Sidler, Anne Mahrer, Christian Bavarel, Esther Alder, Anne-Marie von Arx-Vernon et Elisabeth Chatelain relative à la participation du Grand Conseil à l'approbation du projet d'agglomération franco-valdo-genevois

Débat

La présidente. Nous sommes à la première urgence que nous avons acceptée à 17h. Je vous rappelle que le temps de parole est de trois minutes par groupe.

M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur est interpellé.) Ce n'est pas un point de l'ordre du jour, c'est une urgence ! Il s'agit de la résolution 530, un ajout urgent.

La présidente. Je vous rappelle que nous avons voté un ajout et une urgence pour cette résolution 530.

M. Gabriel Barrillier. Madame la présidente, chers collègues, nous sommes tous engagés depuis quelques années dans un processus - fort compliqué, mais tout à fait intéressant - qui doit aboutir cette année à la promulgation et la présentation d'un projet d'agglomération franco-valdo-genevoise.

Plusieurs d'entre nous ont été associés, depuis 2003 ou 2004, à des assises, à des séances, à des réunions qui se sont déroulées le soir, soit dans le canton de Vaud, soit à Genève, soit en France voisine. Ce projet a été préparé par des techniciens et il est chapeauté par le CRFG (Comité régional franco-genevois). Il y a une structure dont M. Cramer pourra sans doute nous rappeler le fonctionnement tout à l'heure. Je m'empresse de dire que ce processus était fort intéressant; il a été large et il y a eu des consultations. Une séance a encore eu lieu ce matin à Annemasse. Elle coïncidait avec une séance de la commission de l'économie, où votre collègue M. Longchamp et moi-même étions présents. On a pu mesurer - je le dis ici, c'est de l'actualité - un certain défaut d'information. Vous savez, il n'est pas facile en France voisine de discerner qui fait quoi ! Mais, enfin, on a pu constater qu'il y avait un déficit de légitimité, un déficit démocratique.

Je m'adresse ici au Conseil d'Etat in corpore. Nous sommes plusieurs députés dans cet hémicycle à avoir participé à ce processus et, suite à toutes ces séances, nous nous sommes dit qu'il fallait d'une façon ou d'une autre y associer mieux le législatif - le Grand Conseil. Cela permettra de renforcer la légitimité de cette consultation, pour que nous ayons plus de poids à Berne lorsqu'on présentera ce projet, avec les conséquences que cela aura en matière de subventionnement. Encore une fois, ce n'est pas une critique, ce n'est pas une défiance à l'égard d'un processus patient et complet qui est mené, avec les techniciens, avec les élus, mais nous voulons maintenant - pour avoir plus de chances d'obtenir gain de cause à Berne - que le résultat de toute cette procédure, cette patiente négociation, soit présenté au Grand Conseil officiellement lors d'une de ses séances...

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député.

M. Gabriel Barrillier. ...C'est la raison pour laquelle nos groupes, tous nos groupes, ont signé cette résolution demandant au Conseil d'Etat de présenter les résultats de ces travaux, qu'il puisse nous permettre, soit de les approuver, soit tout au moins d'en prendre acte. Il s'agit donc d'une demande qui est positive et qui vise à renforcer la position de Genève à Berne.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Si l'on parle des institutions et de leur fonctionnement démocratique, je pense qu'il faut aussi ce soir parler de la société civile. En effet, c'est à travers la Coordination économique et sociale transfrontalière (CEST) et le Conseil du Léman, groupements auxquels j'appartiens depuis longtemps, que j'ai appris que c'est en intervenant le plus en amont possible que l'on peut interférer dans un projet. C'est le travail du monde associatif, cela s'appelle du lobbying, selon un mot barbare complètement intégré. Dans le cas du projet d'agglomération, le monde associatif s'est investi depuis un certain temps lors de séances avec les chefs de projets suisses et français.

Ce même monde associatif constate que la démocratie participative reste à inventer à l'échelle de l'agglomération et elle devrait se situer au coeur du projet. Le Comité régional franco-genevois pourrait jouer ce rôle, mais seulement s'il est réformé pour s'ouvrir à la population civile. Il y a donc déficit démocratique en ce qui concerne la société civile. Déficit démocratique aussi pour notre Grand Conseil, qui n'a jamais été saisi formellement du projet d'agglomération. C'est pourquoi le groupe socialiste vous invite à voter la résolution 530.

M. Guy Mettan (PDC). Il est peu coutumier qu'un démocrate-chrétien rende hommage à un radical, mais je vais le faire. En l'occurrence, j'aimerais rendre hommage à Paul Gilliand, fondateur et vieux militant de l'AGEDRI (Association franco-valdo-genevoise pour le développement des relations interrégionales). Comme vous le savez, cette association a lutté depuis le début pour le développement de la coopération interrégionale, notamment avec la France. Je crois que le résultat - la résolution de ce soir - est le fruit de ce travail mené depuis des décennies. Je tenais donc ici simplement à honorer la mémoire d'un pionnier. Pourquoi ? Parce qu'effectivement le projet qui nous a été soumis et qu'on a pu découvrir à Annemasse le 5 juin dernier est je crois assez exemplaire. Pour la manière ample dont on a considéré la région, depuis le canton de Vaud jusqu'à Annemasse et par le processus de consultation démocratique, intercantonal et finalement international qui a été mené.

Je crois donc que cette dynamique qui a été lancée doit être soutenue. Surtout qu'en participant aux ateliers qui ont été menés à Annemasse on a pu aussi prendre conscience, non pas des divergences, mais des éventuelles zones de tension potentielle qui pouvaient exister entre par exemple la France et Genève. Je ne citerai qu'un cas: les Français, notamment du Chablais, mais aussi du Pays de Gex, ont l'impression que leur région est devenue une sorte de ghetto résidentiel pour accueillir des personnes qui trouvent des emplois de valeur à Genève. A leurs yeux, Genève se réserve le beau rôle de bassin économique et de l'emploi, la France étant au fond condamnée à n'être qu'un lieu résidentiel.

C'est, je crois, ce type de perception un peu difficile qu'il faut résoudre par ce processus de consultation commun qui vient d'être initié. C'est pourquoi le parti démocrate-chrétien est très heureux d'approuver cette résolution.

M. Christophe Aumeunier (L). Je vais être bref, parce qu'il s'agit de se mettre au travail ! En effet, le projet d'agglomération n'a pas de force normative, comme vous le savez sans doute. Ce n'est pas par l'insertion d'une fiche au plan directeur cantonal, par le biais de la modification de ce plan directeur, uniquement sous l'égide du Conseil d'Etat, qu'il obtiendra une force normative.

Il y a un déficit de légitimité qui est ici patent. Voici deux ans que des séances et des forums sont prévus avec des élus, des élus français notamment. Je pense que les discussions ont été relativement peu cadrées, qu'elles ont été peu structurées, mais qu'elles ont été très fructueuses, permettant aux uns et aux autres de se connaître. Ce n'est pas rien que de se connaître, que d'échanger au sujet de nos vins ou des pommes. C'est important et cela nous fait du bien.

En définitive, ce matin, si les pommes venues de la France et produites en France étaient très bonnes, à Berne, cela ne fait pas grande impression pour l'obtention du fonds d'infrastructure. Cette impression date d'avant octobre 2006; la gestion du dossier était relative - relativement déficitaire, dirais-je même. Des questions de rigueur se posent, de même que des questions de célérité. Nous avons aujourd'hui la surprise extrêmement désagréable de nous retrouver au pied du mur, puisqu'en définitive nous devons d'ici la fin de l'année vendre à la Confédération un projet qui soit solide.

Quels sont les enjeux ? Je le disais tout à l'heure, les enjeux, c'est de mettre en route une collaboration avec les Français d'une part, et avec le canton de Vaud d'autre part, pour avoir une influence déterminante sur l'avenir de notre territoire. Toutefois, ce n'est pas un enjeu qui est urgent; l'enjeu urgent, c'est celui d'obtenir une participation du Fonds d'infrastructure ouvert par Berne qui sera distribué par tranches dès 2011.

Que demande Berne ? La Confédération demande deux choses: elle demande quelle est notre vision des choses en matière d'aménagement du territoire et nos besoins en matière d'infrastructures. Que fait-on ? On ouvre huit dossiers - huit chantiers ! Tout cela est très bien, mais on a quand même l'impression de s'y perdre et de ne pas traiter les questions que Berne souhaiterait voir traitées !

De fait, nous avons peu de lignes de force pour les deux points que nous devons effectivement mettre en avant. Nous avons peu de propositions et peu de densité dans ce projet que nous devons absolument présenter à Berne et qui doit convaincre.

Alors, comment convaincre, si nous-mêmes ne sommes pas convaincus ? Là se pose la question. Nous devons impérativement profiter de l'été pour consulter plus, pour faire en sorte que des compétences soient ajoutées aux deux points que je viens de mentionner en urgence, parce que ce sont ceux-là qui sont urgents et pas les autres !

En définitive, nous vous proposons de voter cette résolution, pour que le Grand Conseil prenne acte du projet d'agglomération au mois de septembre, lorsqu'il sera tout à fait convaincu et que ce projet sera digne d'être présenté à Berne.

M. Roger Golay (MCG). Bien entendu, nous avons signé cette résolution, nous allons donc la soutenir. Il nous paraît tout à fait légitime que nous puissions suivre les travaux du Conseil d'Etat avec nos voisins vaudois et français. Nous devons être associés à ces travaux et c'est pour cela que nous allons également soutenir cette résolution.

M. Eric Leyvraz (UDC). Le parlement est absent des décisions fondamentales concernant ce projet d'agglomération transfrontalière, si important pour notre canton. Le parlement doit avoir son mot à dire, ne pas se retrouver avec des projets ficelés auxquels il ne peut que dire oui. Cette nouvelle donne géographique doit être soutenue par le Conseil d'Etat et les représentants du peuple. Allons donc de l'avant tous ensemble et acceptons cette résolution !

La présidente. La parole est à M. le député Jean-Claude Ducrot à qui il reste 32 secondes.

M. Jean-Claude Ducrot (PDC). En tant qu'ancien magistrat de la commune de Meyrin, j'ai à coeur la participation de votre Conseil à ce projet d'agglomération, qui plus est notamment dans le secteur de l'aéroport, le rectangle d'or. Il est important que ce parlement soit impliqué dans l'ensemble des éléments de construction de cette région et il faut saluer le travail qui a été fait par M. Cramer, travail auquel les communes ont été associées...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Jean-Claude Ducrot. A un moment donné, je crois qu'il faut créer un élan, si on veut pouvoir travailler main dans la main, en matière d'aménagement du territoire, de transports et d'environnement.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Tout d'abord, je vous remercie de vous intéresser, enfin, à l'agglomération franco-valdo-genevoise ! Cela vient à point, parce que cela fait bientôt trois ans que nous organisons des séances de travail destinées aux élus. Parmi ces élus, on voit effectivement beaucoup de magistrats communaux, comme vous l'avez relevé, Monsieur Ducrot, ainsi que quelques députés parmi vous, dont Mme Schenk-Gottret et M. Barrillier, qui ont été fidèles. Pour le reste, ma foi, au niveau du Grand Conseil, ces travaux n'ont pas suscité un très grand intérêt. (Brouhaha.)

Il n'en a pas été de même avec la société civile. Récemment encore, les propositions du CEST et du Conseil lémanique pour l'environnement (CLE) ont été extrêmement fructueuses et ces groupements ont amené des contributions importantes.

Voici deux éléments pour répondre de façon précise à cette résolution. Le premier élément, c'est que je vous donne réellement rendez-vous le 4 septembre; une première reddition des travaux qui vont se poursuivre tout l'été sera destinée aux élus. Le deuxième élément, c'est que lorsque ces travaux seront terminés, lorsque nous aurons un rapport, ce rapport sera bien sûr communiqué au Grand Conseil, de sorte qu'on puisse ici ouvrir un débat.

Le dernier point que je veux relever concerne le déficit démocratique, parce qu'il s'agit d'une question essentielle. Tout ce que nous faisons actuellement n'a absolument aucune portée normative. C'est dire que si des propositions contenues dans ces documents, relatives au projet d'agglomération franco-valdo-genevoise, devaient se concrétiser, qu'il s'agisse de projets d'investissements ou de décisions en matière d'aménagement du territoire, il va de soi que toutes ces décisions vous seront soumises en temps utile. Nous sommes dans un processus qui est éminemment évolutif. Le rapport que nous devons donner à Berne à la fin de l'année en marquera une étape, mais le travail d'approfondissement va se poursuivre durant toute l'année prochaine et je me réjouis réellement, au-delà des quelques propos polémiques que j'ai pu tenir, que nous puissions faire ce travail ensemble. Cela revient à dire que le Conseil d'Etat se réjouit que vous votiez cette résolution.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Madame la députée Véronique Pürro, vous vouliez prendre la parole ? Je vous la donne.

Mme Véronique Pürro (S). Merci, Madame la présidente. C'est vrai qu'il n'est pas coutume de prendre la parole après le conseiller d'Etat, mais, suite à ce que je viens d'entendre, je souhaite quand même réagir. Parce que vous laissez entendre que nous ne nous intéressons pas au processus, Monsieur le conseiller d'Etat. J'aimerais m'inscrire en faux et j'aimerais aussi vous rappeler notre réalité, ou la réalité de la plupart d'entre nous qui travaillons durant la journée et qui ne pouvons pas comme ça, une semaine à l'avance, parce que nous recevons une convocation, organiser notre temps de travail pour être là une journée ou une demi-journée. Oui, nous avons envie de nous y intéresser, oui nous avons envie de participer à ce processus, comme vous l'appelez. Le timing est très serré puisque d'ici la fin de l'année il va falloir déposer un projet.

Nous avons bien enregistré ce soir que la prochaine séance aura lieu le 4 septembre. Dans la mesure où nous ne sommes saisis de rien formellement et au vu de nos conditions de travail, si on continue comme ça, je crains malheureusement qu'on ne va pas forcément participer beaucoup à votre processus, étant donné notre manque de disponibilité et le fait que vous nous avertissez maintenant. Nous le regrettons beaucoup et ne croyez pas que nous ne nous intéressons pas à cela, s'il vous plaît. Je crois qu'on ne peut pas ne pas s'y intéresser, parce que c'est passionnant ! Comptez donc aussi un peu avec nos contraintes professionnelles et de temps, prévoyez peut-être des séances en soirée ou éventuellement pendant le week-end. En politique, nous sommes habitués à consacrer quelques week-ends à nos engagements. Prenez donc en compte ces contraintes !

J'aimerais encore vous dire, Monsieur Cramer, que j'ai assisté lundi à votre séance, mais l'exercice était extrêmement frustrant. Je crois que tous ceux qui étaient là partagent ce point de vue parce que votre présentation très intéressante, qui a duré deux heures, ne nous a laissé qu'une heure de temps pour le travail en atelier, pour aborder quelque chose comme cinq problématiques extrêmement intéressantes et denses. Je crois que ce n'était pas sérieux, comme travail.

Si vous voulez vraiment recueillir notre avis, donnez-vous en le temps et donnez-nous du temps. (Applaudissements.)

Mise aux voix, la résolution 530 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 70 oui et 2 abstentions.

Résolution 530